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This document is a study guide on French civil procedure, outlining different types of claims, their conditions, and effects. It covers initial claims, incidental claims, and relevant regulations.

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Une seconde distinction repose sur l importance d une demande dans l argumentation de son auteur On distingue à ce titre : La demande principale, qui exprime la prétention la plus importante du demandeur, celle qui constitue la raison d'être de son action. Les demandes accessoires ou annexes, demand...

Une seconde distinction repose sur l importance d une demande dans l argumentation de son auteur On distingue à ce titre : La demande principale, qui exprime la prétention la plus importante du demandeur, celle qui constitue la raison d'être de son action. Les demandes accessoires ou annexes, demandes secondaires qui s'ajoutent à la demande principale : en plus de sa prétention principale, le demandeur sollicite, par exemple, la condamnation de l'adversaire aux dépens, ou l'exécution provisoire de la décision. Les demandes subsidiaires, qui sont celles présentées pour le cas où le juge ne ferait pas droit aux demandes principales. L utilité de cette distinction est qu il existe une hiérarchie entre ces demandes, laquelle s'impose au juge (art. 5 CPC) : il doit examiner d'abord les demandes principales et ne peut se prononcer sur les demandes subsidiaires que s'il a rejeté la demande principale (Ass. Plén., 29 mai 2009, n°07-20913) ; logiquement il ne peut pas accueillir une demande accessoire s il a rejeté la demande principale à laquelle elle se rattache. La dernière distinction repose sur le stade d’avancée de l’instance. Cette distinction étant particulièrement importante il faut s y attarder davantage Elle oppose la demande initiale (I), contenue dans l'acte introductif d'instance, et les demandes incidentes (II), qui sont formées en cours d'instance. I. Les conditions pour former une demande initiale La demande initiale est définie à l'article 53 CPC : c'est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative du procès en soumettant au juge une ou plusieurs prétentions. Elle initie la création du lien d'instance entre le juge et les parties Depuis la réforme initiée par la loi du mars il n existe plus que trois modalités40 de demandes initiales (art. 54 CPC) : L assignation ; La requête unilatérale ; La requête conjointe au greffe de la juridiction. Toute demande initiale doit, à peine de nullité (pour vice de forme), comporter les mentions prévues par l’article CPC : L indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ; L objet de la demande ; L identité du ou des demandeur s : o Pour les personnes physiques : leurs noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance. o Pour les personnes morales : leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement. Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ; Lorsque la demande doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, la mention des diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative. 40 Cette réduction de la liste des demandes initiales semble n avoir été pensée que pour la saisine d une juridiction de premier degré ce qui pourrait être problématique En effet l article CPC continue à disposer de façon classique que l appel est formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe La référence à un acte désormais inexistant, la déclaration unilatérale, est donc maintenue. Cependant, dès lors que pour préciser les mentions devant figurer à peine de nullité dans la déclaration d appel l article CPC renvoie désormais à l article 57 CPC relatif aux requêtes, on peut penser que la déclaration unilatérale doit être assimilée à la requête unilatérale, ainsi que le faisait l ancien article CPC Objectif Barreau Procédure civile 2023 39 Si la demande initiale est une assignation, elle doit comporter en plus, à peine de nullité de forme : Les mentions communes à tous les actes de commissaire de justice (arts. 648 s. CPC), puisque l assignation se définit comme une citation à comparaître en justice délivrée par le demandeur à son adversaire (art. 55 CPC). Certaines de ces mentions font doublon avec celles exigées par l article CPC identité du demandeur d autres lui sont spécifiques (par ex., certaines informations sur l identité du défendeur En tant qu acte de commissaire de justice, l assignation devra forcément être délivrée conformément aux règles de signification des actes de procédure (art. 