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Summary
This document provides an introduction to European Institutions, focusing on the historical context of European integration. It outlines key events and figures behind the creation of the European Union and the factors driving the process from the interwar period, including initiatives like Briand's Memorandum. The text explores the gradual development of the European Union through successive treaties and examines its fundamental principles.
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Institutions Européennes Licence 1 – 2024 Introduction Historique Après la première guerre mondiale, l’Europe est hantée par le spectre de son déclin. Ce thème n’est d’ailleurs pas totalement nouveau puisqu’on...
Institutions Européennes Licence 1 – 2024 Introduction Historique Après la première guerre mondiale, l’Europe est hantée par le spectre de son déclin. Ce thème n’est d’ailleurs pas totalement nouveau puisqu’on le retrouve dès le XVIIIème notamment dans les mémoires d’Outre-tombe de Chateaubriand. Il prend cependant une importance sans précédente dans la vie intellectuelle et politique de l’Europe. Le continent prend conscience de sa fragilité, de la perte de sa place de puissance dominante mondiale dont il avait bénéficié depuis environ quatre siècles. Le succès de l’ouvrage du philosophe allemand Oswald Spengler qui s’intitule le Déclin de l’Occident (paru en 1918 en Allemagne, publié en anglais en 1928 et en français en 1931) est tout à fait symptomatique de cette prise de conscience du déclin de l’Europe. En France, André Gide écrit dans la revue de Genève en janvier 1923 « nous assistons à la fin d’un monde, d’une culture, d’une civilisation, tout doit être remis en question ». Comme le résume l’intitulé d’un ouvrage de Gaston Riou (écrivain et homme politique français) paru en 1929, il faut « s’unir ou mourir ». Malgré l’effervescence en faveur de l’unité européenne, l’Europe ne va pas réussir à s’unir et va s’abimer dans le désastre de la seconde guerre mondiale. La première partie du XXème siècle est le temps des occasions gâchées. Le temps des occasions gâchées : l’idée européenne dans la première partie du XXème siècle. Face à cette idée de déclin de l’Europe, les réponses seront multiples et parfois singulièrement problématiques. En effet, pour certains, la lutte contre le déclin passe par une exaltation de l’autoritarisme et la mise en avant de sa propre nation. Le bellicisme et le nationalisme constitueront donc une partie des réponses à l’idée de déclin. Elles entraineront l’Europe vers le pire. Néanmoins des politiques, des philosophes, des intellectuels vont se saisir de l’idée d’union de l’Europe et des mouvements européistes vont naitre.1) Le mouvement pan-européen fondée en 1922 à Vienne par Richard de Coudenhove-Kalergi vise à bâtir une Europe politique sur un modèle fédéral et une Europe économique fondée sur un marché commun et sur une union douanière. Selon les tenants de ce mouvement, la construction de l’Europe doit passer par la réconciliation franco-allemande. 2) Les mouvements en faveurs de la construction d’un marché européen. En 1925, le 12 mars, des personnalités européennes (allemand, britannique, hongrois, français) lancent un appel à la constitution d’une union douanière européenne (UDE). L’objectif : « faire de l’Europe, en lui donnant conscience de son unité, un grand marché libre ouvert à la circulation des marchandises, des capitaux et des hommes ». Pour eux l’entente économique sera un élément essentiel de l’entente politique. Outre ce bouillonnement intellectuel, il y eut pendant l’entre deux guerre une véritable initiative politique en faveur de la construction européenne. C’est Aristide Briand qui est à son origine, ministre des affaires étrangères de 1915 à 1932 dans plusieurs gouvernements. A Genève, le 5 septembre 1929, il prononce un important discours devant l’Assemblée de la SDN dans lequel il préconise l’institution d’une sorte de « lien fédéral entre le peuples européens » ainsi qu’un « lien de solidarité » 1 Il précise toutefois sa pensée en indiquant que cette « association » entre les peuples et les États européens agira pour l’essentiel dans le domaine économique mais que sans toucher à la souveraineté nationale, elle pourra concerner des aspects politiques et sociaux. Ce discours remporte un vif succès à la SDN. Les représentants des gouvernements européens confient au gouvernement français le soin d’élaborer un mémorandum. Le mémorandum pour l’Europe est publié le 17 mai 1930. Il est rédigé sous la houlette d’Aristide Briand par Alexis Léger alors secrétaire général du ministère des affaires étrangères (dont le nom de plume est St. John Perse, le poète). Il est aidé des experts du Quai d’Orsay. Les propositions concrètes du texte se répartissent en deux ensembles : 1°/ Élaboration d’un pacte d’ordre général qui, par-delà l’affirmation de grands principes (union morale européenne, solidarité…), propose une structure institutionnelle. Cette structure comprend trois organes : une conférence européenne composé de représentants des différents États membres et qui serait l’organe directeur. Cet organe s’apparente à une instance délibérative, une assemblée. Le comité politique : organe exécutif et à la fois organisme d’études et un secrétariat. 2°/Organisation économique de l’Europe. Il s’agit de réaliser un rapprochement des économies européennes. L’un des buts consiste à créer « un marché commun pour l’élévation au maximum du niveau de bien être humain sur l’ensemble des territoires de la Communauté européenne ». Le programme d’action se caractérise par la subordination de l’économique au politique. C'est-à-dire que l’Europe politique doit précéder l’Europe économique. Les réponses des gouvernements européens se feront entre le 25 juin et le 4 août 1930. Les réactions témoignent d’un contexte de crispation très forte (répercussions de la crise de 1929 et retour à une logique protectionniste et nationaliste). Lors des débats de la 11ème session à l’Assemblée de la SDN (le 8 septembre 1930), les premières dissonances se font entendre. Il est impossible d’aboutir à un consensus. Au final, on en réussit à se mettre d’accord que sur la création d’une « Commission d’Études pour l’Union européenne ». C’est en quelque sorte la montagne qui accouche d’une souris. La Commission (CEUE) est créée le 23 septembre 1930. Elle sera présidée par Aristide Briand. Elle se réunira à Genève pendant deux ans, de septembre 1930 à septembre 1932. Elle ne réussira pas à mettre en place une véritable organisation européenne. Pourtant les travaux de la CEUE seront loin d’être inutile. Elle fournira un important travail de prospectives notamment sur les questions économiques. La situation politique (retour du nationalisme, émergence du fascisme et du nazisme) et la mort d’Aristide Briand en 1932 signeront la fin des activités de la CEUE et plus largement du projet européen porté par le Ministère des Affaires Étrangères de la France. L’Europe s’enfoncera dans la crise puis dans la guerre. La mouvance européiste verra son influence s’amoindrir. Toutefois, les voix en faveur de l’Europe ne vont jamais totalement se taire, y compris en pleine seconde guerre mondiale. En effet l'idée européenne est très présente au sein de la Résistance. Deux documents sont symptomatiques de cette continuité de l’idée européenne. Il s’agit tout d’abord du Manifeste de Ventotene, intitulé Pour une Europe libre et unie. Ce document est écrit en 1941, pour l'essentiel par le résistant italien Altiero Spinelli secondé par son compagnon Ernesto Rossi. Ces auteurs sont convaincus qu'une fédération européenne garantirait la paix sur le vieux continent. Ils appellent à dépasser la souveraineté et à une meilleure répartition des richesses. Le second texte, A l'échelle humaine, est l’œuvre du socialiste français Léon Blum. Ce texte circule dans la clandestinité à partir de 2 1941 et ne sera publié qu'à la fin de la guerre. Il s’agit d’un ouvrage général sur l’évolution politique de la France mais qui évoque également la question européenne. Léon Blum prône une fédération européenne ainsi que la création d'une force militaire commune afin d’assurer la paix sur le continent européen. L’ ensemble de ces projets s’articule autour de plusieurs modèles de rapprochements, les uns soucieux de préserver la souveraineté des États tendent vers un projet confédératif (la confédération est une association d’États caractérisée par l’exercice en commun de certaines compétences limitées tantôt sur le plan économique tantôt sur le plan politique) ; d’autres plus ambitieux , ont pour finalité une fédération européenne (un rapprochement plus étroit impliquant des transferts de compétences depuis les entités fédérées vers les instances fédérales ; toutes n’impliquent pas la création d’un État européen la notion de fédération ne se limitant pas au modèle de l’ État fédéral) cf. O, Beaud , théorie de la fédération. Après la seconde guerre mondiale, ce qui était auparavant resté à l’état de projet va se concrétiser et la construction européenne va véritablement prendre son essor. Nature de la construction européenne : Les institutions européennes prises au sens large du terme révèlent un projet sui generis, évolutif. L’Union européenne est, tout d’abord, une Union d’États. Réalisée à travers la conclusion , par des Etats souverains de traités internationaux. Les procédures d’adhésion à l’Union, de retrait et de révision des traités en attestent. Juridiquement l’’union européenne est une organisation internationale, crée par des Etats au moyen de Traités. Comme toute organisation internationale, l’Union européenne ne dispose pas de la « compétence de la compétence » qui est un attribut de l’État en droit international. Les compétences dont elles dispose relèvent du principe d’attribution. Ce sont les Etats qui ont souverainement décidé de parer les communautés puis l’union de compétences , soit en transferant à cette derniere des titres de compétences dans certains domaines ( les compétences ainsi détenues par l’union seront alors exclusives) soit en confiant à l’union le soin d’exerces des compétences ( qui seront alors partagées entre le niveau communautaire et le niveau national). Aussi faut-il, au moment de déterminer son domaine d’intervention, accorder une place singulière au principe d’attribution des compétences. La construction européenne à laquelle on assiste à partir des années 1950 fait le choix original de la logique d’intégration par opposition à une simple coopération. En cela les institutions européennes sont à cette époque un exemple unique d’Organisation internationale construite sur une logique de solidarité, entre les Etats membres et entre les peuples. Elle s’appuie notamment sur un principe démocratique rare dans le spectre des OI. Elle est aussi une Union de droit, au sein de laquelle le respect des droits fondamentaux s’impose tant à ses institutions qu’aux États membres et aux États candidats à l’adhésion. l’Union est une Union de citoyens. L’instauration d’une citoyenneté européenne par le traité de Maastricht révèle la dimension politique de la construction européenne et relègue à l’arrière-plan l’aspect purement économique des débuts. 