Fiches d'introduction historique au droit PDF
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Maxime Bizeau
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Ce document présente une introduction historique au droit, couvrant des périodes allant de l'Antiquité à la période moderne. Il détaille les aspects du droit dans différentes civilisations, notamment en Mésopotamie et en Hébraïque. Le document explore les différentes sources du droit, les caractéristiques des systèmes juridiques et met en exergue des exemples clés, comme le Code d'Hammourabi.
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Tous droits réservés fiches-droit.com 1 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé AVERTISSEMENT PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Le prése...
Tous droits réservés fiches-droit.com 1 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé AVERTISSEMENT PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Le présent fichier est un livre numérique protégé au titre du droit de la propriété intellectuelle. Seul un usage strictement individuel du présent livre numérique est permis. Il est absolument interdit de communiquer, partager, transférer ou vendre le présent livre numérique, sous peine de poursuites judiciaires. Le présent fichier, au format PDF, est tracé. Il est donc possible de savoir combien de personnes ont ouvert le fichier. En cas de violation des droits de propriété intellectuelle afférents au présent livre numérique, des poursuites judiciaires seront engagées. A titre de rappel, vous trouverez ci-dessous les dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle : « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. » Article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » Article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle : « Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. » Tous droits réservés fiches-droit.com 2 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Sommaire Partie n°1 : Le droit dans l’Antiquité Fiche n°1 : Le droit dans l’Antiquité moyen-orientale............................................................................ 4 Fiche n°2 : Le droit dans la Grèce antique............................................................................................... 6 Fiche n°3 : Le droit romain archaïque (de 753 av. JC au milieu du IIe s. av. JC)...................................... 8 Fiche n°4 : Le droit romain classique (du milieu du IIe s. av. JC à la fin du IIIe s. ap. JC)....................... 10 Fiche n°5 : Le droit romain du Bas-Empire (à partir de la fin du IIIe s. ap. JC)...................................... 12 Partie n°2 : Le droit au Moyen-Âge (du Ve s. au XVe s.) Sous-partie n°1 : L’époque franque (du Ve s. au IXe s.) Fiche n°6 : La juxtaposition des traditions romaine, germanique et chrétienne.................................. 14 Fiche n°7 : Le système de la personnalité des lois................................................................................ 16 Fiche n°8 : La justice à l’époque franque.............................................................................................. 17 Sous-partie n°2 : L’époque féodale (du Xe s. au XIe s.) Fiche n°9 : Le système féodal................................................................................................................ 18 Fiche n°10 : La coutume comme principale source du droit................................................................. 19 Fiche n°11 : La justice à l’époque féodale............................................................................................. 20 Sous-partie n°3 : A partir du XIIe s. Fiche n°12 : L’émergence des droits savants (droit romain et droit canonique).................................. 21 Fiche n°13 : La rédaction du droit coutumier........................................................................................ 23 Fiche n°14 : Le développement d’un droit royal................................................................................... 24 Partie n°3 : Le droit à l’époque moderne (du XVIe s. au XVIIIe s.) Fiche n°15 : Le déclin des droits savants (droit romain et droit canonique)......................................... 26 Fiche n°16 : Du droit coutumier au droit français................................................................................. 27 Fiche n°17 : L’unification du droit français par la législation royale..................................................... 28 Partie n°4 : La Révolution française et le droit Fiche n°18 : Le culte de la loi................................................................................................................. 30 Fiche n°19 : Les projets de codification................................................................................................. 32 Partie n°5 : La codification napoléonienne Fiche n°20 : La codification napoléonienne.......................................................................................... 33 Tous droits réservés fiches-droit.com 3 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Partie n°1 : Le droit dans l’Antiquité Fiche n°1 : Le droit dans l’Antiquité moyen-orientale 1) Le droit en Mésopotamie a) Les caractéristiques du droit mésopotamien Un droit « cunéiforme » : C’est en Mésopotamie, région historique correspondant plus ou moins à l’Irak et la Syrie actuels, qu’est inventé il y a environ 5000 ans le premier système d’écriture : l’écriture cunéiforme. Cette écriture, composée de signes constitués de traits terminés en forme de « coins » ou « clous » (en latin cuneus, d’où le nom d’écriture « cunéiforme »), a notamment permis la rédaction des premiers textes juridiques de l’histoire. Un droit révélé par les dieux : En Mésopotamie, le droit est réputé venir des dieux. La révélation divine confère à la loi son caractère obligatoire. Un droit écrit par le roi : Le roi est considéré comme l’intermédiaire entre les dieux et les hommes. C’est ce qui lui donne la légitimité pour transcrire la volonté divine en textes juridiques. Exemple : Le Code d’Hammourabi, gravé sur de la pierre, contient à son sommet une image du Dieu Shamash à la trompe d’éléphant tendant un stylet au roi Hammourabi (roi de Babylone) pour écrire ce code. Un droit casuistique : Le droit mésopotamien est un droit casuistique, c’est-à-dire au cas par cas. Il détermine une solution particulière pour un cas particulier : « si (tel litige), alors (telle sanction) ». Exemple : Si un homme commet un meurtre, alors cet homme doit être tué. Ces règles empiriques dressent la liste de solutions juridiques sans référence à des concepts abstraits ni à une doctrine théorique. b) Les principaux textes juridiques en Mésopotamie Le Code d’Ur-Nammu (vers 2100 av. JC) : Il a été rédigé par Ur-Nammu, le premier roi de l’empire d’Ur (qui a dominé la Mésopotamie pendant environ un siècle.) Les peines (à l'exception des crimes punis de la peine capitale, comme le meurtre, le viol, le vol et l’adultère) consistaient en des compensations financières, notamment en cas de blessures physiques. L’idée était de réduire les pratiques de la vengeance privée et de la loi du Talion, selon laquelle le coupable doit subir le même dommage que celui qu'il a fait subir à sa victime (« œil pour œil, dent pour dent »). On y trouve également des interdits édictés pour maintenir la paix sociale. Le Code d’Hammourabi (vers 1750 av. JC) : C’est le plus complet des textes juridiques de l’époque mésopotamienne. Il a été rédigé par le roi babylonien Hammourabi qui, grâce à de nombreuses campagnes militaires, fait de Babylone la puissance majeure de la Mésopotamie. Afin d’unifier son empire, Hammourabi rédige un grand code comprenant les coutumes des différents peuples soumis, les plaçant sous l’égide de leurs dieux respectifs. Le Code d’Hammourabi contient 282 articles portant sur divers aspects : droit pénal, droit de la famille, droit des personnes, droit des biens, droit économique… Exemple : article 229 : « Si un architecte a construit pour un homme une maison mais n’a pas renforcé son travail, et la maison qu’il a construite s’est écroulée, et il a causé la mort du propriétaire de la maison, cet architecte sera tué ». Tous droits réservés fiches-droit.com 4 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Alors que le Code d’Ur-Nammu fixait des peines sous forme de compensations financières, les peines du Code d’Hammourabi étaient beaucoup plus sévères. Ainsi, contrairement au Code d’Ur-Nammu, la loi du Talion est mentionnée. Exemples : ✓ Article 196 : « Si quelqu'un a crevé un œil à un notable, on lui crèvera un œil ». ✓ Article 197 : « S'il a brisé un os à un notable, on lui brisera un os ». 2) Le droit hébraïque Contexte historique : Venus de Mésopotamie, les Hébreux s’installent en Palestine à partir du IIe millénaire avant JC. Ils s’exilent ensuite en Égypte, avant de retourner en Palestine au XIIIe s. av. JC. Les sources du droit hébraïque : Les sources du droit hébraïque se trouvent dans la Bible aux 5 premiers livres de l’Ancien Testament : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. Pour les Hébreux, ces 5 livres forment la Torah (la « Loi »). A noter : Le Décalogue (ou Dix Commandements) est la pierre angulaire de la Torah. Il s’agit d’un ensemble d'instructions morales et religieuses reçues de Dieu (Yahvé) par Moïse au mont Sinaï vers le XIIIe s. av. JC. Ces instructions sont données 2 fois dans la Torah : dans l’Exode (XX, 2-17) et le Deutéronome (V, 6-21). Exemples : Tu n’auras pas d’autres dieux que moi Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te donne Tu ne tueras point Les caractéristiques du droit hébraïque : Un droit « donné » par Dieu : A la différence du droit mésopotamien qui est un droit révélé par les dieux, le droit hébraïque est un droit « donné » par Dieu. Dieu se manifeste auprès des prophètes, comme Moïse, et leur donne le droit. Ce sont ensuite les prophètes qui transmettent ces règles aux Hébreux. Exemple : Le Décalogue est donné par Yahvé à Moïse. Il est précisé dans le Deutéronome (V, 22) que Yahvé « écrivit ses prescriptions sur deux tables de pierre qu’il donna à Moïse ». Un droit intangible : Le droit donné par Yahvé ne peut être modifié par les hommes. Un droit casuistique : Comme le droit mésopotamien, le droit hébraïque est un droit casuistique. Il s’agit essentiellement d’une liste de solutions juridiques pour des cas d’espèce, sans concepts abstraits. Exemple : Quand un homme volera un bœuf, et qu’il l’aura abattu ou vendu, il donnera 5 bœufs en compensation. Un droit en partie religieux : Contrairement au droit mésopotamien qui ne contient aucune règle sur les rites et