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Titre I - Les Conditions Communes à Toute Action en Justice PDF

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This document details the conditions common to all legal actions in French law, specifically focusing on the requirements of interest and capacity to act. It examines these conditions in the context of defending one's own rights and interests versus defending the rights of others.

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TITRE I LES CONDITIONS COMMUNES À TOUTE ACTION EN JUSTICE Le droit de saisir un juge d une prétention afin d être entendu sur le fond de celle-ci et que le juge la dise bien ou mal fondée s appelle l action article al CPC Le code envisage aussi l action du point de vue de l adversaire attrait en jus...

TITRE I LES CONDITIONS COMMUNES À TOUTE ACTION EN JUSTICE Le droit de saisir un juge d une prétention afin d être entendu sur le fond de celle-ci et que le juge la dise bien ou mal fondée s appelle l action article al CPC Le code envisage aussi l action du point de vue de l adversaire attrait en justice c est le droit de discuter le bien-fondé de la prétention soumise au juge (art. 30 al. 2). Pour être titulaire de ce droit d action le code de procédure civile pose deux conditions qui peuvent être cumulatives ou alternatives selon les cas : l’intérêt et la qualité à agir. Ainsi, l’article CPC dispose que « l action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d agir aux seules personnes qu elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ». Le principe est donc qu il faut un intérêt à agir pour être titulaire du droit d action et pouvoir ainsi saisir un juge d une prétention Toutefois, le législateur se réserve la possibilité, par le jeu de l attribution d une qualité à agir, de priver de ce droit un justiciable ayant pourtant intérêt à agir, ou au contraire de conférer ce droit à un justiciable qui n’agit pas pour défendre ses propres intérêts, mais des intérêts « déterminés ». Les conditions de titularité du droit d agir sont donc avant tout tributaires de l intérêt défendu : le justiciable qui entend saisir le juge lui soumet-il une prétention relative à ses propres droits substantiels (Chapitre I), ou cherche-t-il à défendre les droits d autrui (Chapitre II) ? CHAPITRE I : LE DROIT D AGIR EN DÉFENSE DE SES PROPRES INTÉRÊTS Ce droit repose sur 3 exigences cumulatives, ou 4 dans des hypothèses spécialement prévues par la loi L action étant un droit subjectif l intérêt doit par principe être personnel Section 1 L article précise que celui qui agit en justice doit justifier d un intérêt légitime Section 2). Et la jurisprudence ajoute que cet intérêt doit être né et actuel (Section 3 Enfin dans certains cas disposer d un intérêt à agir présentant ces caractéristiques ne suffira pas il faudra en plus justifier d une qualité à agir prévue par la loi Section 4). SECTION 1 : L EXIGENCE DE PRINCIPE D UN INTÉRÊT PERSONNEL Dans un contentieux subjectif, l action tend à faire consacrer une prérogative individuelle qui appartient exclusivement à l individu qui exerce cette action ; dès lors, seul cet individu doit pouvoir saisir le juge : nul n’est admis à défendre l’intérêt d’autrui en justice, sauf accord en ce sens avec le titulaire du droit (cf. infra, sur le pouvoir de représenter les intérêts d’autrui en justice Cette idée est souvent exprimée par l adage nul ne plaide par procureur », en raison de la mission incombant à ce dernier. Dans un contentieux objectif c est-à-dire lorsque l intérêt à défendre est un intérêt collectif, c est au Ministère Public, dont la raison d être est précisément de défendre un tel intérêt, qu appartient le droit d action, à l exclusion de tout particulier. Tels sont du moins les principes mais le législateur se réserve la possibilité d y déroger au cas par cas s il le juge utile et la jurisprudence a d autorité habilité les associations à agir pour la défense d un intérêt collectif (cf. infra, Chapitre II). Objectif Barreau Procédure civile 2023 9 SECTION 2 : L EXIGENCE DE PRINCIPE D UN INTÉRÊT LÉGITIME Selon la jurisprudence, pour que l’intérêt soit légitime, il faut avant tout qu il soit juridique, c est-à-dire que la prétention soumise au juge doit être susceptible de recevoir une réponse en application des règles de droit positif. Le juge doit donc se prononcer sur la juridicité de la prétention, sans pour autant en apprécier le bienfondé. La Cour de cassation censure systématiquement les juges qui auraient confondu démonstration de l existence d un intérêt