3 L’union est un ordre juridique, caractérisé par un rapport d’intégration aux ordre étatique ( unité et continuité de l’ordre depuis la norme de base ( fondamentale) : les traités fondateurs jusqu » aux ordre étatiques : primauté du droit de l’ union sur le droit national ( sans mettre à mal la souveraineté) logique fédéralisante. Traités / ( droit primaire)/ droit dérivé : produit par les institutions européennes / constitutions/ lois / reglements etc….. Nous verrons ce processus à travers l’étude des fondements de l’Union européenne (Partie I), de ses institutions et organes (Partie II). 4 PARTIE I : LES FONDEMENTS DE LA CONSTRUCTION EUROPEENNE La construction européenne repose à la fois sur des Traités (Chapitre 1er), sur ses États-membres (Chapitre 2ème) et sur un ensemble de valeurs (Chapitre 3ème). Chapitre 1er : Une construction par étapes ponctuée par la conclusion de traités successifs Les premiers traités européens d’après-guerre fondent des Organisations internationales : « les premières Communautés » (Section 1), s’en suit une longue et difficile réforme de la construction européenne, marquant la transformation des communautés en Union (Section 2). Les Traités originels ont donc été révisés à plusieurs reprises, nous verrons les modalités de ces révisions (Section 3). Section 1 : Les premiers temps de la construction européenne : du Traité de Paris aux Traités de Rome. C’est le plan Marshall qui donnera l’impulsion de la construction européenne. Ce dernier exigeait que les États européens collaborent entre eux. Il engendre la création de l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) en 1947. Par la suite, cette organisation deviendra l’OCDE. Parallèlement à cet embryon d’organisation économique, on mettra en place une organisation en matière de défense, elle passera tout d’abord par l’Union occidentale puis par le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN 1949). Mais ces organisations restent marquées par une logique intergouvernementale caractérisée par le respect de la souveraineté des États et par un mode de décisions fondé sur l’unanimité. Il s’agit d’un fonctionnement diplomatique classique dans les relations internationales. Les espoirs de ceux qu’on appelait les fédéralistes vont connaitre un début de concrétisation avec la déclaration Schuman. Les premières communautés vont être crées. Tout d’abord la Communauté du Charbon et de l’Acier (CECA) (§1) puis, après l’échec de la Communauté Européenne de Défense (§2), la Communauté Économique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (CEEA) (§3). §1 : La création de la première Communauté, la Communauté du Charbon et de l’Acier par le Traité de Paris. Cette première Communauté est formellement créée grâce au Traité de Paris du 18 avril 1951 (B). Elle est annoncée par la Déclaration Schuman du 9 mai 1950 qui constitue véritablement l’acte de naissance de la construction européenne telle qu’on la connait aujourd’hui (A). A) La Déclaration Schuman. S’il n’est pas possible d’intégrer immédiatement l’ensemble des économies et de concevoir une réelle « politique européenne », sans doute peut-on commencer par une coopération dans des secteurs limités, mais des secteurs économiques clés. L’idée est en fait de construire progressivement des solidarités de fait qui déboucheront par la suite sur une extension à d’autres secteurs économiques puis à l’économie tout entière. C’est bien ce que propose Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, dans son discours du 9 mai 1950 au Quai d’Orsay (le jour de la Déclaration Schuman marque désormais la Journée de l’Europe). Il expose un plan qui a été élaboré par Jean Monnet alors Commissaire général au Plan de modernisation français. Le plan Schuman se place en dehors des schémas classiques et prend soin d'ignorer tout autant le modèle du droit international fondé sur le principe de souveraineté des États et le modèle intégrateur de l'État fédéral. Le plan Schuman ouvre une voie intermédiaire : il n'utilise pas le mot État ni le mot souveraineté ; il parle de la France, de l'Allemagne, des nations, des pays. Selon 5 Schuman, « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la fédération européenne. L’idée révolutionnaire de Jean Monnet est moins cette mise en commun des ressources minières et sidérurgiques que les instruments prévus pour réguler cette mise en commun. En effet, Jean Monnet ne prévoit pas la création d’un marché purement libéral qui se limiterait à une ouverture des frontières. Il faut selon lui qu’une Autorité gère cet ensemble afin notamment d’orienter les investissements, de contrôler le jeu normal de la concurrence, d’éviter les discriminations et de favoriser l’égal accès des consommateurs à la production. Ainsi la création d’une autorité supranationale chargée de gérer le marché commun du charbon et de l’acier préfigure les contours d’un futur gouvernement de type fédéral. Le plan Schuman suit une démarche empirique et progressive, souvent qualifiée de fonctionnalisme. Dans le contexte communautaire, le fonctionnalisme est une théorie qui permet de rendre compte du processus cumulatif et de l’effet de système produit par les institutions communes. Il délaisse la simple coopération au profit de l’intégration et il privilégie une recherche progressive plutôt qu’une approche instantanée de l’unité européenne. Sa finalité ultime reste cependant expressément fédéraliste, il s’agit de réaliser « les premières assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix ». La mise en commun de productions de base, soutenue par une gestion centralisée, doit d’abord s’opérer dans des secteurs déterminés, si possible stratégiques, censés se multiplier et s’élargir à mesure que les intérêts nationaux fusionnent, pour conduire à une union économique générale, puis à une union politique. La mise en commun dans un certain domaine devrait entraîner la nécessité d’une mise en commun des domaines qui lui sont connexes et ainsi de suite, par ce qui est désigné comme un « effet d’engrenage » ou « Spill-over effect ». Le chancelier K. Adenauer, est favorable au projet qui permet d’obtenir l’égalité des droits pour la RFA. En revanche, le Royaume-Uni, a immédiatement refusé de participer à une union au sein de laquelle les États seraient soumis à un organe supranational. En définitive, 6 États vont accepter de faire partie de ce qui allait devenir la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Cette Communauté est la première des Communautés européennes ; sa création marque le début de la construction européenne dont nous allons voir les différentes étapes B) La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. Crée par le Traité de Paris signé le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 23 juillet 1952, la CECA était prévue pour une durée de cinquante ans. (Elle a donc disparu le 23 juillet 2002. Son patrimoine a été transféré après cette date à la Communauté Européenne (CE) et affecté à un programme de recherches en rapport avec les industries du charbon et de l’acier). Suivant la déclaration Schuman, il s’agit d’un projet d’intégration sectorielle. Cette Communauté touchait un domaine particulièrement important et stratégique à l’époque, celui du charbon et de l’acier. L’objectif de la CECA était la mise en place d’un véritable marché commun censé relancer ces secteurs économiques. Toutefois, la CECA ne se limitait pas à la création d’une simple zone de libre-échange dans la mesure où elle comprenait, 6 d’une part, des règles de concurrence réglementant strictement les concentrations, les ententes ou les abus de position dominante et ce afin d’éviter la constitution de grands trusts et, d’autre part, des programmes sociaux afin de favoriser notamment la reconversion industrielle et d’aider les travailleurs subissant ces reconversions (art.56 CECA). La CECA était composée de l’Italie, des pays du Benelux, de l’Allemagne et de la France. Le Royaume- Uni donna son assentiment au projet mais s’en tiendra à l’écart. L’originalité de la CECA réside dans sa structure institutionnelle. Elle ne suivait pas le schéma habituel des organisations internationales et le principe d’intergouvernementalité mais au contraire une logique d’intégration et de supranationalité. Cette organisation a donc une structure de type fédéral puisque des compétences sont transférées au niveau supranational et les décisions communautaires s’imposent directement non seulement aux États membres de l’organisation mais aussi aux personnes physiques et morales (ce qui différencie le droit européen du droit international classique). Institution la plus importante : la Haute autorité, était l'exécutif collégial indépendant chargé d'assurer la réalisation des objectifs fixés par le traité et d'agir dans l'intérêt général de la Communauté. Il s'agit d'une véritable instance supranationale dotée d'un pouvoir de décision. Il lui appartient donc de définir ce qui doit constituer l’intérêt général de l’Europe et d’adopter des décisions qui s’imposeront aux États. A côté de la haute autorité figuraient : 1°/ un Conseil des ministres composé de représentants des États membres. Il avait pour fonction essentielle de faire la liaison entre la Haute autorité et les États membres. Il représente les États. 2°/ l’Assemblée démocratique composée de parlementaires des États membres et représentant les peuples de ces États, elle constitue la caution démocratique du système et exerce un contrôle démocratique sur la Haute autorité. Elle représente les peuples européens. 3°/ la Cour de justice qui contrôle les décisions de la Haute autorité et des autres décisions par rapport aux textes du traité dont elle assure le respect. Elle contrôle également le respect du texte du traité par les États et les particuliers. Ces derniers peuvent, sous certaines conditions, la saisir directement. Ces arrêts s’appliquent obligatoirement. Il s’approche donc d’une juridiction au sens interne et s’éloigne donc mécaniquement d’un modèle de juridiction internationale. Cette structure institutionnelle continue de marquer la construction européenne. A côté de ces institutions, on met en place un organe paritaire : le comité consultatif. Il comprend, en nombre égal, des producteurs, des travailleurs, des utilisateurs et négociants. A l'origine, composé de 51 membres, le Comité consultatif de la CECA a augmenté au fur et à mesure des adhésions de nouveaux États membres à la Communauté. D’un point de vue économique, la Communauté a assuré le développement de la production et de la distribution des ressources en facilitant les restructurations et reconversions industrielles nécessaires à l’époque. La production d'acier a ainsi quadruplé par rapport aux années 1950. Par ailleurs, elle a grandement contribué à l’amélioration sociale de la situation des travailleurs du secteur et de leur famille. Dans la lignée de l’institution de la CECA et de son succès et compte tenu du contexte géopolitique général, on tente de construire une communauté plus politique. Une Communauté Européenne de Défense est proposée. Une CED, que l’Assemblée nationale française jettera. §2 : L’échec de la Communauté Européenne de Défense. 