Rapport sur l'application de la laïcité dans l'enseignement public (2019)

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2019

Aziz Jellab, Marc Rolland, Fabienne Thibau-Lévéque, Christian Wassenberg

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laïcité éducation enseignement public politique éducative

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Ce rapport de 2019 analyse l'application du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics. Il détaille l'état des lieux, les avancées et les perspectives en matière d'application de ce principe fondamental dans le système éducatif français. Les auteurs examinent les outils de signalement, les réponses des équipes académiques, et les besoins de formation continue pour le personnel enseignant.

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Rapport à monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse L’application du principe de laïcité dans les établissements scolaires de l’enseignement public : état des lieux, avancées et perspectives 2019-115 – novembre 2019 ...

Rapport à monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse L’application du principe de laïcité dans les établissements scolaires de l’enseignement public : état des lieux, avancées et perspectives 2019-115 – novembre 2019 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION MINISTÈRE DE LA CULTURE MINISTÈRE DES SPORTS _____ Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche L’application du principe de laïcité dans les établissements scolaires de l’enseignement public : état des lieux, avancées et perspectives Novembre 2019 Aziz JELLAB Marc ROLLAND Fabienne THIBAU-LÉVÊQUE Christian WASSENBERG Inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche SOMMAIRE Introduction................................................................................................................................. 1 1. Mobiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif pour faire comprendre et respecter le principe de laïcité à l’école........................................................................................................... 4 1.1. Une approche pragmatique de l’application du principe de laïcité dans les écoles et les établissements d’enseignement du second degré.................................................................................. 4 1.2. Le recueil des signalements, préalable nécessaire pour agir et prévenir : l’application « Faits établissement » et le formulaire ministériel de saisine en ligne............................................................ 5 1.3. Le pôle national, les équipes académiques et l’état des lieux des signalements : un essai de caractérisation des problématiques rencontrées dans les écoles et les établissements du second degré, ainsi que de leur évolution........................................................................................................... 6 1.3.1. Le pôle national « Valeurs de l’école de la République » (VALEREP), un observatoire des signalements et un point d’entrée unique pour les équipes académiques dont il assure le lien avec les directions d’administration centrale et le Conseil des sages de la laïcité............................................................ 6 1.3.2. Les faits d’atteinte à la laïcité : les principales évolutions observées par la mission........................... 8 1.4. Les outils et voies de signalement : l’application « Faits établissement », les contacts directs entre les établissements scolaires et les EA-VDR et le formulaire ministériel de saisine en ligne....... 13 1.4.1. L’application « Faits établissement »................................................................................................. 13 1.4.2. La place des contacts directs et du formulaire ministériel de saisine en ligne dans le signalement.. 15 1.4.3. Pour la majorité des académies, le signalement ne donne pas une vision complète de la réalité..... 16 2. Un souci indéniable de réactivité des équipes académiques « valeurs de la République » et de diversification des réponses apportées aux signalements............................................................ 17 2.1. Les réponses apportées aux signalements par les équipes académiques VDR - Principales observations.......................................................................................................................................... 17 2.1.1. Les signalements donnant lieu à des déplacements de l’EA-VDR...................................................... 17 2.1.2. Les motifs amenant les EA-VDR à s’autosaisir................................................................................... 18 2.2. Une analyse qualitative des réponses apportées aux signalements par les EA-VDR............... 18 2.3. La coordination entre les EA-VDR, l’équipe nationale VALEREP et le Conseil des sages......... 24 3. Faire mieux partager dans les établissements d’enseignement le principe de laïcité et les valeurs qu’il porte...................................................................................................................... 25 3.1. Le dispositif conduit les responsables des établissements scolaires à s’inscrire dans une démarche de prévention et d’anticipation........................................................................................... 25 3.2. L’approche du principe de laïcité au travers de thématiques connexes favorise sa compréhension par les élèves et, par suite, le respect de son application à l’école............................ 26 3.3. Une appropriation du principe de laïcité qui reste encore trop limitée aux personnels d’encadrement des services académiques et des établissements....................................................... 28 3.4. La nécessité de mieux associer les INSPé, opérateurs de l’État pour la formation initiale des personnels enseignants et d’éducation, à l’élaboration de la politique de formation à la laïcité des académies.............................................................................................................................................. 29 3.5. Les ressources produites par les académies sont riches, elles devraient désormais être davantage partagées............................................................................................................................. 31 3.6. Faire vivre la laïcité à l’école et en faire respecter les principes implique de maintenir l’indispensable dialogue avec les parents d’élèves............................................................................... 32 4. Préconisations et synthèse : pour une poursuite et un renforcement du processus engagé.. 33 4.1. Dénomination et composition des équipes académiques....................................................... 33 4.2. L’articulation du dispositif aux niveaux national, académiques et locaux............................... 34 4.3. Les ressources mises à disposition........................................................................................... 36 4.4. Formation (initiale et continue) des personnels de l’éducation nationale.............................. 39 4.5. Vie des établissements............................................................................................................. 42 Annexes..................................................................................................................................... 45 Introduction Par lettre du 15 juillet 20191, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a chargé l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale (IGAENR) d’évaluer l’impact de la politique engagée à l’automne 2017 sur la compréhension et le respect du principe de laïcité dans le système éducatif et d’établir, à cet effet, un état des lieux de l’application de ce principe dans l’enseignement scolaire public. Le principe de laïcité a incontestablement une importance particulière pour l’école républicaine : il en est un principe fondateur essentiel. En effet, avant même la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État2 qui consacre la laïcité de l’État et, par conséquent, sa neutralité à l’égard de toutes les religions et croyances, avec pour corollaire la neutralité religieuse de l’ensemble des collectivités publiques et de leurs services publics, la loi du 28 mars 1882 sur l’organisation de l’enseignement primaire, dite loi Jules Ferry, avait posé les bases de l’enseignement public laïque en prescrivant que l’instruction religieuse soit donnée aux enfants « en dehors des édifices scolaires » (article 2) et en abrogeant les dispositions législatives antérieures « donnant aux ministres des cultes un droit d'inspection, de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques (…) » (article 3). La loi du 30 octobre 1886, dite loi Goblet, avait complété l’édifice en imposant que « Dans les écoles publiques de tout ordre, l'enseignement [soit] exclusivement confié à un personnel laïque » (article 17)3, en lieu et place du « personnel congrégationniste » qui y intervenait jusqu’alors. Il s’agissait bien, pour le législateur de la IIIème République, que l’école puisse instruire les futurs citoyens, leur délivrer des savoirs et leur transmettre les valeurs de la République, indépendamment de toute influence ou emprise religieuse. « L’instruction morale et civique » constitue ainsi le premier élément du programme de l’enseignement primaire dont le contenu est fixé par l’article premier de la loi du 28 mars 1882. Consacrée par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (auquel renvoie le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958), aux termes duquel « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État », la laïcité de l’enseignement public fait aujourd’hui l’objet du titre IV du livre Ier du code de l’éducation (articles L. 141-1 et suivants), dont certaines dispositions sont directement issues des lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886. C’est qu’au-delà de la neutralité qui s’impose à tout service public en vertu de l’article 1er de la Constitution qui proclame que la « La France est une République (…) laïque (…) [qui] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion [et qui] respecte toutes les croyances », la laïcité du service public de l’éducation répond à l’exigence de garantir aux enfants et aux jeunes, quelle que soit leur religion ou leur croyance, la délivrance des mêmes savoirs, à l’abri de toute pression religieuse ou de tout endoctrinement, dans le respect de la liberté de conscience de chacun et de tous, permettant ainsi de leur faire partager les valeurs de la République proclamées dans sa devise : « Liberté, égalité, fraternité ». 1 Cf. annexe 1 : lettre de saisine de l’IGEN et de IGAENR en date du 15 juillet 2019. 2 er La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État dispose notamment en son article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public » et, en son article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. (…) ». 