Cours de Droit des Obligations PDF

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2022

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Ce manuel présente un cours complet sur le droit des obligations, couvrant le droit des contrats et la responsabilité civile. Il est conçu pour une utilisation pédagogique et se compose de fiches détaillées pour chaque chapitre. Le document vise à faciliter l'apprentissage du droit des obligations à travers un cours structuré et une approche pratique.

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© Enrick B. Éditions, 2022, Paris www.enrickb-editions.com Tous droits réservés Directeur de la Collection CRFPA : Daniel BERT Conception couverture : Marie Dortier Réalis...

© Enrick B. Éditions, 2022, Paris www.enrickb-editions.com Tous droits réservés Directeur de la Collection CRFPA : Daniel BERT Conception couverture : Marie Dortier Réalisation couverture : Comandgo ISBN : 978-2-38313-010-9 « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » Ce document numérique a été réalisé par PCA Sommaire Couverture Titre Copyright Préface Le mot du Directeur de collection Avant-propos Liste des abréviations Bibliographie générale INTRODUCTION GÉNÉRALE Fiche n° 1 La notion d'obligation Fiche n° 2 Les sources des obligations P@RTIE 01 LES CONTRATS ET QUASI-CONTRATS TITRE 1. LES CONTRATS PROLÉGOMÈNES Fiche n° 3 La notion de contrat Fiche n° 4 Présentation générale de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche n° 5 L'application dans le temps de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche n° 6 La classification des contrats Fiche n° 7 Les principes directeurs du droit des contrats SOUS-TITRE 1 – LA FORMATION DU CONTRAT Fiche n° 8 Les négociations précontractuelles Fiche n° 9 L'offre et l'acceptation Fiche n° 10 Les avant-contrats Fiche n° 11 Le contrat conclu par voie électronique Fiche n° 12 La capacité Fiche n° 13 La représentation Fiche n° 14 Le consentement Fiche n° 15 Le contenu du contrat Fiche n° 16 La sanction des conditions de validité du contrat : la nullité Fiche n° 17 La sanction des conditions de validité du contrat : la caducité SOUS-TITRE 2 – LES EFFETS DU CONTRAT Fiche n° 18 Les effets du contrat entre les parties Fiche n° 19 L'effet relatif du contrat à l'égard des tiers Fiche n° 20 L'inexécution du contrat Fiche n° 21 La durée du contrat Fiche n° 22 La cession de contrat Fiche n° 23 L'interprétation du contrat TITRE 2. LES ENGAGEMENTS SE FORMANT SANS CONVENTION Fiche n° 24 Les quasi-contrats P@RTIE 02 LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROLÉGOMÈNES Fiche n° 25 La comparaison entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle Fiche n° 26 La délimitation des domaines entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle TITRE 1. LES CONDITIONS D'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE SOUS-TITRE 1 – LES CONSTANTES SECTION 1. LE DOMMAGE Fiche n° 27 Les caractères du préjudice réparable SECTION 2. LA CAUSALITÉ Fiche n° 28 La causalité retenue Fiche n° 29 La causalité exclue : la cause étrangère SOUS-TITRE 2 – LES DIFFÉRENTS FAITS GÉNÉRATEURS DE RESPONSABILITÉ CIVILE SECTION 1. LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE Fiche n° 30 Le manquement contractuel SECTION 2. LA RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE Fiche n° 31 La responsabilité du fait personnel Fiche n° 32 La responsabilité du fait des choses Fiche n° 33 La responsabilité du fait d'autrui SECTION 3. LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RESPONSABILITÉ ET D'INDEMNISATION Fiche n° 34 Les accidents de la circulation Fiche n° 35 Les responsabilités professionnelles Fiche n° 36 La responsabilité sportive TITRE 2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE Fiche n° 37 Les clauses aménageant la réparation due par le débiteur contractuel Fiche n° 38 La mise en œuvre de la responsabilité civile : questions de procédure Fiche n° 39 La mise en œuvre de la responsabilité civile : questions de fond P@RTIE 03 LE RÉGIME GÉNÉRAL DE L'OBLIGATION Fiche n° 40 Les actions ouvertes au créancier Fiche n° 41 Les modalités de l'obligation Fiche n° 42 La transmission des obligations Fiche n° 43 Novation et délégation Fiche n° 44 L'extinction des obligations Fiche n° 45 Les restitutions P@RTIE 04 LES PREUVES Fiche n° 46 Les principes gouvernant le droit de la preuve Fiche n° 47 La charge de la preuve Fiche n° 48 L'objet de la preuve Fiche n° 49 Les modes de preuve ANNEXE Nomenclature des postes de préjudices (Rapport Dintilhac) Table de concordance des articles 1100 à 1386-1 du Code civil (ancienne / nouvelle numérotation) Index alphabétique L’auteur remercie son collègue Thibault Gisclard, maître de conférences en droit privé à l’Université de Lille Droit & Santé, pour ses conseils et son amicale disponibilité. Préface Souvenons-nous de ce que, à l’Université ou ailleurs, nous aimions chez un enseignant. Sa matière pouvait bien être la plus hermétique de toutes, la plus difficile à appréhender, peu importe. Nous savions qu’il allait nous emmener dans un univers savant et exigeant, avec pédagogie et bienveillance, qu’il ne ménagerait pas son temps afin que nous puissions maitriser la grammaire élémentaire de sa discipline, avant de nous conduire vers des considérations plus sophistiquées, sans jamais laisser quiconque au bord de la route. Je regrette de ne pas avoir retenu le nom de cette exceptionnelle chargée de travaux dirigés en droit des sûretés à l’Université Paris-X Nanterre, qui n’a certes jamais rendu cette matière plus simple – car c’est une matière d’une grande complication, au sens le plus noble de l’horlogerie – mais qui avait fait le pari de l’exigence et qui nous l’avait enseignée en la mettant sans cesse en perspective, convoquant les exemples concrets, explicitant le cheminement de la doctrine sur tel aspect ; nous donnant le sentiment, malgré son érudition, qu’elle nous parlait d’égal à égal. J’avais adoré le droit des sûretés. L’aurais-je même imaginé quelques mois auparavant, tant la réputation de cette disciplinaire la précédait, tant nous l’appréhendions avec une crainte révérencielle, tant nous nous perdions en calculs savants afin d’en anticiper la compensation arithmétique dans nos moyennes finales ? Ce que nous avons aimé, au fond, chez certains enseignants, c’est qu’ils nous rendaient le savoir accessible. C’est que l’on commençait à y croire, que l’on se disait pourquoi pas. J’aurais dû retenir le nom de cette exceptionnelle chargée de travaux dirigés. L’accessibilité demeure encore une préoccupation aujourd’hui, face à un corpus juridique qui s’est complexifié à travers le temps, et étendu dans l’espace. Les étudiants qui parcourent le présent ouvrage deviendront en effet des avocats d’un monde quelque peu nouveau : un droit interne toujours plus influencé par le droit européen et international, une géopolitique qui aura modifié notre rapport aux libertés individuelles, une conjugaison intime entre le droit écrit et la soft law, devenus quasiment équivalents, l’émergence d’acteurs nouveaux du droit (régulateurs sectoriels de plus en plus nombreux, de plus en plus actifs, associations et organisations non gouvernementales légitimées dans leur exercice quotidien), bouleversement de notre pratique par cette révolution anthropologique fascinante que constitue le numérique. Ce sont des qualités nouvelles qui devront désormais être cultivées par l’avocat : l’intelligence émotionnelle, la créativité, la résolution de problèmes complexes, le développement de l’identité numérique, le travail – ou davantage encore l’exercice – en équipe. Le nouvel examen national s’efforce de répondre aux exigences de cet environnement nouveau. L’examen d’entrée au CRFPA se transforme afin d’être plus cohérent, plus lisible et plus sélectif. Plus égalitaire aussi. Mais cette réorganisation crée quelques inquiétudes chez les étudiants et implique un changement dans l’organisation de leur préparation. L’accessibilité est donc plus que jamais une préoccupation face à un examen d’entrée dans les Écoles d’Avocats dont, conséquence de la complexification du droit, les contours ont été redessinés. C’est donc la stratégie d’enseignement et de préparation à cet examen qui s’en trouve transformée, notamment en cette période légitimement préoccupante pour les étudiants de transition entre l’ancien examen et le nouveau. Il faut donc saluer la démarche qui consiste pour une maison d’édition telle qu’Enrick B Éditions, à imaginer une nouvelle structure éditoriale, une offre innovante, totalement adaptée à la nomenclature du nouvel examen national d’accès aux Écoles d’Avocats. L’accessibilité, toujours, qui consiste à réorganiser les contenus d’un manuel afin de les orienter vers leur application la plus concrète et la plus immédiate. Il ne s’agit pas d’abandonner les traités et les ouvrages les plus denses, qui ont fait l’objet d’un enrichissement quasiment majestueux au fil des années. Il ne s’agit pas davantage de déserter un apprentissage régulier et assidu à l’Université au profit d’un bachotage affolé. Le Droit s’apprend par un phénomène de sédimentation noble. Il faut du temps. Il faut de la régularité. Mais le nouvel examen obéit à une structure et s’inscrit dans une stratégie nouvelle : réduction des matières disponibles, recentrage autour de certains enseignements, valorisation de l’admission à travers le coefficient modifié du Grand Oral. Cette réorganisation nécessite une pédagogie nouvelle. Et ce n’est peut-être pas un hasard si c’est Daniel BERT qui inaugure la présente collection. Daniel a toujours eu, en marge d’un parcours académique irréprochable, un regard particulier sur l’exigence de pédagogie et d’accompagnement de l’étudiant. Nombreuses sont les opportunités qu’il a créées, permettant la rencontre entre praticiens et étudiants, afin que ces derniers mesurent avec une plus grande acuité les exigences de notre exercice quotidien et les qualités qui sont attendues du candidat au CRFPA puis du jeune avocat. Je soupçonne égoïstement, et avec le sourire, que Daniel BERT a fini par être lui- même convaincu par l’exercice auquel il a invité ses étudiants. Il est probable que son entrée récente dans la profession, marque la concrétisation d’une synthèse entre l’exercice académique et l’exercice professionnel, exercices qui n’ont jamais constitué pour lui un espace de contradiction mais d’enrichissement. Pour avoir accompagné Daniel dans plusieurs rendez-vous conçus pour permettre la rencontre entre praticiens et étudiants, j’ai mesuré sa disponibilité à l’égard de nos futurs confrères, son souci de rendre l’enseignement vivant, concret, parfois ludique, toujours accessible. Cet ouvrage participe de cette préoccupation constante, en constitue une nouvelle initiative. Et il est – surtout – réjouissant de