Procédure civile : Cours du 25/11/2024 PDF

Summary

Présentation du cours de procédure civile couvrant les aspects organisationnels, de compétence et procéduraux. Il comprend les notions d'action en justice, de compétence, de procès équitable, et des sources applicables telles que le Code de procédure civile et la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

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PRÉSENTATION Procédure civile = droit applicable à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, sociale, commerciale ou rurale = l’ensemble des règles d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction du procès et d’exécution des décisions de...

PRÉSENTATION Procédure civile = droit applicable à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, sociale, commerciale ou rurale = l’ensemble des règles d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction du procès et d’exécution des décisions de justice de nature civile. C’est à l’Etat qu’incombe le devoir d’assurer la protection juridictionnelle des citoyens. - Elle définit les conditions de la mise en œuvre du droit de l’homme que constitue le droit d’accès à un tribunal (théorie de l’action en justice) - Elle établit des juges compétents pour statuer (théorie de la compétence). Elle organise le déroulement du procès jusqu’à l’obtention d’un jugement, en déterminant les principes fondamentaux d’un procès équitable (respect de la contradiction, délai raisonnable, égalité des armes). Elle institue des mécanismes procéduraux permettant de contester la décision (voies de recours). Elle détermine ensuite les conditions d’élaboration du jugement, pour que la décision du juge acquière l’autorité de la chose jugée La PC est un ensemble de formalités dont l’accomplissement permet au titulaire d’un droit de faire respecter ses prérogatives devant une juridiction civile = Droit nécessaire Droit formaliste = respect des règles – sanction : irrecevabilité, caducité… Elle institue des mécanismes procéduraux permettant de contester la décision (voies de recours). Elle détermine ensuite les conditions d’élaboration du jugement, pour que la décision du juge acquière l’autorité de la chose jugée Les sources Code de procédure civile (CPC) D’autres textes en annexes, ou dans d’autres codes ex. : le Code de l’organisation judiciaire, COJ, le Code de commerce, le Code du travail Le Conseil constitutionnel rattache le droit à un recours et le roit au procès équitable à l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen Influence capitale de la Convention européenne des droits de l’Homme (Conseil de l’Europe) (4 novembre 1950, ratifiée par la France le 3 mai 1974) : l’article 6, § 1 oblige les États à garantir aux justiciables le droit d’être entendus par un tribunal indépendant et impartial, d’obtenir un jugement dans un délai raisonnable, suivant un procès équitable et public, ainsi que le droit à une exécution rapide de la décision Le droit de l’Union européenne joue également un rôle important : l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise les exigences communes Le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire introduit deux nouveautés en procédure civile, applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023 : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil : 1/ S’agissant de l’audience de règlement amiable (ARA) : le président de l'audience d'orientation, le juge de la mise en état, le juge du fond et le juge des référés peuvent décider, à la demande de l'une des parties ou d'office après avoir recueilli leur avis, par une mesure d'administration judiciaire, qu'elles seront convoquées à une audience de règlement amiable tenue par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement. 2/ La césure est la possibilité pour la juridiction de ne trancher, dans un premier temps, que certaines des prétentions dont elle est saisie, afin de permettre aux parties de trouver une solution par elles-mêmes aux autres questions du litige (le juge tranche par exemple le principe de la responsabilité, les parties trouvent un accord sur l’indemnisation). La circulaire du 17 octobre 2023 rappelle que « dans d'autres pays, en particulier aux Pays- Bas, en Belgique, au Canada (Québec), la grande majorité des affaires portées devant un tribunal font l'objet d'une transaction alors que seules 5 à 10 % d'entre elles font l'objet d'un jugement. En France, ce sont 70 % des affaires civiles qui donnent lieu à un jugement. La politique de l'amiable a pour ambition de modifier ce rapport, non seulement par une évolution des textes, mais aussi par un changement de culture des acteurs du procès civil. ». On notera aussi, s’agissant de la procédure d’appel, un important décret : le décret n° 2023- 1391 du 29 décembre 2023 portant Expressions fréquemment utilisées en procédure civile par un avocat : Article 700 : cette expression fait référence à l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que dans toutes les instances le juge, sur la demande expresse d’une partie qui obtient gain de cause, peut accorder une somme pour compenser les frais d’avocat. C’est ce qu’on nomme souvent les frais irrépétibles. La loi du 22 décembre 2021 et le décret du 25 février 2022 autorisent la production des factures d’honoraires pour permettre de fixer le montant des frais irrépétibles. La réforme introduit en outre un mécanisme incitatif pour encourager les demandes fondées sur l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, selon lequel le juge peut condamner la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat de la partie bénéficiant de l’aide juridictionnelle une somme qu’il détermine. L’article 700 du code de procédure civile prévoit désormais que la somme octroyée au titre de ces dispositions « ne saurait être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 % ». Assignation : c’est la demande en justice, rédigée par la personne démarrant le procès ou son représentant. L’assignation comprend des éléments essentiels comme l’identité des parties au procès, les faits, les arguments du demandeur, et ce qui est demandé à la juridiction (par exemple la prise en charge d’un sinistre par un assureur, des dommages et intérêts, un divorce, etc.) Audience de mise en état : c’est une audience de procédure lors de laquelle le juge examine l’avancée du dossier, et la communication des conclusions des parties. Audience de plaidoiries : c’est l’audience au cours de laquelle les parties vont exposer oralement leurs demandes et leurs arguments. Il n’y en a qu’une par procédure. À l’audience de plaidoirie, le juge fixe une date de délibéré. Conclusions : c’est un document qui contient tous les arguments d’une partie ainsi que ses demandes. Ce peut être des conclusions en défense, ou des conclusions en réponse, suivant la partie qui est à l’origine du document. Délibéré : c’est la décision du Tribunal sur le procès. La date de délibéré est la date à laquelle le Tribunal rend sa décision, ce n’est cependant pas forcément la date à laquelle les parties prennent connaissance du jugement, celui-ci pouvant mettre quelques jours à arriver via la poste ou la toque. Dépens d’instance : ce sont les frais directement nécessaires à l’obtention d’une décision de justice, tels que les frais d’huissier, et les frais d’exécution. Grosse : c’est la version exécutoire du jugement. Instance : elle fait référence à la procédure en cours entre la saisine de la juridiction et son dessaisissement résultant soit d’une décision, soit d’un désistement d’instance. Lorsque l’instance est en cours en parle d’instance pendante. Juge de la mise en état : c’est le magistrat en charge de la « mise en état » du dossier, soit la phase écrite du dossier lors de laquelle les parties échanges leurs conclusions respectives. Lorsqu’il est saisi, le juge de la mise en état a compétence exclusive pour connaître des exceptions de procédures. Droit de plaidoirie : c’est un droit de 13 € que l’avocat a obligation de collecter auprès de son client pour chaque dossier plaidé et qui est reversé à la CNBF (caisse nationale des barreaux français). Parties : il s’agit des personnes dont le différend sera réglé au cours de la procédure. Le demandeur est la partie qui commence le procès, et le défendeur est celui contre lequel le procès est intenté. On parle également de codéfendeurs quand le procès est intenté à plusieurs parties. Placement : c’est le fait pour l’avocat ayant fait délivrer l’assignation de communiquer au greffe une copie de l’assignation et des modalités de sa remise par l’huissier. Postulation : c’est l’acte par lequel un avocat, dit postulant, représente un confrère, dit avocat plaidant, devant un Tribunal où ce dernier n’a pas le droit de plaider. En principe, dans les procédures avec représentation obligatoire devant les juridictions civiles, un avocat ne peut postuler que dans son barreau d’origine, il peut cependant plaider devant toutes les juridictions françaises à condition d’être accompagné dans la procédure par un avocat postulant appartenant au barreau de la juridiction concernée. Principe du contradictoire : c’est un principe fondamental qui garantit à chaque partie le droit de prendre connaissance de tous les arguments de faits et de droit et des pièces adverses et le droit d’y répondre. Procédure avec représentation obligatoire : c’est la procédure au cours de laquelle le justiciable a l’obligation de se faire représenter par un avocat. Procédure sans représentation obligatoire : c’est une procédure au cours de laquelle le justiciable n’a pas l’obligation de se faire représenter par un avocat. Référé : c’est une procédure simplifiée et rapide qui a pour but d’obtenir des mesures provisoires ou urgentes telles qu’une expertise, la consignation de certaines sommes, ou le paiement d’une provision. Renvoi : lorsque le dossier n’est pas en l’état d’être plaidé, par exemple parce qu’une partie doit encore faire valoir ses arguments, le juge, à la demande de l’une ou des parties, peut fixer une nouvelle date de procédure. Signification de l’assignation : c’est un acte d’huissier par lequel un huissier de justice rentre en contact avec la personne à qui un procès est intenté pour l’en informer et lui remettre copie de l’assignation. Signification du jugement à partie : c’est un acte d’huissier par lequel un huissier de justice rentre en contact avec une partie à l’instance, et