croyances, le droit hébraïque comprend des règles juridiques (Exemple : « Un seul témoin ne sera pas admis contre un homme pour constater un crime ou un péché, quelque soit le péché commis. C’est sur la parole de 2 ou 3 témoins que la chose sera établie » (Deutéronome, XIX, 15-16)), mais aussi morales (Exemple : Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain ) et cultuelles (Exemple : Tu n’auras pas d’autres dieux que moi). Le contenu du droit hébraïque : On trouve dans le droit hébraïque une grande diversité de règles : réglementation du culte, droit pénal, organisation de la famille, organisation de la justice, statut et traitement des esclaves, règles morales, d’hygiène ou de diététique… Tous droits réservés fiches-droit.com 5 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°2 : Le droit dans la Grèce antique Contexte historique : La civilisation grecque se développe à partir du VIIIe s. av. JC. Elle est organisée en différentes cités-États. Les cités-États sont des villes indépendantes qui se gouvernent seules, avec leurs propres institutions et leurs propres lois (exemples : Athènes, Sparte). Dans ces cités-États se développent différents régimes politiques : la tyrannie, où le pouvoir est exercé par une seule personne, le tyran. Exemples : aux VIIe et VIe s. av. JC à Athènes. l’oligarchie, où le pouvoir est exercé par un petit nombre de citoyens. Exemple : à Sparte. la démocratie, où la souveraineté appartient au peuple. Exemple : à Athènes à partir du Ve s. av. JC. 1) La création du droit par les hommes Un droit inspiré par les dieux : A la différence du droit mésopotamien et du droit hébraïque qui étaient révélés/donnés par les dieux, le droit des Grecs est simplement inspiré par eux, et notamment par Thémis, déesse de la Justice, et Dikè, déesse du droit. Ces divinités suggèrent que le droit soit conforme à la justice, mais là s’arrête leur intervention. Ce sont les hommes qui élaborent le droit en tenant compte de l’idéal de justice inspiré par les dieux. Puisqu’il est le fruit des hommes et non des dieux, le droit peut être modifié par les hommes pour s’approcher de cet idéal. L’exemple de la démocratie athénienne : Athènes est à partir du Ve s. av. JC une démocratie directe : chaque citoyen prend part à l’élaboration de la loi, sans l'intermédiaire de représentants élus. En effet, tout Athénien majeur fait partie de l’Ecclésia (assemblée du peuple qui vote les lois) : il peut soumettre par écrit à l’Ecclésia une proposition de loi, aller aux séances de l’Ecclésia, y prendre la parole, proposer des amendements et voter. A noter : Tous les citoyens avaient, en théorie, l’obligation de participer aux séances de l’Ecclésia. Toutefois, l'espace disponible limitait la participation à 6 000 citoyens. Il n’était donc pas possible d’accueillir tous les citoyens en même temps (même si le nombre exact de citoyens reste aujourd’hui inconnu, les historiens estiment qu’il y avait environ 40 000 citoyens à Athènes). Tout citoyen athénien âgé de plus de 30 ans a également la possibilité d'entrer à la Boulè, un conseil de 500 citoyens tirés au sort et renouvelés chaque année. La Boulè a notamment pour mission de recueillir les propositions de loi présentées par les citoyens, puis de préparer les projets de loi pour pouvoir ensuite convoquer l'Ecclésia. Le citoyen athénien participe aussi régulièrement à la vie judiciaire, le plus important tribunal étant celui de l’Héliée avec ses 6 000 jurés, toujours âgés de plus de 30 ans et tirés au sort chaque année. L'accusation est toujours, en l'absence d'équivalent à nos « ministères publics », une initiative personnelle d'un citoyen. Le tribunal instruit le procès en réunissant les preuves matérielles et les éléments de droit applicables. Chaque partie est entendue par les jurés qui votent finalement sur l’affaire, sans possibilité d’appel. 2) La naissance d’une philosophie du droit Raison : Puisqu’il n’est ni révélé ni donné par les dieux, les philosophes grecs peuvent réfléchir sur le droit. A noter : Toutefois, ils ne considèrent pas le droit comme une discipline à part entière. Ils l’envisagent à travers la philosophie. D’ailleurs, la profession de juriste n’existe pas en Grèce antique. C’est à Rome que le droit va devenir une discipline autonome. La pensée de Socrate : Socrate considère que l’homme, ne pouvant vivre isolément, a besoin de lois pour vivre en société. L’obéissance à la loi est donc conforme à la nature. Socrate pense aussi que la loi doit poursuivre un idéal de de justice. La pensée de Platon : Platon ne remet pas fondamentalement en cause la pensée de Socrate mais restreint l’exercice des compétences législatives et judiciaires aux plus compétents des individus. Selon lui, seuls les Tous droits réservés fiches-droit.com 6 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé individus les plus éminents (et particulièrement les philosophes dont la sagesse est supérieure) peuvent élaborer la loi. De même, la justice doit être confiée aux plus âgés et compétents des sages. La pensée d’Aristote : Dans le prolongement de Socrate, Aristote voit dans l’homme un « animal social » qui ne peut vivre en dehors de la cité. Comme Platon, il pense que la loi exprime des principes de la raison qui fixent l’ordre social et doivent être respectés. Mais elle doit être améliorée lorsque son contenu n’est plus adapté aux circonstances ou s’écarte de la justice. Tous droits réservés fiches-droit.com 7 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°3 : Le droit romain archaïque (de 753 av. JC au milieu du IIe s. av. JC) Contexte historique : La période dite « archaïque » commence en 753 av. JC, date de la fondation de Rome par Romulus. Elle est elle-même divisée en 2 périodes distinctes : jusqu’à 509 av. JC, Rome est une monarchie (régime dans lequel un roi gouverne) à partir de 509 av. JC, Rome est une République 1) Le droit romain sous la Monarchie (de 753 à 509 av. JC) L’absence de distinction claire entre le ius et le fas : A l’époque monarchique, le droit est peu dissocié de la religion. La notion de ius (ce qui relève du droit) se distingue mal de celle de fas (ce qui est permis ou défendu aux hommes par les dieux). Exemple : la législation du roi Numa aurait, selon la légende, été reçue par Numa auprès de la nymphe Égérie. La coutume comme source du droit : A l’époque monarchique, la coutume est la principale source du droit. Elle transcrit les moeurs habituelles des populations installées depuis le VIIIe s. av. JC (la mos majorum ou les « moeurs des ancêtres »). Les « lois » des rois de Rome se résument souvent à la transposition écrite de ces coutumes anciennes. Exemple : La puissance du père de famille est définie par la coutume. C'est une sanction religieuse (la sacratio, par laquelle le groupe social élimine le père et confisque ses biens) qui en sanctionne les abus. Il s'agit donc d'un pouvoir extérieur à la loi. Le monopole des pontifes en matière de droit : Le droit est tenu secret par le Collège des pontifes (le plus important collège de prêtres, avec à sa tête le grand pontife). Les pontifes sont chargés de conserver le fas et de définir le ius. Ils ont la maîtrise du calendrier judiciaire puisqu’ils fixent les jours fastes (jours pendant lesquels les procès sont autorisés) et les jours néfastes (jours pendant lesquels les procès ne sont pas autorisés). Les citoyens n’ont pas accès au calendrier judiciaire. En outre, ils sont les seuls à connaître les formules à respecter pour intenter une action en justice. 2) Le droit romain sous la République (de 509 av. JC au milieu du IIe s. av. JC) Contexte historique : En 509 av. JC, les patriciens (personnes issues des grandes familles aristocratiques) chassent le roi et instaurent une République. Dans cette République, les patriciens ont tous les pouvoirs (il s’agit d’une oligarchie). Eux seuls peuvent devenir magistrats (personnes élues pour gérer les affaires publiques de la Cité), et en particulier consuls (la République romaine est dirigée par 2 consuls, qui ont le pouvoir suprême et sont élus pour un an). En opposition aux patriciens, les plébéiens, qui représentent la majorité de la population, protestent contre leur écartement des affaires publiques. Au fil du temps, les tensions entre patriciens et plébéiens conduisent à des réformes visant à accorder plus de droits et de représentation aux plébéiens. Le développement de la loi comme source du droit : L’élaboration de la loi des XII Tables (vers 450 av. JC) : ✓ Dès le début du Ve s. av. JC, la plèbe conteste la puissance immodérée des consuls et l’arbitraire des magistrats. En effet, le droit étant constitué de coutumes et de traditions orales, les magistrats (qui étaient aussi juges) avaient une certaine latitude dans son interprétation et son application. Cela pouvait conduire à des décisions arbitraires dans le traitement des litiges. ✓ En conséquence, la plèbe réclame la rédaction d’une loi, connue de tous, fixant l’étendue des pouvoirs consulaires et les droits des citoyens romains. Le patriciat finit par accepter que soit formé un collège de 10 magistrats, les décemvirs, chargés de rédiger la loi. ✓ Une fois rédigée, la loi des XII Tables est affichée au forum (le centre vivant de la ville, où les citoyens romains se réunissent pour traiter d'affaires commerciales, politiques, économiques, judiciaires…) afin que tous les citoyens puissent être informés de leurs droits. Tous droits réservés fiches-droit.com 8 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé ✓ Au-delà de la fixation des pouvoirs des consuls, la loi des XII Tables consiste en une compilation de coutumes qui, mises par écrit, forment le droit civil (le droit réservé aux citoyens). On y trouve du droit pénal (la loi sanctionne, de façon égale pour tous, les atteintes aux biens et aux personnes, avec notamment l’établissement de compensations financières), des règles de procédure et du droit privé (droit des successions, règles sur la propriété, les rapports de voisinage…). L’adoption des lois par les comices : Plus encore, la loi des XII Tables est adoptée selon une procédure nouvelle : elle est votée par les comices (ce sont les assemblées de tous les citoyens), marquant ainsi le début de l'intervention du peuple dans le vote de la loi. Les lois postérieures seront également soumises au vote des comices. Au total, environ 800 lois sont adoptées en 5 siècles de République. A noter : ✓ Les consuls sont toutefois les seuls à pouvoir soumettre des propositions de loi aux comices. ✓ Jusqu'en 339 av. JC, la proposition votée par les comices doit faire l’objet d’une approbation finale par le Sénat (institution composée de 300 anciens magistrats nommés à