Cours de Droit: La Preuve des Droits Subjectifs PDF

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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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This document is a course on French law, focusing on proving subjective rights. It details the burden of proof, the object of proof, and rules of administering proof in legal disputes.

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Partie V LA PREUVE DES DROITS SUBJECTIFS Si tout individu est titulaire de droits subjectifs, il ne suffit pas d'avoir déterminer les droits subjectifs dont chacun est titulaire, encore faut-il être en mesure d'en apporter la preuve dans le cadre d'un litige. Ainsi que l'a relevé monsieur Christoph...

Partie V LA PREUVE DES DROITS SUBJECTIFS Si tout individu est titulaire de droits subjectifs, il ne suffit pas d'avoir déterminer les droits subjectifs dont chacun est titulaire, encore faut-il être en mesure d'en apporter la preuve dans le cadre d'un litige. Ainsi que l'a relevé monsieur Christophe Ayela dans un article de la gazette du palais du 14 février 2012, « l'objectif principal poursuivi par le droit de la preuve demeure la recherche de la vérité et plus précisément l’établissement d'une vérité sociologiquement acceptable par tous. Si cet objectif de vérité entraîne d'importantes conséquences pour les parties, la responsabilité probatoire qui en découle doit respecter les limites liées à l'exigence de fiabilité et de crédibilité de la preuve. Le droit de la preuve en France est particulièrement libéral. Contrairement à une croyance erronée largement répandue selon laquelle notre droit applique en principe une preuve par écrit, le principe demeure dans l'immense majorité des situations, celui de la liberté probatoire ». Mais avant d'aborder tous ces modes de preuves qui permettront de prouver les droits subjectifs un certain nombre de règles méritent d'être précisées. En effet, il convient de déterminer d'abord sur qui pèse la charge de la preuve donc quelle est la charge de la preuve, ensuite quel est l'objet de la preuve puis quels sont les systèmes de preuves et enfin les règles gouvernant l'administration de la preuve. Section 1 : La charge de la preuve Selon l'article 1353 du Code civil, « celui qui réclame l’exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». De cet article il résulte donc que la charge de la preuve pèse en principe sur le demandeur. Il appartient en effet à celui qui fait valoir des prétentions devant une juridiction d'apporter la preuve de celle-ci. Il serait pour le moins illogique d'admettre que le juge puisse être saisi d'une demande reposant sur de simples affirmations et qu'il appartienne à celui à l'encontre duquel la demande est formée, de prouver qu'elle n'est pas fondée. Ainsi celui qui se dit créancier d'une somme d'argent doit apporter une prestation de service ou de la livraison d'une chose, événements en contrepartie desquels cette somme lui serait du. Cependant, pour s'opposer aux demandes de son adversaire, le défendeur pourra soit nier les demandes qui sont formulées à son encontre, soit formuler une nouvelle demande contre le demandeur initial. On parle dans ce dernier cas de demandes reconventionnelles qui sont formées par le défendeur. Il en résulte qu'au cours d'un procès la charge de la preuve va peser alternativement sur le demandeur et sur le défendeur. C'est ce que l'on appel le va-et-vient de la preuve. La règle selon laquelle la charge de la preuve pèse sur le demandeur doit ainsi être comprise comme concernant le demandeur à une prétention et non pas systématiquement le demandeur au procès. Le défendeur au procès est en effet demandeur en ce qui concerne ses propres prétentions, et il doit les prouver. Il doit ainsi en premier lieu prouver que ce que le demandeur avance est erroné et que les preuves rapportées sont fausses. Mais il doit aussi prouver le bien fondé de ses demandes si par exemple il réclame la condamnation du demandeur. Ce principe selon lequel la charge de la preuve pèse sur le demandeur connaît cependant des dérogations. On trouve à ce propos des présomptions légales qui emportent renversement de la charge de la preuve ou dispensent de preuve. Le législateur présume en effet parfois l'existence de certains faits. Il appartient donc non pas à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve, mais à son adversaire de prouver la fausseté de ses faits. Par exemple, 1 selon la règle posée par l'article 2276 du Code civil : « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Le possesseur d'un bien meuble est ainsi présumé en être le propriétaire, il n'aura pas à apporter la preuve de son droit de propriété. La règle selon laquelle la possession vaut titre doit être comprise comme valant possession du titre de propriété. Le possesseur opposé au véritable propriétaire est en conséquence dispensé d'avoir à apporter la preuve de son droit. Par contre, le véritable propriétaire ou le propriétaire initial exerçant une action en revendication à l'encontre du possesseur, devra au contraire apporter la preuve de sa propriété. Lorsque le possesseur a acquis le bien meuble d'une personne autre que le véritable propriétaire, il est protégé contre toutes actions en revendication du véritable propriétaire par la fonction acquisitive de la règle « en fait de meubles, possession vaut titre ».Et si il la détient du véritable propriétaire, il appartiendra à celui-ci de démontrer que le possesseur n'est pas entré en possession en fonction d'un acte translatif de propriété. De même, au terme de l'article 312 du Code civil, le mari de la mère d'un enfant conçu ou né pendant le mariage, est présumé être le père de cet enfant. En cas de litige le mari dont la paternité est contestée - si il veut la contestée – il devra apporter la preuve que la présomption ne peut pas jouer ou qu'il ne peut pas être le père de l'enfant mais sa paternité n'a pas à être rapportée par celui ou celle qui l'invoque. Le deuxième problème concerne la détermination de l'objet de la preuve. 2 Section 2 : L'objet de la preuve Il résulte des articles 6 à 8 du Code de procédure civile que « à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder », que « le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat » et que « parmi les éléments du débat le juge ne peut prendre en considération des faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions », et qu'il peut les « inviter à fournir des explications de fait qu'il estime nécessaires pour la solution du litige ». Il résulte de ces dispositions que s'agissant de l'objet de la preuve celui-ci concerne les faits. Les faits sont au cœur du procès. Ce sont les faits qui doivent être prouvés par les parties. Le principe est donc que la règle de droit dont l'application est demandée n'a pas à être prouvée puisque le juge est censé connaître la loi. Seuls les faits invoqués par les parties dans le cadre d'un litige constituent normalement l'objet de la preuve. Cependant tous les faits n'ont pas à être prouvés. Seuls les faits allégués pertinents et contestés constituent l'objet de la preuve. Les faits allégués ce sont ceux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Il faut en outre que ces faits soient pertinents, c'est à dire qu'ils soient de nature à influer sur la solution du litige. Si certains faits allégués sont sans incidences sur l'issue du litige, la preuve n'en sera pas nécessaire. Enfin ces faits doivent être contestés. Il ne sert à rien de prouver des faits admis par l’adversaire. Cette affirmation doit cependant être nuancée car si le juge peut prendre acte de l’acquiescement de l’adversaire à la relation des faits émanant de l'autre partie, il pourra néanmoins exiger de vérifier personnellement la réalité de certains faits de nature à emporter sa conviction. L'objet de la preuve est donc limité à ces éléments. La règle de droit au contraire, ainsi qu'il a déjà été précisé, n'a pas à être prouvée. La seule obligation qui est faite aux parties étant de viser la règle de droit applicable aux litiges. La présomption de connaissance de la loi en vigueur est régulièrement publiée et concerne logiquement en premier chef celui qui est chargé de l'appliquer, en l'occurrence le juge. Toutefois, cette règle selon laquelle, seuls les faits sont objets de la preuve, le droit étant dispensé de preuve, connaît quelques entorses. Ainsi certains faits n'ont pas à être prouvés. Il s'agit de ceux qui sont par exemple présumés puisque les dispositions légales emportent dispense de preuve pour leur bénéficiaire. À cet égard, outre les présomptions expressément énumérées par les textes, il convient de préciser qu'il existe actuellement un certain nombre de régimes de responsabilités sans fautes prouvées qui sont aussi une illustration de la dispense de la preuve de certains faits. Par exemple, sont responsables de plein droit sans que la victime ait à prouver une faute de leur part, le propriétaire d'une chose qui a causé à autrui un dommage, l'employeur d'un salarié qui cause à autrui un dommage dans l'exercice de ses fonctions ou bien encore les parents du fait des dommages causés par leurs enfants mineurs. De nombreux professionnels sur le terrain contractuel voient également leur responsabilité engagée dès lors qu'une personne subit un dommage du fait des prestations de services proposées même si aucunes fautes ne peut leurs être expressément reprochées. Par exemple une obligation de résultat a été dégagée par la jurisprudence en matière de transport. Il en résulte que toute personne victime d'un dommage dans le cadre de l'exécution d'un contrat de transport peut engager la responsabilité du transporteur même si ce dernier n'a commis aucune faute. La faute résulte du simple fait que le résultat prévu par le lien contractuel unissant les parties n'a pas été obtenu. C'est la raison pour laquelle par exemple la SNCF est déclarée responsable si par exemple un passager glisse dans un wagon et se blesse. Ce type de résultat pèse dans certains cas dans des établissements hospitaliers en matière d'infection nosocomiale. Si certains faits peuvent être dispensés de preuves, le droit peut en revanche dans certains cas être objet de preuve malgré la règle qui a été précédemment énoncée. En effet, il arrive que le droit doive être prouvé. Il en va ainsi, notamment, quand la règle invoquée est une règle de droit étrangère ou que cette règle résulte d'usages. S'agissant de la règle de droit étrangère, cette obligation mise à la charge des parties 3 semblerait contredire la règle selon laquelle le juge est censé connaître la loi, donc la présomption de connaissance attachée à la loi. Cependant, il importe de préciser que cette présomption ne concerne que la loi française. Il n'est en effet pas question d'exiger du juge français qu'il connaisse l'ensemble des règles de droit étrangères susceptibles de recevoir application. Or, en application des règles de conflit de loi dans l'espace, une loi étrangère peut être applicable à la solution d'un litige ou la solution d'un litige peut nécessiter la connaissance d'une règle de droit étrangère, par exemple pour voir si la décision prise par le juge lorsqu'elle concerne un ressortissant étranger ne sera pas incompatible avec l'ordre public du pays de la personne ayant fait la demande. En principe donc, la preuve de cette loi, c'est à dire de sa teneur et de son interprétation, peut être fait par tous moyens par les parties. Cependant souvent des certificats de coutumes seront produits ou exigés. Ces certificats de coutumes peuvent émaner d'autorités diplomatiques, consulaires ou religieuses