lui remet formellement le jugement intervenu. Cette étape est nécessaire pour faire courir les délais de recours. Toque : il s’agit du casier de courrier interne des avocats. Chaque avocat, ou le cabinet auquel il appartient, dispose d’une toque au sein du Tribunal. Il s’agit d’un mode de communication des décisions, ou des dossiers de plaidoirie. La toque était le chapeau porté par les avocats. Toque virtuelle aujourd’hui. Tribunal administratif : c’est la juridiction compétente pour connaître des litiges entre l’administration et les administrés. Tribunal de commerce : c’est ainsi qu’est désignée la juridiction de l’ordre judiciaire compétente pour connaître des litiges entre commerçants à l’occasion de leurs relations professionnelles. Cette juridiction peut également être saisie par un non-commerçant dans un litige l’opposant à un commerçant. Tribunal de proximité : c’est la juridiction compétente pour connaître des affaires qui portes sur des sommes inférieures à 10.000 euros, ainsi que des petits litiges civils comme des dettes impayées, livraisons non conformes, demande de remboursement, ou travaux mal exécutés. Tribunal judiciaire : issue de la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance. Juridiction judiciaire du premier degré. PLAN DE COURS PARTIE 1 Le droit au juge Chapitre 1 – L’action en justice I/ L’existence de l’action en justice II/ Les caractères de l’action enjustice A/ Un droit d’action facultatif a)La résolution du différend peut être négociée par les parties elles- mêmes b)La résolution du conflit peut être négociée avec l’intervention d’un tiers c)Le règlement du litige peut être imposé par un particulier choisi par les parties d)La résolution peut enfin être trouvée sous l’autorité du juge étatique B/Un droit d’action libre PL AN DE COURS Chapitre 2 – La recevabilité et la régularité de la demande I/ Les conditions d’existence de l’action A/ L’allégation d’une prétention B/ L’intérêt pour agir a) Existence d’un intérêt au jour de la demande b) Caractères de l’intérêt C/ La qualité pour agir c) La qualité pour agir des personnes physiques d) La qualité pour agir des personnes morales II/ Les conditions d’exercice de l’action A/ La régularité de la demande e) La capacité d’ester en justice f) Le pouvoir d’agir en justice B/ Les modalités des prétentions g) Les catégories de demandes h) Les effets procéduraux des demandes i) Les moyens de défense Chapitre 3 – Les aides à l’accès au I/ La répartition des frais de justice juge A/ Les dépens B/ Les frais irrépétibles C/ Les frais d’exécution II/ La prise en charge collective des frais de justice A/ L’assurance de protection juridique B/ L’aide juridique a) L’aide juridictionnelle b) L’aide à l’accès au droit PL AN DE COURS PARTIE 2 La compétence Chapitre 1 – Les règles légales de compétence I/ La compétence d’attribution A/ Définition de la compétence selon la matière du litige a) Les juridictions de droit commun b) Les juridictions dites d’exception B/ Incidences du montant de la demande II/ La compétence territoriale A/ Principe B/ Options de compétence C/ Compétence territoriale exclusive III/ Les extensions de compétence A/ La prorogation conventionnelle B/ La prorogation légale c) Les moyens de défense d) Les demandes incidentes e)Les incidents d’instance Chapitre 2 – Les sanctions des règles de compétence I/ Les formes de l’incident de compétence II/ Les suites de l’incident de compétence A/ La décision du juge sur sa compétence B/ La détermination du juge compétent après exercice du recours a) L’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence b) L’appel du jugement statuant sur la compétence et PARTIE Le droit au juge 1 Chapitre 1 - L’action en justice Chapitre 2 - La recevabilité et la régularité de la demande Chapitre 3 - Les aides à l’accès au juge CHAPITRE 1 L’action en justice L’organisation d’un service public de la justice est l’une des prérogatives et des obligations de l’État de droit. Elle obéit à des principes essentiels : égalité, gratuité, permanence, neutralité, et aux exigences européennes du procès équitable. L’action en justice est la prérogative qui permet à une personne d’agir devant une juridiction compétente afin qu’elle soit entendue et qu’un juge dise si sa prétention est bien ou mal fondée. L’action en justice renvoie donc au droit d’agir devant un juge compétent Elle permet à l’autorité judiciaire de garantir la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. I/ L’existence de l’action en justice L’article 30 du Code de procédure civile définit l’action en justice comme étant : « le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter du bien-fondé de cette prétention ». Dans le Code de procédure civile, l’objet de l’action est la prétention émise par un plaideur, et elle oblige le juge à statuer sur le bien ou le mal fondé de cette dernière, à peine de déni de justice. L’action en justice est libre et facultative. Pour qu’une action en justice puisse prospérer, l’action en justice doit être bien fondée. Autrement dit, la question du bien-fondé d’une action concerne le point de savoir si l’auteur de la demande a raison ou a tort. Exemple : pour obtenir réparation de son dommage sur le fondement de la responsabilité civile, la victime doit prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité. Si ces 3 conditions sont réunies, le juge fait droit à la demande. L’action est donc ici bien fondée. Si une condition manque, l’action est mal fondée. La question du bien-fondé d’une action ne doit pas être confondue avec celle de la « recevabilité » d’une demande. En effet, avant que le bien-fondé de la demande soit étudié par le juge, encore faut-il que la demande soit recevable. La recevabilité concerne donc la qualité que doit présenter la demande pour que le juge en soit régulièrement saisi. Pour qu’une action soit recevable, le demandeur doit notamment démontrer un intérêt à agir et une qualité à agir (art. 31 CPC). Si la demande ne réunit pas ces conditions de recevabilité, la demande est « irrecevable » : le juge va « rejeter » la demande sans vérifier si la demande est bien ou mal fondée. Exemple : l’article 181 du Code civil prévoit que la demande en nullité du mariage fondée sur une erreur sur les qualités essentielles de la personne « n’est plus recevable à l’issue d’un délai de 5 ans à compter du mariage. » Dès lors, si l’un des époux a commis une erreur sur la personne de son conjoint mais qu’ils se sont mariés il y a 8 ans, l’action en nullité du mariage est ici irrecevable car cela fait plus de 5 ans. Le juge ne va donc même pas s’intéresser au point de savoir si le mariage peut être annulé. 1 8 Le droit substantiel invoqué (droit de propriété, droit à réparation) est l’objet de l’action L’action mobilière a pour objet un droit mobilier : action en recouvrement d’une créance prescription 5 ans) L’action immobilière, un droit immobilier : action en revendication d’un immeuble (prescription 30 ans – tribunal lieu de l’immeuble)) L’action personnelle met en œuvre un droit personnel : droit de créance : l’action en paiement (prescription 5 ans - tribunal résidence défendeur) L’action réelle, un droit réel : sur une chose : action en revendication d’un bien volé L’action mixte concerne un droit personnel et un droit réel nés de la même opération juridique. Grâce à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle est actuellement considérée comme un droit de l’homme et une liberté fondamentale. L’article 6 § 1 de la Conv. ESDH consacre le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal comme un droit de l’homme ou une liberté fondamentale, qui s’impose aux États de droit. On parle de droit à un « procès équitable » : si la loi nationale limite de manière substantielle l’accès au juge, l’État peut être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme à mettre son système juridique en conformité et à verser une satisfaction équitable à la personne victime de cette entrave. 1 9 II/ Les caractères de l’action en justice A/ Un droit d’action facultatif L’exercice de l’action en justice est laissé à la libre appréciation du justiciable : le coût des procédures, l’aspect aléatoire de la décision peut conduire un justiciable à renoncer à agir. De plus, le législateur développe des modes de résolution amiable des différends (MARD), comme la conciliation, la médiation judiciaire et conventionnelle ou la procédure participative assistée par avocat. Ces MARD sont des processus par lesquels les parties tentent de trouver un accord, qui permettent de résoudre tous les aspects du conflit, tant économiques que psychologiques et relationnels, ce qu’une solution purement juridique ne peut pas faire. La loi nº 2019-222 du 23 mars 2019 et le décret nº 2019-1333 du 11 décembre 2019 ont étendu les situations dans lesquelles une demande en justice est irrecevable si elle n’a pas été précédée d’une tentative de conciliation, médiation ou procédure participative assistée par avocat (CPC, art. 750-1, not. pour les demandes d’un montant inférieur ou égal à 5.000 €). En outre, tout juge peut en tout état de la procédure, y compris en référé, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible. Lorsqu’un JAF statue en matière d’exercice de l’autorité parentale, il peut ordonner une médiation pour assurer l’exécution de sa décision (médiation post sententielle). Les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) sont des mécanismes par lesquels des personnes vont résoudre un conflit qui les oppose sans recourir au juge À noter : certains auteurs utilisent l’expression de « modes alternatifs de résolution des conflits » (MARC) ou celle de « modes alternatifs de résolution des litiges » (MARL) Exemple : lorsque 2 parties sont en conflit, elles peuvent choisir d’aller devant le juge pour qu’il résolve le litige. Mais, elles peuvent aussi préférer une voie plus douce et ainsi conclure un contrat de transaction pour mettre fin au litige. La transaction est l’un des modes alternatifs de règlement des différends. Ce sont des modes « alternatifs » au règlement des conflits car ce n’est pas la justice étatique qui va venir mettre fin au litige. Cela permet de gagner du temps dans la résolution d’un différend et ainsi d’éviter l’encombrement des juridictions. La tendance contemporaine est d’ailleurs de favoriser le recours au MARD. Transaction Médiation Conciliation Procédure participative 2 0 a) La