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Leçon 5 & 6 - CSE - French Labour Law

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Université Paris-Panthéon-Assas

Patrick Morvan

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French Labour Law Committee Social and Economic Labour Relations Employment Law

Summary

This document is a lecture summarizing the committee social and economic (CSE) in French labour law. It provides an overview of its creation structure and associated committees. The lecture is geared towards a postgraduate level.

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LEÇONS NOS 5 ET 6. – LE COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE Textes : C. trav., articles L. 2311-1 et suivants. 500. - Création du comité social et économique. L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise (ratifiée par...

LEÇONS NOS 5 ET 6. – LE COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE Textes : C. trav., articles L. 2311-1 et suivants. 500. - Création du comité social et économique. L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise (ratifiée par la loi du 29 mars 2018) a fusionné les différentes institutions représentatives du personnel ou IRP (comité d’entreprise, CHSCT et ICCHSCT, délégués du personnel, délégation unique du personnel) en une seule : le comité social et économique (CSE). Des dispositions transitoires avaient été édictées, fixant comme horizon indépassable le 1er janvier 2020. Depuis cette date, dans toutes les entreprises d’au moins onze salariés, un CSE (voire un CSE central et des CSE d’établissement) a dû être élu. Nulle part, il ne peut subsister une ancienne IRP, sous peine, pour un employeur, de commettre un délit d’entrave au CSE et de ne pouvoir appliquer un certain nombre de règles du droit du travail. Le délit d’entrave au CSE est double. Le fait d'apporter une entrave à la constitution d'un CSE (CSE unique, CSE central ou CSE d’établissement) ou à la libre désignation de ses membres, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 €. Le fait d'apporter une entrave à son fonctionnement régulier est puni d'une amende de 7 500 € (C. trav., art. L. 23171). 501. - Représentants de proximité. Un accord collectif d’entreprise peut mettre en place des « représentants de proximité », une création législative destinée à compenser la forte diminution du nombre de représentants du personnel induite par la création du CSE. L’accord collectif définit leur nombre, les modalités de leur désignation et de leur fonctionnement (notamment, les heures de délégation) ainsi que leurs attributions, « notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ». Les représentants de proximité sont « membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus de ce comité » (C. trav., art. L. 2313-7). 502. - Comité de groupe. Selon l’article L. 2331-1 du Code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une « entreprise dominante » et les entreprises qu’elle contrôle (ou contrôlées). Le groupe est ici restreint à des entreprises – dominante et contrôlées – « dont le siège social est situé sur le territoire français ». En revanche, les entreprises sont prises en compte « quel que soit le nombre de salariés » qu’elles emploient : une société holding établie en France fait donc partie du groupe, à moins que ce soit une holding « pure » ou « passive », c’est-à-dire une société de participation Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 49 sur 135 financière qui n’exerce ses droits de vote que pour gérer ses investissements sans s’immiscer dans la gestion de ses filiales (C. trav., art. L. 2131-4)127. Les entreprises contrôlées sont celles définies à l’article L. 233-1, à l’article L. 233-3 (I et II) et à l’article L. 233-16 du Code de commerce, auxquels renvoie le I de l’article L. 2331-1 du Code du travail. Les critères prévus par le Code de commerce sont les mêmes que ceux qui définissent le « groupe » servant de périmètre d’appréciation du motif économique de licenciement et de l’obligation de reclassement en matière de licenciement économique (cf. Relations individuelles de travail - Leçons nos 11 et 12) : critères du contrôle capitalistique et de l’influence dominante. Le comité de groupe est doté d’attributions modestes (qu’un accord collectif peut toutefois accroître de manière importante). Il « reçoit des informations sur l’activité, la situation financière, l'évolution et les prévisions d'emploi annuelles ou pluriannuelles » dans le groupe. « Il est informé, dans ces domaines, des perspectives économiques du groupe pour l'année à venir » (C. trav., art. L. 2332-1). Bref, le comité de groupe est simplement destinataire d’informations. À la différence du CSE, il n’est pas doté de compétences consultatives. 503. - La mise en place (Chapitre 1), les attributions (Chapitre 2) et le fonctionnement (Chapitre 3) du CSE seront étudiés. CHAPITRE 1. – LA MISE EN PLACE DU CSE 504. - Le CSE est mis en place dans un cadre juridique précis (A) au travers d’élections professionnelles (B). A. – Le cadre de mise en place 505. - Un comité social et économique doit être mis en place lorsque les effectifs de l’entreprise atteignent un certain seuil (1°), dans l’entreprise et chaque établissement distinct (2°) voire au niveau d’une unité économique et sociale (3°). 127 Cass. soc., 14 nov. 2019, n° 18-21723, Sté Chubb France : une société holding, ayant son siège en France, qui s’immisce dans la gestion des entreprises qu’elle contrôle, n’est pas une entreprise de participation financière au sens de l’article L. 2331-4 du Code du travail mais constitue l’entreprise dominante du groupe formé avec ses filiales françaises, tenue en conséquence de mettre en place un comité de groupe, peu important qu’elle soit elle-même détenue par des sociétés ayant leur siège social à l’étranger. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 50 sur 135 1°) Les seuils d’effectifs 506. - 11 ou 50 salariés. La mise en place d’un CSE « n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs » (C. trav., art. L. 2311-2). La composition (nombre de titulaires et de suppléants) de la délégation du personnel au CSE ainsi que le quota mensuel d’heures de délégation dépendent du nombre de salariés dans l’entreprise. Un tableau réglementaire (C. trav., art. L. et R. 2314-1) prévoit ainsi que le CSE compte entre 1 et 35 titulaires (maximum atteint à partir de 10 000 salariés). « Les effectifs s’apprécient dans le cadre de l’entreprise ou dans le cadre de chaque établissement distinct ». Le protocole préélectoral peut modifier le nombre de membres et d’heures de délégation. Le décompte des effectifs salariés d’un employeur est déterminé par les articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du Code du travail. On y lit, par exemple, que les salariés titulaires d'un CDD, mis à disposition par une entreprise extérieure depuis au moins un an ou intérimaires sont pris en compte dans l'effectif à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. 