si un droit confessionnel doit exceptionnellement être appliqué. Cette preuve peut aussi résulter de la production assortie de la traduction des textes concernés ou d'avis d'autorités juridiques reconnues dans le pays dont la législation est applicable. Ainsi la jurisprudence française ne manque jamais de rappeler et de préciser qu'il incombe aux parties de d'apporter la preuve de cette loi, si elles en revendiquent l'application et qu'à défaut le juge fera application de la loi française. Certains auteurs relèvent cependant qu'en ce qui concerne la loi étrangère il faut désormais tenir compte de l'organisation à l’échelon européen, des moyens d'information, sur l'état des droits étrangers, mis à la disposition des autorités judiciaires. Il en résulte que dorénavant le juge à les moyens de connaître la loi étrangère, en tout cas pour partie, surtout quand cette loi étrangère est la loi résultant de l'UE dont il doit impérativement être fait application. D’ailleurs sur ce point une jurisprudence récente à retenu que la preuve de la teneur de la loi étrangère incombe aux juges, lorsque les parties n'ont pas la libre disposition de leurs droits. Dans cette décision, la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 octobre 2002 a estimé que l'application de la loi étrangère désignée impose aux juges français d'en rechercher la teneur. Le devoir du juge d'établir la teneur de la loi étrangère ne vaut que pour les cas dans laquelle la loi concerne des droits indisponibles. S'agissant des droits dont les parties ont la libre disposition, la jurisprudence n'est pas toujours très claire. La première chambre civile de la Cour de cassation à la différence des autres chambres, et notamment de la chambre commerciale, semble retenir dorénavant que l'office du juge ne dépendrait plus de la nature des droits litigieux. Il n'en reste pas moins qu'en principe les parties doivent apporter la preuve de la loi étrangère revendiquée. Par ailleurs les parties devront aussi apporter la preuve de la règle de droit lorsque la règle de droit dont l'application est sollicitée, résulte d'un usage. Il est en effet évident que les juges ne connaissent pas tous les usages en particulier lorsqu'il s'agit d'usages locaux donc d'applications restreintes ou d'usages professionnels. Section 3 : Les systèmes de preuve En droit, deux systèmes de preuve sont possibles. Il y a le système de la preuve légale selon lequel la preuve est réglementée et celui de la preuve morale en vertu duquel la preuve est toujours libre. Le droit civil français a consacré un système mixte. Le système de la preuve légale est celui retenu pour prouver les actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros ( 4 article 1359 du code civil) alors que la preuve est libre pour tous les faits juridiques. De la consécration de l'un ou l'autre de ces systèmes résulte un certain nombre de conséquences. En effet, lorsque la preuve est réglementée, elle doit être rapportée par un écrit, acte authentique ou acte sous seing privé ou par une autre preuve parfaite. Le plus souvent la preuve rapportée sera une preuve écrite, un écrit mode de preuve parfaite. En l’absence d'un tel écrit, l'acte juridique ne pourra pas être prouvé. Mais, si cet écrit existe, le juge est lié et il est tenu de faire droit aux prétentions de celui qui le produit. C'est la raison pour laquelle on appelle ces écrits des modes de preuves parfaits. Aux écrits modes de preuves parfaits que sont l'acte authentique et l'acte sous seing privé, il convient de rajouter comme autres modes de preuve parfaits, l'aveu judiciaire et le serment décisoire. Tous ces modes de preuve vont lier le juge qui ne dispose plus d'un pouvoir d'appréciation. Par contre, lorsque la preuve est libre, tous les modes de preuves sont admissibles. On appelle ces preuves des preuves imparfaites. Ce sont les témoignages, présomptions et indices mais aussi l'aveu extra-judiciaire et le serment déféré d’office. Le juge n'est alors pas lié par ces preuves. Il lui appartient d'apprécier souverainement leur valeur probante, selon son intime conviction. Le droit français a donc retenu un système mixte entre ces deux systèmes de preuves. C'est ainsi que sont toujours exigés des preuves parfaites pour apporter la preuve des actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros en application de l’article 1359 du code civil. Il y a toutefois des entorses au système de preuve décrit précédemment Il y a cependant des exceptions à cette exigence de la preuve parfaite pour les actes juridiques portant sur plus de 1500 euros. L'exigence d'un écrit pour apporter la preuve est écartée en droit commercial. En effet, la preuve par tous moyens est admise pour tous les actes et faits juridiques en droit commercial et ce en application de l’article 110-3 du Code de commerce qui consacre en cette matière la liberté de la preuve. La rapidité des affaires s’accommoderait mal à l'exigence systématique d'un écrit. En outre en droit civil la preuve des faits est toujours libre et les dérogations à l'exigence d'un écrit pour les actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros sont nombreuses. Premièrement, les dispositions de l'article 1359 du Code civil ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent renoncer à s'en prévaloir. Les parties peuvent donc renoncer à se prévaloir de l'exigence de la preuve écrite pour les actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros. Deuxièmement la preuve par tous moyens est recevable, si les parties peuvent produire un commencement de preuve par écrit. Le commencement de preuve par écrit est définit à l'article 1362 du Code civil comme étant un écrit, émanant de celui qui conteste un acte c'est à dire en pratique du défendeur ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable ce qui est allégué. Cet article précise que « peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution » et que « La mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit ». Il s'agit donc d'un écrit qui aurait pu valoir preuve parfaite, si tous les éléments exigés pour la validité des actes sous seing privé ou des actes authentiques avaient été réunis. À défaut donc de valoir preuve parfaite, cet écrit vaudra en tant que commencement de preuve par écrit. Par exemple, une lettre portant la mention d'une reconnaissance de dette en chiffre mais non en lettre ne peut pas valoir comme acte sous seing privé et pourra être utilisé comme commencement de preuve par écrit. Il en résulte que celui qui produit un commencement de preuve par écrit est autorisé à prouver ses prétentions, par tous moyens. 5 Troisièmement, la preuve par tous moyens est encore recevable, si celui sur lequel pèse la charge de la preuve peut se prévaloir d'une impossibilité morale ou matérielle de préconstituer un écrit ou si l’écrit a été perdu par suite d’un cas de force majeure (article 1360 du code civil). Il y a impossibilité morale de préconstituer un écrit, par exemple, lorsque les relations entre les parties sont telles qu'il était impossible de solliciter la rédaction d'un écrit pour constater la transaction. Il peut s'agir de relations familiales entre parents et enfants ou entre frères et sœurs, ou de relations professionnelles. Ainsi, on considère qu'il y a impossibilité morale de rédiger un écrit, dans des relations entre un médecin et son patient ou entre un avocat et son client. Il y a impossibilité matérielle de préconstituer un écrit, si une des parties ne savait pas ou ne pouvait pas écrire. Quatrièmement, il y a encore entorse aux dispositions de l'article 1359 du Code civil en cas de fraude de l'une des parties à l'acte. Attention : La preuve est toujours libre pour apporter la preuve des faits en droit civil et en droit pénal. Il en résulte que dans ces cas, aucune preuve ne lie le juge, pas même une preuve parfaite, telle que l'aveu judiciaire. En effet, si en droit pénal l'aveu a pu être considéré comme étant la reine des preuves, il ne faut pas oublier, qu'il ne lie jamais le juge. Il constitue toujours une preuve laissée à son appréciation souveraine, au même titre que les témoignages et indices. L'aveu ne constitue une preuve parfaite qu'en droit civil, lorsqu’il s’agit de prouver un acte juridique. Par ailleurs les preuves scientifiques telles que les empreintes digitales ou physiques sont également des preuves imparfaites au sens strict du terme, comme les autres preuves. Elles sont bien évidemment difficilement contestables dans la mesure où elles émanent de techniciens. En conséquence une décision ira rarement à leur encontre. Le système de preuve ne doit pas être confondu avec les modes d'administration de la preuve ou les moyens d'administration de la preuve qui peuvent dépendre du système judiciaire en place. 6 Section 4 : L'administration de la preuve Le système procédural en vigueur peut influer sur l'administration de la preuve. Sur ce point il convient de ne pas confondre entre le système de preuve retenu et le système judiciaire en place qui a aussi une incidence en droit de la preuve mais plus sur l'administration de la preuve que sur les modes de preuves. La procédure civile telle qu'elle a été réglementée après la Révolution est une procédure essentiellement accusatoire. On l'oppose assez souvent à la procédure administrative typiquement ou spécifiquement inquisitoire et à la procédure pénale qui serait inquisitoire dans sa phase d'instruction et accusatoire dans sa phase de jugement. Les caractères principaux d'une procédure accusatoire sont l'oralité, le contradictoire et la publicité par opposition à la procédure inquisitoire qui apparaît comme une procédure écrite secrète et non contradictoire. Mais le caractère accusatoire ou inquisitoire conditionne aussi les rôles respectifs du juge et des parties tout au long du déroulement du procès. Lorsque la procédure retenue est une procédure accusatoire, le procès est aux mains des parties, le juge ayant essentiellement un rôle d'arbitre. Le principe de neutralité du juge dans ce type de procédure implique qu'il n'intervienne pas dans la recherche des preuves. La charge de la preuve pèse donc uniquement sur les parties. Au contraire, dans une procédure inquisitoire le juge est le maître du procès, le directeur du procès. Il participe activement à la recherche de la preuve. La neutralité du juge dans les procédures accusatoires tend cependant à s'estomper. Le juge dispose de pouvoirs plus en plus larges dans la recherche des preuves donc dans l'administration de la preuve. Il peut ainsi ordonner la production forcée de certaines preuves ou procéder à des mesures d'enquêtes. Le juge peut aussi enjoindre aux parties de produire tel ou tel élément de preuve qui lui apparaît nécessaire à la solution du litige, soit à la demande de l'autre partie soit spontanément. Il résulte en effet de l'article 11 du Code de procédure civile que chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, sauf au juge à tirer toutes les conséquences d'une abstention ou d'un refus. Ce principe oblige donc chaque partie à produire les éléments de preuves en sa possession et elle pourra au besoin y être contrainte sous astreinte. Le juge peut aussi enjoindre à un tiers à la production de pièces essentielles à la solution du litige. Si le juge ordonne des communications de pièce, il doit s'assurer qu'elles sont régulièrement communiquées à l'adversaire pour respecter le principe du contradictoire et pour que celui-ci puisse organiser sa défense. Le juge peut également de son propre chef décider de recourir à des mesures d’instructions, s’il s'estime insuffisamment informé, par les pièces produites par les