Droit International Privé M1 DAF 2024 PDF

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Aix-Marseille Université

2024

Denis Mouralis

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droit international privé droit des affaires conflits de lois droit international

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These notes cover the general introduction to private international law for a master's program in business law. The course discusses topics like jurisdiction, applicable law, and the relationship between private international law and other branches of international law. It's designed for students at Aix Marseille Université and is part of the first semester.

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DROIT INTERNATIONAL PRIVE AIX MARSEILLE UNIVERSITE FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE MASTER 1 DROIT EN ENSEIGNEMENT A DISTANCE PARCOURS DROIT DES AFFAIRES APPLIQUE 2024-2025 – PREMIER SEMESTRE...

DROIT INTERNATIONAL PRIVE AIX MARSEILLE UNIVERSITE FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE MASTER 1 DROIT EN ENSEIGNEMENT A DISTANCE PARCOURS DROIT DES AFFAIRES APPLIQUE 2024-2025 – PREMIER SEMESTRE Denis Mouralis Agrégé des facultés de droit Professeur à Aix Marseille Université Directeur du master droit des affaires Membre du Centre de droit économique [email protected] Le présent document contient le texte du cours, des références bibliographiques et la référence de documents à lire impérativement. Comme il a été préparé rapidement, il est susceptible de contenir un certain nombre de fautes typographiques : l’enseignant sollicite l’indulgence des étudiants ! Ce document est réservé aux étudiants d’Aix Marseille Université inscrit au cours de théorie générale des conflits de lois. Toute diffusion, reproduction ou publication en est strictement interdite. LEÇON 1 - INTRODUCTION GENERALE 11 septembre 2024 1 OBJET DU COURS Le droit international privé est l’ensemble des principes et méthodes permettant de répondre aux questions de droit privé présentant une dimension internationale ou, pour utiliser un terme consacré en la matière, un élément d’extranéité. Pour le dire autrement, le droit international privé concerne les rapports privés internationaux. Le droit international privé permet de déterminer le régime de ces rapports, qui, en raison de leur caractère international, ne doivent pas être systématiquement soumis au droit du juge ou du juriste qui est amené à les traiter. On peut illustrer cette définition par quelques exemples : Un Français a épousé une Chilienne devant un officier d’état civil à Paris, puis le couple s’est installé en Argentine et y a eu deux enfants. Quelles sont les règles gouvernant la validité du mariage ? Ses effets patrimoniaux ? Les obligations des époux ? La filiation des enfants ? En cas de divorce, quelles sont les règles applicables ? Faut-il se référer au droit français, lieu du mariage, au droit chilien, droit du pays de nationalité de l’un des époux ou au droit argentin, droit du pays de résidence des époux ? Quel juge ou quels juges sont compétents pour connaître des demandes relatives à toutes ces questions, par exemple une demande en annulation du mariage ou une demande en divorce ? Quelles sont les règles de procédure à suivre ? Un Burkinabé domicilié en France est décédé, laissant une épouse et trois enfants, dont l’un a été naturalisé canadien. Il possédait des actions et obligations cotées aux bourses de Paris, Londres et New York et déposées sur un compte titre ouvert auprès de l’agence parisienne d’une banque dont le siège social est en Irlande, un appartement à Paris et une maison à Ouagadougou, ainsi que des terres agricoles à Bobo Dioulasso. Pour déterminer qui sont ses héritiers, doit-on appliquer le droit français, le droit burkinabé, le droit anglais, le droit canadien, le droit de l’un des États-Unis d’Amérique ? Faut-il distinguer suivant les héritiers, voire suivant les biens et leur lieu de situation ? Si le défunt a rédigé un testament, quelle loi détermine sa validité formelle et substantielle ? Quel juge ou quels juges sont compétents pour connaître des demandes relatives à toutes ces questions, par exemple une demande en partage introduite par un héritier ? Une société française produisant des céréales a vendu quatre tonnes de blé à une société algérienne de meunerie. La marchandise est parvenue avariée. Pour déterminer si le vendeur doit payer une indemnité à l’acquéreur et si ce dernier peut refuser de payer le solde du prix, doit-on appliquer le droit français, le droit algérien, un autre droit national ? Ou encore d’autres règles spécifiques aux contrats internationaux, qui n’émaneraient pas du droit d’un État en particulier ? Quel juge ou quels juges sont compétents pour connaître des demandes relatives à toutes ces questions, par exemple une demande en résolution du contrat ? Une famille française s’est rendue en vacances en Italie avec son automobile, immatriculée en France. Malheureusement, sur l’autoroute à proximité de D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 2 | 163 EDITION 2024-09-08 Turin, elle percute une camionnette immatriculée en Suisse. L’accident fait plusieurs blessés, ainsi que des dégâts matériels importants. Afin de déterminer qui est responsable des dommages et le montant des indemnités à verser, faut- il appliquer les règles du droit italien, du droit français, du droit suisse ou d’un autre droit ? Quel juge ou quels juges sont compétents pour connaître de l’action en responsabilité civile ? Une société française crée une succursale au Kenya. Quelles sont les règles déterminant si elle a la personnalité morale et qui a le pouvoir de la représenter ? Faut-il appliquer le droit français ou le droit kenyan ? Quel juge ou quels juges sont compétents pour connaître des demandes relatives à toutes ces questions ? Un citoyen français désire s’installer au Royaume-Uni. Quelles sont les règles auxquelles se référer pour savoir s’il a le droit de le faire, de travailler dans son pays d’accueil et à quelles conditions ? Ces exemples révèlent les trois grandes séries de questions dont traite le droit international privé : Les conflits de juridictions : une situation présentant un élément d’extranéité peut relever de la compétence de plusieurs juges nationaux, dont la localisation présente un lien avec la situation considérée. Il faut résoudre le conflit, c’est-à- dire sélectionner un juge compétent. Les conflits de lois : une situation présentant un élément d’extranéité peut être gouvernée par les lois nationales des différents États avec lesquels elle présente des liens et il faut résoudre le conflit, c’est-à-dire sélectionner une loi ou, parfois, un ensemble de règles spécifiquement créées pour régir ce type de situation internationale. Le droit de la nationalité et la condition des étrangers : ensemble des règles, propres à chaque pays, qui déterminent les conditions d’octroi et de perte de la nationalité et le régime auquel les étrangers sont soumis. On ne peut évoquer les conflits de lois sans aborder les conflits de juridictions car, pour pouvoir concrètement aborder une situation internationale, il faut déterminer non seulement la loi nationale applicable mais aussi le juge compétent, d’autant plus que la méthode permettant de désigner la loi applicable peut varier d’un pays à l’autre, dépendant alors du juge saisi. La résolution du conflit de juridictions détermine la méthode de résolution du conflit de lois. Par conséquent, nous évoquerons les conflits de lois et de juridictions. En revanche, après la présente introduction générale, nous exclurons le droit de la nationalité et la condition des étrangers. D’une part, cette matière est nettement distincte des deux autres, à tel point que les juristes de common law considèrent généralement qu’elle ne fait pas partie de ce qu’ils appellent private international law. D’autre part, l’étudier rendrait le volume du cours trop important. 2 DROIT INTERNATIONAL PRIVE ET AUTRES BRANCHES DU DROIT Afin d’éviter toute confusion, il convient de souligner les différences entre le droit international privé et d’autres branches du droit ayant une portée internationale : le droit international public (2.1), le droit pénal international (2.2) et le droit du commerce international (2.3). D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 3 | 163 EDITION 2024-09-08 2.1 DROIT INTERNATIONAL PRIVE ET DROIT INTERNATIONAL PUBLIC Il ne faut pas confondre le droit international privé avec le droit international public, que vous avez étudié en licence. Le droit international public gouverne les relations entre les États souverains et les organisations internationales, tandis que le droit international privé gouverne les relations internationales entre personnes privées. De plus, le droit international public est constitué de règles substantielles, destinées à régir le comportement de ses sujets, alors que, comme vous commencez à le comprendre, le droit international privé comporte essentiellement des règles de conflits, qui servent, non à régir les situations internationales, mais à sélectionner les règles substantielles devant régir ces situations, même si nous y rencontrerons aussi, parfois, des règles substantielles. Cela étant, il y a des liens entre droit international privé et droit international public. D’une part, les principes du premier ont parfois pour source les principes du second. Il en va ainsi de l’immunité souveraine des États1, qui dérive d’une règle coutumière des relations internationales ; on songe également à la condition des étrangers dans un pays donné, qui doit respecter certaines règles de droit international public obligeant les États2. D’autre part, les relations internationales entre les États et les personnes privées ressortissant d’autres États, si elles relèvent en principe du droit international privé, sont parfois aussi empreintes des principes du droit international public. Ainsi, pour bien comprendre le droit international privé, il faut également bien connaître le droit international public et vous devez vous efforcez d’avoir l’état d’esprit d’un internationaliste, au sens large. 