constater que la pédagogie conserve sa capacité d’imagination. Kami HAERI Avocat associé, Quinn Emanuel Ancien secrétaire de la Conférence Ancien membre du Conseil de l’Ordre Le mot du Directeur de collection L’examen d’accès au CRFPA est réputé difficile et sélectif. L’arrêté du 17 octobre 2016 renforce cette impression, dans la mesure où le double objectif de la réforme est à la fois de simplifier et de complexifier l’examen d’accès au CRFPA. Simplifier l’organisation de l’examen, tout d’abord, en diminuant le nombre d’épreuves et en nationalisant les sujets. Complexifier l’obtention de cet examen, ensuite, afin de dresser des barrières d’accès à la profession d’avocat. Les avocats ne cessent, à juste titre, de dénoncer la paupérisation de leurs jeunes confrères et réclament davantage de sélection à l’entrée de la profession. La réussite de l’examen d’accès au CRFPA nécessite : – un solide socle de connaissances dans les matières fondamentales ; – une bonne méthodologie ; – une bonne connaissance de l’actualité, les rédacteurs de sujets d’examen ayant souvent tendance à se laisser guider par l’actualité. La Collection CRFPA a été conçue autour de ces trois axes. L’éditeur, Enrick B Éditions, a mis en place une gamme d’outils d’apprentissage et de révision efficaces, dans la seule optique de la préparation au CRFPA. Conçus autour de l’arrêté réformant le programme et les modalités de l’examen d’entrée au CRFPA, les ouvrages sont rédigés par une équipe d’universitaires et de praticiens, tous rompus à la préparation du « pré-CAPA », depuis plus de dix ans. La Collection CRFPA comporte autant d’ouvrages que de matières composant l’examen d’entrée au CRFPA. Elle est conçue pour faciliter une acquisition rapide et progressive des connaissances. Chaque ouvrage ne dépasse pas en moyenne 500 pages. Les chapitres sont remplacés par des « fiches ». Chaque fiche est composée de trois rubriques récurrentes, conçues pour proposer trois niveaux de lectures différents : – L’essentiel (un résumé du cours en dix lignes maximum) ; – Les connaissances (un rappel des connaissances indispensables pour préparer les épreuves pratiques) ; – Pour aller plus loin (des indications bibliographiques utiles, le cas échéant, à l’approfondissement du cours). Élaborés avec le concours de psychologues, les ouvrages contiennent des schémas, tableaux et illustrations, conçus afin de stimuler la mémoire visuelle du lecteur et d’éviter de longs développements qui pourraient parfois paraître rébarbatifs ou décourageants. Les études démontrent en effet que l’alternance de visuels (tableaux, schémas, etc.) et la dynamisation du contenu sont les clés d’une mémorisation simplifiée. En outre, grâce à l’emploi de technologies innovantes, chaque ouvrage de la Collection CRFPA est connecté. Afin d’assurer une veille entre chaque réédition, il comporte un QR Code en première page permettant d’accéder à des mises à jour en ligne, disponibles jusqu’à la veille de l’examen. Par ailleurs, vous trouverez tout au long des ouvrages d’autres QR Codes. En les scannant, vous pourrez accéder à des vidéos portant sur des points particuliers du cours, ou bénéficier de conseils méthodologiques de la part des auteurs. Les ouvrages deviennent donc interactifs ! À chaque ouvrage de cours sera associé un ouvrage d’exercices corrigés composé de cas pratiques et de consultations juridiques, qui couvre l’intégralité du programme de la matière et renvoie aux fiches de l’ouvrage de cours. Les deux ouvrages sont conçus comme complémentaires. Les ouvrages de la Collection CRFPA constitueront, nous le souhaitons et nous le pensons, le sésame qui vous permettra d’accéder à la profession d’avocat. Daniel BERT Maître de conférences à l’Université de Lille Avocat à la Cour Directeur de la Collection CRFPA Avant-propos Le programme de l’épreuve de droit des obligations est défini par l’arrêté du 17 octobre 2016, modifié par l’arrêté du 2 octobre 2018, fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats : I. – Contrats et autres sources des obligations ; II. – Responsabilité civile ; III. – Régime général de l’obligation ; IV. – Preuves. Le présent ouvrage de droit des obligations couvre l’intégralité du programme de l’examen d’accès au CRFPA. Pour aborder la « consultation » en droit des obligations, une connaissance parfaite de la réforme du droit des obligations est requise (Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, s’agissant du droit intermédiaire ; loi de ratification no 2018-287, 20 avr. 2018, s’agissant du droit nouveau). Mais il ne faut pas non plus négliger la loi ancienne qui continue à régir les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 (sur l’application dans le temps de l’ordonnance de réforme, V. fiche no 5). Autrement dit, vous devez être capable de composer avec trois périodes : le droit antérieur à l’ordonnance, le droit de la période intermédiaire (pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018) et le droit nouveau (pour les contrats conclus depuis le 1er octobre 2018). Il est d’ailleurs possible, pour une même situation juridique, que l’intitulé du sujet vous invite à résoudre la « consultation » au regard tant de la loi ancienne que du droit intermédiaire ou du droit nouveau issu de la loi de ratification, afin de vérifier que vous maîtrisez potentiellement les trois régimes. Dans un souci pédagogique, l’ouvrage se réfère à la « loi ancienne » pour désigner la loi applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 et à la « loi nouvelle » pour désigner la loi applicable aux contrats conclus après le 1er octobre 2016. Lorsqu’il est précisé « article XXXX » du Code civil, sans précision supplémentaire, il est implicitement fait référence à la loi nouvelle. Dans une copie d’examen, veillez toujours à citer l’article « XXXX nouveau » ou « XXXX ancien » du Code civil. Notez que si la partie relative à la responsabilité civile extracontractuelle n’a pas été impactée par l’ordonnance de réforme, l’ensemble des articles composant le Titre III, IV et IV bis du Livre III du Code civil ont été renumérotés. Ainsi, l’article 1382 du Code civil n’est plus, remplacé par l’article 1240 nouveau ! Une table de concordance vous est proposée à la fin de l’ouvrage pour vous aider à trouver l’équivalence entre les anciens articles et les nouveaux. La meilleure façon de travailler consiste à lire l’ouvrage tout en suivant les articles correspondants dans le Code civil, afin de vous repérer dans la nouvelle numérotation. Daniel BERT Maître de conférences à l’Université de Lille Avocat à la Cour Directeur de la Collection CRFPA Liste des abréviations AJ : acte juridique al. : alinéa art. : article Cass. ass. plén. : Cour de cassation, assemblée plénière Cass. ch. réun. : Cour de cassation chambres réunies Cass. civ. 1re : Cour de cassation, première chambre civile Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale Cass. soc. : Cour de cassation, chambre sociale CASF : Code de l’action sociale et des familles C. assur. : Code des assurances C. civ. : Code civil C. consom. : Code de la consommation C. déont. méd. : Code de déontologie médicale C. envir. : Code de l’environnement CPC : Code de procédure civile CPP : Code de procédure pénale C. mon. fin. : Code monétaire et financier C. rur. : Code rural et de la pêche maritime CSP : Code de la santé publique C. transports : Code des transports D. : décret i.e. : Id est (c’est-à-dire) L. : loi NB : nota bene (« Bien noter que… ») not. : notamment Ord. : ordonnance Préc. : précité PUV : promesse unilatérale de vente PSV : promesse synallagmatique de vente s. : suivants V. : voir VTM : véhicule terrestre à moteur Bibliographie générale Quels que soient les ouvrages sur lesquels vous vous appuierez, privilégiez une édition à jour de l’ordonnance de réforme et de la loi de ratification, pour les parties consacrées au droit des contrats, au régime général de l’obligation et à la preuve : – ANDREU (L.) et THOMASSIN (N.), Cours de droit des obligations, Gualino, Lextenso, coll. Amphi LMD, 2018-2019, 3e éd. ; – AUBERT (J.-L.), FLOUR (J.) et SAVAUX (E.), Droit civil : les obligations. L’acte juridique, Sirey, 17e éd., 2019 ; – AUBERT (J.-L.), FLOUR (J.) et SAVAUX (E.), Droit civil : les obligations. Le fait juridique : quasi-contrats, responsabilité délictuelle, Sirey, 15e éd., 2019 ; – AUBERT (J.-L.), FLOUR (J.) et SAVAUX (E.), Droit civil : les obligations. Le rapport d’obligation, Sirey, 10e éd., 2020 ; – AUBERT (J.-L.), et SAVAUX (E.), Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Sirey, 17e éd., 2018 ; – BACACHE (M.), La responsabilité civile extracontractuelle, Economica, 3e éd 2016 ; – BENABENT (A.), Droit des obligations, LGDJ, 17e éd., 2018 ; – BRUN (P.), Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 2018 ; – CARVAL (S.), JOURDAIN (P.) et VINEY (G.), Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 4e éd., 2017 ; – CHANTEPIE (G.) et LATINA (M.), La réforme du droit des obligations, Commentaire article par article, Dalloz, 2e éd., 2018 ; – COLLECTIF, Hors-série de la Revue des contrats : « Réforme du droit des contrats : quelles innovations ? », Lextenso, avril 2016 ; – DELEBECQUE (Ph.) et PANSIER (F.-J.), Droit des obligations, Contrats et quasi-contrat, vol. 1, 7e éd., 2016 ; Responsabilité civile, e délit et quasi-délit, vol. 2, 7 éd., 2016 ; Régime général, vol. 3, 8e éd., 2018. – DESHAYES (O), GENICON (Th) et LAITHIER (Y.-M.), Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article, LexisNexis, 2e éd., 2018 ; – DOUVILLE (Th.) dir., La réforme du droit des contrats, commentaire article par article, Gualino, Lextenso, 2018, 2e éd. ; – FAGES (B.), Droit des obligations, LGDJ, 8e éd., 2018 ; – FORTI (V.) et ANDREU (L.) dir., Le nouveau régime général des obligations, Dalloz, coll. thèmes et commentaires, 2016 ; – FRANCOIS (J.), Les obligations. Régime général, Economica, 4e éd., 2017 ; – HOUTCIEFF (D.), Droit des contrats, Larcier, coll. Paradigme, 4e éd., 2018 ; – JULIENNE (M.), Le régime général des obligations après la réforme, LGDJ, 2e éd., 2018 ; – LE TOURNEAU (P.