Cours III-Régner - Moyen Âge et Époque Moderne - PDF

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Ce document est une introduction à l'étude de la notion de pouvoir royal en Europe au Moyen Âge et à l'Époque Moderne. Il aborde les différents concepts politiques du pouvoir royal en France et en Europe à travers les différentes époques historiques.

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H-T2 - Vivre en Europe au Moyen Âge et à l’Époque Moderne Croire, travailler, combattre, régner CH4 – RÉGNER Introduction Le terme central du sujet : Un verbe : « Régner » : exercer le pouvoir souverain sur un territoire et ses habitants. Etymologie : regnare en latin. Mots associés : Roi/Reine : c...

H-T2 - Vivre en Europe au Moyen Âge et à l’Époque Moderne Croire, travailler, combattre, régner CH4 – RÉGNER Introduction Le terme central du sujet : Un verbe : « Régner » : exercer le pouvoir souverain sur un territoire et ses habitants. Etymologie : regnare en latin. Mots associés : Roi/Reine : celui ou celle qui exerce le pouvoir souverain. roi/souverain : utilisés comme synonymes. Concept : Royauté : pouvoir royal, système politique dans lequel le pouvoir est exercé par un roi ; par extension = monarchie. Si le mot a traversé les siècles, la conception de ce qu’est le pouvoir royal a beaucoup évolué : Déclinaisons du concept aux principales étapes de la période, associées aux théoriciens : 1 Époque des royaumes barbares : Concept : Royauté guerrière Le roi des peuples dits "barbares" (comme les Francs avant Clovis) est principalement un chef de guerre. Sa légitimité repose sur ses compétences militaires, sa capacité à protéger son peuple, à conquérir des territoires et à distribuer les butins de guerre. Il est élu ou acclamé par ses guerriers. Source : Jordanès, citation [PP] , historien goth du VIe siècle, a écrit l'Histoire des Goths, où il décrit les rois goths comme des chefs de guerre avant tout, notamment Attila ou Théodoric le Grand. Époque mérovingienne : Concept : Royauté sacrale La royauté mérovingienne est marquée par l’idée que le roi est un être sacré, investi d’un pouvoir divin. L’institution politique prend appui sur l’institution religieuse chrétienne qui a résisté à l’effondrement de l’empire romain. Théoricien : Grégoire de Tours, citation [PP] Époque carolingienne : Concept : Royauté ministérielle (roi ministre de Dieu) Sous les Carolingiens, le roi est un "minister Dei", un serviteur de Dieu, roi-prêtre, sacré et oint par l'Église qui doit gouverner avec justice et selon les principes chrétiens. Théoricien : Hincmar de Reims, citation [PP] Citation : « Le roi est placé sur le trône par Dieu, pour gouverner et administrer avec justice. Mais il est aussi un Moyen Âge central (XIe-XIVe siècles) : Concept : Royauté féodale Le roi médiéval est un seigneur féodal parmi d’autres, mais placé au sommet de la pyramide féodale. Le roi assure la cohésion de l’aristocratie féodale mais sous le contrôle de celle-ci. Théoricien : Jean de Salisbury, citation [PP] Transition entre Moyen Âge et époque moderne : Concept : Royauté « morale » Avec Marsile de Padoue, la souveraineté est théorisée de façon originale et précoce comme émanant du peuple, et non plus exclusivement de Dieu ou de l'Église. Le pouvoir royal se légitime par un contrat moral, social et politique entre le roi et ses sujets. La monarchie doit défendre le bien commun pour être légitime. Théoricien : Marsile de Padoue, citation [PP] Époque moderne (XVIe siècle) : Concept clé : Souveraineté absolue Jean Bodin développe l’idée que la souveraineté doit être absolue, indivisible et inaliénable. Le roi détient le pouvoir suprême dans l'État, mais il reste soumis aux lois naturelles et divines. Ce concept fonde l'idée que le roi est au-dessus des lois humaines et des institutions. Théoricien : Jean Bodin, citation [PP] Absolutisme (XVIIe siècle) : Concept clé : Monarchie de droit divin Avec Bossuet, la monarchie absolue prend une dimension théologique : le roi tient directement son pouvoir de Dieu et ne peut être jugé que par lui. La monarchie de droit divin suppose que l'autorité du roi est sacrée et inviolable. Le roi gouverne seul, au nom de Dieu, avec un pouvoir illimité dans le domaine politique. Théoricien : Jacques-Bénigne Bossuet, citation [PP] Repères cartographiques (échelle européenne) : Royaumes barbares (vers 500) : Pouvoir royal basé sur la force militaire. carte [PP] Empire carolingien (vers 800) : Royauté sacrale et alliance avec l'Église. carte [PP] Europe féodale (vers 1100) : Fragmentation féodale et autorité partagée avec les vassaux. enluminure [PP] États européens centralisés (vers 1500) : Affirmation des Etats monarchiques souverains. carte [PP] Monarchies absolues (vers 1700) : Pouvoir royal absolu et centralisé. carte [PP] Repères chronologiques : [PP] Problématique : Comment de Clovis à Louis XVI, le pouvoir monarchique a-t-il évolué ? Bibliographiques : [PP] A. Le Moyen Âge 2 les fondements du pouvoir royal I. Le roi mérovingien – Ve /milieu VIIIe siècles 481 Clovis roi des Francs ; 751 Childéric III, dernier roi mérovingien Dès le règne de Clovis, les mérovingiens instaurent des principes politiques qui empruntent pour partie à la tradition germanique dont sont issus les Francs et à la tradition romano-chrétienne qui est celle des peuples conquis par les Francs, largement majoritaires en nombre. Il en résulte une monarchie forte mais qui s’affaiblit progressivement. 