506. - “Grand” CSE et “petit” CSE. Les attributions du CSE « sont définies en fonction de l’effectif de l’entreprise » (C. trav., art. L. 2312-2). Elles sont extrêmement différentes selon que l’entreprise compte au moins 11 salariés (= de 11 à 49 salariés) ou au moins 50 salariés (50 salariés et plus). ► Dans le premier cas, le comité se réduit à une « délégation du personnel au CSE », exerçant les modestes attributions des anciens délégués du personnel. • Cette délégation « a pour mission de présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise » (C. trav., art. L. 2312-5). • En outre, tout membre de la délégation (auparavant, tout délégué du personnel) dispose d’un droit d’« alerte » lorsqu’il constate « une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise » (C. trav., art. L. 2312-59) ou une « situation de danger grave et imminent » pour la sécurité des salariés (ouvrant un « droit de retrait ») ainsi qu’en matière de santé publique et d’environnement (C. trav., art. L. 2312-60). • Le Code du travail impose aussi parfois de consulter et recueillir l’avis du CSE (qu’il soit petit ou grand), notamment : – sur les propositions de reclassement faites à un salarié déclaré inapte et menacé de licenciement pour inaptitude après un accident ou une maladie (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) ; – en cas de grand licenciement économique dans l’entreprise de moins de 50 salariés (C. trav., art., L. 1233-29). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 51 sur 135 Dans une entreprise de 11 à 49 salariés, le CSE est un petit voire un pseudo CSE : ce n’est pas une institution représentative du personnel en soi. Il n’a ni la personnalité morale ni patrimoine. C’est un ensemble d’individus exerçant des fonctions représentatives, que l’on peut continuer, en pratique, à appeler les délégués du personnel. ► Dans le second cas (entreprise d’au moins 50 salariés), le comité jouit de la personnalité morale, d’un patrimoine (C. trav., art. L. 2315-23) et de prérogatives maximales (consultatives, en particulier). Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE succède au comité d’entreprise. La loi lui confère d’importantes attributions. 507. - Baisse des effectifs. À l'expiration du mandat des membres du CSE, « l’instance n'est pas renouvelée si l’effectif de l'entreprise est resté en dessous de onze salariés pendant au moins douze mois consécutifs » (C. trav., art. L. 2313-10). Une entreprise de 1 à 10 salariés ne comporte pas de CSE. Mais il n’est pas anodin non plus que l’effectif passe en dessous du seuil de 50 salariés. Le CSE d’une entreprise d’au moins 50 salariés cesse d’exercer ses (importantes) prérogatives lorsque cet effectif n'a pas été atteint pendant les douze mois précédant le renouvellement de l’instance. Une fois renouvelé, le CSE exerce alors « exclusivement » les attributions – plus modestes – que la loi accorde à la « délégation du personnel au CSE » dans une entreprise comptant entre 11 et 49 salariés (C. trav., art. L. 2312-3). Les seuils précités s’apprécient au niveau de l’entreprise et non de l’établissement (si elle comporte plusieurs établissements). Il est donc indifférent que les effectifs d’un établissement diminuent alors que l’entreprise continue à employer au moins 50 salariés. Elle aura toujours un grand CSE. 2°) L’établissement distinct 508. - Critère de définition et nombre. Un comité social et économique (CSE) est mis en place au niveau de l’entreprise. Si elle comporte au moins deux établissements distincts, sont constitués : - des CSE d'établissement (quel que soit l’effectif de chaque établissement) - et un CSE central d’entreprise (CSEC) (C. trav., art. L. 2313-1). Le nombre et le périmètre des établissements distincts sont d’abord déterminés par un accord collectif d’entreprise, conclu avec les syndicats représentatifs (C. trav., art. L. 2313-2). À défaut et en l’absence de délégué syndical, un accord (atypique) peut être conclu entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus (C. trav., art. L. 2313-3). La loi n’impose alors aucun critère spécifique de définition de l’établissement Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 52 sur 135 distinct. Les parties à l’accord sont libres d’en déterminer le nombre et les contours. À défaut d’accord, il appartient à l’employeur de fixer lui-même le nombre et le périmètre des établissements distincts, « compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ». Il en informe les organisations syndicales voire le CSE (C. trav., art. L. 2313-4 et R. 2313-1). Mais l’employeur ne peut opter d’emblée pour la seconde solution : « ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts »128. Dans cette seconde hypothèse (en l’absence d’accord), la loi impose un critère de définition : l’autonomie de gestion du personnel, principalement. La Cour de cassation en fait application : caractérise « un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service »129. De plus, « la centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement », établie notamment par l’existence de délégations de pouvoirs dans des domaines de compétences variés et d’accords d’établissement 130. 509. - Contestations. En cas de litige portant sur la décision unilatérale de l’employeur, c’est le DREETS du siège de l’entreprise qui fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts. Il doit être saisi dans un délai de 15 jours et se prononcer dans un délai de deux mois (C. trav., art. L. 2313-5 et R. 2313-1). La décision – expresse, ou implicite de rejet – du DREETS peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire (ex-tribunal d’instance), à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Saisi du recours dans un délai de 15 jours, le tribunal a 10 jours pour statuer (C. trav., art. L. 2313-5 ; art. R. 2313-3 et R. 2313-6). 510. - Perte de la qualité d’établissement distinct et disparition d’un CSE d’établissement. La perte de la qualité d'établissement distinct procède des mêmes actes que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts (= accord collectif ou accord avec le CSE ; à défaut, décision unilatérale de l’employeur ; recours devant le DREETS puis devant le tribunal judiciaire). 