à agir et démonstration du succès de l action c est-à-dire de la pertinence des arguments de l auteur de la prétention Mais l appréciation de la légitimité de l intérêt à agir conduit également le juge à apprécier la moralité et la licéité de la prétention. Exemple historique : La concubine était à l origine irrecevable à demander en justice la réparation du préjudice moral qu elle aurait subi du fait du décès de son concubin. Solution abandonnée depuis Cass. ch. mixte, 27 février 1970, n°68-10276. L adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans permet, aujourd hui encore, de déclarer irrecevables des demandes de restitutions au titre d un contrat annulé pour cause immorale. Dans le même esprit, la Cour de cassation a jugé qu une personne dans l incapacité de travailler à la suite d un accident ne peut pas obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations si celles-ci proviennent d un travail dissimulé (Cass. 2ème civ., 24 janv. 2002, n°99-16576) de la situation illicite qu est le travail au noir » ne peut naître aucun droit. SECTION 3 : L EXIGENCE DE PRINCIPE D UN INTÉRÊT NÉ ET ACTUEL Cette condition implique que l’existence de l intérêt défendu en justice doit être certaine En d autres termes l intérêt doit exister au jour où l’action est exercée1. Un intérêt qui au jour de l action en justice aurait déjà disparu ne laisserait pas subsister cette action Exemple : Na a à de a de a de è ec e e e e e c a a c c e e e e e a a d à ce e e a e de d c de a ce (Cass. 1ère civ., 3 mars 2010, n°08-13500). De même, une société qui a revendu à une autre un c a e e de e e a a e ca ac e c e e a ec e e de e e propriétaire et ne peut plus assigner ce dernier en indemnisation, sauf réclamation à son encontre de son propre acquéreur (Cass. com., 3 mai 2016, n°13-27655). Inversement, un intérêt simplement éventuel, hypothétique, ne permettrait pas de saisir un juge. Exemple : Le bénéficiaire d'un pacte de préférence, ou d'un droit de préemption, ne peut pas agir en justice pour mettre fin à un empiétement sur le terrain du propriétaire débiteur de ce droit de préférence ou de préemption : en l'absence de décision dudit propriétaire de vendre ledit bien, le préjudice subi par le créancier du droit de préemption ou de préférence n'est qu'hypothétique. Toutefois, la distinction entre l'intérêt né et actuel et l'intérêt simplement futur, voire hypothétique n'est pas toujours évidente, en particulier quand l'action a pour but de prévenir la survenance d'un dommage. Il peut exister un intérêt actuel à prévenir l'apparition d'un dommage futur. 1 Mais en cas de résolution d un contrat de vente intervenant entre l assignation et le jugement l acquéreur n a plus d intérêt à agir en paiement d une indemnité concernant le bien visé Cass. 3ème civ., 18 octobre 2018, n°17-14799). Objectif Barreau Procédure civile 2023 10 Les actions préventives ou conservatoires sont donc admises par le droit français. Il en va ainsi du référé conservatoire de l'article 835 CPC, ou encore du référé probatoire de l'article 145 CPC. Le principe reste celui de l'existence d'un intérêt actuel, ce qui explique l'exclusion, en théorie, de trois types d'actions : les actions déclaratoires, les actions provocatoires, les actions interrogatoires. Les actions déclaratoires tendent à faire reconnaître en justice une situation qui n'est pas encore contestée, en vue justement d'empêcher qu'elle le soit à l'avenir. Elles sont interdites en principe, aucun litige n étant encore né mais les dérogations légales et jurisprudentielles sont de plus en plus nombreuses (pour ne citer que des exemples procéduraux l inscription de faux de l article CPC et la vérification d écriture à titre principal de l article CPC Les actions provocatoires (dites de jactance) visent à contraindre celui qui se prétend publiquement titulaire d'un droit, soit à le soumettre immédiatement à un juge, soit à y renoncer définitivement. Elles sont incompatibles avec le principe de liberté de l'action en justice et ne sont donc jamais admises. Les actions interrogatoires permettent d'obliger le titulaire d'une option ou d'une faculté à l'exercer immédiatement. Il existe des exceptions à l'interdiction des actions interrogatoires (par ex. action du tiers à un pacte de préférence contre le bénéficiaire du pacte, nouvel article 1123 al. 3 C. civ. ; action d une partie au contrat contre celle qui pourrait se prévaloir de la nullité relative du contrat art C. civ.). SECTION 4 : L EXIGENCE EXCEPTIONNELLE D UNE QUALITÉ À AGIR Aux termes de l'article 31 CPC, la fonction première de la qualité à agir consiste à attribuer le droit d'action aux seules personnes que la loi qualifie pour élever ou combattre une prétention Il s agit donc ici de restreindre le champ des titulaires du droit d'action : l'existence d'un intérêt personnel, direct et légitime ne suffira pas. Exemples : 1. Dans le contentieux familial, la plupart des actions requièrent une qualité à agir (état des personnes, autorité parentale, mariage, divorce). 