1. Les principes issus de la tradition germanique Une conception guerrière du pouvoir Le roi franc est d’abord un chef de guerre. Il tire de la victoire et des conquêtes sa légitimité pour exercer l’autorité. Sa puissance dépend de sa capacité à maintenir une dynamique positive. Deux termes clés d’origine germanique permettent de définir le pouvoir du roi franc : - Le ban : le pouvoir de commandement du chef, englobant la capacité à ordonner (produire des capitulaires : textes de loi), interdire, juger et mobiliser (convoquer l’ost). - Le mundium [PP] : puissance protectrice que le roi exerce sur ses sujets, assurant leur prospérité et leur sécurité en échange de loyauté. Une conception patrimoniale du pouvoir Chef de guerre, le roi est propriétaire de ses conquêtes. Le royaume (Regnum Francorum) est donc considéré comme une propriété privée du roi, transmissible selon les règles de succession [PP], au détriment de l’unité politique. L'hérédité est un principe fondamental : il en découle le principe dynastique. Les rois mérovingiens sont les descendants de Mérovée (père de Clovis) jusqu’à leur affaiblissement (« rois fainéants »). Ils perdent le pouvoir au profit des maires du Palais. En théorie, cette conception est censée assurer la paix : aucun héritier n’est lésé. L’unité est préservée en théorie, chaque roi étant associé aux autres dans un même ensemble « Franc ». Cette conception mène à des divisions internes fréquentes. C’est le cas après la mort de Clovis en 511, où le royaume est partagé entre ses 4 fils ou encore à la mort de Clotaire Ier, là encore partage entre les 4 fils. Alternent des périodes d’unité avec un seul roi et des périodes de partage (511, 561, 595 et 639) qui affaiblissent progressivement la dynastie (guerres privées, développement des particularismes…) : - Quelques périodes d’unité : exemple, Dagobert (629-639), roi d’Austrasie qui réussit à s’imposer à la Neustrie et la Bourgogne. - Des périodes de partition du Regnum Francorum : VIIe siècle, instauration de la division Austrasie, Neustrie et Bourgogne. Ce sont ces divisions qui affaiblissent les mérovingiens à partir du VIIIe siècle, affaiblissement resté dans l’histoire avec l’expression des « rois fainéants » : accaparés par des conflits privés (« faides »), leur autorité est de moins en moins reconnue par l’aristocratie guerrière, les puissantes familles qui possèdent les richesses ; l’exercice réel du pouvoir passe aux mains de « maires du palais » comme Charles Martel qui exerce la réalité du pouvoir à partir de 737 au détriment du roi Thierry IV. La dynastie disparait en 751 avec l’éviction de Childéric III Le pouvoir du roi repose sur des liens personnels forts L'acclamation [PP] : un élément essentiel de la légitimation du pouvoir royal. Lorsqu'un nouveau roi est proclamé, il est acclamé par les nobles, parfois par l'armée ou le peuple. Cette acclamation est un rituel qui valide le pouvoir du roi et le rattache à la tradition germanique, où le soutien des hommes libres (guerriers surtout) est crucial pour établir l'autorité politique. Le serment de fidélité : il lie le roi à ses guerriers et aux hommes libres. Ces liens, ancrés dans la tradition germanique, sont renforcés par des assemblées où se discutent les affaires du royaume. Les assemblées, telles que le "plaid" et le "Champ de Mars", offrent des occasions de consultation politique, démontrant que le pouvoir du roi n'est pas absolu mais nécessite l'engagement de ses sujets, principalement de l’élite laïque et ecclésiastique. 2. Les principes issus de la tradition romano-chrétienne Synthèse entre les traditions franques et romaines Clovis Les premiers mérovingiens comme Childéric [PP] et Clovis, adoptent des symboles et pratiques de l’Empire romain : titulature et vêtements impériaux ; latin, langue de l’administration ; circonscription administrative de la cité (autorité conjointe d’un comte + évêque) ; impôts romains (Capitatio [impôt personnel, par tête] et tonlieu [taxe sur la circulation des marchandises]) Conversion au christianisme (vers 500), religion dominante chez les peuples conquis (qui sont majoritaires). Religion portée par l’Eglise, seule institution solidement ancrée (évêques, prêtres), dangereuse en cas d’opposition. Cette fusion de traditions aide à l’intégration de son autorité dans les territoires conquis et renforce sa légitimité. Une royauté chrétienne 3 La conversion de Clovis au christianisme, bien que peut-être motivée par des raisons politiques, marque un tournant en scellant l’alliance durable entre le pouvoir royal et l’Église catholique. Cette alliance renforce le pouvoir du roi, bien que des tensions subsistent quant à la supériorité de l'autorité temporelle ou spirituelle (rôle du Pape, des évêques). Les rois mérovingiens, influencés par l'Église, se voient investis d'une mission chrétienne, où ils sont perçus comme les serviteurs de Dieu devant guider leur peuple vers le salut. Ce rôle est souvent évoqué lors des conciles, qui deviennent des lieux de négociation du pouvoir entre le roi et l'épiscopat et des lieux de gouvernement « mixte » : civil et religieux. 