128 Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22948. Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 18-23655. 130 Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 19-17298. 129 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 53 sur 135 Elle emporte « cessation des fonctions des membres de la délégation du personnel du CSE de cet établissement, sauf si un accord contraire, conclu entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives ou, à défaut d'accord d'entreprise, entre l'employeur et le CSE concerné, permet à ses membres d'achever leur mandat (C. trav., art. L. 2313-6) 3°) L’unité économique et sociale (UES) 511. - Rôle et définition. L’unité économique et sociale (UES) est une invention jurisprudentielle destinée, à l’origine, à déjouer la fraude consistant à diviser une entreprise d’au moins 50 salariés en plusieurs entités juridiquement distinctes (généralement de petites sociétés) qui emploient chacune moins de 50 voire moins de 11 salariés, afin de s’affranchir de l’obligation de mettre en place un CSE. Au contraire, une fois reconnue l’existence d’une UES, un CSE « commun » doit être mis en place, coiffant l’ensemble de ces entreprises ; chacune devient alors un « établissement » de l’UES. L’UES n’a pas la qualité d’employeur des salariés des différentes entreprises qui la composent. Mais elle constitue une « entreprise » unique au regard des institutions représentatives du personnel. Le législateur envisage aujourd’hui expressément la mise en place d’un CSE au sein d’une UES (C. trav., art. L. 2313-8) et se réfère à cette notion dans plusieurs autres textes. Selon une formule classique, une UES « peut être reconnue par convention ou par décision de justice entre des entités juridiquement distinctes dès lors qu’est caractérisée entre ces structures, d’une part, une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré ainsi qu’une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités [= unité économique], d’autre part, une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés [= unité sociale] ». « Au sein d’un groupe » de sociétés, ces entités peuvent ne pas être dotées de la personnalité morale. L’UES peut alors intégrer la succursale française d’une société étrangère131. Dans ce cas de figure, à titre exceptionnel, un établissement peut constituer une « entreprise juridiquement distincte », composant une UES. 512. - Reconnaissance ou modification. L’existence d’une UES regroupant au moins 11 salariés peut d’abord être reconnue par « accord collectif », donc par voie conventionnelle (C. trav., art. L. 2313-8). 131 Cass. soc., 21 nov. 2018, n° 16-27690, qui intègre dans le périmètre de l’UES Generali France assurances la succursale française (simple établissement) de la société italienne gérant les systèmes informatiques du groupe. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 54 sur 135 Il s’agit, au départ, d’un accord inter-entreprises car les entreprises n’ont encore aucun lien juridique. Une fois l’UES constituée, cet accord pourra être révisé par un accord collectif d’entreprise (l’UES formant alors une « entreprise »). À défaut d’accord collectif, l’existence de l’UES peut être reconnue sur décision du tribunal judiciaire (ex tribunal d’instance). Le tribunal judiciaire connaît de l’action qui tend à la reconnaissance ou encore à la modification (par voie d’élargissement ou de réduction) du périmètre de l’UES. La Cour de cassation affirme que la reconnaissance judiciaire ou conventionnelle d’une UES « impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées ». Il résulte de cette formule que les mandats des membres de CSE englobés dans ce nouveau périmètre prennent fin de plein droit « au jour des élections organisées au sein de l’UES quelle que soit l’échéance de leur terme »132. Pour la même raison, il appartient aux syndicats représentatifs de désigner de nouveaux délégués syndicaux et de mettre fin aux mandats des délégués syndicaux désignés antérieurement à la reconnaissance de l’UES ; ceux-ci deviennent de toute façon « caducs » par suite de cette reconnaissance 133. B. – Les élections professionnelles Textes : C. trav., art. L. professionnelles.travail.gouv.fr 2314-4 et s. – Voir aussi : https://www.elections- 513. - Demande ; PV de carence. Dans les entreprises (ou dans les UES) comptant au moins 11 salariés, l’employeur doit organiser l’élection d’un CSE. Tous les quatre ans (en principe), une nouvelle élection doit intervenir afin de renouveler l’instance dont les mandats sont parvenus à expiration. En l’absence de CSE, un salarié de l’entreprise ou une organisation syndicale peut saisir l’employeur d’une demande tendant à l’organisation des élections. L’employeur doit alors engager le processus électoral dans le délai d’un mois suivant la réception de cette demande. Toutefois, le processus électoral peut ne pas aboutir pour une raison indépendante de la volonté de l’employeur, notamment en l’absence de tout candidat (au 1er tour comme au 2e tour des élections). En ce cas, l’employeur établit un « procès-verbal de carence » qu’il communique aux salariés. Une nouvelle demande d’élections ne peut alors être adressée avant un délai de six mois (C. trav., art. L. 2314-8 et L. 2314-9). 514. - Durée des mandats. Les membres du CSE sont élus pour quatre ans, à moins qu’un 132 133 Cass. soc., 26 mai 2004 : RJS 2004, n° 936. Cass. soc., 29 avr. 2009 : RJS 7/2009, n° 644. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 55 sur 135 accord collectif ait fixé une durée plus courte mais qui ne peut être inférieure à deux ans (les mandats durent donc entre 2 et 4 ans). Le nombre de mandats successifs est limité à trois (sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés, avec un “petit” CSE) (C. trav., art. L. 2314-33 et L. 2314-34). 515. - Électorat et éligibilité. Sont électeurs (= inscrits sur les listes électorales de l’entreprise) les salariés âgés de 16 ans révolus, ayant au moins trois mois d’ancienneté et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques. Sont éligibles les électeurs âgés de 18 ans révolus au moins, ayant travaillé dans l’entreprise depuis un an au moins. Sont inéligibles les conjoint, partenaire d’un PACS, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur. Des règles particulières s’appliquent aux salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises, aux salariés des entreprises de travail temporaire (ETT) et aux salariés mis à la disposition d’une entreprise par une entreprise extérieure (C. trav., art. L. 2314-18 et s.). 516. - Invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral (PAP). L’employeur invite les organisations syndicales à négocier un « protocole d’accord préélectoral » (PAP) (C. trav., art. L. 2314-5), qui fixera les modalités de l’élection, et à établir leur liste de candidats. Cette invitation est adressée, dans certains délais, aux syndicats représentatifs dans l’entreprise ou dans l’établissement mais aussi, plus largement : – aux syndicats dotés de la « petite représentativité » (voir supra, n° 402) ; – et aux syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel. Tous les syndicats doivent pouvoir tenter leur chance d’accéder à la “grande” représentativité (ce qui suppose qu’ils remportent au moins 10 % des suffrages exprimés au 1er tour, tous collèges confondus). Par exception, dans les entreprises de 11 à 20 salariés, l’employeur n’invite les syndicats à la négociation du PAP que si au moins un salarié s’est porté candidat dans un délai de 30 jours à compter du moment où l’employeur a informé le personnel de l’organisation des élections. Le PAP est un accord collectif soumis à des conditions de validité très strictes. Sa validité est subordonnée à une double condition de majorité : 1) il doit être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation ; 2) parmi ces signataires, doivent figurer les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2314-6). Le PAP fixe les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales (le calendrier et le lieu du scrutin, le vote – qui peut se faire par correspondance ou par voie Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 56 sur 135 électronique si un accord spécifique le prévoit –, etc.). Les modalités sur lesquelles aucun accord n’a pu être conclu sont fixées par le tribunal judiciaire qui statue selon la « procédure accélérée au fond » (PAF) et en dernier ressort (C. trav., art. L. 2314-28). 517. - Nombre de membres à élire ; collèges électoraux ; répartition des électeurs et des sièges. Le nombre de membres à élire (de sièges à pourvoir) est fonction de l’effectif de l’entreprise et résulte d’un tableau réglementaire (voir supra, n° 506, à propos des seuils d’effectifs). Les salariés sont répartis dans deux ou trois collèges électoraux (C. trav., art. L. 2314-11). Le 1er collège regroupe les ouvriers et employés. Le 2e collège regroupe les « ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés ». Dans les entreprises qui comptent au moins 25 « ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés », un 3e collège est créé spécialement pour eux (souvent appelé le « collège cadres »). Ensuite, les sièges à pourvoir sont répartis dans chaque collège où votent les salariés afin d’élire leurs représentants. La répartition du personnel et la répartition des sièges dans les collèges sont fixées par le PAP ou, à défaut d’accord sur ce point, par le DREETS (et non ici par le tribunal judiciaire). Si aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation, l’employeur répartit lui-même le personnel et les sièges entre les collèges électoraux (C. trav., art. L. 2314-13 et L. 2314-14. Pour l’élection du CSE central, cf. art. L. 2316-8). Un accord collectif (généralement le PAP) peut modifier le nombre et la composition des collèges électoraux à condition d’être unanime, c’est-à-dire signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2314-12). Il est très rare que la loi soumette un accord collectif à une condition d’unanimité. 518. - Caractéristiques du scrutin. Le scrutin a trois caractéristiques (C. trav., art. L. 231429 et L. 2314-30). ► C’est un scrutin de liste. • Les candidats (titulaires et suppléants) sont déclarés élus dans l’ordre de présentation de la liste présentée par chaque syndicat. • Les votants peuvent toutefois raturer le nom de certains candidats figurant sur la liste qu’ils placent dans l’urne (mais les ratures ne sont prises en compte que si elles atteignent 10 % des suffrages exprimés en faveur de cette liste). La rature exprime le droit de dire « oui… (à la liste)… mais non (à tel candidat) », ce qui serait inconcevable dans un scrutin uninominal. Au moment du dépouillement, Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 57 sur 135 les choses sont singulièrement compliquées !134 • Une « représentation équilibrée entre hommes et femmes » doit être assurée. D’une part, les listes doivent alterner un homme et une femme. D’autre part, la loi exige une parité, non pas absolue mais une “parité-miroir”, une parité proportionnelle, reflétant le pourcentage d’hommes et de femmes dans l’entreprise (calculé dans chaque collège). En cas de méconnaissance d’une de ces règles, le juge judiciaire annule l’élection des candidats mal positionnés ou de candidats appartenant au « sexe surreprésenté » (ce qui permet d’éliminer des listes les hommes ou femmes « en surnombre »). Exemple. – Une entreprise compte 200 salariés. Le personnel peut élire 10 élus titulaires et autant de suppléants. Après répartition des sièges et du personnel dans les deux collèges (par le PAP ou par le DREETS à défaut d’accord sur ce point), il est décidé que 6 sièges sont à pourvoir dans le 1er collège qui réunit 120 électeurs, dont 72 % d’hommes et 28 % de femmes. Un ratio doit être calculé (on se limite ici au 1er collège mais le même calcul s’effectue dans chaque collège) : 6 x 0,72 = 4,32 (arrondi à 4) / 6 x 0,28 % = 1,68 (arrondi à 2). Résultat : chaque liste de candidats titulaires et de candidats suppléants doit comporter 4 hommes et 2 femmes, à placer en alternance jusqu’à « épuisement » du sexe sous-représenté. Une liste régulière sera : H-F-H-F-H-H ou F-H-F-H-H-H (combinaisons qui respectent à la fois la parité-miroir et la règle de l’alternance). Deux exemples de listes irrégulières : H-H-H-F-H-F (non-respect de la règle de l’alternance) et H-F-H-H-H-H (non-respect de la parité-miroir). Quelles sont les sanctions ? S’il est saisi dans le délai de forclusion après la proclamation des résultats, le juge annule l’élection du candidat mal positionné ou l’élection d’un élu (voire de plusieurs) du même sexe que celui (de ceux) en surnombre, en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. La Cour de cassation sanctionne aussi la stratégie d’un syndicat consistant à déposer une liste incomplète (moins de candidats que de sièges à pourvoir) afin d’évincer un des deux sexes (ex. : une liste H-H évince