résolution du différend peut être négociée par les parties elles-mêmes Une clause du contrat peut favoriser la solution amiable d’éventuels litiges nés à l’occasion de l’exécution ou la validité du contrat : clause de bonne foi, d’exécution loyale, d’arrangement amiable, clause d’expertise, clause dite de conciliation ou de médiation. Ces clauses doivent être respectées par les contractants (C. civ., art. 1103 : le contrat fait la loi des parties). La Chambre mixte de la Cour de cassation a décidé que la demande en justice formée par l’un des contractants au mépris d’une clause de conciliation ou de médiation préalable obligatoire est irrecevable : les contractants doivent d’abord tenter un arrangement et, en cas d’échec, la saisine d’un juge devient possible (on ne peut pas régulariser en tentant un arrangement amiable en cours d’instance). Depuis l2008, la conciliation conventionnelle, la médiation conventionnelle ou la procédure participative assistée par avocats suspendent le cours de la prescription, jusqu’à ce que l’échec de la négociation soit constaté (C. civ., art. 2238). Autre exemple de règlement amiable : la transaction La transaction est définie comme le contrat par lequel les parties terminent une contestation, ou préviennent une contestation à naître, en se faisant des concessions réciproques. À condition d’avoir été exécutée, la transaction interdit toute action en justice ayant le même objet entre les mêmes parties (C. civ., art. 2052). Elle peut être homologuée par le juge compétent pour obtenir la force exécutoire (ce qui signifie que celui qui a gain de cause peut recourir à des procédures civiles d’exécution forcée telles que des saisies des biens). Mais la transaction conserve la nature d’un contrat, et peut donc être attaquée par une action en nullité conformément au droit commun des articles 1188 et suivants du Code civil, même après homologation. En matière d’accidents de la circulation, la loi impose à l’assureur qui garantit la responsabilité civile de présenter, dans un délai maximal de 8 mois à compter de l’accident, une offre d’indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne (C. assur., art. L. 211-8 et s.). Si cette dernière accepte la transaction, elle dispose d’un délai de 15 jours pour dénoncer b) La résolution du conflit peut être négociée avec l’intervention d’un tiers  Le conciliateur de justice est un particulier bénévole, nommé par ordonnance du premier président de la cour d’appel, Il suit une journée de formation initiale au cours de la première année suivant sa nomination et une journée de formation continue au cours de la période de trois ans suivant chaque reconduction dans ses fonctions, organisée par l’École nationale de la Magistrature. Il prête serment : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d’observer en tous les devoirs qu’elles m’imposent ». Sa mission est de faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire, le règlement amiable des différends portant sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition. À noter : la médiation conventionnelle et la conciliation conventionnelle sont des modes extrajudiciaires de résolution des différends. À ce titre, ils sont envisagés aux articles 1530 et suivants du CPC. Ils se distinguent de la médiation judiciaire et de la conciliation judiciaire, qui interviennent à l’occasion d’un procès judiciaire (et dont les règles sont prévues aux articles 127 et s. du CPC). 2 1 Les deux types de mission du conciliateur de justice Conciliation Le conciliateur est saisi sans formalisme ; il peut se rendre sur les lieux, conventionnell entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile. Il est tenu e d’une une obligation de confidentialité pour les constatations qu’il fait et les déclarations qu’il recueille. Si les parties se concilient, même partiellement, un constat d’accord écrit est rédigé s’il y a une renonciation à un droit et est remis au greffe du tribunal dont relève le conciliateur. Le juge compétent pour connaître de la matière concernée peut conférer la force exécutoire à ce constat d’accord à la requête de l’ensemble des parties ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres (CPC, livre V, art. 1541). Conciliatio Le juge a une mission générale de conciliation des parties (CPC, art. n 21), mais il peut déléguer cette mission à un conciliateur de justice. déléguée Cette délégation est prévue pour les tribunaux judiciaires, les tribunaux de proximité et les tribunaux de commerce. Si un accord est obtenu, un constat d’accord est obligatoirement rédigé par le conciliateur et signé par lui-même et les parties. Il peut être soumis par les parties ou la plus diligente d’entre elles au juge qui a délégué sa mission en vue d’une homologation (laquelle donne la force exécutoire à l’accord). Des mécanismes de conciliation collective sont parfois prévus (par ex. dans le domaine du règle- ment amiable des difficultés de l’entreprise commerciale). Depuis 2018, la commission de surendettement ne tentera de concilier les parties en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement que si le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier. Dans les autres cas, c’est la commission qui impose les mesures adaptées (rééchelonnement ou report des échéances de remboursement ou une procédure de rétablissement personnel). Le juge des contentieux de la protection n’intervient qu’en cas de contestation par l’une des parties (C. consom., art. L. 711-1 et s. et R. 711-1 et s.). 2 2  Le médiateur conventionnel est un particulier, qui doit satisfaire à des exigences de moralité, de qualification et d’une formation à la médiation, dont la mission est de permettre aux parties de trouver un arrangement amiable. Le médiateur accomplit sa mission en toute confidentialité. Le recours à la médiation conventionnelle (comme à la conciliation conventionnelle) suspend la pres- cription depuis la 1re réunion jusqu’au constat d’échec (C. civ., art. 2238). Le médiateur doit être impartial, compétent et diligent. L’accord de médiation conventionnelle peut, à la demande des parties ou de l’une d’elles avec l’accord exprès des autres, être homologué par le juge compétent pour statuer sur le litige (CPC, art. 1534 et 1565 et s.), ce qui lui confère la force exécutoire, laquelle permet le recours à des saisies si le débiteur n’exécute pas spontanément. La médiation conventionnelle peut donner lieu à l’aide à la médiation (L. nº 91- 647,10 juill. 1991, art. 64-5) : l’avocat qui assiste une partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a droit à une rétribution lorsque le juge est saisi d’une demande d’homologation d’un accord intervenu à l’issue d’une médiation qu’il n’a pas ordonnée. A l’occasion d’une procédure, tout juge peut désigner un tiers en qualité de médiateur, pour aider les parties à trouver un arrangement. Une liste de médiateurs est établie par chaque cour d’appel, qui contrôle le respect des conditions de bonne moralité, d’aptitude à la pratique de la médiation.... L’accord des parties est nécessaire. Le juge détermine la mission du médiateur et la durée de la médiation judiciaire (3 mois renouvelables) Il peut y mettre fin en cas de difficulté et il fixe la rémunération du médiateur. A la demande des parties, le juge homologue l’accord qu’elles lui soumettent. En pratique, c’est surtout dans les conflits familiaux que le juge aux affaires familiales désigne un médiateur : le médiateur familial, qui est titulaire d’un diplôme spécifique, intervient même de manière obligatoire, par exemple, dans les conflits sur l’exercice de l’autorité parentale ou l’entretien de l’enfant, qui naîtront après une décision du juge aux affaires familiales. Lorsqu’elle est obligatoire, elle est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande. 2 3 Certaines médiations sont soumises à un régime original. Il en est ainsi de la médiation en ligne des litiges de la consommation : tous les professionnels doivent proposer aux consommateurs un processus de médiation en ligne (qui reste facultatif et gratuit pour le consommateur). Si les parties ne parviennent pas à un accord, le médiateur peut leur proposer une solution (C. consom., art. L. 611-1 et s. et R. 612-1 et s.). Développement de la médiation en ligne La loi de 2019 a prévu la certification des personnes physiques ou morales qui proposent un service en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage. Cette accréditation suppose que la personne présente toutes les garanties : elle doit respecter la confidentialité, l’impartialité, la diligence et la protection des données personnelles. La médiation ne pourra pas être réalisée uniquement sur la base d’un traitement algorithmique, le processus doit être transparent, et respecter le périmètre du droit des avocats (interdiction de délivrer une consultation ou de rédiger des actes juridiques). c) Le règlement du litige peut être imposé par un particulier choisi par les parties L’arbitrage est le recours à un arbitre, qi est un particulier choisi librement par les parties, qui tranche le conflit, le plus souvent en amiable compositeur (ou en droit si les parties n’ont rien stipulé), en rendant une sentence arbitrale revêtue de l’autorité de la chose jugée. L’arbitrage a un domaine étendu, surtout en matière commerciale. Il est interdit pour tout ce qui concerne l’état et la capacité des personnes et les matières intéressant l’ordre public. Il résulte d’une clause compromissoire insérée dans un contrat commercial ou dans un contrat conclu à raison d’une activité professionnelle, ou d’un compromis signé après la naissance du litige. La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose. Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée (C. civ., art. 2061). S’il accepte sa mission, l’arbitre statue dans un délai de 6 mois à compter de sa saisine et dispose de pouvoirs importants : il règle la procédure arbitrale en respectant les principes directeurs du procès, instruit l’affaire, doit agir avec célérité et loyauté, règle les difficultés relatives à la validité ou aux limites de son investiture et fixe la date à laquelle l’affaire sera mise en délibéré. La sentence arbitrale est un acte assimilé à un jugement : elle est rendue à la majorité des voix en cas de pluralité d’arbitres, elle doit exposer succinctement les prétentions des parties et leurs moyens, être motivée et signée par l’arbitre. Elle dessaisit l’arbitre de la contestation (l’arbitre peut néanmoins interpréter sa décision, la compléter s’il a omis de statuer sur un chef de demande, réparer les erreurs ou omissions). La sentence peut être contestée. Elle est susceptible d’appel devant la cour d’appel à moins que les parties aient renoncé à ce recours dans la convention d’arbitrage, ou que l’arbitre ait reçu mission de statuer en amiable compositeur. Un recours en annulation est ouvert, si les parties ont renoncé à l’appel, lorsque l’arbitre a statué sans convention, sans se conformer à sa mission, a méconnu le principe de la contradiction ou a violé une règle d’ordre public. La sentence n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur émanant du Tribunal judiciaire dans le ressort duquel la sentence a été rendue. L’exequatur ne peut être accordée si la sentence est manifestement contraire à l’ordre public. La partie qui a obtenu gain de cause dispose d’un droit à l’exécution fondé sur l’article 6 § 1 de la Convention européenne, puisque la sentence est assimilée à un jugement. 2 4 d) La résolution peut enfin être trouvée sous l’autorité du juge étatique Tout juge peut concilier les parties, au lieu et au moment qu’il estime favorables. La phase de conciliation devant le juge est parfois obligatoire (devant le tribunal judiciaire et la chambre de proximité dénommée tribunal de proximité, le conseil des prud’hommes, le tribunal paritaire de baux ruraux), parfois facultative (devant le tribunal de commerce). S’il y a conciliation totale ou partielle, la teneur de l’accord est constatée dans un procès-verbal signé par le juge et les parties. Des extraits peuvent être délivrés, qui valent titre exécutoire. Aucune voie de recours n’est ouverte, puisque le procès-verbal de conciliation ne constitue pas une décision juridictionnelle. Le juge n’impose pas une solution en droit, il constate l’accord des parties (mais sa présence garantit que les parties ont été informées de leurs droits avant de se concilier ; un recours en nullité exceptionnel pour excès de pouvoir est ouvert si le juge manque à cette obligation d’information). La procédure participative La procédure participative est une convention par laquelle les parties qui s’opposent, s’engagent – avant de saisir la justice – à œuvrer conjointement à la résolution amiable de leur différend. Les parties sont assistées d’un avocat (art. 1544 CPC). À noter : les règles relatives à la procédure participative se trouvent non seulement aux articles 2062 et suivants du Code civil mais aussi aux articles 1542 et suivants du CPC. Dans la conciliation conventionnelle et dans la médiation conventionnelle, les parties demandaient à un tiers de trouver une solution pour mettre fin à leur conflit. Dans la procédure participative, elles vont s’appuyer sur leurs avocats. Ainsi, la procédure participative repose sur un contrat : la convention de procédure participative. C’est un contrat conclu pour une durée déterminée. La procédure peut se dérouler de 2 façons : 1re façon : elle peut se dérouler selon une procédure conventionnelle de recherche d’accord, suivie par une procédure aux fins de jugement. Elle peut ici être conclue avant tout procès ou durant l’instance. 2e façon : elle peut aussi se dérouler, dans le cadre d’une instance, dans le but de mettre en état l’affaire (instruire) une affaire devant toute juridiction de l’ordre judiciaire : on parle ici de « mise en état conventionnelle du litige ». Ainsi, la convention de procédure participative peut être conclue avant toute saisine du juge ou durant le procès. Tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative conclue avant la saisine du juge rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige (art. 2065 C. civ.). Concrètement, cette convention est donc une sorte de « pacte de non- agression » pendant une durée limitée. La convention peut être conclue par toute personne, assistée de son avocat, sur des droits disponibles (art. 2064 C. civ.). Elle n’est donc pas possible pour une affaire relative à la filiation ou à l’autorité parentale. Par contre, la loi l’admet expressément pour le divorce (art. 2067 C. civ.). Art. 2067 C. civ. : « Une convention de procédure participative peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps. » À l’issue de la convention de procédure participative, les parties peuvent parvenir à un accord. Dans ce cas, elles peuvent soumettre leur accord à l’homologation du juge. En revanche, si elles ne parviennent pas à un accord, les parties peuvent soumettre leur litige au juge (la procédure sera cependant plus rapide car les juges vont prendre en compte les échanges intervenus auparavant). 2 5 B/ Un droit d’action libre Le justiciable qui engage un procès et qui succombe n’est pas considéré comme ayant commis une faute susceptible d’entraîner sa responsabilité civile. Mais, par application de la théorie de l’abus du droit, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Seuls les actes de malice ou de mauvaise foi ou les erreurs graves équipollentes au dol sont retenus, même si certaines décisions se fondent sur une légèreté blâmable ou une faute non dolosive. L’exercice des voies de recours, notamment l’appel principal dilatoire ou abusif et le pourvoi en cassation abusif, peut donner lieu aux mêmes condamnations. Enfin, le justiciable peut même aller jusqu’à renoncer à son droit d’agir : c’est ce que l’on appelle le « désistement d’action ». Par conséquent, il ne pourra plus agir en justice en se fondant sur le droit substantiel pour lequel il a renoncé à l’action. CHAPITRE 2 La recevabilité et la régularité de la demande La demande en justice matérialise le droit d’agir et peut revêtir plusieurs modalités, assignation, déclaration au greffe pour l’appel, requête conjointe ou unilatérale, et est parfois remise au greffe de la juridiction exclusivement par voie électronique à peine d’irrecevabilité (cour d’appel, tribunal judiciaire pour les avocats). Pour que le juge statue sur le fond de la prétention, il faut qu’elle soit jugée recevable et régulière, c’est-à-dire conforme à des conditions procédurales tenant à l’existence de l’action et à son exercice. I/ Les conditions d’existence de l’action Une prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir est irrecevable, c’est- à-dire que le juge doit écarter la demande sans examen au fond. Il s’agit d’une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause et sans que la preuve d’un grief soit nécessaire. A/ L’allégation d’une prétention Le plaideur doit émettre une prétention, quel qu’en soit l’objet, c’est-à-dire réclamer un avantage. Il a la charge d’alléguer les faits propres à fonder sa demande et de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de cette prétention. B/ L’intérêt pour agir a) Existence d’un intérêt au jour de la demande L’intérêt peut se définir comme l’utilité du procès pour le plaideur, l’avantage qu’il recherche. = avantage moral ou matériel que l’action est susceptible de procurer au plaideur. L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime. L’intérêt pour agir ne doit pas être confondu avec le préjudice dont le plaideur demande réparation : l’examen de la réalité du préjudice, de ses caractéristiques (matériel, moral, actuel, futur et certain ou hypothétique...) relève du fond du droit (Code civil, Code de commerce) et non de dispositions procédurales. L’intérêt pour agir doit exister lors de l’introduction de la demande (être « né et actuel »), à peine d’irrecevabilité d’ordre public que le juge peut relever d’office. Ex: le bailleur n’a pas d’intérêt à agir né et actuel pour faire déclarer un congé valable avant sa date d’effet. 2 8 Néanmoins, la loi comme la jurisprudence considèrent que l’intérêt pour agir peut résulter de la menace actuelle d’un trouble futur : le demandeur invoque un préjudice dont la réalisation est suffisamment probable pour que l’on décide que le plaideur a un intérêt certain et actuel à faire cesser la menace. Par exemple, s’il existe un motif légitime d’établir ou de conserver, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le demandeur peut saisir un juge pour obtenir des mesures d’instruction à futur (CPC, art. 145). De même, le juge des référés peut être saisi pour prononcer des mesures conservatoires dans le but de prévenir un dommage imminent. Enfin, les actions déclaratoires, par lesquelles le demandeur sollicite du juge qu’il se prononce sur l’étendue ou l’existence d’un droit ou d’une situation juridique incertaine, sont recevables (vérification de nationalité française, vérification d’écriture formée à titre principal contre un acte sous signature privée). La jurisprudence admet qu’un intérêt de sécurité juridique permet de demander au juge de préciser une situation juridique (par exemple la prescription extinctive d’une créance) même en l’absence de litige. b) Caractères de l’intérêt L’intérêt à agir doit être né et actuel mais aussi légitime. D’après le CPC, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. Le droit d’agir appartient à une personne qui justifie d’un intérêt légitime, juridiquement protégé. Cette condition permet au juge d’assurer un contrôle de la moralité des procès, en déclarant irrecevable une prétention qui ne lui paraît pas conforme à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par exemple, est irrecevable la prétention consistant à demander réparation de rémunérations obtenues grâce à une activité illicite. Enfin, l’intérêt à agir doit être personnel et direct. L’action doit être exercée pour défendre un intérêt personnel et direct et non l’intérêt d’autrui. Il faut se prévaloir de l’atteinte à un droit dont on est titulaire. Mais, l’intérêt pour agir peut être personnel ou collectif. Le titulaire du droit d’agir défend en principe une situation qui lui est personnelle, qu’il s’agisse d’une personne physique (un propriétaire défend son droit de propriété) ou d’une personne morale (une société demande paiement d’une créance sociale). Parfois, l’utilité du procès concerne un ensemble d’individus : le groupement défend alors un intérêt collectif, c’est-à-dire celui d’une collectivité considérée comme une entité (et non la somme des intérêts individuels des membres). Dans l’action de groupe, l’association de consommateurs agréée peut former une action contre un professionnel, et obtenir sa condamnation à réparer le préjudice patrimonial