651 al. 2 CPC ; cf. supra). Les mentions prévues par l article CPC41, à savoir42 : o Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ; o Un exposé des moyens en fait et en droit ; o La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé43. o L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. Si la demande initiale est une requête unilatérale (ce qui veut dire que le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire n en ait été préalablement informé), elle doit comporter en plus, à peine de nullité de forme (art. 57 CPC) : L identité du défendeur : o Pour les personnes physiques : l indication des noms, prénoms et domicile. o Pour les personnes morales l indication de sa dénomination et de son siège social. L indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ; Si la demande initiale est une requête conjointe, elle doit comporter en plus : À peine de nullité de forme, l indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée (art. 57 al. 2 CPC). Les prétentions respectives des parties, leurs moyens de droit et de fait ainsi que les points sur lesquels elles sont en désaccord Mais l article CPC n attache pas de sanction particulière au défaut de ces mentions. II. Les conditions pour former une demande incidente Les demandes incidentes sont formées en cours d'instance et viennent se greffer sur la demande initiale. Elles constituent dès lors un tempérament (exprès) au principe selon lequel l'objet de l'instance est déterminé par les prétentions respectives des parties contenues dans l'acte introductif d'instance et dans les conclusions en défense (article 4 CPC). L'article 63 CPC distingue trois types de demandes incidentes : La demande reconventionnelle (article 64 CPC) est la demande par laquelle le défendeur initial prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention adverse. Le défendeur devient ainsi lui aussi demandeur à l'instance. La distinction entre défense au fond et demande reconventionnelle est parfois malaisée mais elle est importante puisque le régime procédural n est pas le même (voir plus 41 Attention si l assignation est délivrée devant le TJ statuant en procédure écrite ordinaire alors jusqu au er juillet 2021 les mentions obligatoires sont celles d une ancienne rédaction de l article CPC 42 Si l on applique à la nouvelle rédaction de l article CPC la logique de la jurisprudence rendue sous l empire de son ancienne rédaction (Cass. 2ème civ. 3 avril 2003, n°00-22066) alors la syntaxe du texte conduit à considérer que la mention relative à la chambre désignée n est pas, pour sa part, exigée à peine de nullité. 43 Attention à ce stade les pièces n ont pas encore été communiquées Le bordereau récapitulatif des pièces BRP vise les pièces dont le demandeur entend se servir, mais la communication effective de ces pièces a le plus souvent lieu plus tard, lors de la phase de mise en état, et donne alors lieu à la rédaction d un bordereau de communication de pièces BCP Le défendeur communique pour sa part ses pièces avec ses conclusions également par le biais d un BCP en principe). Objectif Barreau Procédure civile 2023 40 loin, les défenses au fond). On notera que, abandonnant l adage reconvention sur reconvention ne vaut », la Cour de cassation a permis au demandeur initial, devenu défendeur à la demande reconventionnelle du défendeur initial, de formuler à son tour une demande reconventionnelle (Cass. 1ère civ., 10 janvier 2013, n°10-28735). La demande additionnelle est la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures, ou ajoute une prétention nouvelle à ses prétentions antérieures. La demande en intervention principale a pour objet de rendre un tiers à l'instance initiale partie au procès. L'idée est que le litige intéresse plusieurs personnes, mais que certaines n'ont pas été attraites à l'instance. L'intervention du tiers peut être sollicitée par les parties (intervention forcée), ou être initiée spontanément par le tiers lui-même (intervention spontanée, dite encore volontaire). Il ne faut pas la confondre avec la demande en intervention accessoire, dans laquelle le tiers ne devient pas partie mais se contente de soutenir les prétentions d une des parties à l instance Le régime des demandes reconventionnelles et additionnelles est régi par les articles 67 à 70 CPC (A). Le régime des demandes en intervention, appréhendé par le code de façon complexe, quoique parfois redondante, mérite d être présenté à part B). A. Le régime des demandes reconventionnelles et additionnelles La demande reconventionnelle ou additionnelle est soumise