Physiologie de la Cétogénèse et Physiopathologie de l'Acido-Cétose Diabétique PDF
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Université de Franche-Comté
Pr Sophie BOROT
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Ce document présente un aperçu de la physiologie de la cétogénèse et la physiopathologie de l'acido-cétose diabétique. Il détaille le processus de cétogénèse, la régulation hormonale impliquée, et les conséquences potentielles de la carence en insuline. La relation entre l'insuline, le glucagon et les corps cétoniques est discutée.
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**[Physiologie de la cétogénèse et physiopathologie ]** **[de l'acido-cétose diabétique]** La cétogénèse est un **processus physiologique** qui se déclenche en cas **de jeûne**, à partir de la **12^ème^ heure**, sous **l\'impulsion du glucagon et de la baisse de l\'insuline**. Le tissu adipeux va...
**[Physiologie de la cétogénèse et physiopathologie ]** **[de l'acido-cétose diabétique]** La cétogénèse est un **processus physiologique** qui se déclenche en cas **de jeûne**, à partir de la **12^ème^ heure**, sous **l\'impulsion du glucagon et de la baisse de l\'insuline**. Le tissu adipeux va rentrer dans un processus **de lipolyse** pour libérer des acides gras libres acheminés vers le foie qui vont **être transformés en corps cétoniques** et servir ainsi de substrats énergétiques aux cellules, en l\'absence de glucose, et en particulier **au cerveau**, qui ne peut pas utiliser l\'oxydation des acides gras pour fournir de l'ATP. ![](media/image1.png) I. **[Le processus de cétogénèse]** On note ici, l\'importance **du glucagon** et des autres hormones dites de la **« contre régulation** » en particulier**, le cortisol**, synthétisé par **les glandes surrénales**. L\'insuline est à l\'inverse un **puissant bloqueur de la lipolyse** de même que le taux de corps cétoniques. Ainsi t**oute augmentation des corps cétoniques** va s\'accompagner d\'un **freinage de la lipolyse** permettant une régulation qui stabilise la réaction de cétogénèse et contrôle donc le processus. Le foie va ensuite transformer les acides gras libres (« Free Fatty Acid » en anglais ou FFA) en corps cétoniques au nombre **de trois** : - **L'acétoacétate** - **Le bêta hydroxybutyrate** - **L'acétone** L'acétoacétate et le bêta hydroxybutyrate vont être utilisés par les cellules pour produire de **l\'Acétyl-CoA et de l\'ATP à** l\'issue du **cycle de Krebs : c\'est la cytolyse**. Ainsi pour faire de la cétogenèse, il faut une carence en glucose (en tant que substrat énergétique), un taux élevé de glucagon ou d\'hormones de la contre régulation comme le cortisol et un taux d\'insuline bas. II. **[Les corps cétoniques ]** - **L'acétoacétate** : qui peut être utilisé comme telle par les cellules ou transformé en bêta hydroxybutyrate, il est dosé dans les urines par les bandelettes urinaires classiques et il donne un résultat en 5 catégories suivant l\'intensité de la couleur. ![](media/image3.png) - **L\'acétone** : qui est le seul à ne pas être un acide et n\'est donc pas utilisé à des fins métaboliques par les cellules. Il est rejeté dans l\'air expiré, c\'est lui qui donne l\'odeur particulière de l'haleine en cas de cétogénèse, appelée classiquement « odeur de pomme pourrie ». - **Le bêta hydroxybutyrate** : c\'est le plus important en quantité, il est mesuré par la cétonémie capillaire (= dosage quantitatif dans le sang à partir d\'une goutte de sang prélevée au bout du doigt, réalisée avec un lecteur spécifique qui peut doser la cétonémie en plus de la glycémie grâce à des bandelettes spécifiques). III. ![](media/image5.png)**[Rapport entre l'insuline et le glucagon]** 1. **[Deux hormones à action opposée]** Ces deux hormones ont globalement des **actions opposées**. L\'insuline favorise le **stockage en bloquant la lipolyse, la glycogénolyse, la néoglucogenèse et la cétogenèse** alors que le glucagon les **stimule.