7 Dans le contexte de la guerre froide, les américains souhaitaient un réarmement rapide de l’Allemagne afin de renforcer les forces de l’Ouest face au bloc soviétique. Ce projet suscitait de fortes réticences en Europe. En France, le Président du Conseil, René Pleven, proposa d’intégrer cette future armée allemande dans une structure européenne afin de mieux l’encadrer et aussi de la contrôler. Ainsi, un projet de Communauté Européenne de Défense fut élaboré, considéré comme un premier pas vers la constitution d’une Europe politique. On devait mettre en place, d’un point de vue institutionnel, une véritable structure politico-militaire. En outre une assemblée ad hoc devait élaborer un projet de Communauté Politique européenne (CPE) rédigé en 1954 proposant la création d’une Europe fédérale. Ce fut un échec, l’Assemblée nationale française rejeta l’ensemble des textes le 30 août 1954. Ce fiasco porte un coup sévère au mouvement d’intégration européenne. Il a révélé les oppositions existantes parmi les politiques mais également au sein de l’opinion publique moins enthousiaste qu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Cependant, certains dirigeants des États membres de la CECA, européens convaincus, vont immédiatement proposer à leurs partenaires de nouveaux projets d’intégration de nature cette fois-ci seulement économique. §3 : Les Traités de Rome : la CEE et la CEEA. Lors du Conseil des Ministres de Messine en 1955, deux voies sont envisagées, d’une part, des actions sectorielles (transports et de l'énergie), d'autre part, la construction d'un marché commun. Les négociations commencent. Ces travaux aboutirent à la signature, le 25 mars 1957, à Rome, des deux traités instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE). Les ratifications furent rapidement et facilement obtenues. Comme prévu, l'entrée en vigueur des traités eut lieu le 1er janvier 1958. La CEEA n’aura qu’un succès limité contrairement à la CEE qui constitue véritablement le cœur de la construction communautaire. On commencera par traiter des objectifs de la CEE (A) avant de s’attarder sur son volet institutionnel (B). On traitera ensuite des modifications dont les Traités ont fait l’objet, modifications qui concernent essentiellement le Traitée CEE (C) A) Les objectifs de la CEE. Les objectifs de la CEE sont énoncés dans l’article 2 du Traité de Rome. Il s’agit d’unifier les économies des États membres par un marché commun et des politiques communes dans divers secteurs économiques. Le marché commun envisagé se compose de trois éléments : 1°/une zone de libre échange au sein de laquelle les marchandises, les services, les personnes (physiques ou morales) et les capitaux puissent circuler librement, l’édification de cette zone s’accompagne souvent de mesures d’harmonisation afin de dépasser les obstacles liés aux différences de réglementations existant au sein des États. 2°/la création d’une union douanière (qui sera mise en place dès 1968, soit deux ans avant la date prévue) et donc la mise en place d’un tarif douanier extérieur commun pour l’ensemble de l’espace communautaire. C'est-à-dire que vis-à-vis de l’extérieur extra-communautaire, les droits de douanes sont tous identiques quel que soit l’État membre concerné. 3°/un droit de la concurrence pour éviter que les entreprises aient recours à des pratiques abusives et pour éviter que les États ne contournent les règles relatives aux libertés communautaires (i.e. : les libertés de circulation) principalement par le biais des aides d’État. 8 L'article 8 du traité CEE prévoyait que la réalisation du marché commun s'établira au cours d'une période transitoire de 12 ans. Les droits de douanes seront pour l’essentiel éliminés à la fin de la période de transition, le 1er janvier 1970. A côté de ce marché commun, un ensemble de politiques communes sont mises en place. En termes de volumes financiers, c’est tout d’abord la Politique Agricole Commune qui, sur l’insistance de la France, occupe alors la part la plus importante. Le financement de la CEE est assuré par des contributions nationales. Le Traité prévoit toutefois la possibilité de ressources propres (mises en place ultérieurement) notamment grâce aux recettes du tarif douanier extérieur commun. Au niveau institutionnel, la CEE reprend le cadre quadripartite prévalant au sein de la CECA mais aménage les compétences. B) Les institutions de la CEE. Si le schéma institutionnel est maintenu, les prérogatives dévolues à certaines institutions sont différentes. L’équilibre institutionnel n’est pas le même dans la CECA et dans la CEE. L’organe intergouvernemental devient l’organe de décision principal, la Commission européenne (équivalent de la Haute Autorité) ne disposant plus du pouvoir de décision mais plutôt d’un pouvoir d’impulsion et d’exécution dans l’intérêt de la Communauté. 1°/ on crée une Commission pour chacune des nouvelles Communautés qui s’ajoutent à la Haute autorité. La Commission est la garante de l’intérêt communautaire et gardienne des Traités. Elle dispose du monopole du pouvoir d’initiative et est également chargée d’appliquer et de faire exécuter les décisions prises par le Conseil des ministres. 2°/ Une assemblée Parlementaire européenne commune aux trois Communautés. Elle représente les peuples européens. Renommée en 1962 « Parlement européen ». Elle exerce des pouvoirs de délibération et de contrôle et peut renverser la Commission par l’adoption d’une motion de censure à la majorité des deux tiers. Dans le cadre du processus décisionnel CEE, elle dispose d’un simple pouvoir consultatif. A l’origine composée de parlementaires nationaux, il est prévu que cette assemblée parlementaire soit élue au Suffrage Universel. Il faudra attendre l’acte Acte annexé à la "décision" du Conseil des ministres du 20 septembre 1976 pour que les États se décident à concrétiser cette élection et se mettent d’accord sur ses modalités. (Première application en 1979) 3°/ Le Conseil des ministres. Il est composé des ministres des États membres et représente les États au sein de la Communauté. C’est lui qui dispose du pouvoir décisionnel dans les deux nouvelles Communautés. Il doit cependant consulter l’Assemblée. Initialement, la plupart des décisions dans les domaines de compétences communautaires doivent se prendre à l’unanimité. Il est prévu qu’à l’issue d’une période de transition (entre 12 et 15 ans) les décisions passent à la majorité qualifiée dans un nombre important de domaines. 4°/ La Cour de Justice gardienne de la légalité communautaire devient compétente pour les trois Communautés. La CEE réalise indéniablement une modification de l’équilibre institutionnel en faveur du Conseil des ministres et donc du pôle étatique. (Mélange de la logique intégrative et de la logique intergouvernementale) 9 C) Les modifications des Traités entre 1957 et 1992. Plusieurs traités vont être à l’origine d’adaptations institutionnelles (1). Mais l’Acte Unique européen (2) est spécifique par sa dimension généraliste et par l’importance des modifications qu’il engendre. Sur un plan politique : il assure une relance de l’entreprise européenne. 1°/ Les adaptations institutionnelles. a) Le traité de fusion des exécutifs du 8 avril 1965 (le Traité de Bruxelles). La création de plusieurs Communautés a pour inconvénient de multiplier les organes et institutions risquant de faire double emploi. Au moment de l’adoption des Traités de Rome, une Convention additionnelle prévoit que la Cour de Justice et l’Assemblée parlementaire seront communes aux Communautés. Le Traité de Bruxelles du 8 avril 1965 (dit « traité de fusion des exécutifs ») est venu finaliser cette unification en remplaçant les trois Conseils des ministres (CECA, CEE, CEEA) en un Conseil unique, et les deux Commissions (CEE, CEEA) et la Haute autorité CECA, en une seule Commission, la Commission européenne. Par ailleurs, les administrations sont également refondues en une administration unique. Cette fusion améliore la cohérence et l’efficience des institutions. Il convient de noter cependant que les trois traités demeurent et ne sont pas fondus en un seul, les trois Communautés continuent donc d’exister juridiquement de manière indépendante. Les prérogatives des institutions restent différentes suivant la Communauté concernée. Ainsi, si la Commission intervient dans le cadre de la CECA, elle dispose d’un pouvoir décisionnel, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la CEE et de la CEEA. Le Traité de Bruxelles instaure également une administration et un budget unique pour les trois Communautés. Toutefois les ressources de chacune restent distinctes. Enfin, il officialise l’existence du COREPER (comité des représentants permanents). Celui-ci rassemble les diplomates (en provenance des États membres) qui sont en permanence affectés aux institutions communautaires devient un organe officiel des Communautés. La question budgétaire fera l’objet de deux traités supplémentaires. b) Les Traités budgétaires du 22 avril 1970 (Luxembourg) et du 22 juillet 1975 (Bruxelles). Ils renforcent les pouvoirs du Parlement. Le traité de Luxembourg de 1970 lui attribue le droit d’arrêter formellement le budget des Communautés. Le traité du 22 juillet 1975, marque une étape supplémentaire Il prévoit tout d’abord que les propositions de modifications budgétaires émanant de l’Assemblée seront réputées acceptées par le Conseil sauf si celui-ci s’y oppose explicitement. Il donne au Parlement la faculté de rejeter le budget. Ainsi, depuis 1975, le Conseil et le Parlement ont des pouvoirs de décision complémentaires dans la procédure budgétaire. Par ailleurs, le Traité de Bruxelles est également à l’origine de la création de la Cour des comptes. Elle entrera en fonction en octobre 1977. Elle est chargée d’assurer le contrôle des comptes et des dépenses de chaque institution. Ces trois Traités portaient sur des domaines précis. Ce n’est pas le cas de l’Acte Unique Européen qui, lui, avait une vocation généraliste. 2°/ L’Acte Unique Européen : la relance européenne et l’achèvement du marché commun. Le Sommet de Paris lance la réflexion et les travaux en vue de « définir une conception d'ensemble de l'Union européenne ». C’est à la suite de ces travaux que l’Acte unique européen a été signé à Luxembourg les 17 et 28 février 1986 (eev 1er juillet 1987). Il s’agit d’un traité modificateur dans le sens où il vient réviser les traités antérieurs. L’AUE est signé par neuf des douze États membres le 17 février 10 1986. Trois autres mettront plus de temps. Le Danemark et la Grèce étaient très réticents tandis que l’Italie souhaitait que le texte aille plus loin dans le sens de l’intégration et renforce encore plus les pouvoirs du Parlement européen. Finalement et après un référendum danois positif, le Danemark signe, suivi le jour même par les deux autres pays. C’était le 28 février 1986 à la Haye. L'AUE qui amende les traités constitutifs des Communautés européennes, entre en vigueur le 1er juillet 1987. En soi, l’AUE ne comporte que des dispositions relatives aux institutions, au processus décisionnel et aux compétences de la Communauté. *Au plan institutionnel= il donne une base juridique au Conseil européen qui réunissait jusque-là les chefs d’États et de gouvernement des États membres de manière informelle. Il ne doit pas être confondu avec le Conseil (Conseil des ministres). Il consacre l’appellation de "Parlement européen", de l’Assemblée. Et il prévoit la création du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPI) pour désengorger la Cour et d’instaurer un double niveau de juridiction. Le TPI sera effectivement créé en 1988. *Le texte crée deux nouvelles procédures favorables au Parlement européen : 1/ la procédure de coopération permettant au Parlement de rejeter, à la majorité absolue et en deuxième lecture, la décision du Conseil et d'amender les propositions de la Commission. (Le Conseil ne peut passer outre l’opposition du PE que s’il adopte sa décision à l’unanimité). 