3. Une administration embryonnaire L’administration centrale : le Palais Le roi est itinérant et le Palais royal n’est donc pas un lieu fixe. Centre de pouvoir, il est composé des services qui servent et accompagnent le roi. Par exemple le Chambrier et le sénéchal : Initialement liés à des fonctions domestiques, ces rôles gagnent en importance (gestion des finances et de l’approvisionnement) Centre d’administration, il est aussi composé des premières fonctions administratives. Par exemple le Maire du palais (major domus) : Au départ, il s'agit d'un intendant du palais, (gestion des biens royaux). Progressivement, cette fonction évolue, avec des responsabilités étendues, comme le commandement des troupes et la présidence du tribunal. Administration locale : les comtes et les évêques Au niveau local, les Mérovingiens s'appuient sur les comtes, responsables de circonscriptions appelées pagi ou comtés, héritées des civitates romaines. Les comtes représentent le roi localement. Ils ont des responsabilités variées : levée des impôts, commandement militaire, et administration de la justice [PP]. Les comtes, souvent issus de l’aristocratie locale, peuvent agir contre les intérêts du roi, étant autonomes dans leurs régions. Les évêques sont des alliés essentiels pour la royauté mérovingienne, jouant un rôle clé dans le contrôle des territoires et l'administration du royaume. Ils interviennent dans l’administration locale avec des pouvoirs similaires à ceux des comtes. Les conciles, tels que celui d'Orléans en 511 [PP]., montrent le rôle actif de l'Église dans le gouvernement. Les évêques y affirment leur autorité face à la royauté tout en collaborant avec elle. II. Le roi carolingien – 751 /888 751 élection et sacre de Pépin le Bref, nouvelle dynastie carolingienne - 888 Premiers rois (Eudes en Francie occidental, Rodolphe en Bourgogne) non descendants de Charlemagne La dynastie carolingienne reprend à son compte l’héritage mérovingien en matière de conception du pouvoir royal. Il en résulte, comme pour les mérovingiens, une situation très contrastée : royauté solide lors du règne de rois forts, avec l’apogée du roi devenu empereur Charlemagne ; royauté faible lors des périodes de partition territoriale. 1. Les bases doctrinales du pouvoir royal carolingien (réaffirmation des principes mérovingiens) Un roi chrétien Le sacre. Pépin le Bref, maire du palais, a besoin de légitimité lorsqu’il succède au dernier mérovingien. Il est sacré par le pape Zacharie en 751. Le sacre n’est pas une « invention » carolingienne (Wisigoths) mais la cérémonie devient une des clés de voute de la royauté de droit divin. Une royauté chrétienne. La royauté est donc en premier lieu définie comme un ministère exercé au nom de Dieu, à son service. Le pape lui donne le titre de « patrice des Romains ». En 800, le pape Léon III sacre le roi Charles, empereur [PP] (Charlemagne) car il voit en lui celui qui peut créer l’unité de la chrétienté européenne. Et le pape ambitionne aussi de voir le pouvoir spirituel (le sien) s’imposer au pouvoir temporel : théocratie pontificale. Charlemagne, lui, voit la religion comme un « ciment » pour assurer l’unité des vastes territoires conquis. Il se voit comme le chef du peuple chrétien. Il se considère comme chef temporel mais aussi spirituel : théocratie impériale ou césaropapisme. Un roi chef de guerre, conquérant, fort La « dilatatio christianitatis » : l’ambition de recréer l’unité idéalisée antique de l’Europe pousse désormais le roi chrétien à la guerre religieuse pour convertir. Par exemple les Saxons pour Charlemagne. La culture germanique du roi guerrier reste aussi un moteur fort : la légitimité du roi repose sur son aptitude à être conquérant, dominateur (Conquête de l’Aquitaine par Pépin le Bref par exemple). A ce titre, la palme revient bien sûr à Charlemagne. Roi dont l’autorité est reconnue dès 795 (qualificatifs emphatiques de ses hagiographes : « maître de la Terre », « nouveau David », « Magnus [PP] [pape Hadrien Ier] Charlemagne se voit d’ailleurs plus 4 comme roi franc (titulature multiple : roi des Francs, Lombards…) que comme empereur « romain ». Un roi unificateur au cœur d’un pouvoir centralisé Pepin le Bref le premier réorganise le gouvernement du royaume pour plus d’efficacité et une meilleure visibilité de la personne du roi : chancellerie, monopole de la monnaie… C’est Charlemagne surtout qui renforce les institutions centralisatrices : - installation à partir de 806 à Aix-la-Chapelle, Palais impérial - organisation du Regnum en comtés (250 à 400 selon périodes) et marches avec l’envoi de missi dominici (789 puis 802) - Les comtes, issus de l'aristocratie, exercent au niveau local des pouvoirs délégués par le roi. Leurs compétences s'étendent à la justice, à la fiscalité et à la mobilisation militaire, reflétant l'étendue de la potestas royale. - Multiplication des actes royaux : plaids généraux, verbum regis à travers les capitulaires de ses scribes - Pratique du serment entre lui et les Grands du royaume, base d’une vassalité reposant sur des liens privés, d’homme à homme. - Les évêques, souvent issus de la cour royale, jouent (comme à l’époque mérovingienne) un rôle dans l'administration. 2. La reproduction des faiblesses mérovingiennes La conception patrimoniale du pouvoir Rappel : chef de guerre, le roi est propriétaire de ses conquêtes. Le royaume est considéré comme une propriété privée du roi. Pépin le Bref qui renverse le roi mérovingien et usurpe le pouvoir, obtient sa légitimité du pape mais aussi du peuple franc. Ses successeurs, comme Charlemagne, maintiennent cet héritage : « l’acclamatio » par le peuple du nouveau roi est indispensable. Cependant l'hérédité et le principe dynastique restent la base de la succession royale un principe fondamental : les rois se succèdent au sein de la même famille, les carolingiens et le royaume est partagé entre les héritiers lorsqu’ils sont plusieurs. Les tendances centrifuges qui affaiblissent le pouvoir royal Louis le pieux succède à Charlemagne et tente d’instaurer l’unité : en 817, il désigne son fils ainé Lothaire comme unique successeur. C’est un échec et les frères de Lothaire, se considérant comme lésés selon la tradition germanique, entre en conflit avec Lothaire. Il en résulte en 843 (accord de Verdun) un