parties. Ainsi par exemple, il peut, en matière de filiation, même si les parties ne le requièrent pas, ordonner des expertises ADN. À cet égard il nommera un expert. Un rapport d'expertise a alors la même valeur que toutes les autres preuves dites imparfaites. Il ne lie en principe pas le juge mais celui-ci pourra difficilement le contester. Ce recours à des mesures d'instructions par le juge est expressément prévu par le Code de procédure civile qui prévoit que si les faits dont dépendent la solution d'un litige n'ont pas de preuves qui soient suffisantes, des mesures d’instructions peuvent être ordonnées soit à la demande des parties, soit d'office. Donc, tous les faits objets du litige peuvent donner lieu à des mesures d'instructions ordonnées par le juge. Ces mesures d'instructions obéissent à un régime un peu particulier. Elles peuvent être ordonnées en tout état de cause, c'est à dire à tout moment du litige dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour rendre sa décision. Les mesures d'instructions ne peuvent cependant être ordonnées que si la partie qui le demande ne dispose pas elle- même d'éléments suffisants pour prouver ses propres prétentions. En effet, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée, en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'admission de la preuve. En effet, il appartient à chaque partie d'apporter la preuve de 7 ses prétentions et si aucune partie ne le fait, il ne pourra être fait droit aux demandes des parties. Le juge ne peut pas se substituer aux parties pour ordonner des mesures destinées à rechercher des preuves. C'est pourquoi l'article 143 du Code de procédure civile précise que une mesure d'instruction peut être ordonnée d'office par le juge ou sur demande d'une partie ou si il y a insuffisance des éléments de preuve produites par les parties ou encore si ces derniers n'ont aucun autre moyen d'apporter la preuve de leurs prétentions. Il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties dans l'administration de la preuve. Le juge n'est cependant jamais obligé d'ordonner les mesures d'instructions sollicitées. La décision d'ordonner une mesure d'instruction relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Le juge ne l'ordonnera pas, si il s'estime suffisamment informé ou si il estime qu'il a assez d'éléments en sa possession pour statuer. Mais si une mesure d'instruction s'avère nécessaire, elle peut être ordonnée à tout moment du procès. Exceptionnellement, une telle mesure peut être ordonnée en dehors de tout litige conformément aux dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile qui réglemente les mesures d'instructions in futurum. Ce sont les procédures destinées à se préconstituer des preuves dans certains litiges particuliers. Lorsque les mesures d'instructions sont ordonnées par le juge et qu'ainsi des experts ou enquêteurs sont désignés, ces mesures d'instructions sont toujours ordonnées sous son contrôle. Ces mesures d'instructions sont assez diverses. Il peut s'agir de vérifications personnelles qui peuvent être faites par le juge. Il est prévu que le juge peut vérifier les faits lui- même. Il s'agit bien évidemment des faits qui lui sont soumis. Il peut donc prendre personnellement connaissance des faits présentés par les parties, ceux en présence des parties ou des parties dûment appelées. Elles doivent en effet être au courant de la procédure de vérification diligentée par le juge. Le juge peut procéder personnellement à toutes les contestations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu'il estime nécessaire même en se transportant sur les lieux si le besoin est, et ce en matière civile. Le transport sur les lieux n'est donc pas une prérogative réservée au juge d'instruction dans le domaine pénal. Lorsque le juge veut effectuer des vérifications personnelles, les parties doivent être présentes ou au moins appelées. Le respect du principe du contradictoire s'étend en effet même aux mesures d'instructions. Ces mesures d'instructions donneront lieu à un procès verbal qui sera joint au dossier. Outre les vérifications personnelles du juge, il peut y avoir comme mesure complémentaire d'instruction, la comparution des parties qui peut être ordonnée. Cette comparution peut être ordonnée d'office par le juge ou sur demande de l'une des parties. Cette comparution implique alors la présentation des parties en personne devant le juge et ce quand bien même les parties seraient représentées. Le juge peut ordonner la comparution de toutes les parties ou de l'une d'entre-elles. La comparution aura lieu, soit en audience publique, soit en chambre du conseil. Mais, si une partie dont la comparution est ordonnée ne peut se déplacer, le juge ou l'un des juges de la formation qui a ordonné la comparution peut exceptionnellement se déplacer auprès de cette personne. La ou les parties concernées sont alors interrogées. Le but de cette mesure va être d'éclaircir le tribunal sur tel ou tel élément du débat. L'avocat de la ou des parties interrogées doit être présent et l'interrogatoire doit être contradictoire. Il en résulte que la partie adverse ou son représentant devront être présents ou au moins convoqués. Si l'une des parties dont la comparution est ordonnée refuse de répondre ou ne comparaît pas, le juge est en droit de tirer toutes les conséquences des déclarations de l’absence ou du refus de répondre. Le refus de répondre peut être considéré comme équivalent de commencement de preuve par écrit. Ces mesures d'instructions peuvent aussi concerner l'audition de tiers. Il peut s'agir ainsi de la déclaration de tiers qui vont relater ce qu'ils ont personnellement vu ou entendu soit oralement 8 soit par écrit. Par écrit, le tiers rédigera alors des attestations et oralement il va relater devant le juge ce qu'il a vu ou entendu. Le juge peut aussi avoir recours à une procédure d'enquête qui est la voie par laquelle les témoins sont entendus oralement. Si une partie sollicite elle-même une enquête, elle doit indiquer clairement les faits sur lesquels elle entend qu'il soit déposé ainsi que les éléments d'identification des personnes dont elle sollicite l'audition. Le juge pourra alors faire droit ou non à cette demande. La décision ordonnant ou refusant la mesure d'enquête, si elle est ordonnée en première instance, ne peut pas être frappée d'appel indépendamment de la décision sur le fond. Il n'en reste pas moins que la décision ordonnant l'enquête doit être motivée. Dans cette décision doit être ordonné les faits qu'elle aura pour objet de prouver. Il doit bien évidemment s'agir de faits pertinents, c'est à dire de nature à influer sur la solution du litige. Le juge peut aussi ordonner des mesures d'expertises. Il s'agit de mesures d'instructions parmi d'autres. En effet dans de nombreuses circonstances le recours à des techniciens que l'on appelle des hommes de l'art, s'avérera nécessaire. C'est ce que l'on appelle les expertises. Le Code de procédure civile prévoit en effet que le juge peut désigner toute personne de son choix sur demande d'une des parties, le plus souvent pour l'éclairer, ou d'office si il l'estime nécessaire. Le technicien désigné est un expert inscrit sur la liste des experts auprès du tribunal. Cet expert devra remplir la mission qui lui sera confiée par décision du juge. La mission de l'expert sera expressément précisée dans la décision du juge. En conséquence, le juge ne va pas se contenter de désigner un expert et de préciser son identité mais il devra aussi lui indiquer les éléments qu'il devra examiner. À cet égard il convient de préciser que cet expert doit exercer sa mission avec conscience, objectivité et impartialité. Il doit rester neutre entre les parties et il ne doit jamais passer outre sa mission. Il ne lui appartient pas non plus de donner son avis ni même un avis d'ordre juridique. Par exemple si il est saisi dans une expertise pour déterminer à qui incombe la responsabilité de telle ou telle malfaçon dans le cadre d'une construction, il doit décrire objectivement les vices. Il doit donc décrire quel est l'élément de la construction qui a été mal fait mais il ne doit porter d'appréciation juridique sur la responsabilité civile de telle ou telle personne. Généralement pour l'exercice de sa mission l'expert se voit impartir des délais par le juge et il doit aussi respecter ces délais. Mais, en cas de difficulté, il pourra obtenir une prorogation des délais pour déposer son rapport. L'avis de l'expert est produit sous forme de rapport adressé aux parties. Tout au long de l'expertise, comme dans tout le reste de la procédure, le respect du principe du contradictoire doit bien évidemment être respecté. L'expert ne peut tirer aucune conclusion des faits qu'il constate, sans avoir recueilli les observations des parties et lui-même conclu sur leurs observations. Une fois toutes les observations faites, il dépose son rapport qui est produit devant le tribunal. Ce rapport vaut en tant que mode de preuve. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une preuve parfaite, il ne lie pas exactement le juge. Néanmoins le juge évitera très souvent de s’éloigner du rapport dans la mesure ou le juge comme les avocats n'ont pas souvent les compétences techniques nécessaires pour déterminer sur le fond. Par exemple s’il s’agissait d'apprécier, s’il y avait une erreur médicale, le juge ou les avocats ne sont pas en mesure d'apprécier, sil il y a eu effectivement une erreur médicale. Seul le technicien, l'expert, est en mesure de le décider. Par contre, le juge peut relever des irrégularités dans la manière dont l'expertise a été menée. Il peut être amené à écarter certaines conclusions de l'expert, s’il estime que ce dernier n'a pas respecté l’impartialité qu'il lui est demandée, s’il n'a pas été suffisamment objectif, s’il n'a pas recueilli les éléments de l'une des parties ou s’il n'a pas procédé à toutes les missions qui lui étaient demandées. De même une des parties peut contester la mission de l'expert une fois qu'elle a été effectuée et solliciter une contre-expertise si il y a des irrégularités graves ou des incompétences notoires de l'expert qui aurait été désigné. Lorsque le juge désigne un expert, 9 en général un seul est désigné à moins que la difficulté du litige implique la désignation de plusieurs personnes qualifiées. Sur ce point il convient de préciser que dans certains cas les expertises peuvent être obligatoires. Il en va ainsi de l'administration des preuves résultant de prélèvements sur le corps humain, lesquelles font l'objet de réglementations particulières. Ainsi ce type de preuves ne peut être rapportées par les parties elles-mêmes. Elles ne peuvent jamais recourir à des expertises ADN en dehors de tout contentieux. L'article 16- 11 du Code civil dispose à cet égard que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesure d'enquête ou d'instruction diligentés lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées. Il résulte de ces dispositions que les expertises ADN ne peuvent être diligentées que sur décision du juge, c'est à dire dans le cadre d'un procès ou dans des circonstances particulières. Les parties ne peuvent y recourir librement en dehors de tout contentieux. Si une partie faisait procédé à des expertises ADN comme cela se rencontre à l'étranger, par exemple dans un litige en matière de filiation, le juge écarterait ces expertises. Toutefois, si une décision du juge est nécessaire en matière d'expertise ADN, le juge ne peut cependant jamais contraindre une partie à accepter des prélèvements permettant de procéder à des expertises ADN. Le recours à ce type de preuve suppose l'accord