vie). A partir de 339 av. JC, le Sénat n'est plus appelé à ratifier la proposition votée, mais simplement à donner son avis avant le vote des comices. Les plébiscites : En plus des lois, la République connaît une autre forme de législation : les plébiscites. Ces derniers sont votés par le « Concile de la plèbe » (l'assemblée propre à la plèbe) et ne s'appliquent qu'aux plébéiens. A partir de 449 av. JC, les plébiscites peuvent être ratifiés par le Sénat et s'appliquent alors à tous les citoyens romains. En 286 av. JC, la loi Hortensia assimile loi et plébiscite. Le plébiscite devient à partir de cette date la forme législative la plus courante de la République. Le maintien de la coutume comme source du droit : La loi n'est pas la source unique du droit. La majorité du droit privé reste pris en charge par la coutume (Exemple : les relations au sein de la famille). La distinction entre le droit et la religion : Les frontières entre droit et religion s'affirment. Exemple : la laïcisation du droit est clairement visible dans la loi des XII Tables, où la religion est pratiquement absente. La procédure des « actions de la loi » : Toute action en justice doit respecter la procédure des « actions de la loi » (qui est issue de la loi des XII Tables). Cette procédure impose aux plaideurs l’utilisation d’une des cinq seules actions reconnues par la loi, chacune devant être utilisée en fonction de la nature de l'affaire. De plus, le demandeur (celui qui exerce l’action) doit prononcer certaines paroles et accomplir certains gestes exactement calqués sur les termes de la loi. Toute omission ou erreur emporte la nullité de la procédure (le procès est perdu). Il s’agit donc d’une procédure très formaliste et rigoureuse. La procédure des actions de la loi divise le procès en 2 phases : ✓ la phase in jure : le demandeur et le défendeur se présentent devant un magistrat et exposent oralement leurs revendications et défenses respectives. Le magistrat vérifie que l'action entre bien dans l’une des cinq catégories prévues par la loi, ainsi que le formalisme par lequel le demandeur introduit l'action. Cette phase s’achève par un acte appelé litis contestatio : si le défendeur n’a pas reconnu ses torts, le procès est définitivement engagé et le magistrat désigne un juge pour trancher le litige. ✓ la phase in judicio : elle se déroule devant le juge, qui vérifie la réalité ou non des faits allégués. Les arguments des parties et les preuves sont étudiées. S’il estime les faits suffisamment établis, le juge prononce le jugement prévu par l’action à l’origine de sa saisine. La fin du monopole des pontifes : A l’origine de la République, seuls les patriciens étaient autorisés à devenir pontifes. Or les pontifes avaient la maîtrise du calendrier judiciaire et des formules des actions. Les patriciens pouvaient donc bloquer les actions des plébéiens. C’est pourquoi le monopole des pontifes en matière de droit est dénoncé par les plébéiens. Face aux protestations des plébéiens, 2 changements vont mettre fin au monopole des pontifes : ✓ en 304 av. JC : le calendrier judiciaire et les formules des actions sont divulgués. ✓ en 254 av. JC : le premier plébéien à devenir grand pontife (Tiberius Coruncanius) décide de donner ses consultations en public, contribuant à la diffusion du droit parmi les citoyens. Tous droits réservés fiches-droit.com 9 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°4 : Le droit romain classique (du milieu du IIe s. av. JC à la fin du IIIe s. ap. JC) Contexte historique : La République romaine se poursuit jusqu’en 27 av. JC. A partir de cette date, un nouveau régime est mis en place : l’Empire. Ce régime se divise en 2 périodes distinctes : le Principat / Haut-Empire (de 27 av. JC à 284 ap. JC) et le Dominat / Bas-Empire (à partir de 284 ap. JC). En effet, au début de l’Empire, les apparences républicaines sont conservées. L'empereur se veut comme un citoyen parmi les autres, comme le premier d'entre eux (le princeps). C’est le Principat. Le point de rupture a lieu en 284 ap. JC, lorsque Dioclétien devient empereur. Désormais, l'empereur n'est plus le premier des citoyens, mais le maître (le dominus) de l'Empire. C’est le Dominat (voir Fiche n°5). 1) Le développement de nouvelles sources du droit Le droit prétorien : En 367 av. JC est créée la préture, une nouvelle magistrature, dont le titulaire (le préteur), élu pour un an, devient le magistrat devant lequel se déroule la première phase du procès (in iure). Or le développement de la société romaine rendant insuffisant le nombre de cas prévus par la loi pour engager un procès, le préteur élargit les actions de la loi initialement prévues. A partir du IIe s. av. JC, chaque préteur, en entrant en fonction, publie un édit énumérant tous les cas pour lesquels il délivrera une action au cours de l'année à venir (avec possibilité de reprendre tout ou partie des actions de son prédécesseur et d’en créer de nouvelles). Le préteur devient ainsi créateur de droit. C’est le « droit prétorien ». La jurisprudence : Déf. : Dans la Rome antique, la jurisprudence n’a pas le même sens qu’elle a aujourd’hui (décisions rendues par les cours et tribunaux). A l’époque, la jurisprudence désigne la « science du droit », c’est- à-dire la discipline qui consiste à connaître, interpréter et expliquer le droit. Les spécialistes de cette « science du droit » sont les « jurisconsultes ». A noter : La notion de jurisprudence à Rome se rapproche de la notion actuelle de « doctrine » (avis et opinions des professeurs et professionnels du droit). Les jurisconsultes apparaissent au IIe s. av. JC après la fin du monopole des pontifes en matière de droit. A partir des cas d’espèce, ils font émerger des règles abstraites, des classifications, des définitions et des systématisations applicables à chaque catégorie (pour la première fois dans l’histoire du droit, le droit n’est plus simplement concret ; il devient abstrait et théorique). La jurisprudence s’organise alors dans une littérature spécialisée qui alimente le débat juridique. A noter : Parmi cette littérature, il faut citer l’œuvre du jurisconsulte Gaius. Ses Institutes, manuel paru autour de 150 ap. JC, présentent le droit de façon claire en faisant une distinction entre les personnes, les choses et les actions. Les jurisconsultes sont aussi des praticiens du droit : ils conseillent les parties et les juges à l’occasion des procès, ils assistent les citoyens dans la rédaction d’actes juridiques, ils donnent des consultations juridiques sur les cas d’espèce qui leur sont soumis. L’empereur Hadrien (qui règne de 117 à 138 ap. JC) rend dans certains cas l’avis des jurisconsultes obligatoire. Le juge doit s’incliner lorsque, sur une question donnée, les réponses des jurisconsultes sont concordantes. A noter : Ces nouvelles sources coexistent avec les sources « classiques » du droit que sont la loi et la coutume. 2) Le remplacement de la procédure des actions de la loi par la procédure formulaire Raison : En raison de son formalisme contraignant, la procédure des actions de la loi est remplacée par une procédure moins rigide : la procédure formulaire Déroulé du procès selon la procédure formulaire : Le procès reste divisé en 2 phases (in jure et in judicio). Toutefois, les plaideurs ne sont plus obligés de prononcer les paroles et d’accomplir les gestes qui étaient obligatoires dans la procédure des actions de la loi. En outre, le juge de la seconde phase reçoit du préteur (magistrat de la première phase) une « formule », une instruction écrite contenant les prétentions et arguments de chacune des parties, ainsi que le sens dans lequel trancher le litige en cas d'absence d'action de la loi susceptible de s'appliquer au cas pendant. Le préteur peut ainsi étendre à des cas nouveaux des actions de la loi Tous droits réservés fiches-droit.com 10 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé déjà existantes ou bien créer de nouvelles actions. Dans la seconde phase du procès, le juge ne peut sortir du cadre défini par la formule du préteur. 3) La conquête du pouvoir législatif par l’empereur (à partir du IIe s. ap. JC) Le déclin de la loi : Au début du Principat, le pouvoir législatif des comices perdure. Les premiers empereurs les réunissent souvent afin de leur faire voter des lois. Mais leur activité est de moins en moins fréquente avec le temps. Les dernières lois sont votées à la fin du Ier s. ap. JC. C’est la fin du pouvoir législatif populaire. La domestication par l’empereur des autres sources du droit : L’appropriation des sénatus-consultes : ✓ Déf. : Les sénatus-consultes sont les textes votés par le Sénat. Sous la République, ce ne sont que de simples avis, rendus à la demande d'un magistrat, qui n'est pas tenu de les suivre. ✓ A partir du règne d'Hadrien (de 117 à 138 ap. JC), le sénatus-consulte acquiert force de loi. Il devient donc une source directe du droit, au moment où la loi votée par le peuple disparaît. Or si le Sénat et l'empereur semblent collaborer dans l'élaboration des sénatus-consultes, en réalité, le Sénat est domestiqué : le vote du Sénat ne fait qu'entériner la volonté de l’empereur. Par l’influence qu’ils exercent sur le Sénat, les empereurs vont donc trouver moyen de légiférer. La neutralisation du droit prétorien : A partir du IIe s. ap. JC, les édits des préteurs se contentent de rappeler les édits antérieurs. L’Édit perpétuel rédigé en 135 ap. JC par le jurisconsulte Julien, sur ordre de l’empereur Hadrien, met fin à cette suite d’édits en fixant pour l’avenir tous les cas d’ouverture des procès. A partir de cette date, le droit prétorien est figé. L’assujettissement de la jurisprudence : A partir du règne d'Hadrien, avec le développement des structures administratives, tous les jurisconsultes passent au service de l'empereur. Une véritable carrière-type des jurisconsultes dans la bureaucratie impériale apparaît. Plusieurs grands jurisconsultes deviennent même des auxiliaires directs de l’empereur. L’émergence des constitutions impériales : A partir du IIe s. ap. JC, les jurisconsultes voient en l’empereur la « loi vivante ». Les empereurs deviennent alors la principale source du droit en adoptant des constitutions impériales, qui ont une valeur égale à celle des lois (A noter : Il ne s’agit pas de constitutions au sens où on l’entend aujourd’hui. ). Progressivement, les sénatus-consultes disparaissent et sont supplantés par les constitutions impériales. Il existe 4 types de constitutions impériales : ✓ L’édit, qui est un texte de portée générale, applicable à tout ou partie de l'Empire ou à une catégorie entière de sujets ✓ Le décret, qui est un jugement rendu par l'empereur dans une affaire particulière ✓ Le rescrit, qui est une réponse de l’empereur à une demande formulée par un particulier ou un juge sur une question judiciaire ou administrative (le rescrit contraint le juge dans l'affaire pendante) ✓ Le mandat, qui est une instruction administrative adressée à un magistrat ou fonctionnaire de l'Empire Tous droits réservés fiches-droit.com 11 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°5 : Le droit romain du Bas-Empire (à partir de la fin du IIIe s. ap. JC) Contexte historique : En 284, Dioclétien devient empereur et met en place un régime politique nouveau qui change la nature du pouvoir impérial. L'empereur, désormais, n'est plus le premier des citoyens, mais le maître (le dominus) de l'Empire. Il est considéré comme d’essence divine. Cette mutation du pouvoir impérial se ressent aussi dans le système juridique : l'empereur devient la seule source du droit. En 395, l'Empire romain est divisé en deux : l'Empire romain d'Occident, qui a pour capitale Rome, et l'Empire romain d'Orient, dont la capitale est Constantinople. En 476, Rome est pillée par les barbares : l'Empire romain d'Occident s’effondre. Seul demeure l'Empire romain d'Orient, aussi appelé Empire byzantin. 