Module 10: Le programme de prévention (Santé et sécurité au travail) PDF
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Université Laval
2023
Paul Potvin
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This document is a module on the prevention program for occupational health and safety. It covers the legal context, the program's definition, the process involved, essential elements, and the management of resources. It details the steps in the creation and implementation of a prevention program.
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Santé et sécurité au travail Notions de base Module 10 Le programme de prévention Paul Potvin Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 10 : Le programme de prévention Équipe de production Responsable du...
Santé et sécurité au travail Notions de base Module 10 Le programme de prévention Paul Potvin Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 10 : Le programme de prévention Équipe de production Responsable du cours Michèle Bérubé Département de médecine sociale et préventive Conception pédagogique Marc Champagne, service des ressources pédagogiques Denise Vigneault, conseillère en APTIC Yves Cantin, département de médecine sociale et préventive Mise à jour 2023 Michèle Bérubé Traitement de texte Louiselle Desjardins Michèle Gagnon 3 Santé et sécurité au travail : notions de base 4 Module 10 : Le programme de prévention Table des matières Objectifs d'apprentissage................................................................................. 7 Introduction...................................................................................................... 9 1. Définition et contexte légal du programme de prévention................ 10 1.1 Le cadre légal........................................................................... 10 1.1.1 Le Régime intérimaire ………………………………14 1.2 Définition du programme de prévention.................................. 18 2. La démarche par programme............................................................ 19 2.1 La notion de programme.......................................................... 19 2.2 Les étapes de la démarche par programme.............................. 20 3. Le programme de prévention............................................................ 32 3.1 Contenu du programme............................................................ 32 3.2 Cheminement du programme de prévention............................ 41 3.3 Les registres de postes.............................................................. 42 Conclusion..................................................................................................... 44 5 Santé et sécurité au travail : notions de base 6 Module 10 : Le programme de prévention OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE À la fin de ce module, vous serez en mesure de : 1. D'expliquer le contexte légal dans lequel s'inscrit le programme de prévention. 2. Définir les éléments de la démarche par programme. 3. Décrire les éléments du programme de prévention. 4. D'identifier les éléments du programme de santé. 5. Décrire le rôle des divers intervenants dans l'élaboration des programmes de prévention et de santé. 6. Justifier la nécessité des registres de postes de travail dans l'élaboration de programmes de prévention et de santé. 7 Santé et sécurité au travail : notions de base 8 Module 10 : Le programme de prévention INTRODUCTION Jusqu'à maintenant, nous avons étudié les sept (7) principaux champs d'intervention à l'intérieur desquels les employeurs, les travailleurs et les syndicalistes en santé et sécurité du travail unissent leurs efforts pour se donner un milieu de travail sain et sécure. Par la suite, il fut question des lois et des règlements qui donnent un cadre légal aux pratiques de la santé et de la sécurité. Finalement, nous avons examiné la Commission des Normes, de l’Équité, de la Santé et de la Sécurité du Travail (C.N.E.S.S.T.)1 qui administre le régime de santé et de sécurité du travail qui est le nôtre au Québec depuis 1980.2 Il est temps maintenant de voir quels sont les outils qui peuvent être utilisés pour réaliser l'objectif de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses dans leurs milieux de travail. Ces outils sont regroupés à l'intérieur du programme de prévention et c'est de ce programme dont il sera maintenant question. 1 Remplace la CSST depuis janvier 2016 2 L’adoption de la Loi modifiant le régime de santé et de sécurité vient modifier certains aspects du régime de 1980. Ces modifications ont été présentées au module 8. 9 Santé et sécurité au travail : notions de base 1. 1.1 Définition et contexte légal du programme de prévention Le cadre légal Ce module sera consacré à l'étude du programme de prévention. L'article 58 de la Loi sur la santé et de la sécurité du travail prévoit qu’un programme de prévention soit mis en application dans un établissement ciblé par Règlement en tenant compte des responsabilités du comité de santé et de sécurité. La Loi stipule donc que les employeurs de certains établissements doivent élaborer un programme de prévention. Le comité de santé et de sécurité a un rôle à jouer dans l'élaboration d'un tel programme. Nous verrons au chapitre 3 en quoi consiste ce rôle. Pour le moment, essayons de préciser quels sont les employeurs qui ont l’obligation de mettre sur pieds un programme de prévention. Les groupes prioritaires En 1979, dans son Livre blanc sur la santé et la sécurité du travail, le législateur annonçait une réforme du Régime de santé et de sécurité du travail au Québec. Cette réforme devait se traduire entre autres choses par l'adoption en 1980 d'une première loi de prévention : la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le Gouvernement a cru bon à l'époque de ne pas mettre en application tous les articles de cette loi en même temps dans toutes les entreprises du Québec. Il a plutôt opté pour une application progressive de la loi. Voyons maintenant comment cela se traduisait dans les faits. L'ensemble des entreprises du Québec ont été classées dans trente (30) secteurs d'activité économique et ces trente secteurs ont par la suite été divisés en six (6) groupes rassemblant chacun cinq (5) secteurs d'activité. Le tableau de la page douze (12) présente ces six (6) regroupements qui sont souvent appelés les groupes prioritaires. Il vous a déjà été présenté au module 8. 10 Module 10 : Le programme de prévention TABLEAU 1 : Projet des secteurs prioritaires préparés par le comité ad hoc sur les priorités en santé et sécurité au travail3 Groupe I Groupe II Bâtiment et travaux publics Bois (sans scierie) Chimique Caoutchouc, matières plastiques Forêt et scierie Équipement de transport Mines et carrières Première transformation des métaux Produits en métal Produits minéraux non métalliques Groupe III Groupe IV Administration publique Commerce Aliments et boissons Cuir Meuble Machine Papier Tabac Transport Textile Groupe V Groupe VI Autres services commerciaux et professionnels Agriculture Communication Bonneterie et habillement Imprimerie-édition Enseignement et services annexes Pétrole-charbon Finance, assurance, affaires immobilières Produits électriques Services médicaux et sociaux Ces regroupements ont été réalisés sur la base de la fréquence et de la gravité des accidents dans chaque secteur. Théoriquement, le groupe I comprend les 3 La Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) prévoit étendre les mécanismes de participation des travailleurs à tous les établissements du Québec. D’ici 2025, la notion de groupes prioritaires sera donc abandonnée. Entre-temps, cette notion est importante pour l’application du régime intérimaire dont nous verrons les modalités d’application un peu plus loin dans le module. 