HIS103-Cours 4 Impérialisme et colonisation, XVIIème-XIXème siècles PDF

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This document is an analysis of imperialism and colonialism in the 17th and 19th centuries. It examines the motivations behind European expansion and the impact of colonization on colonized societies. It details the concept of European imperialism in the 19th century.

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HIS103-Cours 4 Impérialisme et colonisa9on, XVIIème-XIXème siècles Introduc+on Nous avons commencé ce cours (première séance) en évoquant les ambi+ons coloniales des puissances européennes, à par+r du XVème siècle. Le cours d’aujourd’hui con+nue un récit que nous avions interrompu à la fin...

HIS103-Cours 4 Impérialisme et colonisa9on, XVIIème-XIXème siècles Introduc+on Nous avons commencé ce cours (première séance) en évoquant les ambi+ons coloniales des puissances européennes, à par+r du XVème siècle. Le cours d’aujourd’hui con+nue un récit que nous avions interrompu à la fin du XVIème siècle, avec l’expansion des Portugais et des Espagnols. Il reprend le fil de ce récit, pour le poursuivre jusqu’à la fin de ce long XIXème siècle qui, selon l’historien Hobsbawm, dure jusqu’en 1914, à la veille de la première guerre mondiale. Il reprend ce récit, mais il va se structurer autour d’une idée principale : si l’on peut, dès la fin du XVème siècle et dès l’âge de ce qu’on a appelé les « grandes découvertes », parler d’une expansion coloniale menée par les puissances européennes, au premier chef le Portugal et l’Espagne, celle-ci prend une forme singulière au XIXème siècle, lorsqu’elle implique la cons+tu+on de vastes empires coloniaux qui vont permeSre à certaines puissances de dominer la plus grande par+e de l’Afrique, de l’Asie, et du Pacifique. C’est cela que l’on appellera « impérialisme ». L’impérialisme colonial correspond à une réalité nouvelle dans le monde du XIXème siècle. Il prélude une nouvelle ère de rapports géopoli+ques dans un monde divisé entre une pe+te minorité de puissances dominantes, capitalistes – et le reste du monde (à savoir des pays considérés comme non développés, parce que non capitalistes). Cf. Eric J. Hobsbawm, auteur de L’ère des empires (1875-1914). Slide 1 Trois ques:ons principales : Quand et comment cet impérialisme est-il né ? Quels en étaient les principaux acteurs ? Quels ont été ses effets sur les sociétés colonisées par les grandes puissances ? Les objec:fs du cours sont les suivants : - Comprendre ce que signifie le concept d’impérialisme, et son lien avec le capitalisme. - Montrer que la conquête du monde par les puissances européennes, qui a répondu à une pluralité de mo+va+ons, cons+tue toutefois un fil rouge pour comprendre l’histoire géopoli+que du XIXème siècle. - Montrer que concrètement, localement, la colonisa+on – c’est-à-dire le fait d’occuper un territoire hors des fron+ères ini+ales de la na+on, et de l’administrer, a recouvert généralement des processus très violents, très brutaux : par exemple, asservissement de popula+ons autochtones, massacres ; mais qu’elle cons+tue par ailleurs un ensemble d’interrela+ons complexes. 1 1. Le premier système colonial (XVIIème-XVIIIème siècles) On a évoqué la première phase de l’expansion européenne : menée par Portugal et Espagne, c’est le début de l’aventure atlan+que, s+mulée par le commerce des épices. Au cœur de l’ouverture d’un espace de commerce transatlan:que, on trouve la traite des esclaves. Celle-ci est centrale dans les économies de planta:on développées par le Portugal et l’Espagne, dans les îles de l’Atlan+que (Canaries, Cap-Vert, Sao Tome), et en Amérique du Sud (notamment au Brésil). On va voir qu’elle con+nuera de l’être longtemps. Au 18ème siècle, s’amorce une seconde phase de l’expansion européenne, qui est souvent qualifiée de « premier système colonial ». Système, parce qu’à la différence de l’expansion des empires portugais et espagnol, ceSe vague s’appuie sur une véritable poli+que économique et est soutenue par des jus+fica+ons systéma+ques. 1.1. Caractéris)ques générales du premier système colonial Ø Qui en sont les acteurs ? Quelles en sont les modalités ? Quelles en sont les jus+fica+ons ? Qui en sont les acteurs ? Les na+ons en jeu : essen+ellement les Provinces-Unies, l’Angleterre et la France. (Voir 1.2.) Quelles en sont les modalités ? Elles vont dominer essen+ellement par l’intermédiaire de Compagnies dites « à charte ». Ces compagnies à charte, ce sont par exemple, du côté anglais, la Compagnie anglaise des Indes orientales, fondée en 1600 ; du côté hollandais, la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC), fondée en 1602. Ces compagnies sont des compagnies mari+mes à qui l’État octroie, pour une zone géographique délimitée et pour une période de temps délimitée, le monopole du commerce. Ø Ces compagnies sont les premières sociétés par ac:ons dans l’histoire humaine, c’est- à-dire, des entreprises organisées autour d’un capital divisé en ac+ons vendues, au +tre de parts du capital, à des ac+onnaires, qui peuvent les revendre sur le marché boursier. Ø Par exemple, la VOC, fondée en 1602, reçoit pour 21 ans le monopole du commerce néerlandais à l’ouest du détroit de Magellan et à l’est du cap de Bonne Espérance. Elle dispose de vastes entrepôts, à Amsterdam, des chan+ers navals, à Ostenburg, où elle va construire presque tous ses navires. Elle dispose au départ d’un capital de près de 6,5 M de florins, ce qui équivaudrait aujourd’hui à plusieurs milliards de dollars ou d’euros. Elle a un conseil de gouvernement, composé de 17 personnes, nommées à vie, tous appartenant à l’oligarchie marchande. Ø Parmi ses droits, octroyés par l’État : le pouvoir de conclure des traités (avec les na+ons étrangères), celui de mener des guerres défensives et de construire des forteresses. Elle était également autorisée à lever du personnel civil, naval et militaire, qui devait prêter serment à la Compagnie et à l’État. Ø C’est donc presque un État dans l’État, fort, en 1687, de près de 11500 agents, la grande majorité étant des soldats ou des marins. ð La VOC cons+tue le modèle des compagnies à charte européennes, qui vont dominer le grand commerce interna+onal pendant deux siècles. 2 Quelles en sont les jus:fica:ons ? Concernant la jus+fica+on de la poli+que coloniale. C’est la doctrine mercan:liste qui cons+tue le soubassement théorique le plus important. Le mercan+lisme est une doctrine économique qui considère que la puissance d’un État dépend de sa richesse, qui elle-même dépend de métaux précieux, en par+culier l’or= synonyme de puissance et de force, car il permet aux États de se doter d’une armée permanente et aux rois de rivaliser avec la grande noblesse. Or, les mines européennes ne suffisent pas à assurer la demande en or, alors que par ailleurs l’or semble se trouver en abondance en Afrique et en Amérique. Le mercan+lisme va jouer un rôle important dans l’idée que l’expansion coloniale sert à garan:r de véritables dépendances économiques. Il implique ainsi trois idées : empêcher la produc+on des possessions coloniales de concurrencer celle de la métropole ; écarter toute interven+on d’un +ers entre la colonie et sa métropole ; contraindre la colonie à ne commercer qu’avec la métropole (régime dit de l’exclusif). Ø Le mercan+lisme implique ainsi un fort protec:onnisme. Par exemple, en Angleterre, les Actes de la naviga:on, de 1651 sont une série de lois protec+onnistes qui visent à promouvoir la cons+tu+on d’une marine de guerre, et qui réservent aux marins anglais le monopole du commerce colonies/métropole. Ø Mais par ailleurs, ceWe doctrine mercan:liste implique que le monopole du commerce puisse être garan: par la force = elle jus+fie, d’une certaine façon, la violence au service du commerce et de la puissance de l’État. 1.2. Les trois acteurs principaux : Provinces-Unies, Angleterre, et France a) Provinces-Unies : les Pays-Bas actuels, ont un rôle pionnier dans la mise en place de ce système. Ø Leur situa+on mari+me, notamment l’importance du port d’Amsterdam, font des Provinces-Unies la plaque tournante du commerce mondial au 17ème siècle. Ø Leur économie est alors fondée sur une agriculture sans jachère (qui cons+tue 40% du revenu du pays) ; sur une vigoureuse industrie du tex+le (draps), une produc+on ar+sanale de luxe (comme la taille des diamants), et, déjà, ce qu’on peut appeler une économie tournée vers la finance, avec