** Mais la localisation très proche des cellules alpha à glucagon et des cellules bêta à insuline, au sein de l'îlot de Langerhans du pancréas, permet des **interactions de type paracrine** entre les deux types cellulaires. Ainsi, l\'insuline sécrétée en phase prandiale est capable d\'inhiber la sécrétion de glucagon pendant cette phase de stockage énergétique. A l\'inverse, toute augmentation du glucagon stimule la sécrétion d\'insuline, ce dernier phénomène qui pourrait paraître contre-nature permet cependant de **contrôler les réactions en phase de jeune**, en particulier celle de la **cétogenèse.** L\'insuline stimulée par le glucagon en phase de jeûne constitue **une pédale de frein** sur le mécanisme de cétogénèse limitant ainsi la réaction et le maintien de la production des corps cétoniques à un niveau physiologique. 2. **[Carence totale en insuline ]** En cas de carence totale en insuline comme par exemple dans le diabète de type 1 caractérisé par une destruction de toutes les cellules bêta, l\'arrivée des glucides alimentaires dans le sang ne déclenche pas de sécrétion d\'insuline. Le glucose reste donc à l\'extérieur de la cellule, qui privé de glucose va devoir utiliser d\'autres substrats énergétiques comme **les acides gras libres ou les corps cétoniques** dont la production va **être accélérée par le glucagon** qui n\'est pas déficitaire dans cette maladie. La carence complète en insuline **lève ainsi le frein sur la lipolyse et la cétogenèse** induite par le glucagon qui alors peut atteindre des **niveaux très importants**. 3. **[Perte du rétrocontrôle de la cétogénèse ]** C\'est ce qui est représenté ici sur ce schéma : une carence en insuline totale avec perte des effets freinateurs sur la lipolyse et la cétogénèse et perte de l\'effet freinateur de l\'insuline sur le glucagon aboutissant à des niveaux élevés de glucagon, une lipolyse très élevée et une cétogénèse majeure. Ces corps cétoniques qui s\'accumulent dans le sang en quantité très importante en l\'absence totale d\'insuline, peuvent alors donner **des signes digestifs** : - **Vomissements** - **Douleurs abdominales** - **Anorexie** 4. **[Conséquences de la cétogenèse exagérée ]** L\'organisme va chercher à compenser cette acidose métabolique par trois moyens : - **Une activation du tampon par les bicarbonates plasmatiques** utilisée pour transformer les ions H+ en H2O et CO2, éliminés par les poumons. Les bicarbonates sanguins seront donc diminués. - **Une élimination rénale** des corps cétoniques dans les urines qui va se faire en entraînant avec eux du **potassium et du sodium**. La bandelette urinaire retrouve alors une grande quantité de corps cétoniques dans les urines (=cétonurie importante). - **Une élimination respiratoire** à la fois de l\'acétone caractérisée par l\'odeur cétonique de l'haleine et surtout **une alcalose respiratoire compensatrice** caractérisée par une **augmentation de la fréquence respiratoire** pour éliminer les H+ au niveau pulmonaire : c\'est **la polypnée ample de Kussmaul.** Ces mécanismes vont ensuite être débordés et le pH sanguin va continuer à s\'abaisser avec l\'apparition des **troubles de la conscience** pouvant aller **jusqu\'au coma et au décès** : c\'est le mécanisme de **l\'acido-cétose diabétique.