3 Extrait du rapport de Jean-Baptiste Ferrouillat, rapporteur de la loi du 30 octobre 1886 devant le Sénat : « La loi du 28 mars 1882 a laïcisé les programmes. Le projet actuel impose la laïcité du personnel enseignant. On peut dire que la première réforme appelait la seconde. Il n'est pas rationnel de mettre des religieux à la tête d'une école où l'enseignement de la religion n'a plus de place. – Comment, d'ailleurs, n'être pas frappé du grave inconvénient de conserver des instituteurs qui ont deux supérieurs, dont l'un commande au nom de Dieu, et l'autre au nom de l'État, et qui, en cas de conflit entre ces deux autorités, sont naturellement portés à se soumettre à leur supérieur religieux plutôt qu'à leur supérieur civil ? – N'est-il pas même à la fois illogique et imprudent, de la part de l'État, de confier la jeunesse française, pour lui donner les notions des devoirs civiques et éveiller en elle l'amour de nos institutions, à des maîtres qui obéissent à des chefs étrangers et qui se montrent, par principe, hostiles aux institutions républicaines et aux idées de la société moderne ? ». 1 L’objet de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, désormais article L. 141-5-1 du code de l’éducation4, n’était pas différent : face aux contestations du principe de laïcité à l’école par des élèves et leurs familles, qui se multipliaient depuis la fin des années 1980, il s’agissait pour le législateur de conforter les établissements scolaires publics comme des lieux d’apprentissage protégeant la liberté de conscience des élèves de toute forme de pression, emprise idéologique ou prosélytisme, d’où qu’elle vienne, non seulement de la part des personnels, ce que prévoyait le dispositif législatif antérieur, mais également de la part des usagers eux-mêmes. Au regard de ce qui précède et, notamment, de la mission particulière du service public d’éducation – former les citoyens de demain attachés à des valeurs communes par-delà leurs différences de convictions religieuses ou politiques –, l’obligation de neutralité, dont fait partie le respect du principe de laïcité, qui s’impose aux personnels des services publics en vertu de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 19835 portant droits et obligations des fonctionnaires, prend évidemment un relief particulier pour les personnels de la communauté éducative auxquels ces élèves sont confiés, et pour lesquels ils constituent souvent des exemples. Le rôle de l’école dans la transmission des valeurs de la République est évidemment central : la laïcité à l’école permet de les faire vivre et partager, parce qu’elle protège et respecte la liberté de conscience de chacun (liberté de croire ou de ne pas croire), parce qu’elle concrétise l’égalité de tous quelle que soit la conviction religieuse des uns et des autres, parce qu’elle construit la citoyenneté autour de règles de vie commune, d’écoute et de respect d’autrui par-delà ses différences, dans l’apprentissage des valeurs communes qui organisent la vie sociale et fondent la fraternité portée par la devise de la République. C’est la raison pour laquelle l’article L. 111-1 du code de l’éducation a été successivement modifié par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école et la loi n° 013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République pour fixer au service public de l’éducation la mission « de faire partager aux élèves les valeurs de la République [et de faire] acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité ». Au-delà de ces textes normatifs, l’institution scolaire œuvre depuis plusieurs années, inlassablement, à mieux faire comprendre et partager le principe de laïcité et les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité qu’il porte : la publication de la Charte de la laïcité à l’école, annexée à la circulaire n° 2013-144 du 6 septembre 2013, ou encore, sur le plan pédagogique, la mise en œuvre en 2015 de l’enseignement moral et civique et celle du parcours citoyen manifestent cette volonté politique. À l’automne 2017, le ministre de l’éducation nationale a annoncé la mise en œuvre d’un nouveau dispositif prolongeant et amplifiant l’ambition de renforcer à l’école la transmission des valeurs de la République et l’apprentissage de la citoyenneté. Son objectif est bien, en assurant le respect du principe de laïcité dans les établissements de l’enseignement public, de faire comprendre que ce principe, qui va de pair avec celui de la neutralité des services publics, est de nature à garantir à tous les élèves et à leur famille un traitement égal, respectueux de la liberté de conscience de chacun, dans une société où, par-delà les particularismes, la fraternité constitue une valeur républicaine fondatrice. Au terme de dix-huit mois de fonctionnement, il s’agissait pour la mission de mesurer les effets du dispositif mis en place début 2018, qui conjugue la réflexion intellectuelle conduite par le Conseil des sages de la laïcité et l’investissement de l’administration centrale et des services académiques au soutien des établissements d’enseignement afin d’apporter des réponses adaptées aux contestations du principe de 4 L’article L. 141-5-1 du code de l’éducation issu de la loi du 15 mars 2004 dispose : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / (…) ». 5 Dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 mentionne désormais expressément le respect du principe de laïcité comme découlant de l’obligation de neutralité imposée aux fonctionnaires : « Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. / Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. / Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. / Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. / (…) ». 2 laïcité sous leurs différentes formes, qu’elles soient le fait des élèves, des familles ou des personnels, et de prévenir la survenance de ces atteintes. Conformément à la lettre de saisine du 15 juillet 2019, la mission s’est attachée à faire un état des lieux de la situation et à analyser la traduction concrète, sur le terrain, des actions mises en œuvre depuis le début de l’année 2018, qu’il s’agisse, d’une part, de la prévention des atteintes au principe de laïcité, ou, d’autre part, des réponses apportées à ces atteintes. Au-delà des points qu’elle était particulièrement chargée d’observer6, elle a porté une attention particulière à la formation initiale et continue des personnels du service public d’éducation sur la question du respect du principe de laïcité. La méthodologie de la mission Outre des personnalités expertes des questions relatives à la laïcité7, la mission a rencontré les responsables de l’administration centrale parties prenantes du dispositif (la secrétaire générale du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, le directeur général de l’enseignement scolaire - DGESCO, le directeur général des ressources humaines - DGRH, la directrice des affaires juridiques - DAJ), ainsi que les deux membres du pôle national « Valeurs de l’École de la République » (VALEREP) placé sous la responsabilité de la secrétaire générale, Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) des deux ministères. Il s’agissait de mesurer l’importance du travail accompli depuis le début 2018 pour le recueil et l’analyse des signalements provenant des académies et l’accompagnement des référents de ces académies, notamment à travers l’animation de sessions de formation et d’un appui au quotidien. Elle s’est également entretenue avec le Conseil des sages, dont le travail et les réflexions contribuent largement à l’enrichissement du vademecum de la laïcité à l’école. Ces entretiens ont ainsi permis à la mission d’appréhender les modalités d’échange et de travail entre les différents acteurs du dispositif et, notamment, entre le Conseil des sages et le pôle national VALEREP. S’agissant des services déconcentrés, la mission a adressé à tous les recteurs un questionnaire portant sur les points suivants8 : – les modalités de communication utilisées dans l’académie pour faire connaître les directives et outils d’accompagnement du dispositif ministériel mis en place à partir de la rentrée 2017 ; – les directives académiques relatives au respect de la laïcité adressées aux écoles et établissements d’enseignement du second degré ; – la composition des équipes académiques « valeurs de la République » ; – l’évolution des signalements en nombre, en qualité et en nature ; – la caractérisation des faits et leur évolution ; – les modes de signalement : les usages de l’application « Faits établissement » et du formulaire ministériel de saisine en ligne ; – l’évolution des modalités de traitement des alertes et d’accompagnement des équipes et les ressources utilisées ; – les liens et interactions entre les échelons locaux, académiques et nationaux ; 6 Ces points, qui figurent explicitement dans la lettre de saisine des inspections générales du 15 juillet 2019 sont les suivants : – la situation effective du respect du principe de laïcité dans les enseignements et dans les établissements ; – l’état des lieux sur les signalements et la caractérisation des faits ; – les modalités de traitement des situations établies ; – l’articulation des différents dispositifs, nationaux, académiques et locaux ; – l’emploi de l’application « Faits établissement » et l’analyse de son efficacité ; – la connaissance, par les acteurs de terrain – directeurs d’école, chefs d’établissement et enseignants –, des dispositifs et des interlocuteurs ; – le mode d’appropriation du principe de laïcité et de son cadre juridique par l’ensemble des acteurs du service public d’éducation aujourd’hui, dix-huit mois après la mise en place du dispositif ministériel. Particulièrement, la question des atteintes au principe de laïcité de la part des personnels a retenu toute l’attention de la mission ; – la pertinence des ressources produites et des interventions effectuées. 7 Cf. annexe 2 : liste des personnes rencontrées par la mission. 8 Cf. annexe 3 : questionnaire adressé aux recteurs. 3 – les partenariats ; – l’articulation éventuelle avec l’action menée sur la thématique de la radicalisation ; – les faits d’atteinte au principe de laïcité imputables à des personnels exerçant dans les écoles et les établissements scolaires : types d’atteintes, modalités de signalement et réponses apportées ; – les ESPé / INSPé et leur contribution à la formation initiale sur la question de la laïcité ; – les modes de régulation académique et locale des actions en faveur de la laïcité et leur évaluation. La mission s’est par ailleurs déplacée dans six académies – Aix-Marseille, Besançon, Bordeaux, Créteil, Lille, et Toulouse – qui, tout en ayant des caractéristiques communes quant à la mise en œuvre du dispositif en faveur du respect de la laïcité, offrent une diversité d’expériences qui ont semblé à la mission susceptibles de l’éclairer sur les réponses apportées aux équipes pédagogiques et éducatives et aux personnels de direction des établissements d’enseignement. Dans chacune de ces académies, la mission s’est entretenue avec les autorités administratives de l’académie, le coordonnateur et des membres de l’équipe académique « valeurs de la République », le directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPé) ou son adjoint, le référent « laïcité » de l’INSPé, des formateurs ainsi que des étudiants et stagiaires de l’Institut, et elle s’est rendue dans des établissements d’enseignement du premier et du second degré, dans lesquels elle a eu des échanges avec les responsables, des membres des équipes pédagogiques et éducatives, des élèves et des parents d’élèves. Dans certaines académies, elle a également pu échanger avec des élus ou personnels des collectivités territoriales. La mission s’est, en outre, entretenue par visioconférence avec les coordonnateurs des équipes académiques « valeurs de la République » et quelques-uns de leurs collaborateurs relevant de sept académies non visitées (Grenoble, Lyon, Montpellier, Nice, Paris, Orléans-Tours, Versailles). Ces échanges et les observations de terrain ont permis à la mission, en complément des réponses des académies au questionnaire qu’elle leur avait adressé, de prendre la mesure du travail déjà réalisé par les équipes académiques et les équipes éducatives des établissements, mais aussi d’avoir des indications sur les leviers à mobiliser pour améliorer la prise en charge des faits signalés et la démarche préventive et pédagogique en faveur d’une laïcité mieux comprise dans les écoles et les établissements scolaires. 1. Mobiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif pour faire comprendre et respecter le principe de laïcité à l’école 1.1. Une approche pragmatique de l’application du principe de laïcité dans les écoles et les établissements d’enseignement du second degré Lors du conseil des ministres du 8 décembre 2017, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a annoncé les mesures qu’il avait prises pour assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements d’enseignement et les raisons pour lesquelles ces mesures lui paraissaient nécessaires. Il relève ainsi que « (…) depuis une trentaine d'années, les remises en cause de ce principe fondateur de la République se sont multipliées, notamment à l'école. Depuis une quinzaine d'années, l'affirmation catégorique et intolérante du fait religieux et des traditions qui en découlent légitime une opposition aux faits éprouvés et au régime de la loi9 ». Il souligne ensuite l’objectif premier du dispositif qu’il a décidé de mettre en œuvre : apporter « un soutien clair (…) aux professeurs » et précise la méthode qu’il a retenue, à savoir dresser « un état des lieux précis des contestations du principe de laïcité auxquelles il faut répondre en se dotant d'une capacité d'intervention qui permette à la fois de sanctionner les atteintes les plus graves et qui organise sur un temps long la formation des personnels ». Il s’agit, autrement dit, de recenser les atteintes au principe de laïcité qui se produisent dans les écoles et établissements du second degré pour que les services académiques et centraux puissent tout à la fois réagir en appui aux équipes pédagogiques et éducatives, en apportant une réponse adaptée à chaque situation particulière, et prévenir leur survenance en travaillant à plus long 9 Communication du ministre en conseil des ministres du 8 décembre 2017, source : pôle national VALEREP. 4 terme les questions ayant trait à la pédagogie dans les différents enseignements et à la formation des personnels. Le dispositif présenté par le ministre le 8 décembre 2017 a été mis en place au début de l’année 2018 et son architecture n’a pas changé depuis lors : il s’agit d’un triptyque constitué, à l’administration centrale du ministère, d’une équipe nationale « laïcité et fait religieux » (dénommée depuis la rentrée scolaire 2018 équipe nationale, ou pôle national « Valeurs de l’école de la République » - VALEREP) et, dans chaque académie, d’une équipe désormais dénommée « valeurs de la République » - VDR, placée sous l’autorité du recteur et chargée de la double mission de prévention et d’intervention en réaction à des faits signalés par une école ou un établissement du second degré et, enfin, d’un Conseil des sages de la laïcité « composé d'experts issus de tous les horizons », chargé de « préciser la position de l'institution scolaire en matière de laïcité et de fait religieux » et de répondre aux sollicitations de l’équipe nationale. Correspondant, à l’administration centrale du ministère, des équipes académiques dont il anime le réseau, le pôle national VALEREP est chargé de leur apporter un soutien opérationnel en recourant si nécessaire aux compétences et à l’expertise des directions de l’administration centrale (DGESCO, DGRH, DAJ…) et du Conseil des sages. Dans chaque académie, l’équipe académique VDR (EA - VDR) vient en appui des équipes des écoles et des établissements en leur fournissant conseils et ressources et en se déplaçant dans les établissements chaque fois que nécessaire. Comme le soulignait le ministre dans sa présentation du 8 décembre 2017, la mission de prévention est également partagée entre les équipes académiques et les services centraux : à partir du « recensement exhaustif de l'ensemble des atteintes au principe de laïcité dans les écoles et les établissements », il appartient aux équipes académiques « de produire une expertise en la matière, d'établir des stratégies pédagogiques pour former à l'esprit critique et à l'enseignement du fait religieux. Sur cette base, il leur revient de diffuser ces connaissances à l'ensemble des personnels de leur académie ». Il incombe parallèlement au ministère de l’éducation nationale d’« approfondi[r] l'enseignement à l'esprit critique des élèves pour leur permettre de mieux distinguer encore les opinions des faits éprouvés » en s’attachant à ce que « l'ensemble des disciplines y contribuent par des objets d'étude concrets ». 1.2. Le recueil des signalements, préalable nécessaire pour agir et prévenir : l’application « Faits établissement » et le formulaire ministériel de saisine en ligne Mise en place en 2015 en vue de simplifier et d’harmoniser les remontées d’incidents à tous les échelons du système éducatif (école, établissement d’enseignement du second degré, département, académie, ministère) aux fins d’un partage efficace de l’information, l’application « Faits établissement » a pour objet d’informer en temps réel les autorités académiques (recteur, inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale - IA-DASEN) et centrales sur les faits préoccupants (parmi lesquels figurent désormais les atteintes au principe de laïcité) survenant dans les établissements scolaires et d’aider au pilotage de l’action éducative grâce à des synthèses régulières. Elle permet d’accélérer la prise en charge des faits les plus graves et d’améliorer l’accompagnement des unités d’enseignement (écoles et établissements d’enseignement du second degré). Par une note du 8 janvier 2018, le directeur du cabinet du ministre a rappelé aux recteurs l’importance de cette application en termes d’aide au pilotage pour les différents niveaux de l’institution et d’alerte du ministère sur les faits les plus graves. Il les a invités à inciter les directeurs d’école et les chefs d’établissement du second degré à l’utiliser, de façon à éviter l’éclatement des modalités de signalement résultant notamment de l’existence de pratiques et d’applications locales de recensement des faits. Cette note souligne également que l’application « Faits établissement » n’est en aucun cas un outil d’évaluation ou de contrôle : « Elle vise, dans un rapport de confiance sur l’ensemble de la chaîne hiérarchique, à informer l’autorité ministérielle, à développer sa visibilité sur l’exposition des établissements scolaires, de leurs personnels et élèves à des violences et incidents graves ». Elle rappelle que les faits à signaler dans l’application sont classés selon trois niveaux de gravité – les faits de niveau 1 demeurant au niveau de l’établissement et n’étant pas portés à la connaissance des services académiques –, tandis que les faits de de niveau 4, faits d’une extrême gravité (actes terroristes, homicides volontaires ou involontaires, agressions violentes…) ne relèvent pas de cette application et nécessitent une remontée auprès de la cellule ministérielle de veille et d’alerte (CMVA). 5 Parallèlement à cette application de recueil des signalements, un formulaire en ligne « atteinte à la laïcité » a été mis à la disposition des personnels de l’éducation nationale sur le site : http://eduscol.education.fr/saisine-laicite/ pour leur permettre de saisir le ministère en cas d’atteinte au principe de laïcité. Dans le message électronique qu’il a adressé à tous les personnels le 25 septembre 201810 pour leur présenter ce formulaire créé à leur intention et leur rappeler la publication récente du vademecum intitulé « la laïcité à l’école », le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse rappelle le rôle déterminant du principe de laïcité pour le contrat social et les valeurs que porte l’école de la République et l’importance d’apporter « une réponse unifiée au regard des grands principes du droit aux atteintes[dont il fait l’objet] dans les enseignements ou la vie scolaire ». Il précise à cet égard que le formulaire leur permet de signaler une atteinte au principe de laïcité et d’obtenir une réponse dans les 24 h, puis de voir leur demande traitée par l’équipe « laïcité et fait religieux » de leur rectorat (désormais équipe « valeurs de la République »). Il rappelle que les établissements peuvent également solliciter ces équipes académiques pour une intervention en soutien des personnels en cas d’atteinte au principe de laïcité. Les instructions ministérielles ainsi que le vademecum incitent par ailleurs les personnels d’encadrement à mettre en place des temps d’information, d’échanges et de concertation avec leurs équipes afin que chacun s’approprie la signification et la portée du principe de laïcité, ainsi que les conditions de sa mise en œuvre et de son respect à l’école, pour permettre à tous les personnels des établissements scolaires de trouver des réponses adaptées à apporter aux situations conflictuelles. Ces concertations et échanges visent également à éviter l’isolement des personnels notamment des enseignants, mis parfois en difficulté devant des revendications, des contestations d’enseignements ou des refus d’activités scolaires. 1.3. Le pôle national, les équipes académiques et l’état des lieux des signalements : un essai de caractérisation des problématiques rencontrées dans les écoles et les établissements du second degré, ainsi que de leur évolution 1.3.1. Le pôle national « Valeurs de l’école de la République » (VALEREP), un observatoire des signalements et un point d’entrée unique pour les équipes académiques dont il assure le lien avec les directions d’administration centrale et le Conseil des sages de la laïcité Le pôle national VALEREP a été créé dans un contexte particulier. En réponse à un besoin de coordination du travail mené sur la question de la radicalisation par les différentes directions de l’administration centrale (DGESCO, DGRH, DAJ…), qu’avait identifié la secrétaire générale des ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Haut fonctionnaire de défense et de sécurité des deux ministères, lors de sa prise de fonctions, il avait été décidé à l’automne 2017 de confier cette coordination au HFaDS (Haut fonctionnaire adjoint de défense et de sécurité, placé auprès du HFDS) des deux ministères qui, sur la question de la radicalisation, travaille sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Parallèlement, il a également été décidé de placer sous l’autorité du HFaDS le pôle national VALEREP et de lui confier la coordination des équipes académiques « valeurs de la République » (jusqu’alors dénommées « laïcité et fait religieux »), par cohérence avec le plan national de prévention de la radicalisation, édicté le 23 février 2018, qui fait de l’école la première institution à mobiliser pour assurer la compréhension et le partage des valeurs de la République par les citoyens, au travers du respect du principe de laïcité et de son application sur tout le territoire. La première mesure de ce plan, qui en compte au total 60, consiste en effet à « Développer les dispositifs de soutien à la laïcité aux niveaux national et académique, en les adaptant aux besoins locaux [et à] renforcer la formation aux valeurs républicaines des enseignants et de l’ensemble des personnels de la communauté éducative ». Les deux dispositifs de promotion du principe de laïcité et de prévention de la radicalisation, s’ils sont tous deux gérés par les services du HFaDS des deux ministères, sont toutefois distincts, tant du point de vue organisationnel que de celui des procédures. Sur une trentaine de personnes exerçant dans les services du HFaDS, deux assurent le travail de coordination du dispositif de promotion de la laïcité, dont le suivi est placé sous la responsabilité de la secrétaire générale des deux ministères. Le dispositif de prévention de la radicalisation est pour sa part placé sous la responsabilité du HFaDS, lui-même placé dans ce domaine sous l’autorité du ministre de l’intérieur. 