express de la personne concernée. La loi exclue formellement que l'on puisse y recourir après le décès de cette personne. Toutefois, en cas de refus d'une personne de se soumettre à une expertise biologique ordonnée, le juge pourra en tirer toutes les conséquences nécessaires. Si le refus ne peut être assimilé à un aveu, il est bien évident que le refus ne plaide pas en faveur de la personne concernée. Par ailleurs, dans une décision de principe du 28 mars 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation a retenu que le recours aux expertises biologiques est de droit si les parties à un procès en font la demande, sauf si le juge estime qu'il exige un motif de ne pas l'ordonner. Enfin, le juge ne peut jamais contraindre une partie à produire en justice des documents dont elle aurait ou dont une personne aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions lorsque ses faits seraient couverts par le secret professionnel.. Partie VI LA PREUVE DES DROITS SUBJECTIFS Nous allons étudier quels sont les modes de preuve habituellement retenus. Il y a d'abord les deux modes de preuves écrits, preuves parfaites exigées pour apporter la preuve des actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros. Ces deux écrits sont l'acte authentique et l'acte sous seing privé. Ce sont des écrits qui obéissent à des règles de forme qu'il convient de préciser. Section 1 : L'acte authentique et l'acte sous seing privé L'acte authentique est définit à l'article 1369 du Code civil comme étant l'acte reçu par des officiers publics ayant le pouvoir d'instrumenter dans le lieu où l'acte à été rédigé et ce avec les solennités requises. Les actes authentiques sont donc des écrits rédigés par des personnes habilitées, en l’occurrence des officiers publics. En conséquence, sont authentiques les actes rédigés par les notaires, les officiers d'état civil, les huissiers, certains actes des préfets ou des maires et les décisions judiciaires. L'officier public dressant un acte authentique doit être habilité, cela signifie qu'il doit être régulièrement investi des missions attachées à sa fonction. Il doit agir dans le cadre de ses compétences matérielles et territoriales. La compétence matérielle est définie par la loi, laquelle délimite le domaine de compétence de chaque 10 profession, de chaque fonction. La compétence territoriale, encore appelée compétence rationnelle, est également définie par les textes, et elle à pour conséquence que l'officier public ne peut instrumenter que dans une circonscription géographique précise, par exemple une commune pour les officiers d'état civil. Les formalités prescrites par la loi pour la validité des actes authentiques varient selon les différentes catégories d'actes authentiques. S'agissant des écrits rédigés par les notaires par exemple, la loi précise qu'ils doivent être écrits et rédigés, signés, ils doivent comporter le nom et le lieu d'établissement du notaire et les noms et domiciles des témoins, mentionner le lieu où l'acte est passé et la date à laquelle chaque signature est apposée. Ces écrits doivent aussi mentionner les noms, prénoms et domiciles de tous les signataires de l'acte. Il doit y être fait mention qu'ils ont été lus par les parties ou que lecture leur en a été faite. Ils doivent en principe être rédigés en Français. Le non respect des formalités requises est généralement sanctionné par la nullité de l'acte authentique. Mais, si certaines formalités ne sont pas respectées, l'acte authentique peut valoir comme acte sous seing privé. L'article 1370 du Code civil dispose que l'acte qui n'est pas authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, si il a été signé par les parties. Enfin, si il ne peut pas valoir comme acte sous seing privé, il pourra le cas échéant, servir comme commencement de preuve par écrit. S'agissant de la portée de l'acte authentique, la loi précise que tout acte dressé par un officier public est présumé authentique et fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes. En tant que mode de preuve, il constitue donc une preuve parfaite qui va lier le juge. Toutes les mentions de l'acte authentique n'ont cependant pas la même force probante. Il faut en effet distinguer parmi les énonciations, celles qui contiennent des constatations faites personnellement par l'officier public. Les énonciations émanant des constatations de l'officier public valent jusqu'à inscription de faux, alors que les énonciations résultant des déclarations des parties valent jusqu'à preuve contraire. L'inscription de faux est une procédure relativement grave et lourde, réglementée depuis un décret du 17 décembre 1973. Elle doit obligatoirement faire l'objet d'une communication au ministère public. Antérieurement au décret de 1973, la procédure d'inscription de faux ne pouvait être faite, à titre principal, que devant les juridictions répressives et seulement à titre d'incident devant les juridictions civiles. Depuis la réforme l'inscription de faux peut être fait à titre principal et à titre incident devant les juridictions civiles. Le tribunal compétent est toujours le tribunal judiciaire. Lorsque la procédure d'inscription de faux est invoquée à titre d'incident, lors d'une instance engagée devant une juridiction autre que le tribunal judiciaire, cette juridiction doit surseoir à statuer sur le fond de l'affaire, jusqu'à ce que l'incident ai été tranché par le tribunal judiciaire. Le juge n'est tenu de se prononcer sur le faux que si l'écrit litigieux est indispensable quant à l'issue du litige. Si la procédure aboutit des poursuites contre l'officier public sont possibles et l'acte perdra sa valeur. S'agissant de la contestation de l'acte authentique, la première chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 26 janvier 2012, est venue atténuer les exigences de la procédure d'inscription de faux, en admettant la possibilité d'apporter la preuve de l'inexactitude de l'acte conformément, au droit commun des preuves. Dans cette décision, la Cour de cassation a en effet retenu que s’il n'est reçu aucune preuve par témoin ou présomption, contre et outre le contenu des actes authentiques, cette preuve peut cependant être invoquée, pour interpréter un acte obscur ou ambigu. Il s'agit donc d'une petite atténuation aux exigences qui viennent d'être indiquées. Toutes les mentions autres que celles émanant des constatations de l'officier public ne font foi que jusqu'à preuve contraire, et donc la preuve par tous moyens est recevable. L'autre écrit preuve parfaite est l'acte sous seing privé. La rédaction d'un acte sous seing privé est moins formaliste que celle de l'acte authentique. L'acte sous seing privé ne requiert pas le 11 concours d'un officier public. Il est donc valablement rédigé par les particuliers. Il peut être rédigé de manière manuscrite ou dactylographié. Les surcharges et ratures n'ont pas à être approuvées ni par conséquent à être paraphées. Une seule mention est obligatoire en principe, il s'agit de la signature. Compte tenu de son importance la signature doit être manuscrite (ou électronique) et permettre l'identification de la partie qui s'engage. Mais, à cette simplicité apparente des précisions doivent être apportées. En effet, si les deux parties s'obligent mutuellement, si en conséquence elles sont tenues d'obligations réciproques dans le cadre d'une convention synallagmatique, elles devront toutes les deux apposer leur signature au bas de l'acte. Des mentions ou des formalités spéciales sont en outre exigées, par les articles 1375 et 1376 du Code civil. Pour qu'un écrit rédigé et signé par des parties soit valable en tant qu'acte sous seing privé, conformément à l'article 1376, les actes constatant des engagements unilatéraux doivent comporter la mention en chiffres et en lettres du montant de la somme pour laquelle une des parties s'engage sans que cela soit nécessairement écrit de sa main. La première chambre civil de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mars 2008, a retenu qu'il résulte de l'article 1326 dans sa rédaction issue de la loi du 13 mars 2000, que si la mention de la somme ou de la qualité en toutes lettres et en chiffres écrite par la partie qui s'engage elle-même, n'est plus nécessairement manuscrite. Elle doit résulter, selon la nature du support, de l'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention. Ces exigences se retrouvent pour l'écrit électronique dont il sera mention à la suite de l'étude de l'acte sous seing privé. Les contrats synallagmatiques quant à eux doivent être établis en autant d'originaux qu'il y a de parties à l'acte selon les termes de l'article 1325 du Code civil. Cette formalité est encore atténuée depuis la loi du 13 mars 2000 puisque pour tous les contrats sous forme électronique, l'exigence du double est réputée satisfait lorsque l'acte est établi et conservé avec la garantie exigée pour les actes électroniques et que le procédé permet donc à chaque partie d'avoir un exemplaire ou d'y avoir accès. Dans un acte sous seing privé, la mention de la date n'est pas, sauf exception ou contrairement à une idée répandue, une condition de validité de cet acte. Toutefois cette date peut être importante lorsqu'il y a lieu de se prévaloir de l'acte sous seing privé, notamment contre des tiers. Cet acte sous seing privé acquiert date certaine dans trois hypothèses : du jour où elle a été enregistrée, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui l'a souscrit, du jour ou sa substance est constatée dans les actes dressés par les officiers publics tels que les procès verbaux de scellés ou d'inventaires. S'agissant maintenant de la portée de l'acte sous seing privé, il résulte de l'article 1372 du Code civil, que «L'acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l'oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l'ont souscrit et à l'égard de leurs héritiers et ayants cause». En tant que mode de preuve, tout comme l'acte authentique, il vaut comme preuve parfaite, et lie le juge. Sa force probante est cependant moindre, dans une certaine mesure, que celle de l'acte authentique, dans la mesure où il peut plus facilement être attaqué. En effet, si la signature et l'écriture ne sont pas contestés, il fait foi de son contenu jusqu'à preuve du contraire. Cependant celui auquel on l'oppose peut contester l'avoir rédigé. Dans ce cas une procédure de vérification d'écriture s’impose. Le juge peut alors ordonner toutes mesures d'instructions nécessaires et se faire communiquer toutes les pièces subtiles à la manifestation de la vérité. Il peut aussi recourir à une expertise. Si il résulte de ces investigations que la pièce émane bien de celui portant à son écriture, celui-ci pourra être condamné à verser des dommages et intérêts à son adversaire et éventuellement être condamné à une amende. Si par contre la procédure révèle que l'acte n'émane pas de celui auquel on l'oppose, il perdra toute valeur probante. 