2.2 DROIT INTERNATIONAL PRIVE, DROIT PENAL INTERNATIONAL ET DROIT INTERNATIONAL PENAL Le droit international pénal est un ensemble de règles internationales, assez récentes, destinées à assurer la sanction pénale de certains actes particulièrement graves, afin d’éviter que la faiblesse, la désorganisation ou la complaisance des États directement intéressés permettent aux responsables d’échapper à toute poursuite. L’essor du droit international pénal a commencé juste après la seconde guerre mondiale, avec la signature de l’accord créant le tribunal de Nuremberg3. Le droit pénal international est l’ensemble des règles qui permettent de déterminer les conditions d’application dans l’espace du droit pénal d’un État, ainsi que la compétence internationale de ses juridictions. On peut y ajouter les différents mécanismes de coopération judiciaire internationale en matière pénale, dans le cadre de l’Union européenne ou au-delà. Ces deux matières ne font pas partie de ce qu’on appelle communément le droit international privé car celui-ci ne concerne pas la dimension pénale des rapports internationaux entre individus. D’ailleurs, le droit international pénal se rattache sans doute au droit international public. 2.3 DROIT INTERNATIONAL PRIVE ET DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL Le droit du commerce international est l’ensemble des règles relatives aux relations commerciales internationales. Ses liens avec le droit international privé sont étroits, à 1 V. infra leçon 12. 2 J. Combacau et S. Sur, Droit international public, 10e éd., Paris, Lextenso, 2012, p. 367 à 386. 3 Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe et Statut du tribunal international militaire. Londres, 8 août 1945, disponible en ligne ici. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 4 | 163 EDITION 2024-09-08 tel point qu’on peut même considérer qu’il s’y rattache. Toutefois, le droit du commerce international est tellement riche qu’il est généralement perçu, étudié et enseigné comme une matière à part. Ainsi, au second semestre, vous suivrez un cours consacré à cette discipline. Au-delà du droit du commerce international, beaucoup de disciplines juridiques intéressant la pratique des affaires ont une dimension internationale : droit fiscal international, droit financier international, droit douanier, etc. Ces matières ne sont pas enseignées en master 1 mais font l’objet de cours dans certains parcours de master 2, dans notre faculté ou ailleurs. 3 UTILITE DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE L’étude du droit international privé est indispensable, en raison de son utilité pratique (3.1) et théorique (3.2). 3.1 UTILITE PRATIQUE D’un point de vue pratique, connaître le droit international privé vous sera indispensable, dans votre exercice professionnel, pour pouvoir traiter toutes les situations juridiques internationales que vous rencontrerez et qui sont aujourd’hui très fréquentes, du fait de la multiplication des échanges humains et économiques entre pays. Par exemple, si vous devez rédiger un contrat de cession de contrôle d’une société française par une société japonaise, il vous faut tenir compte du droit applicable et, donc, savoir comment le déterminer. Il en va de même si vous êtes saisi par une société belge d’une action en responsabilité civile en raison du dommage causé par la publication d’un article sur un site Internet français. De plus, les connaissances et méthodes acquises dans ce cours vous seront indispensables pour comprendre d’autres matières, notamment le droit du commerce international et le droit de l’arbitrage. En outre, si vous devez exercer dans un autre pays, certaines règles de droit international privé y seront différentes mais les méthodes, les modes de raisonnement et certains concepts fondamentaux seront similaires, ce qui vous permettra de vous adapter rapidement. D’ailleurs, pour faire un usage véritablement efficace du droit international privé, il faut avoir conscience d’une réalité déjà évoquée. Les règles de conflits de juridictions et de lois, et le régime de la nationalité et de la condition des étrangers varient d’un pays à l’autre. Dès lors, face à une question concrète, pour sélectionner les règles applicables, vous devez toujours vous demander à quel système de droit international privé vous référer. En matière de nationalité et de condition des étrangers – domaine que nous n’étudierons pas plus avant – la réponse est évidente : le droit applicable est toujours celui du pays dont la nationalité est invoquée ou sur le territoire duquel l’étranger se trouve ou veut pénétrer, outre les principes de droit international public que les États doivent respecter dans ce domaine. La réponse est moins évidente en matière de conflits de juridictions et de lois. Concernant les conflits de juridictions, une règle d’or à retenir est que le droit de chaque pays délimite la compétence de ses juges. Ainsi, la question est de savoir si les conditions sont remplies pour saisir tel ou tel juge national, selon le droit du for – le droit du juge qu’on entend saisir. Il peut arriver que plusieurs juges soient compétents selon leurs droits nationaux respectifs, auquel cas vous pourrez choisir. Ce choix, reposant sur une réflexion stratégique, est appelé forum shopping. Concernant les conflits de lois, les autorités administratives et les juges de chaque pays appliquent leurs règles nationales de conflit. Par conséquent, si vous devez accomplir une démarche administrative, telle qu’une reconnaissance de paternité, ou si un juge D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 5 | 163 EDITION 2024-09-08 est saisi, il suffit de vous référer aux règles de conflit du for, c’est-à-dire au droit international privé de l’autorité ou du juge saisi. Si, au contraire, aucun juge n’est saisi, parce qu’il n’y a pas de contentieux ou parce qu’il n’a pas encore fait l’objet d’un acte introductif d’instance, pour analyser la situation, il faut se demander quelles règles de conflit nationales sont pertinentes. On peut, par exemple, se demander quels juges nationaux seraient compétents le cas échéant et vérifier si leurs règles de conflit désignent le même système juridique pour répondre à la question substantielle posée. Si tel n’est pas le cas, il faut opérer un choix, en fonction de la probabilité que tel ou tel juge soit saisi, des intérêts en présence et, éventuellement, des risques que les parties sont disposées à assumer. Tout cela deviendra plus clair au fur et à mesure du cours. 3.2 UTILITE THEORIQUE D’un point de vue théorique, le droit international privé s’inscrit nécessairement dans la culture juridique générale que vous devez acquérir pour être un juriste complet et opérationnel. De plus, la résolution d’un conflit de lois ou de juridictions suppose de qualifier correctement chaque question de droit qui vous est posée, ce qui est l’occasion d’affiner votre compréhension de toutes les catégories juridiques et des logiques de toutes les branches du droit. D’un point de vue plus philosophique, il faut observer que le droit international privé repose sur l’idée que chaque système juridique national doit laisser une certaine place aux autres systèmes juridiques, parce qu’aucun système juridique n’a vocation à régir toutes les relations privées internationales. Cela est tellement vrai que la mise en œuvre des règles de conflit conduit les juges à appliquer les droits de pays étrangers, avec toutes les difficultés que cela soulève. Ainsi, le droit international privé est relativiste, à des degrés variables suivant les époques, les pays et les doctrines. De ce fait, l’étude du droit international privé est, d’une certaine manière, l’apprentissage de l’humanisme, de la sagesse, du réalisme et du compromis. Or, ces qualités sont fort nécessaires pour le juriste d’hier et d’aujourd’hui, dans un monde perpétuellement agité de débats et de passions contradictoires, du fait, à l’échelle mondiale, de la variété des valeurs philosophiques et politiques et d’une tendance très répandue de chaque communauté humaine à considérer ses propres valeurs comme universelles ! 