10 Cf. annexe 4 : message électronique adressé par le ministre à tous les personnels de l’éducation nationale le 25 septembre 2018, source : pôle national VALEREP. 6 Le pôle VALEREP, « point d’entrée au ministère pour toutes les équipes académiques », occupe ainsi une place privilégiée pour observer les remontées quotidiennes qui proviennent des académies par des canaux divers, qu’il s’agisse de l’application « Faits établissement », de faits signalés par des personnels de l’éducation nationale via le formulaire ministériel de saisine en ligne – hors tout lien hiérarchique – ou par d’autres modalités (courriers électroniques, appels téléphoniques, notamment). Les remontées académiques trimestrielles donnent par ailleurs une photographie des faits signalés dans les académies dont l’analyse lui permet de dégager des tendances au niveau national sur les faits récurrents ou sur des situations inédites ou rarement rencontrées, en même temps qu’elles permettent à chaque équipe académique de mettre en place les actions de formation les mieux adaptées destinées aux personnels. C’est grâce à ce positionnement central que le pôle national a pu observer l’émergence de nouveaux comportements contraires au principe de laïcité ou d’attitudes à caractère communautaire (cas d’élèves qui décident de s’isoler en classe ou durant une activité, ou au contraire de se regrouper en affirmant une appartenance religieuse ou à une région d’origine), ou encore une montée en puissance des signalements concernant le premier degré dans certaines académies. C’est également grâce à ce positionnement que le pôle national VALEREP a constaté qu’il était de plus en plus fréquemment saisi par les coordonnateurs académiques de demandes de conseils avant même que des situations contraires au principe de laïcité ne se produisent, à des fins d’anticipation des difficultés, ce qui démontre que les chefs d’établissement scolaire et, par suite, les équipes académiques chargées d’apporter des réponses à leurs questions s’inscrivent désormais davantage dans une logique de prévention des contestations du principe de laïcité permettant d’assurer plus efficacement son respect. Les remontées académiques destinées au pôle national VALEREP : les principales tendances Depuis le printemps 2018, les académies ont fait remonter tous les trimestres des synthèses des informations relatives aux atteintes au principe de laïcité sur leur territoire. On constate quelques constantes, mais aussi une tendance à la baisse du nombre des signalements d’atteinte au principe de laïcité, qui ne signifie pas forcément une baisse des atteintes à ce principe dans la réalité, car les académies ont développé des outils et des stratégies permettant de construire localement, au niveau des établissements scolaires, des réponses adaptées, ce qui amène fréquemment les directeurs d’école et chefs d’établissement du second degré à s’exonérer du signalement du fait concerné. « Coordonnateur des coordonnateurs académiques » comme il se définit, le pôle national VALEREP est le référent des coordonnateurs académiques, mais il se tourne vers les directions d’administration centrale compétentes et vers le Conseil des sages lorsqu’il ne peut répondre aux questions qui lui sont adressées ou qu’il a des doutes sur la réponse à y apporter. Il accompagne les équipes académiques depuis la mise en place du dispositif ministériel afin d‘apporter des réponses adaptées et validées en droit aux situations pratiques auxquelles elles sont confrontées. Il met à leur disposition des outils de travail utiles, grâce à des journées de formation et à la transmission de ressources. Il s’emploie surtout à analyser de façon précise les remontées trimestrielles des académies, ce qui l’a conduit à proposer, entre autres, une typologie des faits signalés distinguant cinq catégories différentes d’atteintes au principe de laïcité, à savoir le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, la contestation d’un enseignement ou contenu d’enseignement (ou, pour les personnels des établissements d’enseignement, un enseignement non conforme au principe de laïcité), le refus d’une activité scolaire (ou, pour les personnels des établissements d’enseignement, le refus d’exécution du service), la suspicion de prosélytisme, la cinquième catégorie regroupant tous les « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement ». Il ressort de l’analyse des remontées trimestrielles des équipes académiques opérée par le pôle national VALEREP que les faits d’atteinte à la laïcité sont d’abord le fait d’élèves (57 %), de parents d’élèves (23 %), de personnels (11 %) et d’autres personnes extérieures aux établissements (9 %). Entre janvier 2018 et novembre 2018, 931 faits d’atteinte au principe de laïcité ont été recensés. Ce chiffre prend en compte trois remontées trimestrielles. Il couvre en réalité différentes situations allant du port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse (20 % des faits) au refus d’une activité scolaire ou, pour les personnels, d’exécution du service (16 %), en passant par la contestation d’un enseignement ou contenu 7 d’enseignement (13 % des faits) et à la suspicion de prosélytisme (11 % des faits). Mais ce qui apparaît de manière régulière dans les remontées trimestrielles des équipes académiques, ce sont les « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement », soit 40 % des faits signalés, catégorie qui renseigne peu sur la nature de ces faits. La mission a constaté que de nombreuses académies placent dans cette catégorie des demandes de conseils adressées par des chefs d’établissement, des directeurs d’école ou des personnels sur des questions très variées relatives au principe de laïcité dans le système éducatif, sans que des atteintes effectives à ce principe aient eu lieu. Durant les trimestres observés, s’étalant de janvier 2018 à juillet 2019, le nombre des faits d’atteinte au principe de laïcité demeure cependant relativement faible, même si l’on observe une hausse significative lors de la seconde remontée correspondant à la période avril-juillet 2018 (402 faits signalés, contre 235 le trimestre précédent), cet accroissement étant pour l’essentiel dû à la mise en ligne du formulaire ministériel de saisine destiné aux personnels de l’éducation nationale. Sur la totalité de la période observée (de janvier 2018 à août 2019), la moyenne des faits signalés chaque trimestre s’élève à 284. La moitié de ces signalements proviennent de six académies11. La relative stabilité des signalements telle qu’elle ressort des données chiffrées est à considérer avec prudence. En effet, étant désormais bien identifiées par les écoles et les établissements d’enseignement du second degré, les équipes académiques « VDR » sont de plus en plus directement sollicitées (par mél, par téléphone) en cas de difficulté ou encore pour des demandes de conseils, ce qui conduit ensuite les personnels de direction des établissements d’enseignement et leurs équipes à gérer eux-mêmes localement et de façon autonome des contestations du principe de laïcité, sans nécessairement les signaler à l’équipe académique, ou via l’application « Faits établissement », si bien que le pôle national VALEREP n’en est pas informé. Ainsi, il est significatif de constater qu’entre janvier 2018 et juillet 2019, les faits signalés directement aux équipes académiques sont passés de 38 % à 49 %. La mission constate ainsi que si la culture du signalement s’installe effectivement dans le système éducatif, la mesure de sa progression demeure difficile. 1.3.2. Les faits d’atteinte à la laïcité : les principales évolutions observées par la mission Si le nombre des signalements d’atteinte au principe de laïcité reste globalement assez faible, il convient, au-delà de l’importance relative à accorder aux données chiffrées disponibles, de noter des évolutions qui tiennent, pour une part, à une progression – variable selon les académies – des faits affectant le premier degré, mais aussi et surtout à la mise en lumière de revendications qui déstabilisent les équipes éducatives et engendrent un besoin de conseil et d’accompagnement, ce qui témoigne d’un nouveau contexte : celui de l’importance de la prévention et de l’anticipation des éventuelles difficultés qui pourraient se présenter. Autre élément observable, le nombre de signalements d’atteinte à la laïcité varie substantiellement selon les académies : sur la période observée (de janvier 2018 à août 2019), deux académies signalent un seul fait, une académie en a signalé trois, tandis que d’autres ont signalé jusqu’à 96 faits, l’académie la plus touchée en signalant 106. Il convient à cet égard de relever que le nombre de faits signalés est très peu corrélé à la taille de l’académie ou, plus précisément, à ses effectifs d’élèves et de personnels. On peut aussi s’interroger sur le fait que six académies sur 30 regroupent 60 % des signalements : est-ce en raison d’« effets-territoires » que connaissent certaines académies qui comptent de nombreuses écoles et établissements publics d’enseignement relevant de l’éducation prioritaire ou situés dans des « quartiers politiques de la ville » (QPV), ou dont certains contextes (écoles, collèges…) se caractérisent par une faible mixité sociale – et dans lesquelles la culture du signalement est plus ancienne, plus habituelle et mieux admise –, ou est-ce le résultat d’une communication plus appuyée des autorités académiques et, par suite, d’une plus forte sensibilisation des directeurs d’école et chefs d’établissement à la question de la laïcité ? Un accroissement des atteintes signalées dans le premier degré, une stabilisation dans les collèges et une baisse dans les lycées publics De janvier 2018 à juillet 2019, la part occupée par le premier degré dans le recensement des faits signalés passe de 23 à 37 %, celle des collèges passe de 54 à 44 % tandis que celle des lycées passe de 23 à 19 %. Les 11 Il s’agit en l’espèce des académies de Créteil, Versailles, Toulouse, Nice, Grenoble et Montpellier, source : pôle national VALEREP. 