des ins+tu+ons comme la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, première société anonyme de l’histoire, cotée en bourse. Ø Trois régions principales de leur expansion : l’Extrême-Orient, l’Afrique du Sud, mais aussi l’Amérique du Nord, avant d’y être remplacés par les Anglais. - Les PU vont prendre la place des Portugais en Extrême-Orient, notamment via la VOC, qui s’impose en Indonésie, à Djakarta ; ils vont s’étendre progressivement, expulsant les Portugais des îles de Banda, puis de Malacca (dès 1641). La compagnie va également dominer l’Indochine ; elle s’installe à Ceylan, puis rapidement contrôle tout le commerce des épices (muscade, girofle…) à travers un ensemble de comptoirs commerciaux. - En Afrique du Sud, la VOC va établir une véritable colonie de peuplement au Cap. En 1657, 90 colons néerlandais débarquent sur le territoire (majoritairement des protestants calvinistes ayant fui les persécu+ons catholiques) ; ils seront rejoints par 3 des Français (surtout des Hugunots), des Scandinaves, des Allemands…, qu’on va appeler les Boers. On n’est plus ici dans le modèle du comptoir commercial, mais bien d’un peuplement par des Européens qui veulent y transposer leur mode de vie au détriment des popula+ons autochtones. Les Boers vont ainsi progressivement étendre leur zone d’occupa+on. Ø Remarque : les Boers, qu’on appelle aujourd’hui « Afrikaners », représentent donc la popula+on blanche d’Afrique du Sud. Ils se développent de façon séparée des popula+ons locales noires ainsi que des popula+ons issues d’Asie comme main d’œuvre souvent esclave (Inde, Malaisie…), dans un système qu’on peut dire de ségréga+on spa+ale. Ce système va se renforcer au sein du régime dit d’apartheid, instauré en 1948 (et qui durera jusqu’en 1991), qui est un régime d’oppression et de ségréga+on fondé dans un système juridique à la fois de sépara+on raciale, mais aussi de domina+on raciale (discrimina+ons, pra+ques abusives de déten+ons arbitraires, de transferts de popula+ons voire de violences systéma+ques à l’encontre de la popula+on ségréguée). - S’implantent également en Amérique. En 1609, Henry Hudson ouvre la voie à la colonisa+on néerlandaise en explorant la rivière qu’il bap+sera de son nom, Hudson. En 1614, les Néerlandais construisent un fort dans le sud de l’île de ManhaSan et fondent la Nouvelle-Amsterdam en 1625 (future New York, ainsi rebap+sée par les Anglais qui la conquièrent en 1674). ð A Voir : le documentaire « Le monde dans un tableau ». Voir slide = le documentaire montre que l’Amérique du Nord a fourni les fourrures de castor qui ont servi à fabriquer les fameux feutres noirs en castor portés en Europe, et notamment par les habitants des PU. Il évoque l’importance des compagnies mari+mes, et plus par+culièrement de la VOC, dans l’expansion néerlandaise, et la façon dont commence, alors, une première mondialisa+on des échanges dans une économie déjà capitaliste (reposant sur la spécula+on sur des valeurs boursières et le pouvoir des négociants), et impliquant une grande brutalité au niveau des territoires dont elle cherche à exploiter les ressources. - Vont également aller vers le Sud, Brésil, Caraïbes, Surinam. b) L’Angleterre. Celle-ci va se déployer principalement dans deux direc:ons : l’Amérique du Nord et l’Inde. - Les premières tenta+ves de colonisa+ons de l’Amérique du Nord ont commencé sous le règne d’Elisabeth 1ere, sous l’influence de l’explorateur et homme de cour Sir Walter Raleigh (« Qui +ent la mer +ent le monde ») vers 1580 et suivant. Il y a plusieurs raisons à ceSe ambi+on de coloniser l’Amérique du Nord : o Mo:fs démographiques : Déverser son trop-plein de popula+on (popula+ons campagnardes qui ont du mal à survivre dans les villes à la suite du mouvement des enclosures) o Mo:fs religieux/poli:ques : Les communautés persécutées à cause de leur religion (puritains, quakers) cherchent à trouver de nouveaux espaces pour s’établir. 4 o Mo:fs économiques : les individus vivant dans les colonies pourront fournir par leur travail les produits nécessaires à la métropole et achèteront des marchandises anglaises. La 1ère colonie de peuplement en Amérique du Nord, c’est Jamestown, en Virginie (1607). Or, le site n’est pas propice, marécageux et insalubre, hos+le à l’agriculture… 144 colons, seulement 38 survivants en janvier 1608. Découvrent qu’il n’y a pas d’or, donc nécessité de cul:ver le maïs, le tabac… affrontements avec Autochtones. Ø Pour accroître la produc:on= les colons vont avoir recours aux esclaves noirs, qui arrivent en Virginie dès 1619. Autre date importante : 1620= l’expédi:on du Mayflower, financée par la Compagnie de Plymouth (compagnie marchande), qui faisait cap sur la Virginie, arrive au Cape Cod (beaucoup plus au Nord, dans le MassachusseSs) et fondent Plymouth, en Nouvelle-Angleterre. Les débuts sont difficiles : le premier hiver, la moi+é des arrivants meurt. Ils arrivent toutefois à s’installer, semble-t-il dans une rela+ve entente avec les tribus indiennes environnantes. Ø Cela donne lieu à un véritable mythe fondateur des USA, celui du courage, de l’esprit pionnier, de l’autonomie coloniale… Qui est célébré chaque année, depuis 1621, lors de Thanksgiving, ceSe fameuse fête où les Américains mangent de la dinde, du po+ron… et qui célèbre les « Pilgrim Fathers ». Graduellement, la colonisa+on anglaise va s’étendre à toute la côte est de l’Amérique du Nord. La Géorgie est créée en 1733. 13 colonies britanniques vont progressivement prospérer= dans les colonies du Sud, ce sera notamment grâce à l’économie esclavagiste, en Virginie par exemple ; colonies du Sud qui sont en étroite rela+on avec les marchés européens (café, tabac, coton). - L’Inde, c’est la colonie britannique par excellence : Avant l’arrivée des Anglais, il faut savoir que c’est un territoire aux fabuleuses richesses, que ce soit des épices ou des +ssus (coton, soie, d’une qualité excep+onnelle, et que les Indiens fournissaient à toute la péninsule du sud-est asia+que). Ces richesses a€rent les compagnies orientales des Indes (française, anglaise, néerlandaise). Contrairement aux empires chinois et japonais, qui sont fermés à la présence des compagnies commerciales sur leur sol, l’Inde a en effet accepté l’établissement de marchands sur son sol depuis Vasco de Gama. Au 18ème siècle, la Compagnie anglaise des Indes orientales se déploie sur les deux côtes de l’Inde (Mumbai, côte ouest), Madras, Kolkata, côte est; la Compagnie française des Indes orientales sur la côte est (Pondichéry et Chandernagor). Au 18è, a lieu un basculement : la dynas:e des Grands Moghols, qui dirigeait plus ou moins l’Inde (à travers un système d’États subordonnés), s’effondre. Les provinces retrouvent leur autonomie et, dans ce contexte d’instabilité poli:que, les compagnies (britannique, française, PU) ont du mal à poursuivre leur commerce. Les forces armées de ces compagnies vont s’interposer pour restaurer l’ordre en leur faveur et meWent les métropoles devant le fait accompli. c) En France, les compagnies sont réorganisées sous Colbert : - Ainsi sont fondées la Compagnie française des Indes orientales qui assure le trafic des épices et le cabotage « d'Inde en Inde » autour de l'océan Indien et de l'océan 5 Pacifique, la Compagnie des Indes occidentales qui se préoccupe surtout du commerce sucrier des An+lles, puis la Compagnie du Sénégal qui assure la traite négrière, etc. - Tout au long du XVIème puis début XVIIème siècle, les Français tentent de s’implanter à divers endroits en Amérique (au Brésil, en Floride), mais ce sont des échecs répétés. Là où ça va marcher= dans les Caraïbes, où au XVIIe ils fondent les colonies de la Mar+nique et de la Guadeloupe puis de Saint-Domingue, qui feront la richesse de la France de Louis XV et Louis XVI. Également, en Nouvelle-France, où la ville de Québec est fondée par Samuel Champlain en 1608, dans l’actuel Canada. Et enfin, les comptoirs de l’Inde que j’évoquais plus haut. Mais ce premier empire colonial français disparaîtra presque en:èrement à l’issue de la guerre de Sept ans (1756-1763), une première guerre mondiale avant l’heure – qui voit France et Angleterre s’affronter en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, et en Inde. La France perd son empire, l’Angleterre émerge comme puissance mondiale. 