subi par tous les consommateurs placés dans la même situation, victimes du manquement d’un même professionnel. Faire cesser un manquement ou obtenir réparation d’un préjudice consécutif à ce manquement. L’action de groupe ne peut être introduite qu’après l’expiration d’un délai de 4 mois à compter de la mise en demeure à la personne contre qui l’action est dirigée. Si le juge condamne le professionnel, des mesures de publicité sont prises pour que les consommateurs intéressés puissent adhérer au groupe et obtenir la réparation de leur préjudice matériel s’ils en rapportent la preuve. Si un consommateur n’adhère pas, il peut former une action individuelle contre le professionnel. L’action de groupe a été étendue à de nombreux secteurs tels que la santé, la discrimination, l’environnement, la protection des données personnelles 2 9 C/ La qualité pour agir La qualité est l’habilitation légale à élever ou combattre une prétention, ou à défendre un intérêt déterminé. En principe, les actions en justice sont banales, l’intérêt à agir suffit à ouvrir l’action en justice. C’est-à-dire que l’action est ouverte à toute personne physique ou morale qui remplit les autres conditions : le propriétaire peut défendre son droit de propriété. Exceptionnellement, la loi limite le nombre de personnes qualifiées pour agir : l’action est alors attitrée, et la qualité pour agir résulte d’une habilitation légale expresse et est réservée à certains justiciables seulement Par ex : l’action en divorce est réservée aux époux, même si d’autres personnes peuvent avoir intérêt à agir : l’action en nullité relative du contrat pour vice du consentement est réservée à la victime du vice). 3 0 a) La qualité pour agir des personnes physiques La personne physique n’a pas besoin de prouver qu’une disposition légale l’habilite à agir. SAUF si l’on est en présence d’une action attitrée qui : – permet la défense de l’intérêt personnel de la personne physique : seule la victime d’un vice du consentement (erreur, dol ou violence) peut agir en nullité relative d’un contrat ; seuls les époux peuvent agir en divorce ou en séparation de corps... ; – permet la défense de l’intérêt personnel d’autrui : un associé peut exercer l’action sociale ut singuli, c’est-à-dire agir pour la société et défendre les intérêts de cette dernière, ou encore l’action de substitution exercée par un syndicat dans l’intérêt personnel d’un salarié victime de discrimination. - autorise une personne physique à défendre un intérêt collectif d’un groupe d’individus. Par exemple : le représentant des créanciers agit au nom des créanciers dans la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;les syndiacts ont qualité pour agir dans l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, les associations agréées de consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs. – habilite une personne physique à défendre l’intérêt général (action populaire) : l’article L. 3133-1 du Code général des collectivités territoriales confère à un contribuable la qualité pour exercer les actions en justice appartenant à la commune, dans l’intérêt de celle-ci (CGCT, art. L. 4143-1, pour les actions appartenant à la région). b) La qualité pour agir des personnes morales La personne morale peut agir en justice pour défendre certains intérêts, mais plusieurs situations doivent être distinguées. Intérêts Tout groupement doté de la personnalité juridique a qualité personnels pour la défense de ses intérêts personnels. Intérêts La personne morale doit en principe justifier qu’une collectifs disposition légale lui attribue la qualité. Les syndicats professionnels (et les ordres professionnels) sont habilités par les lois pour exercer tous les droits réservés à la partie civile pour défendre le préjudice direct ou indirect porté à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Pendant longtemps, seules certaines associations de la loi de 1901, répondant à des conditions particulières, étaient qualifiées par la loi pour défendre les intérêts collectifs de leurs membres (associations de consommateurs agréées, associations agréées de protection de l’environnement). Mais la Cour de cassation a étendu en 2008 la qualité pour agir des associations, en admettant qu’une association peut agir en justice dans le cadre de son objet social pour la protection de l’intérêt collectif de ses membres, même si elle n’a pas reçu une habilitation légale expresse. 3 1 Intérêts Le groupement a besoin d’une habilitation légale personnel s d’une expresse : un syndicat professionnel peut exercer l’action autre individuelle d’un salarié qui doit être informé de l’exercice personne de l’action et a le droit de s’opposer à la demande (parfois, le salarié doit donner son consentement préalable à l’action). Action Les articles L. 623-1 et R. 623-1 et s. du Code de la de consommation confèrent aux associations de groupe consommateurs représentatives au plan national et agréées la qualité pour former une action de groupe, pour demander la réparation de préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels subis par les consommateurs. Le Tribunal judiciaire statue sur la responsabilité du professionnel, puis les consommateurs ont un délai pour adhérer au groupe afin d’obtenir réparation. Les articles 848 et s. du CPC précisent le droit commun de l’action de groupe, que l’on retrouve dans différents domaines : 1º L’action ouverte sur le fondement de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; 2º L’action ouverte sur le fondement des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du Code du travail ; 3º L’action ouverte sur le fondement de l’article L. 142-3-1 du Code de l’environnement ; 4º L’action ouverte sur le fondement du chapitre III du titre IV du livre Ier de la première partie du Code de la santé publique ; et enfin, 5º L’action ouverte sur le fondement de l’article 43 ter de la loi nº 78- 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. II/ Les conditions d’exercice de l’action A/ La régularité de la demande a) La capacité d’ester en justice La capacité de jouissance est la titularité des droits en général et du droit d’agir en justice en particulier. Les modalités d’acquisition de la personnalité juridique varient selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale. Personne Elles sont dotées de la personnalité juridique dès leur naissance et jusqu’à s leur décès (si le plaideur décède en cours d’instance, il y a interruption de physique la procédure). Elles ont la capacité de jouissance, qui leur confère la s titularité des droits, dont le droit d’agir en justice. Personne Elles acquièrent la personnalité juridique par l’accomplissement de s formalités légales précises (immatriculation au Registre du commerce et morales des sociétés pour les sociétés, dépôt des statuts à la Préfecture pour les associations de la loi de 1901...). Elles ont alors le droit d’agir, tant en demande qu’en défense. La capacité d’exercice est accordée aux sujets de droit ayant les aptitudes suffisantes pour exercer seuls leurs droits. Le Code civil définit les personnes qui sont protégées et qui ne peuvent exercer leurs droits que sous certaines conditions (mineurs de moins de 18 ans, majeurs protégés sous tutelle, curatelle...) et les autorise à exercer une action en justice si leur représentant inter- vient aux actes de procédure. À défaut, la demande est nulle pour irrégularité de fond. Cette nullité pour vice de fond peut être soulevée à toute hauteur de la procédure, et le juge peut même la relever d’office. Elle est prononcée même si l’adversaire n’a subi aucun grief, mais l’acte peut être régularisé avant que le juge statue, par une reprise effectuée par le représentant de l’intéressé. 3 2 b) Le pouvoir d’agir en justice La représentation ad agendum : représentation à l’action en raison de l’inaptitude ou de l’empêchement de l’interressé Le représentant d’une personne protégée (tuteur, administrateur légal...), ainsi que le représentant d’une personne morale (gérant de la SARL, président du conseil d’administration de la SA...) doivent justifier d’un pouvoir régulier de représentation. À défaut, la demande qu’ils forment au nom du représenté est nulle pour vice de fond (mais l’erreur dans la seule désignation de l’identité civile du représentant est un vice de forme de l’acte de procédure) ; Toute personne peut donner pouvoir à une autre pour la représenter à l’action (si elle ne souhaite pas agir directement, en raison de son éloignement...). Le mandat doit être écrit et spécial. S’il n’est pas régulier, la demande en justice est nulle pour vice de fond. Il faut indiquer l’identification du représentant et celle du représenté pour informer l’adversaire : à défaut, la demande est nulle pour vice de forme (ce qui suppose que l’intéressé prouve qu’il subit un grief en raison de l’absence d’identification du représenté, et qu’il invoque la nullité avant toute défense au fond ou fin de non- recevoir) ; La représentation ad litem : représentation à l’instance – La loi impose parfois la représentation des parties à l’instance par des personnes habilitées qui accomplissent les actes de procédure pour leur compte et en leur nom. – Il s’agit des avocats, auxiliaires de justice, pour le Tribunal judiciaire et la cour d’appel, et des avocats à la Cour de cassation pour le pourvoi en cassation. – Le mandat ad litem résulte de la remise d’un acte de constitution au greffe du tribunal, après notification à l’adversaire. L’auxiliaire de justice mandataire a plusieurs obligations. – D’abord, il doit accomplir les actes de la procédure au nom et pour le compte de son client (on parle de « postulation » lorsque l’avocat est obligatoire et qu’il représente à titre de monopole, comme devant le tribunal judiciaire en procédure écrite ordinaire ; actuellement, un avocat peut représenter devant toutes les juridictions situées dans le ressort de la cour d’appel où il a son cabinet). – Ensuite, il doit conseiller et présenter la défense de son client à la barre du tribunal (c’est l’assistance). L’avocat mandataire représente son client, qui est directement engagé par les actes accomplis (même s’il s’agit d’une offre de paiement, d’un acquiescement, d’un désistement...). – Il engage sa responsabilité civile en cas de faute. – La loi habilite parfois d’autres personnes pour représenter ou assister les parties (par ex., le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé, les parents ou alliés en ligne directe devant le TProx , le défenseur syndical devant le conseil des prud’hommes). 