11 Santé et sécurité au travail : notions de base secteurs d'activité où les accidents sont les plus fréquents ou encore où ils sont les plus graves. À l'inverse, le groupe VI devrait rassembler les types d'entreprise où les accidents sont les moins fréquents et les moins graves. Cependant, si on examine attentivement les statistiques d'accidents, on s'aperçoit que le groupe VI comporte des entreprises dont la gravité ou la fréquence des accidents est très élevée. L'agriculture, par exemple, enregistre le nombre moyen de jours perdus par accident le plus élevé au Québec. Ceci est dû à une sous-déclaration des accidents mineurs dans ce secteur d'activité. Du point de vue de la fréquence des accidents, certaines universités qui font également partie du groupe VI enregistrent un nombre d'accidents par 100 travailleurs supérieur à la moyenne québécoise pour l'ensemble des secteurs d'activité. On peut tout de même affirmer d'une façon générale que la fréquence et la gravité des accidents vont en décroissant du groupe I au groupe VI. Il était donc logique que les entreprises du secteur I soient les premières touchées par l'ensemble des articles de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cette loi, comme toutes les lois et règlements, s'appliquait, et c’est encore le cas aujourd’hui, à toutes les entreprises québécoises de juridiction provinciale, quel que soit le secteur d'activité auquel elles appartenaient, mais certains articles de la loi ne s'appliquaient que progressivement. Voici les articles la loi qui s'appliquaient progressivement : 1. l'article 52 qui concerne les registres de postes de travail; 2. les articles 58 et suivants qui concernent le programme de prévention; 3. les articles 68 et suivants qui concernent le Comité de santé et de sécurité; 4. les articles 87 et suivants qui concernent le représentant à la prévention; 5. les articles 112 et suivants qui concernent le programme de santé; 6. les articles 117 et suivants qui concernent le médecin responsable. 12 Module 10 : Le programme de prévention C'est en vertu du Règlement sur le programme de prévention que les six (6) groupes étaient astreints aux articles de la Loi sur la santé et sécurité du travail qui s'appliquaient progressivement. C'est ainsi qu'en 1982, ce règlement prévoyait que les employeurs du groupe I avait un an pour élaborer et déposer à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) leur programme de prévention. En 1983, le règlement fut amandé pour demander aux entreprises du groupe II de produire leur programme de prévention. Les entreprises du groupe III devaient, quant à elles, déposer leur programme de prévention au mois de mars 1986. En 2021 il n'y avait toujours pas eu de changements depuis ceux apportés en 1985. Les entreprises des groupes I et II étaient soumises à toutes les obligations de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Les articles 52, 58, 68 et 87 ne s'appliquaient pas encore aux entreprises des groupes III à VI, à l'exception, pour le groupe III, de l'obligation de concevoir un programme de prévention (art. 58) et de bénéficier d'un programme de santé et des services d'un médecin responsable (art. 112 et 117). Cependant, la donne a changé le 6 octobre 2021 avec l’adoption de la « Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) ». Cette dernière apporte des modifications importantes quant aux obligations concernant, entre autres, l’élaboration d’un programme de prévention. Encore une fois les différents changements seront mis en application graduellement, soit jusqu’à l’adoption en 2024 d’un nouveau Règlement sur les mécanismes de participation et de prévention et sa mise en vigueur au plus tard le 6 octobre 2025. À ce moment-là, toutes les entreprises québécoises seront soumises à tous les articles de la Loi y compris ceux couvrant le programme de prévention, le programme de santé, le comité de santé et de sécurité ainsi que ceux concernant les représentants des travailleurs, peu importe le secteur auquel elles appartiennent. Les modalités d’application de ces articles varieront selon le nombre de travailleurs présents dans un établissement., soit moins de 20 travailleurs ou 20 travailleurs et plus. 13 Santé et sécurité au travail : notions de base 1.1.1 Le régime intérimaire Pour faire le lien entre le régime actuel et le nouveau régime qui sera en vigueur lors de l’adoption par la CNESST du Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation prévu le 6 octobre 2024 ou au plus tard le 6 octobre 20254 quant aux modalités d’application des mécanismes de participation et de prévention, y compris l’obligation de produire un programme de prévention, le législateur a prévu l’application d’un régime intérimaire à partir du 6 avril 2022. Pour mieux visualiser les modifications concernant l’obligation d’élaborer un programme de prévention et comparer la situation avant avril 2022, celle à partir d’avril 2022 et les modifications applicables à dates fixées par le gouvernement ou au plus tard le 6 octobre 2025, nous vous présentons dans les pages suivantes deux tableaux comparatifs. L’un concerne les entreprises des groupes prioritaires, I, II et III et l’autre, les groupes prioritaires IV, V et VI. Avant l’adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité, les entreprises des groupes prioritaires I, II et III avaient l’obligation de produire un programme de prévention en vertu de l’article 58 de la LSST, peu importe la taille de l’entreprise. Avec l’adoption de la LMRSST, cette obligation est maintenue. Lorsque la CNESST adoptera le nouveau Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation dont l’application ne devrait pas dépasser le 6 octobre 2025, les établissements de 20 travailleurs et plus devront produire un programme de prévention selon les exigences des articles 143 à 146 de la LMRSST. Les établissements de moins de 20 travailleurs devront pour leur part, produire un plan d’action en vertu de l’article 147 de la LMRSST5. 4 Si le Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation n’était pas adopté par la CNESST le 6 octobre 2024, le gouvernement devrait procéder à son adoption à l’intérieur d’un an suivant cette date, soit au plus tard le 6 octobre 2025. 5 Pour de plus amples informations concernant les modalités d’application du programme de prévention qui seront en vigueur au plus tard le 6 octobre 2025, consultez les articles 143 à 147 de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST). 14 Module 10 : Le programme de prévention TABLEAU 2 : comparaison des modifications apportées par la LMRSST6 pour les groupes prioritaires I, II et III concernant le programme de prévention Groupes prioritaires I, II et III Établissement de 20 travailleuses et travailleurs et plus Établissement de moins de 20 travailleuses et travailleurs Disposition selon la LSST telle qu'elle se lisait avant le 5 octobre 2021 Dispositions transitoires (Régime intérimaire) Aux dates fixées à partir du 6 avril par le 2022 jusqu'à la date déterminée par le gouvernement ou gouvernement (au plus tard le 6 octobre au plus tard le 6 2025) octobre 2025 Programme de prévention (PP) Obligatoire selon les modalités prévues par la LSST (art. 58 et suivants) Programme de prévention (PP) Maintien de cette obligation selon les modalités de la LSST avant le 5 octobre 2021 Programme de prévention (PP) Maintien de cette obligation avec modifications selon les modalités prévues dans la LMRSST (art. 143 à 146) Programme de prévention (PP) Obligatoire selon les modalités prévues par la LSST (art. 58 et suivants) Programme de prévention (PP) Maintien de cette obligation selon les modalités de la LSST avant le 5 octobre 2021 Plan d’action (P/A) Obligatoire selon les modalités prévues dans la LMRSST (art. 147) Quant aux établissements des groupes prioritaires IV, V et VI, qui n’avaient aucune obligation de produire un programme de prévention en vertu de 6 Inspiré d’un tableau produit par l’APSAM, Gestion-introduction consulté le 20 mai 2022 sur https://www.apsam.com/theme/gestion/gestion-introduction 15 Santé et sécurité au travail : notions de base TABLEAU 3 : comparaison des modifications apportées par la LMRSST7 pour les groupes prioritaires IV, V et VI concernant le programme de prévention Groupes prioritaires IV, V, VI Établissement de 20 travailleuses et travailleurs et plus Établissement de moins de 20 travailleuses et travailleurs Disposition selon la LSST telle qu'elle se lisait avant le 5 octobre 2021 Dispositions transitoires (Régime intérimaire) à partir du 6 avril 2022 jusqu'à la date déterminée par le gouvernement (au plus tard le 6 octobre 2025) Aux dates fixées par le gouvernement ou au plus tard le 6 octobre 2025 Programme de prévention (PP) Pas obligatoire, car l’établissement n’est pas identifié à cette fin par Règlement (LSST art. 58 et suivants) Programme de prévention (PP) Pas obligatoire, mais l’employeur doit documenter par écrit l’identification et l’analyse des risques à la santé des travailleurs ainsi que les risques pouvant affecter