Partie 4 - Le Fonctionnement de la Justice Judiciaire: L'Exemple de la Preuve PDF

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Ce document traite du fonctionnement de la justice et de la notion de preuve, se basant sur des exemples historiques et contemporains, y compris l'ordalie. Le document explore comment prouver des faits en justice et les différents types de preuves.

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PARTIE 4 : Le fonctionnement de la justice judiciaire, l'exemple de la preuve INT : Comment prouver les faits devant le juge ? La preuve est une question qui a traversé l'histoire du droit. Revenons en Mésopotamie, au 18^ème^ siècle avant JC, on y pratiquait **l'ordalie**, c'est un mode de preuve...

PARTIE 4 : Le fonctionnement de la justice judiciaire, l'exemple de la preuve INT : Comment prouver les faits devant le juge ? La preuve est une question qui a traversé l'histoire du droit. Revenons en Mésopotamie, au 18^ème^ siècle avant JC, on y pratiquait **l'ordalie**, c'est un mode de preuve qui fait appel aux dieux. Lors d'une **ordalie fluviale**, le juge ordonne à l'accusé qu'il entre à pied dans un fleuve jusqu'à une certaine profondeur d'eau, s'il surnage, son innocence est prouvée, mais s'il coule, c'est qu'il est coupable. **L'administration de la preuve, dépend donc ici de la volonté divine**. **ATTENTION**, les ordalies n'étaient pas aussi ridicules qu'on pourrait le penser à 1^ère^ vue. Les juges savaient orienter le cours de la justice divine en fonction de leur intime conviction, ils jouaient sur le lieu, sur la date, sur la hauteur d'eau et sur la distance d'eau à parcourir. Si bien qu'en définitive, le résultat de l'ordalie pouvait aussi être déterminé par l'homme. Dans le droit contemporain, la preuve ne peut pas être faite dans n'importe quelles conditions, il existe un **régime juridique de la preuve**, c\'est-à-dire **des règles à respecter pour administrer une preuve**. Il existe 3 éléments fondamentaux du droit de la preuve : - La charge de la preuve - L'objet de la preuve - Les modes de preuve **La charge de la preuve** -------------------------- Les règles sur la charge de la preuve permettent de déterminer qui doit prouver, quelle partie, quelle personne, dans un litige doit apporter la preuve des faits. On parle de charge ou de fardeau de la preuve, car administrer une preuve est une tâche difficile et risquée. Adage latin : « *Idem es non ese ed non probari* » : **Ne pas être prouvé, c'est la même chose que de ne pas être.** - Un élément non prouvé n'existe pas, celui qui ne réussit pas à prouver les éléments nécessaires au soutien de sa demande est donc débouté Les règles sur la charge de la preuve déterminent en fait le risque de la preuve, et finalement le risque du procès.\ Lorsque la preuve n'est pas rapportée, c'est celui qui avait la charge de la preuve qui perd, c'est pourquoi on dit qu'il supportait le **risque du procès.** ### La répartition de la charge de la preuve - **La répartition entre le juge et les parties** En droit pénal, on dit que le procès est de type **inquisitoire**, c\'est-à-dire que le juge à un rôle très actif dans la recherche des preuves. **C'est le juge qui prend l'initiative de la poursuite** **[Inquisitoire :]** rechercher, enquêter A la différence du procès accusatoire, c'est lui qui dirige la marche du procès. Le juge pénal est en effet doté de moyens lui permettant d'obtenir ces preuves, par exemple avec des injonctions (obligations) diverses. Pour les affaires les plus graves, un **juge d'instruction** est nommé pour **rechercher les preuves à charge et à décharge**. Par conséquent, si quelqu\'un est victime d'une agression, et bien ce ne sera pas à lui de prouver les faits, mais bien à la police judiciaire qui fera une enquête puis éventuellement au juge d'instruction de réunir les éléments de preuve permettant de mettre en cause l'agresseur. C'est pourquoi il est toujours important de porter plainte même si on a l'impression que les faits seront impossibles ou difficiles à prouver. **En droit civil**, en revanche, le **procès n'est pas inquisitoire mais accusatoire**, le juge doit en principe se limiter à arbitrer entre les diverses preuves apportées par les parties. **Le procès accusatoire ne repose pas sur des investigations du juge, mais sur des éléments de preuves que les parties elles-mêmes ont apportés.** **Ce sera donc aux parties de prouver**, qu'elles ont le droit à un héritage, en prouvant le LF avec celui qui lègue ses biens, ou de prouver qu'elle a prêté de l'argent à quelqu\'un. - **La répartition entre les parties** La règle de répartition de la charge de la preuve est résumée par l'adage : « *La charge de la preuve incombe au demandeur* » **ATTENTION**, **le défendeur en soulevant un moyen de défense devient lui-même demandeur**, dans le sens où **la charge de la preuve de son moyen de défense lui incombe.