4 ORIGINE ET EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE Sans retracer précisément l’histoire du droit international privé, ce qui dépasserait évidemment l’objet du cours, pour comprendre le droit positif, il est utile, dans cette matière comme dans les autres, d’avoir en tête les grandes étapes de l’évolution du droit et de la pensée des juristes4. On peut discerner sept étapes dans l’évolution du droit international privé : l’antiquité (3.1) ; la première partie du moyen âge, marquée par la personnalité puis la territorialité des droits (3.2), avant le développement d’une doctrine italienne ayant renouvelé la matière (3.3) ; la doctrine française de la renaissance (3.4) ; la doctrine néerlandaise du XVIIe siècle (3.5) ; les célèbres internationalistes du XIXe siècle (3.6) ; enfin, le droit international privé actuel (3.7). 4 Sur cette évolution historique, voir, par exemple, F. Mélin, Droit international privé, 12e éd., Paris, Lextenso, 2022, p. 25 à 29 ; H. Batiffol, Droit international privé, 4e éd., Paris, LGDJ, 1967, n° 8 à 18 ; v. aussi N. Hatzimihail, Preclassical Conflict of Laws, Cambridge, Cambridge University Press, 2021. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 6 | 163 EDITION 2024-09-08 4.1 ANTIQUITE Dans l’antiquité, le droit international privé tel que nous l’entendons n’existait pas véritablement, l’idée dominante étant que les juridictions d’une cité ou de l’empire romain devaient tout simplement appliquer le droit local, encore appelé lex fori ou droit du for, sans autre considération. Quant au statut des étrangers, en Grèce, seuls les citoyens bénéficiaient de la personnalité juridique, les étrangers n’ayant aucun droit, sauf à se placer sous la protection d’un citoyen ou à bénéficier d’un traité conclu par la cité d’accueil avec sa cité d’origine. En droit romain, les citoyens étaient soumis au jus civile, tandis que les étrangers, appelés pérégrins, étaient soumis à un droit spécifique, le droit pérégrin et, pour les questions que le droit pérégrin ne résolvait pas, au jus gentium. Cependant, peu à peu, l’empire romain s’est étendu, le droit s’y est unifié et tous les hommes libres y résidant ont acquis la citoyenneté5, ce qui a diminué considérablement le nombre des pérégrins. 4.2 DE LA PERSONNALITE A LA TERRITORIALITE DES DROITS Au moyen âge, du fait des invasions barbares et de la coexistence de plusieurs peuples sur les mêmes territoires, le principe de la personnalité des lois prédomina longtemps. Chaque individu était soumis à la loi de son groupe social ou ethnique. Peu à peu, cependant, le droit s’uniformisa dans chaque territoire, les mêmes règles s’appliquant à tous. Tel était le cas aux alentours du Xe siècle. Dans ce système territorialiste, l’étranger, appelé aubain, était, un peu comme en Grèce antique, privé de droit, sauf à s’avouer l’homme du seigneur local6. 4.3 DOCTRINE ITALIENNE DU MOYEN AGE La pratique des conflits de lois trouve son origine dans l’Italie du XIe siècle. Les villes italiennes ayant des droits coutumiers différents, peu à peu transcrits par écrit dans des statuts, la question de savoir quel système juridique devait s’appliquer dans les relations entre des ressortissants de différentes cités attira l’attention des juristes. Au début, on se contenta de considérer que chaque juge devait appliquer la loi de sa cité ou loi du for7. Puis on dérogea à cette règle, par exemple en appliquant au délit civil la loi du lieu où il avait été commis. Inversement, les statuts de Venise de 1204 comportaient une disposition extraterritoriale, en soumettant au droit vénitien la forme des testaments des Vénitiens, quel que fût le lieu de leur domicile 8. Des juristes italiens ont ensuite réfléchi à ces questions. Aldricus9, dont la pensée nous est connue uniquement par les relations qu’en ont faite d’autres auteurs, aucun de ses écrits ne nous étant parvenus, considérait que chaque juge devait appliquer aux litiges dont il était saisi soit le statut de sa cité, soit celui lui paraissant le meilleur et le plus utile. Carolus de Tocco 10 et Accurse11, constatant que le Code de Justinien disposait que le droit romain s’appliquait à tous les sujets de l’empire de confession chrétienne, 5 Edit de Caracalla, 212 après J.C. 6 Batiffol, op. cit., n° 13. 7 Du latin forum, place publique sur laquelle on discutait les affaires de la cité et, par extension, tribunal, voire autorité administrative saisi d’un différend ou d’une démarche. Pour désigner la loi du for, on utilise aussi l’expression latine lex fori. 8 Mélin, op. cit., 12e éd., p. 26. 9 Citoyen de Bologne, XIIe siècle. 10 Fin XIIe, début XIIe siècles. 11 Professeur à l’Université de Bologne, XIIIe siècle. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 7 | 163 EDITION 2024-09-08 en déduisirent que les statuts des cités italiennes devaient s’appliquer à leurs citoyens et non aux étrangers. Cela imposa de déterminer la loi applicable à ces derniers. Deux auteurs très célèbres, Bartole12 et Balde13, s’efforcèrent de formuler des règles pour ce faire. A partir de leurs travaux émergea une distinction, toujours très importante aujourd’hui, entre les règles de procédure, qui sont toujours celles du for, et les règles applicables au fond du litige, qui peuvent être étrangères. A cette époque apparut aussi l’idée qu’un contrat devait être reconnu comme valable s’il respectait les règles en vigueur à son lieu de conclusion. 4.4 DOCTRINE FRANÇAISE DE LA RENAISSANCE Avant la révolution, le droit français n’était pas uniforme, chaque région ayant sa coutume. Cela suscitait tout naturellement des conflits de lois internes au pays, qui attirèrent l’attention des juristes français. Charles Dumoulin 14 proposa une série de solutions spécifiques à chaque type de conflits, qu’il regroupa en trois catégories, la procédure, la forme des actes et le fond. Quant au fond, il commença à distinguer nettement les questions relatives aux biens, aux personnes et aux contrats. Bertrand d’Argentré15 proposa une approche plus simple, distinguant les règles coutumières selon qu’elles étaient réelles ou personnelles. Les règles coutumières étaient en principe réelles et devaient s’appliquer à toutes les choses se trouvant dans la région dont elles émanaient et pas au-delà. Par exception, les règles personnelles d’une région pouvaient s’appliquer aux personnes originaires de ladite région, même lorsqu’elles se trouvaient dans une autre région. 4.5 DOCTRINE NEERLANDAISE DU XVIIE SIECLE Les juristes néerlandais, tels que Paulus16 et Johannes17 Voet, et Ulric Huber 18, d’ailleurs inspirés par les travaux d’Argentré, développèrent la conception territorialiste du droit national : il devait s’appliquer à toutes les personnes se trouvant sur le territoire d’un État et pas au-delà. Ils admirent simplement, par exception, qu’un État puisse reconnaître les droits constitués sur le territoire d’un autre État, conformément à la loi de ce dernier. Cette exception ne découlait pas d’une obligation des États mais traduisait plutôt une forme d’égard pour l’État étranger dont on reconnaissait certains effets du droit. Pour justifier cette exception, les auteurs néerlandais utilisaient l’expression latine ex comitate, qui signifie par bonté, par bienveillance, et qu’on a traduite, en français, par courtoisie internationale19 et, en anglais, par comity. Cette doctrine néerlandaise eut une grande influence sur le droit anglais, dont elle renforça le territorialisme. 4.6 INTERNATIONALISTES DU XIXE SIECLE Le XIXe siècle est marqué par deux internationalistes bien connus. D’abord, Friedrich Carl von Savigny20, un juriste allemand extrêmement célèbre, a renouvelé le droit international privé, en proposant, dans son Traité de droit romain, une idée débouchant sur une méthode largement utilisée aujourd’hui, la règle de conflit. Selon Savigny, il 12 Bartolus de Saxoferrato, 1313 – 1356, professeur aux universités de Pise et de Pérouse. 13 Baldus de Ubaldis, 1327 – 1400. 14 1500 – 1566. 15 1519 – 1590. 16 Professeur de métaphysique à l’Université d’Utrecht, 1619 – 1667. 17 Professeur de droit à l’Université de Leyde, 1647 – 1713, fils du précédent. 18 Professeur de droit à l’Université de Franeker, 1636 – 1694. 19 Batiffol, op. cit., n° 225. 20 Professeur à l’Université de Landshut et ministre de la justice de Prusse, 1779 – 1821. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 8 | 163 EDITION 2024-09-08 faut localiser chaque situation juridique internationale en la rattachant à un pays au moyen d’un élément objectif. Il suffit ensuite de lui appliquer le droit de ce pays. En réalité, avant Savigny, on procédait parfois déjà ainsi, mais de manière empirique. Savigny a théorisé et expliqué cette méthode, tout en préconisant de l’utiliser systématiquement. Il faut ensuite citer l’Italien Pasquale Stanislao Mancini21, qui participa activement à la lutte politique en faveur de l’unité de l’Italie et qui avait des convictions nationalistes fortes, en ce qu’il concevait la nation comme une « société humaine naturelle, fondée sur l’unité de territoire, d’origine, de mœurs et de langue, et sur la communauté de la vie et de la conscience sociale »22, cette donnée naturelle de base devant constituer le fondement du droit international. Il en déduisait que les individus devaient être soumis à la loi du pays dont ils avaient la nationalité, même lorsqu’ils se trouvaient à l’étranger, parce que cette loi était en adéquation avec l’histoire, la langue et les mœurs nationales. Les idées de Mancini ont influencé les codes civils italien (1865), espagnol (1889) et allemand (1900), ainsi que le Code Bustamante 23, un traité signé le 20 février 1928 à la Havane afin d’uniformiser les règles de droit international privé en Amérique 24. 