1.3. Le commerce triangulaire et la traite atlanAque On va commencer par faire une dis+nc+on entre esclavage et traite. - L’esclavage est un système d’exploita:on socio-économique reposant sur l’existence d’esclaves, c’est-à-dire d’individus non libres, propriétés d’un maître, dans une société, où ils remplissent des fonc+ons essen+elles à sa reproduc+on : fonc+ons domes+ques, produc+ves, parfois même administra+ves. - La traite désigne l’organisa:on des circuits par lesquels s’effectue le commerce des esclaves : elle implique la capture, la mise en esclavage, et la vente d’êtres humains cap+fs. Elle suppose donc la transforma+on d’humains en esclaves (ce qu’on appelle l’esclavisa+on). Remarque : ni l’esclavage ni même les traites ne sont des phénomènes réservés à la modernité ou aux Européens. Ce sont des réalités terribles qui ont traversé l’histoire de l’humanité. L’esclavage existe par exemple chez les Aztèques ; à travers le Sahara, où la traite relie l’espace équatorial au nord de l’Afrique aux sociétés arabo-musulmanes, et même à travers l’océan Indien (côte est-africaine/péninsule Arabique/asie du Sud). Mais la traite atlan:que est sans précédent. C’est un système qui se met en place à par:r du 16ème siècle et qui durera jusqu’au 19ème siècles. Il est inséparable de l’expansion mari:me et commerciale de l’Europe, ainsi que du système des planta+ons. Jusqu’aux transforma+ons géopoli+ques du 15ème siècle, et notamment la prise de Constan+nople – qui ferme l’accès à la Mer Noire – l’esclavage était essen+ellement fourni par les Slaves (on pense d’ailleurs que c’est de là que vient le terme). Les explora+ons du 15ème siècle font de l’esclavage une réalité majoritairement africaine. Les Portugais sont les premiers à combiner la traite atlan:que et l’économie de planta:on, notamment pour la produc+on de sucre, en par+culier sur l’île de Sao Tomé puis dans les colonies du Brésil. C’est un véritable laboratoire de l’économie esclavagiste. Comment fonc:onnait le système ? En 1472, les Portugais « découvrent » l’île de Sao Tome, qu’ils déboisent et sur laquelle ils installent la culture de la canne à sucre. Les popula+ons indigènes sont décimées ; la main 6 d’œuvre va être exclusivement cons+tuée de déracinés, des Noirs esclavisés, achetés dans le golfe du Bénin d’abord puis sur la Côte de l’Or (actuel Ghana), où les Portugais ont établi un fort (Elmina), centre très important de la traite. Sao Tome est un espace d’exploita:on – véritable camp de travail isolé (c’est une île) ; mais aussi un espace de transit, puisque à par+r du milieu du 16ème siècle, elle accueille les cap+fs des+nés à être déportés vers les colonies américaines. Ø Au 16ème siècle, Sao Tome est ainsi le premier producteur de sucre dans le monde. Elle se situe au centre d’un vaste réseau commercial, financé par des armateurs portugais, des capitaux italiens, flamands, allemands, et l’une des bases d’un système de traite qui va prendre son essor au siècle suivant. C’est en effet au 17ème siècle que la traite prend son envol avec les nouvelles puissances néerlandaises, anglaises, françaises, et la mise en place de ce qu’on appelle le commerce triangulaire entre l’Europe/l’Afrique/l’Amérique. Elle va culminer au 18ème siècle. Ø Échange de produits manufacturés venus d’Europe contre individus capturés en Afrique et déportés en Amérique et dans les An+lles, où ils produisent des ma+ères premières qui vont ensuite être transportées et vendues en Europe. En Amérique : dans les colonies du « Sud » ; mais aussi au Brésil. La traite transatlan:que et l’esclavage, tels qu’ils étaient pra:qués= système commercial et d’exploita:on qui a duré environ trois siècles, de 1550 environ à 1850. La majorité des Africains déportés sont installés dans des planta+ons de tabac, de sucre, de coton, de café. On es+me qu’il y a eu entre 15/20 M d’Africains qui ont été déportés ; et que 15% n’ont pas survécu à la traversée atlan+que. Mais c’est sans compter les morts au moment des captures, ou au moment des trajets con+nentaux, avant d’être embarqués dans les navires (qu’on appelle les négriers). Les condi+ons de travail dans les planta+ons sont si terribles qu’entre 10 et 20% des esclaves décèdent au cours de la première année. En moyenne, l’espérance de vie d’un esclave de planta+on ne dépasse pas dix ans. Ø Ce système repose, cela a été suffisamment documenté, sur une violence extrême et la pra:que de la terreur, nécessaire pour dissuader les révoltes, les résistances, les fuites… Les sociétés esclavagistes sont donc des sociétés très violentes. Ø Ce sont par ailleurs des sociétés dans lesquelles on trouve une véritable jus:fica:on de l’ins:tu:on esclavagiste. Celle-ci repose souvent sur une idéologie raciste, et elle peut mobiliser, dans certains cas, le droit. Je prends l’exemple de ce qu’on a appelé en France le Code Noir, qui était une ordonnance royale édictée en 1685 (rédigée par Colbert, premier ministre de Louis XIV), et qui visait à codifier le statut des esclaves. Comment ? De façon semble-t-il très ambivalente, puisque d’une part, le Code noir entérine le statut juridique de l’esclave, en l’assimilant à un « bien meuble ». D’autre part, il leur reconnaît certains droits (droits contre des traitements trop barbares et inhumains, droit à se marier, au dimanche chômé), et impose des devoirs aux maîtres (devoir de nourrir correctement les esclaves, de les bap+ser et de les éduquer dans la foi catholique…) è On a donc là un code juridique qui reconnaît l’ins:tu:on de l’esclavage, et ce faisant offre aux colons une autorité légale complète sur leurs esclaves. La contradic+on apparente de ce texte (octroyer le statut de « biens meubles » à des individus qui sont considérés comme des personnes humaines, puisqu’on leur accorde 7 le droit au mariage et à la foi catholique), ne l’est pas => c’est un texte qui par+cipe de l’ins+tu+on esclavagiste en tant que celle-ci repose sur une jus:fica:on légale. Bilan Ø Le système de planta:on et de traite est fondé sur la mise en esclavage de popula:ons africaines. Il a impliqué la capture brutale de millions de personnes et leur déplacement des côtes africaines vers les Amériques et le monde de l’océan Indien (es+ma+ons actuelles : entre 15 et 20 millions) Ø Il a connu un essor spectaculaire, avec l’essor de l’économie de planta:on, au 17ème. Il est ainsi ancré au début des années 1700 dans les Caraïbes, en Amérique du Nord, au Brésil et dans certaines zones de l’Amérique hispanique con+nentale. Ø Il a nécessité la mise en place d’une véritable infrastructure économique : système de distribu+on, supervision de la main d’œuvre, transport des esclaves d’un côté et des marchandises de l’autre, transforma+on des ma+ères premières… Ø (Historiographie). Il faut avoir conscience qu’il existe de très nombreuses discussions sur la traite : sur ses chiffres notamment. Mais aussi des discussions sur le rôle de la traite dans le développement économique de l’Europe. Eric Williams, historien de Trinité et Tobago (et premier ministre pendant 25 ans) dans un ouvrage très célèbre, Capitalism and Slavery (1944), défend la thèse que la planta+on et la produc+on sucrière sont à l’origine du développement du capitalisme industriel en Europe, car elles ont contribué à enrichir une classe de planteurs et de marchands qui sera au cœur des transforma+ons de l’économie en Europe. ð Capital qui sera réinves+ dans le développement des usines, des machines et autres chemins de fer. (Le livre a été réédité récemment= a lancé toute une discussion sur les rapports entre l’esclavage et l’industrialisa+on). ð Williams défend aussi la thèse selon laquelle les mouvements aboli+onnistes n’ont pas été le fruit d’une conscience humanitaire, mais uniquement d’un constat économique : l’ins+tu+on de l’esclavage n’était plus viable. Pour clore ceWe par:e sur la traite. Les mouvements aboli:onnistes : commencent à émerger à la fin du 18ème. En France, la Révolu+on et les insurrec+ons aux An+lles vont conduire à une première aboli+on de l’esclavage en 1794 ; qui sera rétabli en 1802 par Napoléon. Au début du 19ème, Angleterre et Etats-Unis interdisent la traite, (qui devient clandes:ne) – la France en 1817. Mais aSen+on, l’aboli+on de la traite ne veut pas dire l’aboli+on de l’esclavage. En France, l’esclavage est aboli en 1848 (notamment par l’ac+on du député Victor Schoelcher) ; aux Etats-Unis, l’esclavage sera aboli en 1865, après ra+fica+on du XIIIe amendement, sous la présidence d’Abraham Lincoln, à la fin de la guerre de Sécession. Rappel contemporain : dans le monde d’aujourd’hui, l’esclavage existe toujours. L’ONU es+me à 250 M le nombre de personnes soumises à l’esclavage ou au travail forcé actuellement, beaucoup parmi elles sont des enfants. 