** On trouve une illustration de cet adage à l'art. 1353 du Code civ., « *celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver* » ; «* Réciproquement celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.* » Par exemple, celui qui revendique avoir remboursé une somme qu'il a empruntée doit le prouver ### Le renversement de la charge de la preuve La charge de la preuve peut être renversée par le jeu des présomptions. **[Présomption ]**: mécanisme fondamental en droit, c'est une **vérité fondée seulement sur des indices, des commencements** (débuts) **de preuves** Art. 1349 Code civ., « *les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu* » : **Lorsqu'on ne connait pas un fait, on peut le déduire, et donc tenir ce fait pour vrai à partir d'un autre fait qui lui est connu.** Si A est inconnu mais que B est connu, et que B est directement lié à A, alors on peut considérer que si B existe, A existe forcément. En d'autres termes, à partir d'un ou plusieurs faits connus, on déduit l'existence d'un autre fait, qui lui n'est pas prouvé. **[Par exemple ,]**Lors d'un accident de la route, comment prouver que le conducteur a roulé trop vite ? [**\ **]La vitesse est A et donc inconnu, B qui est connu peut être la longueur des traces de freinage laissées par les pneus sur la route, B est lié à A. Plus B est long alors plus A est élevé. On présume l'existence de A grâce à l'existence de B qui est certaine. **[Autre exemple,]** La présomption de paternité. A la naissance de l'enfant, le mari de la mère est présumé père de l'enfant, strictement rien ne prouve qu'il en soit bien le géniteur. **[Autre exemple]**, on ne sait pas si une personne a accepté un contrat mais si elle commence à l'exécuter, on en déduit qu'elle l'avait accepté, alors qu'on n'aura jamais la preuve matérielle que ce contrat a bien été accepté. On voit bien l'utilité d'une présomption, comme on ne peut pas toujours prouver par des preuves matérielles, on tient pour vrai un fait à partir d'un autre fait qui lui est bel et bien réel et prouvé. La présomption d'innocence en droit pénal se distingue des présomptions liées à la preuve, mais c'est tout de même la même idée générale, c'est une supposition. On suppose que la personne est innocente, tant que le contraire n'a pas été prouvé. **Le mécanisme du renversement de la preuve peut être expliqué avec l'exemple suivant :** Le mari d'une femme ayant accouché est présumé être le père de l'enfant, bien qu'aucun test génétique n'ait été effectué pour prouver cette paternité. Or, si cet homme conteste être le père de l'enfant, c'est à lui de le prouver. La charge de la preuve est transférée, renversée vers le mari de la mère. Tant qu'il n'aura pas rapporté la preuve qu'il n'est pas le père, il est présumé l'être.\ Mais, s'il prouve qu'il n'est pas le père, alors on dit qu'il renverse la présomption. Idem pour celui qui a commencé à exécuter un contrat, il est présumé l'avoir conclu. Ce sera alors à lui de prouver qu'il n'a pas conclu ce **contrat, la charge de la preuve lui incombe. Charge à lui de renverser la présomption, en prouvant l'absence de conclusion du contrat.** **Il existe 3 types de présomptions :** - **La présomption simple,** est celle qui peut être renversée par tout moyen de preuve - **La présomption irréfragable,** elle ne peut en aucun cas être renversée, par exemple lorsqu'un jugement est rendu en dernière instance, lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées, on dit que **cette décision bénéficie de l'autorité de la chose jugée.\ ** - Ce qui est jugé est considéré comme vrai et on ne peut pas prouver le contraire. - Nul n'est censé ignorer la loi, tout le monde est présumé connaître la loi, c'est une présomption irréfragable, on ne peut pas essayer de prouver qu'on ne connaît pas l'existence d'une loi. - **La présomption mixte,** elle est mixte lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée. - Par exemple, seul un acte écrit authentique pourrait renverser cette présomption et non un simple témoignage **L'objet de la preuve** ------------------------ L'objet de la preuve permet de répondre à la question : « **Que faut-il prouver ?** » « *La Cour connaît le droit* », on dit que seuls les faits doivent être prouvés et non le droit. Il n'est pas nécessaire d'apporter au juge la preuve du contenu de la règle de droit Cependant, il en va différemment pour la preuve de la loi étrangère. Si devant le juge FR, l'une des parties allègue (prétend) que son litige relève d'un droit étranger, elle doit apporter la preuve du contenu de cette loi étrangère. Certaines preuves sont dites « **diaboliques** » (*probatio diabolica*) parce qu'elles sont impossibles à rapporter, cela peut être le cas pour la preuve des faits négatifs. Prouver un fait positif, comme par exemple qu'on a informé ou payé quelqu'un, demande simplement d'apporter un écrit ou un témoignage prouvant la véracité de ce fait.