partage de l’empire [PP]. : - Francie occidentale ( Charles le Chauve), - Lotharingie (Lothaire) - Germanie ou Francie orientale (Louis le germanique) Le pouvoir réel des rois qui succèdent à Charlemagne s’effrite progressivement : - Les invasions normandes (raids vikings) qui commencent dès 841 avec le sac de Rouen, puis celui de Paris en 845, révèlent l'incapacité des rois carolingiens, comme Charles le Chauve, à défendre efficacement le royaume. - Autonomie plus grande vis-à-vis du pouvoir central : o au profit des Grands (comtes, marquis) : S'érigent à partir du IXe siècle des « principautés territoriales [PP] ». Les hommes détenant ces territoires s'y comportent comme de véritables princes. o et des évêques (théocratie épiscopale) La fiction de l’institution impériale : le titre d’empereur, après Charlemagne, reste porté jusqu’en 924 [PP] , sans réalité concrète. Désormais, les divisons l’emportent. Fin du principe d’hérédité : en 888, la dynastie capétienne disparaît avec l’élection de nouveaux rois « forts » et non descendants de Charlemagne comme Eudes, duc de Paris (qu’il a défendu contre les Normands), roi de Francie occidentale. III. Le roi et le système féodal – Xe/XIIe siècle 987 : Avènement de la dynastie capétienne avec Hugues Capet - XIIe siècle apogée du système féodal Le Xe siècle ouvre une période d’instabilité qui fragilise le système monarchique et ses principes centralisateurs. La féodalité s’instaure et atteint son apogée au XIIe siècle. Le pouvoir des rois recule. Pour autant, les principes monarchiques fondamentaux restent ancré, défendus par certains rois forts. 1. L’émiettement territorial du royaume Un contexte difficile e X siècle, période de forte instabilité : les raids normands, en particulier, mettent en lumière la faiblesse du pouvoir central. Exemple : traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911 entre Charles le Simple et le chef viking Rollon : il illustre l'incapacité des rois à protéger efficacement leur territoire. La naissance des principautés Le pouvoir militaire et territorial passe progressivement des mains du roi à celui de comtes, ducs et marquis, plus aptes à gérer les difficultés à une échelle plus réduite. 5 Le lien entre les comtes et le pouvoir central se détend alors fortement. Les fonctions comtales et ducales deviennent héréditaires ainsi que des fonctions plus rares de dux et de marquis (responsable d'une marche territoriale). Le royaume de France se divise en principautés autonomes, propriété privée (fiefs) de familles de dynastes, « princes » (princeps) détenteurs de l’autorité et du pouvoir. Le système féodal Les princes, devenus des acteurs incontournables de la défense du royaume, consolident leur pouvoir en se créant des réseaux de vassaux [PP] qui leur jurent fidélité en échange de terres (fiefs) et de protection. Un système pyramidal, social (liens vassaliques) et territorial (fiefs) se met en place. 2. Des rois affaiblis Le roi reste théoriquement « suzerain », au sommet de la pyramide féodale. En réalité, il voit son pouvoir très limité : Nécessité de négocier avec ces seigneurs puissants, qui exercent une autorité quasi indépendante sur leurs domaines comme les ducs de Normandie, les comtes de Flandre, et les ducs de Bourgogne Il devient un seigneur parmi les seigneurs. Exemple : Hugues Capet. Sa position est initialement fragile. Élu en 987 parmi les Grands seigneurs du royaume, Hugues Capet doit faire face à la réalité d'une royauté élective. Son domaine royal est limité à l'Île- de-France, et son autorité ne s'étend guère au-delà de cette région. Un symbole : La royauté ne peut édicter des lois à portée générale, comme le montre l’absence de capitulaires après la fin de l'époque carolingienne. Les coutumes locales supplantent la législation royale, qui n'est plus appliquée uniformément. Le morcellement féodal atteint son apogée au XIIe siècle. Chaque seigneurie fonctionne comme une petite principauté, avec ses propres lois, coutumes et structures de pouvoir. La fragilité de la monarchie capétienne : l’exemple de Robert II le Pieux [PP] (996-1031) Règne marqué par des conflits constants avec ses vassaux, notamment avec les ducs de Bourgogne, qui contestent son autorité. Bien qu'il soit couronné roi, son pouvoir reste limité et dépend de sa capacité à maintenir des alliances avec les autres seigneurs. L’apogée de la noblesse. L’exemple de Hugues II de Bourgogne (1103-1143) La noblesse atteint son apogée au XIIe siècle, avec des dynasties puissantes comme celle des ducs de Bourgogne. Les ducs de Bourgogne, riches et puissants (taxes sur l’agriculture fertile, le commerce du vin, les villes riches comme Dijon ; cour fastueuse), sont parfois plus influents que le roi lui-même (Louis VI le gros), illustrant la fragmentation du pouvoir en France. 