à plusieurs conditions de recevabilité : Comme toute demande, elle n est recevable que si son auteur a le droit de la soumettre au juge (intérêt et/ou qualité à agir, mais aussi toute autre condition de recevabilité classique, telle que la prescription ou l autorité de chose jugée En outre, comme elle élargit l objet initial du litige art CPC la demande reconventionnelle ou additionnelle n est recevable qu'à condition qu'elle présente un lien suffisant avec la demande initiale (articles 70 et 325 CPC ; cette notion a le même sens que celle de « lien de connexité figurant à l article 101 CPC L article al CPC apporte toutefois une exception à cette règle lorsque la demande incidente est une demande en compensation (au sens du droit des obligations). On sera vigilant au fait que les demandes additionnelles et reconventionnelles sont susceptibles de soumettre au juge des prétentions dont celui-ci n'aurait pu connaître si elles lui avaient été présentées au moment de l introduction de l instance Lorsque c est le cas il faudra vérifier si cet élargissement de la compétence du juge est permis ou s il donnera lieu à un incident qu il faudra régler (cf. infra, la détermination des règles de compétence). Dans le même ordre d idée ces demandes sont susceptibles de modifier le cadre procédural et/ou de rendre la représentation obligatoire alors qu elle ne l était pas initialement art CPC Enfin, les demandes additionnelles et reconventionnelles sont soumises à certaines conditions de formes (art. 68 CPC) : En principe, elles sont présentées sous la forme de conclusions, dont le formalisme dépend de la juridiction devant laquelle est portée le litige, ainsi que du caractère écrit ou oral de la procédure (cf. infra, thème 2). Mais lorsqu une demande incidente est formée contre une partie non comparante, alors elle doit être formée comme si elle était une demande initiale : « dans les formes prévues pour l introduction de l instance ». En appel, l introduction de l instance se faisant normalement par voie de déclaration unilatérale, il est dérogé à cette règle : les demandes incidentes en appel sont formées par voie d assignation Objectif Barreau Procédure civile 2023 41 B. Le régime des demandes en interventions On distingue habituellement l intervention volontaire (2) et l intervention forcée 3), mais elles présentent certaines caractéristiques communes (1). 1) Les règles communes à toutes les interventions L intervention est une demande incidente « dont l objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires » (art. 66 CPC). À strictement parler, les cas où un tiers rejoint le procès pour représenter une partie déjà présente (par ex tuteur d un majeur incapable mis en cause par l adversaire de celui-ci), ne devraient donc pas être appelés « intervention » : le tiers en question ne devient pas alors partie au procès et ne sera pas concerné par le jugement. Il en va de même lorsque le ministère public « intervient » pour donner son avis sur un dossier en tant que « partie jointe il n est pas une partie principale à la procédure Comme toute demande incidente la demande d intervention prétentions des parties par un lien suffisant » (art. 325 CPC). n est recevable que si elle se rattache aux Devant le juge de premier degré, elle est recevable en tout état de cause, sauf devant le TJ où l intervention forcée doit impérativement avoir lieu avant la clôture de l instruction l intervention volontaire pouvant pour sa part avoir lieu jusqu à l ouverture des débats (art. 783 CPC). Néanmoins si l intervention tardive risque de retarder à l excès le jugement le juge procède à une disjonction d instance et statue d abord sur la cause principale puis sur l intervention art CPC Le tribunal originairement saisi reste territorialement compétent pour statuer sur l intervention sans que le tiers appelé (intervention forcée) ou une partie originaire (intervention volontaire) ne puisse contester sa compétence, même en invoquant une clause contractuelle attributive de compétence territoriale (art. 333 CPC). En revanche l intervention doit rentrer dans la compétence d attribution du tribunal pour que celui-ci puisse en connaître, sauf si une prorogation de cette compétence est permise par la loi (cf. supra). Les clauses compromissoires peuvent en revanche être opposées à la demande d intervention (Cass. com., 8 novembre 1982, n°80-13175). 