12 En l’absence de toute contestation d'écriture, l'acte sous seing privé vaut jusqu'à preuve du contraire. La preuve contraire pouvant être rapportée par tous moyens. Cela vaut également pour la date qui y serait imposée. Le dernier type d'acte est à mi chemin entre l'acte authentique et l'acte sous seing privé. Il n'en reste pas moins un acte sous seing privé. Il s'agit de l'acte sous seing privé contresigné par un avocat. Ce type d'acte sous seing privé résulte d'une loi du 28 mars 2011, loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques et de certaines professions réglementées. Cette loi a donc consacré l'écrit sous seing privé donc l'acte contresigné par un avocat, que l'on appelle aussi acte d'avocat. Cet acte contresigné par un avocat fera pleine foi de l'écriture et de la signature des parties. Les parties ne pourront ainsi désormais contester, avoir signer un document qui serait contresigné par un avocat. Elles ne pourront plus faire cette contestation qu'avec la procédure au fond. C'est la raison pour laquelle cet acte contresigné se rapproche quelque peu de l'acte authentique. Section 2 : L’écrit électronique L'écrit électronique peut être à la fois être un acte authentique ou un acte sous seing privé selon les circonstances et selon la qualité du réacteur. Les moyens de preuve comme l'ensemble du droit n'échappent pas à l'évolution de la société et au progrès technique, technologique ou scientifique. C'est ainsi que même si l'écrit papier n'est pas totalement dépassé, il est aujourd'hui largement concurrencé par l'écrit électronique. Or cet écrit électronique aura la même force probante que l'écrit papier, et ce malgré les critiques dont il a pu faire l'objet, notamment par crainte de piratage. S'agissant de l'écrit électronique, il convient de préciser que l'écriture manuscrite a commencé par être remise en cause en matière de chèque ou des faits de commerce. La vie des affaires, la rapidité des transactions s’accommodaient en effet de plus en plus mal de la signature manuelle. C'est ainsi qu'est née la signature dite « mécanique à la griffe » en 1966. Puis l'écrit tel que conçu par les rédacteurs du Code civil a commencé a être bousculé, avant d'être bouleversé par l’avènement de nouveaux moyens de communication issus de la télématique et de l'informatique. C'est ainsi que s'est posé en justice le problème de la recevabilité, en tant que mode de preuve et de leur valeur probante, des photocopies puis des télécopies. La loi du 12 juillet 1981 portant réforme du droit des preuves a admis, dans des dispositions insérées à l'ancienarticle 1348 alinéa 2 du Code civil, la valeur probante d'une copie qui est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable de l'originale. Ultérieurement la jurisprudence a eu à se prononcer sur la validité de la preuve d'une transaction authentifiée par un code informatique et ce dans une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 8 novembre 1989. Dans cette affaire le problème posé à la Cour de cassation était de savoir si une société de crédit apportait bien la preuve de sa créance, en produisant des documents informatiques dont elle avait la libre et entière disposition. La cour de Cassation s'était alors prononcée pour l'affirmative, cassant le jugement rendu, au motif que pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites. La recevabilité de la preuve informatique était ainsi admise. Puis, une loi importante, la loi du 13 mars 2000, est intervenue. Il s'agit de la loi portant l'adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique. Cette loi a donc admis l'écriture électronique comme un mode de preuve littéral. Depuis lors, l'article 1365 du Code civil dispose que la preuve littérale ou la preuve par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères de chiffres ou tous autres signes ou symboles intelligibles quel que soit leur support ou leurs modalités de transmission. L'article 1366 du Code civil, précise que « l’écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ». 13 Si l'écrit électronique est reconnu en tant que preuve parfaite, il doit pour cela satisfaire à des conditions relatives à la signature électronique sécurisée. Cette dernière doit répondre à un certain nombre de conditions. Elle doit être propre au signataire. Elle doit être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif. Elle doit garantir, avec l'acte auquel elle s'attache, un lien tel que toute modification ultérieure de l'acte soit détectable. Un décret du 18 avril 2002 relatif à l’évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes de technologie, a renforcé la procédure de certification garantissant les produits ou systèmes de technologie de l'information et leur aptitude à assurer la disponibilité, l'intégrité ou la confidentialité de l'information traitée, face aux menaces dues à la malveillance de tiers. Ce décret a eu pour vocation d'assurer la crédibilité de l'écrit électronique en renforçant les garanties contre tous piratages, donc en renforçant la qualité de sa force probante. Une directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur a également admis la validité des contrats électroniques. Elle a ainsi prévu dans son article 9, que les États membres veillent à ce que leurs systèmes juridiques rendent possibles la conclusion des contrats par voie électronique. Les États membres doivent également veiller à ce que le régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse pas obstacle à l'utilisation des contrats électroniques ni ne conduisent à priver des faits et de validité juridique de tels contrats au seul motif qu'ils seraient passés par voies électroniques. C'est ainsi qu'en droit interne, la loi du 21 juin 2004 dite LCEN, loi pour la confiance dans l'économie numérique a complété utilement la loi du 13 mars 2000 en admettant qu'un écrit exigé non seulement à titre de preuve mais aussi à titre de validité d'un acte, puisse être fait par voie électronique et ce même si l'écrit exigé est un acte authentique. Cette loi a ultérieurement été complétée par deux décrets en date du 10 août 2005 en ce qui concerne les écrits dressés par les huissiers et les notaires, lesquels peuvent désormais être faits sous forme électronique. L'acte doit donc être signé par le notaire au moyen d'un procédé de signature électronique sécurisé conforme aux exigences du décret du 30 mars 2001. Il résulte de ces dispositions que cette signature est apposée par le notaire dès l'acte établit. Il est aussi prévu que pour que leurs signatures puissent être utilement faites, les parties et les témoins doivent utiliser un procédé permettant l'apposition sur l'acte notarié visible à l'écran de l'image de leurs signatures manuscrites, et que lorsque l'acte doit contenir une mention manuscrite émanant d'une personne qui y concours, le notaire doit énoncer que la mention a été apposé dans le respect des conditions prévues par le Code civil. Enfin, l'écrit électronique est parfait après que le notaire instrumentaire y ait apposé sa signature électronique sécurisée. La preuve par voie électronique ne cesse de donner lieu à des décisions de jurisprudence. C'est ainsi qu'on peut relever, notamment une décision de la chambre sociale du 27 septembre 2013 ou une autre de la deuxième chambre civile du 13 février 2014 dans lesquelles la Cour de cassation a été amené à se prononcer sur la validité de ces écrits électroniques. Il a notamment été précisé que, de la validité de l'écrit électronique, suppose que la personne dont il émane puisse être dûment identifiée et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. 14 Section 2 : Les preuves orales Les preuves orales ne sont pas les plus utilisées. En application d'un ancien adage « témoin passe lettre », pendant longtemps le témoignage a eu une valeur probante supérieure à l'écrit. Si il n'en est plus ainsi aujourd'hui, il constitue néanmoins toujours une preuve dite imparfaite qui est utilisée. Les preuves imparfaites sont recevables pour la preuve de tous les faits juridiques en droit civil, commercial et pénal, et même pour les actes juridiques d'une valeur supérieure à 1500 euros en droit commercial ou lorsque l'on se trouve dans l'une des exceptions prévues à l'article 1359. Certaines de ces preuves sont donc des preuves orales et nous verrons qu'il y a d'autres preuves qui sont des preuves écrites un peu plus utilisées. Parmi ces preuves orales il y en a certaines qui sont des preuves parfaites mais uniquement en droit civil. D'autres sont des preuves imparfaites. Parmi ces preuves orales il y a l'aveu. L'aveu est la déclaration par laquelle une partie reconnaît comme vrai un fait qui lui est défavorable. Or, cet aveu peut être judiciaire ou extra-judiciaire. Cependant, seul l'aveu judiciaire est une preuve parfaite qui lie le juge en droit civil mais pas en droit pénal. L'aveu extra-judiciaire donc l'aveu qui n'est pas fait devant le juge, est considéré comme preuve imparfaite. L'aveu judiciaire fait alors foi contre son auteur et ne peut plus être ultérieurement contesté lorsqu'il est fait devant le juge. Il est indivisible, ce qui signifie que les déclarations parties auteurs de l'aveu forment en principe un tout, et que si plusieurs faits sont allégués, l'adversaire ne peut pas se servir uniquement de la partie de l'aveu qui est en sa faveur. L'aveu est en outre irrévocable. Il en résulte que l'auteur de l'aveu ne peut pas revenir dessus, sauf si cet aveu a été la conséquence d'une erreur de fait et non au motif qu'une erreur de droit aurait été commise. Quant à l'aveu judiciaire extrajudiciaire, il s'agit de l'aveu qui est effectué hors de la présence d'un juge. Il peut s'agir des déclarations d'une partie devant la police ou encore des allégations contenues dans une lettre. En effet si cette lettre ne peut pas valoir en tant qu'acte sous seing privé, les mentions qu'elle comporte peuvent être retenues comme aveu extra- judiciaire donc comme preuve imparfaite. L'aveu extra-judiciaire ne lie jamais le juge. Il y a par ailleurs le serment. Le serment est la déclaration d'une partie par laquelle elle affirme solennellement devant le juge la réalité d'un fait qui lui est favorable. L'admissibilité du serment comme mode de preuve constitue ainsi une entorse à la règle selon laquelle nul ne peut se procurer une preuve à soi-même. Le serment peut être décisoire ou déféré d’office. Le serment décisoire est celui qui est prêté par une partie à la demande de l'autre partie. La partie qui demande de prêter serment est celle qui n'a pas de preuve au soutien de ses prétentions. Elle demande alors à son adversaire de reconnaître sous serment que ses contestations sont fondées. Si l'adversaire prête serment, celui qui a déféré le serment perd puisque cela signifie que celui qui prête serment reconnaît un fait qui lui est favorable et admet que son adversaire à tort. Cependant, celui qui prête serment s'expose à des poursuites pour faux serment si il a menti et si cela est ultérieurement établit. Le défendeur peut cependant ne pas prêter serment mais référer le serment au demandeur. Il appartient alors à celui qui n'a pas suffisamment de preuves pour étayer sa demande, d'infirmer sous serment que ses prétentions sont fondées. Certes, il gagne son procès mais il s'expose aux peines du faux serment si il a menti. Il peut aussi ne pas prêter serment mais référer le serment à celui auquel il l'avait initialement déféré. Dans ce cas le demandeur peut prêter serment et gagner le procès ou refuser si il ne veut pas s'exposer à des sanctions en cas de faux serment. S’il refuse il perd alors le procès. Le serment décisoire constitue alors une preuve parfaite et il lie le juge. Il en va différemment du serment déféré d’office qui est le serment déféré à une partie, par le juge. Le juge peut en effrt, demander à une partie de confirmer ou d'infirmer sous serment, un fait allégué qui n'est pas 15 suffisamment prouvé. Le juge ne peut déférer le serment à une partie, que si il existe déjà des preuves mais que celles-ci lui paraissent insuffisantes. En effet, il ne saurait déférer le serment pour suppléer la carence de preuve des parties. Le serment ne peut en outre être déféré lorsque la preuve parfaite par écrit est exigée, c'est à dire dans les cas prévus par l'article 1341 du Code civil. Le serment supplétoire n'est pas une preuve parfaite, il