\ Comment prouver en revanche, qu'on n'a PAS reçu d'informations ? Ce n'est que lorsque la preuve d'un fait négatif peut être apportée par la démonstration d'un fait positif contraire que cette preuve est possible. Par exemple, on peut prouver qu'on n'était pas à un endroit en prouvant qu'on était ailleurs au même moment **Les modes de preuve** ----------------------- En droit pénal, c'est le juge qui recherche les preuves, et toute preuve est admissible dès lors qu'elle le convainc. C'est le **principe de l'intime conviction du juge**. En droit civil, c'est très différent, puisque la preuve est règlementée, seuls certains modes de preuves sont admissibles. ### La recevabilité des preuves Certaines preuves sont considérées comme irrecevables, c\'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas être utilisées pour prouver un fait. - **L'impossibilité de constituer un titre à soi-même** - **La licéité des modes d'obtention de la preuve** En droit pénal, la recevabilité de la preuve est estimée par le juge, il pourra être convaincu par une preuve même obtenue illégalement. En droit civil, en revanche, le juge devait traditionnellement fonder sa décision sur une preuve légalement admissible et donc légalement obtenue. Une preuve acquise par un moyen illégal ne pouvait donc pas être retenu par le juge civil. Néanmoins, par un arrêt du 22 décembre 2023, la Cour de cass. a opéré un revirement de jurisprudence.\ Dorénavant, dans un litige civil, une partie peut utiliser, mais sous certaines conditions strictes une preuve obtenue de manière déloyale pour faire valoir ses droits. Un salarié a été licencié, car le patron a appris que le salarié disait du mal de l'entreprise, par le biais des messages privés du compte Facebook du salarié, car un collègue a fouillé les discussions présentes sur l'ordinateur de fonction et a transmis le contenu au patron. ### La nécessité d'une preuve par écrit Selon le Code civil, **la preuve est en principe libre**, c'est ce qu'on appelle **la preuve par tout moyen** Le principe de la liberté de la preuve s'applique surtout aux faits juridiques, par exemple prouver qu'on a livré la marchandise vendue ou prouver qu'on est victime d'un dommage. Par contre, la preuve des actes juridiques est le plus souvent règlementée. - **L'exigence d'un écrit, prescrit par l'art. 1359 du Code civ.** « L'acte juridique portant sur une somme excédant 1500€ doit être prouvé par un document écrit, sous signature privée ou acte authentique. » Cette règle s'applique en droit civil uniquement. En droit pénal, la preuve est beaucoup plus libre. - **L'écrit au sens de l'art. 1359 du Code civ.** - **L'acte authentique** Il est un acte établit par un officier public, en général un notaire, il a une très forte force probante.\ En effet, l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux.\ En clair, pour contester un acte authentique, il faut prouver qu'il est faux. - **L'acte sous signature privée** Document signé par les 2 parties, qui prouve l'existence d'un acte juridique. La force probante d'un acte sous signature privée est inférieure à la force probante d'un acte authentique.\ En effet, l'acte sous signature privée ne vaut que jusqu'à preuve du contraire. - **L'écrit électronique** L'écrit électronique à la même force probante que l'écrit sous forme papier, mais à **2 conditions cumulatives** : - L'auteur doit pouvoir être dûment identifié - L'écrit doit être conservé dans de bonnes conditions - **Les exceptions à l'exigence d'un écrit** Même dans les cas où un écrit est en principe exigé, certaines conditions existent : L'impossibilité de rapporter la preuve par écrit, comme l'impossibilité morale, ou la force majeure qui rend impossible la preuve par écrit **Les moyens de preuve remplaçant l'écrit**, par exemple le commencement de preuve par écrit qui est défini comme « ***tout écrit qui rend vraisemblable ce qui est allégué*** », c'est le cas d'un SMS par exemple. - **Les autres modes de preuves** - **Les preuves scientifiques** Dans les matières où la preuve est libre, les faits à démontrer peuvent être prouvés par des données scientifiques, par exemple l'ADN, en matière pénale - **Les témoignages** Ce sont des déclarations faites par des tiers qui attestent solennellement certains faits. La valeur probante des témoignages est laissée à l'appréciation des juges.

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