Psychologie du travail digitali 4 3 PDF
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This document explores the multifaceted effects of digital technologies on workplace well-being. It examines both the positive and negative aspects of digital work, emphasizing potential impacts on quality of life.
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3. Activité 4.0 et santé au travail : vers une approche anthropocentrée et inclusive (l’activité 5.0) Les paradoxes de l’activité 4.0 se déclinent à différents niveaux : les technologies peuvent ainsi renforcer ou affaiblir le professionnel en lui permettant de réaliser mieux ou moins bien son t...
3. Activité 4.0 et santé au travail : vers une approche anthropocentrée et inclusive (l’activité 5.0) Les paradoxes de l’activité 4.0 se déclinent à différents niveaux : les technologies peuvent ainsi renforcer ou affaiblir le professionnel en lui permettant de réaliser mieux ou moins bien son travail ou encore en exerçant une pression et un contrôle de tous les instants sur tous les aspects de son activité. Ces mêmes outils peuvent aussi conduire à maintenir ou appauvrir les ressources psychosociales (i.e. collectif de travail, critères de qualité, développement des compétences) qui s’avèrent pourtant indispensables à la réalisation de l’activité et au bien-être au travail. Il ne saurait donc y avoir de « bien-être » au travail, sans un « bien-faire » du travail, c’est-à-dire sans une certaine idée et fierté du travail réalisé (Clot, 2010). Être épanoui dans son activité, éprouver du plaisir, c’est d’abord s’accomplir (ou se réaliser) dans un travail dans lequel on se reconnaît et par lequel on retrouve des valeurs professionnelles et personnelles. C’est aussi accomplir un travail de qualité reconnu et valorisé par ses pairs, ses responsables et les clients/usagers pour lesquels on s’engage. Ce « bien-faire » de l’activité médiatisée repose sur trois piliers que les technologies peuvent fissurer si l’on n’y prend pas garde : 1. D’abord, les TIC peuvent affecter la qualité du travail, c’est-à- dire le travail qui se fait ou qui ne se fait pas (ou avec difficultés), ou encore qu’on n’arrive plus à faire comme avant. L’activité professionnelle peut se retrouver dégradée ou altérée par des conditions de travail intenables ou par un travail infaisable, générés par les technologies déployées. Ainsi, les rythmes incessants de travail, l’imprévisibilité et la fréquence élevée des interruptions, les digressions entre de multiples tâches (et la multi-activité qui en découle), le travail à flux tendu, dans l’urgence, dans l’immédiateté ou encore l’apprentissage régulier de nouveaux dispositifs (avec la démultiplication, la sophistication et l’hétérogénéité des outils à employer) sont quelques-unes des caractéristiques de ce travail dématérialisé que nous avons évoqué. Ces modalités peuvent être à l’origine des phénomènes de débordement et d’intensification du travail. On a aussi vu que l’individu pouvait se sentir dépossédé d’une partie de ses prérogatives et responsabilités. Il est alors soumis à des systèmes qui rythment et organisent son travail (planning, agenda et espace partagés), qui évaluent régulièrement son activité (via les outils de reporting) et qui le poussent à être davantage dans l’action et l’exécution au détriment de temps de réflexion et d’élaboration, pourtant primordiaux pour le développement de son métier et de ses compétences. 2. Ensuite les technologies peuvent aussi dégrader la qualité de vie au travail qui repose sur l’ensemble des conditions et des modalités d’exercice de l’activité (matérielles, collectives, managériales, organisationnelles, spatiales…). Ainsi, la dimension collective, les relations interpersonnelles, pourtant si essentielles au travail et à l’équilibre psychosocial du salarié, peuvent se trouver fragilisées par les technologies, notamment, lorsque le « vivre ensemble » fait place au « chacun pour soi ». Les temps sociaux de rencontre, de réunion ou encore de discussions impromptues et informelles se réduisent au profit d’interactions distanciées et médiatisées qui s’opèrent sur le simple agencement d’individualités et de compétences que l’on coordonne par la mise en place des technologies numériques. On cherche alors à prescrire le travail collectif plutôt qu’à soutenir et à accompagner les collectifs de travail en place. Le management à distance des collaborateurs prend également le pas sur l’encadrement de proximité. Le risque est alors que les collectifs de travail se désagrègent au profit de collections d’individus exposés à de l’isolement. 3. Enfin, la dimension de la qualité de vie hors travail est également affectée. Les sphères personnelles et familiales étaient considérées jusqu’à présent comme une sorte de rempart pour se protéger des atteintes du travail et retrouver un certain équilibre de vie. Cependant, le développement du travail hybride d’une part, et l’usage de technologies frontière d’autre part (c’est-à-dire les mêmes outils numériques utilisés dans les différents domaines de vie) conduisent à une porosité croissante entre la vie privée et la vie professionnelle et participent à la désarticulation entre vie au travail et hors travail. Ces dispositifs contribuent à déverser le trop- plein de l’activité professionnelle dans la sphère domestique et familiale et à créer ainsi les conditions d’une véritable intrusion du travail dans l’espace privé. On peut néanmoins relever des répercussions positives liées au déploiement de ces nouvelles modalités de travail médiatisées. Si la fragmentation dans l’activité est souvent vécue comme astreignante, elle peut aussi être perçue comme un moyen de lutter contre la monotonie des tâches, voire de découvrir, par cette diversité d’activités, de nouvelles choses par hasard qui vont favoriser la créativité ou la résolution de problèmes en attente (ce que l’on nomme la sérendipité). Tout dépend si cette dispersion au travail est subie ou choisie. De même que la transition technique, lorsqu’elle est bien menée, peut être un moyen de s’ouvrir à de nouvelles compétences ou responsabilités par l’accès à de nouvelles ressources et modalités de travail. Certains considèrent que ces évolutions numériques peuvent également apporter une revalorisation à des métiers qui pouvaient paraître « désuets » ou peu attractifs. Par exemple, l’introduction de robots de construction sur les chantiers serait le moyen de rendre plus attirant ce secteur d’activité en tension. De même que d’aucuns apprécient les formes hybrides et distancielles de travail par la liberté et l’autonomie qu’elles procurent. Les technologies, par leur usage, peuvent donc contribuer à créer un autre rapport à soi et au travail, en permettant de renouveler les pratiques professionnelles et de revitaliser le métier. Mais cela n’est possible que si la conception du projet de transformations digitales s’inscrit dans une démarche réellement anthropocentrée (c’est-à-dire centrée utilisateur et système activité) et plus largement inclusive (associant les différents protagonistes du projet de conception). L’objectif est de passer de technologies « performatives » (visant à produire les transformations programmées par l’organisation) à des technologies plus « incarnées », c’est-à-dire des outils qui ont un sens pour les salariés et qui donnent de la valeur à l’activité qu’ils font. Elles ambitionnent non seulement de satisfaire les besoins des professionnels, mais aussi d’accompagner leurs initiatives, de soutenir leur activité et de favoriser le développement de leurs compétences et de leur métier. C’est à ces conditions que ces technologies deviendront acceptables en étant des instruments au service des métiers et en agissant comme des opérateurs de santé au travail. C’est là une voie d’accès pour soutenir l’activité 5.0 et contribuer au développement de technologies responsables.