** IV. **[La kaliémie dans l'acido-cétose diabétique ]** ![](media/image7.png) La prise en charge d\'une acido-cétose pose des problèmes importants de kaliémie, c\'est-à-dire le taux de potassium. En effet, lors de l\'acidose, **les ions H+ sont abondants à l\'extérieur de la cellule** et les pompes de sortie des H+ fonctionnent alors **au ralenti** afin de ne pas aggraver le pH déjà faible à l\'extérieur de la cellule. Conséquence de cela **:** le sodium entre moins dans la cellule et finalement la pompe Na/K/ATPase fonctionne au ralenti, le potassium reste alors en dehors de la cellule, la kaliémie augmente proportionnellement à l\'acidose. Ainsi, **toute diminution du pH sanguin s\'accompagne d\'une sortie de potassium de la cellule quel que soit la cause de cette baisse du pH sanguin**. Formule de la kaliémie corrigée par le pH : ![](media/image7.png)Relation exactement proportionnelle : la kaliémie corrigée (càd la véritable kaliémie que le patient aurait si le pH était normal) = kaliémie mesurée -- 0,6 x ((7,4 (*qui est le pH normal*) -- le pH observé (*càd la différence entre le pH normal et le pH observé*)) divisé par 0,1). On peut voir sur ce graphique, les relations proportionnelles entre la kaliémie initiale *(sur l\'axe des abscisses)* et la kaliémie corrigée par le pH *(sur l\'axe des ordonnées)*. Il y a différentes courbes pour différents niveaux de pH sanguin. Exemple : un patient présentant une acidocétose diabétique avec un pH = 7,1. On peut observer ici, une kaliémie initiale imaginons de 4,5 mmol parfaitement dans la zone normale repérée (dans le rectangle gris vertical). L\'endroit où il croise la courbe orange sur l\'axe des ordonnées représente la kaliémie réelle qu\'aura le patient une fois le pH revenu à la normale c\'est à dire 2,5 mmol, très en deçà de la normale. En conséquence de cela bien que le patient ait initialement à la prise en charge une kaliémie totalement normale à 4,5 mmol, on sait qu\'une fois le pH corrigé avec la diminution des corps cétoniques, la kaliémie chutera inévitablement autour de 2,5 mmol/L. L\'autre problème reste **l\'effet hypokaliémiant de l\'insuline**. En effet parmi les effets annexes de l\'insuline, grâce à la cascade intracellulaire de la PKC *(représenté à droite avec la flèche rouge)*, la fixation de l\'insuline sur le récepteur va permettre **l\'externalisation des sous-unités alpha et bêta de la pompe Na/K/ATPase**. Toute fixation d\'insuline sur son récepteur va donc entraîner l\'externalisation de la protéine et donc une augmentation de l\'activité Na/K/ATPase qui pompe le potassium de l\'extérieur vers l\'intérieur de la cellule. C\'est ce qui explique l\'effet hypokaliémiant de l\'insuline d\'ailleurs utilisée comme **thérapeutique des hyperkaliémies**. V. **[Ce qu'il faut retenir ]** - La **cétogenèse** est **favorisée par le glucagon** et **bloquée par l\'insuline**. - Elle permet la production dans **le foie de corps cétoniques** à partir des **acides gras libres** issus de la **lipolyse du tissu adipeux.** Elle est physiologique en cas de jeûne. - En cas de **carence totale en insuline**, le glucose ne pénètre plus à l\'intérieur de la cellule, d\'où l\'hyper glycémie sanguine observée, il ne peut être utilisé **comme substrat énergétique**. - Grâce au glucagon, **la cétogenèse prend alors le relais pour apporter un autre substrat (corps cétoniques) utilisables par les cellules sans insuline,** mais **la carence en insuline supprime le frein** sur la réaction qui va s\'emballer formant **une grande quantité de corps cétoniques**. - L\'accumulation de ces corps cétoniques aboutit à une **acidose métabolique** compensée dans un premier temps par **la baisse des bicarbonates plasmatiques et l\'hyperventilation** (**alcalose respiratoire compensatrice)** puis non compensée, c\'est **l\'acido-cétose diabétique** marquée par une baisse du pH sanguin. - Lors de **l\'acidose, la kaliémie est élevée** par sortie du potassium à l\'extérieur de la cellule - Il existe un risque **d'hypokaliémie sévère** lors **du traitement** de l'acidocétose par de l\'insuline en raison de : - La réaugmentation du pH lors de la disparition des corps cétoniques avec ré-entrée du K+ à l\'intérieur de la cellule du fait de la disparition des ions H+ à l\'extérieur - L\'effet direct hypokaliémiant de l\'insuline