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action 2018-2019 ; – MALAURIE (Ph.), AYNES (L.) et STOFFEL-MUNCK (P.), Les obligations, LGDJ, 10e éd., 2018 ; – MEKKI (M.), FENOUILLET (D.) et MALINVAUD (Ph.), Droit des obligations, LexisNexis, 14e éd., 2017 ; – RENAULT-BRAHINSKY (C.), L’essentiel de la réforme du droit des obligations, Lextenso, Gualino, coll. Les carrés, 2e éd., 2018 ; – TERRÉ (F.), SIMLER (Ph.) et LEQUETTE (Y.), CHENEDE (F), Les obligations, DALLOZ, coll. Précis, 12e éd., 2018 ; – VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2008 ; – VINEY (G.) et JOURDAIN (P.), Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4e éd., 2013. INTRODUCTION GÉNÉRALE Fiche no 1 La notion d’obligation Fiche no 2 Les sources des obligations o Fiche n 1 La notion d’obligation L’ESSENTIEL L’article 1100 du Code civil évoque la naissance de l’obligation, mais n’en donne aucune définition. L’obligation peut se définir comme un lien de droit en vertu duquel une personne, le créancier, peut exiger d’une autre personne, le débiteur, l’exécution d’une prestation. Du côté du créancier, le rapport d’obligation s’appelle la créance ; du côté du débiteur, il s’appelle la dette. LES CONNAISSANCES Après avoir étudié la notion d’obligation (§ 1), nous examinerons ses caractères (§ 2). §1 La notion d’obligation L’obligation présente avant tout une fonction économique. Elle est le véhicule qui permet de réaliser un transfert de valeur entre deux personnes. Le débiteur, sujet passif, devra exécuter une prestation au profit du créancier. Le créancier, sujet actif, quant-à-lui, a vocation à bénéficier et à conserver la prestation du débiteur. Le droit des obligations constitue la matrice du droit civil. Carbonnier définissait le droit civil comme « le droit privé lui-même, moins les rameaux spécialisés qui s’en sont, à différentes époques, détachés » (J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, 27e éd., 2002, no 64). Le droit des obligations constitue le tronc commun qui relie toutes les branches du droit. Du droit du travail au droit de la famille, en passant par le droit des affaires, le droit pénal voire même le droit administratif, toutes les disciplines empruntent et nourrissent la théorie générale des obligations. Par ailleurs, le droit des obligations se distingue par son caractère théorique et abstrait. Saleilles écrivait ainsi que « dans toute œuvre législative, la matière des obligations constitue une partie presque essentiellement théorique et abstraite. Elle tend à se présenter dans les législations modernes comme l’expression idéale de la logique juridique » (R. SALEILLES, Étude sur la théorie générale de l’obligation d’après le premier projet de Code civil pour l’empire allemand, 1889, no 1, p. 1). §2 Les caractères de l’obligation – L’obligation est un lien personnel : elle met en rapport le créancier et le débiteur. – L’obligation est un lien personnel, par opposition à un droit réel : les droits réels constituent des pouvoirs sur les choses tandis que les droits personnels ou droits de créance permettent à une personne d’exiger une prestation d’une autre ; – L’obligation a un caractère patrimonial : non seulement l’obligation justifie un transfert de valeur entre deux patrimoines, mais elle y contraint : son inexécution donnera lieu à sanction, au moins pécuniaire, et à exécution forcée sur les biens du débiteur. Dès sa conclusion, l’obligation est en soi un bien à l’actif du patrimoine du créancier et une charge au passif du patrimoine du débiteur ; – Le rapport d’obligation a un caractère transmissible. La transmission peut être active du côté du créancier ou passive du côté du débiteur ; – Le rapport d’obligation a un caractère mobilier : la créance figure à l’actif du patrimoine du créancier parmi les biens mobiliers incorporels. POUR ALLER PLUS LOIN… – COLLECTIF, L’obligation, Arch. philo. dr., t. 44, Dalloz, 2000. o Fiche n 2 Les sources des obligations L’ESSENTIEL L’article 1100 du Code civil, alinéa 1er, énonce quatre sources d’obligation : l’acte juridique, le fait juridique, la loi et l’exécution d’un devoir de conscience. L’ancien article 1370 du Code civil distinguait quatre sources différentes des obligations : la convention ou contrat, la loi, les quasi-contrats, et les délits et quasi-délits. LES CONNAISSANCES L’article 1100 du Code civil, alinéa 1er distingue quatre sources d’obligation. (C. civ., art. 1100) « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi. Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ». – Les actes juridiques : « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit » (C. civ., art. 1100-1 al. 1er) ; – Les faits juridiques : « les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit » (art. 1100-2 al. 1) ; – La loi, s’entend ici au sens matériel (et non organique), comme une norme juridique générale, impersonnelle et obligatoire ; – L’obligation naturelle s’entend de devoirs que la morale impose entre des personnes mais que le droit se refuse de sanctionner immédiatement. §1 Les actes juridiques Un acte juridique peut être unilatéral ou bilatéral. L’acte bilatéral sera produit par un accord de deux ou plusieurs volontés en vue de produire des effets de droit : il s’agit du contrat. L’acte unilatéral se produit par la manifestation d’une seule volonté en vue de produire des effets de droit. Cette volonté unique peut être individuelle (ex. : une offre ; une démission ; un testament) ou collective, lorsqu’un faisceau de volontés converge vers un même but (ex. : convention collective ; délibération d’assemblée). §2 Les faits juridiques Les faits juridiques conduisant à la création d’une obligation sont régis, selon le cas, par le sous-titre relatif aux quasi-contrats ou par le sous-titre relatif à la responsabilité civile (C. civ., art. 1100-2 al. 2). Ce faisant, le Code civil met en exergue la particularité des faits juridiques : quasi-contrats et responsabilité ont en effet pour ambition de rétablir un équilibre patrimonial injustement rompu entre deux personnes, de corriger une situation patrimoniale qui a été contrariée à la suite d’un fait tantôt licite, tantôt illicite. Le fait illicite est le celui qui a entraîné chez autrui un dommage dont il serait injuste de lui laisser en subir les conséquences : ainsi, par exemple, du comportement fautif d’une personne (C. civ., art. 1240). Il est à la source d’une responsabilité civile (V. p@rtie 2). Le fait licite est, en principe, celui qui a entraîné un transfert de valeur non légitime entre deux personnes, qu’il serait injuste de ne pas corriger : ex. de celui qui expose des frais en gérant, en son absence, les affaires d’autrui (C. civ., art. 1301, nouv. et s. ; C. civ., art 1372 et s., anc.). Il est la source d’un quasi-contrat (V. Fiche no 24). §3 La loi La loi peut également donner naissance à une obligation : devoir légal d’information, garantie légale des vices cachés sont des obligations ayant une source légale. À noter toutefois que cette présentation classique comporte des limites : toutes les obligations, même contractuelles, ne tirent-elles pas leur source et leur effectivité de la loi ? §4 Les obligations naturelles Les obligations naturelles sont des devoirs que la morale impose entre des personnes mais que le droit se refuse de sanctionner immédiatement, ou a cessé de le faire, laissant le débiteur avec sa conscience individuelle. Les rédacteurs de l’ordonnance, en visant les obligations qui naissent de « l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui », ont consacré l’obligation naturelle dont le régime avait été érigé par la jurisprudence. En principe non susceptibles d’exécution forcée, les obligations naturelles se transforment en obligations civiles dès lors que le débiteur prend l’engagement de les exécuter ou commence à le faire. La transformation de l’obligation naturelle en obligation civile repose sur l’exécution volontaire de l’obligation naturelle ou sur la promesse d’exécution. Les juges du fond apprécient souverainement, si l’engagement ou la promesse d’exécution était suffisamment réfléchi et dépourvu d’équivoque (Cass. civ. 1re, 4 janv. 2005, no 02-18.904 ; Cass. civ. 1re, 17 oct. 2012, no 11-20.124). Jurisprudence re Pour une illustration récente en matière successorale V. Cass. civ. 1 , 11 oct. o 2017, n 16-24.533. POUR ALLER PLUS LOIN… – C. BRENNER, Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l’acte ou acte manqué ?, JCP G 2016, Libres propos, 524, p. 898 ; – N. MOLFESSIS, L’obligation naturelle devant la Cour de cassation, D.1997, p. 85 ; – G. PIGNARRE, Un petit pas pour l’obligation naturelle, un grand bond pour les sources des obligations ?, D. 2013, p. 411. P@RTIE 01 LES CONTRATS ET QUASI- CONTRATS LES CONTRATS LES ENGAGEMENTS SE FORMANT SANS CONVENTION TITRE 1 LES CONTRATS Fiche no 3 La notion de contrat Fiche no 4 Présentation générale de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche no 5 L’application dans le temps de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche no 6 La classification des contrats Fiche no 7 Les principes directeurs du droit des contrats Fiche no 8 Les négociations précontractuelles Fiche no 9 L’offre et l’acceptation Fiche no 10 Les avant-contrats Fiche no 11 Le contrat conclu par voie électronique Fiche no 12 La capacité Fiche no 13 La représentation Fiche no 14 Le consentement Fiche no 15 Le contenu du contrat Fiche no 16 La sanction des conditions de validité du contrat : la nullité Fiche no 17 La sanction des conditions de validité du contrat : la caducité Fiche no 18 Les effets du contrat entre les parties Fiche no 19 L’effet relatif du contrat à l’égard des tiers Fiche no 20 L’inexécution du contrat Fiche no 21 La durée du contrat Fiche no 22 La cession de contrat Fiche no 23 L’interprétation du contrat PROLÉGOMÈNES Fiche no 3 La notion de contrat Fiche no 4 Présentation générale de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche no 5 L’application dans le temps de la réforme du droit des contrats et des obligations Fiche no 6 La classification des contrats Fiche no 7 Les principes directeurs du droit des contrats o Fiche n 3 La notion de contrat L’ESSENTIEL L’article 1101 du Code civil, issu de l’ordonnance de réforme, définit classiquement le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». RAPPEL DES CONNAISSANCES La vie en société suppose de conclure et d’exécuter des contrats quotidiennement. Le particulier passe des contrats sans même en être conscient, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Chaque acte de consommation de biens ou de services, se traduit par un contrat. Commander une pizza, aller au cinéma, prendre un Uber, acheter un livre, réserver des places de concert sont autant d’actes de la vie courante qui donnent naissance à un contrat. Ainsi perçoit-on que la conclusion d’un contrat ne passe pas nécessairement par la signature d’un document négocié (distinction entre negotium et instrumentum). La conclusion d’un contrat peut se faire uniquement par voie orale. Le contrat est avant tout marqué par la rencontre des volontés (principe du consensualisme). « On lie les bœufs par les cornes, et les hommes par les paroles ; et autant vaut une simple promesse ou convenance, que les stipulations du droit romain », écrivait déjà LOYSEL au XVIe siècle. La plupart des contrats s’exécutent immédiatement et rapidement, sinon de façon instantanée. S’il n’y a pas de difficulté, l’exécution des obligations naissant du contrat éteindra les obligations. En revanche, si le contrat n’est pas