4.7 DROIT INTERNATIONAL PRIVE ACTUEL Au XXe siècle, le droit international privé a largement adopté la méthode savignienne, de telle sorte qu’il repose aujourd’hui principalement sur des règles de conflits qui, pour chaque catégorie de questions, retiennent un facteur de rattachement qui permet de désigner un droit national applicable. Cependant, nous verrons que le droit national ainsi désigné est parfois écarté. De plus, il existe d’autres méthodes pour résoudre les conflits. Parfois, on a recours à des règles de conflit légèrement différentes. Il faut comprendre que la règle de conflit savignienne est neutre, parce qu’elle désigne un droit national en fonction d’un rattachement objectif, sans considération de son contenu, ni du caractère avantageux ou non, pour l’une ou l’autre des parties, du droit national ainsi désigné ; et bilatérale, en ce qu’elle, désigne un droit national, quel qu’il soit, sans se contenter de déterminer si le droit du juge saisi est applicable ou non. Or, chemin faisant, nous rencontrerons des règles de conflit non-neutres, faisant dépendre le choix du résultat que produirait l’application de tel ou tel droit ; ainsi que des règles de conflit unilatérales, qui se bornent à dire dans quels cas le juge d’un pays est compétent ou une loi nationale, applicable, sans proposer de solution dans les autres cas. Il existe aussi des règles substantielles, dites matérielles, spécialement conçues pour régir les situations internationales, ce qui permet de résoudre le conflit sans choisir un droit national. Par ailleurs, au siècle dernier, la doctrine des États-Unis s’est beaucoup intéressée au droit international privé, notamment parce que l’existence de cinquante États fédérés, outre le système juridique de l’État fédéral, suscite naturellement de nombreux conflits de juridictions et de lois internes au pays. Brainerd Currie 25, notamment, a proposé de mettre en œuvre une méthode consistant à examiner les intérêts en présence – balance of interests test – pour déterminer quel État, parmi ceux dont les lois ont vocation à 21 Plusieurs fois ministre au sein du gouvernement italien, 1817 – 1888. 22 « Della nazionalità come fondamento del diritto delle genti », discours d’ouverture de la chaire de droit international de l’Université de Turin, 22 janvier 1851. 23 Également appelé Código de Derecho Internacional Privado. 24 Mélin, op. cit., 12e éd., p. 28. 25 Professeur de droit dans plusieurs universités américaines, 1912 – 1965. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 9 | 163 EDITION 2024-09-08 s’appliquer, avait le plus intérêt à régir la situation. Cette doctrine n’a pas eu de véritable influence en Europe. En revanche, la doctrine de la proper law, d’origine anglaise, a eu une influence certaine sur le droit international privé positif de l’Europe continentale. Développée par le juge John Morris dans un article très connu 26, cette doctrine préconise de rechercher, pour chaque situation juridique, avec quelle loi elle a le lien le plus étroit et le plus concret, soit, en anglais, closest and most real connection. 5 SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE Comme vous l’avez déjà compris, contrairement à ce qu’on pourrait croire, dans l’intitulé droit international privé, l’adjectif international signifie que les règles dont il s’agit concernent des situations internationales mais non qu’elles sont internationales par leur source. Au contraire, les règles de droit international privé sont largement de source interne (4.1), de telle sorte que, si les problématiques sont universelles, les différents États y apportent des réponses différentes. Cela étant, depuis une vingtaine d’années, l’Union européenne a adopté de nombreux textes dans ce domaine (4.2), en vue d’uniformiser les règles de droit international privé entre les États membres. Il existe aussi des sources internationales (4.3), qui dépassent le cadre européen. 5.1 SOURCES INTERNES En France, la source principale du droit international privé est la jurisprudence, qui a adopté de nombreuses solutions, car le législateur est resté traditionnellement assez en retrait dans ce domaine. Il existe pourtant quelques textes, législatifs et règlementaires, régissant certaines matières : Droit de la nationalité : Code civil, art. 17 à 33-2. Condition des étrangers : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Principes généraux figurant aux articles 3, 14 et 15 du Code civil. Filiation : Code civil, art. 311-14 à 311-17. Mariage : Code civil, art. 171 à 171-9. Pacte civil de solidarité : Code civil, art. 515-7-1 Il faut signaler l’existence d’un projet de code de droit international privé, rédigé par un groupe de travail réuni par le ministère de la justice. Le projet, remis au ministère le 31 mars 2022, comporte 207 articles27. Pour l’heure, ce projet, soumis à une consultation publique achevée le 30 novembre 2022, n’est pas de droit positif. L’avenir dira ce qu’il en adviendra. 5.2 SOURCES EUROPEENNES L’Union européenne, afin d’harmoniser les règles de droit international privé, en vue de renforcer la construction du marché unique et d’un espace juridique commun, a adopté, depuis 2000, de nombreux textes ayant profondément remanié le droit positif. Ce sont principalement des règlements européens, que nous évoquerons au fur et à mesure du cours. 26 « The Proper Law of a Tort », (1951) 64 Harv.L.R. 881. V. aussi: F. A. Mann, « The Proper Law in the Conflict of Laws », 46 Int’l & Comp. L. Q. 437 (1987). 27 Voir la page dédiée sur le site du ministère de la justice. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 10 | 163 EDITION 2024-09-08 5.3 SOURCES INTERNATIONALES Parmi les sources internationales, on peut citer, d’abord, les conventions conclues par les États, qui sont aujourd’hui nombreuses. Certaines sont bilatérales, destinées à régler certaines questions entre deux États. La France a ainsi conclu plusieurs conventions bilatérales, avec ses voisins, avec les États qui sont ses anciennes colonies ou avec d’autres États. D’autres conventions sont multilatérales, avec pour objectif d’harmoniser les règles de droit international privé entre États signataires. Beaucoup de ces conventions sont l’œuvre de la Conférence de la Haye de droit international privé28, une organisation intergouvernementale créée en 1893 dans ce but. Si la plupart des conventions adoptent des règles de conflit de lois qui s’imposent à tous les États parties, d’autres, comme la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, adoptent des règles matérielles, destinées à créer un régime substantiel spécifique aux situations juridiques visées, ce qui évite d’avoir à désigner un droit national applicable. Il faut aussi citer le droit international public et la coutume, qui peuvent fonder certaines solutions adoptées par les jurisprudences nationales. Assez rarement, les décisions des juridictions internationales peuvent avoir une incidence en droit international privé. Enfin, en matière de commerce international, il existe un ensemble de règles substantielles coutumières, dégagées essentiellement par les tribunaux arbitraux, appelées principes du droit du commerce international ou lex mercatoria29, qui peuvent, dans certaines conditions, s’appliquer aux transactions internationales. 6 RESSOURCES BIBLIOGRAPHIQUES Les étudiants pourront, s’ils le souhaitent, consulter des ouvrages synthétiques, ayant le mérite de présenter la matière de manière claire et succincte : O. Cachard et P. Klötgen, Droit international privé, 9e éd., Bruxelles, Bruylant, 2021. S. Clavel, Droit international privé, 6e éd., Paris, Dalloz, coll. Hypercours, 2021. J.-P. Laborde et S. Sana-Chaillé de Néré, Droit international privé, 20e éd., Paris, Dalloz, coll. Mémentos, 2021. F. Mélin, Droit international privé, 14e éd., Paris, Lextenso, 2024. Pour approfondir la matière, les étudiants pourront consulter les précis et traités suivants : B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, Paris, Lextenso, 2022. D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, 5e éd., 2 tomes, Paris, PUF, 2021. G. Geouffre de la Pradelle, M.-L. Niboyet et S. Fulli-Lemaire, Droit international privé, 8e éd., Paris, Lextenso, 2023. P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12e éd., Paris, Lextenso, 2019. 28 https://www.hcch.net/fr/home/ 29 Loi marchande, en latin. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 11 | 163 EDITION 2024-09-08 Il existe également des ouvrages reproduisant les décisions de justice françaises importantes en matière de droit international privé, avec des commentaires, ainsi que les textes importants, sans commentaires : B. Ancel et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., Paris, Dalloz, 2006. C. Brière, L’essentiel des grands arrêts du droit international privé, Paris, Gualino, 2017. S. Clavel et E. Gallant, Les grands textes de droit international privé, 5e éd., Paris, Dalloz, 2023. Il existe des encyclopédies spécialisées en droit international, dont les étudiants peuvent lire les fascicules, disponibles en ligne sur les bases de données des éditeurs : JurisClasseur droit international, publié par LexisNexis. Répertoire de droit international, publié par Dalloz Les étudiants pourront également consulter les périodiques. Outre les chroniques paraissant dans les revues généralistes, il existe deux revues spécialisées dans ce domaine, la Revue générale de droit international privé, publiée par Dalloz, et le Journal du droit international (aussi appelé Clunet), publié par LexisNexis. La seconde revue est consacrée à la fois au droit international privé et au droit international public. Citons enfin quelques ouvrages anciens, historiques ou étrangers, pour ceux qui voudraient approfondir davantage le sujet : H. Batiffol, Droit international privé, 4e éd., Paris, LGDJ, 1967. G. Cuniberti, Conflict of Laws, a Comparative Approach: Text and Cases, Edward Elgar, 2022. N. Hatzimihail, Preclassical Conflict of Laws, Cambridge University Press, 2021. D. McClean et V. Ruiz Abou-Nigm, Morris: Conflict of Laws, Thompson, 2021. P. Rogerson, Collier’s Conflict of Laws, Cambridge University Press, 2013. J. Westlake, A Treatise on Private International Law or the Conflict of Laws, London, Maxwell, 1858, réédité en 2018 par Hardpress. 7 CONTENU DU COURS Le cours abordera l’ensemble des questions et règles relatives aux conflits de lois et de juridictions. Il sera structuré en onze leçons, en plus de la présente introduction, chacune correspondant à une semaine de cours du semestre. Les étudiants doivent lire, avant chaque séance, la leçon correspondante. Ils sont encouragés, pour mieux comprendre la matière, à lire d’autres ouvrages, ainsi que les arrêts ou textes normatifs auxquels le cours fait référence. Ils peuvent poser des questions sur le forum. Dans un premier temps, nous aborderons les principes généraux du droit international privé : La leçon 2 sera consacrée aux règles de compétence internationale, qui permettent de désigner la juridiction compétente pour chaque litige. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 12 | 163 EDITION 2024-09-08 La leçon 3 sera consacrée au contentieux de la compétence. La leçon 4 sera consacrée au régime qui précise les effets des jugements étrangers dans un pays donné, la France pour ce qui nous concerne. La leçon 5 sera consacrée aux méthodes de résolution des conflits de lois. La leçon 6 sera consacrée au régime de la loi étrangère, qui détermine comment le juge qui doit s’y référer l’appréhende, en découvre le contenu et l’applique. Dans un second temps, nous aborderons les règles propres à chaque question. C’est ce qu’on appelle généralement le droit international privé spécial : La leçon 7 sera consacrée aux conflits de juridictions et de lois en matière de statut personnel : identité, capacité, etc. La leçon 8 sera consacrée aux conflits de juridictions et de lois en matière familiale : concubinage, partenariat, mariage, divorce. La leçon 9 sera consacrée aux conflits de juridictions et de lois en matière de patrimoine familial. La leçon 10 sera consacrée aux conflits de juridictions et de lois en matière d’obligations contractuelles. La leçon 11 sera consacrée aux conflits de juridictions et de lois en matière d’obligations extracontractuelles. La leçon 12 sera consacrée à d’autres règles spéciales de conflit, applicables à un certain nombre de questions spécifiques qu’il faut évoquer rapidement. 8 EVALUATION L’examen portera sur la totalité des lectures et des éléments ajoutés en cours. L’épreuve, d’une durée d’une heure, consistera en un questionnaire à choix multiple (QCM) de dix questions. La plupart des questions seront en réalité un petit cas pratique invitant le candidat à raisonner en appliquant ses connaissances. Les candidats ne pourront utiliser aucun document. Pour chaque question, quatre réponses seront proposées, dont une et une seule juste. Le candidat répondra sur la feuille prévue à cet effet, distincte du sujet, en noircissant, pour chaque question, la case correspondant à sa réponse (A, B, C ou D). Chaque réponse juste rapportera deux points. Toute réponse fausse fera perdre un demi-point au candidat. L’absence de réponse rapportera zéro point. Les réponses seront traitées par un lecteur optique. Par conséquent, les cases correspondant aux réponses du candidat devront être soigneusement remplies au stylo bille noir. Le candidat devra coller son étiquette d’anonymat sur la feuille de réponse. À défaut de respecter ces consignes, le candidat risque de se voir attribuer la note de zéro. Les candidats devront donc impérativement être munis de leurs étiquettes d’anonymat. Il y aura deux types de sujets, comportant des questions et des réponses différentes, les sujets 1 et 2. Le lecteur optique étant programmé pour noter chacun de ces sujets indépendamment, le candidat devra indiquer sur sa feuille de réponse quel sujet il aura traité (sujet 1 ou sujet 2) et remettre sa feuille de réponse au surveillant indiqué. À défaut et en cas d’erreur, ses réponses risquent de ne pas être prises en compte. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 13 | 163 EDITION 2024-09-08 LEÇON 2 - REGLES DE COMPETENCE INTERNATIONALE 12 septembre 2024 1 INTRODUCTION L’objet de la présente leçon est d’exposer les principes qui déterminent la compétence internationale des juridictions. Il est important de comprendre que ces principes sont définis par chaque État, pour ses propres juridictions. Celles-ci appliquent ainsi le droit local pour déterminer si elles sont compétentes ou non. Lorsque le juge d’un État constate son incompétence, il ne décide pas quelle juridiction étrangère est compétente. C’est ainsi que l’article 81 du Code de procédure civile français dispose : Lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente. Cette désignation s’impose aux parties et au juge de renvoi. Parce que les règles de conflits de juridictions de chaque État définissent les conditions dans lesquelles les juridictions locales sont compétente internationalement, elles sont traditionnellement formulées de manière unilatérale : elles ne désignent pas la juridiction compétente en fonction d’un facteur de rattachement neutre mais indiquent plutôt dans quelles hypothèses les juges locaux sont compétents. Cela étant, certains instruments internationaux comportent des règles de conflit de juridictions bilatérales, parce qu’elles sont destinées à répartir la compétence entre plusieurs juridictions nationales. Il existe ainsi de nombreuses conventions internationales comportant des règles de conflit de juridictions. Certaines sont des conventions bilatérales de coopération judiciaire conclues entre la France et des États étrangers. Il existe aussi des Conventions conclues dans le cadre de la Conférence de droit international privé de la Haye. Nous ne les évoquerons pas ici mais, face à une question de compétence internationale, il faut toujours vérifier qu’il n’existe pas une convention internationale applicable. En revanche, nous évoquerons les textes adoptés par l’Union européenne, qui revêtent aujourd’hui une grande importance. Dans un premier temps, les États membres de la Communauté économique européenne ont conclu la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui réglait les conflits de juridictions entre eux. Une convention au contenu très similaire, la Convention de Lugano, a été conclue le 16 septembre 1988 entre les États membres de l’Union européenne et ceux de l’Association européenne de libre-échange. Une nouvelle Convention de Lugano, conclue le 30 octobre 2007, a remplacé la précédente. Par ailleurs, le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 a conféré au Conseil européen le pouvoir d’adopter des mesures dans le domaine de la coopération en matière civile. Sur cette base, les organes de l’Union européenne ont adopté un très grand nombre de règlements, intéressant, notamment, les conflits de juridictions. C’est ainsi qu’a été adopté le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit règlement Bruxelles I, parce qu’il remplace la Convention de D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 14 | 163 EDITION 2024-09-08 Bruxelles. Il est désormais remplacé par le règlement n o 1215/2012 du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis. Il faut également citer le règlement nº 1347/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs (Bruxelles II), remplacé par le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), puis par le règlement n° 2019/1111 du 25 juin 2019 (Bruxelles II ter). Ces règlements comportent des règles de conflit de juridictions spécifiques aux matières visées dans le tire. Nous l’évoquerons à propos du statut personnel 30 et du couple31. Au titre de la coopération judiciaire, on peut aussi citer le règlement du 30 mai 2022 prévoyant la création d’un système électronique de transfert de données, appelé e-CODEX32. Ce système consiste en l’interconnexion des systèmes nationaux, ce qui permet de communiquer, d’un pays à l’autre, de manière sécurisée, des écritures, des pièces et autres documents. Ainsi, nous rendrons compte des instruments européens et du droit international privé français, qui reste applicable dans certains cas. Il faut d’abord présenter les règles de compétence juridictionnelle (2) qui en résultent. Cela dit, le droit européen comme le droit français permettent aux parties de déroger à ces règles de compétence, par des accords opérant prorogation conventionnelle de compétence (3), qu’on appelle aussi conventions d’élection de for ou clause d’electio fori. Enfin, ces différentes règles légales et accords prorogeant la compétence doivent être mises en œuvre concrètement devant le ou les juges saisis, selon des règles procédurales assez complexes : c’est le régime du contentieux de la compétence (4). 