Cours Normothymiques 2022 PDF
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University of Rouen Normandy
2022
Gaillard A, Gourion D
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Ce document traite du traitement du trouble bipolaire, en se concentrant plus particulièrement sur l'utilisation du lithium. Il détaille ses mécanismes d'action, ses propriétés pharmacologiques, ainsi que ses indications et effets secondaires. Le texte met également l'accent sur la nécessité d'un suivi médical rigoureux.
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TROUBLE BIPOLAIRE 1 Gaillard A, Gourion D. Traitement du trouble bipolaire. EMC – Psychiatrie 2019;16(2):1-27 2 Sels de lithium Le lithium a été introduit en thérapeutique dès 1949 ; il fait partie des médicaments thymorégulateurs ou normothymi...
TROUBLE BIPOLAIRE 1 Gaillard A, Gourion D. Traitement du trouble bipolaire. EMC – Psychiatrie 2019;16(2):1-27 2 Sels de lithium Le lithium a été introduit en thérapeutique dès 1949 ; il fait partie des médicaments thymorégulateurs ou normothymiques, c'est-à-dire qu'il stabilise l'humeur des sujets souffrant de psychose maniaco-dépressive (trouble bipolaire). Le lithium a une action curative dans les épisodes maniaques de la pathologie ; il permet également de prévenir les rechutes. Contrairement à une idée encore trop ancrée, le lithium n’est pas une option thérapeutique dangereuse, désuète, de seconde ligne, à éviter du fait de ses effets latéraux, et moins efficace que les molécules plus « modernes ». Le lithium demeure aujourd’hui le gold standard dans le traitement et la prévention des récurrences du trouble bipolaire. [Gaillard A, Gourion D. Traitement du trouble bipolaire. EMC – Psychiatrie 2019;16(2):1-27] 3 Mode d'action/Propriétés pharmacologiques (1) Le lithium est un cation (Li+) Le mécanisme d'action actuellement le plus probable est celui d'une inhibition des phosphatases de l'inositol (inositolmonophosphate, IMP), nécessaire à la régénération des phospho-inositols PIP2. Cette inhibition aboutirait à une diminution de la production d'inositol triphosphate (IP3), bloquant ainsi les effets médiés par plusieurs récepteurs couplés aux protéines Gq. Par ailleurs, des altérations de la plasticité neuronale et synaptique dans plusieurs circuits neuronaux importants ont été décrites dans les troubles bipolaires. Le lithium inhiberait également directement la glycogène synthase kinase 3 (GSK3) par compétition avec l’ion magnésium. 4 Mode d'action/Propriétés pharmacologiques (2) Ainsi le lithium pourrait également présenter des propriétés neurotrophiques et/ou neuroprotectrices (modification du métabolisme cellulaire, modulation de l'expression de facteurs de transcriptions et de protéines pro/anti-apoptotiques), impliquées dans l'effet thérapeutique à long terme. On notera que l'acide valproïque, autre thymorégulateur, partage les effets du lithium sur plusieurs cibles, notamment la protéine Bcl2 (anti-apoptotique, surexprimée par traitement chronique avec Li) et la glycogène synthase kinase 3. Le lien entre les différents effets pharmacologiques identifiés à ce jour et les effets cliniques n'est cependant pas établi. Le lithium est le thymo-régulateur le plus largement prescrit. Cependant, plusieurs antiépileptiques sont également indiqués comme thymo- régulateurs, en première intention ou en cas de résistance au lithium : l'acide valproïque (Dépakote®) et la carbamazépine (Tégrétol®) sont proposés en traitement curatif ou préventif des accès maniaques ; à l'inverse, la lamotrigine (Lamictal®) est indiquée uniquement dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients bipolaires à prédominance dépressive. 5 Pharmacocinétique Administré par voie orale, le lithium est rapidement résorbé au niveau du tractus gastro-intestinal. La concentration sanguine maximale est atteinte après 1 à 4 heures (2,5 à 6 heures pour la forme LP). Bien que le lithium ne soit pas fixé aux protéines plasmatiques, son passage dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien est lent (taux maximal atteint en 24 à 48 heures), et à l'équilibre, le liquide céphalorachidien contient environ 40 % de la concentration plasmatique. La demi-vie plasmatique étant de 24 heures, un état d’équilibre est obtenu après 5 jours en moyenne. Le lithium ne subit aucune biotransformation dans l'organisme. Il est éliminé sous forme active à plus de 95 % par voie urinaire. Environ 80 % du lithium filtré par le glomérule est réabsorbé au niveau du tube proximal ; sa clairance est comprise entre 10 et 30 mL/min chez l'adulte. La diminution de réabsorption du sodium abaisse parallèlement la réabsorption du lithium et sa clairance. 6 Le lithium est un médicament à marge thérapeutique étroite. Sa pharmacocinétique présente d'importantes variations interindividuelles. En pratique, les valeurs de clairance rénale, volume de distribution et demi-vie peuvent varier d'un facteur 2 à 4 d'un sujet à un autre, ce qui nécessite une adaptation posologique personnalisée en fonction des concentrations sériques (lithiémie). 7 Indications (1) Traitement des états maniaques Le lithium améliore les symptômes des accès maniaques légers avec un délai d'action de 6 à 10 jours. Ce délai ainsi que la difficulté de mise en place du traitement le rendent difficilement réalisable chez un patient très agité. Dans ce cas, on utilisera dans un premier temps les neuroleptiques d'action plus rapide, puis l'association neuroleptique/lithium. Cette association sera également proposée chez le patient bipolaire. Prévention des rechutes maniaques et mélancoliques des troubles bipolaires Le lithium constitue le traitement de première intention dans cette indication. 80 % des patients bipolaires répondent aux sels de lithium et 20 % peuvent espérer une rémission de leurs troubles. Les échecs sont essentiellement liés à une mauvaise observance ou à un phénomène d'échappement thérapeutique. Selon les recommandations de l'American Psychiatric Association, le traitement peut être initié dès le deuxième épisode de manifestations bipolaires ; il est chronique puisqu'il induit un effet suspensif et non curatif, et le délai nécessaire pour apprécier réellement son action prophylactique est d'au moins 1 an. 8 Indications (2) Trouble dépressif résistant Les sels de lithium ne sont pas utilisés en traitement isolé d'un épisode dépressif caractérisé, mais leur adjonction au traitement antidépresseur semble améliorer la réponse thérapeutique dans les cas rebelles. En association aux antidépresseurs dans les dépressions résistantes : le lithium aurait un effet starter qui permet de diminuer le délai d’action des antidépresseurs et de potentialiser leur efficacité dans les dépressions résistantes (NNT=5) Le number needed to treat (NNT) correspond au nombre de patients à traiter pendant une période donnée pour éviter l’apparition d’un événement défavorable. [Par exemple, le NNT de l’aspirine dans la prévention de l’infarctus du myocarde est de 100, soit 100 patients à traiter pour obtenir un bénéfice sur un seul patient] A noter que l’effet spécifique antisuicide du lithium indépendamment de l’action thymorégulatrice est particulièrement bien documenté 9 Indications (3) Autres indications (formes particulières) Traitement topique de la dermite séborrhéique du visage de l'adulte immunocompétent = gluconate de lithium (Lithioderm® 8 % Gel). Le lithium aurait une action antifongique sur la levure Malassezia furfur liée à une inhibition de la production d'acides gras libres (notamment l'acide arachidonique), associée à une activité anti-inflammatoire liée à une diminution de la production des leucotriènes et des prostaglandines et de l'expression des TLR2 et TLR4, avec en parallèle une augmentation de la production d'IL10. Même si l'application est locale, il faudra veiller à ne pas l'associer à un traitement par voie orale. Modificateur du terrain au cours de manifestations psychiques ou psychosomatiques mineures de l'enfant de plus de 6 ans et de l'adulte (troubles légers du sommeil, irritabilité) → gluconate de lithium (Oligosol lithium®, Oligostim lithium®) ou citrate de lithium (Granions de lithium®) Ces spécialités, commercialisées en vente libre, contiennent des doses de lithium beaucoup plus faibles. 10 Lithium et suicide Les méta-analyses les plus récentes confirment le lithium dans sa position de leader en termes d’efficacité, en particulier sur la prévention du suicide, et le rapport bénéfice/risque de cette molécule, compte tenu de la très forte surmortalité/surmorbidité du trouble bipolaire, demeure largement favorable, toutes causes de mortalité confondues. Environ 15% des patients présentant un trouble bipolaire meurent par suicide. Le lithium réduit sensiblement le risque de tentative de suicide ou de suicide chez les patients bipolaires. Les patients traités par lithium sont moins exposés au risque de suicide que les patients traités par les autres thymorégulateurs dont le valproate. Dans une étude de 2017 (50 000 personnes pendant 8 ans) le lithium est associé à une baisse de 14% tandis que le valproate ne présente pas d’effet protecteur. 11 Effets indésirables Le lithium présente des effets indésirables, même lorsque les concentrations plasmatiques conseillées sont respectées, et plus fréquemment lorsqu'elles sont dépassées. Ces effets indésirables sont le plus souvent mineurs mais très fréquents (50 à 70 % des patients). Les principaux sont : tremblement des extrémités pouvant entraîner des difficultés pour écrire (soulagés par les bêtabloquants comme le propranolol). Cet effet peut être réduit en modifiant la répartition de l'administration du lithium (dose plus élevée le soir) ; troubles neuro-psychiques : sédation, troubles mnésiques, baisse de libido ; troubles endocriniens : prise de poids de 4 kg en moyenne (70 % des sujets traités) mais pouvant atteindre 10 à 20 kg, polyurie-polydipsie par inhibition de l'hormone antidiurétique, goitre, hypothyroïdie ou hyperthyroïdie ; troubles cutanés : alopécie, acné, réveil ou déclenchement d'un psoriasis ; troubles cardiaques : troubles du rythme (aplatissement et inversion de l'onde T) sans conséquences fonctionnelles. 