2. Le second système colonial, ou l’impérialisme du XIXème siècle 8 Ø Au cours de la seconde moi:é du 19ème siècle, on assiste à un grand mouvement de colonisa:on dans le monde qui procède de différents facteurs (démographiques, poli:ques, économiques). De vastes empires coloniaux se cons+tuent, qui vont permeSre à certaines puissances de dominer la plus grande par+e de l’Afrique, Asie, Pacifique. Puissance hégémonique : l’Angleterre, qui sera progressivement rejointe par la France. Ø La révolu+on industrielle joue certainement un rôle dans la poli+que coloniale car elle augmente le besoin en ressources naturelles pour la produc+on industrielle. En France, Jules Ferry, président du Conseil sous la IIIème République, i.e chef du gouvernement, dira que la poli:que coloniale est fille de la poli:que industrielle. Ø Par ailleurs, la produc+on industrielle incite à développer de nouveaux marchés de consomma:on à l’étranger, alors même que le protec+onnisme des pays concurrents se développe. Il devient très avantageux de s’approprier de vastes territoires et d’u+liser la popula+on trouvée sur place comme main-d’œuvre. 2.1. L’impérialisme, un concept perAnent ? Pour parler de ce second système colonial, de nombreux auteurs ont parlé d’impérialisme. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que l’impérialisme désigne la poli+que visant à cons+tuer un empire ? Et qu’est-ce qu’un empire ? Dans les rela:ons interna:onales, l’empire (mot français formé sur imperium) désigne une forma:on poli:que qui est fondée sur la conquête militaire et sa consolida:on par l’usage de la force armée (G. Pervillé, « Qu’est-ce que la colonisa+on », p. 323). La dynamique de l’empire renvoie à la conquête de peuples et de territoires par un peuple plus puissant. En ce sens, l’histoire des civilisa+ons humaines est en grande par+e une histoire des empires. Sur ceWe base-là, l’impérialisme a deux significa:ons : 1) L’impérialisme désigne la poli:que qui vise consciemment et délibérément la conquête d’un empire. Par exemple, c’est d’abord la poli+que de Napoléon Ier qui est visée comme impérialiste, puis celle de Napoléon III > on désigne alors une poli+que étrangère belliqueuse (i.e. qui cherche la guerre) et conquérante. 2) Il désigne aussi, plus spécifiquement, une poli:que d’expansion coloniale qui répond à une nécessité capitaliste : celle d’inves:r outre-mer des capitaux excédentaires. Ø En 1902, un historien anglais du nom de John Atkinson Hobson (1858-1949) écrit un livre Imperialism. A Study (1902), dans lequel il défend ceSe thèse. Elle va inspirer directement Lénine et toute une tradi+on de marxistes après lui. - Lénine= acteur principal de la révolu+on bolchevique en Russie, théoricien (marxisme- léninisme), devient en 1917 le premier dirigeant d’un pays socialiste, l’URSS. Auteur de : L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1917. - À la suite de Hobson et de Lénine, d’autres marxistes iden:fient l’impérialisme au stade suprême du capitalisme : Hilferding, Rosa Luxembourg, … 9 On peut, pour se convaincre du fait que le sens contemporain de l’impérialisme était bien celui d’être l’expression d’une économie capitaliste nécessitant la conquête de marchés étrangers, se rappeler les mots de Cecil Rhodes. (Homme d’affaires, homme poli+que britannique, figure majeure de l’impérialisme britannique en Afrique, il avait la vision d’un empire qui irait du Cap au Caire). « Hier, j’ai assisté à une réunion de chômeurs à Londres et après avoir écouté les discours virulents qui n’étaient ni plus ni moins qu’un cri pour demander du pain, je suis rentré chez moi plus que jamais convaincu de l’importance de l’impérialisme… Ce qui me préoccupe avant tout c’est la solu@on du problème social. Par cela j’entends que si l’on veut épargner aux 40 millions d’habitants du RU les horreurs d’une guerre civile, les responsables de la poli@que coloniale doivent ouvrir de nouveaux territoires à l’excédent de popula@on et créer de nouveaux marchés pour les mines et les usines. J’ai toujours soutenu que l’Empire britannique était pour nous une ques@on d’estomac. Si l’on veut éviter la guerre civile, il faut devenir impérialiste » (1895) à Le lien entre l’impérialisme et la ques:on sociale semble évident pour beaucoup de contemporains. Le contexte où parle Rhodes : celui des conséquences de la crise de 1873=> début d’une grande récession économique (crise de surproduc+on). D’autres contemporains… Jules Ferry a dit : « La poli+que coloniale est fille de la poli+que industrielle ». Après 1879, le contexte est en effet à un retour du protec+onnisme en Europe. En 1885, Ferry reconnaît que pour répondre aux barrières douanières de l’Allemagne et des USA, « il faut chercher des débouchés ». Jules Méline, l’un des pères du protec+onnisme français, affirme en 1899 : Il faut « obliger en un mot nos possessions d’outre-mer à s’adresser exclusivement à la métropole pour leurs achats de produits manufacturés et à remplir de gré ou de force leur office naturel de débouchés réservés, par privilège, à l’industrie métropolitaine ». => les milieux d’affaire ont constamment fait pression sur les gouvernements. Hannah Arendt, philosophe et poli+ste allemande naturalisée américaine après son exil aux USA, a repris en substance la thèse de Hobson : pour elle l’impérialisme est le fruit d’une poli:que d’expansion de la bourgeoisie marchande. La volonté de conquérir indéfiniment de nouveaux marchés pousse ceSe bourgeoisie à coloniser le monde, ce qui implique du coup une tension, voire une contradic+on entre la forme de l’État-na+on/et la forme de l’empire. (Voir Les origines du totalitarisme, tome 2, L’impérialisme). ð Ces ques:ons ont alimenté des débats en histoire. Notamment autour de deux ques:ons : 1) si les domaines coloniaux ont plus coûté ou rapporté aux puissances coloniales et 2) la responsabilité des anciennes puissances coloniales dans le sous- développement des pays colonisés. ð Il faut avoir conscience que ces débats existent et qu’ils renvoient à des histoires complexes. Sans prétendre trancher défini+vement le débat, quelques éléments me semblent importants, et ont été établis : 10 Ø Pour la Grande-Bretagne, dès les années 1820, l’empire permet de consolider l’industrialisa+on, en absorbant une part significa+ve de la produc+on manufacturière, puis, dans les années 1860-1890, en amor+ssant les crises. Ø Dans le cas de la France, les travaux de Jacques Marseille (Empire colonial et capitalisme) ont établi que les colonies, en tant que premier partenaire commercial de la France, ont joué un rôle d’amor:sseur lors des crises, grâce aux marchés coloniaux qui ont été essen+els pour certaines branches motrices de l’économie française (tex+les, métallurgie). La domina+on poli+que directe assure un avantage économique évident. Ø De nouveaux travaux ont été récemment publiés pour contester l’idée que les domaines coloniaux auraient « coûté cher » aux Français. Denis Cogneau est l’auteur d’un ouvrage sor+ en 2023, Un empire bon marché. Histoire et économie poliLque de la colonisaLon française, XIXe-XXIe siècle. Il y montre que certes, les colonies ont représenté des coûts exorbitants (administra+on, défense, etc.). Mais ces coûts ont été financés principalement par les impôts prélevés sur les autochtones colonisés, les colons et les expatriés européens. En d’autres termes, les colonies n’ont guère coûté au contribuable français jusqu’à fin de la seconde guerre mondiale. La colonisa+on a par ailleurs enrichi une pe:te minorité d’entrepreneurs, de banquiers, de grands commerçants, ac+onnaires et fonc+onnaires. Il y a donc un déséquilibre entre les coûts qu’elle a représentés/les profits qu’elle a produits. Ø C’est effec:vement à cause des dépenses croissantes entraînées, après 1945, par les guerres d’Indochine et d’Algérie que les Français ont fini par renoncer à cet empire trop coûteux. Et donc le moment où les colonies commencent à coûter trop cher=> celui aussi où la métropole se résout à liquider l’empire. D’où importance de la périodisa:on en histoire. Je viens d’expliquer l’impérialisme comme poli+que d’expansion déterminée par la nécessité capitaliste de dominer des marchés. CeSe significa+on de l’impérialisme ne doit toutefois pas conduire à négliger une autre dimension : les rapports étroits entre l’impérialisme et l’idée de supréma:e culturelle et raciale. Ø L’idée selon laquelle les peuples supérieurs d’Europe ont le devoir de « civiliser » les autres a joué un rôle très important. Le fameux exemple que l’on donne : de Rudyard Kipling, le Fardeau de l’homme blanc, poème publié en 1899 où celui-ci apporte son sou+en à la colonisa+on américaine des Philippines, et où il évoque le « fardeau » de l’homme blanc, à savoir ses devoirs de civiliser les peuples moins développés, sans recevoir la reconnaissance qu’il mériterait pourtant. À présent qu’on a posé les contours de l’impérialisme, j’aimerais faire un tour d’horizon de ce seconde système colonial, à travers l’évoca+on de deux systèmes en par:ucliers, britannique et français et quelques dates importantes pour comprendre cet impérialisme européen du 19ème siècle. 