3 3 B/ Les modalités des prétentions a) Les catégories de demandes La demande initiale, ou principale, ou introductive d’instance, est celle par laquelle le demandeur prend l’initiative d’un procès. Elle prend plusieurs formes procédurales (assignation, requête, sous forme électronique ou sur support papier...), introduit l’instance et détermine l’objet du litige. Les demandes dites « subsidiaires » sont des prétentions présentées par les parties selon une hiérarchie conforme à leur stratégie. Elles peuvent, par exemple, solliciter à titre principal la caducité de la vente pour défaut de réalisation des conditions suspensives, puis, à titre subsidiaire, la nullité de cette vente. La partie définit ce qu’elle souhaite obtenir en premier lieu, et, si par extraordinaire, le juge n’y fait pas droit, ce qu’elle entend obtenir en second lieu, voire ensuite, à titre très ou infiniment subsidiaire. Les demandes incidentes sont présentées à l’occasion d’une instance principale et doivent se rattacher par un lien suffisant à la demande initiale (le CPC précise parfois un délai pour les former, par ex. art. 909, pour l’appel incident, formé dans les 3 mois de la notification des conclusions de l’appelant). Il s’agit de : – la demande reconventionnelle, formée par le défendeur qui veut obtenir la condamnation du demandeur à son profit, au lieu de se contenter du simple rejet des prétentions ; elle peut aussi être formée par le demandeur en réponse à une demande reconventionnelle du défendeur ; – la demande en intervention, permettant qu’un tiers devienne partie à l’instance principale, soit volontairement (le tiers a intérêt à émettre une prétention contre l’une des parties et forme une intervention principale, ou il souhaite appuyer les prétentions de l’une des parties, par une intervention accessoire), soit de manière forcée (le tiers est mis en cause par une partie en vue de sa condamnation, comme c’est le cas pour l’appel en garantie) ; – la demande additionnelle, formée par toute partie (demandeur principal ou reconventionnel, tiers intervenant) qui modifie ses prétentions antérieures, en les augmentant, en les diminuant ou en ajoutant d’autres prétentions. 3 4 b)Les effets procéduraux des demandes La demande initiale introduit l’instance, qui est un lien de droit de nature procédurale unissant le demandeur et le défendeur, générateur de droits (droits de la défense, droit à l’information) et d’obligations (accomplir les actes de procédure dans les délais et les formes requis). Elle modifie la situation juridique des parties : elle interrompt la prescription extinctive du droit jusqu’au jour où le jugement au fond devient irrévocable, même si elle est formée devant un juge incompétent et même si elle est annulée pour vice de procédure, de forme ou de fond (si elle est irrecevable, elle perd son effet interruptif). Elle rend l’action transmissible aux héritiers, met le débiteur en demeure, fait courir les intérêts moratoires et transfère les risques de la chose au débiteur. c)Les moyens de défense La C’est un moyen portant sur le fond du droit. Elle tend à faire rejeter la défense prétention du demandeur qui ne serait pas justifiée (par ex. parce que le au fond contrat est nul, que la dette a déjà été réglée...). Elle peut être opposée en tout état de cause, jusqu’au dernier moment où les conclusions sont recevables en première instance, et même pour la première fois en appel. L’exceptio Elle vise à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte ou à en suspendre n de le cours. Le défendeur peut soulever une exception d’incompétence du juge, procédure une exception de nullité d’un acte de procédure, ou une exception dilatoire pour obtenir un délai. À peine d’irrecevabilité, les exceptions doivent être présentées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et s’il y en a plusieurs, de façon simultanée. Exceptionnellement, elle peut être invoquée en tout état de cause (c’est le cas de l’exception de nullité pour vice de fond d’un acte de procédure). De plus, devant le tribunal judiciaire et la Cour d’appel, les parties doivent soulever les exceptions de procédure devant le juge (ou le conseiller) de la mise en état : elles ne sont plus recevables après le dessaisissement du juge de la mise en état, sauf si l’exception survient ou est révélée postérieurement à ce dessaisissement (CPC, art. 789 et 914 en - - - - - - - - - - - - - - appel). ------------------------------------------------------------------------ ---- La fin de Elle conduit le juge à déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. non-recevoir Elle résulte par exemple du défaut de droit d’agir, en raison d’un défaut de qualité, d’intérêt, de la prescription, de la chose jugée, ou d’un délai préfix. Elle peut être soulevée en tout état de cause et ne nécessite pas la preuve d’un grief, mais le plaideur qui s’est abstenu dans une intention dilatoire de la soulever plus tôt peut être condamné à des dommages-intérêts. Le juge peut relever d’office les fins de non-recevoir qui ont un caractère d’ordre public (ex. la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, de qualité et de la chose jugée : CPC, art. 125, al. 2). Pour les instances introduites depuis le 1er janvier 2020, le juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire statue sur les fins de non- recevoir et les parties ne peuvent plus les invoquer devant le tribunal judiciaire statuant au fond, sauf si la fin de non-recevoir est survenue après le dessaisissement du JME). Le juge rejette la fin de non- recevoir si la situation a été régularisée au moment où il statue. La fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut jamais être relevée d’office par le juge (C. civ., art. 2247 ; sauf si elle résulte du Code de la consommation que le juge peut relever d’office). CHAPITRE 3 Les aides à l’accès au juge Afin de garantir à tous les citoyens un accès égal à la justice, le principe est que les parties ne rémunèrent pas les juges (qui ont un statut particulier de fonctionnaires rétribués par l’État, ou d’élus bénévoles au tribunal de commerce, ou de salariés ou d’employeurs désignés pour le conseil des prud’hommes) Néanmoins, le fonctionnement du service public occasionne des frais, et le procès entraîne nécessairement des dépenses pour le justiciable (honoraires de l’auxiliaire de justice, rémunération de l’expert...) : des aides transfèrent la charge des frais de justice sur la collectivité. I/ La répartition des frais de justice A/ Les dépens La liste limitative des frais que l’on nomme « les dépens » est établie par le CPC. Il s’agit, notamment, des droits et taxes perçus par les secrétariats des juridictions ou l’admi- nistration des impôts, des rémunérations des techniciens, des indemnités des témoins, des émoluments des officiers ministériels, des frais de postulation obligatoire, des droits de plaidoirie, des frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger (CPC, art. 695). Le paiement des dépens est effectué selon diverses modalités : – la charge des dépens incombe en principe à la partie perdante, qui assume ses propres frais et rembourse au gagnant ses dépens (si l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle, il existe des règles particulières). Dans le cadre d’une procédure qui impose la postulation, si l’avocat du gagnant a fait l’avance des frais exposés sans avoir reçu de provision, le Code de procédure civile prévoit la « distraction des dépens », c’est-à-dire le recouvrement direct sur la partie perdante ; – le juge peut répartir différemment les dépens et, notamment, en mettre la totalité ou une fraction à la charge du gagnant, par une décision motivée. Il se fonde sur l’équité, sur la disparité des situations économiques des parties ; – des règles particulières prévoient d’autres modes de paiement des dépens : celui qui se désiste doit payer les frais de l’instance (sauf s’il est bénéficiaire de l’aide juridic- tionnelle ; D. 19 déc. 1991, art. 123-1), en cas d’accord des parties, les dépens sont partagés en cas de péremption de l’instance c’est le demandeur qui doit payer les dépens. Comme on l’a vu, le droit d’agir en justice est l’une des composantes du droit à un procès équitable, principe proclamé par de nombreux textes internationaux Cependant, cette protection ne doit pas simplement être théorique, elle doit être effectivement et concrètement garantie dans la réalité de tous les jours. La question de l’effectivité du droit d’agir concerne principalement les questions relatives aux frais de justice et à leur prise en charge par la collectivité Le coût financier d’un procès ne doit pas être un frein ou un obstacle à l’exercice d’une action devant les tribunaux. La loi proclame un principe de gratuité de la justice (art. L111-2 COJ). Ce principe de gratuité de la justice implique tout d’abord que les juges ne sont pas payés par les parties. En France, les juges sont des fonctionnaires, rémunérés par l’Etat. Ensuite, ce principe de gratuité signifie que, en principe, les parties ne paient aucune taxe sur les actes de procédure. Enfin, étant donné que la question financière peut être un obstacle pour certains d’agir en justice, les coûts qu’entraîne la justice sont réduits. À l’exception de certains droits et taxes, le justiciable doit néanmoins payer certaines dépenses liées au procès (la rémunération des experts, les honoraires des avocats…) : ils doivent payer certains frais de justice. Parmi ces frais de justice, il faut distinguer entre :  Les « dépens » (art. 695 CPC)  Les « frais non compris dans les dépens » (art. 700 CPC) 3 8 B/ Les frais irrépétibles Chaque partie a la charge de ses propres frais irrépétibles constitués, notamment, par les honoraires de l’avocat, par d’éventuels frais de déplacement ou de consultation, qui ne font pas partie des dépens.L’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que l’avocat devra dans tous les cas établir une convention d’honoraires avec son client, pour la postulation, la consultation, l’assistance, le conseil et la rédaction d’actes ainsi que la plaidoirie, sauf en cas d’urgence ou de force majeure, ou lorsqu’il intervient à l’aide juridictionnelle. La convention doit préciser le montant ou le mode de détermination des honoraires, ainsi que les frais et débours envisagés. Un remboursement d’une fraction des frais irrépétibles entre les parties a été prévu pour protéger les justiciables les plus démunis et leur permettre d’exercer leur droit au juge. À cet égard, l’article 700 du Code de procédure civile confère au juge, dans toutes les instances, le pouvoir de condamner l’une des parties (qu’elle soit tenue ou non aux dépens, qu’elle soit perdante ou non), à verser à l’autre une somme qu’il détermine. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties. La partie concernée doit faire une demande au juge. Le montant attribué est apprécié souverainement par le tribunal. Même s’il ne correspond pas à la totalité des sommes déboursées par la partie, il permet de rétablir un certain équilibre. C/ Les frais d’exécution En principe, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés (CPC exéc., art. L. 111-8). L’article L. 141-5 du Code de la consommation prévoit que « lors du prononcé d’une condamnation, le juge peut, même d’office, pour des raisons tirées de l’équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l’intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d’encaissement prévu à l’article L. 111-8 du Code des procédures civiles d’exécution ». Cette disposition permet de ne pas accroître systématiquement la charge des débiteurs de bonne foi (le juge se réfère à l’équité ou à la situation économique du débiteur), mais aussi de ne pas faire supporter au consommateur les frais d’une exécution forcée lorsque la situation du professionnel (banque, assurance, opérateur téléphonique...) ne justifie pas qu’il soit exonéré de ces frais. 3 9 II/ La prise en charge collective des frais de justice A/ L’assurance de protection juridique La technique du contrat d’assurance conduit un assureur à prendre en charge les frais de procé- dure en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers, qu’il s’agisse de défendre ou de représenter en demande l’assuré, dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou même d’obtenir réparation amiable d’un dommage subi. Moyennant le paiement d’une prime convenue, les personnes qui ne sont pas suffisamment démunies pour bénéficier d’une aide étatique peuvent accéder au juge. La protection du justiciable assuré est garantie par un dispositif législatif impératif : le contrat d’assurance de protection juridique doit être distinct de celui élaboré pour les autres branches, et il doit indiquer avec précision le contenu de l’assurance et le montant de la prime. Surtout, l’assuré a le libre choix de son avocat ou de toute personne qualifiée par la loi pour assurer sa défense, représenter et servir ses intérêts. Les différends entre l’assureur et l’assuré (par exemple sur le choix de l’avocat, de la stratégie procédurale, du mode de règlement du litige...) sont réglés par une tierce personne désignée d’un commun accord ou par le Président du tribunal judiciaire (qui statue selon la procédure accé- lérée au fond). Pendant le temps du règlement du différend entre l’assureur et l’assuré, le délai du recours contentieux est suspendu au profit de l’assuré pour toutes les instances juridictionnelles qu’il est susceptible d’engager en demande, jusqu’à ce que le tiers ait donné son avis. Les frais de cette procédure sont à la charge de l’assureur. L’article L. 127-5-1 du Code des assurances prévoit que les honoraires de l’avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l’objet d’un accord avec l’assureur de protection juridique. Lorsqu’une personne bénéficie d’une protection juridique, elle doit joindre à une demande d’aide juridictionnelle une attestation de son assureur indiquant que le litige n’est pas pris en charge (D. 12 déc. 2014 et A. 12 déc. 2014, fixant le modèle de l’attestation de non prise en charge des frais de procédure). Une taxe sur les contrats de protection juridique est partiellement affectée pour le financement de l’aide juridictionnelle : elle est reversée au Conseil national des Barreaux qui assure le paiement des avocats ayant exercé des missions d’aide juridictionnelle. 4 0 B/ L’aide juridique a)L’aide juridictionnelle L’aide juridictionnelle permet au justiciable d’obtenir gratuitement le jugement de son affaire, en totalité ou partiellement, puisque l’État rémunère les auxiliaires de justice et assume la charge des dépens. Son financement est diversement assuré et notamment par des taxes (sur les contrats d’assurance de protection juridique, les décisions des juridictions pénales). 1) Conditions de l’aide juridictionnelle Elle peut être attribuée à toute personne, physique ou morale, quelle que soit sa position procédu- rale (demandeur ou défendeur), dans toutes les procédures devant toutes les juridictions. La personne qui sollicite l’aide juridictionnelle (voir le formulaire Cerfa nº 15626*01 sur le site internet : Service-Public.fr) doit justifier de ressources mensuelles inférieures à un plafond fixé périodiquement. Pour 2023 les montants sont d ’ u n p e u p l u s de : 1.300 € mensuels pour l’aide totale. L’évaluation des ressources est individualisée. Le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte : du revenu fiscal de référence ou, à défaut, des ressources imposables dont les modalités de calcul sont définies par décret ; de la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productif de revenus et du patri- moine mobilier productif de revenus et de la composition du foyer fiscal. Les biens qui ne pour- raient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s’appliquent les plafonds d’éligibilité. 4 1 Les bénéficiaires du revenu de solidarité active (CASF, art. L. 262-3) n’ont pas à justifier de l’insuffisance de leurs ressources. L’aide juridictionnelle peut également être accordée à un ressortissant de l’Union européenne dans les litiges transfrontaliers. Les victimes des atteintes les plus graves à la personne ou à leurs ayants droit, bénéficient d’une aide juridictionnelle systé- matique, quel que soit le montant de leurs ressources. L’aide est refusée si la demande en justice projetée est manifestement irrecevable ou dénuée de tout fondement, ou abusive en raison notamment du nombre des demandes, de leur caractère répétitif ou systématique (L. 1991, art. 7). Une « aide à la médiation » a été instituée. Ainsi, l’aide juridictionnelle est accordée à l’avocat qui assiste une partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’une médiation judiciaire. Il en va de même lorsque l’avocat a assisté une partie éligible à l’aide juridictionnelle, qui sollicite l’homologation d’un accord intervenu à l’issue d’une médiation conventionnelle (L. 10 juill. 1991, art. 64-5). L’aide juridictionnelle couvre aussi une partie de la rémunération du médiateur. La procédure d’obtention se déroule devant un bureau d’aide juridictionnelle qui instruit l’affaire (s’informe sur la situation financière du demandeur auprès des organismes publics, des caisses de sécurité sociale...). Le Président du bureau peut même rejeter la demande si le requérant ne communique pas à temps les documents ou renseignements demandés, et il statue seul sur les demandes qui ne présentent pas de difficulté sérieuse. En cas de rejet de la demande, l’intéressé peut déférer la décision au Premier président de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle le bureau ou la section est institué. 2) Effets de l’aide juridictionnelle La demande d’aide juridictionnelle a des conséquences sur les délais pour agir en justice. Aux termes de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juri- dictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : – soit de la notification de la décision d’admission provisoire ; – soit de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; – soit de la date à laquelle le demandeur à l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 56 et de l’article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; – ou soit, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. 4 2 En appel, la demande d’AJ a des effets sur les délais d’irrecevabilité pour remettre les conclusions au greffe de la cour : lorsque la demande est déposée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du Code de procédure civile, ces délais courent dans les conditions prévues aux b, c et d de l’article 38. Mais les délais ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente. Si l’intéressé forme une demande en justice, puis sollicite l’aide juridictionnelle, ses droits de la défense sont sauvegardés : en effet, dès que la juridiction saisie a été avisée du dépôt d’une demande d’aide juridiction- nelle, elle est tenue de surseoir à statuer dans l’attente de la décision statuant sur cette demande (D. 19 déc. 1991, art. 43-1). Le bénéficiaire qui est admis à l’aide juridictionnelle totale a droit au concours gratuit des auxi- liaires de justice (avocat, officier ministériel comme le commissaire de justice). L’auxiliaire est choisi librement ou commis par le Bâtonnier s’il s’agit d’un avocat, les autres auxiliaires (commis- saires de justice) étant commis par le président de leur organisme professionnel. L’État rémunère ces auxiliaires, sur le fondement d’un tarif fixe (32,00 € hors TVA l’Unité de valeur en 2020). À titre d’exemples, un divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats est indemnisé à hauteur de 24 UV, les autres cas de divorce sont affectés de 31,5 UV. En cas d’aide juridictionnelle partielle, le bénéficiaire conserve une partie des frais à sa charge. Depuis le décret no 2016-11 du 12 janvier 2016, la part contributive de l’État dans l’aide partielle est soit de 55 % soit de 25 %. Le bénéficiaire a également droit à la gratuité des autres frais de justice (si une expertise est ordonnée, l’État avance les frais résultant de l’exécution de la mesure d’instruction). En ce qui concerne les frais de justice de l’adversaire du bénéficiaire de l’aide : si le bénéficiaire perd son procès, ou est condamné aux dépens, il doit supporter personnellement la charge des dépens de l’adversaire, mais le juge peut décider que le Trésor public paiera une partie des dépens de l’adversaire. Le juge peut même condamner le bénéficiaire de l’aide à verser une somme qu’il détermine à l’adversaire, au titre des frais irrépétibles, en se fondant sur l’équité ou sur la situation économique des parties. Si la partie condamnée aux dépens ne bénéficie pas de l’aide juridictionnelle, elle est tenue, sauf dispense totale ou partielle accordée par le juge, de rembourser au Trésor, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l’État au titre de l’aide juridictionnelle de son adversaire. Depuis le décret nº 2014-1502 du 12 décembre 2014, l’aide juridictionnelle n’intervient qu’en l’absence d’assurance de protection juridique (l’intéressé doit fournir une attestation par son assurance de la non prise en charge du procès et des honoraires de l’avocat). Un rapport d’information parlementaire du 23 juillet 2019 (Gosselin et Moutchou) propose 35 modifications, dont le paiement d’un droit de timbre à 50 € pour financer l’AJ, la réévaluation des plafonds et de la rémunération des avocats. 