2) L intervention volontaire Elle est présentée sous la forme de conclusions (art. 68 al. 1 CPC), dont le formalisme dépend de la juridiction devant laquelle est portée le litige, ainsi que du caractère écrit ou oral de la procédure. Elle peut être principale (a) ou accessoire (b). a) L intervention volontaire principale Art. 329 CPC : elle « élève une prétention au profit de celui qui la forme ». Cette prétention peut porter sur un droit différent du demandeur originaire (par exemple, la victime d un dommage intervient au procès opposant déjà une autre victime à l auteur du fait générateur de ce dommage) ou sur le même droit, et lui faire alors concurrence (par exemple, deux personnes se disputent la propriété d un bien et une troisième intervient pour soutenir que c est à elle que ledit bien appartient). Comme toute personne qui soumet une prétention au juge, le tiers doit alors être titulaire du droit d’agir en justice ce qui suppose qu il ait intérêt et ou qualité (cf. supra). La prétention du tiers lui étant propre, elle crée un lien d’instance autonome entre lui et le défendeur à la prétention qu il élève Par conséquent le désistement l acquiescement ou la transaction entre les parties originaires n affecte pas la demande formée dans le cadre de l intervention De même l irrecevabilité de la demande initiale est sans incidence sur la recevabilité de la demande en intervention principale du tiers (pour un exemple récent : Cass. 3ème civ., 16 mai 2019, n°17-24474). Objectif Barreau Procédure civile 2023 42 b) L intervention volontaire accessoire Art. 330 CPC : elle « a ie le é en i n d ne a ie Le tiers n émet ici aucune prétention le concernant : il intervient pour soutenir les prétentions d une partie originaire Mais cette disposition indique que le tiers doit là encore avoir un intérêt à agir. Pour un particulier, l intervention volontaire accessoire implique donc que le litige entre les parties originaires soit susceptible d avoir des répercussions sur ses propres droits l article précise qu il doit avoir intérêt à la conservation de ses droits En ce qui concerne les personnes morales il a été admis qu une association puisse former une telle demande d intervention pour défendre les intérêts collectifs qu elle représente ceci étant la Cour de cassation a également jugé qu une association de défense de l enfance n avait pas en raison de ce seul intérêt collectif intérêt légitime à intervenir dans une procédure d adoption au sein d un couple homosexuel (cf. supra, Cass. 1ère civ., 16 mars 2016, n°1510577). N ayant pas de prétention propre le tiers n est pas vraiment une partie et plus vraiment un tiers Ainsi il peut proposer des moyens nouveaux au profit de la prétention de la partie qu il soutient mais le désistement44 l acquiescement ou la transaction (qui sont des incidents d’instance, sur lequel cf. infra) s impose à lui Il ne peut exercer aucune voie de recours45. Mais il peut se désister unilatéralement de son intervention. 3) L intervention forcée Elle doit être présentée « dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance » (art. 68 al. 2 CPC), donc comme si elle était une demande initiale. Toutefois, en appel l introduction de l instance se faisant normalement par voie de déclaration unilatérale, il est dérogé à cette règle les demandes d intervention forcées en appel lorsqu elles sont recevables sont formées par voie d assignation. Encore appelée « mise en cause » ou « appel en cause la demande d intervention forcée est régie par les articles 331 à 338 CPC qui distinguent l intervention forcée aux fins de condamnation (a) et l intervention forcée aux fins de jugement commun (b). a) L intervention forcée aux fins de condamnation En matière contentieuse, le juge peut inviter les parties à mettre en cause un tiers dont la présence lui paraît nécessaire à l issue du litige ; en matière gracieuse, il peut ordonner cette mise en cause (art. 332 CPC). Si la mise en cause est demandée par une partie l article CPC indique qu elle n est possible que si cette partie avait pu agir à titre principal contre le tiers (ce dernier doit jouir du droit d action et la partie originaire doit le cas échéant, avoir qualité à agir contre lui). Le tiers doit être appelé « en temps utile pour faire valoir sa défense » (art. 331 al. 3), ce qui importe surtout lorsque le litige donne lieu à des mesures d instruction (cf. infra). En pratique, la partie originaire peut être le demandeur, qui se rendrait compte que le défendeur originaire n est pas la seule personne dont la responsabilité pourrait être engagée à son profit ou pas la bonne Ce peut aussi être le défendeur, qui appelle alors un tiers en garantie (sa caution, son assureur, son propre vendeur etc On notera qu il s agit alors d un cas potentiel de sursis à statuer art CPC En cas d’appel en garantie, celle-ci est dite simple si celui qui appelle le tiers en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé, elle est dite formelle si celui qui appelle le tiers en garantie est seulement le détenteur d un bien art. 334 CPC). Dans l appel en garantie simple la partie qui appelle en garantie demeure partie principale (art. 335 CPC). 