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Summary

This document discusses the legal concept of 'intérêt à agir' in French administrative law. It details the conditions required to have standing to bring a legal action in administrative courts. Examples of case studies and legal precedents are provided.

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Avant d’étudier les règles spécifiques au contentieux de l’urbanisme (II), il y a lieu d’examiner les règles générales relatives à l’intérêt à agir (I). I. Règles générales relatives à l’intérêt à agir L’intérêt à agir est une condition de recevabilité tenant au requérant ; le défendeur ayant par na...

Avant d’étudier les règles spécifiques au contentieux de l’urbanisme (II), il y a lieu d’examiner les règles générales relatives à l’intérêt à agir (I). I. Règles générales relatives à l’intérêt à agir L’intérêt à agir est une condition de recevabilité tenant au requérant ; le défendeur ayant par nature toujours intérêt à répondre. En principe, l’intérêt à agir s’apprécie au regard du dispositif de la décision litigieuse et non de ses motifs (CE, 15 octobre 2001, Commune Saint-Laurent-du-Var c/Naegels). Pour avoir intérêt à agir, le requérant doit invoquer une « qualité » lui ouvrant les portes du prétoire. Par exemple, donnent intérêt à agir : • La qualité d’usager du service public, qui permet de contester toute décision touchant au fonctionnement dudit service. • La qualité de contribuable d’une commune, qui permet de contester toute mesure entraînant des conséquences pécuniaires sur le budget de la commune où vit le requérant (CE, 29 mars 1901, Casanova) • La qualité d’habitant d’une commune contre un décret portant changement du nom de cette commune (CE, 4 avril 1997, Marchal). Inversement, la qualité de citoyen français ne donne bien entendu pas intérêt à agir à un habitant d’une commune qui souhaite contester une délibération d’une commune voisine (CE, 27 octobre 1989, Seghers). Les conclusions de Jacques Théry sur la décision Damasio du Conseil d’État en date du 28 mai 1971 permettent de bien comprendre toute la spécificité de l’intérêt à agir en contentieux administratif : « S’il est évident qu’on ne peut être recevable à attaquer un acte administratif qui ne vous touche en rien, il résulte non moins forcément de votre jurisprudence qu’il ne suffit pas d’établir qu’un acte vous affecte de quelque façon pour qu’un recours soit recevable. Encore faut-il justifier qu’il le fait dans des conditions donnant précisément intérêt à en contester la légalité [...]. Entre le trouble que constitue toute illégalité et le trouble que provoque toute annulation, votre jurisprudence sur l’intérêt est ainsi contrainte à des compromis difficiles. Mais, si les principes qui vous guident sont dans tous les esprits, leur degré de généralité ne permet pas d’en tirer des critères rigoureux de solution. En cette matière aussi, tout l’art et toute la difficulté sont dans l’exécution ou l’application. Pour analyser le problème qui vous est aujourd’hui soumis, nous dirions volontiers, pour reprendre en l’adaptant une terminologie empruntée au contentieux de la responsabilité de la puissance publique et qui sert à caractériser le préjudice pouvant ouvrir droit à réparation, que pour justifier d’un intérêt donnant qualité pour intenter un recours pour excès de pouvoir, le justiciable doit établir que l’acte attaqué l’affecte dans des conditions suffisamment spéciales, certaines et directes, étant entendu qu’il s’agit là simplement d’une manière commode de classer les difficultés et non d’une recette pour les résoudre. » Dès lors, pour qu’un requérant justifie valablement d’un intérêt à agir, il faut que l’acte attaqué l’affecte dans des conditions suffisamment spéciales, certaines et directes. On peut y ajouter également la nécessité d’un intérêt légitime. Objectif Barreau — Procédure administrative et contentieuse 187 Un intérêt suffisamment spécial : cette condition est remplie s’agissant par exemple : • D’un hôtelier, établi dans une station thermale spécialisée dans le traitement des maladies infantiles qui souhaite agir contre l’arrêté ministériel qui fixe la date et la durée des vacances scolaires (CE, Sect., 28 mai 1971, Damasio) ; • De