2 REGLES DE COMPETENCE JURIDICTIONNELLE D’un point de vue didactique, il est préférable d’exposer d’abord les règles européennes de compétence juridictionnelle (2.1). En effet, cela permet de comprendre le champ d’application et le rôle des règles françaises (2.2). 2.1 REGLES EUROPEENNES DE COMPETENCE JURIDICTIONNELLE Concernant les règles européennes, nous étudierons en détail le règlement Bruxelles I bis (2.1.1), sachant que ce nouveau règlement ne modifie pas beaucoup les principes énoncés par le précédent, et reste proche de la Convention de Bruxelles, de telle sorte que la jurisprudence interprétant ces instruments abrogés reste largement pertinente. Les dispositions du règlement sont également très proches de celles de la Convention de Lugano. Par conséquent, nous ne l’évoquerons pas. En revanche, nous évoquerons rapidement d’autres règlements, applicables à certaines procédures simplifiées (2.1.2). 2.1.1 Dispositions du règlement Bruxelles I bis Il faut préciser le champ d’application du règlement Bruxelles I bis (2.1.1.1), avant d’évoquer les règles de compétence qu’il édicte. On y trouve des dispositions générales (2.1.1.2) mais aussi des compétences spéciales (2.1.1.3) et dérivées (2.1.1.4), des dispositions destinées à protéger des parties considérées comme faibles (2.1.1.5), des dispositions relatives aux compétences exclusives (2.1.1.6) et à la compétence en matière de mesure provisoire et conservatoire (2.1.1.7). 30 V. infra leçon 7. 31 V. infra leçon 8. 32 Règlement (UE) 2022/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 relatif à un système informatisé pour l’échange électronique transfrontière de données dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et pénale (système e-CODEX), et modifiant le règlement (UE) 2018/1726. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 15 | 163 EDITION 2024-09-08 2.1.1.1 Champ d’application L’article 1er du règlement délimite son champ d’application matériel : 1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). 2. Sont exclus de son application : a) l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage ; b) les faillites, concordats et autres procédures analogues ; c) la sécurité sociale ; d) l’arbitrage ; e) les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d’alliance ; f) les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès. L’action intentée par le ministre français de l’économie, sur le fondement de l’article L. 442-4 du Code de commerce, contre des sociétés belges, aux fins de suppression de leurs conditions générales de diverses clauses comportant un déséquilibre significatif et de condamnation à une amende civile est une action relevant de « l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ». Elle échappe donc au règlement Bruxelles I. La compétence des juridictions françaises pour connaître d’une telle action est déterminée par le droit français des conflits de juridictions 33. De plus, pour que le règlement s’applique, il y a une condition préalable implicite tenant au caractère international de l’action. Si une action ne présente aucun élément d’extranéité, il n’y a pas lieu d’appliquer des règles de conflit de juridictions. La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de le souligner34. Quant au champ d’application dans l’espace, il faut d’abord préciser que le règlement s’applique au Danemark et à l’égard du Danemark car, même si ce pays est exclu par l’article 1(3), il a accepté d’être lié par le règlement et a adopté toutes les dispositions législatives internes nécessaires 35. De manière générale, les règles de conflit de juridictions du règlement s’appliquent lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre. Lorsque tel n’est pas le cas, la compétence de chaque juge européen est déterminée par la loi du for. Cela résulte des articles 4 et 6(1) du règlement. Cela dit, les dispositions permettant au salarié et à l’assuré de saisir un certain nombre de juridictions en cas de conflit relatif au contrat de travail ou à la police d’assurance, celles réservant des compétences exclusives dans certaines hypothèses et celles relatives à la prorogation conventionnelle de compétence s’appliquent sans considération de domicile du défendeur. 33 CJUE, 22 décembre 2022, aff. C-98/22, Eurelec Trading SCRL, JCP G 2023, doctr. 143, obs. C. Nourissat. 34 CJUE, 17 novembre 2011, Hypoteční banka a.s. c. Udo Mike Lindner, aff. C-327/10, spéc. n° 29. 35 Voir portail e-justice de l’Union européenne : https://e-justice.europa.eu/content_brussels_i_regulation_recast- 350-fr.do. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 16 | 163 EDITION 2024-09-08 Comme le précise l’article 6(1), lorsque les conditions d’application dans l’espace du règlement ne sont pas remplies, la compétence du juge français est déterminée par le droit français, envisagé ci-dessus : Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l’application de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25. Plus précisément, si le défendeur n’est pas domicilié dans l’Union européenne, si aucune des circonstances visées par le règlement au titre des compétences exclusives n’existe et si aucune convention d’élection de for désignant un juge de l’Union européenne n’est applicable, le droit international privé français est le seul applicable. Enfin, s’agissant du champ d’application temporel, l’article 66 dispose : 1. Le présent règlement n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du 10 janvier 2015. 2. Nonobstant l’article 80, le règlement (CE) no 44/2001 continue à s’appliquer aux décisions rendues dans les actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues avant le 10 janvier 2015 qui entrent dans le champ d’application dudit règlement. 2.1.1.2 Dispositions générales L’article 4(1) du règlement énonce le principe général déterminant le juge national compétent pour connaître d’une action : Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. Le domicile du défendeur est ainsi le critère déterminant la compétence du juge d’un État membre. Cette règle est très répandue en droit comparé. On l’exprime souvent par l’adage latin actor sequitur forum rei. L’article 62 indique quelle loi le juge saisi de la question de la compétence doit appliquer pour déterminer si le défendeur personne physique a son domicile sur le territoire de l’État du for ou dans un autre État membre : 1. Pour déterminer si une partie a un domicile sur le territoire de l’État membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique sa loi interne. 2. Lorsqu’une partie n’a pas de domicile dans l’État membre dont les juridictions sont saisies, le juge, pour déterminer si elle a un domicile dans un autre État membre, applique la loi de cet État membre. Au sens du droit français, le domicile est le lieu où une personne physique a son principal établissement36. Concernant les personnes morales, l’article 63(1) et (2) définit lui-même la notion de domicile, sans renvoyer à la loi d’un État membre : 1. Pour l’application du présent règlement, les sociétés et les personnes morales sont domiciliées là où est situé : a) leur siège statutaire ; b) leur administration centrale ; ou c) leur principal établissement. 36 C. civ., art. 102 à 111. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 17 | 163 EDITION 2024-09-08 2. Pour l’Irlande, Chypre et le Royaume-Uni, on entend par « siège statutaire» le registered office ou, s’il n’existe nulle part de registered office, le place of incorporation (le lieu d’acquisition de la personnalité morale) ou, s’il n’existe nulle part de lieu d’acquisition de la personnalité morale, le lieu selon la loi duquel la formation (la constitution) a été effectuée. Par ailleurs, le règlement désigne comme compétentes, de manière globale, les juridictions d’un État membre. Pour identifier, parmi toutes les juridictions de cet État membre, celle qui est matériellement et territorialement compétente, il convient de se référer aux règles internes de procédure civile. L’article 5(1) confirme que le critère de compétence énoncé à l’article 4 est le critère de principe tout en annonçant déjà l’existence de tempéraments : Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. 