ou mal exécuté, cette inexécution donnera lieu à des sanctions. Nous reviendrons sur la définition du contrat (§ 1) avant de distinguer cette figure d’autres actes juridiques (§ 2). §1 La définition du contrat L’article 1101 du Code civil, issu de l’ordonnance de réforme, définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». L’article 1101 propose une définition moderne du contrat en abandonnant la référence controversée aux obligations de donner, faire ou ne pas faire. La qualification de contrat exige un accord de volontés (une absence de volontés ne peut créer de contrat)… entre deux ou plusieurs personnes (une volonté unique ne peut créer de contrat)… engendrant des effets juridiques (création, modification, transmission ou extinction des obligations). Ce à quoi on peut ajouter que le contrat peut également donner lieu à la création d’une personne morale (C. civ., art. 1832, contrat de société). Le Professeur DIDIER distingue le « contrat-échange » et le « contrat- organisation » (Paul Didier, Brèves notes sur le contrat-organisation, in Mélanges en l’honneur de François TERRÉ, L’avenir du droit, Dalloz / Puf / Éditions du Juris- classeur, 1999, p. 635). Cette dernière notion est apparue en doctrine pour rendre compte de l’article 1832 du Code civil qui définit le contrat de société. Mais précisément, le contrat de société ne peut exprimer, selon les seuls termes de cet article du Code, l’organisation sociétaire et les autres contrats ne comprenant pas de décision collective. Il existe donc deux types de contrat : les contrats-échanges « ont pour objet une permutation au terme de laquelle le bien de A se trouve entre les mains de B et le bien de B entre les mains de A ». Les contrats-organisation « instituent une coopération entre A et B ; lesquels mettent en commun des choses qui jusque-là leur étaient propres et les emploient à une activité conjointe ». §2 Le contrat face à l’acte juridique unilatéral L’acte juridique unilatéral est la manifestation d’une seule volonté à laquelle son auteur entend faire produire un effet de droit. Les actes juridiques unilatéraux sont expressément mentionnés parmi les actes juridiques à l’art. 1100-1, alinéa 1er, du Code civil. Conformément à l’alinéa 2 du même texte, « Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ». L’acte juridique unilatéral peut être individuel ou collectif. Le testament (C. civ., art. 895 et s.) est un acte juridique unilatéral individuel « par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer ». Le testament n’est donc pas un contrat et a bien vocation à créer des obligations à l’encontre de son auteur. L’acte juridique unilatéral est collectif en présence d’une collectivité ou d’un groupe de personnes (ex. association, société ; indivision). Les volontés individuelles émises par les membres du groupement présents ou représentés convergent alors vers un même but (ex. : nomination ou révocation d’un dirigeant ; autorisation d’une convention réglementée, agrément donné à un tiers pour intégrer le groupement, etc.). AJ = acte juridique POUR ALLER PLUS LOIN… – J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, PUF, 2011, p. 425 s., v° Le contrat ; – P. DIDIER, Brèves notes sur le contrat-organisation, in Mélanges en l’honneur de François Terré, L’avenir du droit, Dalloz / Puf / Éditions du Juris-classeur, 1999, p. 635. o Fiche n 4 Présentation générale de la réforme du droit des contrats et des obligations L’ESSENTIEL L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations simplifie et modernise le droit des contrats. C’est la réforme la plus importante du Code civil depuis son adoption, puisqu’elle ne modifie pas moins d’un cinquième du Code civil ! L’ordonnance du 10 février 2016 comporte de nombreuses dispositions qui constituent la reprise de solutions jurisprudentielles acquises. D’autres solutions sont plus novatrices, comme l’abandon de la théorie de la cause, le renforcement de la force obligatoire des avant-contrats, l’instauration d’un devoir général d’information, la consécration de l’abus de l’état de dépendance, le traitement de l’imprévision, l’exécution forcée en nature considérée comme un principe, l’instauration d’un dispositif de lutte contre les clauses abusives dans les contrats non négociés, la consécration de la cession de dette, la création d’actions interrogatoires, etc. LES CONNAISSANCES Annoncée depuis le bicentenaire du Code civil, puis maintes et maintes fois repoussée, la réforme du droit des contrats faisait figure d’arlésienne. Pour autant, beaucoup s’accordèrent sur la nécessité d’une telle réforme. Depuis l’adoption du Code en 1804, le centre de gravité du droit des contrats s’est profondément déplacé. De l’idée libérale selon laquelle le contrat serait juste, car librement voulu par les parties, l’idée selon laquelle le créancier et le débiteur devraient, de concert, collaborer à la bonne exécution du contrat a progressé. Sous l’influence du consumérisme, la nécessité de protéger la partie faible contre le « maître du contrat » s’est progressivement imposée. Par ailleurs, le droit des contrats n’échappe pas au mouvement d’hyperspécialisation du Droit, comme l’attestent les nombreux contrats spéciaux régis par le Code de commerce, le Code monétaire et financier, ou le Code de la consommation. L’essentiel du droit des contrats se trouve aujourd’hui dans d’autres codes. Le droit des contrats a également profondément évolué, sous l’action de la jurisprudence de la Cour de cassation, parfois contra legem. De plus, le droit français des contrats subissait les assauts des droits étrangers et des projets d’harmonisation européenne du droit des contrats. Ce manque de lisibilité du droit français des contrats, ce manque d’adaptation aux nouvelles réalités économiques, expliquait l’idée répandue selon laquelle, le droit français était peu attractif lorsqu’il s’agissait de choisir la loi applicable à un contrat international. Le droit français des contrats méritait donc une cure de jeunesse, afin que le Code civil retrouve sa place de modèle pour les autres systèmes juridiques. Si la réforme du droit des contrats faisait consensus, en revanche, les voies de la recodification différaient selon les projets envisagés. Rédigée par la Chancellerie et modifié substantiellement à l’issue d’une consultation publique, l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 est inspirée par les travaux du groupe CATALA de 2005, par le projet TERRÉ de 2008, mené sous l’égide de l’Académie des sciences morales et politiques, ainsi que par les projets de réforme de la Chancellerie publiés en 2008 et 2009. La Chancellerie a également trouvé une inspiration au sein des Principes UNIDROIT, des projets de codifications européennes (not. Principes de droit européen des contrats de la commission LANDO ou les travaux de la commission VON BAR), ainsi qu’au sein des textes européens tels que le projet de règlement relatif au droit commun de la vente du 11 octobre 2011 et la Convention sur la vente internationale des marchandises. L’ordonnance du 10 février 2016 comporte de nombreuses dispositions qui constituent la reprise de solution jurisprudentielles acquises. D’autres solutions sont plus novatrices (V. supra « L’essentiel »). L’ordonnance a été ratifiée par la loi no 2018-287 du 20 avril 2018, ce que d’aucuns qualifient de « réforme de la réforme ». En effet, plutôt que d’envisager une « ratification sèche », le législateur a saisi l’occasion de modifier légèrement le texte issu de l’ordonnance. En dehors des aspects rédactionnels, la loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 est principalement revenue sur la caducité de l’offre à la suite du décès de son destinataire, la définition des clauses abusives dans un contrat d’adhésion, et, enfin sur la question de la révision judiciaire en cas d’imprévision (sur l’entrée en vigueur de la réforme, V. fiche no 5). La réforme du droit des contrats et des obligations s’inscrit, comme l’indique la loi d’habilitation du 16 février 2015, dans un double mouvement de simplification (§ 1) et de modernisation (§ 2) du droit des contrats. §1 La simplification du droit des contrats L’ordonnance intègre dans le Code civil un corps de règles relatives à la formation du contrat (règles relatives à la négociation, à l’obligation d’information, à l’offre, à l’acceptation, à la date de formation du contrat). Ainsi, l’article 1112 du Code civil, issu de l’ordonnance, exclut en cas de rupture fautive d’une négociation contractuelle la réparation de la perte de chance de conclure le contrat et d’en retirer le profit escompté. Le nouvel article 1116 du Code civil sanctionne quant à lui la révocation abusive d’une offre par de simples dommages-intérêts. L’ordonnance introduit également des règles relatives à la durée et à la rupture des contrats. Elle consacre la prohibition des engagements perpétuels ; elle contient des règles sur la durée d’un contrat tacitement reconduit, sur le sort des garanties et sur les droits des tiers en cas de renouvellement, reconduction ou prorogation d’un contrat, etc. L’ordonnance, tout en supprimant la référence à la notion de cause sanctionne les contrats dont la contrepartie est illusoire ou dérisoire (C. civ., art. 1169 issu de l’ordonnance), et sanctuarise la célèbre jurisprudence Chronopost. Aux termes de son article 1170 : « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». S’agissant du prix, l’ordonnance consacre par ailleurs les arrêts d’assemblée plénière de 1995 sur l’indétermination du prix, dans son article 1164 : « Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat » (V. Fiche no 15). L’ordonnance consacre également la résolution unilatérale du contrat par voie de notification à l’article 1226 du Code civil : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ». Au final, l’ordonnance portant réforme du droit des obligations permet de présenter un Code civil en phase avec le droit positif des contrats. Mais l’ordonnance ne se contente pas de consolider les acquis jurisprudentiels, elle contient également des dispositions novatrices qui modernisent le droit des contrats. §2 La modernisation du droit des contrats Les dispositions novatrices de l’ordonnance traduisent un changement de centre de gravité du droit des contrats par rapport au Code Napoléon. Les dispositions de l’ordonnance tendent à la fois vers la recherche d’une meilleure efficacité économique (I) et vers la protection de la partie faible (II). I. La recherche d’une meilleure efficacité économique Nombreuses dispositions de l’ordonnance renforcent l’efficacité économique du droit français des contrats. Ainsi, l’article 1221 de l’ordonnance renverse la solution de l’ancien article 1142 du Code civil, en prévoyant le principe d’une exécution forcée en nature des obligations