l’époux d’une ressortissante étrangère qui agit contre le refus opposé à la demande de visa de long séjour que son épouse avait présentée pour venir le rejoindre en France (CE, 30 septembre 1998, Kurekci) ; • D’un syndicat de magistrats judiciaires ou de greffiers qui contestent des décrets supprimant le siège et le ressort de tribunaux de commerce (CE, 8 juillet 2009, Compagnie Saint-Dié-des-Vosges). Un intérêt suffisamment certain : cette condition n’est pas remplie s’agissant par exemple : • D’un requérant qui se prévaut des seules qualités de résident du département de la Guyane et de promeneur contre un décret portant création d’un parc national, dès lors qu’il est domicilié à 200 km des limites du parc (CE, 3 juin 2009, Canavy) ; • Ou encore l’usager du service public de la justice contre le décret du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (CE, 29 septembre 2003, Jolivet). L’intérêt peut toutefois être éventuel ou futur. Cette condition est ainsi remplie s’agissant par exemple : • D’un agent titulaire d’un contrat de coopération en Côte d’Ivoire attaquant des dispositions d’un décret du 25 avril 1978 fixant le régime de rémunération du personnel civil de coopération auprès de certains États étrangers, dès lors que les dispositions de ce texte étaient susceptibles d’être opposées au requérant lors d’un éventuel renouvellement de son contrat de coopération (CE, Sect., 12 juin 1981, Grimbichler) ; • Des salariés d’une entreprise demandant l’annulation de l’arrêté plaçant un fonctionnaire en position de disponibilité pour exercer des fonctions au sein de cette entreprise (CE, 30 juillet 2003, Synd. nat. CFTC personnel caisses d’épargne et a. et Aguirre) ; • Des assurés agissants contre la décision par laquelle l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles refuse d’engager une procédure disciplinaire dont l’objet est précisément de garantir, dans l’intérêt des assurés, la sécurité du marché des produits d’assurance (CE, Sect., 30 novembre 2007, Tinez et a.). Un intérêt suffisamment direct : cette condition a été regardée comme remplie s’agissant par exemple : • Du propriétaire d’un terrain contre l’autorisation de cumul accordée à un tiers concernant ce terrain (CE, 16 mars 1977, Lagrange) ; • D’une société commerciale contre un décret relatif à l’emploi de moyens de paiement autres que monétaires (CE, Sect., 12 février 1962, Société Eky). En revanche, cette condition n’a pas été regardée comme remplie s’agissant par exemple : • Du recours d’un député contre le décret nommant le président de la Commission de la concurrence (CE, Ass., 20 novembre 1981, Schwartz), • De la requête d’une association de parents d’élèves des établissements privés d’éducation dirigée contre une circulaire du ministre délégué à l’enseignement scolaire relative aux établissements publics (CE, Ass., 30 juin 2000, Assoc. « Choisir la vie »), • De la requête présentée par un agent contre la nomination d’un agent d’un corps auquel il n’avait aucune chance d’accéder (CE, 18 janvier 1956, Noël). Un intérêt légitime : un intérêt illicite ou illégitime ne saurait en tout état de cause justifier la recevabilité du recours (CE, 23 mars 1949, Proselkova, Rec. p. 141). Ce dernier ne peut en effet être exercé aux fins d’assurer la sauvegarde d’une situation irrégulière. Enfin, au-delà de ces caractéristiques : • L’intérêt à agir peut être moral : il en va ainsi pour la nomination d’un élève dans une grande école et donc la réputation de l’établissement (CE, Ass., 13 juillet 1948, Société amis École polytechnique) ; la Objectif Barreau — Procédure administrative et contentieuse 188 protection par un fonctionnaire de sa réputation (CE, 21 mai 1948, Clausi, no Rec., p. 225) ; la diffusion de films pornographiques aux mineurs (CE, Sect., 30 juin 2000, Assoc. Promouvoir) ; • L’intérêt peut être purement financier (CE, Sect., 5 mars 1978, Société Halles aux Cuirs de Paris, Rec., p. 138) ; • L’intérêt peut être esthétique : recours de tiers attaquant un permis de construire des éoliennes (CE, 15 avril 2005, Association des citoyens et contribuables, communauté de communes Saane-et-Vienne et a.) ; • L’intérêt peut être individuel ou collectif : individuel lorsqu’il s’agit d’attaquer par exemple un