8 faits signalés connaissent des variations selon les périodes : ainsi, les suspicions de prosélytisme comme les ports de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse restent stables, tandis que les refus d’activité scolaire enregistrent une augmentation durant les périodes d’examen (coïncidant par exemple avec des périodes de fêtes religieuses). Le premier degré et les signalements d’atteintes au principe de laïcité De nombreuses académies font état d’un accroissement des signalements d’atteintes au principe de laïcité dans le premier degré. En réalité, cet accroissement recouvre aussi bien les atteintes effectives au principe de laïcité que les demandes de conseils adressées aux équipes académiques. Dans le même ordre d’idée, si l’académie d’Aix-Marseille enregistre une augmentation des signalements dans le premier degré, ces signalements mêlent en réalité faits de violence et faits d’atteinte à la laïcité. Le constat de l’augmentation stricto sensu des atteintes à la laïcité dans le premier degré est néanmoins partagé par plusieurs académies. L’académie de Toulouse avance ainsi que si « les signalements proviennent toujours en majorité des collèges (44,8 %), ils sont en constante augmentation dans les écoles primaires (34,4 % des situations) ». De son côté, l’académie de Lyon constate une augmentation entre 2018 et 2019 de faits d’atteinte à la laïcité prenant la forme d’intimidations, d’insultes à caractère raciste convoquant comme argument les habitudes alimentaires basées sur des prescriptions religieuses. Par ailleurs, plusieurs atteintes à la laïcité sont décrites par les académies comme n’étant pas toujours volontaires ou conscientes, ou encore comme relevant parfois de comportements qui tiennent davantage de la provocation que de l’opposition d’arguments religieux aux valeurs de la République. Une académie rapporte ainsi le propos d’un élève affirmant que « les chrétiens sont des voleurs ». Dans le premier degré, les atteintes au principe de laïcité ont souvent pour auteurs les parents d’élèves qui remettent en cause, au nom de leurs convictions religieuses, la légitimité de certains enseignements, voire de certains choix pédagogiques : refus que leurs enfants étudient certaines théories scientifiques contraires à des préceptes religieux, ou des romans tels que Harry Potter qui font selon eux l’apologie de la sorcellerie, refus qu’ils visitent des églises ou des cathédrales, refus que leurs filles aillent à la piscine où elles montrent leurs corps, refus des enseignements sur la reproduction ou de l’éducation à la sexualité… Si on ne peut pas démontrer, sur une base objective, que la manifestation de ces contestations s’est fortement amplifiée dans le premier degré, beaucoup d’académies mentionnent « en creux » cette tendance en soulignant que la méconnaissance par les enseignants, et parfois les directeurs d’école, des conditions et règles d’application du principe de laïcité conduit à minorer les signalements d’atteintes à la laïcité ou tout simplement à ne pas les faire, parce que les personnels ne les perçoivent pas ou encore s’y habituent et finissent par s’en accommoder. Cette forme d’accommodement est parfois relevée dans des zones géographiques déterminées, ce que d’aucuns désignent sous l’appellation d’« effet-territoire ». Une académie souligne ainsi que « Les remontées du premier degré paraissent peu nombreuses, anormalement sur certaines zones géographiques, où se concentrent des groupes ultra-communautarisés ». Pour une autre EA-VDR, il existe dans le premier degré des réserves de la part des directeurs d’école qui craignent de voir stigmatisé leur établissement, mais aussi de se confronter à des sensibilités politiques locales lorsqu’il s’agit notamment de rappeler les règles en vigueur à des agents municipaux qui ne respectent pas le principe de laïcité. Un IA-DASEN avance, pour sa part, que « dans le premier degré, on a assez peu de signalements car il y a une méconnaissance des outils, du vademecum notamment, et de tout ce qui peut aider à comprendre la laïcité. De ce fait, le signalement par l’application "Faits établissement" se concentre sur la violence… À cela s’ajoute l’impression, pour celui qui signale, de faire de la délation ou de l’islamophobie ». Les signalements dans le premier degré font également apparaître une méconnaissance du principe de laïcité chez des agents de statuts divers relevant parfois d’administrations différentes qui interviennent dans les écoles. Ainsi, plusieurs académies constatent que les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et les personnels intervenant dans les temps périscolaires sont peu au fait du devoir de neutralité, notamment religieuse, qui s’impose aux agents des services publics. Or, les tensions résultant de l’intervention dans l’école d’acteurs extérieurs à l’éducation nationale ne peuvent être apaisées que par le biais d’un travail commun et partenarial avec les collectivités territoriales, qui ne peut être conduit au seul niveau des directeurs d’école et chefs d’établissement du second degré. 9 Les demandes ou revendications dans le premier degré Les demandes des parents d’élèves portent principalement sur des aménagements des activités scolaires durant les périodes de pratique religieuse (dispenses d’activités physiques et sportives pendant le ramadan notamment), sur des aménagements du temps scolaire (demandes de modification des horaires de repas ou demandes d’autorisation d’absence lors des fêtes religieuses par exemple), sur l’alimentation servie à la cantine quand l’élève est demi-pensionnaire (refus de manger la viande non halal) ou encore sur la mise à disposition d’une salle de prière lors de voyages scolaires. Comme le soulignent plusieurs académies, les parents d’élèves n’invoquent d’ailleurs pas toujours des motifs religieux à l’appui de leurs demandes. Ces demandes ne sont pas nouvelles, mais, selon plusieurs académies, elles sont de plus en plus nombreuses. Elles semblent également prendre des formes nouvelles, dans une académie ou une autre, par exemple, lorsque des parents exigent des aliments halal lors d’une fête de fin d’année organisée par l’école. Ces revendications qui concernent souvent des questions relevant de la vie scolaire s’avèrent en réalité dommageables pour les apprentissages car, outre qu’elles génèrent des tensions entre les enfants et du mal-être pour nombre d’entre eux, elles placent certains élèves au cœur d’un conflit de légitimité et de loyauté, entre les exigences de la famille et celles de l’école, qu’il est très difficile à de jeunes enfants de résoudre. Voilà pourquoi l’un des enjeux majeurs soulignés par les académies, et notamment celles visitées par la mission, consiste à promouvoir le principe de laïcité à travers la pédagogie, le débat et les échanges avec les élèves. Les évolutions constatées dans le second degré quant à l’application du principe de laïcité La nouvelle politique engagée en 2017 repose sur le constat que les personnels de l’éducation nationale ne peuvent pas faire face seuls aux atteintes à la laïcité et au non-respect des valeurs de la République auxquels ils sont confrontés. C’est dans cet objectif qu’il a été demandé aux chefs d’établissement et aux personnels d’inspection de signaler les atteintes au principe de laïcité se produisant dans leur établissement ou territoire d’activité, afin que l’administration académique et l’administration centrale puissent apporter à chaque situation une réponse appropriée, en soutien du personnel et du chef d’établissement qui la rencontre. Plusieurs équipes académiques font cependant état d’une sensibilité très inégale des chefs d’établissement du second degré à la nécessité du signalement des atteintes à la laïcité, ce que semble confirmer la disparité du nombre des signalements entre les académies (cf. supra), même s’il est difficile de la mesurer, et surtout de l’expliquer : est-ce que les chefs d’établissement estiment inutile de faire le signalement d’une situation qu’ils ont su parfaitement gérer à leur niveau ? Est-ce qu’ils ne voient pas ou ne sont pas informés des atteintes à la laïcité qui se produisent dans leur établissement ? Est-ce qu’ils ne perçoivent pas l’intérêt d’un signalement pour leur établissement, pour leurs équipes et pour eux-mêmes ? Est-ce que les problèmes que rencontre leur établissement sont tels qu’ils les conduisent à donner la priorité au signalement des faits les plus graves, tels que les violences ? Des équipes académiques estiment que, comme dans le premier degré, les signalements recueillis dans le second degré en matière d’atteintes au principe de laïcité ne correspondent pas à « toute » la réalité, notamment pour l’ensemble des raisons qui viennent d’être évoquées. Quant aux académies qui affichent le nombre de signalements le plus élevé, est-ce parce qu’elles sont effectivement plus exposées que les autres aux atteintes à la laïcité ? Ou est-ce parce que les chefs d’établissement sont plus habitués à procéder au signalement des faits perturbant le fonctionnement de leur établissement ? Ou parce que la communication des autorités académiques incitant au signalement a été plus convaincante et efficace ? De même, comment expliquer que, dans le second degré, quelques académies connaissent un accroissement du nombre de signalements alors que d’autres constatent une stabilisation, voire une légère baisse de ce nombre ? Dans le premier cas, s’agit-il d’une plus grande sensibilité à l’intérêt du signalement qui s’affirme dans certaines académies en raison de la réactivité des équipes académiques par exemple, ce qui pourrait expliquer l’augmentation des demandes de conseils ou d’aide et d’accompagnement pour faire face aux difficultés ? Dans le second cas, la stabilisation, voire la baisse du nombre de signalements trouve-t-elle sa cause dans la meilleure capacité des chefs d’établissement à régler les problèmes, grâce au vademecum et aux conseils obtenus de l’équipe académique à l’occasion de situations déjà rencontrées, ou grâce aux enseignements tirés d’expériences précédentes ? 10 L’ensemble de ces questions démontre en tout état de cause que les chiffres relatifs aux signalements recueillis par les outils du dispositif ministériel ne peuvent, en l’état actuel des choses, être regardés comme des statistiques, mais qu’ils peuvent néanmoins permettre de dégager des tendances dont l’analyse peut guider utilement la communication et la politique académique ainsi que l’activité de l’EA-VDR, en termes de formation des personnels en particulier. La contestation de certains enseignements s’affirme et donne parfois lieu à des stratégies d’évitement Sur la période observée (janvier 2018 à août 2019), ce sont les collèges et les lycées professionnels qui demeurent les plus exposés aux faits d’atteinte à la laïcité. Les contestations d’enseignements et les refus d’activités pédagogiques augmentent dans les disciplines expérimentales, l’histoire, ainsi que dans les disciplines artistiques selon plusieurs académies. L’académie de Clermont-Ferrand, qui constate que le second degré est davantage affecté que le premier degré, le souligne : « Les atteintes signalées concernent tout autant le port de signes que des contestations d’enseignements ou des refus d’activités ». L’académie de Lyon relève également un accroissement des refus d’activités notamment en éducation physique et sportive (EPS) et, comme d’autres académies (Versailles, Besançon…), elle signale aussi l’augmentation de la part des contestations d’enseignements, notamment dans les disciplines du pôle « humanités ». Les signalements enregistrent également une forme de « saisonnalité », ainsi que le relèvent les académies de Grenoble et d’Orléans-Tours, notamment durant les périodes de pratique religieuse intense ou de fêtes religieuses qui conduisent à de l’absentéisme ou à des