2.1.1.3 Compétences spéciales Dans certaines hypothèses, le règlement reconnaît la compétence additionnelle d’un autre juge de l’Union européenne que celui du pays où demeure le défendeur. Le demandeur a alors une option : il peut saisir le juge de l’État où demeure le défendeur, en vertu du principe général de compétence résultant de l’article 4(1), ou le juge désigné par la règle de compétence spéciale. Il faut lire d’abord l’article 7 : Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ; 3) s’il s’agit d’une action en réparation de dommage ou d’une action en restitution fondées sur une infraction, devant la juridiction saisie de l’action publique, dans la mesure où, selon sa loi, cette juridiction peut connaître de l’action civile ; 4) s’il s’agit d’une action civile, fondée sur le droit de propriété, en restitution d’un bien culturel au sens de l’article 1er, point 1), de la directive 93/7/CEE, engagée par la personne revendiquant le droit de récupérer un tel bien, devant la juridiction du lieu où le bien culturel est situé au moment de la saisine ; 5) s’il s’agit d’une contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, devant la juridiction du lieu de leur situation ; 6) s’il s’agit d’une action engagée à l’encontre d’un fondateur, d’un trustee ou d’un bénéficiaire d’un trust constitué soit en application de la loi, soit par écrit ou par une convention verbale, confirmée par écrit, devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile ; 7) s’il s’agit d’une contestation relative au paiement de la rémunération réclamée en raison de l’assistance ou du sauvetage dont a bénéficié une cargaison ou un D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 18 | 163 EDITION 2024-09-08 fret, devant la juridiction dans le ressort duquel cette cargaison ou le fret s’y rapportant : a) a été saisi pour garantir ce paiement ; ou b) aurait pu être saisi à cet effet, mais une caution ou une autre sûreté a été donnée, cette disposition ne s’applique que s’il est prétendu que le défendeur a un droit sur la cargaison ou sur le fret ou qu’il avait un tel droit au moment de cette assistance ou de ce sauvetage. Comme toujours en droit international privé, on peut hésiter quant à la qualification de certaines actions. Il faut s’interroger sur leur raison d’être et, bien entendu, se référer à la jurisprudence lorsqu’il y en a. Par exemple, l’action paulienne fondée sur la titularité d’une créance de nature contractuelle est elle-même contractuelle et relève de l’article 7(1)37. A propos de l’action en responsabilité délictuelle, qui relève du paragraphe 2, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que si le dommage se produit dans un État membre et le fait générateur, dans un autre État membre, le demandeur peut saisir, à son choix, le juge de l’un ou l’autre de ces États membres38. Peut être portée devant le juge français l’action tendant à la réparation du préjudice causé en France par des propos dénigrants publiés sur Internet, à la cessation de la mise en ligne des propos et à la publication d’un rectificatif, du moment que le site est accessible depuis la France39. Le paragraphe 4 concerne l’action en restitution prévue par la directive 93/7/CEE du Conseil, du 15 mars 1993, relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre. Cette directive est destinée à permettre aux États membres de poursuivre la restitution des biens considérés comme des trésors nationaux ayant été exportés illégalement dans un autre État membre. Le paragraphe 6 concerne les trusts, qui sont des montages inspirés du droit anglais dans lesquels la propriété d’un bien est transférée, par le fondateur, à un trustee, à charge pour lui de l’administrer dans l’intérêt d’un tiers, appelé bénéficiaire, qui a généralement vocation à recevoir ultérieurement la propriété du bien. Le trust n’a pas nécessairement la personnalité morale, de telle sorte que lui appliquer la notion de domicile est quelque peu surprenant mais il s’agit en fait de localiser l’opération. L’article 63(4) précise que cette localisation doit se faire selon les règles du droit international privé du juge saisi : Pour déterminer si un trust a son domicile sur le territoire d’un État membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique les règles de son droit international privé. 37 CJUE, 4 octobre 2018, aff. C-337/17, Feniks, D. 2019, p. 516, note F. Jault ; D. 2018, p. 1973 ; AJCA 2018, p. 537, obs. C. Nourissat ; Dalloz actualité, 17 oct. 2018, obs. F. Mélin ; Europe 2018, comm. 495, obs. L. Idot ; Procédures 2018, comm. 370, obs. C. Nourissat. – CJUE, 10 juill. 2019, aff. C-722/17, Reitbauer, JurisData n° 2019-014708 ; D. 2019, p. 1455 ; RTD eur. 2019, p. 764, obs. G. Payan. – Sur ces deux arrêts v. aussi: C. Ankaoua, « L'assimilation de l'action paulienne à une action contractuelle selon la Cour de justice de l'Union européenne », JDI 2021, var. 6. 38 CJCE, 30 novembre 1976, aff. 21/76, Mines de potasse d’Alsace. 39 Cass. civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 18-24.850, Gtflix, Cass. civ. 1ère, 1er février 2023, n° 20-15.703, Enigma, D. 2023, p. 925, n° II-D obs. F. Jault-Seseke. – CJUE, 21 décembre 2021, aff. C-251/20, D. 2022, p. 915, n° II-A-1-c, obs. F. Jault-Seseke. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 19 | 163 EDITION 2024-09-08 2.1.1.4 Compétences dérivées L’article 8 prévoit des cas de compétence dérivée, justifiée par le fait que juge saisi est compétent à l’égard d’autres demandes ou d’autres défendeurs : Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite : 1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; 2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ; 3) s’il s’agit d’une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant la juridiction saisie de celle-ci ; 4) en matière contractuelle, si l’action peut être jointe à une action en matière de droits réels immobiliers dirigée contre le même défendeur, devant la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel l’immeuble est situé. L’intervention est une demande présentée, au cours d’une procédure déjà ouverte devant une juridiction nationale, par un tiers – intervention volontaire – ou contre un tiers par une partie à l’instance – intervention forcée. Logiquement, la demande en intervention peut être présentée devant la juridiction déjà saisie, avec une réserve toutefois, pour éviter que ce procédé soit utilisé par une partie qui saisirait une juridiction d’une demande dirigée contre un premier défendeur dans le seul but de présenter ensuite une demande en intervention contre un second défendeur, afin soustraire la demande à la juridiction normalement compétente. La demande en garantie est une demande en intervention par laquelle une partie à l’instance, poursuivie en exécution d’une obligation, sollicite, pour le cas où la juridiction saisie accueillerait cette demande, la condamnation de l’intervenant forcé à exécuter l’obligation à sa place ou à l’indemniser. Cela étant, l’article 65 précise que la demande en garantie ou en intervention n’est possible que dans la mesure où le droit national du juge saisi le permet. Enfin, l’article 9 élargit la compétence du juge désigné par les dispositions du règlement pour connaître d’une action en responsabilité du fait de l’utilisation ou de l’exploitation d’un navire : Lorsque, en vertu du présent règlement, une juridiction d’un État membre est compétente pour connaître des actions en responsabilité du fait de l’utilisation ou de l’exploitation d’un navire, cette juridiction ou toute autre que lui substitue la loi interne de cet État membre connaît aussi des demandes relatives à la limitation de cette responsabilité. 2.1.1.5 Dispositions destinées à protéger des parties considérées comme faibles Le règlement comporte des règles de compétences spécifiques, en ce qui concerne les litiges relatifs aux assurances, pour protéger certains assurés (a), aux contrats conclus par les consommateurs (b) et aux contrats individuels de travail, pour protéger les salariés (c). a Compétence en matière d’assurances Le chapitre II du règlement, consacré à la compétence, comporte une section 3 relative à la compétence en matière d’assurance, qui regroupe les articles 10 à 16. Les articles D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 20 | 163 EDITION 2024-09-08 15 et 16, qui concernent la prorogation conventionnelle de compétence, seront envisagés ci-dessous. Selon l’article 10, les règles spécifiques de compétences énoncées dans la section 3 sont les seules applicables en matière d’assurance, avec cependant deux réserves importantes. En premier lieu, l’article 6 reste applicable, ce qui a deux conséquences. D’une part, si le défendeur à une action en matière d’assurance n’est pas domicilié dans l’Union européenne, la compétence est réglée, dans chaque État membre, par la loi nationale. D’autre part, toute personne domiciliée dans un État membre peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer les règles de compétence qui y sont en vigueur. En second lieu, l’article 7(5) est également applicable, ce qui assure la compétence du juge de tout État membre dans lequel se trouve la succursale, l’agence ou tout établissement à l’exploitation de laquelle l’action en matière d’assurance est relative. Il peut s’agir d’un établissement de l’assureur mais aussi de l’assuré. Cela étant précisé, les articles 11 à 13 offrent à l’assuré qui souhaite présenter une demande contre l’assureur un choix assez large, en prévoyant la compétence de plusieurs juridictions nationales. L’article 11 dispose ainsi : 1. L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile ; ou c) s’il s’agit d’un coassureur, devant la juridiction d’un État membre saisie de l’action formée contre l’apériteur40 de la coassurance. 