ne lie donc jamais le juge. Section 4 : Les preuves imparfaites Au titre des preuves imparfaites il y a les témoignages, indices, présomptions et autres écrits imparfaits. Les témoignages sont les déclarations écrites ou orales d'une partie qui relate ce qu'elle a vu ou entendu. La preuve par témoignage se distingue de la preuve par commune renommée. Celle-ci résulte en effet de la déposition de personnes qui n'ont pas assisté personnellement aux faits qu'elles relatent. De nombreux écrits non signés par les parties, visés par le Code civil, peuvent être produits en justice. Il s’agit des livres de commerce tenus par les commerçants, des registres et papiers domestiques conservés par les particuliers, des lettres missives, des titres ou quittances qui eux aussi valent comme preuves imparfaites. Un écrit particulier mérite quelques précisions. Il s'agit de la lettre envoyée en recommandée avec accusé de réception. En soi elle ne constitue jamais une preuve parfaite. Certes, une lettre est bien un acte sous seing privé dans le sens où elle est rédigée par une personne privée. Cependant, pour valoir en tant que preuve parfaite d'un acte unilatéral, par exemple d'un prêt, elle doit émaner de celui qui s'oblige à rembourser le débiteur du prêteur. En effet, le prêteur ne peut apporter la preuve de sa créance que si il produit un acte sous seing privé qui serait une reconnaissance de dette émanant du débiteur. Pour valoir en tant que preuve parfaite cet acte sous seing privé doit en outre comporter la mention en chiffres et en lettres du montant pour lequel le débiteur s'est obligé. À défaut, cette lettre ne vaudra que comme indice ou commencement de preuve par écrit. A cet égard, le fait que la lettre soit envoyée en recommandée avec accusé de réception, est sans incidence sur sa valeur en tant que mode de preuve. Par contre, son importance et sa valeur, en tant que mode de preuve imparfaite, tiennent à ce qu'elle fait foi de la date apposée. Elle constitue donc un élément de preuve incontestable lorsque l'on veut apporter la preuve de la date d'exécution d'un acte ou de la validité d'un acte qui devait être envoyé à un certain délai. Au titre de ces modes de preuves imparfaites, il y a aussi toutes les preuves résultant de mesures d'enquêtes ou d'instructions qui ont pu être diligentées par le juge, soit d'office soit à la demande de l'une des parties, et qui ont déjà été présentées. Il convient de rappeler que le juge n'est jamais lié par tous ces modes de preuves, pas même en ce qui concerne les rapports d'expertises mais qu'il est rare qu'il aille à leur rencontre. Il reste, au titre des preuves imparfaites, un mode de preuve particulier qui concerne les présomptions. Il s'agit des présomptions judiciaires. Il faut distinguer les présomptions judiciaires, des présomptions légales, c'est à dire des présomptions prévues par la loi. Les présomptions judiciaires sont des conséquences le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu. Le Code civil envisage donc deux types de présomptions. Ce sont les présomptions légales et les présomptions judiciaires, c'est à dire les présomptions déduites par le magistrat. 16 Ces deux types de présomptions se distinguent tant par leur définition que par leur portée. Les présomptions légales sont définies comme étant celles qui sont attachées par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits. Les présomptions légales ne peuvent jamais relever du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Elles lient le juge et à ce titre, constituent « un mode de preuve parfait ». En effet, la preuve d'un fait bien que non rapportée par une partie, découle dans ce cas de l'effet de la loi. Les présomptions légales sont cependant plus que des modes de preuves et donc plus que des modes de preuves parfaites, puisqu'en réalité elles dispensent leur bénéficiaire d'avoir à rapporter la preuve du fait qu'il allègue. Au sein des présomptions légales il faut faire une distinction entre les présomptions irréfragables et les présomptions simples. La preuve contraire des présomptions irréfragables ne peut jamais être rapportée alors que la preuve contraire peut être rapportée pour les présomptions simples. Constituent par exemple des présomptions irréfragables, la présomption de libération attachée par l'article 1342-9 du Code civil à la remise par un créancier d'un titre libératoire à son débiteur ou encore l’autorité de la chose jugée énoncée par l’article 135 du code civil qui entraîne présomption de vérité, concernant les dispositions jugement. De même la bonne foi est toujours présumée en droit privé, et la solidarité est toujours présumée en droit commercial alors qu'elle ne l'est jamais en droit civil. Les présomptions légales sont dites simples, lorsque la preuve contraire peut être rapportée. Certaines présomptions légales sont dites mixtes lorsque la preuve contraire ne peut être rapportée que dans des cas prévus limitativement par la loi. Une présomption légale célèbre est celle résultant de l'article 2276 du Code civil qui dispose « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Les présomptions légales ont également une importance considérable en droit de la famille. Ces présomptions concernent tant la date de naissance d'un enfant que l'établissement de la paternité. C'est ainsi que l'enfant selon la loi est présumé avoir été conçu dans la période qui s'étend du trois 300ème au 180ème jour inclus, soit du dixième au sixième mois avant la date de naissance de l'enfant. La preuve contraire peut cependant toujours être rapportée. D'ailleurs certains droits retiennent une durée de conception possible plus longue comme le droit allemand qui a fixé à 302 jours la durée maximale de la grosse. Cette preuve contraire résultera le plus souvent d'une expertise médicale. Par ailleurs à l'intérieur de cette période la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque suivant ce qui est demandé dans l'intérêt de l'enfant. Il y a donc là une autre présomption légale. La loi présume aussi que l'enfant conçu ou né pendant le mariage à pour père le mari de sa mère. Cette présomption non seulement elle n'est pas irréfragable, mais encore elle est automatiquement écartée dans certains cas. Par ailleurs, pour en terminer avec les exemples, en droit de la responsabilité l'article 1384 du Code civil énonce un certain nombre de responsabilités dites objectives ou présumées. Ces présomptions sont soit des présomptions irréfragables soit des présomptions simples dont la preuve contraire peut être rapportée. Il faut bien distinguer les présomptions légales, des présomptions judiciaires pour lesquelles on ne parle jamais de présomption simple ou de présomption irréfragable. Les présomptions judiciaires sont elles seules, des modes de preuves imparfaites. Elles sont déduites à partir de faits existants prouvés par les parties. Ces faits permettent de conclure à la réalité de faits non prouvés jusqu'alors. Pour être recevables en tant que preuves, les présomptions doivent être graves, précises et concordantes. Cela signifie que plusieurs éléments de faits suffisamment pertinents doivent être réunis pour qu'ils servent de base à la déduction des juges. Ces présomptions constituent donc des preuves imparfaites, elles ne lient pas le juge et sont laissées à son appréciation souveraine. Constituent par exemple des présomptions judiciaires, l'attitude des parties ou des écrits qui ne peuvent valoir en tant que preuves parfaites. Par 17 exemple, selon le jurisprudence, l’absence de toute protestation ou réserve de la part du titulaire d'un compte bancaire, après la réception d'un relevé de compte mentionnant un virement, permet de présumer que ce virement a été opéré avec son accord. De même, il a été jugé qu'un constat d’huissier vaut preuve, en tant que présomption de la réalité des faits. La recevabilité des preuves est cependant encadrée. Les preuves doivent toujours être rapportées en respectant un principe fondamental qui est le principe de la loyauté. C'est ainsi que des preuves qui auraient été obtenues au mépris de cette règle fondamentale, seraient systématiquement écartées par le juge. Les preuves, pour être recevables, doivent être obtenues de manière loyale. Sont considérées comme n'étant pas obtenues de manière loyale, les preuves obtenues par fraudes, dol ou violence. C'est ainsi que l'enregistrement d'une conversation téléphonique, à l'insu de l'interlocuteur, est toujours considérée comme illicite et n'est jamais considérée comme un moyen de preuve loyale. La Cour de cassation ne manque jamais de sanctionner ces procédés. S'agissant de l'enregistrement des conversations téléphoniques, elle se réfère à l'article 9 du Code de procédure civile qui dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions. Conformément à la loi comprend ici le principe de loyauté. À cet égard la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser qu'il résulte notamment des articles 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile, qu'une filature organisée par un employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen illicite, dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, atteinte insusceptible d'être justifiée eu égard à son caractère disproportionné par rapport aux intérêts légitime de l'employeur. Enfin, outre cette exigence tenant à la loyauté dans l'administration des preuves, la réglementation écarte quelques fois certains modes de preuves. C'est ainsi que les si mineurs ne sont pas réellement frappés d'une incapacité de témoigner, ils ne peuvent jamais être entendus sous serment. Par ailleurs, les enfants majeurs ou mineurs, ne peuvent jamais témoigner contre ou en faveur de l'un de leur parent, dans le cadre d'une procédure de divorce ou séparation de corps, alors que tous les autres membres de la famille peuvent valablement témoigner. À ces entorses à la liberté dans l'administration de la preuve, il convient de rajouter les entorses précédemment exposées, qui tiennent à la réglementation de certains modes de preuves comme les expertises ADN qui ne peuvent jamais être rapportées hors contentieux. 