refus de nomination (CE, 17 juin 1987, Lovichi) et collectif lorsqu’il s’agit pour un syndicat d’attaquer une réglementation applicable à corps prédéterminé (ex : syndicat de magistrats administratifs contre des dispositions réglementaires relatives à la procédure devant la juridiction administrative : CE, 28 décembre 2005, Union syndicale des magistrats administratifs). C’est la jurisprudence administrative qui fixe les critères pour décider si tel ou tel requérant a ou n’a pas intérêt à agir même si au terme d’une évolution le législateur intervient de plus en plus sur cette question. Il en va ainsi en matière d’associations ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement (C. env., art. L. 1421), pour les associations agréées de protection de l’environnement (C. env., art. L. 611-1), pour les tiers attaquant un arrêté relatif à une installation classée pour l’environnement (C. env., art. L. 514-6) et pour les tiers attaquant un permis de construire (C. urb., art L. 600-1-1 et s.). Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’absence d’intérêt à agir peut se régulariser en cours d’instance même si, en pratique, les hypothèses restent assez rares. En effet, rien ne s’oppose à ce que l’évolution des circonstances de droit et/ou de fait fasse apparaître un intérêt à agir qui, initialement, pouvait ne pas être reconnu (CE, Ass., 1er avril 1938, Société L’alcool dénaturé Coubert). La production après la clôture de l’instruction d’éléments justifiant de l’intérêt pour agir du requérant ne fait pas obstacle à ce que le juge rejette la requête comme irrecevable pour défaut d’intérêt pour agir sans rouvrir l’instruction, sauf si le requérant n’était pas en mesure de faire état de ces justifications avant la clôture de l’instruction (CE, 23 décembre 2014, Communauté d’agglomération du Grand Besançon). II. L’intérêt à agir en contentieux de l’urbanisme A. L’intérêt à agir des associations L’intérêt à agir d’une association à l’encontre d’une décision d’urbanisme s’apprécie au regard, d’une part, de son objet social tel que défini par ses statuts et, d’autre part, de la publication de ses statuts (CE, 29 mars 2017, Association « Garches est à vous », no 395419). L’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction issue de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018) a ajouté la condition suivante : « Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. » L’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction issue du décret no 2018-617 du 17 juillet 2018) précise que : « Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant. Lorsqu’elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. » Les requêtes introduites par une association doivent désormais être accompagnées, d’une part, des statuts de l’association et, d’autre part, du récépissé attestant de la date de sa déclaration en préfecture. Objectif Barreau — Procédure administrative et contentieuse 189 Il convient de noter que le non-respect de cette nouvelle exigence est sanctionné par l’irrecevabilité de la requête sans possibilité de régularisation. B. L’intérêt à agir des tiers autres que les associations L’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction issue de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018) dispose, s’agissant de l’intérêt à agir du requérant tiers, que : « Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation. Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. » Le recours du tiers n’est donc possible que « si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire ». L’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction issue du décret no 2018-617 du 17 juillet 2018) ajoute que : « Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant. Lorsqu’elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. » Avec ce nouvel article R. 600-4 du Code de l’urbanisme, les requêtes doivent désormais être accompagnées d’un acte justifiant du caractère régulier de l’occupation elle-même ou de la détention de son bien par le requérant. À défaut, les requêtes qui ne seront pas accompagnées de ce justificatif seront déclarées purement et simplement irrecevables, sans possibilité de régularisation.

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