12 Précautions d'emploi (1) Index thérapeutique étroit et pharmacocinétique variable, d'où nécessité d'un bilan complet préalable (poids, bilan hématologique, fonction cardiaque, rénale, hépatique et thyroïdienne), puis surveillance accrue (apparition d'effets indésirables ou de modifications fonctionnelles pouvant altérer la lithiémie). Nécessité d'adaptation posologique en fonction de la lithiémie en début de traitement puis surveillance régulière tout au long du traitement (4 à 6 dosages par an). Insuffisance rénale : toute diminution de la filtration glomérulaire se traduit par une baisse parallèle de la clairance du lithium, et donc par un risque de surdosage ; en cas d'apparition d'une insuffisance rénale chez un sujet sous traitement, la dose journalière sera réduite en fonction des valeurs de clairance de la créatinine (si cette dernière est ≤ 40 mL/min, l'arrêt du lithium doit être envisagé, après concertation entre le psychiatre et le néphrologue). Grossesse et allaitement : le lithium traverse la barrière placentaire et passe dans le lait maternel. Compte tenu du risque de malformations cardiaques (maladie d'Ebstein), les sels de lithium sont formellement contre-indiqués pendant le premier trimestre de grossesse ; un test de grossesse sera donc réalisé avant de débuter un traitement et une contraception sera mise en place. Si un traitement thymorégulateur s'avère nécessaire pendant la grossesse, la carbamazépine associée à une supplémentation folique sera proposée. 13 Lithium et grossesse. Source : Gaillard A, Gourion D. Traitement du trouble bipolaire. EMC – Psychiatrie 2019;16(2):1-27 Le lithium est trop souvent systématiquement interrompu pendant la grossesse du fait du risque de malformation cardiaque. Une étude de cohorte impliquant 1 325 563 grossesses menée de 2000 à 2010 a spécifiquement examiné le risque de malformations cardiaques chez les nourrissons exposés au lithium au cours du premier trimestre. Des malformations cardiaques étaient présentes chez 2,4% des nourrissons exposés au lithium et 1,15% des nourrissons non exposés (ratio de risque ajusté à 1,65; intervalle de confiance à 95% = 1,02-2,68). Le risque de malformation était dose-dépendant. Ces données confirment donc le risque de malformation cardiaque, mais viennent aussi tempérer des données antérieures surestimant ce risque. Le choix de poursuivre ou non le lithium en vue d’une grossesse doit se faire au cas par cas. En cas d’interruption du lithium, il faut tenir compte du risque encore plus élevé de rechute bipolaire dans cette période périnatale déjà à risque. En cas de maintien du lithium, il faut renforcer le suivi de la grossesse grâce à une surveillance échographique fœtale pour dépister et traiter l’anomalie. 14 La forme de lithium LP, en prise unique, est associée à un volume urinaire plus faible. En effet, la forme LP est associée à des pics plasmatiques plus élevés, mais aussi à des concentrations résiduelles plus basses qui favorisent les processus régénératifs rénaux. A noter qu’il ne faut jamais prescrire de restriction hydrique qui expose à un risque de déshydratation intracellulaire. Un traitement prolongé par lithium peut entraîner une baisse du débit de filtration glomérulaire. Un nombre très limité de patients développe une insuffisance rénale. Le risque de développer une insuffisance rénale terminale est de 0,2%, et ce chez des patients qui n’auraient pas été correctement suivis. Les troubles thyroïdiens (goitre, hypothyroïdie, thyroïdite) concerne 5 à 35% des sujets, ce qui explique la nécessité du contrôle annuel de la thyroid stimulating hormone (TSH). L’hypothyroïdie induite n’est pas une indication d’arrêt du lithium, mais elle doit être substituée par lévothyroxine. La prescription de l’opothérapie prend en compte le taux de la TSH, le caractère symptomatique (frilosité, ralentissement cardiaque, constipation, …) ou non de l’hypothyroïdie, le caractère stabilisé ou non du trouble bipolaire. 15 Précautions d'emploi (2) La fourchette thérapeutique retenue varie de 0,5 à 1,2 mmol/L selon le sujet et la forme « libération immédiate » ou « libération prolongée ». Les premiers signes de surdosage et de toxicité apparaissent pour des concentrations plasmatiques de lithium > 1,2 mmol/L et se manifestent par des contractions musculaires, des tremblements et des difficultés à écrire, une démarche difficile par hypotonie et une apathie ; ces symptômes d'alerte doivent conduire à une vérification de la lithiémie et à une adaptation de la posologie. Les symptômes d'une lithiémie > 1,6 mmol/L sont : soif, nausées et diarrhées, atteinte neuronale centrale (dysarthrie, ataxie) et confusion mentale. Au-delà de 2 mmol/L, des troubles de la vigilance, voire un coma hyperréflexique et des troubles de la conduction cardiaque peuvent engager le pronostic vital ; le traitement doit être interrompu, la lithiémie mesurée et l'excrétion de lithium stimulée (alcalinisation des urines, diurèse osmotique voire épuration extra-rénale). 16 Surdosage : quelques commentaires Source : Gaillard A, Gourion D. Traitement du trouble bipolaire. EMC – Psychiatrie 2019;16(2):1-27 Le surdosage peut survenir à la suite d’un régime pauvre en sel, d’une affection fébrile, de vomissements, d’une diarrhée sévère ou de toute autre cause de déshydratation. Le surdosage peut aussi être secondaire à la prise de médicaments interagissant avec le sodium au niveau rénal (diminution de l’excrétion rénale du lithium), en particulier les diurétiques notamment thiazidiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les antagonistes de l’angiotensine 2 (Sartans). Il constitue une urgence médicale, et nécessite l’arrêt du lithium et souvent le passage en réanimation avec mise en place d’un traitement symptomatique. Il est indispensable de réaliser un dosage de la lithiémie plasmatique et globulaire, et il faut dans certains cas avoir recours à la diurèse osmotique ou alcaline, ou à l’hémodialyse. A noter que les diurétiques thiazidiques ou les diurétiques de l’anse sont alors formellement contre-indiqués. 17 Contre-indications Hypersensibilité à l'un des constituants. Insuffisance rénale, même modérée (à partir d'une clairance de la créatinine < 60 mL/min). États d'hyponatrémie (régime hyposodé, diurétiques). Premier trimestre de grossesse (augmentation du risque de maladie d'Ebstein) et allaitement. Contre-indication relative en cas d'insuffisance cardiaque avec atteinte de la fonction ventriculaire. 18 Interactions médicamenteuses (1) De nombreux médicaments sont susceptibles de modifier l'excrétion rénale du lithium, par modification de la filtration glomérulaire ou de la réabsorption sodique. En cas d'association, la surveillance clinique, ainsi que la mesure de la lithiémie doivent être strictes, afin d'adapter rapidement la posologie si besoin. Antidépresseurs sérotoninergiques : risque majoré de syndrome sérotoninergique → avec précaution, surveillance clinique et biologique régulière, notamment en début d'association. Neuroleptiques (clozapine, fluphénazine, rispéridone, halopéridol) : risque accru d'effets indésirables neuropsychiques et de toxicité → association déconseillée, surveillance clinique et biologique régulière, notamment en début d'association. Médicaments susceptibles d'augmenter la lithiémie, notamment par diminution de l'excrétion rénale du lithium : sartans, IEC, diurétiques notamment thiazidiques, AINS : risque majoré de surdosage → association déconseillée. Méthyldopa (Aldomet®), métronidazole (Flagyl®), topiramate ≥ 200 mg/jour (Epitomax®) : risque d'augmentation de la lithiémie, potentiellement jusqu'à des valeurs toxiques (signes de surdosage) → avec précaution. Carbamazépine (Tégrétol®) : risque accru de neurotoxicité (troubles cérébelleux, confusion, somnolence, ataxie) → association déconseillée. 19 Interactions médicamenteuses (2) Médicaments susceptibles de diminuer la lithiémie : acétazolamide (Diamox®), calcitonine (Cadens®), diurétique osmotique (mannitol), orlistat (Xenical®, [Alli® n’est plus commercialisé en France]), théophylline (Dilatrane®, Euphylline®…), glycérol, … Et médicaments contenant du sodium : risque de baisse de l’efficacité du lithium par augmentation de son élimination rénale par les sels de sodium. Eviter les surcharges sodées et tenir compte de la présence de sodium dans certains médicaments comme les antiacides. Donc médicaments susceptibles de diminuer la lithiémie : risque de baisse de l'efficacité thérapeutique → avec précaution. 20 Modalités pratiques et conseils au patient (1) Mise en place du traitement et adaptation posologique (a) Un bilan complet doit être réalisé au préalable, comprenant : une évaluation de la fonction rénale : créatininémie et clairance de la créatinine, urée, protéinurie ; une évaluation de la fonction hépatique ; un ionogramme sanguin, numération et formule sanguine, vitesse de sédimentation ; un examen cardiaque avec ECG afin d'écarter la présence de troubles du rythme. Le lithium doit être utilisé avec prudence, et après avis spécialisé chez les sujets ayant des troubles du rythme paroxystiques ou chroniques ; il est à éviter en cas d'altération de la fonction ventriculaire ; un bilan thyroïdien : dosage de l'hormone thyroïdienne et de la TSH plasmatique (en cas d'hypothyroïdie, elle devra être corrigée avant le début du traitement) ; un bilan métabolique : poids, glycémie à jeun : en cas de prise de poids un autre contrôle devra être effectué en cours de traitement ; un test de grossesse et la mise en place d'une contraception efficace. 