1) La mainmise de l’empereur sur le pouvoir législatif La toute-puissance des constitutions impériales : A partir du début du IVe s., les constitutions impériales sont désignées sous le terme générique de leges (lois). Elles sont donc assimilées à des lois. L’ensemble de la législation sous le Bas-Empire est le fruit de ces constitutions impériales prises par l’empereur. L’inexistence des autres sources du droit : Comme on l’a vu (voir Fiche n°4), les lois votées par le peuple et les sénatus-consultes ont disparu pour être remplacés par les constitutions impériales. A côté de cette législation impériale, seule la coutume subsiste. 2) Le remplacement de la procédure formulaire par la procédure extraordinaire Moment : A partir du règne de Dioclétien, la procédure formulaire est remplacée par la procédure extraordinaire. Une procédure plus simple : La procédure extraordinaire est plus simple. Elle s’effectue en une seule phase, qui se déroule devant un fonctionnaire désigné par l’empereur. Ce fonctionnaire, non seulement examine les prétentions des parties, mais encore analyse les preuves, avant de trancher lui-même le litige. Une procédure écrite : Dans la procédure extraordinaire, tous les actes de la procédure sont écrits. A noter : Auparavant, seule la formule du préteur était écrite. 3) L’aspiration à l’unification du droit romain Les codifications issues d’initiatives privées : L’accumulation des constitutions impériales conduit à la nécessité de rassembler et d’organiser les textes épars. Les premiers codes (le Code Grégorien en 291 et le Code Hermogénien en 295) sont le fruit d'initiatives privées ; ils sont réalisés par des juristes. Ces codes rassemblent les textes les plus importants pour les praticiens. Mais faute de caractère officiel, leur autorité reste juridiquement nulle. Les codifications officielles : Le Code Théodosien (438) : Théodose II (empereur d'Orient, qui règne de 408 à 450) entreprend la première codification officielle du droit romain. En 438, le Code Théodosien est publié. Ce code regroupe en les classant, à la fois par matière et par ordre chronologique, l’ensemble des constitutions impériales depuis le règne de l’empereur Constantin (306-337). Les compilations justiniennes : Lorsque Justinien devient empereur d’Orient en 527, le Code Théodosien est dépassé. D’importantes constitutions impériales ont été élaborées depuis lors. Quant à la jurisprudence classique, elle est mal connue. Justinien décide de lancer un grand projet de Tous droits réservés fiches-droit.com 12 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé compilation de l'intégralité du droit romain et nomme pour ce faire une commission, dirigée par le juriste Tribonien. 4 ouvrages sont rédigés : ✓ le Code (première version en 529 et deuxième version en 534) : il s'inspire du Code Théodosien (les constitutions sont également classées par matière et par ordre chronologique). Toutefois, il augmente considérablement le nombre de constitutions réunies puisqu’il regroupe l’ensemble des constitutions depuis l’empereur Hadrien (qui règne de 117 à 138) jusqu’à Justinien. ✓ le Digeste (533) : c’est un recueil de jurisprudence qui fait la synthèse des opinions des principaux jurisconsultes de l’époque classique. ✓ les Institutes (533) : à l'image des Institutes de Gaius (voir Fiche n°4), il s'agit d'un manuel d’enseignement du droit. ✓ les Novelles (565) : le lendemain de la mort de Justinien sont promulguées les Novelles, qui réunissent les constitutions de Justinien postérieures à la parution du Code. A noter : A la date des compilations justiniennes, l’Empire romain d’Occident n’existe plus. Ces compilations ne seront réellement découvertes par l'Occident qu'au XIIe s., où l’on va assister à une renaissance du droit romain (voir Fiche n°12). Elles recevront le nom de Corpus iuris civilis. Tous droits réservés fiches-droit.com 13 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Partie n°2 : Le droit au Moyen-Âge (du Ve s. au XVe s.) Sous-partie n°1 : L’époque franque (du Ve s. au IXe s.) Fiche n°6 : La juxtaposition des traditions romaine, germanique et chrétienne Contexte historique : A la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, plusieurs populations coexistent sur le territoire de l’ancienne province de Gaule : les Gallo-Romains, qui sont largement majoritaires en nombre, mais aussi des peuples barbares germaniques (les Francs dans le nord, les Wisigoths en Aquitaine, les Burgondes dans le sud- est…). Parmi toutes ces populations, ce sont les Francs qui vont s’imposer. Sous l’impulsion de leur roi Clovis (qui régna de 481 à 511), ils vont conquérir l’ensemble de la Gaule grâce à de nombreuses victoires militaires face aux autres royaumes barbares (notamment contre les Wisigoths en 507). La Gaule est alors placée sous l’autorité franque. C’est le début de la dynastie mérovingienne (à laquelle succédera en 751 la dynastie carolingienne, qui règnera jusqu’en 987). Les populations présentes sur le territoire de la Gaule héritent donc de plusieurs traditions juridiques distinctes : la tradition romaine, la tradition germanique et la tradition chrétienne (en 312, l’empereur romain Constantin s’était converti au christianisme, puis avec l’édit de Thessalonique en 380, le christianisme était devenu la religion officielle de l’Empire romain). Entre le Ve s. et le IXe s., ces trois sources vont se mêler. Malgré l’unité du territoire sous l’autorité d’un seul chef, chaque population reste en effet régie par un droit qui lui est propre (voir Fiche n°7 : Le système de la personnalité des lois). 1) La tradition romaine L’influence de la culture romaine dans l’organisation politique et administrative : La chute de l’Empire romain ne fait pas disparaître d’un coup la culture romaine. Ainsi, les rois continuent de porter des titres romains (Exemple : en 507, Clovis obtient de l’empereur romain d’Orient Anastase le titre de consul romain ). De plus, les pratiques centralisatrices romaines sont conservées : le royaume est découpé en circonscriptions, à la tête desquelles le roi nomme un comte pour le représenter. La dénaturation du droit romain : Si la culture romaine survit, la situation est en revanche différente pour le droit romain. Celui-ci est trop sophistiqué pour un monde en repli où les Gallo-Romains sont dominés et où les peuples germaniques n’ont qu’une vision limitée de la notion d’Etat. Plusieurs rois barbares se chargent d’en établir des versions simplifiées pour les appliquer à leurs sujets gallo-romains. Ainsi, en 506, le roi wisigoth Alaric II fait adopter une loi, appelée « Bréviaire d’Alaric », qui rassemble un certain nombre de textes romains et qui s’applique aux sujets gallo-romains du royaume wisigoth. Après sa victoire contre les Wisigoths en 507, Clovis décide de conserver le Bréviaire d’Alaric et d’en étendre l’application à l’ensemble des sujets gallo- romains du royaume franc. Jusqu’au IXe s., le Bréviaire d’Alaric est ainsi presque le seul droit romain connu dans le royaume. Il s’agit toutefois d’une version dénaturée et lacunaire du droit romain, qui laisse de côté les fondements théoriques et les concepts abstraits. 2) La tradition germanique Les institutions germaniques : L’idée d’Etat est étrangère aux peuples germaniques, organisés en tribus, chacune sous l’autorité d’un roi, qui gouverne assisté d’un conseil de guerriers et de chefs de famille. Les rois barbares ont une conception patrimoniale de leur pouvoir : le royaume est la propriété privée du roi. Ainsi, le roi peut aliéner ses terres, ainsi que ses droits sur ses terres. A noter : Au contraire, à Rome, l'empereur était considéré, non pas comme propriétaire, mais comme dépositaire de la souveraineté qu'il exerçait au nom de l'Etat, dont il était la personnification vivante. Tous droits réservés fiches-droit.com 14 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé En conséquence, la transmission de la couronne est héréditaire ; elle se transmet avec les autres éléments du patrimoine du roi défunt. Cela entraine à chaque génération un partage du royaume entre les fils du roi. Exemple : A la mort de Clovis en 511, le royaume des Francs est divisé entre ses 4 fils. Les usages germaniques : Par rapport au droit romain, les usages des peuples germaniques sont rudimentaires. Ils sont marqués par l’énumération de règles plutôt que la généralisation de concepts et par la distinction limitée entre règles juridiques et religieuses. En cas de délit, la victime et sa famille ont le droit de recourir à la vengeance privée. La mise par écrit des usages : A la fin du Ve s., les différents peuples germaniques entreprennent de mettre leur droit par écrit : ✓ Pour les Wisigoths, le roi Euric promulgue en 476 le Code d’Euric. ✓ Pour les Burgondes, le roi Gondebaud est à l’origine de la loi Gombette (502). ✓ Pour les Francs, Clovis fait rédiger vers 510 une nouvelle version de la loi salique (à partir d'une version antérieure). A noter : La loi salique sera constamment reprise jusqu’au règne de Charlemagne au début du IXe s. Toutes ces lois barbares consistent en de longues énumérations de compensations financières. Elles fixent pour chaque délit le montant que le coupable doit payer à la victime ou à sa famille. L’objectif est de remplacer la vengeance privée, à laquelle ont droit la victime et sa famille, par une somme d'argent qui a pour effet d'éteindre la vengeance. 