2. En droit des obligations, les nullités relatives sont des actions réservant la qualité à agir à une partie. V e a ce e d d a de a d ce a e d e c a ce à d e d e à a de a de de d c a hors la présence du cédant, Cass. com., 15 mai 2019, n°17-27686 a e ae e e c e a a àa a cea be e a e e du demandeur que du défendeur). En principe, seule la loi peut ainsi restreindre l'ouverture de l'action en justice, puisqu'il s'agit d'un droit fondamental mais cela n empêche pas la jurisprudence d ajouter une condition de qualité à l exercice de certaines actions (voir, pour l'action en partage du conjoint survivant en cas de communauté totale des biens, Cass. 1ère civ., 2 avril 2008, n°07-11254). Par ailleurs, l'exigence de qualité n'écarte pas nécessairement l'exigence d'un intérêt. Certes, le principe est que celui qui a qualité à agir est présumé avoir intérêt à agir. Mais, parfois, l'intérêt doit être prouvé en plus de la qualité et l'absence de l'un ou de l'autre rend alors la demande irrecevable. Exemple : Pour exercer l'action en annulation des décisions sociales, les actionnaires minoritaires doivent rapporter la preuve de leur intérêt en plus de celle de leur qualité d'actionnaire (Cass. com., 15 juillet 1992, n°90-16836). Objectif Barreau Procédure civile 2023 11 SYLLOGISME TYPE SUR L INTERET A AGIR Voici un exemple de syllogisme que vous pourriez utiliser dans un raisonnement sur l’existence de l’intérêt à agir, lorsque vous avez déduit de l’énoncé qu’il faut vérifier si un demandeur en est pourvu : La question de la titularité du droit d action est régie par l article CPC lequel ouvre ce droit « à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d une prétention ». Plus précisément, il ressort de la jurisprudence relative à cette disposition que l intérêt ainsi exigé par le texte doit revêtir plusieurs caractères : il doit être né et actuel, il doit être légitime, et il doit être personnel. La demande formée par une partie dépourvue d intérêt à agir est irrecevable art CPC La légitimité de l intérêt renvoie essentiellement à sa juridicité : sans préjuger du bien ou mal fondé de la demande soumise au juge, il s agit de déterminer si celle-ci est susceptible de recevoir une réponse en application des règles de droit positif Au cas particulier appliquer ici cette définition aux faits pour vérifier si la condition d’intérêt légitime est remplie. Le caractère né et actuel de l intérêt à agir implique que l existence de l intérêt défendu en justice doit être certaine En d autres termes l intérêt doit exister au jour où l action est exercée En l espèce appliquer ici cette définition aux faits pour vérifier si la condition d’intérêt né et actuel est remplie. Le caractère personnel de l intérêt à agir signifie que la prétention que le demandeur cherche à faire dire bien fondée doit avoir pour objet l un de ses droits subjectifs En l espèce appliquer ici cette définition aux faits pour vérifier si la condition d’intérêt personnel est remplie. Si toutes les conditions sont remplies : Par conséquent, il ne fait aucun doute que [le demandeur], ayant intérêt à agir contre [le défendeur] en [nature et objet de l’action exercée], pourrait/pouvait saisir à cette fin [telle juridiction compétente/déjà saisie]. Si une ou plusieurs conditions font défaut : Par conséquent, en l’absence [énoncer la ou les conditions manquantes], [demandeur] n a pas d intérêt à agir de sorte que la demande dont il a saisi/envisage de saisir telle juridiction est/serait irrecevable. Objectif Barreau Procédure civile 2023 12 SYLLOGISME TYPE SUR LA QUALITE D UNE ASSOCIATION A AGIR EN DEFENSE D UN INTERET COLLECTIF Voici un exemple de syllogisme que vous pourriez utiliser pour raisonner sur la qualité d’une association à agir en défense d’un intérêt collectif, si vous avez déduit de l’énoncé qu’une telle action a été exercée par l’association demanderesse : L article CPC sanctionne le défaut de droit d action du demandeur par l irrecevabilité de sa demande La question de la titularité du droit d action est, pour sa part, régie par l article CPC lequel ouvre ce droit