21 Modalités pratiques et conseils au patient (2) Mise en place du traitement et adaptation posologique (b) La posologie doit être adaptée à chaque patient et toujours débuter à doses faibles. Elle sera augmentée progressivement par paliers successifs jusqu'à obtenir la valeur de lithiémie minimale efficace. En pratique, cette dernière est mesurée tous les 5 jours au cours de la phase initiale du traitement, jusqu'à obtention d'une valeur stable à trois dosages successifs. Après cette phase d'adaptation posologique, le contrôle de la lithiémie doit être régulier, tous les 2 ou 3 mois environ (voir tableau ci-après). Le traitement est le plus souvent d'emblée de 3 ans, et en pratique, il est admis de poursuivre la lithiothérapie le plus longtemps possible. Il n'y a pas de dépendance et donc pas de risque de réaction de sevrage. Cependant, lorsqu'une interruption du traitement s'impose, il est conseillé de procéder à une réduction progressive des posologies, jusqu'à l'arrêt complet. 22 Modalités pratiques et conseils au patient (3) Modalités de dosage de la lithiémie La valeur recommandée est de 0,5 à 0,8 mmol/L, quelle que soit la forme pharmaceutique administrée (forme à libération immédiate ou à libération prolongée). L'horaire de dosage et la forme galénique déterminent les niveaux de lithiémie (tableau). Avec la forme LP, les contrôles de lithiémie effectués le soir déterminent la concentration minimale efficace, les contrôles de lithiémie effectués le matin déterminent la concentration minimale intermédiaire, à mi-chemin entre deux prises. Horaires de dosage Matin Soir (soit 12 heures (soit 24 heures après après la prise) la prise) Téralithe® conc minimale conc minimale LP 400 mg intermédiaire : efficace : 0,8 à 1,2 mmol/L 0,5 à 0,8 mmol/L Téralithe® conc minimale 250 mg efficace : 0,5 à 0,8 mmol/L 23 Modalités pratiques et conseils au patient (4) Conseils et suivi des patients sous traitement (a) Il est indispensable d'expliquer le principe du traitement au malade car l'équilibration de la lithiémie est impossible sans la régularité des prises et la rigueur des contrôles. Contrôler régulièrement la créatinémie et de la calcémie. En cas d'apparition d'une insuffisance rénale chez un sujet sous traitement, la dose journalière sera réduite en fonction des valeurs de clairance de la créatinine ; si cette dernière est ≤ 40 mL/min, l'arrêt du lithium doit être envisagé, après concertation entre le psychiatre et le néphrologue. Assurer le maintien du taux sérique du lithium. En pratique, la lithiémie sera vérifiée 4 à 6 fois par an selon les modalités de dosage recommandées. Ne pas modifier les apports sodés. Toute modification de la réabsorption du sodium modifie parallèlement la réabsorption du lithium, et par conséquent la lithiémie. Éviter l'absorption de boissons alcoolisées (association faisant l'objet d'une contre- indication). 24 Modalités pratiques et conseils au patient (5) Conseils et suivi des patients sous traitement (b) En cas d'arrêt brutal de la consommation de café ou de médicaments contenant de la caféine, il existe un risque d'augmentation de la lithiémie. Le patient doit en être informé. En cas de céphalées persistantes et/ou de troubles visuels, un bilan ophtalmologique avec fond d'oeil s'impose à la recherche d'un œdème papillaire. Sujet âgé Les posologies initiales et d'entretien doivent être plus basses et augmentées plus progressivement. En cas d'anesthésie générale Arrêt du lithium 24 heures auparavant, et reprise lorsque la diurèse est normale. 25 Anticonvulsivants Dérivés de l’acide valproïque Il existe trois formes commercialisées : -l’acide valproïque (Dépakine®); -le divalproate de sodium (Dépakote®), complexe formé d’une molécule d’acide valproïque et d’une molécule de valproate de sodium dont la dissolution est entérique; -le valpromide (Dépamide®), biotransformé en acide valproïque dans la circulation. En France, seuls le valpromide et le divalproate ont l’AMM dans le traitement du trouble bipolaire. 26 Indications thérapeutiques Traitement de la manie aiguë L’AMM française reconnaît l’indication en seconde intention du divalproate et du valpromide « dans le traitement des épisodes maniaques chez les patients souffrant de troubles bipolaires, en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium ». A noter que l’activité antimaniaque se manifeste plus rapidement que celle du lithium. Traitement de la dépression bipolaire Une seule étude plaide en faveur du rôle du divalproate dans les épisodes dépressifs, avec toutefois une efficacité moindre que dans les états maniaques (taux de réponse de 30%) Prévention des récurrences bipolaires Deux revues Cochrane publiées en 2001 et 2013, ainsi que l’étude multicentrique BALANCE soulignent le peu de preuve de l’efficacité des dérivés de l’acide valproïque dans le traitement de maintenance des troubles bipolaires. 27 Valproate et grossesse (1) Dans sa circulaire du 06/07/2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament affirme que : « Chez les femmes en âge de procréer, le traitement par valproate de sodium est contre-indiqué chez les patientes présentant un épisode maniaque du trouble bipolaire sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses, et ne peut être instauré qu’à condition : qu’elles ne soient pas enceintes (test de grossesse plasmatique négatif) ET qu’elles utilisent une contraception efficace. » Dans le cas où ce traitement serait l’unique alternative, la patiente doit être sous contraception et signer un protocole de consentement écrit. La prescription initiale est réservée aux spécialistes (neurologue, pédiatre ou psychiatre) qui doivent également la réévaluer chaque année. Il est recommandé de vérifier mensuellement l’absence de grossesse. L’exposition in utero est associée à un risque de malformation fœtale majeure évalué de 4,7 à 10 %. Celui-ci pourrait atteindre 23,8 à 26,1 % lorsque la posologie dépasse 1500 mg/j, pour un risque de 1,1 à 2,8 % dans la population épileptique non traitée, et de 2,1 à 2,9 % dans la population générale. Les malformations constatées sont des spina bifida, des craniosténoses, des anomalies palatines, des hypospadias, des anomalies du septum interauriculaire et des polydactylies. 28 Valproate et grossesse (2) Des effets sur la cognition des enfants sont également avérés, avec une baisse du quotient intellectuel de 8 à 11 points qui semble spécifique au valproate. En 2013, des travaux sur de grands registres ont également retrouvé un risque accru de troubles du spectre autistique et de TDAH. Au vu de ces nouvelles données, les prescriptions de valproate chez les femmes en âge de procréer se réduisent drastiquement. Elles doivent se restreindre aux cas absolument exceptionnels d’absence de molécule efficace pour traiter les pathologies concernées chez une patiente donnée. La situation semble plus facile à gérer en neurologie du fait des nombreuses autres molécules antiépileptiques disponibles. En psychiatrie, la baisse des prescriptions de valproate est plus laborieuse car les alternatives thérapeutiques sont moins nombreuses qu’en neurologie. 29 Prescription et surveillance Les contre-indications et effets secondaires des dérivés valproïques nécessitent de réaliser un bilan clinique avant leur prescription (pesée, tension artérielle), ainsi que certains contrôles biologiques (NFS, bilan hépatique complet, coagulation). L’instauration doit être progressive ; on considère que la dose efficace est entre 900 et 1800 mg/j pour le valpromide, et de 1200 à 1500 mg/j pour le divalproate, initialement en deux ou trois prises, puis en monoprise vespérale. Dans les états maniaques, on peut préconiser une dose de charge de 20 mg/kg par jour répartie en plusieurs prises. Le taux plasmatique doit être contrôlé après deux semaines de traitement (taux thérapeutiques : 50–100 mg/l ou 345–690 μmol/l) puis, une fois la dose équilibrée, tous les six mois. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses et souvent à l’origine de modifications des taux sanguins. 30 Exemples d’interactions avec le divalproate de sodium (Dépakote®) Associations contre-indiquées + Millepertuis Risque de diminution des concentrations plasmatiques et de l'efficacité de l'anticonvulsivant. Associations déconseillées + Lamotrigine Risque majoré des réactions cutanées graves (Syndrome de Lyell). Par ailleurs, augmentation des concentrations plasmatiques de lamotrigine (diminution de son métabolisme hépatique par le valproate de sodium). Si l'association s'avère nécessaire, surveillance clinique étroite. + Pénems Risque de survenue de crises convulsives, par diminution rapide des concentrations plasmatiques de l’acide valproïque, pouvant devenir indétectables. 31 Anticonvulsivants Carbamazépine (1) La carbamazépine (Tégrétol®) est une molécule de structure tricyclique aux propriétés antiépileptiques. Le dossier scientifique établissant l’efficacité thymorégulatrice de la carbamazépine est peu étayé. Ceci explique sans doute pourquoi ce traitement est de moins en moins utilisé, aussi peut-être du fait de sa toxicité générale et de son manque d’efficacité relative. Son absorption est digestive, son métabolisme hépatique (substrat 3A4 et 2C8) et son élimination rénale. Liée à 80 % aux protéines, elle exerce un effet inducteur enzymatique du cytochrome P450 (1A2, 2B6, 2C9, 2C19, 3A4, Glycoprotéine P) et modifie ainsi le métabolisme de nombreux médicaments. La carbamazépine est aussi un agent tératogène et sa prescription est à éviter chez les femmes en âge de procréer. 32 Anticonvulsivants Carbamazépine (2) Il est indispensable de rappeler au patient le risque d’interaction médicamenteuse. La carbamazépine est métabolisée par le cytochrome P3A4 et est un puissant inducteur enzymatique. Certaines associations sont risquées, voire contre-indiquées. Certaines molécules peuvent voir leur taux plasmatique baisser et être alors inefficaces (contraceptifs oraux, autres substrats du CYP 3A4). D’autres molécules inhibant le CYP P3A4 vont augmenter les concentrations de carbamazépine et favoriser sa toxicité (érythromycine, autres inhibiteurs du CYP3A4). Environ 50 % des patients traités par carbamazépine présentent des effets secondaires ; toutefois, ils justifient très rarement l’arrêt du traitement. Il existe des réactions idiosyncrasiques dans les six premiers mois à type d’agranulocytose, d’anémie aplasique, d’insuffisance hépatique, de pancréatite et de syndrome de Stevens-Johnson. La carbamazépine est aussi associée à un risque d’hyponatrémie. 