44 Pour une illustration, cf. Cass. 2ème civ, 6 septembre 2018, n°17-17123. si la partie dont les prétentions ont été appuyées forme un recours l intervenant accessoire peut continuer à soutenir cette partie devant la juridiction de recours (Cass. 1ère civ. 13 janvier 2016, n°14-29843). 45 Mais Objectif Barreau Procédure civile 2023 43 Dans l appel en garantie formelle art CPC la partie qui appelle en garantie n étant pas personnellement obligée, elle peut demander à être mise hors de cause, le garant lui étant substitué comme partie principale par ex action d un tiers en éviction de l acquéreur d un bien ce dernier appelle son vendeur en garantie). Mais la partie originaire ainsi mise hors de cause peut vouloir rester dans le procès en tant que tiers intervenant pour la conservation de ses droits (elle doit alors former une demande d intervention volontaire accessoire comme vu plus haut ; elle peut aussi y être contrainte à la demande de l autre partie originaire qui elle-même souhaiterait conserver ses propres droits il s oppose alors à la mise hors de cause pour reprendre l exemple précédent le tiers estime que l acquéreur évincé a dégradé le bien pendant sa détention Le jugement rendu contre le garant formel au sens de l article peut être mis à exécution contre le défendeur originaire ayant appelé le tiers en garantie à la seule condition qu il ait été notifié art CPC). En effet, le défendeur originaire étant, par hypothèse, simple détenteur du bien, il a pu appeler le tiers en garantie formelle mais c est entre ses mains que le demandeur originaire devra le cas échéant récupérer ledit bien. b) L intervention forcée aux fins de jugement commun L’objectif n est pas ici de faire condamner le tiers mais d’obtenir un jugement dont les énonciations l établissement des faits et leur qualification feront effet à l’égard du tiers Il s agit donc de remédier par une action déclaratoire au caractère relatif de l autorité de chose jugée (cf. infra) et d éviter en même temps que le tiers ne fasse ensuite tierce opposition contre un jugement qui affecterait ses propres intérêts (ex. : action en expulsion du locataire qui ne paie plus ses loyers « et de tous les occupants de son chef », cf. volume n°2, les procédures civiles d’exécution). Les règles des articles à CPC sont également applicables à l intervention forcée aux fins de jugement commun Le tiers devenant pleinement partie au litige il n est pas affecté par le désistement la transaction et l acquiescement entre les parties originaires, et peut exercer toutes les voies de recours ouvertes contre le jugement. SECTION 2 : LES EFFETS DE LA DEMANDE EN JUSTICE Il faut distinguer entre les effets de la demande à l égard des parties I) et du juge (II). I. Les effets de la demande à l’égard des parties Toute demande, initiale comme incidente, entraîne l'interruption de la prescription « jusqu’à l’extinction de l’instance »46 (articles 2241 et 2242 C. civ.). Cet effet interruptif joue même si la demande est déposée devant une juridiction incompétente, et même si elle est nulle (mais pas si la demande est déclarée caduque ou irrecevable, rejetée au fond, ou en cas de péremption ou de désistement de l'instance, art. 2243 C. civ. 47). Si en principe l effet interruptif ne peut s étendre d une action à une autre il en va autrement lorsque les demandes bien qu ayant une cause distincte tendent aux mêmes fins de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première48. 46 Il est ainsi jugé, de façon constante que l effet interruptif court à compter de l assignation en justice et dure jusqu à ce que le litige trouve sa solution ce qui inclut l’instance d’appel, Cass. 1ère civ., 3 février 1998, n°95-20844) du moins dès lors qu il n existe aucune circonstance permettant de regarder l interruption comme non avenue (Cass. 1ère civ., 24 juin 1997, n°95-15273). 47 Si l article C civ prévoit expressément la perte de l effet interruptif en cas de désistement d instance de péremption d instance ou de rejet des prétentions c est la jurisprudence qui décide que la même conséquence est attachée à la décision qui prononce la caducité (Ass. Plén., 3 avril 1987, n°86-11 3 ; Cass. 2ème civ., 21 mars 2019, n°17-31502) ou l irrecevabilité (Cass. 1ère civ., 22 mai 2002, n°99-12222 ; Cass. 2ème civ., 21 mars 2019, n°17-00663) de la demande. 