à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d une prétention ». Il ressort de la jurisprudence relative à cette disposition que l intérêt ainsi exigé par le texte doit revêtir plusieurs caractères : il doit être né et actuel, il doit être légitime, et il doit surtout être direct et personnel. Cette dernière condition signifie que la prétention soumise au juge doit tendre à la reconnaissance d un droit substantiel dont l auteur de la prétention est titulaire l effet de la règle de droit dont il est demandé application au juge doit bénéficier à l auteur de la prétention lui-même, et non à autrui. Or en l espèce l association n agit pas pour la défense de ses propres intérêts mais pour la défense [insérer ici l’intérêt défendu par l’association à l’occasion de l’action analysée] La condition de personnalité de l intérêt défendu en justice fait donc défaut. Il serait toutefois prématuré de conclure pour cette seule raison à l irrecevabilité de la demande introduite par l association En effet l article CPC dispose encore que la règle précédemment énoncée ne vaut que sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d agir aux seules personnes qu elle qualifie pour défendre un intérêt déterminé Cette disposition renvoie précisément à la situation dans laquelle le demandeur n entend pas défendre en justice ses propres intérêts mais les intérêts collectifs d une catégorie de tiers que la loi dénomme « intérêts déterminés ». En l espèce il est donc théoriquement possible à [l’association demanderesse] de se prévaloir de cette disposition dans le cadre de l action exercée par elle en défense [insérer ici l’intérêt défendu par l’association à l’occasion de l’action analysée] Néanmoins pour que sa demande soit recevable il faudrait encore qu elle puisse invoquer une disposition légale l habilitant spécialement à défendre cet intérêt collectif autrement dit qu elle justifie à défaut d un intérêt d une qualité » à exercer cette action en justice. [Si tel est le cas, il faut ensuite vérifier que les conditions de recevabilité prévues par ladite disposition légale sont réunies en l’espèce ; si tel n’est pas le cas, on passe à la phrase suivante] Or en l espèce il ne semble pas que [l’association demanderesse] ait fondé l action exercée sur une quelconque disposition légale qui lui conférerait qualité à agir en défense [insérer ici l’intérêt collectif défendu par l’association à l’occasion de son action]. Toutefois là encore il serait prématuré de conclure pour cette raison à l irrecevabilité de sa demande. En effet la jurisprudence s est arrogé le même pouvoir d habilitation que celui que s est réservé le législateur au titre de l article CPC Elle décide ainsi qu « une association, même hors habilitation législative et en l absence de prévision statutaire expresse quant à l emprunt des voies judiciaires peut agir en justice au nom d intérêts collectifs qui entrent dans son objet social » (Cass. 1ère civ., 18 septembre 2008, n°06-22038). En l espèce au vu de cette jurisprudence [indiquer l’objet de la demande] s analyse en une action en défense d un intérêt collectif la seule condition de recevabilité de la demande étant en conséquence la correspondance entre l objet de celle-ci et la défense des intérêts que l association s est donnée mission de défendre dans ses statuts. Or, lesdits statuts prévoient expressément [énoncer les missions statutaires de l’association demanderesse] ce qui inclut/exclut assurément [indiquer l’objet de la demande formée en l’espèce et les faits à l’origine de cette demande]. La demande [en indiquer à nouveau l’objet] formée en l espèce par l association devrait donc être recevable/irrecevable. Objectif Barreau Procédure civile 2023 13 CHAPITRE II : LE DROIT D AGIR EN DÉFENSE D INTÉRÊTS NON-PERSONNELS La qualité à agir sert ici à élargir le champ des titulaires du droit d’action : la demande est recevable alors même que celui qui agit ne peut par hypothèse justifier d un intérêt personnel l objet de son action étant précisément de défendre les droits d autrui Cette attribution de qualité recouvre trois situations différentes selon que l intérêt non-personnel défendu est général (Section 1), catégoriel (Section 2) ou individuel (Section 3). SECTION 1 : LE DROIT DE DÉFENDRE L INTÉRÊT GÉNÉRAL Le représentant de l’intérêt général c est-à-dire de l intérêt de l État est le ministère public Il n a a priori pas vocation à agir en justice en matière civile, les intérêts en jeu étant par principe privés. Mais justement, a contrario, lorsque des intérêts publics surgissent exceptionnellement dans un procès