2.2. L’hégémonie britannique La grande puissance hégémonique du 19ème siècle : l’Angleterre, première puissance du monde occidental. Au début du 19ème siècle, le contexte semble être celui d’une décolonisa:on générale : 11 L’indépendance des USA, qui a été proclamée en 1776, est reconnue en 1783. Plusieurs possessions espagnoles d’Amérique la+ne commencent à s’insurger vers 1810 et certaines accèdent à l’indépendance. Enfin, l’interdic:on de la traite des Noirs, qui a été décidée par l’Angleterre en 1807, et semble meSre défini+vement fin au mercan+lisme. En 1833, sous l’influence d’un député philanthrope, Wilberforce, le RU va abolir l’esclavage dans ses colonies. Ø Sous l’effet du libéralisme naissant et de la poli:que de libre-échange, on se demande si les colonies sont si intéressantes que cela d’un point de vue économique. Le régime de l’exclusif notamment est mis en ques:on par les libéraux. De nombreux acteurs meSent également en avant les coûts des colonies (pour leur administra+on, leur défense, leur mise en valeur…) En réalité, l’Angleterre ne va pas tant renoncer à devenir une puissance coloniale qu’elle ne va modifier son rapport à la colonisa:on, en privilégiant un mode de contrôle qu’on dira « indirect », impliquant peu d’administra:on des territoires, et donc des coûts minimaux, pour un maximum de bénéfices liés au contrôle des flux commerciaux. Elle a certes perdu ses treize colonies américaines en 1783, mais elle reste très puissante, ayant acquis de nouvelles possessions grâce aux traités de Paris (1814) et de Vienne (1815), au moment de l’échec défini+f des ambi+ons impériales de Napoléon Bonaparte, comme par exemple : Malte, l’île Maurice, Ceylan, Tobago… qui s’ajoutent à d’autres possessions : le Canada, en Amérique centrale le Honduras et plusieurs îles comme la Jamaïque, les Bermudes, les Bahamas…, en Afrique la Gambie, la Sierra Leone, l’actuel Ghana, mais aussi la majeure par+e de l’Inde. L’expansion coloniale, après 1815 – date du Congrès de Vienne, qui réorganise l’Europe après la chute de Napoléon – se poursuit donc, mais elle va se faire au départ sans plan préconçu. Le gouvernement anglais ne veut pas risquer une nouvelle guerre européenne pour des ques+ons coloniales : elle va être, au départ le fait essen+ellement de fonc+onnaires en poste, de marchands, de missionnaires, de militaires, de sociétés d’émigra+on, de milieux d’affaires, qui vont faire constamment pression sur le gouvernement et le Parlement, mis devant les faits accomplis. Avant de devenir l’objet d’une véritable poli+que. En Inde : L’ar+sanat tex+le tradi+onnel indien va être complètement ruiné à travers une législa:on injuste, qui favorise les produits industriels britanniques, en dispensant les cotonnades anglaises de droits à l’important, et en soumeSant au contraire les produits locaux à de lourdes taxes à la fabrica+on et à l’exporta+on. La Compagnie des Indes orientales exerce des fonc+ons de contrôle poli+que sur le territoire au nom de la Couronne britannique jusqu’en 1858. C’est-à-dire après la révolte des Cipayes, qui a lieu en 1857, et qui est une révolte menée par les soldats autochtones engagés par les Britanniques, contre la colonie, et qui va être réprimée de façon très violente. Après 1858, la couronne re+re à la Compagnie des Indes orientales l’administra+on des territoires et va assumer elle-même ceSe fonc+on. Ø L’administra:on crée des divisions régionales et religieuses, favorise certaines castes qui se sont rangées du côté britannique. (Sikhs du Pendjab, Gurkhas du Népal, Etats 12 musulmans du NO sont favorisés.) Elle réorganise également l’armée sur la base d’un système racial (races mar+ales/races non-mar+ales) Ø On voit se développer des pra:ques de recensement des popula:ons, qui inventent des catégories et des iden:tés, voir par exemple AlienaLon of Land Act, 1900, qui indique que seules les castes agricoles peuvent accéder à la terre. Le cas de la Chine : Les Portugais ont débarqué au 16ème, mais depuis lors les rapports commerciaux avec l’Europe sont marginaux et limités au port de Canton. Grande indifférence des Chinois à l’égard des produits européens. Échange de porcelaine, de soie, de coton, de thé chinois contre métaux précieux (pas très avantageux pour les Occi). En 1793, l’empereur de Chine, au premier ambassadeur britannique qui est venu jusqu’à lui dans l’espoir de conclure quelques contrats commerciaux, répond avec dédain : « Qu’est- ce qu’un pays qui a tout pourrait bien acheter à des barbares ? » La Chine est alors une puissance très prospère, mais surtout, elle a accumulé un savoir technologique impressionnant, dispose aussi de charbon et de main-d’œuvre, d’un gigantesque marché intérieur. Mais elle ne prend pas la voie de l’industrialisa+on, contrairement à l’Angleterre. Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle avait aSeint un équilibre qui la sa+sfaisait, et qui l’a rendue incapable de voir la menace arriver des puissances occidentales. CeSe menace, va se concré+ser à travers l’Angleterre. RU= achète son thé à la Chine. Les Chinois achètent peu de choses, et par ailleurs tout ce qui entre dans le pays doit transiter par Canton, le seul port qui accueille les comptoirs étrangers. Le RU a, vis-à-vis de la Chine, un vrai problème de déficit commercial. À la fin du 18ème toutefois, les Anglais trouvent un produit aSrayant pour les Chinois : l’opium indien, qui va être introduit en contrebande et va servir de monnaie d’échange. La Compagnie des Indes orientales mise tout sur l’opium, en favorisant la culture à grande échelle du pavot dans le Bengale et le Bihar, en Inde, pour augmenter sa produc+on. En mars 1839 le gouverneur de Canton intervient, sur ordre de l’empereur : il fait saisir des milliers de caisses d’opium introduites illégalement et rompt les rela:ons commerciales avec l’Angleterre. CeSe dernière va s’en remeSre à ce qu’on appelle en français la « diploma:e de la canonnière » (gunboat diplomacy) : elle ordonne de bombarder Canton. C’est le début de la guerre de l’Opium. Face aux navires anglais, les jonques chinoises ne font pas le poids. La Chine est incapable de riposter. Elle signe un traité en 1842, le traité de Nankin, qui met fin à la première guerre de l’opium. Par ce traité, elle s’engage à payer une forte indemnité pour l’opium confisqué, à ouvrir cinq de ses ports au commerce avec l’étranger et à céder l’île de Hong-Kong au RU (rétrocédée seulement en 1997 !). Les Anglais ob+ennent également l’extraterritorialité des léga:ons, c’est-à-dire le fait que les Anglais en Chine pourront échapper à la jus+ce chinoise. Mais ce n’est pas fini. Dans les années 1850, c’est repar+ : les Chinois arraisonnent un navire qui faisait de la contrebande, mais portait le pavillon britannique. Arguant d’une offense, l’Angleterre décide de riposter. Les Français entrent dans le jeu, en prétextant qu’un de leurs missionnaires a été tué. C’est la 2nde guerre de l’opium, 1856-1860 avec le terrible épisode du sac du palais d’Eté, en 1860, trois jours au cours desquels le palais de la famille impériale est mis en flamme et méthodiquement pillé. L’épisode a un reten+ssement en Europe : chez quelqu’un comme Victor Hugo, par exemple, qui pourtant a pu faire l’éloge des vertus civilisatrices de la 13 colonisa+on, on lit, dans une leSre : « Un jour deux bandits sont entrés dans le palais d’Eté… Devant l’histoire, l’un de ces bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre ». è CeSe guerre contribue à affaiblir encore plus une dynas+e Qing en proie aux révoltes intérieures. Le traité de 1860 accentue l’ouverture de la Chine à l’Occident : 11 ports ouverts au commerce étranger, droits de douane perçus par le gouvernement chinois de 5%. Droit de circula+on libre pour les Occi, peuvent acquérir des propriétés foncières chinoises. Droit d’extraterritorialité pour les étrangers qui les soustrait à la jus+ce chinoise. Le Japon profitera de cet affaiblissement lors de la guerre qui l’oppose à la Chine (1894-1895). [Révolu+on chinoise de 1911-1912 qui va forcer le dernier empereur de Chine à abdiquer (République de Chine)] (Slide le gâteau chinois) : reine Victoria, Guillaume II, Nicolas II, la Marianne française, l’empereur Meiji, et en arrière-plan un mandarin chinois qui représente la dynas+e Qing, impuissante. 