les femmes). Une liste peut être incomplète mais elle doit respecter la proportion d’hommes et de femmes dans le collège et elle ne doit pas éliminer le sexe sous-représenté. ► C’est un scrutin à deux tours. Au 1er tour, seuls les syndicats invités à la négociation Un dépouillement donne lieu à trois décomptes différents : 1/ en vue de déterminer l'ordre d'élection et d'attribuer les sièges (les ratures sont prises en compte seulement si leur nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste concernée) ; 2/ au 1er tour seulement, en vue d'apprécier la représentativité d'un syndicat (cette fois-ci, les ratures sont ignorées car l’étiquette syndicale de la liste est seule déterminante) ; 3/ toujours au 1er tour, en vue d'apprécier la capacité d'un candidat à l'élection à être désigné délégué syndical (étant donné que l'article L. 2143-3 exige de lui qu’il ait obtenu un score personnel d'« au moins 10 % des suffrages exprimés », il faut tenir compte des ratures apposées sur son nom, même si elles représentent moins de 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle il figure). 134 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 58 sur 135 du PAP (voir supra, n° 516) peuvent présenter des listes de candidats. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits sur les listes électorales (= le quorum n’est pas atteint dans un ou plusieurs collèges), un 2e tour est organisé et les électeurs peuvent alors voter pour n’importe quelle liste, même si elle n’est pas présentée par un syndicat (les candidatures sont libres et les non-syndiqués peuvent tenter leur chance). Une candidature unique est considérée comme une liste ; deux salariés non syndiqués peuvent aussi faire liste commune. Un 2e tour doit aussi être organisé par l’employeur si : – aucun syndicat habilité n’a présenté de liste au 1er tour ; – des listes syndicales ont bien été présentées et le quorum a été atteint mais, après dépouillement et attribution des sièges, il s’avère que tous les sièges n’ont pas été pourvus parce que les listes présentées au 1er tour étaient incomplètes (il y avait moins de candidats que de sièges à pourvoir). ► C’est un scrutin avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. 519. - Proclamation des résultats. En l’absence de candidatures aux deux tours, l’employeur établit un procès-verbal de carence. Si, après dépouillement, des candidats sont élus, il établit le procès-verbal des élections qu’il transmet, via le site internet www.elections-professionnelles.travail.gouv.fr, à un prestataire du ministère du Travail, le « Centre de Traitement des Élections Professionnelles » (CTEP). 520. - CSE central. Dans les entreprises à établissements multiples, le comité social et économique central (CSEC) est composé d’un représentant de l’employeur et d’un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le CSE d’établissement parmi ses membres (C. trav., art. L. 2316-4). L’élection d’un CSEC s’effectue donc au suffrage indirect, après l’élection de tous les CSE d’établissement. 521. - Contentieux électoral ; causes de nullité. Les contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité ou à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du tribunal judiciaire (ex-tribunal d’instance) qui statue en dernier ressort (C. trav., art. L. 2314-32). Le tribunal doit être saisi dans un délai très bref (3 jours ou 15 jours). Le PAP et les opérations électorales doivent respecter les « principes généraux du droit électoral ». Ces principes sont la transposition, dans le droit des élections professionnelles, des règles inscrites dans le Code électoral. La jurisprudence sociale en a dégagé toute une série afin de combler les vides du Code du travail : la loyauté et la sincérité du scrutin, la neutralité de l'employeur, l’égalité des candidats, la publicité du scrutin, le secret du vote, la liberté de vote, le droit de rayer les noms de candidats dans un scrutin de liste, le choix du candidat le plus âgé en cas de partage des voix, etc. Leur violation est rédhibitoire. Les irrégularités qui traduisent une méconnaissance des principes généraux du droit électoral constituent, à elles seules, une cause d’annulation des élections « indépendamment de leur Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 59 sur 135 influence sur le résultat des élections »135. À la suite de la loi du 20 août 2008, la Cour de cassation a révisé la liste des causes de nullités du scrutin au regard des nouveaux enjeux attachés à l'élection : « à moins qu'elles soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 si, s'agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical »136. La distinction entre les péchés mortels (les violations d'un PGD électoral) et les péchés véniels (les irrégularités dépourvues d'influence sur le résultat des élections) est maintenue. Mais une catégorie intermédiaire est ajoutée : celle des péchés capitaux, soit des irrégularités qui ne sont pas graves en ellesmêmes mais qui peuvent avoir des conséquences graves (telles que la perte d'un siège ou de la représentativité par un syndicat qui était très près d’atteindre la barre des 10 %). Les syndicats sont cependant invités à faire preuve de cohérence. Lorsque le PAP répond aux conditions légales de validité, « il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu’en ce qu'il contiendrait des stipulations contraires à l’ordre public, notamment en ce qu'elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral. Toutefois un syndicat, qui, soit a signé un tel protocole, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du PAP et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public » 137. CHAPITRE 2. – LES ATTRIBUTIONS DU CSE (DANS LES ENTREPRISES D’AU MOINS 50 SALARIÉS) 600. - La consultation du CSE est obligatoire dans de nombreuses hypothèses (A). L’instance peut désigner et se faire assister d’un expert dans la plupart d’entre elles (B). Le CSE peut également déclencher une procédure d’alerte économique (C). En dehors de ses attributions économiques, le CSE gère des activités sociales et culturelles (D). A. – Les consultations du CSE 601. - Le Code du travail distingue les consultations récurrentes (1°) et les consultations 135 Cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-60228. Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 09-60203. 137 Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 20-20.962. 136 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 60 sur 135 ponctuelles (2°). Dans les entreprises à établissements multiples, l’instance à consulter peut être le CSE central uniquement, ou bien les CSE d’établissement et le CSE central (3°). 