leur sécurité (Régime intérimaire) Programme de prévention (PP) Pas obligatoire, car l’établissement n’est pas identifié à cette fin par Règlement (LSST art. 58 et suivants) Programme de prévention (PP) Plan d’action (P/A) Pas obligatoire, mais Obligatoire selon les l’employeur doit documenter modalités prévues par par écrit l’identification des risques à la santé des la (LMRSST article travailleurs ainsi que les risques 147) pouvant affecter leur sécurité (Régime intérimaire) Programme de prévention (PP) Obligatoire selon les modalités prévues par la (LMRSST articles 143 à 146) l’article 58 de la LSST et de son Règlement sur le programme de prévention, dans le cadre du régime intérimaire, donc à partir du 6 avril 2022, ces établissements devront se conformer à certaines obligations en lien avec le programme de prévention. Ainsi, pour les établissements de 20 travailleurs et 7 Inspiré d’un tableau produit par l’APSAM, Gestion-introduction consulté le 20 mai 2022 sur https://www.apsam.com/theme/gestion/gestion-introduction 16 Module 10 : Le programme de prévention plus, sans obligation de produire un programme de prévention au sens de l’article 58 de la LSST, ils devront documenter par écrit l’identification et l’analyse des risques à la santé des travailleurs ainsi que les risques pouvant affecter leur sécurité. Pour les établissements de moins de 20 travailleurs, ils devront documenter par écrit l’identification des risques à la santé des travailleurs ainsi que les risques pouvant affecter leur sécurité. À la date fixée par le gouvernement et au plus tard le 6 octobre 2025 les établissements de 20 travailleurs et plus devront produire un programme de prévention selon les exigences des articles 143 à 146 de la LMRSST. Les établissements de moins de 20 travailleurs devront pour leur part produire un plan d’action en vertu de l’article 147 de la LMRSST. Ainsi, au plus tard le 6 octobre 2025, les groupes prioritaires seront abandonnés et les obligations quant aux mécanismes de prévention et de participation s’appliqueront à tous les établissements québécois. Tous les établissements ayant 20 travailleurs et plus, peu importe le secteur d’activité auquel ils appartiennent, auront les mêmes obligations concernant les mécanismes de prévention et de participation. Il en va de même pour tous les établissements de moins de 20 travailleurs. Cependant, la LMRSST ne devrait pas modifier de façon significative la façon d’agir de la CNESST, puisque depuis 1986, plutôt que d'intervenir dans les entreprises par secteur d'activité, la C.S.S.T. (C.N.E.S.S.T.) intervient dans les entreprises dites ciblées. Une entreprise est ciblée par la C.N.E.S.S.T. lorsque la fréquence et la gravité des lésions qui s'y produisent sont nettement supérieures à celles d'entreprises semblables. Ainsi, une université ou un centre hospitalier pourraient être ciblés s'ils affichent une performance médiocre par rapport aux autres universités ou centres hospitaliers. Une entreprise ciblée recevra plus régulièrement la visite d'un inspecteur qui suggérera ou exigera des mesures propres à diminuer le nombre et la gravité 17 Santé et sécurité au travail : notions de base des accidents. Habituellement, l'entreprise se voit dans l'obligation de réduire de 10 % la fréquence et la gravité des accidents. 1.2 Définition du programme de prévention Nous verrons en détail, dans ce texte, ce qu'est un programme de prévention; mais pour simplifier, disons tout de suite qu'il comprend un programme de santé, un programme de sécurité et un programme d'hygiène industrielle (voir schéma 1). SCHÉMA 1 Programme de sécurité Programme de prévention Programme de santé Programme d'hygiène Cette représentation du programme de prévention, bien que très simplifiée, n'en demeure pas moins vraie, car si l'on veut par la prévention diminuer le nombre de lésions professionnelles dans l'entreprise, il nous faut un outil efficace pour réduire le nombre d'accidents et cet outil, c'est le programme de sécurité. De même, il nous faut un outil susceptible de réduire le nombre de maladies du travail : c'est le programme de santé. Finalement, l'assainissement de l'environnement de travail nécessaire à l'efficacité des programmes de santé et de sécurité se réalise par l'application d'un programme d'hygiène industrielle. 18 Module 10 : Le programme de prévention 2. LA DÉMARCHE PAR PROGRAMME En santé et sécurité du travail, on parle beaucoup de programmes : programme de prévention, programme de santé, programme d'adaptation aux normes. Nous allons dans un premier temps examiner ce qu'est la démarche par programme et comment elle peut être suivie. Par la suite, dans les autres parties du cours, nous étudierons plus en détail le contenu, la logique et le fonctionnement des programmes de prévention, de santé, de sécurité, d'hygiène et d'adaptation aux normes. 2.1 La notion de programme Toute organisation a pour but de produire soit des biens ou des services. Pour y arriver, elle doit disposer de ressources humaines, matérielles et financières. Ces ressources doivent être gérées de façon qu'elles produisent en bout de ligne ce qui avait été prévu, en quantité et en qualité suffisante. La démarche par programme est un outil de gestion qui permet de transformer en activités les buts ou les raisons d'être d'une entreprise ou d'une organisation. La gestion par programme est un concept qui date des années 20, alors qu'il faisait son apparition dans les très grandes entreprises comme la General Motors, mais c'est après la dernière guerre mondiale que cette méthode de gestion a pris son expansion. Elle consiste à déterminer des objectifs en fonction des biens ou des problèmes de l'entreprise, à leur assigner les ressources nécessaires et à en évaluer l'atteinte. Cet outil de gestion peut être utilisé dans un grand nombre de domaines comme la gestion de personnel, la gestion des stocks, le développement de nouveaux marchés et l'organisation de programmes de formation et d'information. La santé communautaire ainsi que la santé et la sécurité du travail se prêtent bien à l'utilisation de la démarche par programme en raison de la facilité de déterminer dans ces champs des objectifs spécifiques mesurables de l'existence de ressources humaines spécialisées dans ces domaines et de la possibilité d'évaluer rapidement l'atteinte des objectifs. 19 Santé et sécurité au travail : notions de base 2.2 Les étapes de la démarche par programme La démarche par programme a fait l'objet de nombreuses études qui ont mis en lumière un nombre plus ou moins grand d'étapes que le planificateur doit suivre dans l'élaboration d'un programme. Le schéma suivant présente dans l'ordre les principales étapes d'élaboration d'un programme : SCHÉMA II 1. Identification des problèmes ou des besoins 2. Établissement des priorités 3. Détermination des objectifs - objectifs généraux - objectifs spécifiques 4. Planification des activités pour atteindre ces objectifs 5. Mobilisation et coordination des ressources - humaines - financières - matérielles 6. Évaluation 2.2.1 L'identification des problèmes ou des besoins Cette première étape de la démarche préventive est très souvent complétée par les disciplines en santé et sécurité du travail. En hygiène industrielle, en 20 Module 10 : Le programme de prévention ergonomie et en prévention des accidents, l'identification des agents agresseurs, des problèmes d'aménagement de poste ou des risques d'accidents constitue la première partie du travail de ces spécialistes. De même, en épidémiologie, les études descriptives, dont le but est d'identifier les problèmes de santé dans une population, doivent être réalisées avant toute autre chose. La contribution de ces disciplines fut traduite de différentes manières. Le médecin de la compagnie ou le médecin responsable choisi par le Comité de santé et de sécurité peuvent, à l'aide d'études épidémiologiques comme les études de prévalence et les bilans de santé, identifier certains problèmes de santé spécifiques à l'entreprise, à un département, ou même à un poste de travail. De même, l'hygiéniste industriel connaît les différents agresseurs physiques et chimiques à chaque poste de travail et il est capable de dire quels sont les postes où le potentiel de risques à la santé est le plus élevé. Dans le domaine de la prévention des accidents, l'inspection, l'enquête et l'analyse d'accidents ainsi que l'analyse de la