privé, le ministère public acquiert qualité à agir en défense de ces intérêts. La loi prévoit ainsi que le ministère public peut agir d office en tant que partie principale, dans deux cas : Lorsque la loi le prévoit expressément (art. 422 CPC), ce qui est le cas, par exemple, pour les causes de nullité absolue du mariage (v. articles 180 s. C. civ.) ou dans l hypothèse d une fraude à la nationalité (mariage « blanc », art. 26-4 C. civ.). Lorsque les faits qui fondent la demande portent atteinte à l’ordre public (art. 423 CPC Il s agit le plus souvent de demandes liées au droit de la famille (par ex., demande de reconnaissance d’un droit obtenu à l’étranger et que la législation française ne reconnaît pas). SECTION 2 : LE DROIT DE DÉFENDRE UN INTÉRÊT CATÉGORIEL , OU « COLLECTIF » Cela correspond à l’attribution légale de qualité à agir dans un intérêt « déterminé qu’envisage l’article CPC. Dans cette fonction, la qualité permet de désigner autoritairement le titulaire du droit d agir que l exigence d un intérêt personnel est incapable de sélectionner Elle ne consiste donc plus à restreindre le cercle des personnes qui peuvent agir pour la défense de leur intérêt personnel mais au contraire à ouvrir l action à certaines personnes spécialement désignées qui n agissent pas pour la défense de leur intérêt individuel Au cours du XXe siècle sont apparus des intérêts collectifs catégoriels qui, bien que recoupant en partie l'intérêt général, pouvaient être défendus en justice par d'autres personnes que le ministère public. Ainsi en est-il des syndicats professionnels, qui peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent (article L. 2132-3 C. Trav.). La solution est étendue aux ordres professionnels (ordre des médecins, des avocats, etc.). De même, les présidents d'autorités administratives indépendantes (AAI) ont le pouvoir d'agir en justice pour obtenir la cessation de certaines pratiques illicites. De nombreux textes particuliers reconnaissent également à des associations constituées pour la défense d'un intérêt collectif la faculté d'agir en justice à cet effet. Ainsi, en matière pénale le législateur attribue exceptionnellement le droit d exercer l action civile à certaines associations, à des conditions variables, (cf. arts. 2-1 à 2-25 CPP). De même, depuis la loi Macron, « à l'occasion d'une action portée devant les juridictions civiles et ayant pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale, les associations agréées peuvent agir conjointement ou intervenir pour obtenir réparation de tout fait portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs » (article L. 621-9 C. Conso.). Objectif Barreau Procédure civile 2023 14 À défaut d une telle attribution légale de qualité les associations ne devraient en principe pouvoir agir que pour la défense de leur intérêt personnel. Toutefois, après avoir hésité, la jurisprudence s’est très clairement fixée en ce sens qu’une association peut, en dehors de toute disposition légale lui attribuant qualité à cet effet, agir en justice pour la défense de l’intérêt collectif dont elle a fait son objet social (« association de défense des grandes causes »). Voir notamment, Cass. 1ère civ., 18 septembre 2008, n°06-22038 : « une association, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qui entrent dans son objet social ». Il résulte de cette jurisprudence que le seul critère exigé d’une association agissant en défense d’un intérêt collectif est la correspondance entre l’objet social de cette association et l’objet de sa demande en justice. Évidemment, rien n empêche les statuts de l association de subordonner son action à des conditions supplémentaires telles qu un cantonnement au département dans la préfecture duquel l association a été déclarée mais en l absence d une telle restriction statutaire, il faut considérer que le champ géographique de l action en défense d un intérêt collectif par une association est par défaut national (Cass. 1ère civ., 30 mars 2022, n°21-13970). La Cour de cassation a néanmoins posé une limite à ce droit des associations d agir en défense d un intérêt collectif : elles ne peuvent exercer à cette fin une action attitrée. En effet lorsqu il crée une telle action, le législateur entend réserver le droit de former une demande à certaines personnes en raison de leur qualité particulière dès lors la défense d un intérêt collectif ne saurait permettre de s immiscer dans un débat réservé par hypothèse à certaines personnes (ainsi, une association de défense de l enfance ne peut intervenir dans une instance en