2/ la seconde procédure est limitée aux Traités d’adhésion et d’association. Dans ces deux domaines, le Parlement dispose désormais d’un pouvoir d’avis conforme. Enfin, l’AUE offre de nouveaux domaines de compétences à la Communauté. On met en place de trois nouvelles politiques communes : la cohésion économique et sociale, c'est-à-dire la politique régionale ; l’environnement et la politique de recherche et de développement technologique. On introduit d’ailleurs le principe de subsidiarité au sein du droit communautaire. L’AUE a relancé la construction européenne, mais c’est avec le Traité de Maastricht qu’un tournant est marqué. De Maastricht à Lisbonne l’Union européenne avance à un rythme ponctué par les crises. Section 2 : De Maastricht à Lisbonne : l’Union européenne difficile. La réunification allemande consécutive à la chute du bloc de l’Est constitue la principale clef d’explication à la création de l’Union européenne et au renforcement de l’intégration qui découle du Traité de Maastricht. Dès sa rédaction, ce traité avait cependant été envisagé comme une étape vers un renforcement sans cesse croissant de l’intégration. Ce renforcement se fera dans la douleur. Après le Traité de Maastricht (§1), les Traités d’Amsterdam et de Nice n’obtiendront que des résultats modestes (§2). En changeant les méthodes de négociation et en confiant la rédaction du texte à une Convention et non pas simplement aux représentants des seuls Etats membres, le Traité dit « constitutionnel » réussissait, tant bien que mal, là où les deux textes antérieurs avaient échoué. Malgré son approbation par la très grande majorité des Etats, le texte ne sera jamais ratifié mais son contenu sera très largement repris par le Traité de Lisbonne. (§3). §1 : Le Traité de Maastricht : la création de l’Union européenne. On commencera par aborder le contexte historique du Traité de Maastricht (A) avant de traiter de son contenu (B). 11 A) Historique du Traité de Maastricht. Les 27 et 28 octobre 1990, le Conseil européen de Rome fixe les objectifs principaux pour le contenu du futur Traité. Le Royaume-Uni s’oppose à une extension de la logique communautaire (intégration) notamment en matière de politique étrangère et d’affaires intérieures. Il préfère un système plus traditionnel : coopératif et intergouvernemental. Finalement la présidence Luxembourgeoise remet aux négociateurs le 17 avril 1991, un projet de compromis qui repose sur trois piliers. Un premier pilier fondé sur les Communautés européennes préexistantes, un deuxième pilier consacré à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et un troisième pilier sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI). Les deux nouveaux piliers (II et III) sont régis par une logique intergouvernementale tandis qu’on approfondit l’intégration au sein du premier. La réunion des trois piliers constitue l’Union européenne. Le traité sur l’Union européenne est signé à Maastricht le 7 février 1992. Il faudra cependant attendre le 1er novembre 1993 pour qu’il entre en vigueur. Le contexte est très peu favorable à la ratification du Traité. De manière générale les conditions économiques et sociales sont très dégradées en 1992. L’Europe a fait la preuve de son impuissance sur la scène internationale. Enfin, le texte est quasiment incompréhensible pour les non spécialistes et ouvre ainsi un boulevard aux pires interprétations démagogiques. Il modifie en profondeur la construction européenne telle qu’elle existait avant lui. B) Le contenu du Traité de Maastricht. Le traité de Maastricht crée l’Union européenne. Il est apparu comme une étape majeure. « On peut dater du traité de Maastricht l’irruption de la dimension politique dans la vie publique européenne, et ceci sous plusieurs aspects »1. Il marque en effet un tournant de la construction européenne vers le politique. L’émergence d’une citoyenneté européenne qui s’inscrit dans la dynamique de l’édification d’une démocratie au niveau européen, la mise en place d’une politique étrangère et de sécurité commune ainsi que celle d’une coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, la création d’une monnaie unique, l’exercice de compétences dans le domaine de la culture, de l’éducation et enfin, l’appellation d’Union européenne sont autant de marqueurs de cette dimension politique. Pour autant, le traité de Maastricht, pas plus que les traités suivants, n’aboutissent à la création d’une intégration politique achevée. L’Union européenne ainsi créée, repose sur une structure en piliers (1). Le contenu de chacun de ces piliers doit être évoqué (2). 1) Une structure en piliers. L’Union regroupe trois piliers. La CEE (qui devient la Communauté Européenne ou CE), la CECA et la CEEA constituent le premier pilier. Celui-ci fonctionne selon une logique d’intégration conforme, et même approfondie par rapport à celle des Traités de Rome. Les deuxième et troisième pilier, à savoir respectivement la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) et la Justice et Affaires Intérieures (JAI) fonctionnent, eux, selon une logique intergouvernementale classique. 1 Jacques Delors 12 Dès lors, si d’un côté, le Traité de Maastricht renforce l’intégration, de l’autre il introduit une dose massive de logique intergouvernementale dans la construction européenne. Il y a donc une ambigüité très profonde du Traité. Cette distinction entre piliers a des conséquences dans l’organisation du Traité. Ce dernier se divise en deux types de dispositions. Il y a d’une part, les articles TUE (Traité sur l’Union Européenne) et d’autre part les articles TCE (Traité sur la Communauté Européenne). Les premiers concernent les dispositions générales applicables à l’ensemble de la structure (conditions d’adhésion des États par exemple) ainsi que les dispositions relatives au deuxième et troisième pilier. Les seconds sont relatifs à la CE. 2) Le contenu des piliers. a) Le pilier communautaire : un renforcement de l’intégration. Le pilier communautaire intègre la CEE, CEEA et CECA. Il est désormais dénommé pilier CE, (Communauté Européenne). C’est un marqueur de la réorientation de la construction européenne vers des horizons plus politiques. Le Traité est à l’origine d’avancées : Au niveau matériel= - Création d’une citoyenneté européenne - Finalisation d’une union économique et monétaire (économique : marche unique, coordination des politiques économiques, fixation d’objectifs communs dans le respect de l’économie de marché et de la libre concurrence ; monétaire : création à terme d’une monnaie unique). Au niveau institutionnel : - Création de la procédure de codécision qui place le Parlement européen en position de co- législateur. Cette nouvelle procédure ne concerne cependant pas encore l’ensemble de matières relevant du pilier communautaire. - Le Parlement européen est associé à la désignation des membres de la Commission, sous la forme de droit d’investiture. - Extension des domaines dans lesquels le Conseil vote à la majorité qualifiée. - La Cour des comptes devient une institution à part entière au sens juridique du terme. Il y a un véritable approfondissement de l’intégration communautaire : à la fois par l’intervention de la Communauté dans des champs de compétence plus étendus et souvent politique, par le renforcement du rôle du PE et par l’extension de la majorité qualifiée. Toutefois cet approfondissement doit être nuancé car à coté de ce premier pilier, on met en place deux autres piliers qui sont, eux, régis par une logique intergouvernementale. b) Le deuxième pilier : le pilier politique étrangère et de sécurité commune (PESC) La sempiternelle opposition entre les pays les plus intégrateurs (l’Allemagne notamment) et les pays les moins intégrateurs (Royaume-Uni notamment) s’est traduite par une européanisation de la politique étrangère mais sur un mode intergouvernemental. Ce pilier prévoit la poursuite de toute une série d’objectifs en commun : « la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l’indépendance de l’Union », le « renforcement de la sécurité de l’Union et de ses États membres sous toutes ses formes », le « maintien de la paix et de la sécurité internationale, la promotion de la coopération internationale, le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». 13 Pour atteindre ces objectifs, le traité prévoit une « coopération systématique entre États membres sur les questions de politique étrangère et de sécurité ». La dimension coopérative implique que les États gardent la haute main sur le processus décisionnel et que celui-ci se caractérise par l’usage de l’unanimité. (On reviendra dans la suite du cours sur les processus décisionnels au sein de la PESC, sur les différents actes susceptibles d’être adoptés et sur le rôle des différentes institutions). Pour la mise en œuvre de la PESC, l’Union, qui ne dispose pas d’une représentation diplomatique propre, doit coordonner les représentations diplomatiques et consulaires des États membres dans les pays tiers et au sein des différentes organisations internationales, en particulier au Conseil de sécurité de l’ONU et dans les différentes organisations des Nations unies. L’État exerçant la présidence semestrielle du Conseil, représente l’Union pour les matières relevant de la PESC. Il est responsable de la mise en œuvre des actions communes. La Commission est cependant associée. Les résultats obtenus par la PESC dans les années suivant le traité de Maastricht ont été limités et décevants. La déception la plus vive est celle relative au conflit yougoslave. Les États membres n’ont pas été d’accord pour intervenir dès le début du conflit. L’Union européenne a ainsi donné l’impression d’être incapable de régler un conflit survenant à sa porte. Toutefois elle a joué un rôle diplomatique important à partir de novembre 1993 en définissant un plan d’action dont s’inspirera le « groupe de contact » (USA, ONU, Union européenne, Russie) et qui sera appliqué par les accords de Dayton imposés par les États-Unis et signés à Paris. La PESC a toutefois permis de développer une activité diplomatique à l’échelle mondiale. L’Union européenne a engagé un dialogue politique avec de nombreux États, en particulier avec les pays candidats à l’adhésion pour mieux les préparer. Elle a déployé une diplomatie préventive pour réduire les risques de tension dus aux problèmes de minorités en Europe centrale (Pacte de stabilité signé à Paris le 21 mars 1995). Elle a conclu des accords de partenariat avec la Russie (24 juin 1994) puis avec les