sécurité des tâches sont autant de techniques propres à nous renseigner sur les problèmes de sécurité dans l'entreprise. Les statistiques d'accidents, lorsqu'elles sont bien compilées et assez détaillées, peuvent nous aider à identifier dans l'entreprise les départements, les équipements, les postes de travail et les tâches qui comportent le plus de risques. Il en va de même pour l'ergonomie, dont le travail consiste dans un premier temps à poser un diagnostic, donc à cerner les problèmes qu'il rencontre dans un milieu de travail. Une dernière source d'information doit être exploitée au maximum lors de la phase d'identification des problèmes et ce sont les plaintes et les suggestions des employeurs et des travailleurs. L'expérience montre que, dans beaucoup de cas, le travailleur à son poste de travail est le seul à pouvoir identifier correctement certains risques qui autrement seraient passés complètement inaperçus. Le comité de santé et de sécurité est une porte d'entrée pour les rapporter, mais encore faut-il que ce comité soit visible et pratique une politique de porte ouverte. Il y a encore dans quelques entreprises des comités de santé et de sécurité dont l'existence est ignorée de la grande 21 Santé et sécurité au travail : notions de base majorité des travailleurs. On se prive ainsi d'une source inépuisable de renseignements. De toutes ces techniques d'identification de problèmes, aucune n'est à privilégier. Elles sont complémentaires et doivent donc faire partie de l'arsenal du préventionniste. Lorsque les problèmes sont identifiés, il faut par la suite bien les définir et les circonscrire. Ce qu'on identifie très souvent, ce sont les symptômes du problème. Par exemple, on pourrait identifier un taux anormalement élevé de maux de dos chez les camionneurs dans une mine. Le mal de dos n'est qu'un symptôme d'un problème qui n'a pas encore été identifié. Il faut donc essayer de le circonscrire, de remonter à la ou aux causes de ce problème. Dans notre exemple, qui est un cas réel, on avait élaboré un programme de formation à la manutention des charges lourdes, mais les camionneurs ne soulevaient pas de telles charges et leur problème de dos provenait plutôt du fait que les systèmes de suspension des sièges de camion étaient usés. De ce fait, ils étaient soumis à des vibrations de très basses fréquences au niveau dorsolombaire, ce qui provoquait leur malaise. Cet exemple démontre que d'une mauvaise identification des problèmes réels peuvent résulter des programmes préventifs qui sont d'avance voués à l'échec. Un problème très bien identifié est à moitié solutionné. 2.2.2 L'établissement des priorités d'intervention La première phase de la démarche par programme n'est jamais terminée. C'est une activité continue qui doit se poursuivre quotidiennement dans un milieu de travail. On peut donc supposer, avec raison, que le nombre de problèmes ira sans cesse croissant si on utilise systématiquement les techniques d'identification de problèmes. Dans un contexte où les problèmes et les besoins sont illimités et les ressources très limitées, il convient de se fixer des priorités d'intervention. Cette étape de la démarche peut comporter une grande part de subjectivité ou au contraire être basée sur des critères plus rigoureux. Si la prise de décision à l'intérieur du Comité de santé et de sécurité, par exemple, est basée sur des 22 Module 10 : Le programme de prévention jugements de valeur, elle peut donner lieu à de longs débats avant qu'une décision pas toujours judicieuse ne soit prise. Par contre, si elle est basée sur des faits vérifiables ou mieux, mesurables, le processus de prise de décision sera plus rapide et plus efficace. L'approche à privilégier est bien sûr la deuxième. Les critères qui peuvent aider à l'établissement de priorités sont nombreux; nous examinerons les suivants : la gravité des accidents; la fréquence des accidents; les coûts éventuellement ou réellement engendrés par le problème; la probabilité qu'un problème ou ses conséquences se posent; l'existence de solutions aux problèmes; le rapport coûts-bénéfices de la solution du problème; les codes de risques. La gravité d'un problème ou d'un risque devrait être le premier critère qui guide notre action en matière de prévention. Les situations qui présentent un risque de décès devraient être traitées prioritairement. Les statistiques, lorsqu'elles sont détaillées et bien tenues, peuvent être un indicateur précieux pour localiser les départements, les équipements et les tâches où les accidents qui se produisent sont les plus graves. Malheureusement, ces statistiques ont pour base des accidents qui se sont déjà produits. Elles ne sont donc pas suffisantes pour évaluer le potentiel de gravité des situations à risque. L'inspection des lieux de travail et l'analyse de la sécurité des tâches sont des compléments indispensables à l'évaluation de la gravité. La fréquence des accidents nous renseigne sur le nombre d'accidents, mais nous donne également des renseignements sur leur localisation et leur nature. 23 Santé et sécurité au travail : notions de base Si un grand nombre d'accidents sont de même nature, par exemple des blessures aux mains au département de finition, c'est une bonne indication qu'il est possible de réaliser là une intervention préventive dont le rapport coûts-bénéfices peut être plus avantageux qu'une situation où les statistiques montrent une répartition aléatoire des accidents. Cet indicateur statistique tient lui aussi uniquement compte des accidents, mais non du potentiel de risque qu'ils se produisent et des conséquences qu'ils peuvent entraîner. Les coûts engendrés par la correction des problèmes seront également pris en compte lors de l'établissement des priorités. Il faut se rappeler que l'argent investi dans la solution de problèmes ne sera plus disponible pour faire autre chose. De plus, l'ampleur des investissements requis peut nécessiter des plans d'intervention répartis sur plusieurs années. L'existence de solutions possibles peut également servir de critère de décision à cette étape de la démarche. Les coûts et l'existence de correctifs sont les arguments les plus souvent soulevés pour reporter à plus tard la correction de problèmes criants. L'expérience montre cependant que lorsque l'imagination et la créativité des travailleurs sont mis à contribution, plusieurs problèmes laissés en suspens se règlent rapidement, efficacement et à peu de frais. La probabilité qu'une situation se produise influence aussi la façon dont seront fixées les priorités d'intervention. Une situation peu probable sera traitée bien après une situation qui peut se produire deux fois par jour, si les conséquences potentielles sont sensiblement les mêmes dans les deux cas. De même, on aura tendance à régler d'abord une situation dont la solution serait peu coûteuse par rapport aux impacts positifs qu'elle entraînerait ; c'est le rapport coûts-bénéfices. Finalement, il existe un outil d'évaluation des priorités d'intervention qui intègre plusieurs des critères d'évaluation dont il vient d'être question : c'est le code de risque. Il en existe plusieurs types, qui sont des variantes du même 24 Module 10 : Le programme de prévention modèle, bien que la nature, le nombre et la pondération des critères peuvent changer. Dans ce modèle, l'établissement des priorités d'intervention est basé sur les conséquences potentielles du risque, la probabilité de ces conséquences, la fréquence d'apparition du risque, le coût des solutions et le degré de correction qu'elles apportent. La formule suivante va nous permettre d'attribuer une cote de risque à chaque problème identifié et ainsi nous aider à fixer des priorités d'intervention chiffrées : Cote de risque = conséquence Coûts X X fréquence X probabilité % de correction du problème La pondération de ces critères peut être la suivante : Les conséquences - des catastrophes pouvant se traduire par des pertes de vie ou des dommages de l'ordre du million de dollars reçoivent une cote de 100; - les situations pouvant entraîner des blessures multiples avec incapacité permanente ou des dommages de 400 000 dollars et plus ont une cote de 50; - les situations pouvant entraîner une incapacité permanente ou des dommages de 100 000 à 400 000 dollars ont une pondération de 25; - les situations pouvant entraîner des blessures sérieuses sans incapacité permanente ou des dommages de 