1869 : l’ouverture du canal de Suez va réduire le temps et le coût des transports vers l’Inde ; les Britanniques vont bientôt contrôler cet axe majeur, en acquérant Chypre, en occupant militairement l’Egypte, en imposant des protectorats sur Aden et la Somalie britannique. Administra:on de l’Empire : On note une différence de traitement notable entre les colonies blanches, c’est-à-dire celles de peuplement blanc, situées pour la plupart en zone tempérée, et les colonies d’exploita:on de la zone tropicale, où la popula:on d’origine européenne est très minoritaire. Pour les premières, évolu+on progressive vers une reconnaissance d’autonomie – c’est le cas du Canada, par exemple, ou de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui vont devenir des dominions (= des territoires autonomes gérant eux-mêmes leurs finances, leur commerce et leur poli+que intérieure). Par exemple en 1867, le Canada devient un dominion doté d’un parlement et d’un gouvernement responsable. C’est le cas de l’Australie puis de la Nouvelle-Zélande en 1901. [1931 : statut de Westminster, qui crée le Commonwealth, une associa+on d’anciens territoires de l’Empire britannique reconnus comme des Etats indépendants et souverains, mais ayant en commun l’allégeance à la couronne britannique). Pour les vieilles colonies de planta+on des An+lles ou les comptoirs commerciaux d’Afrique occidentale, pour l’Inde également, pas ques+on d’évoluer vers l’auto- gouvernement (self-government). Elles restent des colonies de la Couronne, dirigées par un gouverneur. Ce sont des colonies dites d’exploita:on, qui accéderont à l’indépendance plus tard, souvent de façon plus violente : pour l’Inde, en 1947. 2.3. La France en mal d’empire Comme on l’a vu, la France s’était cons+tué au 17ème un domaine colonial qu’elle a presque défini+vement perdu dans les guerres franco-britanniques, de l’époque de Louis XV jusqu’à Napoléon. Toutefois, les traités de 1814 et 1815 lui permeWent de récupérer une 14 par:e de ses anciennes colonies – mais la France est loin derrière le RU, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal. On va voir que le XIXème siècle va être une époque où la France cherche à retrouver une place de premier plan dans le concert des na:ons. Cela opère dans trois direc:ons : d’abord l’Algérie, puis, fin 19ème/début 20ème, le reste de l’Afrique du Nord (avec les protectorats en Tunisie, en 1881, puis au Maroc, en 1912) ; ensuite l’Asie, avec l’Indochine ; enfin, l’Afrique. Je vais évoquer ici les cas de l’Afrique du Nord et de l’Indochine, et on parlera de l’Afrique dans la par+e suivante (voir 3.1). L’Algérie La prise d’Alger se fait en mai-juillet 1830 sous le règne de Charles X, roi très impopulaire qui lance l’expédi+on d’Alger pour essayer de regagner l’opinion publique. A l’époque, l’Algérie est une province de l’Empire oWoman (comme la Tunisie) : je dis l’Algérie, mais en réalité, c’est ce qu’on appelait la régence d’Alger, c’est-à-dire le port d’Alger et une large bande cô+ère. Le gouverneur d’Alger, qu’on appelle le dey, se fâche, en 1827, contre le consul français pour des histoires de livraisons de blé non payées : partant de ce qui n’était au départ qu’un incident diploma:que, Charles X décide de saisir l’occasion et lance une expédi:on pour prendre la ville. Ø Il faut lire le très beau et poignant récit de la prise d’Alger et de la conquête de l’Algérie dans L’amour, la fantasia, d’Assia Djebar. Ø La conquête de l’Algérie a été terrible et s’est faite dans une violence extrême. Dans les années 1840, pour mater les révoltes, le général Bugeaud met en œuvre une véritable poli:que de la terre brûlée et des enfumades (consistant à allumer un feu devant les groWes où se réfugiaient les popula:ons locales en résistance, et où elles mouraient asphyxiées). Passée la phase de la conquête, l’Algérie va devenir la cible d’une colonie de peuplement : des milliers de colons européens débarquent, les terres confisquées ou abandonnées sont cédées à bas prix. A par+r de 1843 se met en place un plan de colonisa:on agricole, avec créa+on de villages, et spolia+on légale de terres. Fin 1847, l’Algérie compte 110000 Européens, dont 47000 Français, pour près de 2,5 M de musulmans. La cons:tu:on de 1848 (seconde République) intègre le territoire algérien au territoire na:onal français (3 départements, Alger, Oran et Constan+ne ; l’Algérie a ses propres représentants et dépend du ministère de l’Intérieur). Seulement, le principe du suffrage universel passe mal dans les colonies, qui vont pousser pour la mise en place d’un système duel : Les autochtones ont la na:onalité française dès 1834, mais sont privés des droits raWachés à la citoyenneté aussi longtemps qu’ils conservent leur statut personnel fondé sur le Coran ou sur les coutumes berbères (= code de l’indigénat, en vigueur jusqu’en 1945). La conséquence en est que très peu d’autochtones peuvent exercer leurs droits de citoyens. Les Français disposant des mêmes droits civils et poli+ques que ceux de la métropole. Ø Au final, donc, la priva:sa:on du sol va se faire au détriment des popula:ons locales, qui ne possèdent pas de droits de propriété. Elle va favoriser la mise en place de cultures agricoles intensives et dont les produits sont des:nés à l’exporta:on vers l’Europe. 15 Ø En 40 ans, de 1830 à 1872, la popula:on autochtone perd 1 M d’habitants (de 3 à 2 M), elle remontera progressivement (jusqu’à aSeindre 5 M en 1914) grâce aux progrès sanitaires. Ø Le gros de la colonisa+on se fait surtout après 1870 : on compte 750000 Européens en 1914 (Espagnols, Italiens, Portugais en plus des Français). Ø On parle donc de l’Algérie comme d’une colonie (avant qu’elle ne soit départementalisée), parce qu’il s’agit d’un territoire placé sous l’administra5on directe de la métropole, à la différence du système de protectorat, où le territoire placé sous « protec+on » conserve, théoriquement du moins, une rela+ve autonomie (en par+culier du point de vue des affaires intérieures). Les pays sous protectorat, au Maghreb sont, comme vous le savez, la Tunisie (1881) et le Maroc (1912). Au 19ème siècle, le Maroc est très convoité par les puissances occidentales, pour sa posi+on stratégique et ses ressources : par l’Espagne, mais aussi par la France, le RU, et l’Allemagne. Le Maroc est alors souverain, mais il dispose d’un pouvoir central rela:vement faible face aux divisions internes et aux tribus, ce que les Européens ont perçu comme une opportunité d’influence. La prise d’Alger, en 1830, marque le début de l’encerclement du Maroc par les puissances européennes, et notamment par la France, à travers deux stratégies : une poli:que d’infiltra:on militaire, menée par Lyautey à par+r de la région de l’Oranais en Algérie, visant à désagréger le Makhzen en alimentant la contesta+on du pouvoir par les tribus ; une poli:que financière, consistant à prendre l’État marocain en otage à travers des emprunts émis par les banques européennes. Les puissances européennes sont en rivalité soutenue face au Maroc : elles vont réussir à régler leurs ambi+ons à travers des accords de partage : en 1904, la France et l’Angleterre passent une Entente cordiale. La France renonce à l’Égypte (sous gouvernement indirect de l’Angleterre depuis 1882), en échange de la renoncia+on de l’Angleterre v/v du Maroc (à condi+on que Tanger devienne une enclave interna+onale). L’Allemagne a également des ambi+ons sur le Maroc, mais la France parvient à les contenir après la conférence d’Algésiras en 1911, qui permet à l’Allemagne d’obtenir des compensa+ons territoriales au Cameroun et au Congo. Dans ce contexte, l’armée française va prendre prétexte de certains accidents (l’assassinat d’un agent français à Marrakech, le