autres républiques ex-Soviétiques. L’Union européenne a également développé une stratégie globale envers certaines zones géographiques et établi des contacts avec les organisations régionales d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine. Elle a engagé une action d’association euro-méditerranéenne (Conférence de Barcelone, 27 et 28 novembre 1995) qui n’a cependant pas donné les résultats escomptés. Elle a maintenu la position commune sur le conflit israélo-arabe adoptée au Conseil européen de Venise (12- 13 juin 1980) reconnaissant les droits du peuple palestinien comme ceux d’Israël. Elle a soutenu financièrement le processus de paix puisqu’elle est la principale pourvoyeuse d’aide pour la région, notamment au bénéfice des palestiniens. Toutefois la seconde guerre en Irak a donné la mesure des divisions européennes et des limites de la PESC. c) Le troisième pilier : le pilier sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI). La libre circulation des personnes et des marchandises notamment avait rendu nécessaire une action européenne sur les questions de sécurité. C’est chose faite avec la création du troisième pilier. Celui-ci énumère un certain nombre de domaines d’intérêt commun liés aux affaires intérieures, à la sécurité et à la justice. Il s’agit de la politique d’asile, de règles régissant le franchissement des frontières extérieures de l’Union, de la politique d’immigration, de la politique à l’égard des ressortissants des pays tiers, de lutte contre la toxicomanie et de la fraude de dimension internationale, de la coopération judiciaire en matière civile et pénale, de la coopération douanière et policière. Il est toutefois bien précisé que les États membres conservent les responsabilités du maintien de l’ordre public et de la sauvegarde de la sécurité intérieure. 14 Dans la mesure où ces matières touchent les compétences souveraines des États, c’est également ici la méthode intergouvernementale qui est employée. Cela implique donc un rôle très important des États, des décisions à l’unanimité, et une minoration des pouvoirs des organes communautaires comme la Commission, le Parlement et la Cour de justice de l’UE. Cette dernière n’est d’ailleurs compétente dans ce domaine, que si les États le décident. Dans le cadre de la JAI, elle tient donc plus le rôle d’une juridiction internationale classique que d’une juridiction interne comme c’est normalement plutôt le cas. Il existe cependant de nombreux liens entre les matières régies par le JAI et certaines matières communautarisées, c’est notamment le cas de la libre circulation des personnes. C’est la raison pour laquelle, le TUE prévoit une clause « passerelle », technique permettant de transférer au pilier communautaire certaines des matières relevant du pilier JAI (à l’exception de la coopération judiciaire pénale, de la coopération douanière et de la coopération policière). C’est ce qui sera décidé par le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. Si le traité de Maastricht est important, il ne constitue cependant qu’une étape dans le processus menant à « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ». La preuve en est qu’il comporte une clause de révision prévoyant une nouvelle conférence intergouvernementale dès 1996. La clause avait été demandée par les États qui estiment insuffisantes certaines dispositions du traité et qui souhaitaient une intégration plus profonde et plus systématique (Allemagne, France et la Belgique notamment). Cette clause explique qu’on se remit très rapidement à l’ouvrage pour rédiger ce qui allait devenir le Traité d’Amsterdam, lequel sera rapidement suivi du Traité de Nice. §2 : Les Traités d’Amsterdam et de Nice. Le Traité d’Amsterdam (A) puis celui de Nice (B) ont pour point commun de ne répondre qu’insuffisamment aux attentes qu’ils suscitaient. Il s’agissait à la fois de réaliser un approfondissement de l’intégration et d’adapter la structure institutionnelle à un élargissement d’une ampleur inédite puisqu’il ne concernait pas moins de 12 États. Si les avancées de ces traités sont modestes, elles n’en sont pas pour autant inexistantes ou négligeables. A) Le Traité d’Amsterdam. Le contexte politique peu propice explique que le texte n’a pas été à la mesure des enjeux. La Grande-Bretagne est, évidemment, peu disposée à avancer. Sur tous les dossiers, elle défend une option intergouvernementale. L’arrivée au pouvoir de Tony Blair le 1er mai 1997 assouplit cependant la position britannique. Toutefois, c’est surtout le moteur franco-allemand qui commence à avoir des ratés. Édouard Balladur n’est pas un européen convaincu et François Mitterrand est affaibli par la maladie. La France, à l’inverse de l’Allemagne et du Benelux ne défend pas un renforcement important et globalisé de l’intégration. L’arrivée à la présidence de la République de Jacques Chirac, le 17 mai 1995, mettra fin à cette divergence de vue. L’accalmie est cependant de courte durée. Lionel Jospin qui arrive au pouvoir le 2 juin 1997 n’est pas un européen convaincu et il veut marquer sa différence avec les options économiques défendues par les démocrates-chrétiens allemands. La valse des alternances côté français rend difficile les négociations. Les autres États membres quant à eux sont divisés sur les réformes à proposer. Il y a toutefois un sujet sur lequel tout le monde est à peu près d’accord : préserver ses prérogatives au sein des institutions (nombre de commissaire, nombre de voix au sein du Conseil…). C’est dans ce contexte que le traité d’Amsterdam est signé le 2 octobre 1997. Il entre en vigueur le 1er mai 1999. Les apports du Traité sont modestes mais ils touchent de nombreux domaines : 15 Sur le plan des dispositions générales : - Un renforcement de l’affirmation du respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques grâce à l’article 6 TUE. - Le TA met fin au principe d’une intégration uniforme. Trois articles sont ajoutés au traité sur l'Union européenne (articles 43 à 45 TUE). Ils permettent aux États membres le souhaitant d'instaurer entre eux une coopération renforcée dans certains domaines. Ces accords permettent aux États membres d'approfondir la coopération entre eux tout en laissant la porte ouverte aux autres États membres susceptibles de suivre ultérieurement. Le terme coopération n’est toutefois pas très bien choisi car il s’agit d’aller plus avant dans une logique d’intégration avec les institutions communautaires dans un domaine donnée. Cette technique n’a cependant pas eu de succès. Cela s’explique à la fois par la complexité du processus (cependant simplifié par le Traité de Nice) et surtout par les difficultés diplomatiques que susciteraient une intégration renforcée à quelques-uns dans un cadre communautaire. Les seules intégrations renforcées se sont d’abord déroulées dans un cadre extra-communautaire pour être ensuite repris au sein de celui-ci (exemple : les accords de Schengen). - Le TA procède également à une renumérotation générale du traité. Sur un plan institutionnel : - C’est à ce niveau que le TA est décevant. Cela aurait pourtant dû être l’objet principal du traité. Il s’agissait d’adapter les institutions à l’arrivée des nouveaux États membres. Parmi les enjeux principaux d’un point de vue institutionnel l’un consistait à recalculer les voix de chaque États au sein du Conseil afin de prendre en compte les futurs arrivants. L’autre consistait à régler la question du nombre de commissaire afin que l’entrée des nouveaux États n’entraine pas une Commission pléthorique. On n’arrive à régler aucun de ces problèmes. Les choses restent en l’état. On se contente de poser des principes pour une future réforme dans un protocole annexe « sur l’élargissement de l’Union ». - On procède toutefois à une légère extension des matières où le Conseil décide à la majorité qualifiée et surtout une extension importante des matières au sein desquelles on applique la codécision. Sur le plan matériel : il y a un élargissement et un renforcement de certaines compétences communautaires, notamment dans les domaines de l’emploi, de la politique commerciale commune, de la santé, de l’environnement… Concernant le deuxième pilier (PESC) : le TA crée un Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne et un Haut Représentant pour la PESC. On met également en place des procédures nouvelles, une consolidation des relations avec l’Union de l’Europe Occidentale (une organisation européenne de défense et de sécurité). De plus, le TA affirme la vocation de l’UE à répondre aux missions dites de Petersberg. Il s’agit de missions humanitaires et d’évacuations ainsi que des missions de maintien de la paix. Ces missions incluent notamment des missions de combat pour la gestion des crises en vue d’un rétablissement de la paix. Concernant le troisième pilier (AIJ) : le TA fait basculer de nombreux d’éléments du JAI dans le pilier communautaire (communautarisation). C’est le cas de tout ce qui a trait à l’asile, à l’immigration, à la politique des visas ou au franchissement des frontières. Seules subsistent dans le pilier intergouvernemental la coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale. Le troisième piler change donc de nom et devient le pilier Coopération Policière et Judiciaire en matière Pénal (CPJP). Les résultats décevants du Traité d’Amsterdam expliquent que l’on ait souhaité rapidement adopter un nouveau texte. B) Le Traité de Nice. 16 Les 3-4 juin 1999, le Conseil européen de Cologne lance le principe d’une nouvelle CIG pour l’année 2000 dont l’objectif est de régler les questions institutionnelles qu’Amsterdam n’avait pas réussi à solutionner. Le Parlement européen pour sa part souhaitait que l’on s’engage dans la voie d’une réforme globale et ambitieuse. Lors du sommet de Nice, on assiste à la plus longue négociation interétatique de la construction européenne en raison de l’importance des blocages. Le TN ne répond pas aux ambitions placées en lui mais comporte quelques résultats tangibles, notamment sur un plan institutionnel. Les modifications les plus notables sur ce plan sont les suivantes : - Une extension importante des matières où le Conseil décide à la majorité qualifiée. (Notamment en matière d’enseignement et recherche, de service d’intérêt général, de santé et de sécurité des consommateurs, de sécurité maritime…) - Dans la perspective de l’élargissement, le texte procède à une repondération du calcul des voix attribuées à chaque État lors des votes au sein du Conseil. Le nombre total de voix est modifiée ainsi que le seuil de la majorité qualifiée. - Une extension des domaines dans lesquels la procédure de codécision d’applique. Elle devient la procédure de droit commun. - L’organisation juridictionnelle est réformée. Le traité étend les compétences du Tribunal de Première Instance - Le TN limite le nombre maximal de députés au sein du PE. Ce qui implique une nouvelle répartition des sièges. Pour la première fois, il y a un décrochage entre la France et l’Allemagne au bénéfice de cette dernière qui est plus peuplée2. - L’organisation de la Commission européenne fait l’objet d’une réforme. Tout d’abord, le Traité de Nice limite le nombre de commissaires. L’objectif est d’éviter une Commission trop nombreuse et donc