3. Des rois en résistance Une monarchie « utile » : unité, religion Malgré leur affaiblissement, certains rois cherchent à réaffirmer leur autorité en s'appuyant sur les principes d'unité et de religion. L’Eglise reste un puissant allié [PP] pour le maintien de l’institution royale. Roi élu, Hugues Capet introduit aussitôt une démarche héréditaire (désignation anticipée). Appuyés par l’Eglise (sacre, onction = choix de Dieu), ses successeurs maintiennent une symbolique royale forte : regalia (anneau scellant l’alliance roi/peuple ; épée ; sceptre et couronne), mystique royale (pouvoir thaumaturgique, écrouelles Philippe Ier (1060-1108), tente de restaurer l'autorité royale en se présentant comme le protecteur de la paix et de la foi chrétienne. Des rois forts. Un exemple : Louis VI le Gros Louis VI le Gros (1108-1137) est un roi qui parvient à renforcer l'autorité royale en luttant contre les seigneurs rebelles et en affirmant la prééminence du roi sur ses vassaux. Il réussit à pacifier l'Île-de-France, cœur du domaine royal, et à affirmer son pouvoir face aux seigneurs (ex. : les Montmorency). Un tournant avec Philippe Auguste Philippe Auguste (1180-1223) marque un tournant décisif dans le rétablissement de l’autorité royale face à la féodalité. Reconquête de la Normandie [PP] en 1204, affaiblissant les Plantagenêt, affirmation de l'autorité royale sur tout le royaume. Sa victoire à Bouvines en 1214 contre une coalition de seigneurs et de rois étrangers est un moment clé qui rétablit la puissance royale, l’image d’un roi victorieux, et inaugure une nouvelle phase de centralisation du pouvoir en France. B. Transition vers l'époque moderne la réaffirmation du modèle monarchique à la fin du Moyen Âge XIII -XVe siècles - Période de transition où la monarchie se renforce progressivement, posant les bases des États modernes. Après e 6 la fragmentation féodale, les rois de France cherchent à rétablir leur pouvoir, en s'appuyant sur des bases territoriales, religieuses et administratives. I. Le renouveau royal 1. Bases territoriales À partir du XIIIe siècle, les rois de France entreprennent une politique de consolidation du domaine royal et d'expansion territoriale qui permettent de restaurer l’image d’un roi conquérant. La consolidation du domaine royal : l’exemple de Philippe IV le Bel (1285-1314) Annexion du comté de Champagne en 1284, par le mariage avec Jeanne de Navarre, héritière du comté de Champagne et du royaume de Navarre. Par cet acte, Philippe IV a intégré le riche et stratégique comté de Champagne (foires de Champagne qui étaient parmi les plus importantes foires commerciales d'Europe.) au domaine royal. Son intégration a étendu le territoire directement sous le contrôle royal, mais aussi renforcé les ressources économiques du roi. Autre exemple qui permet le rattachement forcé de territoires féodaux au domaine royal : la confiscation des biens des Templiers en 1312, qui augmente les possessions de la couronne comme en 1312 est le territoire de l'île de la Cité à Paris. Les conquêtes extérieures : l’exemple de Philippe Auguste (1180-1223) [PP] En 1204, Philippe Auguste réussit à reprendre la Normandie aux Plantagenêt après une série de conflits contre Jean sans Terre, roi d'Angleterre. Par le traité du Goulet en 1200 et la capture du château de Château-Gaillard en 1204, il annexa la Normandie au domaine royal, affaiblissant considérablement la puissance des Plantagenêt en France. La Normandie, autrefois un duché puissant sous contrôle anglais, devient un territoire français intégré, marquant une étape cruciale dans la consolidation du royaume de France. Le mariage diplomatique, instrument territorial : l’exemple du mariage de Louis IX avec Marguerite de Provence Le mariage renforce les liens avec le comté de Provence, qui était un territoire stratégique dans le Sud-Est de la France. Ce type d’alliance matrimoniale est un moyen pacifique d’élargir le domaine royal sans avoir recours à la guerre. 2. Bases religieuses Les rois de France renforcent leur pouvoir en s’appuyant sur l’Église, consolidant ainsi la dimension sacrée de la royauté. Les grands conseils ecclésiastiques, comme ceux de l’abbaye de Saint-Denis ou de Notre-Dame de Paris, organisent le sacre des rois, interviennent dans les affaires politiques, supervisent les funérailles et organisent la légitimation posthume, veillent à la mémoire historique de la monarchie. L’abbaye de Saint-Denis est à l'origine des "Grandes Chroniques de France"[PP], compilation historique commandée par les rois, destinée à glorifier la dynastie capétienne et à renforcer leur légitimité en retraçant l’histoire des rois de France sous une perspective chrétienne et divine. L’exemple de Louis IX Canonisé en 1297, symbolise cette alliance renouvelée entre la monarchie et la religion. Il se présente comme le "roi très chrétien" et organise deux croisades (1248-1254 et 1270), affirmant son rôle de protecteur de la chrétienté. L’exemple de Philippe le Bel (1285-1314) Il incarne une autre facette de cette relation, lorsqu'il affronte le pape Boniface VIII lors du conflit sur la taxation du clergé, puis en 1307, lorsqu'il ordonne l'arrestation des Templiers. ce conflit aboutit à l’épisode de l’attentat d’Anagni (1303 : des agents de Philippe IV capturent le pape. Cet événement montre l’affirmation de la monarchie française face à l’autorité pontificale. Philippe IV réussit également à faire élire un pape français, Clément V, et à transférer le siège de la papauté à Avignon en 1309, inaugurant ainsi la période de la papauté d'Avignon. Ces actions montrent que le roi de France revendique une certaine autonomie vis-à-vis de l’autorité papale, tout en continuant à légitimer son pouvoir par des références religieuses, s’inscrivant dans la continuité du césaropapisme de Charlemagne. 