33 Anticonvulsivants Lamotrigine (1) Indications thérapeutiques Prévention de la récurrence dépressive dans le trouble bipolaire. La lamotrigine (Lamictal®) est efficace dans la prévention de la récurrence dépressive chez le patient bipolaire, mais pas sur la prévention de la récurrence maniaque. En France, l’AMM précise qu’elle est indiquée dans la « prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d’épisodes dépressifs ». Traitement de la dépression bipolaire. La lamotrigine améliore les symptômes dépressifs dans la dépression bipolaire et unipolaire, et occupe une place de choix dans les recommandations internationales pour le traitement des épisodes dépressifs bipolaires. Elle pourrait aussi être utile dans le traitement des cycles rapides. À noter qu’en France elle n’a pas l’AMM dans le traitement curatif de la dépression bipolaire, même si elle est largement utilisée. La lamotrigine est un traitement particulièrement intéressant, souvent bien toléré et stimulant (voire discrètement anxiogène), qui peut se prescrire en association ou en monothérapie dans les formes de bipolarité à polarité dépressive. La lamotrigine ne doit pas être prescrite en monothérapie chez les patients bipolaires de type I compte tenu du risque de virage. 34 Anticonvulsivants Lamotrigine (2) Effets indésirables Ses effets indésirables sont essentiellement cutanés, de mécanisme immuno- allergique à type de rashs cutanés (8,3 %), le plus souvent modérés (hypersensibilité de type 4), mais nécessitant une grande vigilance en raison du risque de survenue d’un syndrome de Stevens-Johnson ou de Lyell (0,04 %) potentiellement mortels. Il existe aussi des cas de méningite aseptique dans les deux premiers mois de traitement. 35 Anticonvulsivants Lamotrigine (3) Prescription et surveillance La fréquence des effets secondaires cutanés impose une augmentation très progressive et prudente du traitement, par paliers de 25 mg tous les 15 jours, pour des posologies comprises entre 150 mg/j et 250 mg/j (en fonction de la tolérance, de l’efficacité et des dosages plasmatiques). Les patients doivent être informés du risque d’éruption cutanée, et avertis de la nécessité d’interrompre le traitement et de consulter un dermatologue en urgence en cas d’éruption. Il s’agit alors de déterminer si la lamotrigine est en cause, et si le traitement peut être repris ou bien s’il doit être définitivement écarté. Les contre-indications à la lamotrigine sont les antécédents d’hypersensibilité à cette molécule. 36 Anticonvulsivants Lamotrigine (4) Interactions médicamenteuses La lamotrigine est métabolisée par glucuronisation. Les médicaments inhibant ou activant la glucuronisation vont modifier les concentrations plasmatiques de lamotrigine. Il faut par exemple veiller aux interactions entre la lamotrigine et les estrogènes (risque d’inefficacité de la contraception si la contraception est introduite secondairement à la lamotrigine, baisse des concentrations de lamotrigine si la lamotrigine est introduite secondairement à la contraception), et entre la lamotrigine et d’autres antiépileptiques comme le valproate (augmentation des concentrations de lamotrigine). Lamotrigine et grossesse Chez la femme enceinte, les données de suivi prospectif de plus de 1000 grossesses exposées à la lamotrigine ne montrent pas d’augmentation du risque de malformation par rapport à la population générale. 37 Anticonvulsivants Topiramate, gabapentine, prégabaline et oxcarbazépine Topiramate (Epitomax®), gabapentine (Neurontin®), prégabaline (Lyrica®) et oxcarbazépine (Trileptal®), appartenant à la classe des antiépileptiques, auraient des effets sur la prophylaxie de certains troubles bipolaires réfractaires aux traitements classiques, essentiellement en association. Aucun d’eux n’a l’AMM dans cette indication. Les données d’efficacité sont faibles et controversées. Le topiramate (Epitomax®) peut induire des phénomènes hallucinatoires, et n’est utilisé que dans les formes résistantes ou comorbides (avec un trouble boulimique avéré ou une addiction à la cocaïne) sur lesquelles il présente parfois un effet thérapeutique puissant. La prégabaline (Lyrica®), antalgique et antiépileptique, a l’AMM dans les troubles anxieux généralisés. Elle peut entraîner à court terme des troubles de la marche, une sensation d’ébriété et des troubles neuropsychiques à type de confusion. À moyen et long termes, elle peut entraîner une prise de poids. L’oxcarbazépine (Trileptal®), analogue de la carbamazépine, pourrait être utile dans le traitement de la manie adulte. Sa prescription nécessite de surveiller la natrémie car il existe un risque d’hyponatrémie. On peut également observer des manifestations neuropsychiques et une hypersensibilité croisée avec la carbamazépine. 38 Antipsychotiques Antipsychotiques de première génération (neuroleptiques classiques) Les antipsychotiques de première génération demeurent trop couramment utilisés en France. Ils sont souvent instaurés dans les accès maniaques avec troubles du comportement. Malheureusement, leur prescription initiale se transforme souvent en utilisation à long terme, bien qu’ils n’aient pas démontré leur efficacité dans la prévention des rechutes et présentent un rapport bénéfice/risque insatisfaisant au vu de l’état de la science. Bien qu’encore largement utilisés comme adjuvants (exemple : cyamémazine, Tercian® en traitement d’appoint), il ne faut pas sous-estimer l’incidence des effets collatéraux des antipsychotiques de première génération (sédation, troubles cognitifs, syndromes extrapyramidaux, troubles sexuels, prise de poids et dyskinésies tardives) dont la survenue altère la compliance, voire s’avère totalement rédhibitoire chez les jeunes patients souffrant de formes débutantes. Ces molécules pourraient aussi favoriser la survenue de dépressions postmaniaques. Actuellement, les conférences de consensus internationales recommandent de ne pas utiliser les antipsychotiques de première génération en première intention, y compris dans les états maniaques sévères. Ils ne se justifient qu’en deuxième ou troisième ligne, en cas d’échec des antipsychotiques atypiques ou des autres thymorégulateurs. 39 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (1) Le rôle des antipsychotiques atypiques, du fait de leur meilleure tolérance et de leur délai d’action plus rapide par rapport aux autres thymorégulateurs, est de plus en plus important dans la prise en charge du trouble bipolaire, notamment dans l’épisode maniaque ou dépressif en phase aiguë, mais également parfois au plus long cours. 40 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (2) Indications thérapeutiques (1) Traitement des épisodes maniaques. En France, l’olanzapine (Zyprexa®), la rispéridone (Risperdal®), l’aripiprazole (Abilify®) et la quétiapine (Xeroquel®) ont obtenu l’AMM pour le traitement curatif des épisodes maniaques chez les patients atteints de trouble bipolaire de type I. Les antipsychotiques atypiques, en particulier l’olanzapine et la rispéridone, ont un délai d’action plus rapide que les autres thymorégulateurs dans le traitement de la manie. Ces médicaments sont utilisables lors de la survenue d’épisodes maniaques avec ou sans symptômes psychotiques en monothérapie ou en coprescription avec un thymorégulateur classique (lithium, valproate). Dans les formes ultraréfractaires de trouble bipolaire, la clozapine à faibles doses (75 mg/j) obtient parfois un effet très notable, mais son instauration nécessite un avis très spécialisé en raison de ses effets secondaires hématologiques (agranulocytose). 41 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (3) Indications thérapeutiques (2) Traitement des épisodes dépressifs. Pour traiter la dépression bipolaire, les antipsychotiques doivent être prescrits à de faibles doses. En France, la quétiapine, à la dose de 300 mg, est le seul antipsychotique à avoir obtenu l’AMM dans le traitement de la dépression bipolaire. L’aripiprazole et l’olanzapine (associée avec la fluoxétine pour l’olanzapine) ont également cette indication aux États-Unis. L’aripiprazole est dans ce cas utilisée en add-on, et à des doses inférieures ou égales à 5 mg, afin d’obtenir des effets prodopaminergiques, parfois efficace notamment en cas de dépression ralentie ou anhédonique. 42 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (4) Combinaisons olanzapine/fluoxétine disponibles aux USA : Symbyax (https://dailymed.nlm.nih.gov/) SYMBYAX® combines olanzapine, an atypical antipsychotic and fluoxetine, a selective serotonin reuptake inhibitor, indicated for treatment of: Acute Depressive Episodes Associated with Bipolar I Disorder (1) Treatment Resistant Depression (1) Capsules: 3 mg/25 mg, 6 mg/25 mg (mg olanzapine/mg equivalent fluoxetine) SYMBYAX® combines olanzapine, an atypical antipsychotic and fluoxetine, a selective serotonin reuptake inhibitor, indicated for treatment of: Acute Depressive Episodes Associated with Bipolar I Disorder (1) Treatment Resistant Depression (1) 43 Antipsychotiques Combinaison olanzapine/fluoxétine : 12.1 Mechanism of Action The mechanism of action of olanzapine and fluoxetine in the listed indications, is unclear. However, the combined effect of olanzapine and fluoxetine at the monoaminergic neural systems (serotonin, norepinephrine, and dopamine) could be responsible for the pharmacological effect. 