48 Voir Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-14736 à propos de l action en garantie engagée par le vendeur contre le fabricant en conséquence de l action en résolution de la vente intentée par l acquéreur contre le vendeur sur le fondement des vices cachés Ou encore Cass. 2ème civ., 6 février 2020, n°18-17868 à propos de l action en référé exercée par la victime d un dommage contre l assureur du responsable afin d obtenir communication du contrat d assurance et qui interrompt le délai de prescription de l action directe de la victime contre l assureur Objectif Barreau Procédure civile 2023 44 Encore faut-il que la demande émane de celui qui se prétend titulaire du droit lui-même et qu elle soit dirigée contre celui qu il s agit d empêcher de prescrire (v. par ex. Cass. 2ème civ., 27 octobre 2022, n°1925566). Attention également à la nature de l instance introduite par le demandeur : la Cour de cassation considère que, si l effet interruptif s attache aussi bien à une demande faite au juge du fond qu à une demande faite au juge des référés, en revanche, une requête étant jugée dans le cadre d une procédure non contradictoire, doit se voir dénier la qualification de « demande en justice » et ne peut donc se voir attacher aucun effet interruptif de prescription (Cass. 2ème civ., 14 janvier 2021, n°19-20316). De même, toute demande produit les effets substantiels de la demande en justice : mise en demeure (art. 1344 C. civ.), cours des intérêts moratoires (art. 1344-1 C. civ.), etc. La demande initiale crée entre les parties un lien d'instance, dont il découle des droits et des obligations purement procéduraux (cf. infra, thème 2). II. Les effets de la demande à l’égard du juge Ces effets sont régis par un principe directeur que l on appelle le principe dispositif » et diffèrent en fonction de la matière litigieuse c est-à-dire selon que l on envisage les rapports du juge à l objet des demandes dont il est saisi (A) ou aux moyens de fait (B) et de droit (C) qui les soutiennent. A. Le juge et l objet des demandes La demande impose au juge une obligation de juger les prétentions dont il est saisi, sous peine de déni de justice (art. 4 C. civ.). Attention, à cet égard, une assignation ne saisit la juridiction qu à compter de son placement au greffe de la juridiction saisie, lequel l'inscrira au rôle du tribunal 49. En outre, les articles 4 et 5 CPC imposent l’indisponibilité stricte du litige le juge ne peut pas modifier l objet des demandes dont il est saisi, fut-il confronté à un oubli grossier par l une des parties de demander un avantage auquel elle a droit. En premier lieu, ce principe implique que le juge doit respecter la hiérarchie des demandes. Il ne peut statuer sur les demandes subsidiaires qu après avoir rejeté les demandes principales et ne peut accorder ce qui est demandé à titre accessoire que s il a accordé ce qui était demandé à titre principal. En second lieu le juge a l interdiction de statuer infra et ultra petita : o L inf a petita consiste pour le juge à ne pas statuer sur l ensemble des prétentions qui lui ont été soumises. Il ne se prononce pas sur l objet du litige dans son entier En pratique cela recouvre l hypothèse d une demande principale assortie de très nombreuses demandes accessoires sur l une desquelles le juge oublierait de statuer o L l a petita correspond au contraire à un excès de zèle du juge qui s empare d une demande qui ne lui était pas soumise Excédant l objet de sa saisine il succombe à la tentation de statuer sur une prétention qui ne lui a pas été soumise mais qui aurait pu l être voire aurait logiquement dû l être en raison du lien qu elle entretient avec les demandes effectivement formulées par les parties Il en va ainsi lorsque le juge indemnise aussi le préjudice moral d un plaideur qui n avait sollicité que la réparation de son préjudice matériel ou encore lorsqu une cour d appel décide de condamner une partie mise hors de cause par le tribunal à tort selon la cour alors que cette partie n a pas été intimée par l appelant o S il est en principe interdit au juge de statuer infra ou ultra petita, la jurisprudence décide qu en vertu de l article CPC le juge peut relever d office un moyen de droit même s il modifie ce faisant l objet du litige sous réserve qu il respecte alors l article CPC (Cass. 2ème civ., 21 49 Concrètement une fois l assignation placée