3. Bases administratives Le renforcement de la monarchie passe également par la restauration de structures administratives centralisées. Le développement des bailliages et sénéchaussées : Sous Philippe le Bel, les baillis et sénéchaux deviennent des agents royaux chargés de représenter le roi dans les provinces, veillant à l'application des lois royales et à la collecte des impôts. Ces agents permettent de renforcer la présence du pouvoir royal dans les provinces éloignées, assurant un meilleur contrôle administratif. La Cour des comptes et l’évolution fiscale : Philippe IV crée la Cour des comptes en 1319, institution chargée de contrôler les finances du royaume et de superviser la gestion des revenus royaux. Cette institution est l'une des premières tentatives de contrôle systématique des ressources du royaume. Par ailleurs, sous son règne, de nouveaux impôts sont instaurés, comme la maltôte, un impôt direct très impopulaire. Les ordonnances royales : Sous Charles V, les ordonnances royales jouent un rôle central dans la centralisation administrative du royaume. Elles visent à 7 uniformiser le droit à travers le pays, en réduisant les différences régionales, et à renforcer l'autorité du roi. Par exemple, l'ordonnance de 1374 [PP] impose des normes pour la collecte des impôts et instaure des règles pour la gestion des finances publiques, consolidant ainsi la fiscalité royale. Ces ordonnances contribuent à mieux contrôler le royaume en imposant des règles uniformes et en diminuant l'influence des seigneurs locaux sur l'administration et la justice. II. Vers un État monarchique 1. Bases théoriques Le développement des États monarchiques repose sur l’affirmation de la souveraineté royale. Des théoriciens du pouvoir royal s’y emploient : Jean de Salisbury "Policraticus" (1159) : Il justifie la prépondérance du modèle monarchique centralisé : - autorité du roi liée à son rôle de représentant de Dieu sur terre : droit divin - théorie organique de la monarchie [PP], qui décrit l'État comme un corps avec le roi en tant que tête. Métaphore qui a été développée par plusieurs théoriciens médiévaux et de la Renaissance pour justifier et expliquer la structure hiérarchique et la nature indivisible de l'autorité royale. - Dans cette vision, le roi gouverne l'ensemble du corps politique comme la tête dirige le corps humain, et chaque membre du corps (les nobles, les clercs, les paysans, etc.) a un rôle spécifique et indispensable à jouer pour le bien-être de l'ensemble. - Cette métaphore est utilisée pour justifier l'autorité du roi sur ses sujets tout en soulignant l'interdépendance des différentes parties du royaume. Philippe de Beaumanoir ("Coutumes de Beauvaisis", 1283) : Conceptualisation du pouvoir royal comme supérieur à celui des seigneurs et indépendant des autorités ecclésiastiques. 2. Institutions centralisées L’unification et la centralisation administrative du royaume prennent forme à travers la création de structures étatiques solides. Les États généraux [PP] Convoqués pour la première fois par Philippe le Bel en 1302, permettent de représenter l’ensemble des sujets du roi (noblesse, clergé, tiers état) tout en renforçant le contrôle royal. La fiscalité royale Se structure avec l’institution de nouvelles taxes, comme la gabelle (impôt sur le sel), créée en 1341 sous le règne de Philippe VI, et la taille, instaurée de manière permanente en 1439 sous Charles VII, contribuant à l'autonomie financière du royaume. les réformes militaires Sous Charles VII (1422-1461), création des compagnies d'ordonnance en 1445, marquent également la centralisation de l’appareil militaire sous l’autorité royale. 3. La France des Valois, exemple La dynastie des Valois, qui débute avec Philippe VI en 1328, illustre cette dynamique positive du pouvoir royal. Face à la menace anglaise pendant la guerre de Cent Ans, les rois Valois, tels que Charles V et Charles VII, s’efforcent de rétablir l’autorité monarchique sur un royaume en proie aux divisions et à l’occupation étrangère. La reconquête du territoire par Charles VII (un royaume, une seule tête : une seule dynastie), soutenu par Jeanne d'Arc lors du siège d'Orléans en 1429, et la réforme administrative qu'il conduit, sont des étapes cruciales dans la consolidation de la monarchie. Sous Louis XI [PP] (1461-1483), cette centralisation s'accentue encore, avec l’annexion des grands fiefs autonomes comme la Bourgogne, en 1477, marquant l’achèvement d’un long processus de construction de l’État monarchique. C. L’époque moderne l’apogée du modèle monarchique : l’absolutisme La monarchie française, « absolue » : système politique dans lequel le pouvoir est concentré dans les mains du souverain qui en exerce tous les attributs. C’est le système étudié dans cette partie C. avec l’exemple français, résumé ainsi par Voltaire : « L’Etat devient un tout régulier dont chaque ligne aboutit au centre » Voltaire, Le Siècle de Louis XIV Sous Louis XIV, la monarchie française atteint un niveau de centralisation sans précédent. Le roi concentre tous les pouvoirs entre ses mains, marginalisant les pouvoirs locaux (comme la noblesse et les parlements régionaux). Ce processus est souvent désigné par le terme de « monarchie absolue », où le roi est au centre de toutes les décisions, d’où la formule de Voltaire. I. La naissance de l’État moderne (1515-1610) 1. Faire face à des guerres permanentes XVIe siècle = des guerres permanentes qui fragilisent la France 8 À A l’extérieur, contre les pays voisins : - À l’époque de François Ier (1515-1547), principal rival = puissant empire de Charles Quint. À l’intérieur, contre les protestants - Carte, foyers du protestantisme [PP] - François Ier, roi catholique, ne parvient pas à freiner leur expansion dans le sud du pays en particulier Des difficultés permanentes pour le roi Financières : coût de la guerre - Texte, Didier Le Fur [PP] Ex. : captivité de François Ier en Espagne, libéré contre 2 millions d’écus Organisationnelles : le roi a besoin de renforcer son administration pour faire rentrer des impôts. 