3) La tradition chrétienne La survie de l’Eglise chrétienne romaine : A la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, l’Eglise chrétienne romaine réussit à conserver intactes ses structures hiérarchiques. Elle fournit aux royaumes barbares des cadres compétents, les évêques, qui prennent la place des fonctionnaires impériaux. L’influence de l’Eglise sur le pouvoir royal : En 499, Clovis se convertit au christianisme. Les évêques de Gaule et l’évêque de Rome (l’ancêtre du pape) accordent un soutien politique total à Clovis, qui se fait le protecteur de l’Eglise et de la chrétienté romaine. C’est le début d’une alliance entre le pouvoir et l’Eglise. Les rois francs sont désormais les successeurs des empereurs chrétiens romains. Mais c’est surtout avec les Carolingiens (à partir de 751) que s’affirme l’alliance entre la royauté et l’Eglise. Est introduit le rituel du sacre, par lequel le roi devient un élu de Dieu. Le sacre permet de légitimer le pouvoir du roi. En retour, le roi a pour mission de faire triompher et de répandre le christianisme. A noter : le sacre est une cérémonie religieuse au cours de laquelle l’Eglise reconnaît à un roi une autorité de droit divin. Le sacre se distingue du couronnement, qui est un acte civil. Le droit canonique : Déf. : Le droit canonique (ou « droit canon ») est un ensemble de règles prises par l’Eglise portant sur le fonctionnement de l’Eglise et sur ses fidèles. Autrement dit, c’est le droit de l’Eglise. Il a vocation à s’appliquer à tous les chrétiens (barbares et romains). Les sources du droit canonique : Les principales sources du droit canonique sont : ✓ la Bible ✓ les « canons » des conciles, c’est-à-dire les règles et décisions adoptées lors des assemblées d’évêques (appelées conciles) ✓ les décrétales, c'est-à-dire les lettres émises par le pape en réponse à une question qui lui est posée Les collections canoniques : Petit à petit, l’Eglise produit ainsi des milliers de textes canoniques. Pour remédier au problème de la diffusion de ces textes, apparaissent des « collections canoniques », qui sont des recueils rassemblant différents textes. Fruit le plus souvent d’initiatives privées, ces collections ont avant tout une vocation pratique. Il s’agit pour le compilateur de réunir, à usage des praticiens, les textes qui lui paraissent les plus efficaces et les plus dignes d’être diffusés sur tel ou tel sujet. Tous droits réservés fiches-droit.com 15 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°7 : Le système de la personnalité des lois 1) Le fonctionnement du système de la personnalité des lois La soumission de chaque individu au droit de son groupe ethnique : Faute d’une autorité centrale capable d’imposer un droit unique à tous, le système de la personnalité des lois s’impose : chaque ethnie est régie par son propre droit (les Gallo-Romains sont assujettis au droit romain du Bréviaire d’Alaric tandis que chaque peuple barbare est soumis à ses lois propres). Le droit s'appliquant à chaque individu est donc fonction de l'ethnie à laquelle il appartient. A noter : Le système de la personnalité des lois s’oppose à celui de la territorialité des lois, que l’on connaît aujourd’hui, et qui implique que toutes les personnes se trouvant sur un même territoire sont soumises à un même droit. Le système de la personnalité des lois concerne essentiellement le droit privé et le droit pénal. Il ne concerne pas le droit public (impôts, administration…) pour lequel la modeste législation des Mérovingiens s’applique à toutes les personnes présentes sur le territoire. La détermination du droit applicable en cas de procès : A chaque procès, il faut déterminer le droit applicable aux parties. Pour ce faire, au début de chaque procès, la question « sous quelle loi vis-tu ? » est posée au plaideur dont la réponse (« mon père et mes ancêtres vivaient sous telle loi ») détermine le droit applicable dans le procès. Ainsi, le droit applicable dépend de l’origine ethnique du plaideur ; l’enfant légitime (enfant né au cours du mariage) suit la loi de son père, l’enfant naturel (enfant né hors mariage) celle de sa mère. A noter : Le système connaît quelques exceptions. Exemple : la femme mariée prend la loi de son mari. Lorsque les parties au procès sont d’ethnies différentes, c’est la loi du défendeur qui s’applique. 2) Le déclin du système de la personnalité des lois Raison : Au fil des siècles, le système de la personnalité des lois devient de plus en plus compliqué à appliquer. La principale raison est le métissage / mélange des ethnies, encouragé par la diffusion du christianisme, qui rend de plus en plus difficile la détermination de l’origine ethnique des justiciables. La disparition du système de la personnalité des lois au profit du système de la territorialité des lois : Progressivement, apparaît l’idée d’un critère territorial, plus efficace et plus pratique que celui de l’ethnie. A partir du IXe s., les anciennes lois personnelles se transforment en lois s’appliquant à tous les habitants d’un même territoire. Exemple : l’édit de Pîtres, pris par le roi Charles le Chauve en 864, énonce, à propos de la répression du crime de faux monnayage : « Dans la terre où les jugements sont réglés par la loi romaine, que l’on juge selon cette loi ; et dans la terre où les affaires ne sont pas jugées selon la loi romaine, que le faux monnayeur perde la main droite ». Tous droits réservés fiches-droit.com 16 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°8 : La justice à l’époque franque 1) Les différentes juridictions La juridiction de droit commun : le mallus : Le mallus est la juridiction qui connaît de toutes les affaires, sauf celles qui relèvent d’une juridiction d’exception. Ainsi, la majorité des litiges relèvent du mallus. Il y a un mallus dans chaque circonscription. Le mallus est compétent aussi bien pour les litiges civils que pénaux et, malgré la multiplicité des lois appliquées, rend la justice pour tous les habitants de la circonscription (barbares et gallo-romains). Le mallus est présidé par le comte, représentant du roi dans sa circonscription. Pour rendre la justice, le comte est assisté d’un collège d’au moins 7 hommes libres appelés « rachimbourgs ». A noter : ✓ Les rachimbourgs ne sont pas des juges professionnels mais des « notables » désignés pour chaque tenue du mallus, qui connaissent le droit et qui sont réputés pour leur sagesse. ✓ A l’époque carolingienne, les rachimbourgs sont remplacés par les échevins, des juges professionnels permanents. Tous les hommes libres de la circonscription doivent être présents au procès (sous peine d’amende). A l’issue de la délibération, ils doivent faire connaître par acclamation leur adhésion à la décision prise. Les juridictions d’exception : Certains litiges ne relèvent pas du mallus mais de juridictions d’exception : Le tribunal du palais : Le tribunal du palais est compétent pour les affaires les plus graves au regard de la faute commise (Exemples : trahison, crime de lèse-majesté…) ou de la qualité des personnes impliquées (Exemples : comtes, évêques…). Il est présidé par le roi. Pour rendre la justice, le roi est assisté d’un certain nombre de dignitaires. Les juridictions d’immunité : Le pouvoir judiciaire des comtes s’arrête aux frontières des grands domaines fonciers dont les propriétaires bénéficient du privilège d’immunité. Sur ce type de domaines, la justice est rendue par le propriétaire terrien lui-même. 2) La procédure Le caractère accusatoire de la procédure : Au civil comme au pénal, la procédure est accusatoire. Cela signifie que les parties ont l’initiative de l’instance et y jouent un rôle actif, alors que l’autorité publique joue plutôt un rôle passif, se contentant de trancher. A noter : La procédure accusatoire s’oppose à la procédure inquisitoire, où la maîtrise du procès est confiée au juge qui joue un rôle actif. Exemple : Aujourd’hui, au pénal, la procédure est inquisitoire. Un formalisme très lourd : Sous peine de perdre le procès, chaque partie doit accomplir certains gestes et prononcer certaines paroles. A noter : Cela rappelle la procédure romaine des « actions de la loi » (voir Fiche n°3). 3) La preuve La charge de la preuve : La charge de la preuve repose sur le défendeur (l’accusé au pénal). Le demandeur n’a donc pas à prouver la réalité des faits qu’il allègue à l’appui de sa prétention. C’est au défendeur de démontrer que le demandeur a tort s’il veut gagner. A noter : C’est l’inverse de ce qu’on connaît aujourd’hui, où la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Les modes de preuve : La preuve écrite est très peu utilisée. Les modes de preuve sont principalement irrationnels. On utilise notamment : le serment purgatoire, par lequel l'accusé jure devant Dieu qu'il est innocent. les ordalies, qui sont des épreuves physiques que l’on fait passer à l’accusé et dont l'issue permet de conclure à sa culpabilité ou à son innocence (selon la croyance, si l'accusé est innocent, Dieu l'aide à surmonter l'épreuve). Exemple : récupérer une pierre dans un chaudron rempli d’eau bouillante avec la main. Si, après un délai, ses brûlures guérissent, l’individu est déclaré innocent. le duel judiciaire, qui est une ordalie bilatérale au cours de laquelle les deux parties s’affrontent dans un combat à mort, Dieu donnant la victoire à celui qui dit vrai. Tous droits réservés fiches-droit.com 17 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Sous-partie n°2 : L’époque féodale (du Xe s. au XIe s.) Fiche n°9 : Le système féodal Contexte historique : Sous la dynastie carolingienne (751-987), une forme d’Etat avait été restaurée. Cela était particulièrement visible avec les capitulaires, qui étaient des actes législatifs pris par les rois carolingiens et applicables à l’ensemble du territoire. Mais au Xe s., l’empire carolingien se décompose. Le roi ne peut plus imposer ses décisions sur le royaume. L’Etat disparaît. Apparaît alors un nouveau mode d’organisation de la société : la féodalité. Des liens personnels d’homme à homme : La société féodale est fondée sur des relations d’homme à homme. Dans le système féodal, un homme (le vassal) jure fidélité à un seigneur (le suzerain) au cours d’une cérémonie (l’hommage vassalique). A noter : un seigneur est une personne qui possède des terres et y exerce le pouvoir politique. Autant le vassal que le suzerain sont des membres de la noblesse. Concrètement, par l’hommage vassalique, un noble (le vassal) se lie à un noble plus puissant (le suzerain). Ce lien personnel est assorti d’obligations réciproques. Le suzerain concède au vassal une terre (le fief) et doit protection à son vassal. En contrepartie, le vassal est tenu de fournir à son suzerain aide (notamment militaire) et conseil. Le