inefficace. Cette limitation doit s’effectuer en deux temps. À partir du 1er janvier 2004 la Commission est composée d’un commissaire par État membre (auparavant, il y avait 2 commissaires par grand État et un par petit). Par la suite, il est prévu que le nombre de commissaires soit inférieur au nombre d’État. Un système de rotation égalitaire est proposé. - Le Président de la Commission voit ses pouvoirs renforcés et sa désignation ne se fait plus à l’unanimité des États mais à la majorité qualifiée. Par ailleurs, et sans que cela n’ait de lien juridique avec le traité de Nice, le Conseil européen proclame et adopte à Nice, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le 18 décembre 2000. Elle sera proclamée officiellement le 14 décembre 2007 à Strasbourg. Cette Charte avait été rédigée à la demande des États et des institutions par une Convention réunissant des experts, des représentants des États, du Parlement européen et de la Commission. La Charte rassemble dans un seul texte l’ensemble des droits fondamentaux défendus et respectés par la Communauté et l’Union. Malgré la réforme des institutions, le traité de Nice reste décevant. Les solutions institutionnelles proposées tiennent plus du bricolage que de la réponse ambitieuse et réfléchie. De manière générale, il y a une absence totale de réflexion sur la nature et le devenir de la construction européenne. La presse et les médias s’étaient d’ailleurs montrés particulièrement incisifs envers ce texte. Même le Conseil européen devait être conscient des lacunes du TN puisqu’une déclaration sur l'avenir de l'Union lui a été annexée. Les chefs d’État et de gouvernement ont souhaité qu'un débat à la fois plus 2 Avec le Traité de Nice, l’Allemagne bénéficie de 99 députés contre 78 pour la France durant la législature 2004-2009 et 72 pour la législature 2009-2014. 17 large et plus approfondi s'engage. Ce débat devait associer les parlements nationaux et l'ensemble de l'opinion publique ainsi que les pays candidats et mener à la convocation d'une nouvelle CIG en 2004. Rapidement après le traité de Nice, les politiques de part et d’autre du Rhin tentent de reprendre la main et de relancer la machine européenne en proposant des objectifs ambitieux : Joschka Fischer le 12 mai 2000 propose ainsi une Fédération européenne fondée sur un traité constitutionnel tandis que Jacques Chirac utilise le terme de constitution dans un discours au Bundestag le 27 juin 2000. Les objectifs sont les mêmes : éviter la dilution de la construction européenne dans un grand marché sans projet politique. Cette volonté de proposer un texte plus ambitieux et d’en finir avec les réformes à minima prendra corps dans le Traité de Rome établissant une Constitution pour l’Europe signée le 29 octobre 2004. §3 : Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe et le Traité de Lisbonne. Le TECE est un texte ambitieux mais qui n’est jamais entré en vigueur (A). Le Traité de Lisbonne reprend l’essentiel des dispositions du texte expurgé de sa dimension symbolique (B). A) Le TECE : un texte ambitieux jamais entré en vigueur. Avant d’étudier le contenu du texte (2), il est nécessaire de s’attarder sur les conditions de son élaboration et sur les circonstances de sa non-ratification (1). 1) L’élaboration et la non-ratification du texte. L’élaboration (a) tout comme les circonstances de l’échec politique du texte (b) méritent quelques développements. a) L’élaboration du texte. Les négociations des Traités d’Amsterdam et de Nice avaient montré les limites des réunions diplomatiques classiques. Les États membres décident de changer de méthode. Ils confient la rédaction du texte à une Convention et non pas à une CIG. Se faisant, ils s’inspirent de la formule d’élaboration utilisée pour la Charte des droits fondamentaux de l’Union de 2000. Cette Convention pour l’avenir de l’Europe3, réunit 105 conventionnels : représentants des États membres (députés, sénateurs et expert choisi par le gouvernement), des membres du Parlement européen, des représentants de la Commission européenne est présidée par Valéry Giscard d'Estaing et accompagné de deux vice-présidents Giuliano Amato (notamment ancien président du Conseil italien) et Jean-Luc Dehaene (notamment ancien premier ministre belge). Ses travaux se sont effectués dans une transparence absolue : tous les textes figuraient sur le site de la Convention et les débats pouvaient être suivis par le public. Toutefois, malgré cette logique d’ouverture et de transparence, les réunions de la Convention ont finalement rencontré peu d’échos dans les opinions publiques : les questions soulevées étaient certainement un peu trop complexes et techniques. Le rapport définitif a été soumis au Conseil européen de Thessalonique, le 20 juin 2003. Puis le texte a été confié à une CIG et adopté par lors du conseil européen. On signe le texte à Rome, un symbole fort, 3 On peut noter que le vocabulaire n’est pas neutre puisque c’est une « convention nationale » qui sera à l’origine de la constitution de 1793. 18 le 29 octobre 2004 pour entrer par la suite dans la phase des ratifications qui allait s’avérer, comme chacun le sait, problématique. b) La non-ratification du texte. Le TECE devait être ratifié par tous les États membres pour entrer en vigueur. Seuls 18 États sur vingt-sept ont procédé à la ratification essentiellement par la voie parlementaire. Cependant, l’Espagne et le Luxembourg ont approuvé le Traité par référendum avec des scores assez élevés : respectivement 76,73% et 56,52%. Quoi qu’il en soit, le processus de ratification a fini par être reporté sine die suite aux résultats négatifs des référendums dans deux États : la France et les Pays-Bas. La première votre non à 54,7% le 29 mai 2005. Les seconds le 1er juin 2005 et à 61,6%. Cet échec a entrainé un relatif isolement diplomatique de la France et a, de manière générale, affaibli l’Europe. En réaction, les États membres se sont orientés vers un Traité qui reprend l’essentiel du TECE en l’expurgeant de sa dimension symbolique. Avant d’évoquer le Traité de Lisbonne, il faut d’abord se pencher sur le contenu du traité constitutionnel 2) Le contenu du Traité établissant une Constitution pour l’Europe. On ne traitera ici que des éléments spécifiques au TECE. Ceux qui sont repris dans le TL seront exposés lors des développements consacrés à ce dernier texte. Une exception toutefois à ce parti pris : elle consiste à préciser que le TECE (comme le TL) abolit la structure en pilier au bénéfice d’une structure unique et globalisante. Il n’y a désormais qu’une Union européenne. Des procédures spécifiques sont cependant maintenues dans certains domaines de compétence de l’Union. Ainsi, la politique étrangère et de sécurité commune continue de reposer sur une logique intergouvernementale. Toutes les matières ne sont donc pas communautarisées. Sur la forme, le TECE se divisait en quatre parties : - Une première partie institutionnelle qui comprenait de nombreuses dispositions permettant à l’UE de rationaliser et d’améliorer le fonctionnement de l’UE. - La deuxième partie est constituée de la charte des droits fondamentaux qui bénéficie ainsi d’un véritable statut juridique et se trouve située au sommet de la hiérarchie des normes de l’Union. Elle acquiert de fait une portée contraignante identique à celle du droit primaire. - La troisième partie porte sur les politiques et le fonctionnement de l’Union. Il s’agit globalement d’une reprise des dispositions du pilier communautaire du traité de Rome à Nice. - La quatrième partie est consacrée aux dispositions générales et finales (champ d’application territoriale, succession des traités…) Sur le fond, le TECE comportait de très nombreuses avancées. L’essentiel des avancées institutionnelles et matérielles se retrouvent dans le TL. Ce qui caractérise le TECE par rapport au TL, c’est la dimension symbolique et le renforcement de la connotation politique de l’UE qu’elle implique. L’Union se voit ainsi officiellement dotée d’un ensemble de symboles qui sont habituellement réservés aux États : drapeau, hymne (ode à la joie de Beethoven), une devise (unie dans la diversité) et une journée de l’Europe (le 9 mai en commémoration de la date de la déclaration Schuman). L’utilisation du terme constitution est également très politique et très symbolique tout comme celle de loi et de loi-cadre européenne en remplacement des règlements et des directives. Il en va de même de la création d’un ministre des affaires étrangères de l’Union. 19 Dans le même ordre d’idée, c'est-à-dire le renforcement de la dimension politique, le projet de Traité présentait pour la première fois de manière ordonnée les valeurs sur lesquelles se fonde l'Union européenne. Le préambule du traité dit constitutionnel reconnaît ainsi les "héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe", ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit. Il s’agit des valeurs communes censées susciter l’adhésion des européens. Enfin, et il s’agissait d’avaliser la jurisprudence suivie par la Cour depuis l’affaire Costa de 19644, le principe de primauté du droit de l’Union sur les droits nationaux fait officiellement son entrée dans le texte des Traités. Après l’échec du TECE, il faudra plus de quatre ans pour qu’un nouveau traité voit le jour. Il s’agit du Traité de Lisbonne, traité qui reprend en grande partie le contenu de son prédécesseur. B) Le Traité de Lisbonne Suite aux refus français et néerlandais s’ouvre une période de réflexion de deux ans. Finalement, l'idée, évoquée par Nicolas Sarkozy, d'un traité élagué des dispositions controversées (essentiellement symboliques) apparaît comme la solution la plus praticable pour sortir de la situation de blocage. La proposition est officiellement acceptée lors du Conseil européen de Bruxelles des 21 et 22 juin 2007. Toutefois, de nombreuses divergences subsistent sur le fond et donc sur le contenu du Traité, et les négociations sont intenses mais les Vingt-Sept donnent un mandat pour une CIG. Dans ces grandes lignes, il s’agit de reprendre les avancées institutionnelles du TECE et d’ôter à celui-ci sa dimension constitutionnelle. Le texte est soumis au Conseil européen lors du sommet informel des 18 et 19 octobre 2007 et le TL est signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. On traitera successivement de la forme (1), des dispositions générales (2), des dispositions institutionnelles (3), matérielles (4) et enfin, des différences par rapport au TECE (5). 1) La forme du Traité de Lisbonne : - Contrairement au TECE, il ne s’agit pas de proposer un nouveau texte. Le TL est un traité modifiant le texte existant. Il amende donc, sans le remplacer, le Traité de Nice5. Sa dénomination officielle est d’ailleurs celle de traité modificatif et non de traité simplifié ou de mini traité, qui sont autant de qualificatifs ne correspondant pas à la réalité du texte. - Le TL se scinde en deux parties. Il y a, d’une part, un Traité sur l’Union Européenne (TUE) et, d’autre part, un Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Le premier se centre sur les dispositions institutionnelles les plus importantes ainsi que sur les dispositions générales. Le second comprend essentiellement des dispositions d’ordre matériel relatives aux politiques communes. 