2. Renforcer l’organisation de l’Etat pour surmonter ces difficultés financières Mise en place d’un véritable gouvernement pour le roi : Avant : postes occupés par la haute noblesse et non pour les compétences François Ier (1515-1547) : le premier à mettre en place un conseil des affaires composé de conseillers qu’il choisit pour leurs compétences parmi ses fidèles. Le rôle du chancelier (premier officier du roi) est élargi : il devient un véritable premier ministre. Mise en place d’une administration apte à une collecte des impôts efficace : 1523 : création d’un Trésor de l’Épargne (véritable ministère des finances) qui centralise les revenus de la monarchie. Il est dirigé par le contrôleur général des finances qui devient un personnage central chargé de la répartition et de la collecte des impôts dans un royaume découpé en seize généralités. Villers-Cotterêts est une des nombreuses résidences royales. François 1er affirme ainsi sa présence sur un territoire qu’il contrôle. Il y promulgue l’ordonnance de Villers-Cotterêts [PP] en 1539, véritable instrument de modernisation de l’Etat et de centralisation (l’Etat détient les pouvoirs de décision). Dans les documents officiels, elle impose le remplacement du latin par le français. 3. Le retour à la théorie organique de l’Etat : une tête, un corps La mise en scène de la personne du roi. François Ier [PP], fait appel aux artistes pour magnifier la puissance de la monarchie et du roi, véritable « prince » de la Renaissance. Tout doit contribuer à montrer la supériorité du roi sur tous les autres, nobles comme simples sujets. Construction de nombreux châteaux (Chambord…) dans lesquels la cour se déplace en permanence. Visites fréquentes des provinces, des villes avec des arrivées spectaculaires mises en scène (chevaux, tenues vestimentaires…) Un royaume unifié et pacifié. Agrandissement du royaume (conquêtes) et du domaine royal (mariages, confiscations à des seigneurs). À la fin du XVIe siècle, le domaine royal se confond avec le royaume. Instauration de la paix : - Extérieure : 1559 par les traités du Cateau-Cambrésis avec l’Angleterre et l’Espagne. paix durable en Europe. [PP] - Intérieure : L’édit de Nantes, signé en 1598 par Henri IV (1589-1610), met fin aux guerres de Religion. [PP] II. L’absolutisme triomphant du XVIIe siècle 1. La mise en place de l’absolutisme Le retour des contestations. L’assassinat d’Henri IV, en 1610, fait apparaître de nouvelles tensions. Durant les minorités de Louis XIII puis de Louis XIV, les régences exacerbent les ambitions et les oppositions de la haute noblesse. Le paroxysme est atteint durant la Fronde (troubles politiques fomentés par la noblesse ). Le jeune roi à s’enfuir de Paris. Les rouages du pouvoir. Organigramme [PP] Décidé à gouverner seul dès 1661, Louis XIV destitue Nicolas Fouquet, son surintendant alors tout-puissant, et transforme le Conseil d’en Haut (ou Conseil d’État) en limitant le nombre de ses ministres, qu’il n’hésite pas à mettre en concurrence. Les différents Conseils emploient tout un personnel administratif chargé de préparer les dossiers, de traiter la correspondance… On a pu parler ainsi de « royaume de papier » pour désigner l’instauration d’une véritable administration centralisée. Colbert, le contrôleur général des finances. [PP] Si le pouvoir du chancelier tend à diminuer, celui du contrôleur général des finances augmente. Ce dernier s’occupe du budget, mais également de tout ce qui concerne le royaume (industrie, commerce ou police). Il est ainsi un maillon essentiel entre le pouvoir central et les intendants, qui prennent de plus en plus d’importance dans les provinces. La guerre, fondatrice de l’absolutisme. La guerre a eu une importance considérable dans la construction de l’État absolutiste. Elle réclame toujours plus de moyens financiers et de nouvelles stratégies militaires, à l’image de la multiplication des citadelles 9 de Vauban aux frontières du royaume. [PP] Les impôts existants, comme la taille et la gabelle, étant insuffisants pour répondre à l’ensemble des besoins, une nouvelle imposition est créée en 1695 : la capitation. Malgré tout, l’État a de plus en plus recours à l’emprunt. [PP] 2. L’absolutisme en action Un absolutisme économique et financier. Persuadé que la puissance d’un État se fonde sur la masse d’or et d’argent qu’il détient et peut mobiliser, Colbert développe le commerce et l’industrie en multipliant les manufactures royales chargées d’exporter leur savoir-faire. Il instaure aussi un protectionnisme en mettant en place des tarifs douaniers. La politique coloniale vise le même but : apporter à la métropole les produits qui lui manquent par la conquête d’autres territoires. Il accorde ainsi des privilèges royaux à des compagnies de commerce maritime : les compagnies des Indes orientales (Asie) et occidentales (Afrique et Amérique) créées en 1664, la compagnie du Levant en Méditerranée. Un roi, une foi, une loi. Parce qu’il est monarque de droit divin, Louis XIV ne peut admettre qu’une autre puissance, même celle du pape, puisse interférer dans sa politique, ce qui explique l’évolution de sa politique religieuse durant son règne. Le roi s’oppose à tout ce qui est source de division : La révocation de l’édit de Nantes met fin à la tolérance envers les Protestants en 1685. [PP] Un quart des protestants quittent la France, tandis que d’autres résistent, comme les Camisards. 