lynchage d’ouvriers européens au port de Casablanca) pour envahir le pays. Alors certes, cela a été moins violent qu’en Algérie, mais il ne faut pas oublier que la ville de Casablanca a été bombardée (une centaine de morts), et qu’au moment de la signature du protectorat, en avril 1912, Fès connaît une insurrec:on qui sera réprimée dans le sang et fera environ 600 morts. Ø Autre statut, plus tardif (on le verra dans le cours prochain) : le système des mandats, confiés par la Société des na+ons après la première guerre mondiale à certaines puissances coloniales (rôle de guider et conseiller l’administra+on des pays en ques+on). L’Indochine française La colonisa+on de l’Indochine commence avec l’annexion de la Cochinchine (sud de l’actuel Vietnam) en 1858, au prétexte de défendre les popula+ons catholiques et les 16 missionnaires qui s’y étaient établis depuis la fin du 18ème siècle. Suite à ceSe annexion, la France con+nue son expansion à travers un système de protectorats sur le Laos, le Cambodge, le Vietnam (Tonkin+Annam), et elle réunira le tout dans une structure administra+ve commune, l’Union indochinoise (1887, puis 1893 pour le Laos). Les richesses exploitées sur place sont : le riz, le caoutchouc (par+culièrement prisé fin ème 19 avec industrialisa+on), le bois, la soie, le charbon… L’Indochine = est ainsi l’un des principaux exportateurs de riz au monde et entre+ent un commerce interrégional vers la Chine, Singapour, le Japon, les Indes néerlandaises. Pour accroître la produc+on, les Français vont mul+plier les barrages, les digues, les canaux, notamment dans le delta du Mékong, où les rendements sont les plus élevés. 3. Le partage du monde 3.1. Le partage de l’Afrique Jusqu’au dernier tiers du 19ème siècle, l’Afrique échappe à l’expansion européenne, à l’exception comme on l’a vu : de l’Algérie, d’une part, au nord (depuis 1830), et au sud, de la région du Cap (où les Hollandais se sont implantés au début du 17ème siècle). Ailleurs, les Européens ne possèdent que de simples comptoirs ou des traits de côte, qui servent au trafic esclavagiste. Pourtant l’Afrique, depuis la fin du 18ème, attire les Européens qui cherchent à en percer les secrets. De nombreux explorateurs entreprennent des expéditions, comme l’Ecossais Mungo Park qui part en reconnaissance du fleuve Niger ; ou le Français René Caillié, l’un des premiers Européens à atteindre Tombouctou. La campagne d’Egypte, menée sous Napoléon Bonaparte, de 1798 à 1801, comprenait ainsi toute expédition scientifique : elle a contribué à fonder l’égyptologie moderne (c’est à ce moment-là qu’est découverte la pierre de Rosette, qui permettra à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes), et constitue un jalon majeur dans la découverte de l’Orient (Edward Said dira la production, l’invention de l’Orient, dans son ouvrage L’orientalisme), qui va fasciner artistes et intellectuels pendant tout le 19ème siècle. Mais au milieu du 19ème siècle, malgré ces explorations et ces expéditions, l’Afrique reste encore relativement préservée de la domination européenne. Or, en quelques années, la situation va changer. Une vague impérialiste déferle sur le continent, dans un contexte de crise économique et de rivalités nationales exacerbées. C’est la « ruée vers l’Afrique », qu’on appelle en anglais the scramble for Africa, ou ce qu’on a appelé en français la course au clocher. L’Angleterre et la France vont se tailler la part du lion. L’Allemagne et l’Italie vont chercher aussi à y asseoir leur position. La Belgique du roi Leopold II, grâce à un explorateur, Stanley, y conquiert un territoire qui fait 80 fois sa taille et qui sera baptisé État indépendant du Congo. En 1884-1885, sous la houlette du chancelier allemand Bismarck, la Conférence de Berlin est organisée. Elle va instaurer un certain nombre de principes et de règles pour le partage de l’Afrique, au nom de son ouverture « à la civilisation » : 17 La liberté de navigation et de commerce sur les fleuves Congo et Niger ; Le principe selon lequel toute puissance européenne établie sur une côte peut revendiquer l’arrière-pays jusqu’à heurter une puissance européenne concurrente (pour annexer un territoire : il faut l’occuper et disposer d’une « entente » avec les populations locales). Bien sûr, aucun représentant africain n’est présent à cette conférence, qui prélude à la disparition de l’Afrique des royaumes et des peuples indépendants : une nouvelle Afrique va naître, découpée en protectorats européens. Les entités politico-administratives ainsi créées ne correspondent à aucune réalité du passé africain. Ø La course aux territoires, faite de négociations et de conquêtes militaires va s’accélérer, au point qu’en 1914, une quarantaine de colonies européennes sont délimitées, et seuls l’Éthiopie et le Libéria demeurent indépendants. L’Ethiopie, qui a résisté à l’invasion italienne (célèbre bataille d’Adoua en mars 1896) ; Le Libéria, créé à l’initiative de l’American Colonization Society, qui prend possession d’un petit territoire sur la côte est du golfe de Guinée et préconise une colonisation par des Afro-Américains et des Afro-Caribéens, au prix de relations très tendues avec les autochtones. Comment les puissances se répartissent-elles en Afrique ? La France se taille un vaste empire au nord-ouest de l’Afrique, avec : - La Fédération d’Afrique occidentale française, - La Fédération d’Afrique équatoriale française, plus tardive. - Et le Maghreb, où elle a déjà imposé son protectorat à la Tunisie en 1881, puis au Maroc, en 1912, après un accord de partage avec l’Espagne et de vives tensions avec l’Allemagne qui obtient des territoires au Cameroun en contrepartie. - En outre, Djibouti, la Côte des Somalis et Madagascar sont devenues ses colonies. Au terme d’accords de partage, le Royaume-Uni, principal concurrent de la France, consolide certaines colonies en Afrique de l’Ouest (le Nigéria notamment), mais son empire se construit surtout en Afrique orientale et australe. En 1898, c’est le fameux épisode de Fachoda, véritable épreuve de force entre Britanniques et Français au Soudan, remporté par les Anglais. La Grande-Bretagne gagne également la terrible « Guerre des Boers » (cf. ci-dessous) qui lui permet d’annexer les États Afrikaners, avant de créer l’Union sud-africaine. Ø En 1899, commence ce qu’on a appelé la « guerre des Boers ». Les Britanniques refusent l’indépendance revendiquée par les Boers (notamment parce que le Transvaal, que les Boers veulent fonder comme État autonome, est riche en or). C’est à ceSe occasion que les Britanniques, sous la houleSe du commandant Kitchener, vont meSre en œuvre l’une des premières expériences de camp de concentra+on : ils vont y interner 20000 personnes issues des communautés afrikaners, en majorité des enfants, qui vont y 18 mourir dans des condi+ons déplorables. CeSe guerre s’achève en 1902, par la reconnaissance de la souveraineté britannique sur l’ensemble du territoire d’Afrique du Sud. Les Allemands : vont établir leur autorité sur le Cameroun, le Togo, une grande partie de l’Afrique orientale et le SO africain, l’actuelle Namibie (où ils vont exterminer une population locale, les Hereros – génocide reconnu en 2015). L’Espagne est présente au nord du Maroc, au Rio de Oro et Guinée. En 1908, l’État belge rachète le Congo au roi Léopold II. L’Italie, tard venue dans la course, ne parvient pas à vaincre l’Éthiopie, mais s’empare de la Libye en 1911. Ø Sur la violence des autorités coloniales : Voir le cas du rapport Brazza, qui dénonce la cruauté des sévices envers les popula+ons autochtones dans le Congo français (affaire Toqué-Gaud, 1905). Rapport interdit de publica:on jusqu’à sa publica:on par Catherine Coquery-Vidrovitch en 2014. En Belgique aussi, commission d’enquête en 1904-5 sur le Congo Belge qui révèle les atrocités commises par les autorités coloniales pour forcer au travail les popula+ons autochtones. Bibliographie : Marc Ferro, Le livre noir du colonialisme. 3.2. Le partage du Pacifique J’irai beaucoup plus vite, mais c’est souvent une par+e du monde qui est oubliée alors qu’à la fin du 19ème ne subsiste plus aucune île indépendante dans le Pacifique : l’Océanie est en+èrement colonisée. Caractéris+ques de cet espace : il est très éloigné des métropoles, cons:tué de très nombreuses îles plus ou moins peuplées. Il va toutefois cons:tuer une zone aWrac:ve. - Il y a bien sûr l’Australie et la Nouvelle Zélande, colonies de la Couronne britannique. - Les îles Salomon, Papouasie, et Samoa vont être colonisées par les Allemands. - La France va coloniser la Polynésie et la Nouvelle Calédonie. - Et enfin, il faut évoquer l’expansionnisme américain, avec la prise des Philippines. 