contractuelles, sans distinguer selon la nature de l’obligation inexécutée : « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». L’ordonnance fait ainsi preuve de réalisme économique en écartant l’exécution en nature lorsque son coût est manifestement disproportionné pour le débiteur de bonne foi. Logiquement, la force obligatoire des avant-contrats en sort renforcée. C’est ainsi que l’article 1124 de l’ordonnance renverse la solution issue de la jurisprudence Cruz (Cass. civ. 3e, 15 déc. 1993, no 91-10.199), qui avait considéré que dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, le promettant pouvait valablement se rétracter avant l’écoulement du délai d’option, tant que le bénéficiaire n’avait pas levé l’option. Aux termes d’un article 1124, « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». L’ordonnance consolide également la solution d’un arrêt de Chambre mixte en date du 26 mai 2006 sur l’exécution en nature du pacte de préférence (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, no 03-19.376). Ainsi l’alinéa 2 de l’article 1123 de l’ordonnance prévoit que : « Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ». Par ailleurs, l’ordonnance consacre non seulement la possible résiliation judiciaire du contrat pour imprévision, mais encore brise la célèbre jurisprudence Canal de Craponne (Cass. civ., 6 mars 1876) en acceptant la révision du contrat par le juge, en cas de changement de circonstances, à l’initiative d’une seule partie (C. civ., art. 1195). Il s’agit d’une avancée considérable même si les juges peinent à se saisir de cette nouvelle prérogative (L. THIBIERGE, À la recherche de l’imprévision, BRDA 2022, no 23). S’agissant de la disparition d’un indice qui a cessé d’exister, l’article 1167 opte pour le « sauvetage du contrat », en prévoyant que l’indice défaillant est remplacé par l’indice qui s’en approche le plus. Les dispositions relatives à l’inexécution du contrat témoignent également d’une approche économique. L’ordonnance consacre ainsi à l’article 1220, l’exception pour « risque d’inexécution » ; le créancier peut aussi accepter une exécution imparfaite du contrat et réduire proportionnellement le prix, etc. Le régime général des obligations fournit d’autres exemples de cette recherche d’efficacité. Le formalisme de la cession de créance est ainsi considérablement allégé (C. civ., art. 1322), la cession de dette est quant à elle consacrée (C. civ., art. 1327) et la cession de contrat codifiée (C. civ., art. 1216 s.). Outre la recherche d’une meilleure efficacité économique, l’ordonnance comporte un autre volet : l’impératif de protection de la partie faible. II. La protection de la partie faible L’ordonnance contient de nombreuses dispositions protectrices de la partie faible. On peut y relever un paradoxe : la cause disparaîtrait de notre droit français des contrats, tandis que celle-ci a pu être utilisée comme un instrument de protection de la partie faible et permet à une partie de contrôler l’utilité économique que lui procure un contrat. La cause disparaît, mais ses fonctions perdurent : la sauvegarde de l’intérêt général (C. civ., art. 1179) et la protection de l’équilibre contractuel sont assurés par d’autres instruments. À côté des outils de mesure de l’équilibre contractuel, l’ordonnance consacre un dispositif de lutte contre les clauses abusives en droit commun des contrats, s’agissant uniquement des contrats non négociés. Le juge pourra ainsi écarter une clause qui introduit un « déséquilibre significatif » au détriment d’une partie (C. civ., art. 1171). La protection du contractant faible passe aussi par sa juste information. C’est ainsi que l’article 1112-1 consacre à la charge des cocontractants, un devoir général d’information, qui peut être sanctionné par les règles de la responsabilité extracontractuelle ou par la nullité du contrat, lorsqu’il cause un vice du consentement. Les vices du consentement sortent également renforcés de l’ordonnance, puisque l’article 1143 instaure un vice d’abus de faiblesse, sanctionnant celui qui « abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ». Au final, l’ordonnance comporte nombre de règles qui visent à protéger la partie faible. Ces règles traduisent le plus souvent une plus grande immixtion du juge dans le contrat. Reste à voir comment les juges recevront ces règles pour mesurer si la réforme du droit des contrats constituera une évolution ou une révolution pour le droit des obligations : « Que vive la réforme » ! POUR ALLER PLUS LOIN… – F. ANCEL, Quel juge pour le contrat au XXIe siècle ?, D. 2017. 721 ; – D. MAZEAUD, Présentation de la réforme du droit des contrats, Gaz. Pal. 2016, no 8, p. 15 ; Quelques mots sur la réforme de la réforme du droit des contrats, D. 2018, p. 912 ; – M. MEKKI, La loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016. Une réforme de la réforme ? D. 2018, p. 900 ; – N. MOLFESSIS, Droit des contrats : Que vive la réforme, Libres propos, JCP G 2016. 180 ; – J.-D. PELLIER, L’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations enfin ratifiée !, D. Actu 30 avril 2018. o Fiche n 5 L’application dans le temps de la réforme du droit des contrats et des obligations L’ESSENTIEL Les praticiens vont désormais devoir composer avec trois périodes : le droit antérieur à l’ordonnance, le droit de la période intermédiaire (pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018) et le droit nouveau issu de la loi de ratification (pour les contrats conclus à partir du 1er octobre 2018). LES CONNAISSANCES Il conviendra de revenir sur les modalités d’entrée en vigueur du droit intermédiaire (issu de l’ordonnance) et du droit nouveau (dispositions modifiées par la loi de ratification). (§ 1). Dans tous les cas, l’élément clé à prendre en compte pour savoir si le contrat considéré sera soumis à la loi ancienne, à la loi intermédiaire ou à la loi nouvelle est la date de conclusion des contrats, ce qui peut s’avérer délicat à déterminer dans certaines situations (§ 2). On évoquera le phénomène d’intégration jurisprudentielle de la réforme dans le droit positif, par lequel les juges anticipent les effets de l’entrée en vigueur du droit nouveau (§ 3), avant d’évoquer enfin les premières décisions rendues par les juges du fond sur le fondement des textes nouveaux (§4). §1 Entrée en vigueur de la réforme I. Entrée en vigueur du droit intermédiaire S’agissant du droit intermédiaire (contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018), l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que ses dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016 : « Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance. Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation ». Il semble qu’il faille interpréter cet article de la manière suivante : – L’alinéa 1er prévoit que l’ordonnance n’est applicable qu’à compter du 1er octobre 2016, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public, a ajouté la loi de ratification. Le législateur a entendu, par cette disposition, limiter la possibilité pour le juge d’appliquer de manière anticipée la réforme aux effets des contrats conclus antérieurement (V. infra §3). On peut toutefois imaginer sans trop s’avancer que cette disposition n’empêchera pas le juge d’interpréter le droit antérieur à l’aune du droit intermédiaire ou du droit nouveau. – L’alinéa 2 rappelle le principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle : les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent régis par la loi qui était en vigueur au moment de leur conclusion, y compris pour leurs effets postérieurs au 1er octobre 2016 ; – L’alinéa 3 consacre trois exceptions au principe de survie de la loi ancienne posé à l’alinéa 2 : l’action interrogatoire en matière de pactes de préférence (art. 1123, al. 3 et 4), l’action interrogatoire en matière de représentation (art. 1158) et l’action interrogatoire ou en confirmation forcée en matière de nullités (art. 1183) sont applicables « dès l’entrée en vigueur de la présente ». Il faut comprendre par-là que ces dispositions sont applicables à tous les contrats, passés comme futurs, à compter du 1er octobre 2016 ; – L’alinéa 4, enfin, précise que l’ordonnance ne s’applique pas aux instances en cours et aux instances introduites avant le 1er octobre 2016. Cet alinéa semble superfétatoire puisque l’alinéa 2 dispose que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent régis par la loi ancienne. La seule hypothèse que pourrait viser cet alinéa est celle dans laquelle une action serait introduite avant le 1er octobre 2016 sur le fondement d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016 et pour laquelle l’une des actions interrogatoires visées à l’alinéa 3 serait exercée, en cours d’instance, après le 1er octobre. L’hypothèse relève du cas d’école. II. Entrée en vigueur du droit nouveau Aux termes de l’article 15 de la loi de ratification : « La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018. Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur. Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du code civil ont un caractère interprétatif ». La loi de ratification instaure un droit des contrats à trois vitesses : – le droit antérieur à l’ordonnance, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ; – le droit applicable aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et jusqu’au 1er octobre 2018, qui est celui de l’ordonnance du 10 février 2016 non modifiée. Toutefois, une série de modifications opérées par la loi de ratification sont dotés d’un caractère interprétatif, i.e. rétroactif. Cela permet leur application aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 ; – le droit applicable aux « actes juridiques conclus ou établis à compter » du 1er octobre 2018, c’est-à-dire de l’entrée en vigueur de la loi de ratification. En dehors des aspects rédactionnels, la loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 est revenue principalement sur la caducité de l’offre à la suite du décès de son destinataire, la définition des clauses abusives dans un contrat d’adhésion, et, enfin sur la question de la révision judiciaire en cas d’imprévision. §2 Le critère central de la date de formation des contrats C’est ce critère qui constitue le point central pour déterminer si un acte juridique est soumis ou non à la loi nouvelle. Ainsi donc, si la formation du contrat est antérieure au 1er octobre 2016, c’est la loi ancienne qui s’applique (sauf actions interrogatoires). Si elle est postérieure au 1er octobre c’est la loi nouvelle qui s’applique (droit intermédiaire ou droit nouveau). Il convient donc de considérer que : – Lorsque les effets d’un contrat sont suspendus à un terme ou une condition, la présence de la modalité n’a pas d’incidence sur la date de formation de l’acte. C’est