12.2 Pharmacodynamics Olanzapine binds with high affinity to the following receptors: serotonin 5HT2A/2C, 5HT6 (Ki=4, 11, and 5 nM, respectively), dopamine D1-4 (Ki=11 to 31 nM), histamine H1 (Ki=7 nM), and adrenergic α1 receptors (Ki=19 nM). Olanzapine is an antagonist with moderate affinity binding for serotonin 5HT3 (Ki=57 nM) and muscarinic M1-5 (Ki=73, 96, 132, 32, and 48 nM, respectively). Olanzapine binds weakly to GABAA, BZD, and β-adrenergic receptors (Ki>10 μM). Fluoxetine is an inhibitor of the serotonin transporter and is a weak inhibitor of the norepinephrine and dopamine transporters. 12.3 Pharmacokinetics SYMBYAX — Fluoxetine (administered as a 60 mg single dose or 60 mg daily for 8 days) caused a small increase in the mean maximum concentration of olanzapine (16%) following a 5 mg dose, an increase in the mean area under the curve (17%) and a small decrease in mean apparent clearance of olanzapine (16%). In another study, a similar decrease in apparent clearance of olanzapine of 14% was observed following olanzapine doses of 6 or 12 mg with concomitant fluoxetine doses of 25 mg or more. The decrease in clearance reflects an increase in bioavailability. The terminal half-life is not affected, and therefore the time to reach steady state should not be altered. The overall steady-state plasma concentrations of olanzapine and fluoxetine when given as the combination in the therapeutic dose ranges were comparable with those typically attained with each of the monotherapies. The small change in olanzapine clearance, observed in both studies, likely reflects the inhibition of a minor metabolic pathway for olanzapine via CYP2D6 by fluoxetine, a potent CYP2D6 inhibitor, and was not deemed clinically significant. Therefore, the pharmacokinetics of the individual components is expected to 44 reasonably characterize the overall pharmacokinetics of the combination. Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (4) Indications thérapeutiques (3) Prévention des récidives bipolaires. Les antipsychotiques atypiques ont aussi un rôle dans la prophylaxie des récidives maniaques, notamment l’olanzapine, la quétiapine et l’aripiprazole, qui ont obtenu l’AMM dans l’indication « prévention des récidives chez les patients présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement par cette molécule lors d’un épisode maniaque ». De même, la quétiapine a obtenu l’AMM dans la prévention des épisodes dépressifs. La poursuite au long cours est particulièrement recommandée dans les formes avec symptômes psychotiques, mais elle est souvent entravée par les effets secondaires, notamment pondéraux, qui limitent la compliance. Le développement récent de formes injectables retard n’a pas pour l’instant obtenu d’AMM dans le trouble bipolaire, mais peut s’avérer une solution de recours en cas de très mauvaise compliance dans les formes sévères. 45 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (5) Indications thérapeutiques (4) Traitement des cycles rapides. Bien que les données demeurent limitées, l’hypothèse classique selon laquelle les thymorégulateurs seraient plus efficaces que le lithium n’a pas été confirmée de façon solide. Les combinaisons de thymorégulateurs sont souvent nécessaires. Les antipsychotiques atypiques seraient par ailleurs de plus en plus considérés comme hypothèse thérapeutique de premier choix dans toutes les phases du cycle rapide. 46 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (6) Effets secondaires (1) Les effets secondaires des antipsychotiques atypiques sont principalement métaboliques et neurologiques, bien que ces derniers soient moindres par rapport à ceux des antipsychotiques de première génération. Les effets métaboliques et endocriniens peuvent se traduire par une importante prise de poids (en partie liée à une augmentation de l’appétit), une augmentation des triglycérides et du cholestérol, et une hyperglycémie. L’apparition d’un syndrome métabolique doit être étroitement surveillée et corrigée afin de limiter les complications cardiovasculaires. L’hyperprolactinémie est plus fréquente pour les molécules ayant un fort antagonisme dopaminergique (rispéridone notamment). Sur le plan cardiovasculaire, les antipsychotiques peuvent être associés à une hypertension artérielle, une hypotension orthostatique, une tachycardie, un allongement de l’intervalle QT, et des troubles du rythme ou de la conduction. 47 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (7) Effets secondaires (2) Les effets secondaires neurologiques sont dominés par l’apparition d’un syndrome extrapyramidal avec parfois une akathisie. La sédation en début de traitement est fréquente. On peut également observer des dystonies aiguës cédant rapidement sous anticholinergiques et des dyskinésies tardives sévères peuvent se développer au long cours. Les effets sexuels sont encore bien souvent insuffisamment explorés en pratique clinique alors qu’ils sont l’une des causes les plus fréquentes, avec la prise de poids, de mauvaise compliance au traitement. 48 Antipsychotiques Antipsychotiques atypiques (8) Prescription et surveillance La pesée, la mesure du périmètre abdominal et de la pression artérielle doivent être étroitement surveillées. Sur le plan paraclinique, on effectue un électrocardiogramme, une glycémie à jeun, et un bilan lipidique comprenant les triglycérides, le cholestérol total et la fraction LDL, avant le début du traitement et régulièrement pendant son administration. Des données soulignent l’intérêt de la metformine pour contrer la prise de poids induite par les antipsychotiques, améliorer le contrôle glycémique, voire favoriser une perte de poids modérée chez les sujets diabétiques et non diabétiques. L’utilisation de la metformine semble être un avantage lorsqu’elle est amorcée tôt dans le traitement et surtout chez les jeunes adultes nouvellement exposés à des antipsychotiques. 49 Antidépresseurs L’utilisation des antidépresseurs dans les troubles bipolaires est déconseillée du fait du risque de virage maniaque, hypomaniaque ou mixte de l’humeur. Il a été montré que l’utilisation des antidépresseurs en période mixte (dont le diagnostic est difficile car les symptômes dépressifs sont souvent plus évidents que les symptômes d’excitation) augmente notablement le risque de suicide. L’utilisation chronique d’antidépresseurs pourrait également favoriser l’induction de cycles rapides et leur aggravation. Le risque de virage augmente avec le potentiel noradrénergique de l’antidépresseur. Les tricycliques, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) sont donc davantage pourvoyeurs de virage que les sérotoninergiques. L’adjonction d’antidépresseurs de deuxième génération comme les IRS et les IRSNA dans la phase curative de la dépression bipolaire est associée à une diminution des symptômes dépressifs, mais la taille de l’effet est faible et cela n’augmente pas les taux de réponse clinique ni les taux de rémission. 50 Benzodiazépines, anxiolytiques et hypnotiques Les anxiolytiques et hypnotiques sont souvent utilisées par les cliniciens en phase aiguë, à visée adjuvante. Ils n’ont pas à proprement parler d’efficacité sur la thymie, mais permettent parfois de contrôler l’agitation et de traiter les troubles du sommeil. S’il s’agit de benzodiazépines ou dérivés, leur prescription doit être rationnelle, la plus brève possible et réévaluée régulièrement afin d’éviter l’installation d’une dépendance. Elle doit être évitée chez les patients ayant une propension aux conduites addictives qui sont très fréquentes dans la bipolarité. Enfin, il faut noter qu’il existe parfois des réponses paradoxales aux benzodiazépines avec augmentation de l’agitation et du risque de passage à l’acte. Les antihistaminiques H1 comme la prométhazine (Phénergan®) ou l’alimémazine (Théralène®) au fort potentiel sédatif sont quant à eux dépourvus d’effets d’accoutumance. 51 Sismothérapie (ou électroconvulsivothérapie [ECT]) et autres techniques de stimulation cérébrale (1) La sismothérapie est une thérapeutique dont l’efficacité est largement prouvée pour les épisodes sévères, qu’ils soient dépressifs, mixtes, maniaques ou catatoniques, ou dans les formes très réfractaires aux thymorégulateurs et les cycles rapides. Certains terrains incitent à son utilisation : personne âgée, femme enceinte ou contre-indication aux traitements habituels. Elle permet une réduction très rapide et massive des symptômes psychocomportementaux et du risque suicidaire. Une réponse positive est observée dans environ les deux tiers des cas et chez 80 % des patients catatoniques. À long terme, l’ECT est associée à un allongement des intervalles libres euthymiques, et à une réduction du nombre d’épisodes et de réhospitalisations. Il est plausible que l’ECT ait un effet stabilisateur intrinsèque sur le cours de la maladie bipolaire. L’ECT peut aussi être recommandée en traitement d’entretien des troubles bipolaires résistants ou intolérants aux chimiothérapies. Elle nécessite le consentement « éclairé » du patient et un bilan préanesthésique. La seule contre-indication absolue est l’hypertension intracrânienne. La consultation préanesthésique, l’utilisation d’un courant pulsé ultrabref et la stimulation unilatérale ont grandement amélioré la tolérance de l’ECT. Les effets secondaires sont les céphalées, la confusion et les troubles de la mémoire antérograde réversibles à l’arrêt de l’ECT. 52 Sismothérapie (ou électroconvulsivothérapie [ECT]) et autres techniques de stimulation cérébrale (2) En Amérique du Nord, des praticiens ont été condamnés pour perte de chance dans la prise en charge de patients bipolaires suicidaires sévères pour lesquels ils n’ont pas proposé d’ECT. Les difficultés et la réticence qu’ont certains praticiens à prescrire l’ECT dans les formes les plus sévères sont donc éthiquement questionnables et juridiquement potentiellement condamnables. En ce qui concerne les nouvelles techniques de stimulation cérébrale, en particulier la stimulation magnétique transcrânienne, le niveau de preuve demeure insuffisant, en particulier dans les formes sévères de troubles bipolaires et ne représentent pas en l’occurrence une alternative dans les formes sévères. 