le greffe va inscrire l affaire au rôle du tribunal c est-à-dire sur le répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie et il va ouvrir un dossier de l affaire dans lequel vont venir se ranger toutes les pièces et les différents actes du procès. Pour la Cour de cassation, le lien d instance n est noué que par l accomplissement de cette formalité ce dont il résulte par exemple que c est à la date du placement qu il faut se placer pour déterminer si un délai imparti pour saisir le tribunal » a été respecté. Objectif Barreau Procédure civile 2023 45 octobre 2004, n°02-30903). Autrement dit, le respect du contradictoire permet indirectement de contourner le principe d indisponibilité du litige : les parties peuvent-elles mêmes, à l invitation du juge modifier l objet du litige fixé par leurs prétentions initiales. B. Le juge et les moyens de fait soutenant les demandes L'article 7 CPC dispose que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat c està-dire qu'il ne peut fonder sa décision que sur les faits allégués par les parties dans leurs écritures et plus généralement évoqués par ces dernières. Admettre le contraire ne serait pas logique, puisque cela reviendrait à autoriser le juge à s autosaisir il pourrait alors trancher des questions de fait que les parties n auraient pas choisi de lui soumettre. Mais l’article tempère lui-même le principe qu'il pose, en autorisant le juge à prendre en considération les faits dits « adventices », c'est-à-dire les faits que les parties auraient mentionnés dans leurs écritures, mais qu'elles n'auraient pas spécialement allégués au soutien de leurs prétentions, dont elles n'auraient pas tiré de conséquence juridique particulière. Par ailleurs, l'article 8 CPC prévoit que le juge peut, à sa discrétion, inviter les parties à fournir les explications de fait qu'il estime nécessaires à la résolution du litige. Cette faculté lui permet donc d'enrichir la matière litigieuse, de l'élargir, indirectement, à des faits non compris dans sa saisine initiale. C. Le juge et les moyens de droit soutenant les demandes Si l article al CPC énonce que le juge a pour mission de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, il faut ici raisonner en termes de devoir ou de pouvoir relever d’office un moyen de droit non proposé par les parties. C’est un devoir en ce qu’il est incontestable qu’il est interdit au juge de statuer autrement qu en droit, sauf si les parties lui demandent expressément de statuer en équité (en « amiable compositeur »), ce qu'elles peuvent faire dans les matières où elles ont la libre disposition de leurs droits (art. 12 al. 4 CPC). Mais en pratique cette situation demeure exceptionnelle et de toute façon le juge demeure alors libre de statuer en application d une règle de droit s il l estime équitable C’est aussi un devoir lorsque les parties n'ont invoqué aucun fondement juridique à leur litige : le juge a alors, sous peine de déni de justice (art. 4 C. civ.), l'obligation de donner ou de restituer aux faits leur exacte qualification. La Cour de cassation a encore rappelé récemment cette obligation (Cass. 3ème civ., 21 juin 2018, n°17-21070). C’est encore un devoir lorsqu’il s agit pour le juge de relever d’office un moyen de pur droit d’ordre public c est-à-dire un moyen se fondant exclusivement sur les faits spécialement invoqués par les parties, sans avoir besoin de prendre en compte les faits adventices et portant sur des dispositions d ordre public et donc impératives). La loi indique parfois expressément qu'il s'agit également d'une obligation pour le juge (par ex., les fins de non-recevoir de l article al CPC La jurisprudence précise également quand un moyen doit être relevé d’office parce qu’il est d’ordre public : ainsi du régime de responsabilité du fait des produits défectueux, qui découle de la transposition de dispositions d ordre public issues de l Union européenne, (Cass. ch. mixte, 7 juillet 2017, n°1525651) ou encore de l application de la loi Badinter sur les accidents de la circulation impliquant des véhicules terrestres à moteur (Cass. 2ème civ., 5 juillet 2018, n°17-19738). En dehors des cas précédents, c'est le plus souvent un pouvoir : le juge est en principe libre de relever ou non d'office les moyens de droit qui lui semblent adéquats pour trancher le litige dès lors qu il respecte le principe du contradictoire en soumettant ce moyen à la discussion des parties (art. 16 CPC ; la jurisprudence permet toutefois dans certains cas qu un moyen de droit soit relevé d office sans être soumis au débat Objectif