vassal devient le seigneur du fief qu’il reçoit. Des liens hiérarchiques d’homme à homme : Les seigneurs vassaux peuvent eux-mêmes avoir des vassaux. Autrement dit, un seigneur peut être le vassal d’un autre seigneur, mais il peut également être le suzerain d’un autre seigneur, et dans ce cas avoir lui-même un vassal, qui peut à son tour avoir un vassal, etc… La société féodale est donc une société pyramidale : ✓ Au sommet de la pyramide, on trouve le roi, qui est le suzerain suprême. A noter : Le roi est certes au sommet de la société féodale, mais dans les faits, il est parfois moins puissant que certains seigneurs. Son territoire est limité entre Orléans, Senlis et Laon. ✓ En-dessous du roi, on trouve de grands seigneurs, qui sont les vassaux du roi. ✓ En-dessous des grands seigneurs, on trouve des seigneurs moins puissants, qui sont les vassaux des grands seigneurs, etc… Suzerain Roi Vassaux Seigneurs Suzerains très puissants Vassaux Suzerains Seigneurs puissants Vassaux Petits seigneurs Paysans L’exercice de l’autorité publique par les seigneurs : Dans la société féodale, la souveraineté est morcelée. Chaque seigneur exerce l’autorité publique sur son territoire (sa seigneurie). Tous droits réservés fiches-droit.com 18 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°10 : La coutume comme principale source du droit Contexte historique : A l’époque féodale, apparaissent au sein de chaque seigneurie des règles nouvelles, orales et mouvantes : les coutumes. Ces coutumes émergent des rapports de force entre le seigneur et ses sujets, ou entre les habitants d’une même seigneurie, et les transforment en rapports de droit. En parallèle, les lois nationales et les capitulaires royaux ont disparu. La coutume devient donc la principale source du droit dans le royaume de France. 1) La notion de coutume Déf. : La coutume est un droit non écrit qui naît d’usages, dont la répétition dans le temps engendre le sentiment de l’obligatoire. Eléments constitutifs : On comprend de cette définition que la coutume requiert deux éléments pour être caractérisée : un élément objectif, c’est-à-dire la répétition d’un usage, de manière constante et pendant un temps suffisamment long. un élément subjectif, c’est-à-dire la conviction collective que cet usage est obligatoire et doit donc être respecté. A noter : Plusieurs caractéristiques de la coutume peuvent être soulignées : la coutume émane spontanément du groupe social auquel elle s’applique, et non d’une autorité publique. en raison de son oralité, la coutume est fluctuante et mouvante. la coutume est une source du droit particulièrement souple. Puisqu’elle naît des usages de la population, elle évolue en fonction de l’évolution des besoins de la société. 2) L’application de la coutume Le caractère obligatoire de la coutume : La coutume est juridiquement obligatoire. Son élément subjectif la distingue du simple usage et lui confère une force obligatoire à l’égard de tous. Le champ d’application de la coutume : Le champ d’application territorial : Les coutumes sont fortement territorialisées ; elles sont spécifiques à chaque seigneurie. D’une seigneurie à l’autre, elles peuvent varier dans des proportions considérables. A noter : Etant donné le morcellement du royaume en une multitude de seigneuries, il y a une grande diversité de coutumes. Toutefois, il existe des zones au sein desquelles les coutumes, malgré leur diversité, partagent des points communs. On distingue ainsi entre coutumes du Nord et coutumes du Sud du royaume. Dans le Sud, les coutumes sont fortement imprégnées de droit romain. Le Nord, en revanche, est bien plus influencé par les traditions germaniques. Le champ d’application matériel : D’abord cantonnée aux droits liés à l’autorité publique du seigneur (les prérogatives d’ordre militaire, les impôts, etc.), la coutume dépasse les rapports entre seigneur et habitants pour prendre en compte les relations entre paysans entre eux (ventes, échanges, libéralités, successions...). Elle recouvre ainsi les usages de droit privé qui se sont répétés dans le temps et qui ont créé chez la population la conviction qu’ils étaient obligatoires. Tous droits réservés fiches-droit.com 19 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°11 : La justice à l’époque féodale 1) Une justice aux mains des seigneurs A l’époque féodale, les seigneurs exercent les prérogatives de puissance publique au sein de leurs seigneuries. Ainsi, au sein de sa seigneurie, un seigneur perçoit les impôts, peut lever une armée, mais a également le pouvoir de rendre la justice à tous les habitants de la seigneurie. 2) La distinction entre justice féodale et justice seigneuriale La justice féodale : C’est la justice des nobles entre eux (les nobles ont le droit d’être jugés par leurs pairs). Elle concerne les litiges relatifs aux vassaux. Concrètement, le seigneur convoque tous ses vassaux pour juger l’un d’entre eux. Ce sont les vassaux eux-mêmes qui sont juges. Le seigneur, quant à lui, préside les débats et prononce la sentence. La justice seigneuriale : C’est la justice qui concerne les autres habitants de la seigneurie, c’est-à-dire les paysans. 3) La procédure Rappel : Une procédure accusatoire est une procédure où les parties ont l’initiative de l’instance et y jouent un rôle actif, alors que l’autorité publique joue plutôt un rôle passif, se contentant de trancher. A l’inverse, une procédure inquisitoire est une procédure où la maîtrise du procès est confiée au juge qui joue un rôle actif. A l’époque féodale, au civil comme au pénal, la procédure est accusatoire. A noter : C’est la même chose qu’à l’époque franque. Voir Fiche n°8 : La justice à l’époque franque. 4) La preuve La charge de la preuve : La charge de la preuve pèse sur le demandeur. A noter : C’est l’inverse de ce qui se passait à l’époque franque, où la charge de la preuve reposait sur le défendeur. Les modes de preuve : Les témoignages sont très utilisés. A noter : A l’inverse, à l’époque franque, on recourait surtout aux modes de preuve irrationnels, comme les ordalies. Voir Fiche n°8 : La justice à l’époque franque. On continue d’utiliser les ordalies, mais celles-ci tombent peu à peu en désuétude. Le duel judiciaire, quant à lui, subsiste.. Tous droits réservés fiches-droit.com 20 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Sous-partie n°3 : A partir du XIIe s. Fiche n°12 : L’émergence des droits savants (droit romain et droit canonique) A noter : On dit que le droit romain et le droit canonique sont des droits savants car ils font l’objet d’un enseignement. 1) La renaissance du droit romain La redécouverte du droit romain : Au XIIe s., le droit romain est réanimé, avec la découverte des compilations de Justinien, que l’on désigne désormais comme le Corpus iuris civilis. A noter : Jusqu’au XIIe s., les Occidentaux n’avaient qu’une connaissance parcellaire et abâtardie du droit romain ; ils ignoraient les compilations de Justinien. Voir Fiche n°5. Cette redécouverte du droit romain a d’abord lieu en Italie, et particulièrement à Bologne, où se développe au début du XIIe s. une école de droit romain. Le fondateur de cette école, Irnerius, va former quatre disciples : Martinus, Bulgarus, Jacobus, et Hugo. A noter : Ils sont surnommés les « quatre docteurs ». Se constitue ainsi dans l’école une lignée d’enseignants qui dispensent un enseignement basé sur les compilations justiniennes. Plus précisément, cet enseignement consiste en une explication mot à mot des textes du Corpus iuris civilis. L’enseignant lit le texte et s’arrête sur chaque mot pour en élucider le sens. Cette méthode d’enseignement est appelée la « glose », et ceux qui la pratiquent sont les « glossateurs ». La diffusion du droit romain : Les cours de l'École de droit de Bologne rencontrent un franc succès, à tel point que des étudiants de toute l’Europe viennent y assister. À leur retour dans leur pays d’origine, ces juristes fondent à leur tour des écoles de droit. Parti du Nord de l’Italie, le droit romain se répand ainsi dans le Sud de la France dans la première moitié du XIIe s., puis dans le Nord de la France dans la seconde moitié du XIIe s. Les régions du Sud sont toutefois celles où le droit romain s’implante le plus profondément. La pénétration du droit romain n’entraîne pas une disparition totale des coutumes. Ce sont les coutumes incomplètes ou archaïques qui disparaissent devant la technicité du droit romain (Exemple : en droit des contrats), alors que les coutumes véritablement enracinées dans les habitudes résistent (Exemple : en droit de la famille). Enfin, d’autres coutumes se transforment sous l’influence du droit romain. 2) L’essor du droit canonique Rappels : Le droit canonique (ou « droit canon ») est un ensemble de règles prises par l’Eglise portant sur le fonctionnement de l’Eglise et sur ses fidèles. Autrement dit, c’est le droit de l’Eglise. Depuis l’Empire romain, le droit canonique regroupe les règles tirées de la Bible, mais aussi les règles et décisions adoptées lors des assemblées d’évêques (les « canons » des conciles) et les décrétales, c'est-à-dire les lettres émises par le pape en réponse à une question qui lui est posée. Petit à petit, le droit canonique s'est émietté en une multitude de textes, ce qui a donné lieu à l’apparition de « collections canoniques », qui sont des recueils rassemblant différents textes. Le Décret de Gratien : Vers 1140, est élaboré à Bologne le Décret de Gratien, une collection canonique de grande ampleur (environ 4000 textes sont compilés). Toutefois, le Décret de Gratien n'a pas pour seul but de rassembler des règles canoniques. Il vise surtout à résoudre les contradictions entre elles, à les concilier afin de rétablir la cohérence globale du droit canonique. En cela, il est une collection canonique d’un genre nouveau. Tous droits réservés fiches-droit.com 21 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Le Décret de Gratien connaît un succès immédiat dans toute l’Europe occidentale. Le succès et la qualité de l’ouvrage sont tels qu’il est reconnu par la papauté et recouvert par elle d’une autorité officielle. Il restera pendant plusieurs siècles une des principales sources du droit canonique. Les Décrétales de Grégoire IX : Entre 1140 et 1230, les papes successifs sont très actifs et multiplient les décrétales. Environ un siècle après le Décret de Gratien, le pape Grégoire IX constate ainsi la nécessité de compiler et de remettre en ordre l’ensemble des décrétales. A ce titre, il ordonne de réunir dans une compilation officielle toutes les décrétales depuis le décret de Gratien. Cette compilation, communément désignée comme les Décrétales de Grégoire IX ou le « Liber Extra », est promulguée en 1234. L’étude du droit canonique : Le XIIe s. marque le début de l’enseignement du droit canonique, à travers les écoles de droit canonique. Ce mouvement naît à Bologne puis s’étend à la France. Tous droits réservés fiches-droit.com 22 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°13 : La rédaction du droit coutumier Problème : En raison de son caractère oral, la coutume est difficile à connaître et la preuve de la coutume est difficile. C’est pourquoi à partir du XIIe s. démarre un processus de mise par écrit des coutumes. 