53 54 55 ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire RAPPELS Trouble cyclique de l’humeur qui atteint l’adulte jeune (25-35 ans mais formes précoces ou tardives possibles) et qui concerne 1 à 2% de la population générale. Diagnostic Devant un tableau associant une répétition d’épisodes thymiques séparés par des intervalles libres sains : - Le trouble bipolaire de type I est la forme caractéristique : au moins 1 épisode maniaque (exaltation, agitation et insomnie) associé de manière variable à des épisodes dépressifs; - Le trouble bipolaire de type II : au moins 1 épisode hypomaniaque; - Le trouble bipolaire de type III : au moins 1 épisode d’hypomanie iatrogène. Objectif thérapeutique Stabilité de l’humeur, prévention du risque suicidaire, qualité de vie satisfaisante et maintien de l’insertion socio-professionnelle. 56 ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire PRECAUTIONS AVANT LE TRAITEMENT Recherche de contre-indications au traitement par le lithium : insuffisance rénale même modérée (Clairance de la créatinine < 85 mL/min), régime/déplétion hydrosodée, grossesse, altération de la fonction cardiaque ventriculaire, intolérance au gluten. Recherche de terrains à risque : dysthyroïdie, obésité, comitialité, troubles du rythme cardiaque. Recherche d’associations déconseillées : AINS, carbamazépine, diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes de l’angiotensine, antipsychotiques à posologies élevées. Recherche d’associations à prendre en compte : antidépresseurs sérotoninergiques, clozapine, méthyldopa, diltiazem, vérapamil, anesthésiques généraux. Bilan préthérapeutique : EEG, ECG, NFS, ionogramme sanguin avec calcémie, mesure de la fonction rénale (créatinine et clairance de la créatinine, recherche d’une protéinurie), T4 et TSH, glycémie, β-HCG. Mise en place d’une contraception si patiente en âge de procréer. 57 ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire PRESCRIPTIONS Ordonnance Carbonate de lithium LP 400 mg : 1 cp le soir pendant 5 jours puis 1 ½ cp le soir à partir de J6 si lithiémie mesurée 24 h après la dernière prise (soit le lendemain soir avant la prise suivante)< 0,5 mmol/L. Les posologies peuvent être majorées d’1/2 cp tous les 5 jours pour obtenir une lithiémie efficace et stable entre 0,5 et 0,8 mmol/L le soir avant la prise. Règles hygiénodiététiques Régularité et rigueur de la prise de carbonate de lithium, ne pas « compenser » un oubli de prise. Signaler systématiquement la prise de lithium lors d’une consultation médicale. Consommation de cannabis à proscrire (facteur favorisant les symptômes), tabagisme et consommation d’alcool fortement déconseillés. Rythme de vie régulier et surveillance du sommeil. 58 ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire PRESCRIPTIONS Situations particulières (1) En cas de contre-indication du lithium : divalproate de sodium 500 mg, 1000 à 2500 mg/j en deux prises avec une augmentation très progressive de la posologie et une surveillance de la numération globulaire, des transaminases, du bilan de coagulation et du temps de saignement à J15; puis des transaminases tous les 6 mois. En cas de symptômes dépressifs prédominants : quétiapine LP (cp à 50 et 300 mg) à posologies progressives, débuter à 50 mg/j pour atteindre 300 à 600 mg/j en 1 prise le soir avant le repas. En cas d’accès maniaque avec agitation : -associer un psychotrope sédatif : cyamémazine (cp sécables 100 mg), 50 à 300 mg/j; ou -lorazépam 2,5 mg : 2,5 à 7,5 mg/j. 59 ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire PRESCRIPTIONS Situations particulières (2) En cas de symptômes résistants : - Administration d’un antipsychotique de seconde génération en association au traitement thymorégulateur : olanzapine, 20 mg/j en 1 prise; NB ci dessous ou - aripiprazole : 20 mg/j en 1 prise. En cas d’urgence ou de symptomatologie incontrôlée : électroconvulsivothérapie. A propos de la posologie d’olanzapine donnée par Dr Vital Durand Lorsqu'il est pris comme traitement préventif contre les rechutes liées aux troubles bipolaires, la posologie est généralement de 10 mg / jour. Un réajustement du dosage peut être réalisé si aucune amélioration n'est visible, sans toutefois dépasser la dose maximale de 20 mg / jour. Quelques effets indésirables sont notables comme la prise de poids, la somnolence ou encore des vertiges. https://www.lebipolaire.com/zyprexa-olanzapine-avis-patients-bipolaires/ ORDONNANCES 2018 D. Vital Durand Maloine Trouble bipolaire SURVEILLANCE De l’efficacité du traitement : amélioration des symptômes, stabilité thymique. De la fonction rénale, thyroïdienne et de la lithiémie si traitement par lithium (une fois la lithiémie efficace atteinte, les dosages sanguins sont effectués toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois pendant le premier trimestre, puis tous les deux mois). De la fonction hépatique et du poids si traitement par divalproate de sodium (la dépakinémie n’est pas le reflet de l’efficacité thymorégulatrice du valproate). Des effets indésirables liés au traitement antipsychotique le cas échéant. MESURES COMPLEMENTAIRES Education thérapeutique : amélioration de la connaissance de la maladie et des signes prodromiques (pour limiter les rechutes). Thérapie cognitivocomportementale : modifier les schémas cognitifs négatifs qui favorisent les rechutes. Consultation en hypnologie si troubles du sommeil persistants. 61 Médicaments thymorégulateurs Le trouble bipolaire (TB) est l’une des pathologies psychiatriques les plus graves, qui conduit à des tentatives de suicide : 1 malade sur 2 fera au moins une tentative de suicide dans sa vie et 15 % décèderont par suicide. En France, on estime qu’entre 1 et 2,5 % de la population est touchée par ce trouble, mais ce chiffre serait sous-évalué. Il alterne des épisodes maniaques ou hypomaniaques (agitation, élévation de l’humeur, idées de grandeur) et des épisodes dépressifs avec des moments de rémission. Cette maladie entraîne pour le patient une vulnérabilité chronique et reste diagnostiquée trop tardivement. Figure 1 - Stratégie thérapeutique Episode maniaque ou mixte : Episode dépressif majeur hospitalisation parfois nécessaire d’intensité modérée à sévère : – Traitement thymorégulateur : Quétiapine (Xeroquel®) ou carbonate de lithium (Téralithe®) traitement thymorégulateur : ou valproate de sodium lithium ou valproate de sodium ± (Dépakote®) ou antipsychotique antidépresseur de type inhibiteur atypique dans les formes sévères de recapture de sérotonine Après 4 à 6 semaines, en cas Après 4 à 6 semaines, en cas d’échec, bithérapie d’échec, changement thymorégulatrice : lithium + d’antidépresseur associé au valproate de sodium ou lithium+ thymorégulateur ou bithérapie antipsychotique atypique (si non thymorégulatrice : lithium + prescrit antérieurement) ou lamotrigine (Lamictal) ou électroconvulsivothérapie dans les quétiapine + lamotrigine formes sévères 62 https://www.vidal.fr/maladies/recommandations/trouble-bipolaire-1568.html#prise-en-charge 63 Médicaments indiqués dans le trouble bipolaire Traitement curatif phases aiguës Accès maniaques : lithium, valproate, olanzapine (Zyprexa®), rispéridone (Risperdal®), quétiapine, aripiprazole (Abilify®) Episode dépressif modéré à sévère : lithium, quétiapine Prévention de la rechute Accès maniaques : lithium, olanzapine, carbamazépine, quétiapine, valproate de sodium Dépression : lithium, quétiapine, lamotrigine 64 I. Objectifs du traitement 1. Obtenir la rémission totale lors du traitement d’une phase aiguë. 2. Prévention du risque suicidaire. 3. Prise en charge globale des facteurs favorisant le trouble bipolaire (anxiété, addictions, maladies cardio-vasculaires…). 4. Consolidation de la rémission des symptômes (traitement de maintenance poursuivi à vie). II. Prise en charge de l’épisode maniaque La majorité des recommandations préconisent le lithium en première ligne. Adjonction d’un antipsychotique si les critères de sévérités sont présents (présence de symptômes psychotiques). III. Prise en charge de la dépression bipolaire En première intention : le traitement thymorégulateur. En seconde intention : quétiapine ou un ISRS. Mesures complémentaires : Relaxation, lutte contre les facteurs de risque, thérapie cognitivo-comportementale. 65 IV - Médicaments A - LITHIUM Carbonate de lithium (Li2CO3) (Téralithe®) : sel métallique Administration per os en première intention Médicament à marge thérapeutique étroite (prescription personnalisée) avec surveillance étroite de la lithiémie ; inférieure à 0,5 mEq/L inopérant ; supérieure à 1,2 mEq/L toxique 66 IV - Médicaments B - Antiépileptiques (voir ce chapitre) Valpromide (Dépamide®) (promédicament de l’acide valproïque) ; Divalproate de sodium (Dépakote®) (composé d’une molécule de valproate de sodium et d’une molécule d’acide valproïque dans un rapport 1 :1) ; L’acide valproïque (Dépakine®) n’a pas l’AMM dans le TB ; Les dérivés de l’acide valproïque sont contre-indiqués chez la femme en âge de procréer. Carbamazépine (Tégrétol®) (prévention des rechutes du trouble bipolaire, traitement de certains états maniaques ou hypomaniaques) ; Lamotrigine (Lamictal®) (prévention des épisodes dépressifs chez les patients ayant un trouble bipolaire de type 1. Pas d’indication dans les états maniaques aigus) ; 67 IV - Médicaments C - Antipsychotiques (voir ce chapitre) Traitement symptomatique des épisodes maniaques aigus modérés à sévères (olanzapine, rispéridone, quétiapine) ; Prévention des récidives d’un trouble bipolaire ayant répondu favorablement lors d’un épisode maniaque (olanzapine et quétiapine) ou dépressif (quétiapine) antérieur. 