1 000 à 100 000 dollars ont une cote de 15; - les situations qui peuvent amener des confusions ou des blessures de moins de deux jours de perte de temps ou des dommages de moins de 1 000 ont une cote de 5; 25 Santé et sécurité au travail : notions de base - finalement, les situations pouvant entraîner des blessures mineures sans perte de temps ou des dommages mineurs ont une cote de 1. La probabilité d'apparition du problème Ce critère est une estimation de la probabilité que la situation à risque ou le problème ait les conséquences envisagées : - très probable = 10 - probable à 50 % = 6 - inhabituel = 3 - exceptionnel = 1 - invraisemblable = 0,5 La fréquence d'apparition du problème - une fois par jour = 10 - une fois par semaine = 6 - une fois par mois = 3 - une fois par année = 2 - plus rarement = 1 Les coûts engendrés par la solution du problème - plus de 50 000 = 10 - de 25 000 à 50 000 = 6 - de 10 000 à 25 000 = 4 - de 1 000 à 10 000 = 3 - de 100 à 1 000 = 2 - de 25 à 100 = 1 - moins de 25 = 0,5 26 Module 10 : Le programme de prévention Le pourcentage de correction du problème qu'apporte la solution envisagée : - la solution règle le problème à 100 % = 1 - elle règle le problème de 75 % à 99 % = 2 - elle règle le problème de 50 % à 75 % = 3 - elle règle le problème de 25 % à 50 % = 4 - elle règle le problème à moins de 25 % = 6 Il ne faut pas perdre de vue que ces formules ne sont que des moyens, des outils de travail pour établir les priorités d'intervention. Si on n'est pas capable de les utiliser sans s'enliser dans des débats sans fin quant à la pondération des critères, il vaut mieux alors s'en départir. La détermination des priorités d'intervention n'est qu'une étape de la démarche par programme. Elle doit être franchie très rapidement à la satisfaction du maximum d'intervenants dans le milieu de travail. 2.2.3 La détermination des objectifs Lorsqu'on sait quel problème doit être solutionné en premier lieu et qu'il est très bien défini, il faut se fixer des objectifs dont l'atteinte se traduira par la correction du problème. Les objectifs sont de deux ordres : généraux et spécifiques. Les premiers ont une portée générale et concernent directement la solution du problème. Ce peut être par exemple de réduire de 5 % le nombre d'accidents dans un an. La deuxième catégorie touche plutôt les moyens pour solutionner les problèmes. Par exemple, ce pourrait être le fait d'instaurer un système efficace d'inspection dans un département dans une période de quatre (4) mois, ce qui aurait pour effet d'identifier des risques avant qu'ils produisent des accidents. 27 Santé et sécurité au travail : notions de base Les objectifs doivent posséder deux (2) caractéristiques importantes : être mesurables ou observables et être réalistes. Par mesurable ou observable, on entend la possibilité d'en mesurer ou d'en constater l'atteinte dans une période de temps prédéterminée. Ils doivent donc être quantifiables. Les exemples suivants sont de cet ordre : - diminuer, dans un an, l'indice de gravité de 10 à 8 jours perdus par accident; - diminuer d'ici au 31 mars le niveau sonore moyen de 95 dB à 90 dB au département « X »; - diminuer la fréquence des accidents de 3 % dans un an; - poser d'ici trois (3) jours un garde de sécurité sur la presse no 12 au département de fabrication des moules; - remplacer d'ici quatre (4) mois toutes les substances cancérigènes utilisées dans l'entreprise par des produits de substitution. Il est très facile pour tous ces objectifs d'en mesurer ou d'en constater l'atteinte à l'expiration de l'échéancier. De tels objectifs déterminent parfois également les activités nécessaires à leur réalisation. Dans le dernier exemple, il faudra nommer quelqu'un responsable de se procurer la liste des substances reconnues cancérigènes, la comparer avec la liste des substances utilisées dans l'entreprise, faire les démarches auprès des fournisseurs pour identifier les produits de substitution, émettre une directive au département des achats, etc. Pour ce qui est du caractère réaliste des objectifs, il est arrivé trop souvent que, à la suite d'intérêt soudain pour les questions de santé et de sécurité, des personnes sans beaucoup d'expérience dans ce domaine se fixent des objectifs inatteignables comme la réduction de 50 % du nombre d'accidents en deux (2) ans. De tels objectifs nécessitent énormément d'énergie et de ressources et peuvent en retour susciter de la démotivation, de l'insatisfaction et du découragement. 28 Module 10 : Le programme de prévention 2.2.4 La planification des activités pour atteindre les objectifs Le choix des activités qui vont nous permettre d'atteindre nos objectifs dépend beaucoup de la nature du problème et des coûts de ces activités. Un problème très bien identifié détermine souvent les activités qui vont le solutionner. Cependant, il faut se demander si les activités choisies vont régler le problème une fois pour toute ou temporairement. En outre, si les activités nécessitent des ressources financières importantes, il faudra sans doute les planifier sur une longue période de temps. Pour illustrer ces propos, revenons à notre exemple des maux de dos chez les chauffeurs de camion. Il s'agissait de l'usure de la suspension des sièges. Le problème en soi détermine l'activité de remplacer ces pièces. Il est alors réglé à court terme, mais il fera à nouveau surface lorsque cette nouvelle suspension sera elle aussi défectueuse. De ce fait, un programme d'entretien préventif incluant l'inspection et la réparation des systèmes de suspension s'impose si on veut corriger définitivement le problème. De même, si on diagnostique un problème d'intoxication à un solvant dans le département de peinture, il faudrait, avant de planifier des activités, connaître la nature du solvant, le type d'exposition et les moyens de protection utilisés. Si le peintre utilise un masque, il faut savoir si le masque est approprié (est-ce bien un masque capable de filtrer les vapeurs de solvant), est-il efficace (est-il porté par-dessus une barbe), est-il étanche, les filtres sont-ils spécifiques aux solvants, les filtres sont-ils remplacés lorsque leur durée de vie est révolue? Il faut savoir si le travailleur est exposé également au solvant sous forme liquide lorsqu'il nettoie ses outils ou ses mains, par exemple, Il faut vérifier également le système de ventilation générale; ses filtres sont-ils encore efficaces? Entre-t-il suffisamment d'air dans la pièce pour permettre une bonne évacuation de l'air contaminé? Etc. Ce n'est que lorsqu'on aura répondu à toutes ces questions qu'on pourra alors déterminer quelles activités doivent être réalisées pour corriger le problème d'intoxication. Si de gros investissements sont nécessaires pour solutionner définitivement le problème (installation d'un système de ventilation générale dans cet exemple), la réalisation de cette activité pourra alors être planifiée 29 Santé et sécurité au travail : notions de base sur deux (2) ou trois (3) ans. En attendant, des activités plus modestes devront être envisagées, comme l'utilisation de masques appropriés, le nettoyage au savon plutôt qu'au solvant, l'utilisation d'un solvant moins volatile, etc. Il faut se rappeler cependant que, d'une part, le choix de ces activités dépend de la nature réelle du problème et que, d'autre part, les équipements de protection individuels sont des mesures temporaires en attendant d'éliminer le problème à la source. 2.2.5 La mobilisation et la coordination des ressources À cette étape de la démarche, le problème est bien identifié et on sait ce qu'on doit faire pour le corriger. Il s'agit alors de déterminer les sommes d'argent ainsi que le matériel nécessaires et de définir les responsabilités de chacun dans la réalisation des activités. Nous touchons là le point le plus important à ce stade de la démarche : la détermination des responsabilités de chacun. Lors d'une enquête menée sur un chantier de construction, on a interrogé les travailleurs, les contremaîtres, les surintendants, le gérant de chantier et les chefs de projets à propos de plusieurs situations à risque et, dans beaucoup de cas, personne ne s'entendait pour identifier à quel niveau hiérarchique revenait la responsabilité d'apporter les correctifs nécessaires. Dans ces conditions, la plupart de ces situations demeurent inchangées. Donc, pour chacune des activités à réaliser, on doit désigner une personne en particulier qui en prend la responsabilité. La détermination des ressources financières et matérielles est le plus souvent laissée au directeur des finances et à d'autres spécialistes comme les ingénieurs, mais on doit tout de même s'assurer qu'une décision prise au comité de santé et de sécurité ne sera pas ignorée ou renversée pour des raisons financières. Si les représentants patronaux au sein du comité de santé et de sécurité prennent une décision de concert avec les travailleurs, elle doit être appuyée par la haute direction. C'est une règle du jeu qui ne doit pas être violée, sous peine d'entraîner la démobilisation de tous les intervenants dans l'entreprise. 