1) Les premières mises par écrit des coutumes Dans le Sud de la France : Au milieu du XIIe s., les coutumes commencent à être mises par écrit dans le Sud de la France. Cette mise par écrit des coutumes est initiée par les seigneurs ou les autorités municipales, sous la forme de statuts urbains (exemples : les statuts d’Avignon ou d’Arles). Dès lors, il s’agit de coutumes officielles ; elles sont invocables et applicables en justice. Dans le Nord de la France : A la fin du XIIe s. et au XIIIe s., apparaissent dans le Nord de la France des « coutumiers », qui sont des recueils de coutumes rédigés à l’initiative de particuliers (exemple : le Très Ancien Coutumier de Normandie). Dès lors, ces coutumiers n’ont aucun caractère officiel ; ils ne font pas foi en justice. Ils ne permettent donc pas de résoudre le problème de la preuve de la coutume. 2) La rédaction officielle des coutumes Contexte historique : A partir du XIIIe s., la féodalité décline, et l’institution royale s’affirme. La possibilité de faire la loi, à travers notamment des ordonnances applicables sur l’ensemble du territoire, est à nouveau mise à profit par les rois. Voir Fiche n°14. L’ordonnance de Montils-lès-Tours (1454) : Afin de régler le problème de la preuve de la coutume (notamment dans le Nord du royaume), qui entraîne retards, coûts et incertitude puisque les juges ne savent parfois pas quel droit appliquer, le roi Charles VII promulgue en 1454 l’ordonnance de Montils-lès-Tours, qui prévoit la mise par écrit de l’ensemble des coutumes du royaume. Ce mouvement met du temps à se mettre en place. Sous le règne de Charles VII, seules quelques coutumes sont mises par écrit (exemple : la coutume de Touraine en 1461). C’est surtout sous les règnes de Charles VIII (de 1483 à 1498) et François 1er (de 1498 à 1515) que de nombreuses coutumes vont être rédigées (exemples : la coutume d’Orléans en 1509, la coutume de Paris en 1510). Conséquences : Cette rédaction officielle des coutumes emporte plusieurs conséquences : Le roi maîtrise désormais la coutume, une source de droit qui jusque-là lui échappait. On assiste à une clarification du droit coutumier. Le support de la coutume est désormais un texte officiel, sanctionné par le roi, ce qui rapproche la valeur de la coutume de celle reconnue à la loi. Derrière cette clarification, on voit apparaître (timidement) l’idée d’unification du droit. Tous droits réservés fiches-droit.com 23 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°14 : Le développement d’un droit royal Contexte historique : A partir du XIIIe s., la féodalité décline. On assiste à un renforcement de l’autorité du roi, ce qui va conduire au développement d’un droit royal, applicable à l’ensemble du royaume. 1) Le renouveau du pouvoir législatif du roi La conception légiste du pouvoir législatif royal : Au XIIIe s., à la cour de Louis IX (Saint Louis), apparaissent les légistes, des juristes formés au droit romain, s'appuyant sur la conception romaine de l'État. Ils considèrent que le roi de France doit avoir les mêmes pouvoirs que l’empereur romain, et doit donc être l’entier et unique détenteur du pouvoir législatif. La disparition de l’obligation de consentement des vassaux pour les textes d’application générale : Jusqu’au milieu du XIIIe s., lorsque le roi souhaite prendre une ordonnance applicable à l’ensemble du royaume, il doit obtenir le consentement des grands seigneurs (ses vassaux). Le texte même de l’ordonnance énumère le nom des seigneurs qui l’ont signée, mention indispensable à l’application de la norme dans leur ressort. Cette pratique recule pendant le règne de Saint Louis (1226 - 1270) : désormais, une ordonnance est applicable dans tout le royaume dès que la majorité des grands seigneurs donnent leur consentement. Un nouveau pas est franchi sous le règne de Philippe le Bel (1285 - 1314) qui considère l’avis de ses vassaux comme uniquement consultatif. 2) La reconquête de la justice par le roi Contexte historique : A l’époque féodale, la justice est rendue par les seigneurs. Le roi n’exerce la justice qu’à l’intérieur de son domaine royal. Mais à partir du XIIIe s., la justice royale va progressivement prendre le dessus sur les justices seigneuriales. La domestication des juridictions seigneuriales : Le roi ne supprime pas les juridictions seigneuriales mais les vide de leur compétence pour les insérer dans l’organisation de la justice royale. Cela passe par 3 procédés : L’appel : Au XIIIe s. est créé le Parlement de Paris. Juridiction royale, le Parlement est une cour d’appel, qui statue notamment sur les recours dirigés contre les décisions rendues par les juridictions seigneuriales. Concrètement, les affaires jugées devant les juridictions seigneuriales peuvent faire l’objet d’un appel devant le Parlement. Dès lors, la justice seigneuriale se voit subordonnée à la justice royale. La prévention : Les juridictions royales peuvent « prévenir » la justice seigneuriale. Cela signifie que le juge royal est saisi d’une affaire avant le juge seigneurial normalement compétent. Cette prévention peut intervenir dans 2 cas : lorsque le juge royal se saisit lui-même, ou lorsqu’il est saisi par une partie au litige. Les cas royaux : Certaines affaires, les cas royaux, sont réservées aux juridictions royales. Il s’agit des affaires qui intéressent le roi. Exemples : les affaires relatives à la personne du roi, au domaine royal, aux personnes placées sous la protection du roi, le non-respect des ordonnances royales. Le développement des juridictions royales : A partir du XIIIe s., le royaume de France est divisé en bailliages et sénéchaussées. Il s’agit de circonscriptions sur lesquelles des officiers royaux, les baillis et les sénéchaux, rendent la justice au nom du roi. Des juridictions royales apparaissent ainsi sur l’ensemble du territoire. A noter : On parle de bailliages dans le Nord du royaume et de sénéchaussées dans le Sud. Ces juridictions royales attirent à elles un contentieux de plus en plus important. Cet attrait est le fruit d’une évolution de la procédure (au sein des juridictions royales, on passe d’une procédure accusatoire Tous droits réservés fiches-droit.com 24 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé à une procédure plus inquisitoire) et des modes de preuve (la preuve irrationnelle du duel judiciaire est remplacée par la preuve testimoniale et la preuve écrite). Comme expliqué précédemment, le Parlement de Paris est créé afin de faire office de cour d’appel. Il juge en appel les décisions des juridictions seigneuriales et des juridictions royales inférieures (bailliages et sénéchaussées). Au XVe s., en raison de la multiplication des affaires, plusieurs autres Parlements sont créés en province. Exemples : le Parlement de Toulouse en 1443, le Parlement de Bordeaux en 1451, le Parlement de Grenoble en 1453, le Parlement de Dijon en 1477, etc. Toutes ces juridictions royales (bailliages, sénéchaussées, Parlements) appliquent le droit royal et contribuent donc à la diffusion du droit royal dans tout le royaume. Tous droits réservés fiches-droit.com 25 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Partie n°3 : Le droit à l’époque moderne (du XVIe s. au XVIIIe s.) Fiche n°15 : Le déclin des droits savants (droit romain et droit canonique) 1) Le déclin du droit romain Contexte historique : Au XVIe s., se développe un nouveau courant de pensée : l’humanisme. Ce courant place la personne humaine et son épanouissement au-dessus de toutes les autres valeurs. La critique du droit romain : Au sein du courant humaniste, l’humanisme juridique considère que le droit romain n’est plus l’expression d’une vérité intangible, bonne pour tous les temps et toutes les sociétés ; il doit être replacé dans son époque. Cette conception fait baisser l’autorité du droit romain. En outre, certains penseurs considèrent le droit romain comme un droit venu de l’étranger ; le droit romain est le droit des Romains de l’époque (et non le droit des Français d’aujourd’hui). La suprématie du droit émanant du roi : L’époque moderne est marquée par l’affirmation de la souveraineté législative du roi (voir Fiche n°17). Pour les juristes humanistes, il n’y a que 2 sources du droit : le droit coutumier, qui a été rédigé par le roi (voir Fiche n°13), et la législation royale, qui par définition émane du roi. Le droit romain n’est plus considéré comme une source du droit ; il n’est qu’un simple argument intellectuel, qui peut servir dans l’élaboration d’un texte. On considère que le seul droit qui s’applique est celui qui provient du roi. 2) Le déclin du droit canonique Contexte historique : Au XVIe s., le paysage européen est profondément transformé par la Réforme protestante. Ce mouvement entend revenir aux sources et à la forme première du christianisme (il y a notamment la volonté de revenir au texte de la Bible, considérée comme la seule source légitime d’autorité chrétienne). Il remet également en cause plusieurs aspects de l’Eglise catholique de l’époque, et notamment l’autorité du pape. Cela va entraîner de profondes conséquences en matière juridique. Le contrôle du droit canonique par la monarchie : Le droit canonique élaboré en dehors du royaume de France (par le pape ou par un concile) n’est plus d’application automatique dans le royaume de France ; c’est la monarchie qui lui donne force obligatoire. Plus précisément, il ne s’applique dans le royaume que s’il a fait l’objet d’une réception, consistant le plus souvent en un enregistrement par le Parlement. L’empiètement de la législation royale sur le domaine religieux : Le roi légifère désormais dans les matières ecclésiastiques, participant ainsi à la création d’un droit ecclésiastique national, ne s’appliquant que dans les limites du royaume de France. Des domaines entiers du droit, jusque-là de la compétence de l’Eglise, passent dans les mains du roi. Exemples : En matière de discipline ecclésiastique, le roi va accorder la liberté de culte et un statut spécifique aux protestants par l’édit de Nantes en 1598, puis le révoquer par l’édit de Fontainebleau en 1685. En matière de droit de la famille, le