18 Partie VII LES TITULAIRES DES DROITS SUBJECTIFS Section 1 : Les personnes physiques Si les biens représentent l'objet des droits subjectifs, les personnes sont les titulaires des droits subjectifs. Il s'agit des personnes, sujets de droit, dotées de la personnalité juridique. Parmi ces personnes, il faut distinguer entre les personnes physiques et les personnes morales qui sont les deux catégories dotées de la personnalité juridique. En premier, les personnes physiques s'entendent des individus nés, vivants et viables. Les personnes physiques sont concrètement identifiables et localisables. Cette qualification concerne tous les individus mineurs ou majeurs, protégés ou non. La capacité ou non des personnes est en effet indifférente à la reconnaissance en tant que personne physique dotée de la personnalité juridique. Puis nous verrons que cette personnalité juridique concerne aussi les entités abstraites que sont les personnes morales, c'est à dire des groupements de personnes ou de biens qui seront donc titulaires de droits subjectifs dès lors qu'elles ont la personnalité morale comme les personnes physiques. Le fait de reconnaître la personnalité juridique à des personnes physiques et des personnes morales implique leur reconnaissance de droit et des obligations et la protection. La protection des personnes physique par exemple est assurée par la consécration de nombreux droits dits de la personnalité qui sont en constante évolution. Ainsi, la vie privée et l'image de tous les individus doivent être protégées que la personne soit une personne publique ou une personne privée. La protection de la personne s'accompagne aussi de la reconnaissance et de la protection d'un grand nombre de droits moraux comme le droit à la dignité, à l'honneur, ou le respect de la présomption d'innocence. La protection des personnes physiques s'est fait également à travers de nombreuses lois qui ont pris soin de réglementer des situations nouvelles prenant en compte l'évolution des mœurs et de la science. Ainsi les progrès en matière médicale ont rendu nécessaire des lois réglementant la protection du corps et le recours à la procréation médicalement assistée. Enfin, les personnes les plus vulnérables font l'objet d'une protection particulière et les discriminations sont également de plus en plus sanctionnées tant en droit pénal qu'en droit civil. Section 1 : L'existence des personnes physiques Nous allons voir quelles sont les personnes physiques titulaires de la personnalité juridique. La personnalité juridique apparaît avec la naissance de l'individu et disparaît avec la mort. La naissance constitue donc le point de départ de la personnalité juridique. C'est ainsi que toute naissance doit être déclarée auprès de la mairie du lieu où elle est intervenue dans les trois jours après l'accouchement. Le défaut de déclaration constitue une contravention de cinquième classe. Lorsqu'une naissance n'a pas été déclarée dans le délai légal, l'officier d'état civil ne peut alors plus la retranscrire sur les registres. Il faut un jugement rendu par le tribunal judiciaire, jugement dont la mention est faite en marge à la date de naissance. La naissance de l'enfant est en principe déclarée par le père ou à défaut par les médecins, sages femmes ou toutes autres personnes qui ont assisté à l'accouchement. L'acte de naissance va énoncer le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant ainsi que ses prénoms et son nom de famille. Il y aura aussi les noms, prénoms, âges, professions et domicile des parents et si il y a lieu, celui du déclarant. Dès la naissance, l'enfant est une personne. Il est donc doté de la personnalité juridique qu'il conserve dans toute sa vie. La naissance n'est cependant pas une condition suffisante pour que l'enfant acquiert la personnalité juridique. Il doit en effet être vivant et viable. Il doit être né vivant. Cela implique que l'enfant, décédé avant son accouchement, donc l'enfant mort né ou l'enfant qui décède pendant l'accouchement, ne peut pas avoir la personnalité juridique. L'enfant doit être né viable. Il en résulte que l'enfant né avec des malformations, telles que le pronostic vital était déjà engagé ne peut pas avoir la personnalité juridique. Par contre, si un enfant décède quelques instants après sa naissance, d'une manière accidentelle, il aura la personnalité 19 juridique, même si elle n'a duré que quelques minutes. L'article 79-1 du Code civil prévoit à cet égard que lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance n'ai été déclarée à l'officier de l'état civil, ce dernier établit un acte de naissance et un acte de décès, ce après production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. L'enfant bénéficie donc d'un état civil complet dès lors qu'il est né vivant et viable ne serait-ce que quelques secondes. À défaut de certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable, l'officier d'état civil doit établir sur le registre des actes de décès, un acte d'enfant sans vie. Si la personnalité juridique commence avec la naissance, dans certains cas elle peut commencer à produire des effets avant même la naissance et ce en application d'une maxime célèbre « infans conceptus pro nato habetur quoties de comodo ejus agitur ». Cette maxime signifie que l'enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu'il pourra en tirer avantage. Il en va ainsi lorsque par exemple le père de l'enfant décède avant la naissance de celui-ci. Lorsque l'enfant né, il hérite de son père tout comme si il était déjà né au moment du décès. La personnalité juridique ainsi reconnue à l'enfant conçu n'est cependant pas totale puisqu'elle se limite à l'acquisition de certains droits. En outre, dans une décision du 6 février 2008, la première chambre civile de la Cour de cassation a retenu que l'arrêt attaqué et non en ce qu'il s'évince de l'article 79-1 du Code civil, que pour qu'un acte d'un enfant sans vie puisse être dressé, il faut reconnaître à l'être dont on doit ainsi déplorer la perte, un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant, ce qui ne peut se décréter, mais doit se constater à l'aube de l'espoir de vie autonome représentée par le fœtus, avant son extinction. En l'état actuel de la science il y a lieu de retenir, comme l'a fait l'officier d'état civil, le seuil de viabilité définit par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui est de vingt-deux semaines d'aménorrhée ou d'un poids du fœtus de cinq cent grammes, et qu'en l'espèce ces seuils n'étaient pas atteints, constata ainsi alors que l'article 79-1 alinéa 2 du Code civil ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie, ni au poids du fœtus ni à la durée de la grosse. La cour d'appel qui a ajouté au texte des conditions qu'il ne prévoit pas, l'a violé. Il en résulte, de cette décision, que lorsqu'un enfant enfant est décédé avant que sa naissance n'ai été déclaré à l'état civil, et à défaut de production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable, l'officier d'état civil doit établir un acte d'enfant sans vie, qui énonce le jour, heure et lieu de l'accouchement. Cet acte est alors inscrit à sa date sur les registres de décès. Ce faisant, la Cour de cassation a admis pour la première fois la déclaration à l'état civil d'un enfant, même avant sa naissance, ce quelque soit le stade de la grossesse, conférant ainsi une reconnaissance juridique au fœtus. Depuis cette décision deux décrets sont intervenus pour mettre fin à la pratique consistant à retenir la viabilité d'un fœtus né après un terme de vingt-deux semaines d'aménorrhée ou ayant un poids de cinq cent grammes. Ainsi un premier décret du 22 août 2008 précise que l'acte d'enfant sans vie est dressé par l'officier d'état civil sur production d'un certificat médical mentionnant les heures, jour et lieu de l'accouchement. Il n'est donc plus fait référence à un quelconque critère de viabilité. Un second décret du même jour prévoit la délivrance du livret de famille même à la naissance d'un enfant sans vie, et l’inscription de ce dernier sur le livret avec la date et le lieu de l'accouchement. Cette innovation a principalement pour but de permettre aux parents de donner un prénom à l'enfant et d'organiser ses obsèques. Pour autant le fœtus ne se voit pas reconnaître la personnalité juridique. Les droits de l'embryon sont en effet limités. C'est ainsi qu'ils sont limités aussi en premier lieu au regard du droit pénal puisque l'homicide involontaire n'est pas retenu en cas d'atteinte à la vie de l'enfant à naître. Cette question a été soulevée à de nombreuses reprises et après des tentatives de certaines juridictions du fond pour condamner pénalement le responsable d'un accident, qu'il s'agisse d'un médecin ayant commis une faute lors d'une intervention ou d'un automobiliste qui avait occasionné un 20 accident à une femme enceinte, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière, par arrêt en date du 29 juin 2001, à définitivement mis un terme à cette jurisprudence en relevant que le principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendu au cas de l'enfant à naître, dont le régime juridique particulier relève de textes concernant l'embryon ou le fœtus. Les droits de l'embryon sont en second lieu limités par les dispositions de la loi du 14 mars 2002 relative relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, au terme de laquelle nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. Cette loi a ainsi opposé un démenti flagrant à la jurisprudence Perruche. L'assemblée plénière de la Cour de cassation le 17 novembre 2000 avait en effet admis le droit à réparation d'un enfant né gravement handicapé alors que le médecin chargé de suivre sa grossesse avait par erreur infirmé à la mère que les tests de dépistage pour la rubéole n'indiquaient aucune contamination par la maladie. La mère et son mari avaient donc agi en justice contre le médecin en leur qualité de représentants légaux de leur enfant pour demander réparation du préjudice subi, en invoquant le fait qu'en l’absence d'erreur du médecin, donc si ils avaient été informés de la contamination de la mère par la rubéole, elle aurait pu choisir d'avorter. La Cour de cassation avait fait droit à cette demande. Cet arrêt, qui avait été interprété comme consacrant un droit de ne pas naître, dès lors qu'était admis le droit à indemnisation d'un enfant du fait de sa naissance, devait susciter de vives réactions qui ont justifié les dispositions de la loi du 4 mars 2002. L'enfant ne peut dorénavant se prévaloir d'un préjudice subi alors qu'il n'était pas né et ne peut donc avoir la personnalité juridique. La personnalité juridique commence donc avec la naissance et se termine avec la mort. La mort est constatée dans un acte de décès dressé par un officier d'état civil du lieu de commune du décès, et ce sur déclaration d'un parent du défunt ou sur celle d'une personne possédant les renseignements nécessaires pour effectuer cette déclaration. L'acte de décès enregistrant la mort d'une personne est dressé par l'officier d'état civil après présentation du certificat de décès. La date du décès et son heure son précisées par le certificat médical délivré pour autoriser la fermeture du cercueil. Un médecin constatant le décès établit à la fois un procès verbal de décès qui atteste de la mort, et un certificat de décès remis à l'officier d'état civil et retranscrit sur les registres. Toutefois en cas de prélèvement d'organe sur une personne en réanimation, le procès verbal médical constatant la mort doit être établi par deux médecins extérieurs à l'équipe médicale procédant à la greffe. L'acte de décès ne constitue qu'une présomption simple de décès. Il en résulte qu'il peut être combattu par tous éléments de preuves contraires. L'acte de décès va donc permettre le permis d’inhumer et autoriser la fermeture du cercueil. Il va ainsi marquer le point de départ de tous les effets du décès. Toutefois, si la personnalité juridique cesse avec le décès, toutes atteintes à l’intégrité du cadavre constituent une infraction pénale et une faute civile. Le cadavre est donc juridiquement protégé afin qu'il ne soit pas porté atteinte à la dignité du défunt, ni à sa vie privée. C'est ainsi qu'est notamment protégé le droit à l'image d'une personne décédée si il y a atteinte à sa vie privée et à celle de sa famille. Le prélèvement d'organe est aussi tout particulièrement réglementé, et toute personne peut de son vivant s'opposer à un don d'organe après son décès. Si le procès verbal de décès établit en même temps que le certificat de décès constate médicalement la mort et son moment, il peut toujours y avoir des discussions quant à la précision du moment de la mort. Un décret du 2 décembre 1996 a pour la première fois énoncé les termes légaux de la mort, et l'article R1232-1 du Code de la santé publique dispose actuellement que la mort est établie que si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant. Le constat de mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques 21 suivants sont simultanément présents : l’absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée, l'abolition de tous les réflexes du tronc