30 Module 10 : Le programme de prévention 2.2.6 L'évaluation Nous voici arrivés à la dernière étape de la démarche par programme. C'est l'étape la moins populaire et la moins souvent appliquée. Cette lacune est en partie due au fait que les objectifs, lorsqu'il y en a, sont trop généraux, non quantifiables et non rattachés à des échéanciers bien définis. En outre, dans certains cas, toutes les raisons sont bonnes pour ne pas respecter les objectifs fixés en matière de santé et de sécurité du travail, ce qui ne serait pas le cas en ce qui concerne les objectifs de quotas de production, par exemple. Donc, la réussite des activités de prévention dépend beaucoup de l'importance qu'on leur accorde, en regard des autres fonctions de l'entreprise et ce principe certaines compagnies l'ont compris. C'est ainsi qu'en 1984 une multinationale très active au Québec stipulait, dans sa politique écrite en matière de santé et de sécurité, que pour les quatre (4) années à venir l'évaluation et la promotion des contremaîtres seraient en fonction de leur performance en prévention. Dans un tel contexte, l'application de la démarche préventive se fait avec beaucoup de rigueur : les priorités d'intervention sont clairement énoncées, les objectifs sont précis, mesurables et on en connaît l'échéancier; chacun est au fait des activités qui doivent être réalisées et la part de responsabilité qui lui revient. L'évaluation se fait périodiquement à propos de la pertinence des objectifs, du choix des activités, de la planification et de la coordination des ressources, de sorte qu'avant la fin de l'échéancier, on sait si les activités vont porter fruits ou non et on peut corriger les lacunes qui auraient pu se glisser à l'une ou l'autre des étapes précédentes de la démarche. Soulignons, en terminant, que l'efficacité du programme de prévention s'évalue non pas par la quantité de papier que le programme génère, mais par le nombre de problèmes qu'il réussit réellement à solutionner. 31 Santé et sécurité au travail : notions de base 3. LE PROGRAMME DE PRÉVENTION Maintenant que nous avons examiné le contexte légal dans lequel s'inscrit le programme de prévention et que nous avons décrit les étapes de la démarche par programme, voyons comment se définit le programme de prévention. 3.1 Contenu du programme8 Le programme de prévention vise l’objectif ultime de la LSST soit, l’élimination à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique et psychique9 des travailleurs. La Loi sur la santé et la sécurité du travail définit à l'article 59 le programme de prévention par son contenu : Le programme de prévention est un ensemble de programmes. Il comprend, outre le programme de santé visé dans l'article 113 et de tout élément prescrit par règlement: 1. des mesures d'adaptation aux normes prescrites par les règlements; 2. des mesures de surveillance de la qualité du milieu de travail et des mesures d'entretien préventif; 3. les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement; 4. les modalités de mise en œuvre des autres règles relatives à la santé et à la sécurité du travail dans l'établissement; 5. l'identification des moyens et équipements de protection individuels (MÉPI) ; 6. des programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité du travail. 8 Le contenu du programme de prévention a été modifié par la Loi modernisant le régime se santé et de sécurité. Cependant le contenu de la LSST tel que présenté ci-haut a toujours force de loi jusqu’à ce que le gouvernement en décide autrement et cela au plus tard le 6 octobre 2025. 9 C’est la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité qui a introduit la notion d’intégrité psychique lors de son adoption en octobre 2021 32 Module 10 : Le programme de prévention Le programme lié aux MÉPI ainsi que celui lié à la formation et à l’information sont établis par le comité de santé et de sécurité, s'il y en a un. Nous passerons maintenant en revue chacune des parties de ce programme (3.1.1 à 3.1.7). 3.1.1 Le programme de santé10 La loi définit également le programme de santé par son contenu, il doit contenir : 1. les mesures visant l’identification des risques pour la santé auxquels les travailleurs sont exposés ainsi que la surveillance et l'évaluation de la qualité du milieu de travail; 2. les activités d'information sur la nature des risques du milieu de travail ainsi que les moyens pour les prévenir; 3. les mesures liées aux caractéristiques de santé nécessaires à l'exécution d'un travail; 4. les mesures visant à identifier les caractéristiques de chaque travailleur en fonction des exigences des postes de travail; 5. les mesures de surveillance médicale du travailleur afin d’éviter les atteintes à la santé ou leur aggravation; 6. les examens de santé de pré-embauche et les examens de santé en cours d'emploi prévus par règlement; 7. le maintien d'un service de premiers soins et premiers secours; 8. la liste des travailleurs exposés à un contaminant. Avant d'examiner les autres points du programme de prévention, examinons en détail le contenu du programme de santé. 10 Le contenu du programme de santé a été modifié par la Loi modernisant le régime se santé et de sécurité. Cependant le contenu de la LSST tel que présenté ci-haut a toujours force de loi jusqu’à ce que le gouvernement en décide autrement et cela au plus tard le 6 octobre 2025. 33 Santé et sécurité au travail : notions de base L'identification des risques doit faire partie du programme de santé mais, en pratique, elle a déjà été réalisée par de nombreux intervenants. Elle ne doit donc pas être refaite par le médecin responsable d'élaborer le programme de santé, à condition d'avoir été bien faite. Lorsque la nature des risques présents à chaque poste de travail est connue, il est alors facile de déterminer l'information spécifique qui sera donnée à chaque travailleur en fonction de son exposition à ces risques, de déterminer les examens de pré-embauche, en fonction des risques auxquels sera exposé le futur travailleur, de connaître les travailleurs exposés à certains agresseurs, par exemple le bruit et le plomb, et de déterminer les examens de surveillance médicale comme l'audiométrie et la plombémie (mesure du plomb dans le sang) dans ce cas-ci. Le deuxième élément du programme de santé stipule que tous les intervenants dans le milieu de travail de même que le syndicat, lorsqu'il y en a un, doivent être informés : - des risques présents dans le milieu de travail; - des effets à court et à long terme de ces risques sur la santé; - des moyens de se protéger et de les contrôler. Les points 3 et 4 du programme de santé vont théoriquement ensemble, mais leur application est très délicate. Connaissant tous les risques à chaque poste de travail, il serait alors possible de déterminer les capacités physiques nécessaires pour faire ce travail et, connaissant les caractéristiques physiques de chaque travailleur, on pourrait alors théoriquement assigner aux travailleurs des tâches qui correspondent à leurs capacités. Ces deux points soulèvent cependant plusieurs problèmes. Dans les entreprises où il y a un syndicat, c'est le plus ancien qui postule sur un poste de travail qui l'intéresse et dans les autres entreprises c'est le patron qui détermine qui fait quoi. De plus, ces deux éléments ouvrent la porte à la discrimination. Il n'est pas très difficile de refuser un emploi à quelqu'un sous prétexte qu'il n'a pas les capacités physiques pour le faire, alors que la raison véritable de ce refus réside dans le fait qu'on ne veut embaucher que des personnes saines pour ne 34 Module 10 : Le programme de prévention pas prendre le risque de défrayer les coûts des accidents dont elles pourraient être victimes. À