2. Lorsque l’assureur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre. L’article 12 prévoit un chef de compétence supplémentaire en matière d’assurance de responsabilité ou d’immeubles : L’assureur peut, en outre, être attrait devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur des immeubles. Il en est de même si l’assurance porte à la fois sur des immeubles et des meubles couverts par une même police et atteints par le même sinistre. L’article 13 ajoute un autre chef de compétence en matière d’assurance de responsabilité : 1. En matière d’assurance de responsabilité, l’assureur peut également être appelé devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré, si la loi de cette juridiction le permet. 2. Les articles 10, 11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. 3. Si la loi relative à cette action directe prévoit la mise en cause du preneur d’assurance ou de l’assuré, la même juridiction sera aussi compétente à leur égard. 40 Assureur qui, en cas de coassurance, signe le premier la police et, souvent, représente les autres. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 21 | 163 EDITION 2024-09-08 L’article 14, en revanche, impose à l’assureur qui souhaite introduire une action de saisir le juge de l’État membre où le défendeur est domicilié, avec un tempérament en matière de demande reconventionnelle : 1. Sous réserve des dispositions de l’article 13, paragraphe 3, l’action de l’assureur ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le défendeur, qu’il soit preneur d’assurance, assuré ou bénéficiaire. 2. Les dispositions de la présente section ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section. Ce principe s’impose à l’assureur lorsqu’il poursuit l’assuré mais aussi les deux autres protagonistes habituels en matière d’assurance, le bénéficiaire et le preneur d’assurance. Le bénéficiaire est un tiers, qui n’a pas souscrit la police d’assurance mais qui est appelé à en bénéficier, notamment en matière d’assurance vie. Le preneur d’assurance est la personne qui signe la police en son nom et s’engage au paiement des primes. Il est aussi l’assuré, sauf dans l’assurance pour compte de qui il appartiendra, souscrite au nom d’une personne déterminable en cas de sinistre, qui devient alors l’assuré. Par exemple, l’assurance multirisque professionnelle, souscrite par un professionnel pour garantir l’indemnisation de ses clients en cas de sinistre engageant sa responsabilité, est une assurance pour compte, le client étant l’assuré en cas de réalisation du risque. b Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs La section 4 du chapitre II comporte des dispositions, énoncées aux articles 17 à 19, destinées à protéger les consommateurs. L’article 19, qui concerne les conventions d’élection de for, sera évoqué plus loin. L’article 17 précise le champ d’application des règles spécifiques, tout en réservant, comme en matière d’assurance, l’application des articles 6 et 7(5) : 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5) : a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ; b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; ou c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. 2. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre. 3. La présente section ne s’applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement. Il apparaît que les règles spécifiques sont destinées à protéger le consommateur dans deux hypothèses. La première est celle où le consommateur a acheté des objets mobiliers corporels avec un crédit pour le paiement du prix, qui peut être un crédit D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 22 | 163 EDITION 2024-09-08 accordé par le vendeur, qui accepte un paiement fractionné, ou par un établissement de crédit. La seconde hypothèse est celle dans laquelle le consommateur a conclu n’importe quel type de contrat de consommation mais auprès d’un professionnel qui, par son comportement, a démontré sa volonté d’être présent sur le marché du pays où réside le consommateur, c’est-à-dire sa volonté de conclure des contrats avec les consommateurs de ce pays. A contrario, le consommateur ayant lui-même pris l’initiative de contracter auprès d’un consommateur étranger, hors vente d’objets mobiliers corporels avec paiement du prix grâce à un crédit, relève des dispositions générales de compétences prévues par les articles 4 à 7. Il en irait ainsi d’un particulier résidant en France qui aurait trouvé une annonce publiée par un garagiste bulgare, en bulgare, pour la vente d’un véhicule d’occasion dont le prix était affiché en lev, et se serait rapproché de lui pour acheter ce véhicule comptant et en prendre livraison à Sofia. Le contenu de l’annonce et l’absence de tout établissement du vendeur en France démontrent qu’il ne dirige pas son activité vers la France. Il en irait autrement si l’annonce était publiée en Français, sur un site d’annonces français, avec un prix en euros. Lorsque les conditions d’application énoncées par l’article 17 sont remplies, l’article 18 offre plusieurs options au consommateur qui entend prendre l’initiative du procès, tandis que le professionnel ne peut saisir que le juge du pays où le consommateur est domicilié : 1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l’autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié. 2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. 3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section. c Compétence en matière de contrats individuels de travail La section 5 du chapitre II est destinée à protéger le salarié en cas de conflit relatif à son contrat de travail. Elle regroupe les article 20 à 23. L’article 23 intéresse la prorogation conventionnelle de compétence et sera évoqué ci-dessous. L’article 20 précise le champ d’application des dispositions de la section 5, tout en réservant, comme en matière d’assurance et de contrat de consommation, l’application des articles 6 et 7(5) : 1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6, de l’article 7, point 5), et, dans le cas d’une action intentée à l’encontre d’un employeur, de l’article 8, point 1). 2. Lorsqu’un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n’est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l’employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre. L’article 8(1) reste également applicable, ce qui permet, en cas d’actions connexes dirigées contre plusieurs défendeurs domiciliés dans plusieurs États membres, de saisir un seul juge. Cette exception n’est pas prévue en matière d’assurance et de contrats de consommation. D. MOURALIS – DIP – 2024-2025 –REPRODUCTION ET DIFFUSION STRICTEMENT INTERDITES 23 | 163 EDITION 2024-09-08 L’article 21 offre plusieurs options de compétence au salarié désireux d’introduire une action contre son employeur : 1. Un employeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; ou b) dans un autre État membre : i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou ii) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur. 2. Un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait devant les juridictions d’un État membre conformément au paragraphe 1, point b). Ainsi, le salarié a notamment la possibilité d’agir devant le juge de l’État membre où il est domicilié, ce qui peut être assez commode pour lui. Toutefois, cette possibilité n’existe que si l’employeur est domicilié dans l’Union européenne. Dans le cas contraire, le salarié ne peut agir que devant le juge désigné par le paragraphe 1(b), qui peut ne pas être le juge de son domicile. Lorsque le salarié est en situation de télétravail, on ne doit pas en déduire que son domicile est forcément le lieu où il accomplit habituellement son travail. Il faut vérifier, in concreto, s’il travaille la plupart du temps depuis son domicile ou depuis un autre lieu 41. L’article 22 détermine la compétence en cas d’action introduite par l’employeur : 1. L’action de l’employeur ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile. 2. Les dispositions de la présente section ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section. 2.1.1.6 Compétences exclusives La section 6 du chapitre II est consacrée à des hypothèses dans lesquelles un seul juge est compétent, à l’exclusion de tous les autres. Dans ces hypothèses, les articles 4 et 7 ne s’appliquent pas, l

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