adoption d un enfant introduite par l épouse de la mère, Cass. 1ère civ., 16 mai 2016, n°15-10577). SECTION 3 : LE DROIT DE DÉFENDRE L INTÉRÊT D AUTRUI (UN OU PLUSIEURS TIERS) Une telle attribution de qualité semble à première vue incompatible avec le principe d'indépendance juridique des personnes et c est pourquoi elle est exceptionnelle D autant plus que si une personne ne veut pas défendre elle-même sa cause, elle peut toujours confier à un tiers un mandat de représentation de ses intérêts en justice (mandat de représentation ad agendum, dans l'exercice de l'action). C est pourquoi le plus souvent l action consacrée par le législateur est à mi-chemin entre le droit propre d agir pour défendre l intérêt d autrui et le mandat de représentation en justice En tous les cas il n est pas question de priver un individu de son droit d'action pour réserver l'exercice de celle-ci à un tiers. Concrètement, la défense de l intérêt d autrui peut être celle d intérêts isolés I) ou groupés (II). I. La défense de l’intérêt individuel d’autrui Parmi les hypothèses de véritable attribution de qualité pour agir dans l intérêt d autrui la plus évidente est celle de l'action sociale ut singuli (art. 1843-5 C. civ.). Il s'agit d'une action qui permet à chaque associé, en cas de défaillance des organes de représentation de la société, d'agir en réparation du préjudice subi par la société et causé par ses mandataires sociaux. Il y a ainsi substitution des associés dans l'exercice des droits de la société, le résultat de l'action bénéficiant à celle-ci et pas aux associés. On peut encore citer l exemple de l’action oblique (article 1341-1 C. civ.). Le code du travail prévoit pour sa part plusieurs actions de substitution : les syndicats dits « représentatifs » en vertu de la loi disposent d'une qualité à agir en défense des intérêts d un salarié sous la seule réserve de permettre à ce dernier de s'opposer à une telle action en l en informant. Ces syndicats n'agissent pas alors véritablement en vertu d'un droit propre, mais se contentent d'exercer le droit d'action des salariés à la place de ceux-ci. Objectif Barreau Procédure civile 2023 15 II. La défense groupée des intérêts d’autrui Historiquement c est d abord la Cour de cassation qui a permis à une association constituée dans le but de défendre de façon groupée les intérêts individuels de ses membres association de riverains d un aéroport association de tel quartier etc d agir en justice sans avoir besoin que chaque membre lui donne mandat à cette fin Ainsi dans une décision du juillet la chambre civile décidait qu une association « peut faire par voie d action collective2 ce que chacun de ses membres peut faire à titre individuel ». La possibilité d agir en justice en défense des intérêts individuels des membres de l association devait toutefois être expressément prévue par les statuts de celle-ci (mais la condition était appréciée de façon particulièrement souple et l habilitation pouvait être générale Puis le législateur a créé, par la loi n°92- du janvier l action en représentation conjointe, susceptible d être exercée par des associations de consommateurs (art. L. 622-1 C. Conso). Une association de consommateurs reconnue représentative au niveau national peut agir en réparation du préjudice subi individuellement par des consommateurs personnes physiques et causé par un même professionnel Il faut pour cela qu elle obtienne un mandat écrit d au moins consommateurs concernés (à peine de nullité de fond). En raison du faible succès des actions en représentation conjointe, le législateur a fini par créer une véritable action de groupe, avec la loi Hamon du 17 mars 2014 (articles L. et R. 623-1 s. code de la consommation). Le système adopté oscille entre, d'une part, reconnaissance à des associations agréées d'un pouvoir de représentation des personnes individuellement intéressées et, d'autre part, attribution à ces associations d'une qualité à agir. Cette action de groupe ne peut être exercée que par une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée à cette fin. Cette action de groupe a pour objet d'obtenir réparation des préjudices patrimoniaux individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire, situation ayant pour cause commune un manquement par le professionnel à ses obligations légales ou contractuelles. L’exercice de cette action de groupe est divisé en deux phases : o La première phase consiste, pour l'association agréée, à agir en justice en vue de voir le professionnel déclaré responsable du préjudice subi par un groupe. Si le juge