l'inverse, un programme d'embauche de personnes handicapées devrait prévoir des mesures semblables, afin de mettre à contribution des personnes dont les capacités physiques sont réduites, sans toutefois mettre en danger leur santé et leur sécurité. Il faut dans tous les cas garder à l'esprit qu'on doit adapter le travail à la personne et non l'inverse. Les mesures de surveillance médicale sont spécifiques et sont administrées aux seuls travailleurs exposés au contaminant dont les effets sont décelables par des examens de santé. Par exemple, une plombémie sera administrée aux seuls travailleurs exposés au plomb; de même, l'audiométrie servira à mesurer les pertes auditives chez les travailleurs exposés aux bruits. Ces mesures, tout comme celles prévues dans le reste du programme de santé, s'éloignent passablement d'une véritable prévention. Elles n'ont rien à voir avec l'élimination des risques, elles ne font qu'en constater les effets. Elles doivent donc toujours être considérées comme complémentaires aux activités de prévention et peuvent être utiles pour évaluer les effets de l'implantation de telles activités. Les examens de santé de pré-embauche sont eux aussi trop souvent utilisés pour identifier avant l'embauche les travailleurs dont la santé ou l'intégrité physique est altérée. Par la suite, toutes les raisons sont bonnes pour ne pas les engager. Quant aux examens en cours d'emploi, ils s'apparentent à la surveillance médicale et ne doivent pas prendre la place de mesures préventives. Le maintien d'un service adéquat de premiers soins et de premier secours est une mesure palliative pour empêcher que les blessures qui se produisent s'aggravent. Il peut se traduire par l'instauration d'un service de santé dans l'entreprise, la présence d'une infirmière, la formation de secouristes, la disponibilité de trousses de premiers secours, etc. Le règlement sur les « normes minimales de premiers secours et de premiers soins » rend obligatoires certaines de ces mesures dont le contenu varie en fonction du nombre de travailleurs couverts. 35 Santé et sécurité au travail : notions de base Finalement, le programme de santé doit contenir la liste de tous les travailleurs exposés à différents contaminants. Ce dernier point du programme de santé est une mesure administrative qui permet d'effectuer la surveillance médicale, les examens médicaux en cours d'emploi et les activités d'information des travailleurs sur la nature des risques, leurs effets et les moyens de les contrôler. Lorsque le programme de santé est élaboré, il doit être approuvé par le comité de santé et de sécurité de l'entreprise. 36 Module 10 : Le programme de prévention 3.1.2 Le programme d'adaptation aux normes Ce deuxième point du programme de prévention contient les notions de programme et de norme. On connaît déjà les étapes de la démarche par programme. Une norme pour sa part se définit comme « ce qui doit être » ou « principe servant de règle ou de loi ». Ces normes peuvent concerner : l'aménagement des lieux, l'organisation du travail, les équipements, le matériel, les contaminants, les procédés et les moyens de protection. Elles sont contenues dans des cahiers de normes sous l'appellation de règlements. Les deux principaux cahiers de normes au Québec en matière de santé et de sécurité du travail sont : le Règlement sur la santé et la sécurité du travail et le Code de sécurité pour les travaux de construction. Le premier contient des normes qui protègent la santé et la sécurité des travailleurs. Elles concernent : la ventilation; l'éclairage; le bruit; la chaleur; l'état des lieux; les moyens de lutte contre les incendies; l'environnement; les précautions contre les dangers des machines; les outils manuels et des outils électriques; la manutention du matériel; les travaux dangereux; 37 Santé et sécurité au travail : notions de base le contrôle des substances dangereuses; les équipements de protection. De plus, il réglemente les concentrations moyennes et maximales d'environ six cents (600) produits chimiques. Le code de sécurité pour les travaux de construction couvre l'équipement, les matériaux et les procédures de travail sur les chantiers de construction. Il existe plusieurs autres règlements plus spécifiques comme le Règlement sur les ascenseurs et les monte-charges, le Règlement sur la salubrité et la sécurité du travail dans les mines et carrières, etc. Tous ces règlements ont une valeur légale et toutes les entreprises sont tenues de s'y conformer. Malheureusement, dans beaucoup d'entre elles, plusieurs normes ne sont même pas connues et encore moins respectées. Par exemple en 1989, les inspecteurs de la C.S.S.T. ont effectué 43 984 visites en entreprises et 44 585 dérogations ont été constatées, En 1990, il y a eu 48 357 visites et 52 216 dérogations. En 2022, les inspecteurs ont effectué plus de 30 409 visites et ont constaté 62 091 dérogations, comparativement à 30 209 visites et 62 711dérogations en 2021. 3.1.2 Les mesures de surveillance de la qualité du milieu de travail et les mesures d'entretien préventif Ces mesures sont très importantes car elles permettent de prévenir un grand nombre d'accidents tout en étant peu coûteuses. Les mesures de surveillance de la qualité du milieu de travail permettent de s'assurer que le programme d'adaptation aux normes demeure efficace. On doit porter une attention particulière à la surveillance de la qualité du milieu de travail aux postes où le niveau des contaminants est susceptible de varier beaucoup durant un quart ou une journée de travail. 38 Module 10 : Le programme de prévention Les mesures d'entretien préventif, pour leur part, se rapprochent de très près de l'objectif ultime de la loi sur la santé et la sécurité du travail qui est l'élimination à la source même des risques pour la santé et la sécurité. Lorsqu'on enquête sur un grand nombre d'accidents graves, on s'aperçoit que plusieurs d'entre eux auraient pu être évités si, grâce à un programme d'entretien préventif efficace, on avait décelé à temps les dysfonctionnements évidents de la machinerie ou de l'équipement. En outre, l'expérience montre que là où de tels programmes existent, la productivité est nettement meilleure. Les arrêts de production sont moins nombreux, moins longs et l'équipement a une durée de vie plus longue. 3.1.3 Les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement Certaines entreprises se donnent des normes d'hygiène et de sécurité plus sévères que ce qui existe dans les lois et les règlements. Ces normes font alors partie intégrante du programme de prévention. On a vu par exemple une entreprise décréter qu'il n'entrerait plus aucune substance reconnue cancérigène chez elle et qu'on chercherait plutôt des produits de substitution. Une autre compagnie est citée en exemple à travers le monde pour ses performances en santé et sécurité : la compagnie DUPONT. Mais pour en arriver là, cette entreprise s'est donné un très grand nombre de normes spécifiques très sévères. 3.1.4 L'identification des moyens et équipements de protection individuels C'est au comité de santé et de sécurité que revient la tâche de choisir les équipements de protection individuels. Ce choix fait alors partie du programme de prévention, mais il ne faut pas oublier que la véritable prévention se réalise dans l'élimination des risques à la source. Cet élément du programme de prévention ainsi que le suivant, qui concerne les programmes de formation et d'information, nécessite au préalable la constitution des registres de postes dont il sera question au point 3.3. 39 Santé et sécurité au travail : notions de base 3.1.5 Les programmes de formation et d'information C'est encore une fois au comité de santé et de sécurité à décider de la nature et du contenu des programmes de formation en santé et en sécurité qui devraient être mis sur pied et dispensés aux travailleurs dans l'entreprise. La loi sur la santé et la sécurité du travail stipule à l'article 10 que c'est maintenant un droit pour les travailleurs de recevoir de la formation et de l'information particulièrement sur les risques reliés à l'exécution de leur tâche. Le paragraphe 9 de l'article 51 reprend le même thème, en précisant que c'est aussi un devoir pour l'employeur d'informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et de lui assurer la formation, l'entraînement et la supervision appropriés afin que le travailleur acquière l'habilité et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié. Pour être efficace, une formation doit contenir trois (3) éléments importants. Elle doit identifier clairement la nature du risque, en décrire les effets à court et à long terme et spécifier les moyens de les contrôler ou de se protéger. 