68 Lithium Pharmacocinétique : A : résorption rapide (équilibre atteint entre le 5ème et le 8ème jour) D : volume de distribution peu élevé (0,8L/kg) M : non métabolisé E : urines (90%) Indications : Prévention des rechutes des troubles bipolaires et des états schizo-affectifs intermittents. Traitement curatif des états d'excitation maniaque ou hypomaniaque. Effets indésirables : Asthénie nausées, tremblements, soif et troubles de l'équilibre. En cas d'apparition de ces signes, il est nécessaire de surveiller la lithiémie et d'adapter le traitement. Goitre isolé (euthyroïdie) ou associé à une hypothyroïdie (parfois hyperthyroïdie). Arythmies cardiaques bradycardie, bloc sino-auriculaire, modifications de l’ECG telles que anomalies du segment ST avec onde T aplatie. Polyurie-polydipsie Prise de poids Troubles cutanés 69 Lithium Contre-indications : Allaitement. Insuffisance rénale en cas d'impossibilité d'exercer une surveillance très stricte et très régulière de la lithiémie et de la créatinine plasmatique. Insuffisance cardiaque. Maladie d’Addison. Syndrome de Brugada ou antécédent familial de syndrome de Brugada (maladie génétique responsable de troubles du rythme cardiaque à l'étage ventriculaire). Grossesse au 1er trimestre : risque de maladie d’Ebstein : suivi rapproché voire autre traitement normothymique si besoin Interactions médicamenteuses : Associations contre-indiquées : régime hyposodé ou désodé (compétition ion Li+ et ion Na+) Associations déconseillées : antagonistes ARA 2, AINS, diurétiques, IEC, corticostéroïdes (augmentation lithiémie) carbamazépine (risque de neurotoxicité) 70 Lithium Suivi : Doser la lithiémie (à jeun, toujours 12 h après la dernière prise) Créatininémie (tous les 6 mois) TSH (une fois par an) Surveillance cardio-métabolique et rénale Dosage β-hCG 71 divalproate de sodium et valpromide Pharmacocinétique : A : biodisponibilité proche de 100% D : volume de distribution peu élevé. Diffuse dans LCR, placenta, lait maternel. M : glucuro-conjugaison (environ 40%). E : urines Indications : Traitement des épisodes maniaques du trouble bipolaire en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium. Effets indésirables : Anémie, thrombopénie. Prise de poids Nausées, vomissements. Hépatotoxicité (élévation des transaminases) Effets tératogènes et fœtoxiques : troubles du développement (d’anomalie de fermeture du tube neural ) et du spectre autistique chez enfants exposés in utero 72 divalproate de sodium et valpromide Contre-indications : Femmes enceintes. Femmes en âge de procréer Antécédent d’hypersensibilité Hépatite aiguë ou chronique. Antécédent d'hépatite sévère, Porphyries Patients ayant des troubles connus du cycle de l’urée. Interactions médicamenteuses : Association contre-indiquée : Millepertuis, mefloquine Associations déconseillées : Lamotrigine (Risque majoré des réactions cutanées graves (Syndrome de Lyell)). Suivi : Bilan pré-thérapeutique (bilan hépatique et hématologique) Contraception efficace chez femme en âge de procréer (suivi β-hCG pour délivrance) 73 Lamotrigine Pharmacocinétique : A : résorption complète D : Liaison protéines plasmatiques (55%). M : Métabolisme hépatique important : glucuroconjugaison E : urines Indications : Prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d'épisodes dépressifs Effets indésirables : Eruptions cutanées maculopapuleuse apparaît dans premières semaines de traitement Résolutif à l’arrêt du traitement. Syndromes de Stevens-Johnson, de Lyell, DRESS (drug rash with eosinophilia and systemic symptoms) Céphalées. Prise de poids. Diplopie, flou visuel, vertiges, ataxie. Somnolence ou insomnie, asthénie. Nausées, vomissements. Irritabilité et agressivité. Aggravation risque suicidaire. 74 Lamotrigine Contre-indications : Altérations graves des fonctions hépatiques. Hypersensibilité Interactions médicamenteuses : Associations déconseillées : Valproate (risque accru de survenue de manifestations cutanées graves) Précaution : Contraceptifs oestroprogestatifs (augmenter la dose de lamotrigine) Inducteurs enzymatiques. Suivi : Bilan de coagulation si fièvre + manifestations cutanées 75 Carbamazépine Pharmacocinétique : A : résorption complète D : Liaison protéines plasmatiques (70 à 80%). Passage transplacentaire et dans le lait maternel M : CYP3A4 E : urines Indications : Prévention des rechutes dans le cadre des troubles bipolaires. Traitement des états d’excitation maniaques ou hypomaniaques Effets indésirables : Somnolence, ataxie, diplopie, céphalées, confusion mentale, agitation, risque suicidaire. Rares et imposant l’arrêt immédiat : troubles hématologiques (neutropénie, thrombopénie, agranulocytose, aplasie médullaire, hépatite, hyponatrémie) thrombo- embolie, protéinurie, troubles de la conduction, Eruption cutanée Risque de Lyell accru ; Risque de DRESS. 76 Carbamazépine Contre-indications : Grossesse et allaitement Bloc auriculo-ventriculaire, absences, antécédents d’hypoplasie médullaire, porphyrie hépatiques Interactions médicamenteuses : Nombreuses interactions car inducteur de CYP (1A2, 2B6, 2C9, 2C19, 3A4) et glycoprotéine P : Anticoagulants oraux d’action directe (risque thrombose) Contraceptifs oraux (inactivation) IMAO non sélectifs Associations majorant le risque d’hyponatrémie (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, diurétiques, desmopressine) Suivi : Fièvre, angine ou autre signe d’infection : traduction clinique d’une atteinte de la lignée blanche (arrêt complet de la carbamazépine). 77 Olanzapine Pharmacocinétique : A : bonne résorption D : Liaison protéines plasmatiques (93%). M : CYP1A2, CYP2C8, CYP2D6 E : urines, fèces Indications : Traitement des épisodes maniaques modérés à sévères. Prévention des récidives chez les patients présentant un TB. Effets indésirables : Prise de poids (augmentation de l’appétit). Somnolence. Hypercholestérolémie, hyperglycémie. Effets anticholinergiques légers et transitoires (constipation et bouche sèche). Elévations transitoires et asymptomatiques des aminotransférases (ASAT, ALAT), particulièrement en début de traitement. 78 Olanzapine Contre-indications : Patients présentant un risque connu de glaucome à angle fermé. Interactions médicamenteuses : Avec les inhibiteurs ou inducteurs du CYP1A2 Prudence si association avec l’alcool ou les médicaments dépresseurs du système nerveux central. Prudence si association avec des médicaments connus pour allonger l’intervalle QTc 79 Quétiapine Pharmacocinétique : A : bonne résorption D : Liaison protéines plasmatiques (83 %) M : CYP3A4 (majeur), CYP2D6 E : urines, fèces Indications : Traitement des épisodes maniaques modérés à sévères dans les troubles bipolaires. Traitement des épisodes dépressifs majeurs dans les troubles bipolaires. Prévention des récidives des épisodes maniaques ou dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement par la quétiapine. Effets indésirables : Hyperprolactinémie. Augmentation de la TSH. Hyperglycémie (augmentation de l’appétit). Sensation vertigineuse, somnolence, maux de tête, symptômes extra-pyramidaux. Bouche sèche, constipation. Elévation de l’ALAT, élévation des taux de gamma-GT. Symptômes de sevrage (arrêt du traitement). 80 Quétiapine Contre-indications : Administration concomitante d’inhibiteurs du cytochrome P450 3A4, tels que les inhibiteurs de la protéase du VIH, les antifongiques azolés, l’érythromycine, la clarithromycine par exemple. Interactions médicamenteuses : Prudence si association avec d’autres médicaments à action centrale, avec des médicaments ayant des effets anticholinergiques (muscariniques), ainsi qu’avec l’alcool. Consommer du jus de pamplemousse est déconseillé pendant le traitement par la quétiapine. 81 1 Hospitalisation L'accès maniaque est une urgence thérapeutique qui peut nécessiter une hospitalisation, en particulier en cas de non-compliance au traitement, parfois sous contrainte. Une protection des biens peut être envisagée : sauvegarde de justice en cas d'épisode maniaque aigu et, dans certaines situations, demande de curatelle. 2 Traitement thymorégulateur (ou régulateur de l'humeur) Il traite l'épisode aigu (maniaque et/ou dépressif) et prévient les récurrences. Thymorégulateurs de 1re intention : sels de lithium, valproate de sodium, et certains antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, quétiapine, rispéridone). Traitements de 2e intention : lamotrigine dans les formes à polarité dépressive ou associations lithium ou valproate de sodium + antipsychotiques atypiques. Formes sévères : électroconvulsivothérapie à discuter. 82 3 Traitement de l'épisode dépressif Le seul médicament ayant une AMM dans le cadre de la dépression bipolaire est la quétiapine. La prescription d'un antidépresseur en monothérapie est contre-indiquée du fait du risque de virage maniaque et du risque d'augmentation du risque suicidaire lors des états mixtes. Grade A Elle se discute en 2e intention dans les dépressions bipolaires (à l'exclusion des épisodes mixtes), en association systématique avec un thymorégulateur Grade A en proscrivant les tricycliques (risque augmenté de virage maniaque par rapport aux sérotoninergiques). Le rapport bénéfice/risque des antidépresseurs dans la dépression bipolaire est aujourd'hui remis en cause. Grade A 4 Bithérapies thymorégulatrices Le plus souvent lithium + anticonvulsivant (valproate de sodium dans les formes à polarité maniaque, lamotrigine dans les formes à polarité dépressive), ou lithium (ou anticonvulsivant) + antipsychotique atypique (quétiapine lors d'une dépression bipolaire ou d'une manie, olanzapine, rispéridone ou aripiprazole lors d'un épisode maniaque ou mixte). 