demandes d’aménagement du service public d’éducation. Les contestations d’enseignements et refus d’activités pédagogiques ne sont pas toujours explicites car ils prennent parfois la forme d’un évitement. Comme le souligne une académie, « ces contestations ne s’expriment pas toujours de façon démonstrative. L’une des difficultés des établissements est de pouvoir les repérer à travers des signaux, des stratégies de contournement, des motifs d’absentéisme ». En outre, l’augmentation des signalements de contestation d’enseignements peut également traduire une plus grande confiance qui se serait installée entre les enseignants et les chefs d’établissement, qui amènent les premiers à davantage en faire part à leur supérieur hiérarchique. La catégorie des « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement » couvre le plus souvent des atteintes aux valeurs de la République, mais aussi des demandes de conseils sans que des atteintes à la laïcité se soient produites Actuellement, près de 40 % des faits signalés via l’application « Faits établissement » sont regroupés dans la catégorie « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement ». Cette catégorie des « autres faits » recouvre des faits établis d’atteinte à la laïcité, mais aussi des faits qui en réalité n’en sont pas et des demandes de conseils adressés aux équipes académiques par les écoles ou établissements d’enseignement du second degré. Ainsi, l’académie de Montpellier explique : « Ce sont des faits isolés dans des établissements distincts et des contextes différents. Leur traitement révèle souvent l’absence de remise en cause délibérée du principe de laïcité par les élèves. C’est le cas en particulier d’un cri proféré par un élève (faisant l’éloge du dieu des musulmans) ; en effet, le dialogue ouvert par l’équipe éducative avec la famille et l’élève a permis de constater que ce cri n’était pas une atteinte au principe de laïcité car il a été proféré sans intention ni discernement. Les parents n’ont d’ailleurs pas validé l’attitude de leur enfant ». Il ressort ainsi des éléments recueillis par la mission que les signalements mentionnés dans la rubrique « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement » de l’application « Faits établissement » recouvrent des faits aussi différents – tant par la diversité des situations (situations « scolaires » proprement dites, ou contextes extérieurs aux situations d’enseignement) que par celle des acteurs impliqués (élèves, parents d’élèves, personnels…) – que le port d’un burkini par une élève de CM2, des insultes en raison d’une appartenance religieuse réelle ou supposée, des insultes et des menaces de mort exprimées par des élèves en référence à Daesh, des cris invoquant le dieu d’une religion, le refus de serrer la main à des femmes ou le refus d’un élève d’adresser la parole à une femme professeur, le refus de parents d’élèves de serrer la main de personnels d’un établissement, l’interdiction faite à des filles d’accéder au foyer des élèves parce qu’elles ne sont pas de confession musulmane, des attitudes de rejet manifestées par des élèves à l’égard de leurs camarades ne respectant pas les préceptes religieux prohibant la consommation de certains aliments, des demandes d’aménagement d’emploi du temps scolaire ou de 11 service d’enseignement en période de fêtes religieuses, la demande d’un élève du premier degré ou d’un élève interne de pouvoir pratiquer ses prières hors des temps de classe, la demande de création d’une aumônerie, le non-respect par des élèves de la minute de silence en hommage au colonel Beltrame, la pratique de ses prières sur le lieu de travail par un personnel, des propos à connotation religieuse tenus par un enseignant lors d’une journée de formation, la distribution de la Bible aux élèves à la sortie d’un établissement scolaire, l’affichage de tracts aux abords des établissements, la décision prise par une collectivité territoriale de supprimer le menu de substitution proposé jusqu’alors en restauration scolaire… Certains de ces faits sont incontestablement des atteintes au principe de laïcité, d’autres n’en sont manifestement pas (tels que la demande de création d’une aumônerie, ou la demande d’un élève interne de pouvoir pratiquer ses prières hors des temps de classe…), d’autres n’en sont pas nécessairement (par exemple la décision prise par une collectivité territoriale de supprimer le menu de substitution proposé jusqu’alors en restauration scolaire, ou l’affichage de tracts aux abords d’un établissement scolaire…), d’autres encore relèvent peut-être de provocations d’adolescents ou de conflits relationnels sans lien avec les convictions religieuses (tels que des cris par lesquels des élèves invoquent le dieu d’une religion, ou le refus de parents d’élèves de serrer la main des personnels d’un établissement…), d’autres encore peuvent manifester des comportements sexistes, ou à connotation raciste ou antisémite (par exemple le refus d’un élève d’adresser la parole à une femme professeur…), ce qui démontre en définitive la difficulté parfois éprouvée pour faire la distinction entre atteinte à la laïcité et atteinte aux autres valeurs de la République dans la saisine et le renseignement de l’application « Faits établissement ». La mission a également relevé que la catégorie des « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement » regroupait une part importante de demandes de conseils, en augmentation selon plusieurs académies, que des directeurs d’école ou chefs d’établissement adressent aux équipes académiques « valeurs de la République » alors même qu’aucune atteinte à la laïcité ne s’est encore produite. En effet, selon les éléments recueillis par la mission auprès des équipes académiques, elles sont fréquemment sollicitées par les personnels de direction et d’inspection qui veulent clarifier des points juridiques afin de prévenir d’éventuels conflits ou tensions. Ces demandes de conseils témoignent à la fois de l’installation d’un climat de confiance entre les équipes éducatives des établissements scolaires et les EA-VDR et d’une prise de conscience des enjeux liés au principe de laïcité de la part des personnels d’encadrement, qui les conduisent à anticiper les situations délicates susceptibles de se présenter, dans un objectif de prévention. Mais si ces demandes de conseils dénotent certainement une plus grande sensibilisation des équipes éducatives des établissements d’enseignement aux enjeux attachés à l’application du principe de laïcité dans le système scolaire et à l’importance de la prévention des contestations dont il pourrait faire l’objet, elles peuvent aussi avoir un caractère purement ponctuel, au gré des problèmes rencontrés au quotidien. Les demandes de conseils oscillent entre une logique réactive et une logique de prévention Les demandes de conseils figurant dans la catégorie « autres faits perturbant le fonctionnement de l’établissement » ne sont pas toujours le signe d’une meilleure appréhension de la question de la laïcité à l’école et de la démarche de prévention dont elle s’accompagne. L’académie de Rennes constate ainsi que la démarche préventive reste peu fréquente et les académies de Lille et de Toulouse relèvent que certains chefs d’établissement ne prennent conseil auprès des équipes académiques que bien après avoir pris des décisions pour gérer des situations plus ou moins conflictuelles. D’autres académies indiquent que, fréquemment, les demandes de conseils qui leur sont adressées révèlent une méconnaissance du vademecum. Certaines demandes de conseils sont ainsi récurrentes selon les équipes académiques : elles portent notamment sur la question du port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse par des parents d’élèves accompagnant des sorties scolaires, par les personnels des collectivités territoriales (ATSEM, ATTEE, personnels périscolaires…), par un élève dans une entreprise pendant une période de formation en milieu professionnel, sur les différences entre un signe ou tenue manifestant une appartenance religieuse et une coiffure « à la mode » ou un effet de « look » adolescent consistant pour des élèves à porter des chapelets autour du cou, sur les visites de lieux de culte prévues lors de sorties scolaires, sur les demandes d’aménagement d’horaires de certaines activités scolaires telle l’EPS durant la 12 période du ramadan, sur la démarche à adopter face à des associations se livrant au prosélytisme (exemple des Gédéons à La Réunion), sur les contestations d’enseignements heurtant des croyances religieuses, etc. C’est la raison pour laquelle certaines académies comme celle de Besançon ont mis à disposition des chefs d’établissement et des personnels enseignants et d’éducation une adresse électronique – appelée, en l’occurrence, « Questions de laïcité » – permettant une prise de contact rapide avec l’équipe académique au sujet d’interrogations pratiques. Il n’en reste pas moins que, motivées ou non par une démarche préventive de la part de personnels de plus en plus sensibilisés aux enjeux du principe de laïcité à l’école, les demandes de conseils adressées aux EA-VDR augmentent, selon la majorité des académies. Or, la comptabilisation des demandes de conseils et d’informations dans le tableau recensant les « faits d’atteinte au principe de laïcité » de l’application « Faits établissement » perturbe, dans la mesure où une telle atteinte n’a en réalité pas eu lieu, la représentation institutionnelle des faits d’atteinte à la laïcité issus des remontées des académies. Pour autant, il doit être bien entendu que le signalement aux académies et au pôle national VALEREP des demandes de conseils constitue un élément d’information précieux parce qu’il permet en tout premier lieu d’éclairer en retour les équipes de terrain dans une perspective à la fois préventive et pédagogique, mais également d’améliorer ou d’orienter, aux niveaux académique et ministériel, la communication et les dispositifs de formation. Ce point est d’autant plus important qu’il peut renseigner également sur les divergences d’appréciation d’un événement au plan local, comme le souligne l’académie de Strasbourg qui avance ainsi que « Bien que la remontée trimestrielle ne soit pas un rapport d’activité de l’EA-VDR, cette dernière avait fait le choix d’intégrer les demandes de conseils au bilan trimestriel parce que, bien souvent, ces demandes de conseils étaient suscitées par des avis divergents au sein de la communauté éducative ». La mission voit dans les demandes de conseils et d’informations adressées aux équipes académiques une source d’informations précieuse sur l’appropriation par les équipes éducatives des questions posées par l’application du principe de laïcité à l’école, de nature à permettre à l’institution d’améliorer les outils juridiques et pédagogiques qu’elle met à leur disposition pour y répondre, ainsi que les formations qu’elle leur délivre. L’application « Faits établissement » devra cependant être adaptée afin de distinguer ces demandes de conseils de ce qui relève des atteintes effectives au principe de laïcité. 