3.1.6 Les modalités de mise en œuvre Nous avons décidé de traiter du quatrième élément du programme de prévention après tous les autres, puisque celui-ci s'applique seulement après qu'une décision ait été prise sur l'un ou l'autre des éléments du programme. Les modalités de mise en œuvre consistent finalement à répondre aux questions : qui fait quoi, comment, avec quelles ressources et dans combien de temps? Les modalités de mise en œuvre correspondent aux points 4 et 5 de la démarche par programme : - planification des activités pour atteindre les objectifs; - mobilisation et coordination des ressources humaines, matérielles et financières. 40 Module 10 : Le programme de prévention Si, par exemple, on veut instaurer un système d'inspection pour répondre aux exigences de la surveillance de la qualité du milieu de travail, il faudra par la suite déterminer qui est responsable de le mettre sur pied, de l'appliquer, d'en assurer le suivi, où seront acheminés les avis de correction, qui sera responsable d'effectuer ces corrections et dans quels délais et, finalement, qui devra évaluer l'efficacité de ce système d'inspection. 3.2 Cheminement du programme de prévention11 Lorsque le programme de prévention est finalement complété, il est transmis aux membres du comité de santé et de sécurité afin qu'ils en prennent connaissance. Par la suite, il est acheminé à la C.N.ES.S.T., accompagné des recommandations du comité. La C.N.E.S.S.T. peut alors l'approuver tel quel ou ordonner qu'il soit modifié, en tout ou en partie. Lorsqu'il est approuvé, l'employeur doit en transmettre une copie au syndicat, au représentant à la prévention et au médecin responsable. Une mise à jour du programme doit être faite chaque année. En terminant cette section, il faut dire un mot sur l'étape qui suit l'approbation du programme de prévention par la C.N.E.S.S.T. et qui est la plus importante : c'est l'application du programme. On s'aperçoit depuis 1983, date où la C.S.S.T. recevait les premiers programmes, que plusieurs entreprises ne les ont jamais mis en application. Leur seule préoccupation se résume donc à satisfaire aux exigences légales. Mais une telle situation n'est pas sans avoir de répercussions négatives dont les moindres sont le gaspillage de temps et de ressources. On assistera aussi à une démotivation des intervenants en santé et sécurité et à l'appauvrissement du climat de travail. À l'inverse, dans les entreprises qui font preuve à tout point de vue d'une saine gestion, le programme de prévention est élaboré par des gens qui 11 Le Cheminement du programme de prévention a été légèrement modifié par la Loi modernisant le régime se santé et de sécurité. (article 145). Cependant le cheminement prévu à la LSST tel que présenté ci-haut a toujours force de loi jusqu’à ce que le gouvernement en décide autrement et cela au plus tard le 6 octobre 2025. 41 Santé et sécurité au travail : notions de base ont la conviction qu'il sera appliqué. Ce thème de la gestion de la prévention sera étudié dans le prochain module. 3.3 Les registres de postes Pour le législateur, les registres de poste constituent un outil indispensable à l'élaboration et à l'application de tous les éléments du programme de prévention. En effet, avant toutes choses, il faut connaître les risques à chaque poste de travail et les registres de poste nous fournissent cette information. Cependant, sur le terrain l’élaboration et la mise à jour des registres de postes comme prévu dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) se sont vite révélées d’une grande lourdeur au quotidien. Aujourd’hui, bien qu’il s’agisse d’une obligation inscrite dans la LSST d’autres façons de faire sont acceptées par la CNESST. Ainsi, la mise en place de différentes activités d’identification des risques comme l’enquête et l’analyse des accidents, l’inspection des lieux, l’analyse des tâches, etc. peuvent nous fournir des informations tout aussi pertinentes à l’implantation d’un programme de prévention. D’ailleurs la LMRRST a simplifié l’élaboration des registres en la limitant aux matières dangereuses et aux contaminants présents dans l’établissement et qui sont identifiés par règlement, ainsi qu’aux travailleurs exposés. L’incontournable c’est de connaître les différents risques auxquels sont exposés les travailleurs (bruit, vibrations, radiations, chaleur, produits chimiques, gaz, fumées, poussières, etc.) que ce soit par l’élaboration des registres de postes ou par d’autres méthodes d’identification des risques afin d’être en mesure de les éliminer ou de les contrôler. Ainsi, lorsque l’on dispose de cette information, on est à même d'entreprendre l'élaboration de n'importe quelle étape du programme de prévention. Voyons comment par l’entremise de deux éléments du programme de santé et deux éléments du programme de prévention. Le programme de santé doit contenir, entre autres, les mesures de surveillance médicale des travailleurs et l'établissement d'une liste des travailleurs exposés à un contaminant. Il est bien évident que si les deux registres de postes sont complétés ou que les risques ont été bien identifiés par poste de travail on 42 Module 10 : Le programme de prévention possède alors toute l'information nécessaire pour déterminer quels examens de santé doivent être prescrits pour assurer une surveillance efficace des travailleurs exposés. Par exemple, on connaît les postes où l'intensité de bruit dépasse 85 dB, 90 dB, 95 dB, etc. On peut dès lors identifier les travailleurs à qui on devrait faire passer un audiogramme, ainsi que la fréquence de cet examen. Il en est de même pour l'exposition à tout autre contaminant qui requiert un examen médical spécifique. Pour ce qui est de la liste des travailleurs exposés à un contaminant, elle est très facile à dresser lorsqu'on connaît la nature et la quantité de tous les contaminants à chaque poste de travail. Les éléments du programme de prévention que sont « le programme d'adaptation aux normes » et « les programmes de formation » nécessitent également au préalable l’obtention de l’information concernant les différents risques présents, les niveaux d’exposition et les postes concernés. De cette façon, on est à même de savoir si les normes qui concernent ces éléments sont respectées ou non et, par la suite, de s'y conformer. Le contenu des programmes de formation sera également déterminé en fonction des risques identifiés. Si par exemple ceux-ci nous indiquent que des acides sont utilisés à trois postes de travail, il faudra par la suite développer un contenu de formation sur la manipulation de tels acides pour tous les travailleurs affectés à ces postes. Nous sommes maintenant à même de comprendre que toutes les activités de prévention de même que le travail des intervenants en santé et sécurité du travail sont interreliés. Cette interdépendance se concrétise dans le programme de prévention qui doit être intégré à l'organisation et au fonctionnement courant de l'entreprise. 43 Santé et sécurité au travail : notions de base Conclusion Après ce qui vient d'être dit, on peut comprendre maintenant que le programme de prévention n'est pas qu'un document et n'est pas quelque chose de statique. C'est un outil qui devrait être utilisé dans l'entreprise. Sa mise en application doit transparaître, que ce soit aux réunions du comité de santé et de sécurité, lors de l'embauche d'un nouveau travailleur, durant une tournée d'inspection ou lors de l'élaboration d'une procédure de travail, etc. On le voit, le programme de prévention doit faire partie intégrante de l'entreprise. Ce qui fera son efficacité, c'est la collaboration des divers intervenants lors de son élaboration, la volonté réelle de l'employeur de l'appliquer, le degré d'intégration du programme à la gestion globale de l'entreprise (ce thème sera abordé dans le prochain module) et finalement l'implication des travailleurs. Notons en terminant que la première obligation qui est faite aux travailleurs en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est celle de prendre connaissance du programme de prévention de son entreprise. 44