estime cette demande recevable, il identifiera alors le groupe de consommateurs à l'égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, ainsi que les préjudices susceptibles d'être réparés dans le cadre de l'action de groupe dont il est saisi, le montant de ces préjudices ou les éléments permettant de les évaluer. Dans cette première phase, le juge statue donc en même temps sur la recevabilité de la demande, sur le principe de la responsabilité et sur les conséquences de cette responsabilité. La décision est publiée de façon à informer les consommateurs et leur permettre d adhérer au groupe en s adressant à l association o La seconde phase est celle d'exécution du jugement. Le professionnel devra indemniser les consommateurs qui ont choisi d'adhérer au groupe identifié par le juge. De son côté, l'association continue de représenter les membres du groupe qui n'auraient pas été indemnisés par le professionnel dans les délais impartis. Elle peut ainsi agir en exécution forcée du jugement de condamnation. Plusieurs actions de groupe supplémentaires ont été créées sur le modèle de celle instaurée par la loi Hamon, d abord en matière de santé3, puis par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 (dite de « modernisation de la 2 Parler de défense « collective des intérêts individuels des membres de l association est une terminologie maladroite dans la mesure où elle entretient aujourd hui la confusion avec l action que peut exercer une association en défense d un intérêt collectif confinant à l intérêt général Pour plus de clarté on devrait plutôt parler d action groupée en défense des intérêts des membres de l association, afin de souligner au contraire le lien intellectuel entre la jurisprudence « ligue de défense » et l action de groupe instaurée par la loi, mais on ne s étonnera pas de trouver une terminologie différente en doctrine ou dans la jurisprudence figurant sous l article CPC 3 Articles L. et R. 1143-1 et s. du Code de la santé publique. Objectif Barreau Procédure civile 2023 16 justice du 21ème siècle ») en matière de discrimination au travail 4 d environnement 5 et de protection des données à caractère personnel6. La démarche est donc sectorielle dans la mesure où il n existe pas une action de groupe, mais des actions de groupe, dans certains secteurs précis, et qui répondent à des conditions d’ouverture qui leur sont propres. Tout au plus le législateur a-t-il fait l effort de fixer un droit procédural commun de ces nouvelles actions de groupe 7, codifié aux articles 848 à 849-21 CPC (mais une partie des règles applicables reste aussi non codifiée, cf. les articles 60 à 83 de la loi du 18 novembre précitée ). On se contentera d indiquer que la demande qui relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, peut avoir pour finalité aussi bien la cessation par l auteur du dommage causé au groupe du manquement à ses obligations légales ou contractuelles, que la réparation des préjudices individuellement subis par chaque membre du groupe. 4 Articles L. 1134-6 et s. du Code du travail. 142-3- et s du Code de l environnement 6 Article 43 ter de la loi n°78du janvier relative à l informatique aux fichiers et aux libertés 7 Ce socle procédural commun est calqué sur la procédure expérimentée par la loi Hamon, mais sans lui être applicable rétroactivement (les dispositions issues de la loi Hamon continuent de régir en totalité l action de groupe qu elle a créée 5 Articles L. Objectif Barreau Procédure civile 2023 17 L action de groupe Ses conditions Action de groupe Hamon (loi 17 mars 2014) en droit de la consommation (art. L. et R. 623-1 à L. 623-32 et R. 623-33 C. conso.) Action de groupe produits de santé (loi du 16 janvier 2016 ; art. L. 1143-1 à L. 1143-13 CSP ; R. 1143-1 à 1143-3 CSP) PAR QUI (qualité à agir) Associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application des articles L. et R. 811-1 C. conso. Associations d usagers du système de santé agréées conformément à l article L -1 CSP. POURQUOI (cause) 1° Un professionnel a manqué à ses obligations légales ou contractuelles en matière de vente de biens ou de fourniture de services ou dans le cadre de la location d un bien immobilier. Un professionnel s est livré à des pratiques anticoncurrentielles et ce manquement a impacté de façon identique ou similaire plusieurs consommateurs. Dommages corporels subis par un groupe d usager en raison d un même manquement à une obligation légale ou contractuelle d un producteur d un fournisseur de produits de santé ou d un prestataire de soins utilisant ces produits POUR