1.4. Les outils et voies de signalement : l’application « Faits établissement », les contacts directs entre les établissements scolaires et les EA-VDR et le formulaire ministériel de saisine en ligne La mission a cherché à rendre compte des modalités selon lesquelles s’opère le signalement et de voir dans quelle mesure il offre une visibilité aux équipes académiques et au pôle national VALEREP quant au respect du principe de laïcité. Elle a également cherché à en apprécier la pertinence tant au plan de la prévention des atteintes à ce principe que pour ce qui a trait à l’accompagnement des équipes éducatives à plus ou moins long terme. En préliminaire, il convient de relever que les différents outils et modalités de signalement des faits d’atteinte à la laïcité dans le système scolaire – application « Faits établissement », formulaire ministériel de saisine en ligne, courriers électroniques à l’adresse de messagerie dédiée à la saisine de chaque équipe académique « VDR », appels téléphoniques sur la ligne téléphonique dédiée à chacune d’elles – ne semblent pas avoir conduit à l’accroissement significatif du nombre de faits signalés. C’est également l’observation que fait, à un niveau plus global que celui du seul champ scolaire, le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, qui relève que « si des renforcements de tendance peuvent être constatés, le nombre d’atteintes à la laïcité n’augmente pas substantiellement. » 1.4.1. L’application « Faits établissement » L’application « Faits établissement », mise en place en 2015, est bien utilisée par les écoles et les établissements scolaires du second degré, mais elle reste fondamentalement identifiée comme un outil permettant de signaler surtout les faits de violence et moins les faits d’atteinte à la laïcité. 13 Les avantages de l’application « Faits établissement » selon les académies Hormis l’académie de Paris et l’académie de Poitiers qui disposent de leur propre outil de signalement, toutes les académies ont recours à l’application « Faits établissement », qui constitue pour elles la principale voie de signalement, devant les contacts directs (contacts téléphoniques, courriels), les signalements via le formulaire en ligne arrivant en dernière position. Les académies qui l’utilisent soulignent que l’application « Faits établissement » leur permet de prendre très vite connaissance des problèmes et d’apporter, si cela est nécessaire, une réponse rapide aux équipes éducatives. Mais, comme le mentionne l’académie de Clermont-Ferrand, dans la mesure où cette application est davantage utilisée pour signaler les faits de violence, elle n’est pas toujours perçue par les chefs d’établissement comme un moyen permettant d’informer l’académie et le pôle national sur les faits d’atteinte à la laïcité. L’académie d’Orléans-Tours souligne pour sa part la confusion qui peut exister entre faits de violence et faits d’atteinte à la laïcité, ce qui brouille en quelque sorte l’appréciation des faits signalés dans l’application « Faits établissement ». De son côté, l’académie de Strasbourg pointe, au regard du faible recours à l’application « Faits établissement » dans cette académie (quatre signalements par cette voie sur un total de trente-trois signalements entre janvier 2018 et août 2019), une réelle difficulté d’appropriation de cet outil par les équipes éducatives. Plusieurs académies confirment cependant que les personnels de direction et les directeurs d’école se sont bien approprié l’application « Faits établissement », même si elles relèvent aussi que les faits relevant des niveaux 1 et parfois 2 n’y sont pas systématiquement inscrits. Plusieurs académies soulignent les avantages que leur offre cette application. Pour l’académie de Toulouse, « Faits établissement » permet d’identifier les personnes ressources, de repérer les signaux faibles et d’observer les grandes tendances académiques. L’académie de Limoges y voit le moyen de repérer les « effets-territoires » mais aussi « les effets-niveaux d’enseignement » (premier degré et second degré). La possibilité d’un suivi « en temps réel » des faits est soulignée par l’académie d’Orléans-Tours, qui mentionne également l’atout d’un partage immédiat de l’information à tous les niveaux. La Guyane mentionne l’importance de la « traçabilité » de l’action collective dès qu’un fait est avéré et qu’il nécessite l’engagement d’une procédure administrative ou judiciaire. L’académie de Grenoble estime que l’application « donne une caractérisation suffisante [des faits] pour agir ». Pour sa part, l’académie de Lyon souligne que l’application permet d’apporter des réponses rapides aux équipes éducatives des établissements. Le coordonnateur de l’EA-VDR de cette académie souligne que « l’application est bien installée dans l’académie et, quand le signalement est fait hors de cette application, soit par téléphone ou par l’adresse e-mail, on demande [au signalant] de régulariser sur "Faits établissement" ». La mission a relevé que, dans certains cas, le fait que le chef d’établissement informe les parents d’élèves qu’il sera tenu de signaler via l’application « Faits établissement » leur demande d’aménagement du service public d’éducation pour des motifs religieux les conduit à ne pas la maintenir. De nombreux interlocuteurs de la mission, comme les questionnaires renseignés par les académies, font cependant état de la conviction selon laquelle tous les faits d’atteinte à la laïcité dans les établissements scolaires ne sont pas signalés, ce qui ne signifie pas, pour autant, l’absence d’une prise en charge au niveau local des atteintes au principe de laïcité. Si d’autres modalités de signalement – les contacts par téléphone ou par courrier électronique, le formulaire ministériel de saisine en ligne – qui coexistent avec l’application « Faits établissement » peuvent venir la concurrencer, c’est aussi parce qu’elles sont parfois considérées comme permettant d’obtenir une réponse plus immédiate de la part des équipes académiques. Les limites de l’application « Faits établissement » L’application « Faits établissement » est essentiellement utilisée par les chefs d’établissement et les directeurs d’école pour signaler les faits de violence. Les faits d’atteinte à la laïcité n’occupent, de fait, qu’une faible place dans les faits signalés, sans doute parce qu’ils paraissent moins prioritaires que les faits de violence. En outre, comme l’observe l’académie de Créteil, l’urgence amenant les établissements à devoir répondre rapidement aux faits prend parfois le pas sur le signalement. Les différents interlocuteurs de la mission ont également souligné qu’en dépit de son utilité, l’application reste largement sous-utilisée, notamment parce qu’au-delà des faits de niveau 1 qui ne sont pas transmis 14 au niveau académique, les réserves des chefs d’établissement quant à ce qui peut leur sembler comporter un risque de stigmatisation sur un sujet sensible – tel établissement ou telle école « aurait des problèmes de respect de laïcité » – se renforcent souvent du fait de la méconnaissance des finalités éducatives et préventives de l’application. L’absence d’explications sur ce qui est fait à partir des signalements via l’application peut ainsi également être une cause de son utilisation insuffisante. Un chef d’établissement interrogé par la mission déclare ne pas « avoir de retour de quelque chose qui ressemble plus à un outil de mesure statistique qu’à un moyen permettant d’avoir des réponses ». Face aux urgences, l’intérêt d’un outil « purement statistique » est en effet vraisemblablement tout relatif. Au nombre des limites de l’application signalées par les académies figure en outre l’anonymat des signalements qui oblige les équipes académiques à un travail supplémentaire auprès des établissements, nécessairement consommateur de temps, en vue de prendre connaissance de la réalité des faits, ce qui génère des délais de traitement supplémentaires plus ou moins longs. Une autre limite de l’application consiste dans la difficulté à caractériser et à qualifier les faits, l’outil apparaissant comme « très dépendant de la qualité de la description par le rédacteur - signalant », ainsi que le relève l’académie de Lille. L’académie de Nantes est encore plus explicite : « il arrive que les faits signalés ne soient pas en rapport avec l’application du principe de laïcité » et « la lourdeur du protocole d’échange (confidentialité, anonymat) des informations peut paraître excessive au regard de la nature des faits signalés ». La difficulté à caractériser et à qualifier les faits tient notamment à l’exigence d’être synthétique comme le souligne l’académie de Dijon, mais également au fait que la nomenclature de l’application « n’est pas assez hiérarchisée, ce qui complique l’analyse » (académie de Guyane). L’académie d’Orléans-Tours souligne par ailleurs la confusion qui existe parfois dans le signalement, des faits de violence étant identifiés à tort par le signalant comme des faits d’atteinte au principe de laïcité et vice-versa. Au total, si l’application « Faits établissement » reste globalement appréciée par les académies, elle nécessite vraisemblablement d’être davantage expliquée, dans son objet et son intérêt pour les équipes éducatives elles-mêmes, et d’être précisée dans sa présentation, car, à côté de la difficulté à bien identifier les faits et leur ampleur ainsi que les réponses qu’ils exigent, il persiste des réticences de la part des chefs d’établissement qui n’y voient pas forcément d’intérêt en termes d’accompagnement ou d’aide préventive apportée par l’équipe académique. La mission a d’ailleurs relevé que, pour lever ces réticences des personnels de direction d’établissement à utiliser une application perçue parfois comme stigmatisante, voire de contrôle, ou à finalité « statistique » discutable, un inspecteur d’académie la présente d’abord comme un outil permettant de « protéger les enfants et les adultes » et d’aider les personnels à appréhender concrètement le principe de laïcité dans l’exercice de leurs fonctions. À cet égard, il n’est pas inintéressant de relever que certains interlocuteurs de la mission estiment que l’application « Faits établissement » devrait constituer un outil de pilotage interne des EPLE, davantage que le moyen permettant de soutenir une politique publique à l’échelle de l’académie ou du territoire national. Au total, la mission constate que le signalement par l’application « Faits établissement » a progressé avec le temps. En revanche, le formulaire ministériel de saisine en ligne a connu une baisse, passant de 21 % des faits signalés entre septembre-novembre 2018 à 5 % entre avril et juillet 2019. Mais si l’application reste la modalité de signalement la plus utilisée, avec une sensible progression constatée en septembre-octobre 2019, elle est « concurrencée » par l’accroissement des saisines adressées directement et par d’autres moyens (téléphone, courrier électronique) aux équipes académiques, que privilégient des chefs d’établissement en raison du contact direct et immédiat avec le référent académique. Dans ces derniers cas, il doit être recommandé aux chefs d’établissement, comme le font déjà un certain nombre d’académies, d’effectuer néanmoins le signalement sur l’application « Faits établissement », même a posteriori. L’application nécessite en tout état de cause quelques aménagements afin de rendre son utilisation plus aisée. 1.4.2. La place des contacts directs et du formulaire ministériel de saisine en ligne dans le signalement Il est indéniable que le climat de confiance qui s’est installé entre les équipes académiques « valeurs de la République » et les établissements scolaires conduit ces derniers à privilégier les sollicitations directes des équipes académiques, soit par téléphone, soit par courrier électronique. 