1°) Consultations récurrentes 602. - Le Code du travail prescrit trois grandes consultations du comité social et économique (C. trav., art. L. 2312-17 et s.). Elles sont dites « récurrentes » parce qu’elles sont annuelles, à moins qu’un accord fixe une autre périodicité qui doit être au minimum triennale (C. trav., art. L. 2312-19). ► Le CSE « est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages (…). Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée » (C. trav., art. L. 2312-24). ► Le CSE est consulté sur la situation économique et financière de l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-25). ► Le CSE est consulté sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2312-26). « Au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise » (C. trav., art. L. 2312-17). 2°) Consultations ponctuelles 603. - Les consultations ponctuelles sont relatives à des projets particuliers de l’employeur, notamment des projets de restructurations ou de licenciements économiques (a), des projets affectant la santé ou la sécurité des salariés (b) ou d’introduction de nouvelles technologies (c). Par ailleurs, des dispositions particulières (non développées ici) imposent d’informer et de consulter le CSE lorsque l’entreprise est « partie à une opération de concentration » au sens du droit de la concurrence) (C. trav., art. L. 2312-41), lorsqu’elle est l’auteur ou la cible d’une offre publique d’acquisition (OPA ou OPE) (C. trav., art. L. 2312-42 et s.) et en cas d’ouverture d’une procédure collective de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (C. trav., art. L. 2312-53). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 61 sur 135 a) Restructurations d’entreprises et grands licenciements économiques 604. - Textes. Selon l’article L. 2312-8, alinéa 2, du Code du travail, « Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur : 1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ; 2° La modification de son organisation économique ou juridique ; (…) » Selon l’article L. 2312-39 du même code, dont le domaine est plus spécifique, « Le comité social et économique est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application dans les conditions et délais prévus à l’article L. 1233-30, lorsqu’elle est soumise à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi » Rappelons que la consultation du CSE est obligatoire lorsqu’un employeur envisage de procéder à un grand licenciement pour motif économique et doit élaborer un PSE (voir Relations individuelles de travail - Leçons nos 11 et 12). Dans le même ordre d’idées, l’article L. 2327-2 prévoit que le CSE central est consulté « sur les projets importants concernant l’entreprise en matière économique et financière ». Ce texte est redondant par rapport aux deux précédents mais il a le mérite de souligner que la consultation n’est obligatoire que si le projet de l’employeur est « important » et non minime ou dénué de toute incidence sur l’emploi (ex. : une augmentation de capital). 605. - Caractère préalable de la consultation et notion de « décision ». Selon l’article L. 2312-14 du Code du travail, « les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique (…) ». Le CSE ne doit pas être mis devant le fait accompli mais consulté avant que l’employeur ait pris une décision sur le sujet soumis à cette instance représentative. À défaut, le dialogue social n’aurait aucun « effet utile » (selon une expression courante). La consultation doit intervenir sur un projet qui peut encore être rectifié ou abandonné, en amont et non en aval de toute décision définitive. Toute la difficulté réside dans la définition d’une « décision » au sens de ce texte : quand un projet se mue-t-il en décision impliquant une consultation préalable du CSE ? quand la consultation est-elle tardive et donc irrégulière ? Selon la Cour de cassation, « si une décision s’entend d’une manifestation de volonté d’un organe dirigeant qui oblige l’entreprise, il ne s’en déduit pas qu’elle implique nécessairement des mesures précises et concrètes ; un projet, même formulé en termes généraux, doit être soumis à consultation du [CSE] lorsque son objet est assez déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche générale Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 62 sur 135 de l’entreprise, peu important qu’il ne soit pas accompagné de mesures précises et concrètes d’application dès lors que la discussion ultérieure de ces mesures n’est pas de nature à remettre en cause, dans son principe, le projet adopté »138. En réalité, c’est au cas par cas que l’employeur doit apprécier si une décision ou un engagement irréversible ont été pris. La difficulté est que certaines opérations sont jalonnées de nombreuses étapes préparatoires (par exemple, la cession d’une entreprise) et que la direction, généralement, ne souhaite pas engager une consultation du CSE trop tôt : – soit par souci de confidentialité (par exemple, au moment des négociations avec de potentiels repreneurs durant lesquelles des engagements préliminaires sont fréquemment pris) ; – soit parce que les détails de l’opération sont encore très flous voire inconnus et que l’employeur ne possède aucune information précise à transmettre au CSE (la consultation serait creuse et n’aurait pas d’effet utile). Ainsi, par exemple, bien que le comité n’ait été convoqué, pour être informé et consulté sur un projet d’externalisation des services généraux, qu’après que la société eut confié à un cabinet extérieur le soin de rechercher des repreneurs, après que ce cabinet eut lancé un appel d’offres auquel avaient répondu plusieurs sociétés et après que la société cédante eut considéré que l’une d’entre elles présentait les meilleures garanties, la procédure consultative « avait été engagée avant que les conditions du projet d’externalisation des services ne soient définitivement arrêtées et avant toute mise en œuvre de ce projet »139. On était alors à un stade préparatoire de la décision qui n’avait pas encore été prise. La consultation du comité n'était pas encore nécessaire. b) Santé et sécurité des salariés 606. - Texte. « Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail », le CSE procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes (C. trav., art. L. 2312-9). Le CSE est « informé et consulté « sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (C. trav., art. L. 2312-8, 4°). 