Barreau Procédure civile 2023 46 En particulier, la Cour de cassation décide que le devoir du juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ne va pas jusqu'à lui imposer de requalifier le fondement juridique invoqué par les parties lorsque celui-ci lui paraît erroné. Ainsi, depuis un arrêt d'assemblée plénière du 21 décembre 2007 (arrêt « Dauvin », n°06-11343), lorsque les parties ont invoqué un mauvais fondement juridique au soutien de leurs prétentions (elles ont donc commis une erreur de qualification des faits) le juge n a pas l obligation de requalifier les faits en relevant d office le moyen tiré de la bonne règle de droit il n a que la faculté de le faire Il peut donc aussi se contenter d écarter les moyens de droit des parties et rejeter la demande y afférente au motif qu elle est mal fondée laissant ainsi subsister le doute sur l exacte qualification des faits (pour un exemple saisissant, voir Cass. 1ère civ., 19 juin 2013, n°12-11767). Toutefois, les parties peuvent limiter ce pouvoir en demandant expressément au juge de statuer en application de certaines règles de droit seulement, ce qu'elles peuvent faire dans les matières où elles ont la libre disposition de leurs droits (art. 12 al. 3 CPC). Enfin, dans de très rares cas, relever un moyen de droit d’office est interdit au juge par la loi (moyen tiré de la prescription, art. 2247 C. civ. ; certains moyens tirés de son incompétence, arts. 76 et 77 CPC). CHAPITRE II : LES RÈGLES APPLICABLES AUX DÉFENSES À titre liminaire, on indiquera que les moyens50 de défense étant par définition une réaction à une prétention de l adversaire leur soumission au juge répond à des règles communes : En ce qui concerne leur forme, les moyens de défense sont présentés dans des conclusions, dont le régime dépend de la juridiction devant laquelle est portée le litige, ainsi que du caractère écrit ou oral de la procédure (cf. infra, thème 2). En ce qui concerne leur recevabilité, il convient de souligner deux points : o D’abord, il faut bien comprendre le sens des articles 30 et 31 CPC lorsqu ils disposent que le droit d action est le droit pour le défendeur de discuter du bien-fondé de la prétention de son adversaire. Certes, cela implique que le défendeur doit, comme le demandeur, avoir intérêt et qualité à agir Mais d une part dès lors qu il est attrait au procès par son adversaire le défendeur a toujours intérêt à lui opposer un moyen de défense et d autre part le défaut de qualité du défendeur n est le plus souvent pas sanctionné par l irrecevabilité de ses moyens de défense mais par l irrecevabilité de la demande En effet le défaut de qualité du défendeur signifie en général qu il n est pas le destinataire de la règle de droit dont se prévaut le demandeur : il ne peut pas être son débiteur en droit substantiel En clair le demandeur s est trompé grossièrement d adversaire par ex il a agi en responsabilité contractuelle contre un tiers au contrat). Il est donc normal que le « mauvais » défendeur, poursuivi à tort en justice, puisse au moins soulever cet argument, et que la conséquence en soit, comme l indique l article CPC l irrecevabilité de la prétention émise contre une personne dépourvue du droit d agir »51. Il n en reste pas moins que dans certaines situations le défendeur peut n avoir pas qualité à soulever une prétention en défense, laquelle serait alors irrecevable. Il en va ainsi par exemple d un propriétaire qui assigné par son voisin en démolition de l immeuble lui appartenant et empiétant sur le terrain du demandeur, soulève une défense au fond tirée de ce que la démolition de l immeuble entraînerait la perte de leur domicile pour l ensemble des locataires de celui-ci : une telle défense est irrecevable car l action en défense du droit fondamental au domicile est une action attitrée (ie dont l exercice est réservée au titulaire de ce droit c est-à-dire en l espèce 50 Il s agit plus exactement de « prétentions » en défense, mais le code, et avec lui l'écrasante majorité des processualistes, employant improprement le terme « moyens », il est recommandé de faire de même dans les copies, de façon à ne pas dérouter le correcteur. 51 Pour une illustration parlante, voir Cass. 1ère civ., 9 mai 2001, n°98-19145 (action en responsabilité contractuelle dirigée contre un tiers au contrat), ou encore Cass. 2ème civ., 8 septembre 2022, n°21-11892 (action dirigée contre une personne morale absorbée, donc ayant perdu la personnalité juridique). Objectif Barreau Procédure civile 2023 47

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