3. Un absolutisme culturel Versailles, miroir de l’absolutisme. [PP] Dès le début de son règne, Louis XIV entreprend la création d’un lieu d’accueil de sa cour à Versailles, en lieu et place du pavillon de chasse de son père. Rien n’est laissé au hasard dans la mise en représentation du roi, de la place de sa chambre, située au centre du château, aux salons qui évoquent les dieux et les figures antiques, sans oublier les jardins montrant la nature domptée. C’est aussi un système de cour où l’étiquette rappelle à chacun à la fois sa place. Versailles est ainsi un instrument de contrôle pour Louis XIV [PP] : il garde les grands seigneurs sous contrôle, il n’oublie pas la Fronde. Les arts, les lettres et les techniques au service du roi. La propagande royale est assurée par la mise en place d’un mécénat d’État organisé par l’intermédiaire des académies, qui centralisent toutes les formes de création artistique et culturelle. Des écrivains comme Racine sont chargés d’écrire l’histoire du règne à la gloire du roi. Versailles est un lieu où se concentre l’ensemble des arts : peintures, sculptures, musique, théâtre, danse. Le roi participe lui-même à des ballets et fait la renommée d’artistes comme Molière ou Lully. III. L’absolutisme contesté au XVIIIe siècle 1. L’absolutisme n’est pas sans limite La soumission aux lois fondamentales du royaume. Louis XV doit se soumettre à un ensemble de lois qui sont plutôt des coutumes non écrites. Ainsi, depuis la loi salique, les femmes sont exclues de la succession de la couronne. Le domaine royal, qui se confond de plus en plus avec le territoire de la nation, est également inaliénable, ce qui signifie qu’il ne peut être ni vendu ni cédé. Le respect des libertés et des privilèges. Certains sujets du roi disposent de privilèges qui les dispensent de la corvée ou du paiement des impôts. Clergé, noblesse et bourgeoisie des grandes villes échappent à l’emprise de la fiscalité car ils ne paient pas la taille, un impôt direct. Le rôle des assemblées. Les parlements [PP], qui sont des cours de justice, ont également pour mission d’enregistrer les textes de lois du roi. Tenant à leur indépendance, ils n’hésitent pas à utiliser leur droit de remontrance pour exprimer leurs désaccords. S’ils connaissent une période de retrait durant le règne de Louis XIV, ils regagnent ensuite leur autorité : le parlement de Paris, notamment, affiche ouvertement son opposition à l’absolutisme au cours du siècle. En 1766, le roi doit intervenir personnellement pour rappeler aux parlements les limites de leurs pouvoirs. Les états généraux. Composés des représentants élus des trois ordres, ils ont pour vocation de conseiller le roi. Souvent associés aux périodes de crise de la monarchie, ils sont convoqués par le souverain pour lui donner l’autorisation de lever de nouveaux impôts et faire remonter les doléances. 2. Les Lumières contre l’absolutisme 10 Les philosophes des Lumières. Au cours du XVIIIe siècle, ils jouent un rôle considérable dans la montée des oppositions à la monarchie absolue. Leurs idées se diffusent et nourrissent une opinion publique de plus en plus critique envers le pouvoir royal. Dans le domaine politique. Les philosophes restent favorables à la monarchie, mais une monarchie au pouvoir limité et respectueuse des libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression. Pour Montesquieu (1689 1755), il est nécessaire de séparer les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Denis Diderot (1713-1784), pour sa part, s’oppose au caractère divin de la monarchie absolue. Il exprime cette opposition dans l’Encyclopédie, qu’il dirige avec J. Le Rond d’Alembert (1717-1783), ce qui lui vaut l’emprisonne ment et la censure. Dans le domaine religieux. Même s’ils considèrent qu’il existe un Dieu créateur, les philosophes sont nombreux, comme Voltaire (1694-1778), à demander une tolérance religieuse et à critiquer la politique du roi. Dans le domaine social et économique. Jean-Jacques Rousseau [PP] souhaite l’égalité entre les hommes et entend limiter la propriété privée. La plupart des philosophes ne partagent pas ce point de vue et préfèrent défendre la liberté du commerce et de l’industrie, critiquant en cela le colbertisme. 3. La montée des tensions L’image du roi de plus en plus dégradée. Louis XV (1715-1774), surnommé dans un premier temps le « bien-aimé », bénéficie au début de son règne d’une image positive. Elle se dégrade cependant rapidement. Il apparaît de plus en plus aux yeux de l’opinion comme un personnage soumis aux influences de son entourage et surtout de ses maîtresses parvenues, comme Madame de Pompadour. Il est victime d’une tentative d’assassinat par Damiens en 1757. Une opinion publique de plus en plus virulente. La distribution de pamphlets et libelles s’amplifie à partir des années 1747-1748, qui furent deux années de mauvaises récoltes. La diffusion des idées des Lumières est facilitée par l’alphabétisation et l’expansion de la presse malgré l’existence de la censure. Les chansons participent à ce mouvement et permettent d’atteindre les plus ignorants. Les débuts de la crise financière. [PP] Les guerres, qui ont déjà épuisé le pays sous Louis XIV, continuent sous Louis XV de coûter cher au royaume, d’autant qu’elles n’apportent pas de gains territoriaux importants, ce qui mécontente l’opinion publique. Il faut ainsi attendre 1766 et 1769 pour que la Lorraine et la Corse soient intégrées au royaume de France. En 1749, le vingtième, impôt permanent exigible pour tous, est créé mais il est finalement rejeté. Devant l’ampleur de la crise financière, les réformes impossibles à mettre en place et une conjoncture économique difficile, le roi Louis XVI n’a d’autres solutions que de convoquer les états généraux en mai 1789 pour tenter de sortir le royaume de la crise. 1789 marque une rupture majeure avec la fin de la monarchie absolue. Ce n’est qu’au XIXe siècle cependant que le régime monarchique prend définitivement fin en France.

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