cérébral et l’absence totale de ventilation spontanée. Le Code de la santé public précise que si la personne dont le décès est constaté cliniquement est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique, l’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d'hypercardie, et que le caractère irréversible de la destruction encéphalique doit être attestée par l'assurance de l'existence des trois critères visés pour établir la mort, et en plus par le recours soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, soit à une angiographie objectivant l'arrêt de la circulation encéphalique. Il résulte de ces dispositions que tout doit être mis en œuvre afin de pouvoir attester avec certitude le moment de la mort cérébrale. Le moment précis de la mort peut s'avérer important, par exemple pour des motifs d'ordre successoral. Ainsi, si deux personnes de la même famille sont décédées le même jour à des moments très proches, il peut être important pour déterminer l'ordre des héritiers de savoir laquelle est décédée en premier. Section 2 : Les incertitudes sur l'existence des personnes Si le point de départ et la fin de la personnalité juridique sont clairement précisées, il existe des cas dans lesquels il y a des doutes sur l'existence des personnes physiques. Ces incertitudes sont liées à deux situations qui sont l'absence et la disparition. Notre législation actuelle distingue donc l'absent et le disparu. Dans les deux cas la personne est introuvable. Elle n'est pas physiquement localisable mais on ne sait pas si elle est en vie ou décédée. L'incertitude prolongée sur la vie ou la mort d'une personne trouble et même dérange son entourage et tous ceux avec lesquels elle est en relation, qu'il s'agisse de personnes privées ou d'administration. Les difficultés sont nombreuses, notamment pour les proches de la personne disparue ou absente. Par exemple l'absent n'est plus en mesure de gérer ses biens ou ses comptes si il n'a pas donné de procuration à ses proches. Par ailleurs la personne disparue ou absente peut être mariée et le conjoint reste marié, il ne pas refaire sa vie tant qu'il n'y a pas eu dissolution du mariage par divorce ou décès. Or en droit tant que le décès n'est pas médicalement constaté l'acte de décès ne peut pas être dressé. Pour cela il faut que le corps soit trouvé et examiné. Cependant les situations de disparition ou d'absence sont fréquentes. Par exemple les marins peuvent disparaître en mer. Les parents peuvent signaler la disparition d'un enfant. Il faut distinguer ces situations des résultats de fugues, d'assassinats, d'enlèvements, d'exils volontaires de personnes désirant refaire leur vie. Notre droit a donc réglementé ces différentes situations. Pendant longtemps n'a été réagi que l’absence. Il s'agissait d'une procédure longue laissant dans l'incertitude les proches de la personne non présente. Mais en 1997 la notion de disparition est apparue pour appréhender de manière plus rapide les situations laissant peu de doute sur le décès d'une personne disparue, par exemple lors d'un accident d'avion ou lors d'un naufrage. Ces deux situations, la disparition et l'absence, font l'objet d'une réglementation particulière. L'absent est celui dont on ignore les circonstances de la disparition. L'absence se manifeste par la non présence physique, par l'absence de nouvelle et la non possibilité de localiser une personne. Rien ne laisse supposer à priori la mort de cette personne. L'absence doit être distinguée de situations de non présence volontaire comme le refus de donner des nouvelles, le refus de se présenter à un convocation. Par exemple la personne qui décide de refaire sa vie loin des siens n'est pas une personne absente au sens juridique du terme même si sa non présence peut susciter des problèmes. De même la personne retenue contre son gré et ne pouvant manifester sa volonté n'est pas non plus déclarée absente. L'absent est don celui qui sans raison cesse d'apparaître à son domicile ou à son lieu de résidence habituelle, et dont les proches ignorent ce qu'il est devenu. 22 Lorsqu'une personne cesse d'apparaître à son domicile et qu'elle n'est plus localisable, ses proches ou le ministère public peuvent saisir le juge des tutelles qui rendra une décision constatant simplement l'absence. L'absent sera présumé toujours être en vie. Il en sera ainsi jusqu'au jugement de déclaration d'absence. L'absent ne sera présumé mort que dix ans après le jugement constatant l'absence ou vingt ans après le jour où il a cessé de paraître si il n'y a pas eu de jugement constatant l'absence. À l'expiration de l'un ou l'autre de ces délais, les proches de l'absent ou le ministère public devront saisir le TGI qui rendra un jugement déclaratif d’absence, et l'absent sera présumé mort, comme le disparu. La disparition au sens juridique du terme se caractérise par le fait qu'une personne a disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en péril, qu'il s'agisse d'un naufrage, d'un séisme ou d'un accident. Par contre, pour le disparu, le décès ne peut pas être médicalement constaté puisque le corps n'est pas retrouvé. Le disparu, à la différence de l'absent, est quant à lui présumé mort, dès que les circonstances de sa disparition ont été constatées. Il sera présumé mort même si le décès ne peut pas être médicalement constaté, si le corps n'est pas retrouvé. Les proches de la personne disparue ou le ministère public peuvent alors saisir immédiatement le tribunal judiciaire qui prononce d'ores et déjà un jugement déclaratif de décès. Pendant toute la période de la non présence, donc avant le jugement déclaratif de décès ou pendant toute la période de l'absence pour le décès tant que le décès n'est pas constaté, la personnalité juridique de l'absence se poursuit. Cependant l'absent ne peut plus effectuer aucun acte juridique, il ne gère plus ses biens, si il est propriétaire de biens immobiliers par exemple, il ne satisfait plus à ses obligations familiales si il est marié ou si il a des enfants. Il n'est pas non plus en mesure de faire valoir ses droits si une personne l'assigne en justice. Il faut donc protéger les intérêts de l'absent. Le juge des tutelles qui constate l'absence va alors organiser un régime de représentation et désigner une ou plusieurs personnes chargées d'administrer le patrimoine de l'absent. Cette procédure ne sera cependant pas utile en cas de procédure de disparition puisque le jugement déclaratif de décès sera immédiatement rendu. En effet dès le jugement déclaratif de décès pour le disparu, et dès le jugement déclaratif d'absence pour l'absent, le décès étant présumé, la personnalité juridique du disparu ou de l'absent s'éteint et tous les effets normaux du décès s'appliquent. À partir de cette période tout autre mesure de protection est inutile. La succession est ouverte et les biens de la personne concernée, absente ou disparue, seront dévolus à ses héritiers. Si l'absent ou le disparu était marié, le conjoint sera réputé veuf et pourra contracter une nouvelle union. Dans le cas d'une disparition, seule la transcription du jugement déclaratif de décès, en marge de l'acte de naissance de la personne concernée est obligatoire. Pour l'absent, les mesures de publicité sont plus importantes. Lorsque dix ans se sont écoulés, après le jugement constatant l'absence ou vingt ans après l'absence, si il n'y a pas eu de jugement, le tribunal judiciaire peut être saisi pour rendre un jugement constatant l'absence. Cette requête doit faire l'objet d'une publicité dans deux journaux différents du département ou du pays du domicile de l'absent. Le jugement déclaratif d'absence ne pourra alors être rendu moins d'un an après que cette publicité ait été effectuée. Le jugement lui-même devra être retranscrit, en marge des actes d'état civil de l'absent. Ces mesures de publicité sont alors destinées à informer toutes les personnes qui pourraient avoir intérêt à avoir connaissance de la disparition ou de l’absence. Cependant, il se peut que le disparu ou l'absent revienne un jour. Il faudra alors opérer une nouvelle modification sur ses actes d'état civil. L'absent ou le disparu qui reviendra, retrouvera la personnalité juridique, qu'il n'aurait jamais du perdre. Cependant, son retour ne peut pas anéantir rétroactivement les conséquences de la disparition ou de l'absence. Par exemple, si le conjoint s'est remarié, le disparu ou l'absent qui réapparaît ne pourra pas se prévaloir de son mariage initial, lequel demeure dissous par l’effet du jugement déclaratif de décès, rendu par le tribunal judiciaire. S'agissant par ailleurs de ses biens, il ne pourra 23 récupérer que ceux existants au jour de son retour et ne pourra prétendre recouvrer l'intégralité de son patrimoine, dans l'état où il se trouvait au jour de son absence ou de sa disparition. Section 3 : La diversité des personnes morales Il existe une grande diversité de personnes morales. C'est cette diversité qui va être examinée avant que la procédure de leur reconnaissance ne soit envisagée et détaillée. Les personnes morales peuvent être des personnes morales de droit public ou de droit privé. Outre l'État les différentes personnes morales de droit public sont les collectivités publiques et les établissements publics. Parmi les personnes morales de droit privé, on distingue les groupements de biens ou de personnes. Les groupements de biens les plus caractéristiques sont les fondations. Réglementées par la loi du 23 juin 1987, elles résultent de l'affectation de biens par testaments ou par donations à la réalisation d'une œuvre d'intérêt général et non lucrative. Ces personnes morales peuvent aussi être des groupements de personnes. Ces groupements de personne peuvent être à but lucratif ou non lucratif. Les groupements de personnes sans but lucratif comprennent les associations, les congrégations religieuses et les syndicats. Les associations régies par la loi du premier juillet 1901, sont des groupements dont les membres mettent en commun de façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que le partage des bénéfices. Les congrégations sont des groupements religieux de personnes qui tout comme les associations ont été créées par la loi de 1901. Leur reconnaissance est soumise à un décret pris après avis du Conseil d'État. Les syndicats professionnels quant à eux sont réglementés par la loi Waldeck- Rousseau du 21 mars 1984. Ce sont des groupements de personnes exerçant la même profession, de métiers similaires ou connexes, et ayant exclusivement pour objet la défense des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels de la profession qu'ils représentent. Les groupements à but lucratifs comprennent des groupements d'intérêts économiques et les sociétés. Les groupements d'intérêts économiques ou GIE ont été crées par une ordonnance du 23 septembre 1967. Leur objet peut être civil ou commercial. Ils ont pour but la mise en commun de moyens propres à l'activité de leurs membres. Ils ont la particularité d'être des groupements à but lucratif comme les sociétés mais désintéressés, comme les associations. Les GIE jouissent de la personnalité morale à partir de leur immatriculation au registre du commerce. Il y a enfin les sociétés qui peuvent être civiles ou commerciales selon leur objet. Les sociétés commerciales sont des sociétés de nature très diversifiées. Certaines sociétés commerciales sont des sociétés de capitaux. Il s'agit par exemple des sociétés par action simplifiée qui comprennent au minimum deux associés. La responsabilité des associés est alors limitée au montant de leur apport. Il y a aussi les

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