mariage, jusque-là régi par le droit canonique, est profondément transformé par la législation royale. Ainsi, l’édit de 1556 impose le consentement des parents. Tous droits réservés fiches-droit.com 26 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°16 : Du droit coutumier au droit français Contexte historique : En 1454, l’ordonnance de Montils-lès-Tours avait été promulguée par le roi afin de mettre par écrit l’ensemble des coutumes du royaume (voir Fiche n°13). Ce mouvement de rédaction des coutumes s’achève au milieu du XVIe s. 1) Du droit coutumier au droit commun coutumier : la réformation des coutumes Problèmes : La rédaction des coutumes ne donne pas entière satisfaction. Rapidement, des voix s’élèvent pour réclamer la réformation (c’est-à-dire la révision, la modification) de ces coutumes, et ce pour plusieurs raisons : Un certain nombre de coutumes sont archaïques et mal adaptées aux enjeux économiques modernes. La doctrine critique la multiplicité des coutumes, et appelle à une unification du droit coutumier. La réformation des coutumes : Pour répondre à ces problèmes, le pouvoir royal procède à la réformation des coutumes. Ainsi, dans la seconde moitié du XVIe s., les principales coutumes du royaume sont réformées. Les conséquences de la réformation des coutumes : Avec la réformation des coutumes, le droit coutumier prend un nouveau visage : Les coutumes sont désormais définitivement cristallisées, figées dans une forme définitive, qui ne connaîtra aucune évolution ultérieure. Elles sont plus modernes et d’une meilleure qualité. Moins nombreuses, elles s’appliquent désormais dans des ressorts plus vastes. Répondant à la volonté d’unification du droit coutumier, la réformation a conduit à un véritable rapprochement entre les coutumes, au point que la doctrine parle maintenant d’un « droit commun coutumier ». 2) Du droit commun coutumier au droit français Empreinte d’une dimension nationale, la notion de droit commun coutumier laisse peu à peu la place à celle de droit français. Plus qu’un glissement sémantique, le terme traduit une idée nouvelle : celle qu’il existe un droit national, obéissant à des principes communs à tout le royaume, et fondé conjointement sur les coutumes et la législation royale. Il porte donc en lui l’idée que l’unification du droit n’est pas issue des seules coutumes, mais aussi et surtout de l’activité législative du roi. Tous droits réservés fiches-droit.com 27 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Fiche n°17 : L’unification du droit français par la législation royale 1) L’affirmation de la souveraineté législative du roi La théorie de l’absolutisme royal : Au XVIe s., les théoriciens du pouvoir royal (notamment Jean Bodin) soutiennent que la souveraineté du roi est absolue et indivisible. Ils considèrent que le roi détient tous les pouvoirs, et particulièrement le pouvoir législatif. Selon eux, c’est le roi seul qui fait la loi. Est ainsi théorisé le pouvoir exclusif du roi de faire des ordonnances. Ce pouvoir donne progressivement naissance à un nouvel ordre juridique essentiellement fondé sur la législation royale. A noter : Le pouvoir du roi est toutefois limité par les lois fondamentales du royaume. Il s’agit d’un ensemble de règles, forgées empiriquement au gré des circonstances (la plupart sont apparues au Moyen- Âge), qui s'imposent au roi et que le roi ne peut modifier. C’est en quelque sorte la « Constitution coutumière » du royaume. Les lois fondamentales du royaume concernent : ✓ la dévolution de la Couronne : hérédité (c’est l’enfant du roi qui succède au roi), primogéniture (parmi les enfants du roi, c’est l’aîné qui succède au roi), masculinité (seul un homme peut devenir roi), catholicité (le roi doit être catholique), etc. ✓ le domaine de la Couronne : inaliénabilité (le roi ne peut pas vendre ou donner des biens de la Couronne) et imprescriptibilité (aucune personne ne peut devenir propriétaire d’une partie du domaine de la Couronne par l’écoulement du temps). L’accroissement de la législation royale : En conséquence, la législation royale s’accroit, tant d’un point de vue territorial que matériel : L’accroissement territorial de la législation royale : La législation royale s’applique désormais dans tout le royaume. Les seigneurs territoriaux ont perdu leur pouvoir créateur de droit. L’accroissement matériel de la législation royale : Au XVIe s., la législation royale concerne principalement le droit public. Aux XVIIe et XVIIIe s., elle s’immisce dans le champ du droit privé, qui était jusque-là du domaine de la coutume. 2) Les grandes ordonnances de réformation et de codification Les grandes ordonnances de réformation : Ayant affirmé sa souveraineté législative, le roi entend user de cette arme pour modifier le droit existant. Au XVIe s., il édicte ainsi plusieurs ordonnances de réformation. Les plus importantes sont les suivantes : L’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) : Promulguée par le roi François Ier, cette ordonnance : ✓ réforme le système judiciaire, avec notamment l’instauration de la procédure inquisitoire en matière pénale. ✓ crée le premier système d’état civil français, en obligeant les prêtres à tenir un registre des naissances et décès dans toutes les paroisses. ✓ rend obligatoire l'utilisation du français dans les actes judiciaires et juridiques (on abandonne le latin). L’ordonnance de Moulins (1566) : Promulguée par le roi Charles IX, cette ordonnance impose la preuve écrite pour les contrats excédant un certain montant (à l’époque, 100 livres). L’ordonnance de Blois (1579) : Promulguée par le roi Henri III, cette ordonnance pose différentes règles en matière de mariage. Les grandes ordonnances de codification : Aux XVIIe et XVIIIe s., le pouvoir royal prend différentes ordonnances de codification ; l’idée est, pour chaque ordonnance, de regrouper dans un ordre rigoureux l’ensemble des règles relatives à un domaine du droit en particulier, afin d’unifier le droit et de le rendre plus clair. Chaque ordonnance constitue ainsi un véritable Code. Initié par Colbert (ministre de Louis XIV), ce mouvement de codification est complété au XVIIIe s. par le chancelier d’Aguesseau (ministre de Louis XV) : Les ordonnances de Colbert : Parmi les ordonnances de Colbert, on peut citer : ✓ l’ordonnance sur la procédure civile (1667) ✓ l’ordonnance sur la procédure criminelle (1670) ✓ l’ordonnance sur le commerce (1673) ✓ l’ordonnance sur la marine (1681) Tous droits réservés fiches-droit.com 28 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé A noter : Les ordonnances de Colbert vont inspirer les codifications de Napoléon 1er (Code de procédure civile en 1806, Code d’instruction criminelle en 1808, Code de commerce en 1807). Voir Fiche n°20. Les ordonnances du chancelier d’Aguesseau : Parmi les ordonnances du chancelier d’Aguesseau, on peut citer : ✓ l’ordonnance sur les donations (1731) ✓ l’ordonnance sur les testaments (1735) Tous droits réservés fiches-droit.com 29 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé Partie n°4 : La Révolution française et le droit Fiche n°18 : Le culte de la loi 1) L’influence des Lumières La pensée de Montesquieu : Dans De l'esprit des lois (1748), Montesquieu affirme que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », et que « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Pour ce faire, Montesquieu distingue trois pouvoirs : le pouvoir législatif (le pouvoir d’élaborer les lois), le pouvoir exécutif (le pouvoir d’exécuter les lois) et le pouvoir judiciaire (le pouvoir de juger les litiges). Chaque pouvoir doit être exercé par un organe distinct pour éviter le despotisme (c’est-à-dire la confusion des pouvoirs entre les mains d’un seul homme). En particulier, le pouvoir législatif doit être exercé par une assemblée de représentants du peuple. La pensée de Rousseau : Rousseau met en avant la nécessité de se libérer de l’autorité royale pour lui substituer celle de la loi, faite par la souveraineté populaire par l’intermédiaire de ses représentants. En effet, dans Du contrat social (1762), il affirme que les règles de vie en commun découlent du pacte noué selon la volonté du peuple, ou volonté générale. Or selon Rousseau, seule la loi est l’expression de la volonté générale. 2) La suprématie du pouvoir législatif Contexte historique : En 1789, le roi convoque les États généraux, qui rassemblent, en 3 assemblées distinctes, les représentants des 3 ordres (noblesse, clergé et tiers état) qui composent la France d’Ancien régime. Le 17 juin 1789, les États généraux se déclarent, de façon unilatérale et sans l’accord du roi, Assemblée nationale, représentante de la nation. Le 20 juin 1789, réunie à la salle du Jeu de paume, l’Assemblée devient constituante en prononçant le serment qu’elle ne se dissoudra pas avant d’avoir doté le royaume d’une constitution. Le 26 août 1789, l’Assemblée adopte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), qui définit un ensemble d'idées et de valeurs devant servir de guide pour le futur législateur et de référence pour apprécier et évaluer l’action des gouvernants. Le 3 septembre 1791, l’Assemblée adopte la première constitution écrite de France. Cette constitution a instauré une monarchie constitutionnelle, limitant les pouvoirs du roi Louis XVI et établissant une Assemblée législative élue par les citoyens. Le principe de séparation des pouvoirs théorisé par Montesquieu est déformé par l’Assemblée constituante en une domination du pouvoir législatif, par méfiance envers un pouvoir exécutif incarné par le roi, mais aussi envers les juges. Dans la Constitution de 1791, le pouvoir législatif occupe la place principale : Est créée une Assemblée de 745 membres élus pour deux ans, qui ne peut être dissoute par le roi. L’Assemblée a non seulement le vote, mais également l’initiative des lois ; toute intervention du roi est exclue. Le roi a seulement un droit de veto suspensif, lui permettant de retarder l’entrée en vigueur des lois s’il le désire. En effet, les projets votés par l’Assemblée n’acquièrent force de loi qu’après la sanction royale. Or le roi peut opposer son veto pendant deux législatures (en sachant que chaque législature dure deux ans). Si l’Assemblée vote la loi pendant une troisième législature, il doit la promulguer. Tous droits réservés fiches-droit.com 30 Toute communication de ce document est interdite sous peine de poursuites judiciaires - Fichier PDF Tracé 3) La toute-puissance de la loi L’omniprésence de la loi dans la DDHC : La loi est omniprésente dans la DDHC. Exemples : La conception de Rousseau est reprise à l’article 6 : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leu