83 5 Durée du traitement Le traitement est en principe prescrit à vie. 6 Psychoéducation Elle repose sur des groupes d'apprentissages dédiés au patient et à sa famille (reconnaissance des symptômes annonciateurs des épisodes, règles hygiénodiététiques, optimisation de l'observance). Cas particuliers Trouble bipolaire de type I à polarité dépressive dominante La quétiapine a fait la preuve de son efficacité dans le traitement des dépressions bipolaires et de leurs récurrences. La lamotrigine est utile dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients ayant un trouble bipolaire de type I et à prédominance d'épisodes dépressifs. Épisode maniaque avec agitation Certains patients peuvent présenter, au cours d'un épisode maniaque dans le cadre d'un trouble bipolaire de type I, une agitation et/ou des troubles du comportement. Le traitement associe une approche relationnelle (Lire Agitation.) et, le plus souvent, l'administration de neuroleptiques atypiques soit par voie orale, soit, lorsque cela est nécessaire par voie parentérale : aripiprazole, olanzapine. La contention est parfois nécessaire, mais doit toujours être brève, surveillée (toutes les heures : tension artérielle, pouls, conscience) et justifiée par un risque auto ou hétéro-agressif avéré. Après le contrôle des symptômes d'agitation aiguë, le traitement régulier de la maladie doit être immédiatement instauré. Par la suite, l'électroconvulsivothérapie constitue la thérapeutique de référence des manies sévères agitées anciennement nommées « 84 manies furieuses ». Cas particuliers (suite) Trouble bipolaire à cycles rapides Il est défini par la survenue d'au moins 4 épisodes maniaques et/ou dépressifs par an. Dans cette situation particulière, le traitement thymorégulateur est moins souvent efficace et les bithérapies (valproate de sodium ou lithium + antipsychotiques atypiques) sont souvent utilisées. Trouble bipolaire et femme en âge de procréer/grossesse Chez une femme en âge de procréer, et tout particulièrement en cas de désir de grossesse, le choix du traitement thymorégulateur doit être rediscuté en coordination avec le psychiatre. Le lithium augmente légèrement le risque de malformations principalement cardiaques (dont la maladie d'Ebstein). Aussi, le lithium devra être arrêté après avis spécialisé en prévision ou, au moins entre la 4e et la 9e semaine d'aménorrhée en cas de grossesse. Si cela n'a pas été possible, une surveillance échocardiographique fœtale est nécessaire au cours des 2 premiers mois de grossesse, à la recherche d'éventuelles malformations. 85 Cas particuliers (suite) Trouble bipolaire et femme en âge de procréer/grossesse L'acide valproïque/valpromide est contre-indiqué chez les femmes enceintes ainsi que chez les filles, adolescentes et femmes en âge de procréer sans contraception (ANSM, juin 2022). C'est en effet un tératogène puissant responsable, chez les enfants exposés pendant la grossesse, de malformations (tube neural, face, cœur) dans 10 % des cas et/ou de troubles neurodéveloppementaux (30-40 %), incluant des troubles du spectre autistique (ANSM, juin 2022). Si l'acide valproïque/valpromide est la seule option, il faudra s'assurer que toutes les conditions de prévention de la grossesse soient respectées : information complète de la patiente sur les risques, réévaluation annuelle de l'intérêt du traitement, test de grossesse, prise d'au moins une contraception efficace, signature annuelle de l'accord de soins (documents disponibles sur le site ANSM). Un pictogramme alertant sur le danger de la prise de valproate pendant la grossesse figure désormais sur les boîtes des médicaments contenant du valproate de sodium (ANSM, mars 2017). 86 En résumé, les mesures de réduction des risques de l'acide valproïque chez des femmes en âge de procréer ou enceintes sont : 1) L'acide valproïque/valpromide est contre-indiqué, sauf en cas d'inefficacité ou d'intolérance aux alternatives existantes (voir plus bas les alternatives proposées). Si le valproate est la seule option, les grossesses doivent absolument être évitées : information complète de la patiente sur les risques, réévaluation annuelle de l'intérêt du traitement, tests de grossesse, prise d'au moins une contraception efficace, signature annuelle de l'accord de soins. 2) Informer la patiente dès la première consultation des risques tératogènes des alternatives (notamment carbamazépine et topiramate) ; mettre en place une contraception ; envisager la planification d'une grossesse pour pouvoir anticiper les modifications thérapeutiques éventuelles. 3) Chez les femmes déjà traitées par acide valproïque/valpromide : a) si une grossesse est envisagée ou en cas de grossesse : ne pas arrêter, ni modifier brutalement le traitement, mais instaurer une alternative après l'avis « en urgence » d'un psychiatre. Si l'acide valproïque ne peut pas être arrêté, informer la patiente des risques pour l'enfant à naître, utiliser la dose minimale efficace et répartir les prises au cours de la journée, instaurer une surveillance prénatale spécialisée (détection des éventuelles malformations) et prévoir un suivi spécifique à long terme de l'enfant après la naissance. b) si une grossesse n'est pas envisagée : ne pas arrêter brutalement l'acide valproïque mais instaurer un nouveau traitement après avis d'un psychiatre. Si l'acide valproïque ne peut pas être arrêté, informer la patiente sur les risques associés à la grossesse et prescrire une contraception efficace. 87 4) Les alternatives proposées à l'acide valproïque/valpromide sont : pour le traitement des épisodes maniaques en 1re intention, le lithium, qui devra être arrêté en prévision ou en cas de grossesse, ou un antipsychotique atypique (olanzapine, rispéridone, aripiprazole, quétiapine). En 2e intention, les alternatives proposées sont la carbamazépine (risque tératogène), l'oxcarbazépine (hors AMM), les neuroleptiques conventionnels (hors AMM) ; pour le traitement prophylactique du trouble bipolaire en 1re intention, le lithium, qui devra être arrêté en prévision ou en cas de grossesse. Peuvent être utilisés en seconde intention ou à visée adjuvante en fonction du libellé de leur indication respective la lamotrigine, l'olanzapine ou l'aripiprazole, ou la carbamazépine (risque tératogène). 88 Suivi et adaptation du traitement Suivi de la fonction rénale des patients sous lithium Certains experts recommandent un dosage de la créatininémie 1 à 2 fois par an, ainsi que protéinurie et calcémie. Suivi cardiométabolique des patients sous antipsychotiques La prise de médicaments antipsychotiques dits atypiques peut s'accompagner d'une prise de poids et de troubles des métabolismes glucidique et lipidique. Les données suggèrent que les patients recevant certains antipsychotiques dits atypiques, en particulier olanzapine et clozapine, sont exposés à un risque plus important de diabète que les patients traités par antipsychotiques classiques. En conséquence, l'ANSM rappelle les recommandations de suivi cardiométabolique (mise au point de l'ANSM, mars 2010 et octobre 2018). Avant le traitement : Rechercher les facteurs de risque du patient (antécédents médicaux, traitements en cours, hygiène de vie). Mesurer l'indice de masse corporel, le périmètre ombilical, la pression artérielle, la glycémie à jeun, le cholestérol (total, HDL, LDL) et les triglycérides. Informer les patients et leur entourage de la nécessité de consulter rapidement, en cas de survenue de symptômes évocateurs d'un diabète (polyurie, polydipsie, perte de poids). Pendant le traitement, une surveillance étroite devra porter sur le poids, la glycémie, la pression artérielle et le bilan lipidique. Cette surveillance dépend des facteurs de risque trouvés avant l'instauration du traitement, des signes cliniques apparaissant pendant le traitement, et du traitement antipsychotique instauré. En cas d'anomalies détectées pendant le traitement : Il est recommandé de rappeler aux patients les règles hygiéno-diététiques. La prise en charge thérapeutique doit faire intervenir médecin traitant et psychiatre et peut conduire, dans certains cas, à orienter le patient vers un spécialiste. Certains experts recommandent le dosage de l'HBA1c. 89 Conseils aux patients Le trouble bipolaire est une maladie chronique caractérisée par une succession de crises tantôt dépressives tantôt maniaques. Le patient doit entendre qu'entre les crises, il peut mener une vie absolument normale. Le patient doit comprendre que son trouble est une maladie chronique, qu'il n'est pas « fou », et qu'un suivi rigoureux de son traitement lui permettra de vivre tout à fait normalement. Un guide destiné aux patients admis en ALD (affection de longue durée) au titre d'un trouble bipolaire, « Vivre avec un trouble bipolaire », est disponible sur le site de la HAS. Il vise à informer les patients sur les principaux éléments du traitement et du suivi, et à faciliter le dialogue avec le médecin traitant. Des groupes de psycho-éducation et des associations spécialisées (Argos 2001, UNAFAM) existent, qui peuvent représenter une aide pour le patient et ses proches. Il est important que le patient connaisse bien les symptômes devant conduire à consulter. Les symptômes maniaques, comme l'hyperactivité ou la diminution du besoin de sommeil, sont plus difficiles à admettre comme des signes de maladie que les symptômes dépressifs. Il faut tenter de convaincre le patient de tenir compte des remarques et conseils de son entourage. Un temps de sommeil régulier doit être respecté, et les nuits blanches évitées. Le trouble bipolaire accroît le risque de développer une surconsommation de certaines substances, voire une addiction. Les traitements médicamenteux du trouble bipolaire sont efficaces mais doivent être pris pendant des années, parfois à vie, même lorsque les symptômes ont disparu et que le patient peut se croire guéri. Pour les patientes (filles, adolescentes, femmes en âge de procréer ou enceintes) suivant un traitement par valproate de sodium, une carte patiente est disponible sur le site de l'ANSM. Elle rappelle les risques encourus pour l'enfant à naître en cas d'exposition in utero à ce traitement et la nécessité d'utiliser une contraception efficace. Elle doit être remise systématiquement aux patientes ou à leur représentant au moment de la consultation annuelle avec le spécialiste (neurologue, psychiatre ou pédiatre), en complément du formulaire d'accord de soins et de la brochure d'information. https://www.vidal.fr/maladies/recommandations/trouble-bipolaire-1568.html#prise-en-charge 90