2) Les dispositions générales. - A l’instar de son prédécesseur, le TL abandonne la structure en pilier. Il n’y a plus qu’une Union européenne avec des procédures parfois différenciées selon la matière abordée. - Le texte fait référence à la Charte des droits fondamentaux (article 6 TUE). Cette mention permet au texte de bénéficier de la même valeur juridique contraignante que le Traité. Toutefois, et c’est 4Cf. : CJCE, 15 juillet 1964, Flaminio Costa contre E.N.E.L., aff. 6/64, Rec. p.1141. Sur le principe de primauté, cf. infra. 5On indique par exemple que l’article tant est modifié comme suit. Autant dire que mis à part pour les spécialistes, et encore, cela ne facilite pas la compréhension et donc la transparence du texte. Heureusement, des versions consolidées sont disponibles. 20 la différence avec le TECE, la Charte disparaît du corps du Traité. Juridiquement, cela ne change rien6 ; symboliquement c’est une modification importante puisque la Charte elle énonçait les valeurs communes sur lesquelles reposent l’Union. - Un droit de retrait est reconnu explicitement aux États. - Le TL (et c’est une reprise du TECE) crée un droit d’initiative populaire. A condition de rassembler au moins un million de signatures, les citoyens européens, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, pourront demander à la Commission de soumettre un acte juridique au Parlement et au Conseil. - On simplifie encore le recours aux coopérations renforcées et celles-ci peuvent désormais s’effectuer dans tous les domaines (y compris donc la défense). 3) Les dispositions institutionnelles. Il s’agit d’un des points forts du Traité. Toutefois, comme ailleurs, il s’agit également d’une reprise du TECE. Parmi les multiples avancées on peut noter : - Une réforme de la Commission qui reprend dans les grandes lignes celle du Traité de Nice. Jusqu'en 2014, la Commission sera composée d'un ressortissant de chaque État membre de l'UE. A partir de 2014, elle se composera d'un nombre de membres correspondant aux deux tiers des États membres, selon un système de rotation égale entre les États membres. - L’orientation politique du candidat à la présidence de la Commission européenne proposé par le Conseil européen doit correspondre aux résultats des élections européennes. Cette disposition explicite une réalité déjà présente - Concernant le Parlement européen : il est prévu que ses effectifs ne pourront dépasser 750 députés, 750 + le président du Parlement. - Les compétences du PE en matière de relations extérieures sont étendues. - Le Conseil européen disposera d'un président stable, élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen pour deux ans et demi, renouvelables une fois. Il y aura désormais une personne incarnant l’Union. La composition du Conseil européen est également modifiée : outre les chefs d'État ou de gouvernement et le président il rassemblera le président de la Commission européenne et le ministre des Affaires étrangères de l’UE. Enfin, il devient une institution européenne au sens strict du terme. - La codécision est étendue à près de 95% des domaines de compétence de l’UE. Cela inclut notamment des domaines relevant de la coopération judiciaire en matière civile et pénale. - On abandonne le système de pondération des voix. Avec le TL, comme avant avec le TECE, les décisions seront, hors procédures spécifiques, adoptées si elles rassemblent au moins 55% des membres du Conseil représentant au moins 65% de la population de l'Union. A la demande de la Pologne, et pendant une phase de transition, un pays pourra cependant demander de voter selon un système dérogatoire moins favorable à une décision. C’est une différence par rapport au TECE. - On fait intervenir les Parlements nationaux au sein du processus décisionnel communautaire en leur donnant un rôle de gardien du principe de subsidiarité. 4) Les dispositions matérielles. D’un point de vue matériel, le TL apporte également de nombreuses avancées : - Il supprime la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires - Le TL étend encore les compétences de l’Union. - Il explicite les différentes catégories de compétences dont disposent l’Union. - Des dispositions passent de l’unanimité à la majorité qualifiée. C’est notamment le cas de la compétence culturelle communautaire. - On prévoit la mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination, la MOC dans plusieurs domaines (recherche, emploi, santé publique, industrie et politique sociale. La MOC consiste 6 A l’exception du fait que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu d’être exonérés de l’application de la Charte des droits fondamentaux. 21 pour l’essentiel à définir des lignes directrices à l’intention des États membres assorties de calendriers. Les institutions communautaires établissent des critères d’évaluation. - Le Traité contient également de nombreuses clauses passerelles qui permettent de modifier les processus décisionnels dans plusieurs domaines (passage à la majorité qualifiée et/ou application du processus décisionnel de droit commun) sans devoir passer par une révision du Traité. - La coopération policière et judiciaire en matière pénale est soumise à la procédure législative ordinaire. C'est-à-dire, si l’on se réfère au vocabulaire prévalant avant Lisbonne, qu’elle est communautarisée. Les différences entre le Traité de Lisbonne et le Traité établissant une Constitution pour l’Europe sont sur le fond, assez mineures. Elles relèvent essentiellement de l’ordre symbolique. Le TL est entré en vigueur le 1er décembre 2009. ( retardée à cause d‘un premier référendum négatif en Irlande)7 Les Traités originels ont connu de nombreuses révisions. Section 3 : La révision des Traités. L’article 48 TUE distingue la procédure ordinaire des procédures simplifiées. §1 : La procédure de révision ordinaire. Cette procédure est décrite à l’article 48 TUE, §1 à 5. L’initiative d’une révision revient concurremment au gouvernement de tout État membre, au Parlement européen ou à la Commission. L’un ou l’autre soumet un projet au Conseil. Ces projets peuvent tendre à accroître ou à réduire les compétences attribuées à l'Union dans les traités et porter sur n’importe quelle disposition des Traités peut être modifiée. Les projets sont transmis par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux. Le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et de la Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l'examen des modifications proposées. L’élaboration précise et la rédaction du projet peut alors être confiée à deux types de structures ( une Convention ou une conférence interétatique). Le président du Conseil européen peut choisir de convoquer une Convention (composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission et parfois la Banque centrale européenne). La Convention examine les 7 L’Eire s’était prononcée contre le traité à 53,4% le 12 juin 2008. L’Irlande a accepté de procéder à un nouveau référendum suite à des pressions politiques et à des concessions qui lui ont été faites. Le référendum a eu lieu le 2 octobre 2009 et le oui l’emporte avec 67,1% des voix. L’Irlande obtient le maintien d'un Commissaire de sa nationalité au sein du Collège même après 2009. Elle bénéficie également de garanties quant au statu quo de l'impact de certaines politiques de l'UE : la neutralité de l’Irlande est garantie dans le cadre de la politique de sécurité et de défense de l'UE ; le TL ne modifiera pas la politique fiscale de l'UE ; enfin, les dispositions de la constitution irlandaise relatives à l’interdiction de l’avortement (article 40.3.3 aboli depuis) ne seront pas remises en cause 22 projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres. Le Conseil européen peut au contraire décider à la majorité simple, après approbation du Parlement européen, de ne pas convoquer de Convention lorsque les modifications ne sont que techniques. Dans ce dernier cas, il établit le mandat pour une Conférence des représentants des gouvernements des États membres. Dans cette seconde hypothèse on renoue donc avec une méthode plus classique et fortement marquée par l’inter gouvernementalisme. Quelle que soit la méthode employée, le projet élaboré et rédigé est confié à une nouvelle Conférence des représentants des gouvernements des États membres. Elle est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter aux traités. Pour entrer en vigueur, les modifications doivent avoir été ratifiées par tous les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature d'un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question. Il lui appartiendra alors de décider de quelle manière il convient de résoudre le problème. Cette disposition est également une innovation du Traité de Lisbonne. Il s’agit de formaliser une procédure pour faire face à des difficultés déjà rencontrée. Il n’ne reste pas moins que cette procédure reste tout à fait minimale et uniquement formelle et que la résolution posée par ce qu’on pourrait appeler un déficit de ratification ne peut être que politique. §2 : La procédure de révision simplifiée. Elle est prévue aux paragraphes 6 et 7 de l’article 48 TUE. Cette procédure se distingue tout d’abord de celle décrite précédemment par son champ d’application matériel et par le type de modification qu’elle autorise. Elle ne peut s’appliquer qu’à tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatives aux politiques et actions internes de l'Union. Cette formulation interdit de recourir à cette procédure de révision dans le cadre de la PESC. Le texte de la révision sera adopté par une décision du Conseil européen prise à l’unanimité, laquelle n’entrera en vigueur qu’après avoir été approuvée par tous les États membres. Sur ce fondement, la décision 2011/199/UE du Conseil européen du 25 mars 2011 a autorisé les États membres de la zone euro à instituer un mécanisme permanent de stabilité.De plus, la décision de révision ne peut aboutir à accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités. Sur son contenu, la procédure simplifiée se distingue de la procédure classique essentiellement parce qu’elle ne nécessite pas la réunion du Convention ou d’une CIG et que les instances consultées sont moins nombreuses et qu’il n’est a priori pas nécessaire de passer par une ratification.( un traité d’adoption est toutefois nécessaire). L’initiative appartient également concurremment au gouvernement de tout État membre, au Parlement européen ou à la Commission. Le projet est cette fois soumis directement au Conseil européen. Il revient à ce dernier d’adopter la décision de modification. Il statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. 