3.3. PoliAques impériales de la différence et résistances Coloniser ce n’est pas uniquement acquérir un territoire et y installer des transac+ons marchandes. C’est aussi instaurer une rela:on de dépendance poli:que d’une société sur l’autre, et donc développer des poli:ques d’intégra:on des popula+ons colonisées à l’Empire. Ces poli+ques d’intégra+on ont varié d’un modèle colonial à l’autre, et ont parfois évolué dans le temps. Elles relèvent de ce que les historiens Jane Burbank et Frederick Cooper (voir leur 19 livre Empires), appellent des « poli:ques impériales de la différence », qui supposent de gérer les différences entre popula+ons au sein d’un tout. La caractéris:que des poli:ques coloniales au XIXème siècle, c’est le fait d’être imprégnées d’une idéologie qui repose sur une dis:nc:on entre les races. L’idéologie colonialiste prétend que les « races supérieures » doivent civiliser les « races inférieures ». Dans la pra+que, ceSe représenta+on générale a donné lieu à des poli:ques d’intégra:on différentes. Deux cas de figure : Ø La France, notamment sous la Troisième République, où la poli+que coloniale est menée notamment par Léon GambeWa et Jules Ferry, développe une poli+que d’intégra+on fondée sur l’idée d’assimila:on => le fait d’imposer les lois de la République, sa langue et ses coutumes aux colonisés, sans lui en accorder ni les droits ni les privilèges. Ainsi, en Algérie, les popula:ons autochtones n’ayant pas renoncé à l’islam sont considérées comme « sujets français » mais ne sont pas citoyens. = Le régime de l’indigénat est un ou+l de ceSe poli+que d’assimila+on. Il a autorisé des sanc+ons pra+ques de jus+ce administra+ve telles que les sanc+ons collec+ves, des déporta+ons d’habitants, sans possibilité pour les colonisés de se défendre ou d’avoir recours à des procédures d’appel. Ces pra:ques assimilatrices ont été abolies en mars 1944. Ø La Grande-Bretagne développe quant à elle une autre poli+que intégra+ve, davantage basée sur l’associa:on, qui suppose de laisser plus de marge de manœuvre aux pouvoirs locaux sur place, à travers un gouvernement dit indirect (ou administra+on indirecte : indirect rule). L’intégra:on est davantage pensée sur un modèle mul:culturaliste. Il faut toutefois noter des pra+ques qui, comme évoqué plus haut, visent à u+liser les dis+nc+ons ethniques ou de caste pour administrer la popula+on autochtone, ainsi qu’une différence de traitement entre les colonies de peuplement blanches et les anciennes colonies de planta:on, ou l’Inde. Les divergences entre ces politiques d’intégration ont laissé des traces au sein des politiques migratoires européennes d’aujourd’hui Ø En France, le terme d’assimilation est ainsi toujours employé pour définir les différentes étapes de l’accès à la citoyenneté française : selon l’article 21-24 du Code civil, un étranger, pour être naturalisé, doit justifier de « son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises [etc.] et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ». En contractant la nationalité française, on devient « assimilé français ». Il faut, pour finir, insister sur la complexité des rela:ons établies dans les territoires sous domina:on coloniale. Si la colonisa+on est inséparable d’une dynamique d’oppression, elle a rencontré de nombreux obstacles à l’établissement défini:f d’un tel ordre : 20 D’abord, premier obstacle : la place des élites dans le projet colonial. Les puissances coloniales, partout, sauf en Afrique du Sud, ont eu besoin d’intermédiaires, de l’assistance d’élites autochtones. Les élites autochtones ont parfois cherché des opportunités dans le contexte impérial, et ont cherché à +rer leur épingle du jeu. D’autres, parfois, ont préféré défendre leurs peuples, leurs terres, leurs modes de vie. Les mêmes se sont retrouvés parfois dans des posi+ons complexes, où ils ont essayé de ménager leur aSachement à leur peuple tout en négociant avec les autorités coloniales. Ø Exemple de l’Indochine = en Indochine, le système colonial repose sur la mise en place d’une bourgeoisie autochtone, qui va appuyer le pouvoir français, car elle adopte de plus en plus les mœurs européennes et ses intérêts rejoignent ceux des colons (éduca+on, soins de santé, mode de vie) ; les Français et Européens sont très minoritaires (25000 sur une popula+on de 18M en 1913), et c’est l’élite qui d’une certaine façon joue le rôle de relais du pouvoir. (Dans le même temps, une majorité de la popula+on est laissée aux marges du « développement », celle qui met en valeur les ressources exportées et vit dans des condi+ons misérables. Ø Voir Marguerite Duras Un barrage contre le Pacifique qui raconte bien l’Indochine coloniale des années 1930, société très inégalitaire, où le peuple indigène vit dans la misère, et où l’on trouve aussi toute une société de pe+ts blancs, souvent assez pauvres aussi. ) « Le plus important obstacle » vient ensuite des popula:ons colonisées elles- mêmes, de leurs ini:a:ves pour exploiter au maximum les espaces que les régimes coloniaux ne pouvaient contrôler. Exemples donnés par Burbank/Cooper : un ins+tuteur vivant au voisinage d’une mission africaine, qui consigne les tradi+ons de sa communauté dans une langue européenne, refusant la dichotomie modernité européenne/tradi+on africaine ; les par+sans d’un hindouisme réformé ou d’un islam modernisateur ; des chré+ens d’Afrique de l’Ouest qui fondent des églises pour pra+quer la religion qu’on leur a enseignée hors du contrôle des missionnaires blancs… Ø L’historiographie des subaltern studies va beaucoup insister sur ces voix subalternes qu’il faut retrouver derrière le discours officiel des élites. On peut enfin évoquer des résistances plus globales, se meWant en place à l’échelle interna:onale, par exemple 1900, première Conférence panafricaine à Londres, à l’ini+a+ve de W.E. B. Dubois, sociologue et historien américain chantre de la luSe panafricaine et de la luSe contre le racisme. Dernier élément pour complexifier encore l’étude du colonialisme: il faut avoir en tête qu’il n’a pas exclusivement été le fait des Occidentaux. Ø Le cas du Japon : qui va s’emparer de Taïwan après sa victoire sur la Chine en 1895, va annexer la Corée en 1910, va établir un protectorat sur le Manchoukouo (Mandchourie). 21 Ø Le sultanat d’Oman, dont l’empire mari+me s’étendait du sud de l’Iran au nord du Mozambique, et qui comprenait l’île de Zanzibar. Conclusion Entre 1870 et le début du XXème siècle, l’Empire britannique s’est considérablement accru. A la veille de la première guerre mondiale, il couvre le quart des terres émergées et cons+tue le plus vaste et le plus peuplé du monde, avec 400 millions d’habitants : on peut donc parler d’une véritable hégémonie coloniale britannique. Comme on l’a vu, les Anglais ont été suivis par les autres puissances européennes : française, allemande, néerlandaise, portugaise, espagnole… La colonisa:on de vastes espaces extra-européens a contribué à la mise en valeur de nombreux territoires (on pense souvent aux infrastructures, aux routes, à l’irriga:on, aux chemins de fer) mais elle a également eu des effets néga:fs considérables dans l’économie des pays colonisés : Destruc:on de formes économiques et sociales tradi:onnelles qui soutenaient des économies prospères (on pense à l’Inde, à la Chine) Développement d’économies de traite ou de préda:on fondées sur un rapport inégal qui ont contribué à asseoir des asymétries lourdes Introduc:on de systèmes de monocultures des:nées à l’exporta:on, qui ont contribué à détruire les cultures vivrières nécessaires à la subsistance des popula+ons locales Violences et massacres parfois de parts importantes de la popula+on, accompagnées de la spolia+on des terres des autochtones Sans compter bien sûr le trauma:sme représenté par la traite esclavagiste Ces pra+ques ont contribué à enrichir les métropoles, à consolider les acquis de l’industrialisa+on. Elles ont souvent été accompagnées de pra:ques des:nées à développer des élites favorables aux métropoles, dans les pays colonisés. Ce sont toutefois ces élites qui vont cons+tuer les cadres des premiers mouvements na+onalistes. 22

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