donc la loi désignée par cette date qui régit les effets du terme et de la condition ; – Lorsqu’un contrat définitif est conclu en exécution d’un pacte de préférence, la date de conclusion de chacun des contrats est indépendante de celle de l’autre ; – Lorsque la conclusion d’un contrat définitif est précédée d’une promesse unilatérale, le contrat se forme au moment de la levée de l’option ; – Lorsque la conclusion d’un contrat définitif est précédée d’une promesse synallagmatique, le contrat se confond en principe avec elle et se forme dès l’échange des consentements ; – Lorsqu’un contrat-cadre est suivi de contrats d’application, il convient de considérer que chaque contrat forme un ensemble juridique distinct. Le contrat-cadre peut être soumis à la loi ancienne et l’un ou plusieurs des contrats d’application à la loi nouvelle ; – Lorsqu’un contrat principal est suivi de la conclusion de contrats accessoires, il y a lieu également de considérer que chaque contrat forme un ensemble juridique distinct. Le contrat principal peut être soumis à la loi ancienne et le cas échéant le contrat principal à la loi nouvelle ; – Lorsqu’un contrat a été conclu avant l’entrée en vigueur de la réforme et fait l’objet d’un avenant, l’avenant en lui-même est soumis aux règles nouvelles, mais le contrat modifié, n’est pas affecté dans son existence et demeure soumis à la loi ancienne, pour tout ce que l’avenant n’a pas modifié ; – Lorsqu’un contrat a été tacitement reconduit ou a été renouvelé, il se forme un nouveau contrat (art. 1214 et 1215 nouv.). Si la reconduction ou le renouvellement ont lieu après le 1er octobre 2016, la loi nouvelle s’applique au contrat reconduit ou renouvelé ; – Contrairement au renouvellement ou à la tacite reconduction, la simple prorogation ne donne pas lieu à un contrat nouveau (art. 1213 nouv.) ; Attention Le renouvellement ou la tacite reconduction donnent naissance à un nouveau contrat. La simple prorogation du contrat le laisse subsister en lui faisant seulement déployer ses effets plus longtemps. – Lorsqu’un contrat ou une obligation née avant le 1er octobre 2016 est cédé (cession de créance, de dette ou de contrat), l’opération de cession est soumise à la loi nouvelle. En revanche, l’obligation ou le contrat objet de la cession sont inchangés et demeurent soumis à la loi ancienne. Source : O. DESHAYES, T. GÉNICON et Y.-M. LAITHIER, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article, LexisNexis, 2016, p. 17 s. §3 L’intégration jurisprudentielle de la réforme dans le droit positif L’intégration jurisprudentielle de la réforme désigne le fait pour les juges, s’agissant de situations juridiques soumises à la loi antérieure, de faire évoluer leur jurisprudence en se fondant sur le droit des contrats réformé (L. ANDREU, L’intégration jurisprudentielle des projets de réforme dans le droit positif, D. 2013, p. 2108 : « Le pouvoir créateur de la jurisprudence est une réalité et on ne voit a priori pas pourquoi les juges ne se saisiraient pas de ces travaux pour enrichir et améliorer le droit positif »). Aussi peut-on considérer les juges sont tentés d’anticiper l’application dans le temps de l’ordonnance de réforme, i.e. de l’appliquer à des situations pourtant soumises à la loi ancienne. La Cour de cassation a démontré récemment qu’il fallait, concernant des contrats conclus antérieurement au droit ancien, interpréter le droit antérieur à la lumière de l’ordonnance. Jurisprudence o Par un arrêt de chambre mixte du 24 février 2017 (n 15-20.411), la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a décidé que les dispositions des er o articles 7, alinéa 1 , de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et o les fonds de commerce, dite loi Hoguet, et 72, alinéa 5, du décret n 72-678 du 20 juillet 1972, visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire et que leur méconnaissance doit être sanctionnée par une nullité relative. o Ce revirement de jurisprudence tire sa justification de l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qui a consacré la distinction jurisprudentielle entre nullité absolue et nullité relative fondée sur la nature de l’intérêt protégé, en énonçant que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé (C. civ., art. 1179) : « l’évolution du droit des obligations, résultant de o l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ». Il est remarquable de noter que le litige était pourtant soumis à la loi antérieure et que les dispositions de l’ordonnance étaient inapplicables à la cause. o Adde Cass. soc., 21 sept. 2017, n 16-20.103 et 16-20.104 (2 espèces) et Cass. com, o 6 décembre 2017, n 16-19.615 : En l’espèce, la question posée aux juges était de savoir si les clauses relatives à la preuve étaient valables. En particulier les parties peuvent-elles établir au profit de l’une d’entre elles une présomption irréfragable. La Cour de cassation avait déjà affirmé, sur le fondement des anciens articles 1134 et 1341 du Code civil, que « pour les droits dont les parties ont la libre disposition, ces conventions relatives à la o preuve sont licites » (Cass. com., 8 nov. 1989, n 86-16.197). Pour autant, l’affirmation de principe est complétée par des restrictions : « si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable ». Ce faisant, la Cour fait application d’une solution qui a été reconnue par l’article 1356 du Code civil, résultant de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations du 10 février 2016, non applicable à la cause : « Les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition. Néanmoins, ils ne peuvent contredire les présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l’aveu ou au serment. Ils ne peuvent davantage établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable ». e o Dans son arrêt du 23 juin 2021 (Cass. civ. 3 , 23 juin 2021, n 20-17.554), la troisième chambre civile de la Cour de cassation estime que le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation. Cette décision écarte la possibilité pour lui de se rétracter avant la levée de l’option par le bénéficiaire, contrairement à la solution de principe initiée par l’arrêt « Consorts Cruz » du 15 décembre 1993 : « Ayant retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, elle en a exactement déduit que, les consentements des parties s’étant rencontrés lors de la levée de l’option par les bénéficiaires, la vente était parfaite ». La solution issue de l’article 1124 du Code civil trouve donc désormais à s’appliquer au droit antérieur à l’ordonnance (pour une confirmation de cette e o solution, V. Cass. civ. 3 , 20 oct. 2021, n 20-18.514). §4 Premiers regards sur l’application de la réforme par les juges du fond Jurisprudence o CA Aix-en-Provence, 10 févr. 2016, RG : n 17/10400 : « Mais attendu qu’à supposer les appelants fondés à invoquer les dispositions de l’article 1143 du code civil, alors que cet article issu de l’ordonnance du 10 février 2016 reconnaissant la notion de violence économique n’est pas applicable à des contrats conclus antérieurement, comme ici en 2014, il convient de relever qu’il n’existait aucun lien de dépendance économique entre les parties à l’acte au sens de ce texte qui aurait pu déterminer M. Denis A. à contracter, les difficultés financières qu’il rencontrait étant insuffisantes à créer un lien de dépendance envers M. L., son voisin acquéreur de son bien ». L’intérêt de cette décision est que les juges du fond ne se sont pas arrêtés à l’inapplication dans le temps de l’article 1143. Sur le fond, ils repoussent l’application du texte nouveau, au motif que la dépendance du vendeur à l’égard de l’acheteur n’était pas caractérisée (V. M. Latina, Blog Réforme du droit des obligations, Dalloz, https://urlz.fr/9upU). Jurisprudence o CA Orléans, 13 déc. 2018, RG : n 17/017711 : « Attendu qu’aux termes de l’article 1324 du code civil, la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte ; Attendu qu’en l’espèce, la BNP justifie de la cession de créance qui lui a été consentie par la société SOLFEA par la production de l’acte de cession du 28 février 2017 qui a été régulièrement notifié aux intimés par voie de conclusions ; Qu’il s’ensuit que le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’intervention de la BNP pour absence de notification de la cession de créance n’est pas fondé ». On se souvient que le législateur a assoupli dans l’ordonnance de réforme les o conditions d’opposabilité de la cession de créance (V. infra Fiche n 43) en prévoyant que les cessions sont opposables aux tiers à la date (C. civ., art. 1323, al. 2) mentionnée sur l’écrit constatant la cession et requis à peine de nullité (C. civ, art. 1322). Par ailleurs, l’article 1324, alinéa 2 du Code civil, énonce que le débiteur cédé, qui n’a pas à consentir à la cession de créance à l’égard de laquelle il est tiers (C. civ., art. 1321, al. 4), ne peut se la voir opposer que si celle-ci lui est notifiée ou s’il en « prend acte ». Dans ses conclusions d’appel, le débiteur cédé prétendait que la cession lui était inopposable faute de lui avoir été notifiée et que, par conséquent, l’intervention volontaire à l’instance de la banque cessionnaire était irrecevable. Cette dernière contestait cet argument au motif que la cession lui avait bien été notifiée « dans le cadre de l’instance ». Sur ce point, la cour d’appel a statué en faveur de la banque. Les juges du fond ont énoncé qu’elle avait « été régulièrement notifiée aux intimés par voie de conclusions ». Autrement dit, il était encore temps, au stade de l’intervention volontaire à l’instance du cessionnaire, d’informer le cédé de l’existence de la cession. Ainsi, par ses conclusions d’appel, le cessionnaire avait pu informer le cédé de l’existence de sa créance, ce qui lui permettait de réclamer, à son profit, le paiement de cette dernière. Comme le rappelle justement le Professeur Latina, l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans accrédite l’idée que la notification au débiteur cédé de la cession de créance peut être effectuée par tous moyens, à l’image de celle du nantissement de créance de l’article 2362 du Code civil (V. M. Latina, Blog Réforme du droit des obligations, Dalloz, https://urlz.fr/9RLj). Jurisprudence o CA Orléans, 25 oct. 2018, RG n 17/01293 : Dans cette espèce, le tribunal d’instance d’Orléans condamna un débiteur à verser er diverses sommes impayées, augmentées d’intérêts au taux légal depuis le 1 janvier 2017. Par un arrêt rendu le 25 octobre 2018, la Cour d’appel confirma sur ce point le jugement entrepris, précisant « qu’aux termes des dispositions de l’article 1343-2 nouveau du Code civil, applicable à la date à laquelle la cour statue puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, la capitalisation des intérêts n’est pas de droit et ne sera