QUI (bénéficiaires) Plusieurs consommateurs impactés de la même façon par le même manquement. Opt-in8 dans les 2 à 6 mois de la publicité de la décision du juge prononçant la responsabilité du professionnel. Opt-in après que la décision de responsabilité a été rendue par le juge (action de groupe santé : entre 6 mois et 5 ans à compter de la décision ; pas de délai pour les autres actions) POUR QUOI (objet) Réparation des préjudices individuels des consommateurs, mais seulement les préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels (pas moraux, pas corporels, pas environnementaux). Réparation des préjudices individuels patrimoniaux et extrapatrimoniaux COMMENT (procédure) 1° Le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel (existence + modalités de réparation + définition du groupe victime) 2° Le juge fixe le cadre du déroulement ultérieur de la procédure (publicité décision, adhésion au groupe, conditions d’indemnisation individuelle), sauf si procédure simplifiée. 3° Si exécution spontanée, fin de l instance Sinon le juge liquide les préjudices (individualise au sein du groupe) puis exécution forcée. Procédure (presque) commune à toutes les actions de groupe hors loi Hamon (art. 848 à 849-21 CPC + articles 60 à 83 de la loi du 18 novembre 2016 + lois spécifiques à chaque action) 1° Première étape pour toutes sauf l action de groupe santé : Mise en demeure de cesser ou faire cesser le manquement ou de réparer les 18 8 Opt-in = option d inclusion les membres potentiels du groupe doivent manifester la volonté d y être inclus pour recevoir indemnisation Se distingue de l opt-out option d exclusion dans lequel les membres potentiels du groupe sont présumés bénéficier de la procédure et du jugement sauf s ils demandent à sortir du groupe pour retrouver leur droit individuel d agir Objectif Barreau Procédure civile 2023 Action de groupe discrimination (loi du 18 novembre 2016 ; art. L. 1134-6 à L. 1134-10 C.T.) Action de groupe environnementale (loi du 18 novembre 2016 ; art. L. 142-3-1 C. environnement) 1° Organisation syndicale représentative. 2° Syndicats de fonctionnaires existant depuis au moins 5 ans. 3° Associations de lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap et existant depuis au moins 5 ans 1° Associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans et dont l objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels 2° Associations agréées de protection de l environnement (art. L. 141-1. C. envir.) Discriminations sur un même critère subies au travail ou dans l obtention d un stage ou d un emploi Le défendeur peut être un employeur public comme privé. Dommages causés à l environnement par une même personne en raison d un manquement à ses obligations légales ou contractuelles, et entraînant un préjudice pour une personne physique ou morale. Objectif Barreau Procédure civile 2023 1° Mettre un terme au manquement 2° Indemniser les préjudices individuels, matériels et moraux, liés à la discrimination 1° Cessation du manquement 2° Indemnisation des préjudices matériels et corporels subis par des personnes physiques ou morales en conséquence du dommage causé à l environnement préjudices subis. Fait courir un délai d attente de mois (6 mois pour l’action de groupe discrimination) avant de pouvoir saisir le juge. 2° Le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel (similaire loi Hamon) 3° Le juge fixe la suite de la procédure L indemnisation peut être individuelle (comme loi Hamon) ou collective (organisée par l’association qui négocie avec le défendeur au nom de chacun des bénéficiaires ; impossible pour l’action de groupe santé) 19 Action de groupe protection des données personnelles (loi du 18 novembre 2016 ; art. L. et R. 7710-1 à L. et R. 70-1025 CJA) 1° Associations existant depuis au moins 5 ans dont l objet statutaire est la protection de la vie privée et la protection des données à caractère personnel 2° Associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l article L. 811-1 C. conso. 3° Syndicats professionnels représentatifs Manquements de même nature aux dispositions de la loi du 16 janvier 1978 informatique et libertés par un responsable de traitement de données à caractère personnel ou un sous-traitant, et ayant causé un dommage à plusieurs personne physiques placées dans une situation similaire. Objectif Barreau Procédure civile 2023 1° Cessation du manquement 2° Réparation des préjudices matériels et moraux (seulement si le fait générateur est postérieur au 24 mai 2018) 20

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