23 Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. On retrouve donc ici une exigence inhérente à tout Traité international. Contrairement à la procédure prévue aux premiers paragraphes, il n’est cependant pas question de ratification, ce qui laisse à penser qu’une simple approbation, équivalente à celles que l’on connaît pour les accords en forme simplifiée puisse être suffisante. Par ailleurs, de nombreuses dispositions du Traité prévoient leur propre possibilité d’évolution. Il s’agit de ce qu’on a pu dénommer les clauses passerelles. §3- l’adaptation continue : Les clauses passerelles. Pour certains domaines de compétences, le Traité prévoit des procédures législatives spéciales (généralement fortement empreintes d’inter gouvernementalisme) et/ou l’unanimité au niveau de la prise de décision au sein du Conseil (alors que le principe est celui de la majorité qualifiée). Les compétences concernées relèvent généralement de domaines politiquement sensibles. Pour certaines de ces dispositions spécifiques, le Traité prévoit des possibilités d’évolution afin de les intégrer dans un cadre plus commun, celui des procédures législatives ordinaires. Il s’agit d’une manière de renforcer l’intégration sur des points précis sans recourir à une procédure de révision trop lourde. Dans les deux cas (passage d’une procédure législative spéciale à une procédure législative ordinaire ou passage de l’unanimité à la majorité qualifiée), il appartient au Conseil européen d’adopter une décision autorisant la modification. Il se prononce à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, qui décide à la majorité des membres qui le composent. Toute initiative prise par le Conseil européen en vue d’une activation d’une clause passerelle doit être transmise aux parlements nationaux. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision n'est pas adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision. Les dispositions de l’article 48 §7 TUE concernent les clauses passerelles en général. Toutefois pour certaines matières une procédure spécifique doit être suivie. le Traité de Lisbonne offre une plus grande souplesse pour modifier les Traités. Il permet des modifications ponctuelles afin d’accroitre l’intégration européenne sans pour autant devoir passer par un processus de ratification, incertain et risqué par nature lorsqu’un nombre important d’Etats sont concernés. Il n’en reste pas moins que, quelle que soit la procédure concernée, les Etats gardent toujours la haute main et restent l’instance décisionnelle. Il faut cependant noter et c’est une différence importante par rapport aux Traité internationaux classique, la forte implication du Parlement européen ainsi que celle des parlements nationaux pour les procédures simplifiées. Les Traités constituent le fondement juridique des instituions européennes. Les Etats sont à l’origine de ces textes et à ce titre constitue l’un des principaux fondements politiques de l’Union. Chapitre 2ème : Une union d’Etats A l’origine au nombre de six (France, Allemagne, Pays du Benelux et Italie), les États membres sont actuellement vingt-sept (28 - le RU). L’évolution du nombre d’États s’est faite au fil d’élargissements successifs et d’un retrait théâtral qui n’ a pas décourager les nouvelles candidatures. Section 1 : L’accession au statut d’État membres de l’Union européenne. 24 A. Les élargissements successifs L’adhésion de nouveaux États membres à d’abord aux communautés puis à l’Union européenne répond à la vocation de cette dernière d’englober l’ensemble des États européens partageant des valeurs et intérêts communs. L’augmentation du nombre de participants entraîne en outre le renforcement du poids économique et démographique de l’organisation et devait permettre à tout le continent de profiter de l’apport majeur de la construction européenne : l’instauration d’une paix durable. Cette perspective de stabilisation du continent conduit à rechercher un élargissement continu de l’Union et donc à en étendre au maximum les frontières. À cet égard, l’adhésion de la Croatie le 1er juillet 2013 est un encouragement fort adressé aux autres États des Balkans. Une récompense politique. L’adhésion revient à délivrer au nouvel entrant le label de démocratie et d’économie de marché. Cependant, à trop privilégier la symbolique au détriment de la réalité politique et économique, le risque est d’assister à une dilution de l’intégration. Ainsi, les élargissements n'ont pas seulement modifié le nombre des États membres ; ils ont également transformé le projet commun. Depuis le 1er juillet 2013 et jusqu' en 2020, l’Union européenne comptait 28 États membres et regroupait 509 millions d’habitants. - l’Europe des 9 : l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark Peu après l'entrée en activité de la Communauté, des candidats à l’adhésion se sont fait connaitre dont le Royaume après la crise du Canal de Suez en 1956 qui marque sa perte d’influence internationale les deux premiers candidatures de 1961 et 1967 font l’objet d’un veto français. Il faut attendre le traité d’adhésion de 1972 est signé à Bruxelles et EEV en 1973 par que le RU devienne membre aux caotés de l’Irlande et du Dannemark. - Le’Europe des 12 élargissements vers le Sud : l’adhésion de la Grèce, de l’Espagne, et du Portugal La Grèce dépose sa candidature d’adhésion le 12 mai 1975. Elle était déjà État associé des Communautés depuis les années 1960. Cependant, le coup d’État militaire en 1967 et le régime des colonels avait refroidi les relations communes. L’abolition de la monarchie en 1973 permet donc d’envisager une appartenance à la communauté européenne ce qui consoliderait le nouveau régime démocratique. Parallèlement, les régimes dictatoriaux au Portugal et en Espagne disparaissent. La révolution des œillets du 25 avril 1974 renverse le régime d’António de Oliveira Salazar au Portugal. La mort du Général Francisco Franco le 20 novembre 1965 et l’instauration d’une monarchie parlementaire par le roi Juan Carlos permettent également à l’Espagne d’accéder à la démocratie. Les deux pays déposent leurs candidatures en 1977. Les États membres envisagent l’adhésion de ces nouveaux États avec plus de prudence que pour le premier élargissement. Le régime démocratique de ces États est encore peu stabilisé et surtout, leur situation économique est bien inférieure à celle des 9 États membres, leur économie étant en outre très agraire et moins industrialisée. Les États membres redoutent la concurrence de leurs produits agricoles ainsi que le possible afflux massif de travailleurs migrants. Les réticences des États membres se traduisent notamment dans l’adoption de mesures transitoires repoussant la mise en œuvre totale des libertés de circulation de 5, 7 voire 10 ans. Le traité d’adhésion de la Grèce, signé en 1979 à Athènes, prend effet au 1er janvier 1981. L’Espagne et du Portugal deviennent membres de la Communauté le 1er janvier 1986. L’entrée de ces pays permet une expansion géographique des Communautés vers le sud, mais accentue également les disparités économiques entre les États membres. Les nouveaux États membres vont ainsi bénéficier de vastes programmes d’aide et de subventions européens. 25 - L’Europe des quinze : l’adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède L’Autriche, la Finlande et la Suède rejoignent l’Union européenne au 1er janvier 1995. Le traité d'adhésion conclu à Corfou le 24 juin 1994 avait été signé par un quatrième signataire, la Norvège, cependant les électeurs norvégiens ont rejeté l'adhésion pour la seconde fois, par référendum. En termes économique et juridique, ces adhésions n’ont pas posé de difficultés dans la mesure où ces États étaient déjà liés par les règles du marché commun du fait de leur participation à l’espace économique européen (EEE). - L’élargissement à l’Est : l’adhésion de 10 États Dès la chute du mur de Berlin, la question de l'élargissement s'impose comme un problème politique majeur pour les États membres de l'Union. L’Union est confrontée à la responsabilité politique et historique de jouer un rôle dans la réunification des peuples européens. Elle se propose d’intégrer les nouveaux États issus de l’effondrement soviétique qui souhaitent adhérer. D’un autre côté, la perspective d’une vague massive d’adhésions éloigne encore plus l’Union de son projet initial d'une intégration croissante des États membres dans un ensemble à vocation fédérale. L’élargissement de l’organisation semble jouer à l’encontre de son approfondissement. Il réduit la possibilité de s’accorder sur une même vision politique d’autre part. Le cinquième élargissement a fait l’objet d’une préparation sans précédent. L’idée même de l’élargissement aux Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) est tout d’abord admise au Conseil européen de Copenhague des 21-22 juin 1993. Les futurs États membres doivent cependant répondre à trois séries de critères appelés critères de Copenhague (que nous verrons infra). En 1994, l’Union met en œuvre une stratégie de pré-adhésion consistant en un soutien financier conséquent en faveur des États candidats en vue de leur future appartenance à l’Union. La Commission est chargée, au travers de ce qui est appelé « l’Agenda 2000 », d’évaluer et de faire état de l’avancée des pays candidats dans le respect des critères de Copenhague et de recommander le cas échéant l’ouverture des négociations avec les pays satisfaisant à ces critères. En définitive, les négociations aboutissent pour 10 de ces pays candidats. Les traités d'adhésion sont signés à Athènes le 16 avril 2003. Les ratifications suivent rapidement. Les États adhèrent officiellement le 1er mai 2004. A cette date, l'Union européenne s'agrandit donc de dix nouveaux États membres : deux îles méditerranéennes, Chypre et Malte et huit PECO : Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie. L’ensemble des règles européennes ne s’appliquent cependant pas immédiatement à eux. En effet, il est prévu une période transitoire de 7 ans pendant laquelle les autres États membres peuvent restreindre la liberté de circulation des travailleurs (sauf pour ce qui concerne Malte et Chypre). De plus, une clause de sauvegarde est prévue pour réintroduire des mesures restrictives si son marché de l’emploi se trouve menacé. -L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie puis de la Croatie Alors qu’elles avaient suivi tout le processus appliqué aux PECO, la Roumanie et la Bulgarie ne remplissent pas encore les critères d’adhésion au moment où se terminent les négociations avec les 10 autres pays candidats fin 2002. En effet, leurs capacités administratives et judiciaires sont jugées insuffisantes (notamment dans le domaine de la lutte contre la criminalité). Le processus s’est donc poursuivi pour eux jusqu’à l’adoption de deux traités d’adhésion signés en avril 2005 à Luxembourg. Malgré une préparation jugée encore imparfaite par certains, la Roumanie et la Bulgarie rejoignent bien l’Union européenne le 1er janvier 2007 (il semble que l’adhésion n’ait pas été reportée en raison de la montée de l’euroscepticisme au sein de ces pays). 26 Les pays des Balkans occidentaux, dont la Croatie, se sont vu reconnaître une vocation à être candidat à l’adhésion à l’Union européenne par le Conseil européen de Feira en juin 2000. La politique de l’Union européenne vis-à-vis des Balkans vise leur intégration à terme et s’inscrit dans un processus de stabilisation et d’association. Dans ce cadre, l’Union adopte des traités avec chaque pays concerné, par lesquels l’Union accompagne le pays vers des institutions stables, une économie de marché et toute évolution nécessaire à une future adhésion. La Croatie, indépendante depuis 1991 a présenté sa candidature à l’Union européenne en février 200