pas ordonnée ». Si la substance du nouvel article 1343-2 n’est pas très éloignée de celle de l’ancien article 1154 du Code Napoléon, il n’en reste pas moins que son application en l’espèce paraît contraire à la rédaction de l’article 9 de l’ordonnance issue de la loi de ratification du 20 avril 2018, er selon laquelle « les contrats conclus avant cette date [du 1 septembre 2016] demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ».Bien que la solution ne soit pas contraire à celle de l’ancien article 1154 du Code civil, la solution, fondée sur le droit nouveau étonne au regard de la rédaction de l’article 9 de l’ordonnance issue de la loi de ratification du 20 avril 2018, selon laquelle « les contrats conclus avant cette date [du er 1 septembre 2016] demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ». Pour autant, la cour d’appel d’Orléans semble attachée à cette solution, qu’elle a depuis réaffirmée à plusieurs reprises (CA o Orléans, ch. com., 15 nov. 2018, n 17/03519 ; CA Orléans, ch. com., 6 déc. 2018, o o n 17/02699, cités par D. Houtcieff, in Gaz. Pal. 8 janv. 2019, n 338y9, p. 26). Jurisprudence re o CA Toulouse, 1 ch., sect. 1, 3 sept. 2018, n 17/01714 : En l’espèce, deux acheteurs avaient acquis un véhicule en 2014. Or il s’est avéré que le kilométrage affiché au compteur était bien inférieur à la réalité. Les acquéreurs sollicitèrent la résolution. La Cour d’appel de Toulouse accueillit cette demande malgré une clause excluant la garantie des indications kilométriques. Aux termes de l’arrêt, « cette clause exclusive de responsabilité est en principe valable indépendamment de la qualité des parties aux contrats, particuliers ou professionnels. Mais elle doit être réputée non écrite en vertu de l’article 1170 du Code civil, dès lors qu’elle porte concrètement atteinte à la substance d’une obligation essentielle du débiteur dans le contrat (…). Dès lors, et conformément à l’article 1184 du Code civil, la résolution de la vente doit être prononcée et les choses être remises au même état que si les obligations nées du contrat n’avaient pas existé ». L’évocation du nouvel article 1170 du Code civil, à côté de l’ancien article 1184 étonne au regard des règles d’application de la réforme dans le temps, d’autant que cette solution était déjà admise par la jurisprudence (arrêt cité par D. Houtcieff, in Gaz. Pal. 8 janv. o 2019, n 338y9, p. 26). Jurisprudence o T. com. Évry, 17 janv. 2018, RG : n 2017F00641 : En l’espèce, une société avait cédé à une autre son fonds de commerce de boulangerie. Les parties s’étaient entendues sur un prix de vente dont une partie devait être réglée le jour de la signature, le reliquat faisant l’objet de 36 billets à ordre de 5 277 euros, payable le 10 de chaque mois. Deux semaines après la signature de cet acte, la venderesse fit part de sa volonté « d’annuler la vente ». Le conseil de la société cessionnaire s’y refusa. Au jour conventionnellement prévu, la société cédante refusa de quitter les lieux : elle ne s’y résolut qu’après y avoir été condamnée par le juge des référés. Quelques mois plus tard, prétendant que la société cessionnaire n’avait pas respecté ses obligations de paiement, la société cédante lui fit délivrer une sommation de payer pour un montant d’environ 20 000 €, avant de l’assigner à bref délai. Faisant valoir que ses propres retards de paiement étaient dus au fait que la société cédante n’avait quitté les lieux que tardivement, la société cessionnaire sollicita du tribunal une révision du contrat consistant à décaler d’un mois la date de paiement du premier billet à ordre. Le tribunal de commerce d’Evry fit droit à cette demande. Il révisa le contrat aux motifs que le président de la société cessionnaire comptait er emménager dès le 1 février dans le logement accessoire au fonds, qu’il avait inscrit ses enfants à une nouvelle école et que la libération des lieux avait été effectuée avec plus d’un mois de retard, nécessitant même une assignation en référé et une décision de justice ». Estimant qu’il y avait là « que ce changement non prévu au contrat en a rendu l’exécution excessivement onéreuse pour la société », le tribunal décala d’un mois la date de paiement du premier billet à ordre. Cette première application de la révision pour imprévision est déceptive. En effet, il n’était pas tant question ici de révision pour imprévision que d’inexécution. Selon une doctrine autorisée, « l’attitude du cédant constituait en réalité tout simplement une inexécution et ne relevait nullement d’un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend[ant] l’exécution excessivement onéreuse pour une partie » au sens de l’article 1195 du Code civil » (D. Houtcieff, in o Gaz. Pal. 18 sept. 2018, n 330r3, p. 28). Au surplus, les conditions posées par o l’article 1195 du Code civil (V. infra, Fiche n 18) n’étaient pas remplies (renégociation préalable, etc.). POUR ALLER PLUS LOIN… – A. BENABENT, Application dans le temps de la loi de ratification de la réforme des contrats (article 16 de la loi du 20 avril 2018), D. 2018, p. 1024 ; – C. BUCHER, L’influence de la réforme du droit des contrats sur le droit spécial antérieur, AJCA 2017, p. 480 ; – G. CHANTEPIE, L’application dans le temps de la réforme du droit des contrats, AJCA 2016, p. 412 ; – G. CHANTEPIE, De l’usage des nouveaux textes dans le contentieux fondé sur l’ancien droit des obligations, Blog Réforme du droit des obligations, Dalloz, https://urlz.fr/9Enc ; – M. LATINA, L’influence rétrospective de la réforme du droit des contrats, Le billet, Dalloz actu étudiant, 13 mars 2017, disponible sur https://lc.cx/Jsef o Fiche n 6 La classification des contrats L’ESSENTIEL À la faveur de l’ordonnance de réforme, de nouvelles distinctions font leur apparition dans le chapitre liminaire du Code civil : l’une, très ancienne, était toutefois connue du Code : la distinction des contrats selon qu’ils supposent ou non le respect d’un formalisme ad validitatem. Les autres résultent de l’évolution contemporaine du droit des contrats : il s’agit de la distinction entre contrat d’adhésion et contrat de gré à gré, de l’identification du contrat cadre et de ses contrats d’application, et enfin de la distinction des contrats à exécution successive ou à exécution instantanée. LES CONNAISSANCES Nous reviendrons successivement sur ces distinctions. §1 La distinction des contrats consensuels et formels L’article 1109 du Code civil oppose le contrat consensuel (qui se forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression) aux contrats solennel (celui dont la validité est subordonnée à une des formes déterminées par la loi) et réel, qui est subordonné pour sa formation à la remise d’une chose. La distinction n’est pas nouvelle. Avant la réforme, on distinguait encore le contrat solennel (rédaction d’un écrit pour la validité du contrat) et le contrat réel (remise de la chose pour la conclusion valable du contrat). À suivre la lettre de l’article 1109, solennité devient synonyme de formalité ; le contrat solennel épouse la définition du contrat formaliste ad validitatem (v. en ce sens l’art. 1172 al. 2). Le principe, en droit français, est que les contrats sont consensuels : ils ne supposent que le consentement de ceux qui y sont parties (C. civ., art. 1172). Toutefois, il est souvent utile de préconstituer une preuve du contrat : la confection d’un écrit s’impose souvent pour des raisons probatoires (sur les modes de preuve, V. Fiche no 50). En pratique, la formalité exigée par la loi consiste le plus souvent en la rédaction d’un écrit sous signature privé ou authentique ou la remise de la chose objet du contrat (contrat réel). Toutefois, d’autres formalités sont envisageables : ainsi, par exemple, d’une obligation d’enregistrement fiscal ad validitatem (ex. : promesses unilatérales de vente portant sur un immeuble ou un fonds de commerce ou un bail immobilier, ou certains titres de sociétés, C. civ., art. 1589-2 ; contrat de fiducie, C. civ., art. 2019). La catégorie des contrats réels est en perte de vitesse en droit positif. Ainsi, alors que le gage supposait initialement la remise de la chose gagée, l’exigence a été abandonnée lors de la réforme des sûretés en 2006, qui permet au gage d’être accordé sans dépossession (C. civ., art. 2337). De même, le contrat de prêt était traditionnellement analysé comme un contrat réel, mais on a considéré que le prêteur n’avait pas à être protégé par cette formalité lorsque le prêt était accordé par un professionnel du contrat, de sorte que le contrat de prêt pouvait être consensuel dans cette hypothèse (Cass. civ. 1re, 14 janv. 2010, no 08-13160 : « le prêt consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel »). La solennité (écrit ou autre) est exigée pour la validité du contrat, qui n’est pas valablement conclu sinon : le seul échange des consentements sur l’objet du contrat est soit un contrat annulable, soit une simple promesse, en fonction du but poursuivi par la formalité qui n’a pas été respectée. Les contrats réels, toutefois, supposent la remise de la chose « pour leur formation » : ils ont donc la particularité de ne pas être formé avant la remise de la chose objet du contrat (ils n’existent donc pas, sauf à caractériser une promesse), au contraire des contrats solennels qui ne sont pas valablement formés si la formalité n’est pas respectée. §2 La distinction du contrat de gré à gré et du contrat d’adhésion L’article 1110 du Code civil oppose le contrat de gré à gré au contrat d’adhésion. La loi de ratification du 20 avril 2018 redéfinit le contrat de gré à gré comme « celui dont les stipulations sont librement négociables entre les parties » et le contrat d’adhésion comme « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des partie ». À la faveur de la loi de ratification de l’ordonnance, le critère décisif devient la négociabilité. Sans avoir besoin de prouver la négociation effective du contrat, il suffira d’établir sa négociabilité ou son absence de négociabilité. er À noter que cette disposition ne sera applicable qu’à compter du 1 octobre 2018. Le contrat de gré à gré peut être discuté point par point, ou sur la majorité d’entre eux : le prix, la garantie, le lieu de livraison, les modalités de paiement, la durée… Les stipulations sont librement négociées. Dans le contrat d’adhésion, on ne négocie pas : les clauses sont fixées par une seule partie et l’autre ne peut que rejeter ou accepter en bloc. C’est le principe du « tout ou rien ». Le contrat d’adhésion se voit doté d’un régime spécifique s’agissant de son interprétation (C. civ., art. 1190) et surtout du contrôle de l’équilibre dans les stipulations réciproques (C. civ., art. 1171 sur les clauses abusives). L’interprétation du contrat d’adhésion se fait contre celui qui en a offert la conclusion, alors que l’interprétation du contrat de gré à gré se fait en faveur du débiteur. §3 La qualification de contrat cadre et de contrats d’application L’article 1111 du Code civil définit le contrat cadre et les contrats d’applications : « Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution ». Ainsi en est-il par ex. des contrats de distribution (concession, franchise, distribution sélective, etc.), donnant lieu à la conclusion de contrats d’application. L’ordonnance du 10 février 2016 donne un intérêt spécial à la qualification de contrat cadre : l’article 1164 du Code civil prévoit en effet une dérogation à l’exigence de détermination de l’objet de l’obligation : le prix des contrats d’application n’a pas à être déterminable dès la conclusion du contrat cadre, le contrat pouvant renvoyer à une fixation unilatérale du prix par le créancier – quand bien même la conclusion de contrats d’application serait obligatoire. Ce faisant l’ordonnance consacre la solution issue des arrêts d’Assemblée plénière du 1er décembre 1995 (V. infra Fiche no 15). §4 La distinction entre contrat à exécution instantanée et contrat à exécution successive La distinction des contrats à exécution successive et à exécution instantanée est fondée sur des différences relatives aux effets du contrat, selon que ceux-ci perdurent ou non dans le temps. Elle est codifiée par l’ordonnance du 10 février 2016 à l’article 1111-1 du Code civil : « Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation unique. Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps ». Le contrat à exécution instantanée est celui pour lequel le temps n’a pas de rôle substantiel dans l’exécution des obligations. Ainsi, par exemple, du contrat de vente. Le contrat à exécution successive, au contraire, crée des obligations pour lesquelles la durée d’exécution est un élément essentiel, elles auront à s’exercer de façon continue et leur exécution un jour ne les épuise pas pour le lendemain. Ainsi de l’obligation du bailleur de mettre à disposition son bien au locataire. On distingue au sein du contrat à exécution successive, les contrats à durée déterminée (terme extinctif, et prohibition de l’engagement perpétuel) et les contrats à durée indéterminée (ouvrant un droit de résiliation unilatéral). Pour le contrat à exécution instantanée, ces considérations de durée ont moins lieu d’être. Le droit français prohibe les engagements perpétuels, l’engagement sans durée, à durée indéterminée, est donc librement résiliable – on parle de faculté de dénonciation. L’ordonnance reprend la prohibition des engagements perpétuels énoncés par certains textes spéciaux aux articles 1210 et 1211 du Code civil. Autre enjeu de distinction entre contrat à exécution successive ou instantané : la résolution ou la nullité du contrat à exécution successive pour inexécution est nécessairement aménagée : les restitutions consécutives à l’anéantissement d’un tel contrat ne peuvent intervenir qu’en valeur. POUR ALLER PLUS LOIN… – F. CHÉNEDÉ, Les classifications des contrats, Dr. & patr. 2016, no 258, p. 58 ; Projet de réforme du droit des contrats. Le contrat d’adhésion, D. 2015, Chron. p. 1226. o Fiche n 7 Les principes directeurs du droit des contrats L’ESSENTIEL L’ordonnance du 10 février 2016 consacre quatre principes généraux du droit des contrats » : la liberté contractuelle, contrebalancée par l’ordre public (C. civ., art. 1102), la force obligatoire du contrat (C. civ., art. 1103), la bonne foi (C. civ., art. 1104), et le principe selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales (C. civ., art. 1105). LES CONNAISSANCES Nous reviendrons successivement sur ces quatre principes directeurs du droit des contrats. §1 Liberté contractuelle et ordre public L’article 1102 inscrit au frontispice du Livre III du Titre III du Code civil un principe essentiel du droit des contrats français et jusqu’ici non écrit : celui de la liberté contractuelle. Cette liberté « de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat » est affirmée à titre de principe, « dans les limites fixées par la loi ». Il est en effet des situations où la liberté cède devant d’autres impératifs d’intérêt général identifiés par la loi. Ainsi, par exemple, la liberté de choisir son contractant cède-t-elle parfois face à l’instauration d’un droit de préemption, obligeant à proposer le contrat prioritairement à une personne bénéficiaire ; la forme du contrat est aussi parfois imposée afin de protéger le consentement d’une des parties ou d’assurer une publicité à l’égard des tiers, etc. L’alinéa 2 délimite la portée de cette liberté contractuelle : « La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ». L’article 1102 al. 2 reprend ainsi la règle de l’art. 6 du Code civil pour la matière contractuelle, sans aucune référence aux bonnes mœurs. L’alinéa 2 distingue les règles supplétives (les règles auxquelles les parties peuvent librement déroger) et les règles impératives, dites aussi d’ordre public (règles qui s’imposent aux contractants). La liberté contractuelle permet non seulement aux parties de définir leur contrat lorsque rien n’est prévu par la loi (v. C. civ., art. 1105), mais aussi d’écarter, au profit d’une règle contractuelle différente, les lois supplétives de volonté. §2 La force obligatoire du contrat Le deuxième principe directeur du droit des contrats est la force obligatoire : le texte de l’article 1102 du Code civil reprend la formule de l’ancien article 1134, alinéa 1er : les contrats « valablement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Le mot « convention » employé initialement dans l’ancien article 1134 alinéa 1er du Code civil a laissé sa place au terme « contrat ». L’article 1103 du Code civil édicte une règle à l’intention des parties au contrat et du juge chargé de le vérifier et le faire appliquer. À l’attention des parties, les volontés exprimées par les parties engendrent les droits et devoirs des parties, qui se doivent de les respecter. À l’intention du juge, aussi : le contrat voulu par les parties ne peut être, en principe, refondu ou corrigé, a posteriori, par le juge qui serait saisi de son contrôle ou de son exécution. Le juge, se doit d’appliquer aux parties l’accord qu’elles ont accepté (on verra néanmoins que le juge s’est vu accorder un rôle plus grand avec l’ordonnance de réforme que dans le Code de 1804 : suppression des clauses abusives, résiliation et révision judiciaire du contrat, etc.). §3 La bonne foi L’article 1104 du Code civil consacre le devoir de bonne foi à l’intention des parties, tant dans la négociation que dans la formation et l’exécution du contrat. L’ancien article 1134, alinéa 3 ne consacrait textuellement le devoir de bonne foi que pour l’exécution du contrat. La jurisprudence avait toutefois étendu l’exigence de bonne foi à la période précontractuelle. L’article 1104 du Code civil dispose expressément, en son alinéa 2, que le principe de bonne foi est d’ordre public. Il est ainsi interdit de l’écarter par une convention particulière. L’ancien article 1134, alinéa 3 plaçait la bonne foi sous la dépendance implicite de la force obligatoire du contrat (C. civ., art. 1134 al. 1, anc.). La jurisprudence avait d’ailleurs considéré que la mauvaise foi pouvait paralyser la mise en œuvre de certaines prérogatives (ex., clauses résolutoires). En énonçant désormais que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », l’article 1104 paraît bien autonomiser la bonne foi par rapport à l’article 1103. Jurisprudence La clause résolutoire doit être mise en œuvre de bonne foi. Sa mise en œuvre de la clause résolutoire suppose la réunion de deux conditions cumulatives. D’une part, un manquement imputable au débiteur entrant dans le champ de la clause résolutoire ; d’autre part, la sollicitation de bonne foi par le créancier de sa mise en œuvre. e er Pour une illustration en matière de bail commercial : V. Cass. civ. 3 , 1 févr. 2018, o n 16-28.684 : « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire avait été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur et non dans le but de se soustraire aux travaux lui incombant et réclamés par le preneur avant la délivrance de la mise en demeure, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». §4 La distinction entre droit commun et droits spéciaux L’article 1105 du Code civil reprend d’une part, dans ses deux premiers alinéas, la substance de l’ancien article 1107 du Code civil distinguant les règles de droit commun du contrat et les règles spéciales aux différents types contractuels (contrats spéciaux). L’alinéa 3, d’autre part, intègre une règle classique mais qui n’avait pas, jusqu’ici, force de loi écrite : les règles générales s’appliquent à défaut de règles particulières. La distinction entre contrat nommé et innommé a pour enjeu la qualification du contrat et le régime légal, impératif ou supplétif, qui lui est associé. Toutefois, lorsque le contrat est innommé, le juge cherche fréquemment à décomposer le contrat et à le rapprocher d’un ou plusieurs contrats nommés existants. Il se peut que le contrat, cependant, ne ressemble à aucun autre : il est alors sui generis, et ne relève que du droit commun des obligations contractuelles. L’article 1105 s’est enrichi d’un alinéa 3, qui dispose que « les règles générales s’appliquent sous réserve des règles particulières ». C’est la traduction de l’adage Specialia generalibus derogant : les règles spéciales dérogent aux règles générales. Le droit commun des contrats n’a ainsi plus vocation à s’appliquer si le contrat en cause est régi par une règle particulière. Le texte n’est toutefois pas d’application évidente. Prenons l’exemple de l’article 1171 du Code civil sur les clauses abusives : le texte est-il applicable aux relations entre professionnels ? L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la o Cour de cassation le 26 janvier 2022 (n 20-16.782) offre une clé de lecture permettant d’articuler le dispositif de droit commun de lutte contre les clauses abusives avec les règles de droit spécial. La haute juridiction énonce : « il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l’intention du législateur était que l’article 1171 du Code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du Code de commerce et L. 212-1 du Code de la consommation ». POUR ALLER PLUS LOIN… – N. BALAT, Réforme du droit des contrats : et les confits entre droit commun et droit spécial ?, D. 2015, p. 699 ; – M. MEKKI, Les principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance sur la réforme du droit des obligations, D. 2015, Chron. p. 816 ; – B. MERCADAL, L’ordre public dans la réforme du droit des contrats, https://lc.cx/P2h5. SOUS-TITRE 1 LA FORMATION DU CONTRAT o Fiche n 8 Les négociations précontractue

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