607. - Du CHSCT à la CSSCT. L’ordonnance « Macron » n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a supprimé le CHSCT (une institution représentative du personnel à part entière) dont les compétences ont été absorbées par le CSE. Le CHSCT s’est, en quelque sorte, réincarné dans une modeste « commission santé, sécurité et conditions du travail » (CSSCT) au sein du CSE (C. trav., art. L. 2315-36 et s.). Alors que toutes les entreprises d’au moins 50 salariés devaient mettre en place un CHSCT doté de multiples compétences (consultatives, notamment), une CSSCT n’est présente à titre obligatoire que dans les entreprises ou 138 139 Cass. soc., 12 nov. 1997 : Bull. civ. 1997, V, n° 375. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-17642. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 63 sur 135 établissements d’au moins 300 salariés et, en deçà de ce seuil, lorsque l’inspecteur du travail en impose la création. Elle compte au minimum trois membres (bien moins que l’ancien CHSCT). Désormais, la CSSCT se voit confier, « par délégation », tout ou partie des attributions du CSE relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, « à l'exception du recours à un expert » légal et des attributions consultatives du comité (C. trav., art. L. 2315-38). L’héritier véritable du CHSCT est donc le CSE, non la commission SSCT qui n’en est que l’appendice. Celle-ci se voit dénier toute compétence consultative et n’a pas le droit de recourir à un expert (comme pouvait le faire le CHSCT). 608. - Expertise santé, sécurité et conditions de travail (expertise SSCT). Le recours à une expertise légale, par le CSE, est justifié « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » prévu à l’article L. 2312-8, 4° (C. trav., art. L. 2315-94, 2°). Il existe donc une équation entre les deux notions : lorsque la consultation est obligatoire à ce titre, le CSE peut nécessairement désigner un expert en ce domaine, et réciproquement. On parle alors d’expertise ou d’expert SSCT. Constituent, par exemple un projet important requérant la consultation préalable du CSE (naguère, du CHSCT) et justifiant, le cas échéant, le recours à un expert habilité en santésécurité au travail : – un projet de modification des horaires de travail visant à privilégier la mise en place de cycles de travail de douze heures au lieu de dix, qui induisait la modification des rythmes biologiques et augmentait la pénibilité au travail 140 ; – le projet qui concernait l’intégralité des salariés de la gare de Toulouse, modifiait leurs tâches ainsi que l’amplitude de leurs horaires avec une augmentation du travail de nuit 141. Au contraire, ne constitue pas un projet important requérant la consultation préalable du CSE ou justifiant le recours à une expertise légale SSCT l’introduction d’un programme informatique d’intelligence artificielle destiné à aider les chargés de clientèle à traiter les abondants courriels qu’ils reçoivent, qui a donc des « conséquences mineures » sur les conditions de travail des salariés dont les tâches vont se trouver facilitées 142. 609. - Expertise pour « risque grave ». Par ailleurs, l’article L. 2315-94, 1° du Code du travail autorise le comité social et économique (auparavant, le CHSCT) à faire appel à un « expert habilité » « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ». Un risque grave est avéré, par exemple, lorsqu’une alerte du médecin du travail a signalé un stress et une souffrance de plusieurs salariés dus à la restructuration de leur service et au 140 Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-21493. Cass. soc., 9 mai 2018, n° 16-28528. 142 Cass. soc., 12 avr. 2018, n° 16-27866. 141 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 64 sur 135 syndrome des bâtiments malsains143. Au contraire, un risque grave ne peut résulter d’un sentiment diffus d’anxiété sur l’avenir de l’entreprise, des considérations générales sur la dégradation des relations sociales ou un accident isolé. c) Introduction de nouvelles technologies 610. - Selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE est informé et consulté sur l’« introduction de nouvelles technologies ». Il peut alors avoir recours à un expert habilité (C. trav., art. L. 2315-94, 2°), qui était naguère dénommé « expert technique ». 3°) L’articulation des consultations du CSE central et des CSE d’établissement 611. - Consultations récurrentes. Les consultations récurrentes sur les orientations stratégiques et sur la situation économique et financière de l’entreprise « sont conduites au niveau de l'entreprise, sauf si l’employeur en décide autrement » (C. trav., art. L. 2312-22, dern. al.). La troisième consultation récurrente, sur la politique sociale de l’entreprise, « est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces établissements » (C. trav., art. L. 2312-22, dern. al.). Cependant, un accord collectif d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE adopté à la majorité de ses membres titulaires, peut définir non seulement le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes mais aussi « les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation » (C. trav., art. L. 2312-19). L’ordonnance du 22 septembre 2017 consacre clairement la mainmise du CSE central sur les consultations récurrentes (et, dans ce cadre, sur la désignation d’un expert légal qui échappe désormais à la compétence des CSE d’établissement). 612. - Consultations ponctuelles. Les consultations ponctuelles relèvent d’un autre texte (C. trav., art. L. 2316-1). Le CSE central est « seul consulté » sur : - « les projets décidés au niveau de l'entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. Dans ce cas, son avis accompagné des documents relatifs au projet est transmis, par tout moyen, aux comités sociaux et économiques d’établissement » ; (…) - « les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements des projets » 143 Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-28388. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 65 sur 135 d’aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail et des projets d’introduction de nouvelles technologies ». De façon symétrique, l’article L. 2316-20 du Code du travail prévoit que : « Le comité social et économique d’établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Le comité social et économique d’établissement est consulté sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ». La consultation d’un comité d’établissement (et donc le recours par celui-ci à une expertise légale144) est donc exclue, à moins qu’elle porte sur un projet propre à cet établissement et totalement neutre à l’égard du reste de l’entreprise. Cela reste une hypothèse d’école. B. – Les experts du CSE 613. - Cas recours à un expert légal. En droit du travail comme dans la société contemporaine, les experts pullulent. Le CSE a ainsi la faculté de se faire assister d’un « expert-comptable », d’un « expert habilité », d’un « expert en risques » voire d’un « expert » tout court qui ont la double particularité d’être visés par la loi et rémunérés par l’employeur (en tout ou partie, désormais). En tout état de cause, le CSE peut faire appel à « tout type d'expertise » rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux (C. trav., art. L. 2315-81). L’intervenant est ce que l’on appelle alors un expert libre (et non légal). Les « experts rémunérés par l’entreprise » sont énumérés à l’article L. 2315-92 du Code du travail. Celui-ci distingue les « consultations récurrentes » et les « autres cas de recours à l’expertise » qui incluent notamment les « consultations ponctuelles ». Le CSE peut décider de recourir à un « expert-comptable » pour les trois grandes consultations récurrentes (C. trav., art. L. 2312-17). Un expert peut aussi être désigné par le CSE pour des consultations ponctuelles (C. trav., art. L. 2315-92), notamment et de façon non exhaustive : – en présence d’une opération de concentration (C. trav., art. L. 2312-41) ou d’une offre publique d'acquisition (C. trav., art. L. 2312-42 et s.) ; – lors de l’exercice du droit d'alerte économique (qui ne donne pas lieu à consultation mais à une demande d’explication : v. infra, n° 617) ; – en cas de grand licenciement collectif pour motif économique, accompagné d’un 144 V. aussi les articles L. 2316-2 et L. 2316-3 (recours à l’expertise par le CSE central), articles L. 2316-20 et L. 2316-21 (recours à l’expertise par un CSE d’établissement). Ces textes ne sont pas clairs. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 66 sur 135 PSE ; – en cas de projet d’« aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité », en cas de « risque grave, identifié et actuel » et en cas d’introduction de nouvelles technologies (voir supra, n° 610)… 614. - Prérogatives de l’expert : accès à des documents. L’employeur fournit à l'expert « les informations nécessaires à l’exercice de sa mission » (C. trav., art. L. 2315-83 et art. L. 2315-93). Toutefois, une jurisprudence aussi stricte que constante affirme qu’il appartient au seul expert-comptable de déterminer les documents qu’il estime « utiles à l’exercice de sa mission »145. Le juge n’a donc pas à rechercher si les documents demandés sont nécessaires à l’accomplissement de sa mission. L’utilité, appréciée par l’expert, a supplanté la nécessité, prévue par la loi. L’expert est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur (C. trav., art. L. 2315-84). L’employeur ne peut donc refuser de lui communiquer des documents qu’il réclame au motif qu’ils ont un caractère confidentiel et ne peuvent être divulgués. Le sujet est un point de crispation fréquent entre employeurs et experts qui, en cas de résistance abusive des premiers, peuvent saisir le juge des référés. 615. - Rémunération de l’expert : cofinancement ou non. Lorsque le CSE décide du recours à l’expertise, les frais d’expertise sont pris en charge (C. trav., art. L. 2315-80) : - par l'employeur en totalité, pour la plupart des consultations ; - par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 % et par l'employeur à hauteur de 80 %, à moins que le budget de fonctionnement du CSE soit insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise (C. trav., art. L. 2315-61, dern. al.). Cette règle de cofinancement de l’expertise est cantonnée à une consultation récurrente (sur les orientations stratégiques) et quatre « consultations ponctuelles » (en cas d’OPA ou d’opération de concentration, de projet d’introduction de nouvelles technologies, de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail). Le CSE qui doit acquitter 20 % du coût de l’expertise, sur son budget de fonctionnement, est incité à ne pas multiplier les expertises (notamment les expertises SSCT). Au contraire, lorsque la facture d’honoraires de l’expert est intégralement à la charge de l’employeur, son coût (parfois exorbitant) n’est pas de nature à troubler le CSE. 616. - Encadrement de l’expertise. Des règles (non développées ici) encadrent les délais 145 Cass. soc., 29 oct. 1987 : Bull. civ. 1987, V, n° 605. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 67 sur 135 de l’expertise et la contestation de l’expertise elle-même (voir : C. trav., art. L. 2315-78 et s. ; art. R. 2315-47 et s.). En particulier, l’expert remet son rapport au CSE au plus tard quinze jours avant l’expiration du délai couperet enfermant la consultation du CSE (qui est alors nécessairement de deux ou trois mois) (C. trav., art. R. 2315-47). C. – La procédure d’alerte économique Jurisprudence résumée dans le Code Dalloz sous l’ancien article L. 2323-50. 617. - Trois phases. Aux termes de l’article L. 2312-63 du Code du travail, une procédure d’alerte économique peut être déclenchée « lorsque le comité social et économique a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise ». Elle se déroule en trois étapes. 618. - Première phase : demande d’explications. En présence de « faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise », le CSE peut demander à « l’employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de plein droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité. Chronologiquement, la demande d’explications peut survenir à l’occasion d’une réunion du CSE convoquée sur la base d’un ordre du jour mentionnant un sujet autre que l’alerte. Dès lors que l’employeur, lors de cette première réunion, a été mis en mesure de fournir des explications relatives aux faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation de l’entreprise, invoqués par le CSE, et que ces explications étaient insuffisantes, le comité pouvait demander l’inscription à l’ordre du jour de la réunion suivante des points relatifs à la mise en œuvre de la procédure d’alerte et au recours à l’assistance d’un expert-comptable146. 619. - Deuxième phase : désignation d’un expert et rapport du CSE. Si le CSE n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. À cette fin, le CSE peut se faire assister, une fois par exercice comptable, d’un expertcomptable, soit un expert légal dont l’employeur est tenu de payer la rémunération. L’expert

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