15 Il n’est pas non plus contestable que les conseils et l’aide apportés par les équipes académiques aux établissements permettent de créer les conditions d’un meilleur repérage des « signaux faibles », comme par exemple dans les cas de demandes d’aménagement du service public ou de contournement de certains enseignements. Le coordonnateur de l’EA-VDR de l’académie de Toulouse explique ainsi combien les contacts réguliers avec les chefs d’établissement favorisent la libération de la parole – et donc le signalement –, après que l’intervention de l’équipe académique a apaisé une situation conflictuelle : « Les interventions nous apparaissent beaucoup comme une plus-value et chaque fois, tout le monde en sort satisfait ; on voit à cette occasion le contexte de l’établissement. Pendant longtemps, les chefs d’établissement n’osaient pas parler des problèmes ; grâce au discours des recteurs, ils ont compris que c’était intelligent, que c’était leur intérêt et celui de leur établissement ; libérer la parole passe par un discours rassurant ». En tant que question socialement vive, la laïcité suppose de fait une approche dépassionnée, sereine, reposant sur une confiance partagée et une grande attention portée aux problèmes concrets rencontrés dans les écoles et les établissements du second degré. Les échanges directs entre les établissements et les équipes académiques n’empêchent d’ailleurs pas ces dernières de rappeler, à chaque fois que cela est nécessaire, l’importance de renseigner l’application « Faits établissement ». Enfin, à côté de l’application « Faits établissement » et des contacts directs avec l’EA-VDR, le formulaire ministériel de saisine en ligne n’occupe qu’une infime place dans les modalités de signalement des atteintes à la laïcité à l’école. Quelques académies soulignent cependant l’intérêt de cette voie de signalement, dans ce qu’elle a de complémentaire aux autres voies existantes, notamment parce que des personnels craignent que le problème auquel ils sont confrontés ne soit minoré par leur hiérarchie – et la mission partage cette appréciation. Le formulaire ministériel de saisine en ligne peut présenter en outre l’avantage de la personnalisation des réponses par les équipes académiques, ce qui rassure les personnels parce qu’ils se sentent écoutés et entendus. L’académie de Paris souligne quant à elle certaines limites de cette voie de signalement : « Ce formulaire est principalement utilisé par les enseignants. Ils s’en servent pour évoquer une difficulté, ou témoigner simplement d’une situation présente ou relative à des faits antérieurs et révolus, sans demande d’aide particulière. Leur motivation n’est pas toujours liée à l’application du principe de laïcité mais davantage en lien avec leurs relations avec la direction de leur établissement ». D’autres académies signalent que l’on assiste parfois à un « détournement » de l’utilisation de cette voie de signalement à des fins personnelles, politiques et parfois syndicales (Aix-Marseille, Strasbourg) et certaines équipes académiques y voient même un obstacle pour instaurer une réelle relation de confiance entre les personnels et les équipes académiques « VDR ». 1.4.3. Pour la majorité des académies, le signalement ne donne pas une vision complète de la réalité La majorité des académies estiment que les différentes voies de signalement existantes ne donnent pas une vision complète, voire qu’elles donnent une vision très incomplète de la réalité des atteintes au principe de laïcité en milieu scolaire. À cela, il y a sans doute plusieurs raisons, qui se cumulent parfois et qu’il est en tout état de cause difficile de démêler : l’existence de territoires dans lesquels il y aurait des « accommodements », plus ou moins implicites, avec le principe de laïcité ; une méconnaissance, y compris chez les enseignants expérimentés et parfois chez les chefs d’établissement, du cadre juridique et institutionnel définissant le principe de laïcité et structurant ses conditions d’application ; des approches différentes et plus ou moins erronées du principe de laïcité et de ses enjeux qui conduisent, dans certaines écoles et établissements, à minorer des faits afin d’éviter de stigmatiser des populations ou l’établissement lui-même ; la réalité des enseignements dans la classe qui échappent au regard des supérieurs hiérarchiques, hormis lors d’une inspection, ce qui peut conduire des enseignants à éviter d’aborder avec leurs élèves certains contenus polémiques pourtant inscrits au programme. L’académie de Normandie fait ainsi part de son étonnement de ne pas voir remonter des signalements de la part d’établissements accueillant des jeunes suivis pour « radicalisation » et situés dans des territoires marqués par des dérives religieuses et communautaristes. Lors d’un échange avec des enseignants dans un lycée de l’académie de Toulouse, une professeure d’économie-gestion a ainsi indiqué à la mission qu’elle évitait d’aborder certains sujets avec les élèves de CAP : « Avec certains élèves de CAP, il y a des parties du programme que l’on n’aborde pas, par exemple le contrat de travail, car c’est un sujet sensible… ils évoquent tout de suite le sentiment de discrimination à l’embauche… ce sont des élèves issus de SEGPA… On n’aborde pas la 16 discrimination entre filles et garçons. Des élèves trouvent normal qu’il y ait une discrimination… Je pense que ce n’est pas la peine de parler de ces problèmes, pour éviter des tensions… ». 2. Un souci indéniable de réactivité des équipes académiques « valeurs de la République » et de diversification des réponses apportées aux signalements 2.1. Les réponses apportées aux signalements par les équipes académiques VDR - Principales observations Les données réunies par le pôle national VALEREP dans les synthèses des remontées trimestrielles des académies qu’il établit font apparaître une augmentation significative du taux des réponses apportées par les équipes académiques « VDR » (EA-VDR) aux signalements dont elles ont été saisies entre le début de l’année civile 2018 et le dernier trimestre de l’année scolaire 2018-2019 (dernière période connue au moment de la rédaction du présent rapport). Ce taux de réponse, qui était de 69 % pour la période de janvier à mars 2018, s’élève en effet à 97 % pour la période d’avril à juillet 2019, alors que le nombre de signalements recensés respectivement au cours de chacune de ces deux périodes est sensiblement le même (+ 18 pour la seconde période évoquée). Ce constat est confirmé par les réponses fournies par les académies dans le questionnaire envoyé par la mission. Lorsqu’une académie affiche un taux significativement en-deçà de la moyenne nationale, il s’agit, après vérification, d’un défaut d’archivage et de mise en mémoire des réponses apportées par l’équipe académique, ou de signalements ayant fait l’objet d’un traitement jugé suffisant au niveau de l’établissement. Si quelques académies signalent des difficultés rencontrées en raison de problèmes d’accès à l’application « Faits établissement » à l‘extérieur du rectorat ou de délais parfois très longs entre un signalement effectué par l’intermédiaire du formulaire ministériel de saisine en ligne et sa transmission à l’EA-VDR, la quasi-totalité des académies se sont organisées pour garantir une réactivité optimale en matière de réponse aux signalements. Les EA-VDR sont structurées très souvent autour d’une cellule opérationnelle chargée d’analyser les signalements et de saisir les personnes ressources à même d’apporter une première réponse. Ce mode opératoire s’avère plutôt efficace (cf. infra) dans la très grande majorité des situations. Pour autant, la perspective d’une éventuelle augmentation significative des signalements et des demandes d’accompagnement suscite des interrogations dans certaines académies qui s’inquiètent des moyens nécessaires en pareil cas pour conserver le même niveau de réactivité et d’efficacité des réponses apportées aux signalements. Dans un ensemble de témoignages convergents, évoquant une action résolument réactive, quelques points de vigilance sont à relever : « Souhait de pouvoir accéder à « Faits établissement » par l’intermédiaire des téléphones mobiles lorsqu’on est en-dehors du rectorat. » « Le temps entre le signalement effectué par l’intermédiaire du formulaire ministériel en ligne et la transmission à l’équipe académique varie de 5 jours à 6 semaines. La plupart du temps les atteintes ont été connues et réglées par l’académie avant la transmission ministérielle. » « Si le nombre d’incidents augmentait brutalement, nous aurions du mal à suivre. » « Il faudrait davantage de moyens dédiés pour pouvoir décharger des personnes spécifiquement sur ces missions » 2.1.1. Les signalements donnant lieu à des déplacements de l’EA-VDR La part des signalements donnant lieu à des déplacements de membres de l’équipe académique, tout en augmentant légèrement entre 2018 et 2019, reste, à de rares exceptions près, nettement inférieure à 20 %. La mission a relevé que dans une académie au moins, aucun déplacement n’a été effectué jusqu’à présent et que, dans une autre, ces déplacements représentent un peu plus de 20 % des réponses apportées aux signalements par l’équipe académique. 17 Dans la grande majorité des cas, les réponses immédiates données par l’EA-VDR consistent en la délivrance de conseils ou la transmission d’outils (cf. infra). Les décisions relatives aux déplacements de l’EA-VDR dans les établissements sont très souvent prises en fonction des souhaits des chefs d’établissement et après échange avec eux ; peu d’académies « imposent » aux établissements un déplacement de membres de l’équipe académique, sur la base de l’analyse de la situation que cette équipe a faite. La mission relève toutefois avec beaucoup d’intérêt les stratégies d’analyse utilisées dans quelques académies pour décider d’un déplacement sans que celui-ci soit formellement demandé par l’établissement, une académie allant jusqu’à laisser entendre qu’elle pouvait, dans certains cas, faire abstraction de l’accord exprès du chef d’établissement. Les critères mentionnés pour motiver un déplacement de membres de l’équipe académique sont, selon les cas, relatifs à la gravité des faits signalés, au manque de clarté dans la description des faits, à la complexité de la situation pour le chef d’établissement et son équipe, à la perturbation susceptible d’en résulter pour le climat scolaire, ou encore au degré de conflictualité des relations avec les parents d’élèves dans la situation considérée. Ailleurs, des déplacements et des rencontres avec les acteurs locaux sont provoqués pour permettre d’élaborer, malgré l’urgence, un diagnostic précis de la situation ainsi que des réponses collectives, voire pour enclencher un suivi plus durable avec l’établissement, ou sous forme de formations dispensées aux personnels. Ces initiatives de diagnostic initial sont très intéressantes aux yeux de la mission : elles ont pour effet de placer l’équipe académique dans son rôle d’expertise, dès le premier contact, ce qui rassure ses interlocuteurs, souvent démunis en ces circonstances, et permet d’instaurer un climat de confiance propice aux échanges et au règlement de la situation. 2.1.2. Les motifs amenant les EA-VDR à s’autosaisir L’équipe académique est amenée à s’autosaisir (64 % des situations en 2018 ; 55 % sur les trois premiers trimestres de 2019) pour des raisons

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