4 3 b) L’aide à l’accès au droit Il s’agit d’une aide matérielle offrant de nombreuses possibilités aux citoyens démunis, dans le cadre des Maisons du droit et de la justice, instituées sous l’autorité des chefs des tribunaux de grande instance pour assurer une présence judiciaire de proximité, et concourir à l’accès au droit par des procédés individuels ou collectifs. Les Conseils départementaux de l’accès au droit (grou- pements d’intérêt public, comprenant, notamment, des représentants de l’État, du département et de certains organismes professionnels) déterminent les conditions d’exercice de la consultation juridique, participent au financement des actions poursuivies, recensent les besoins et définissent une politique locale, reçoivent et répartissent les ressources (participation de l’État, du départe- ment, des barreaux, des organismes professionnels...). Le contenu de l’aide est diversifié : le citoyen peut bénéficier : – d’une aide pour toute consultation en matière juridique ; – du concours gratuit d’un avocat pour négocier une transaction ; – il peut être orienté vers les organismes adéquats, ou être aidé dans la rédaction et la conclusion des actes juridiques par une personne compétente. PARTIE La compétence 2 Chapitre 1 - Les règles légales de compétence Chapitre 2 - Les sanctions des règles de compétence CHAPITRE 1 Les règles légales de co m p é tence La compétence peut être définie comme l’aptitude d’une juridiction à statuer sur un litige déterminé. La compétence d’attribution permet de connaître les matières attribuées à tel ou tel juge. Les règles de compé- tence territoriale définissent le rattachement d’un litige au ressort d’un tribunal. I/ La compétence d’attribution A/ Définition de la compétence selon la matière du litige La grande diversité des compétences d’attribution de chaque juridiction exclut qu’il soit procédé à une analyse exhaustive, et seuls les exemples les plus importants seront donnés. Une réflexion sur la répartition des compétences entre les juridictions civiles a donné lieu à un rapport Guinchard (« L’ambition raisonnée d’une justice apaisée », La Documentation française, 2008), dont les propositions ont été mises en application par plusieurs réformes. Pour rationaliser l’organisation judiciaire et l’adapter aux nouvelles évolutions (notamment numériques), la loi du 23 mars 2019 a prévu un nouveau réseau judiciaire à compter du 1er janvier 2020. La création du tribunal judiciaire Depuis le 1er janvier 2020, le tribunal judiciaire a remplacé le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance qui ont fusionné. Lorsque le TI était situé dans la même commune que le TGI, il a été absorbé par le TJ ; lorsque le TI était situé dans une autre commune, le site n’a pas été supprimé, mais le TI est devenu une chambre de proximité du TJ (dénommée tribunal de proximité). Les compétences du nouveau TJ ont été redéfinies (COJ, art. R. 211-3 et s.), comme celles des tribunaux de proximité dont les compétences peuvent être augmentées. En outre, un juge des contentieux de la protection (JCP) est créé dans chaque Tribunal judiciaire pour statuer sur le crédit à la consommation, le surendettement des particuliers, le contrat de louage d’immeuble à usage d’habitation, la protection des majeurs et l’expulsion des personnes sans droit ni titre. Un JCP est chargé de coordonner l’activité des JCP et des conciliateurs de justice du ressort du tribunal judiciaire. Lorsqu’il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un même département, il est possible de spécialiser l’un d’entre eux dans certaines matières (droits d’enregistrement, préjudice écologique, responsabilité médicale...). 4 8 La généralisation des services d’accueil unique du justiciable (SAUJ) regroupant les différents greffes (y compris le greffe du conseil des prud’hommes), facilite l’accès au juge. Un SAUJ est implanté au siège de chaque Tribunal judiciaire et de chaque chambre de proximité, ainsi qu’au- près de certains conseils de prud’hommes et dans certaines maisons de justice et du droit (COJ, art. R. 123-26). Les réformes récentes instaurent des juridictions spécialisées dans certains contentieux : l’idée générale est de regrouper auprès de quelques tribunaux des contentieux complexes ou mettant en cause un grand nombre de parties. Par exemple, seuls quelques tribunaux de commerce connais- sent des contentieux issus d’une rupture brutale des relations commerciales établies (C. com., art. 442-6, I, 5º). Pour sanctionner la saisine d’une juridiction non spécialisée, la Cour de cassation applique l’irrecevabilité de la demande, et non l’exception d’incompétence ! Depuis le 1er janvier 2019, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité ont été supprimés, le contentieux ayant été transféré à certains Tribunaux judiciaires spécialement désignés (TJ échevinés avec 1 magistrat et 2 assesseurs) (COJ, art. L. 211-16 ; CSS, art. L. 142-1). a) Les juridictions de droit commun Les juridictions de droit commun disposent d’une compétence de principe, cela signifie qu’elles jugent en toutes matières, sauf lorsqu’une loi spéciale leur a retiré la connaissance d’un litige. Juridictions Compétences Le Il statue sur toutes les affaires qui ne relèvent pas de la compétence d’une tribunal autre juridiction. Cela concerne essentiellement les matières civiles judiciaire personnelles ou mobilières (droits de créance). Il a souvent une compétence exclusive (aucune autre juridiction ne peut statuer) : c’est le cas pour les litiges relatifs à l’état des personnes (mariage, divorce, filiation), aux successions, à l’adoption, aux saisies immobilières, au redressement et à la liquidation judiciaires des débiteurs qui ne sont ni commerçants ni immatriculés au répertoire des métiers... Le juge rend aussi les ordonnances portant injonction de payer en matière civile (jusqu’à la création de la juridiction nationale des injonctions de payer prévue au plus tard pour le 1er De nombreux septembre 2021,juges projetuniques spécialisés qui pourrait être constituent abandonné).l’émanation du Tribunal judiciaire : - - - - - - - - - - - - - --juge - - - - -aux - - - -affaires - - - - - - -familiales - - - - - - - - - pour - - - - -les - - -procédures - - - - - - - - - - -de - - -divorce - - - - - - -judiciaire - - - - - - - - -et- -de ------ ----- séparation de corps judiciaire, de tutelle des mineurs ; - juge de l’exécution qui a compétence exclusive en matière de procédures civiles d’exécution ; -juge des contentieux de la protection, compétent en matière de tutelle et de protection des majeurs, de contrat de louage d’immeuble à usage d’habitation, de droit de la consommation, de surendettement et de rétablissement personnel. Des tribunaux judiciaires spécialement désignés statuent sur le contentieux de l’aide sociale (COJ, art. L 211-16 et CSS, art. L. 142-1), le contentieux général de la sécurité sociale (conflits entre organismes de sécurité sociale et assujettis afférents au paiement des cotisations, au principe de l’affiliation...) et sur le contentieux technique et médical (inaptitude au travail, degré d’incapacité ou d’invalidité...). Le tribunal judiciaire absorbe les compétences de l’ancien tribunal d’instance avec lequel il a fusionné. Ces compétences sont exercées dans le cadre d’un « pôle de proximité » (COJ, art. R. 212-62), qui regroupe plusieurs chambres ou services. La chambre de proximité du tribunal judiciaire dénommée tribunal de proximité (ancien tribunal d’instance situé dans une autre commune que le TJ) : le tribunal de proximité est une émanation du TJ et a de très nombreuses compétences. Il statue sur les actions civiles personnelles ou mobilières (droits de créance) d’un montant inférieur ou égal à 10 000 €, les actions liées au voisinage ou à la vie rurale, sur les funérailles, les injonctions de payer inférieures à 10 000 €. D’autres compétences pourront lui être confiées (notamment le contentieux post-divorce en matière familiale). La C’est la juridiction de droit commun du second degré qui juge tous les appels cour formés contre les décisions rendues en premier ressort par les juridictions de d’appe première instance situées dans son ressort géographique, sans aucune l distinction selon la matière du litige : il suffit que la demande porte sur un montant supérieur à un taux fixé par décret, qui est de 5 000 € (COJ, art. L. b) Les juridictions dites d’exception Les juridictions d’exception jugent seulement les matières que la loi leur attribue expressément Juridictions Compétences Le tribunal Il juge les litiges entre commerçants et ceux qui concernent les actes de de commerce (contentieux général), ainsi que les procédures de redressement commerce et de liquidation judiciaires des commerçants et artisans (C. com., art. L. 721-3 et s. et R. 721-1 et s.). Il intervient aussi dans la prévention au profit des entreprises en difficulté. Le conseil Il comprend cinq sections (C. trav., art. L. 1423-1 – industrie, commerce, des agriculture, encadrement, activités diverses) qui se répartissent les affaires prud’homm en fonction de l’activité du salarié partie au litige. Il juge les conflits es individuels qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail ou d’apprentissage. Après avoir tenté de concilier les parties, il juge les différends pour lesquels la conciliation n’a pas abouti. Il a une compétence exclusive. Le tribunal Il est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et paritaire preneurs de baux ruraux, relatives à l’existence du contrat de bail rural, à de baux sa résiliation, au droit de reprise, au loyer... (C. rur., art. L. 491-1). ruraux 5 0 B/ Incidences du montant de la demande Pour toutes les juridictions, l’évaluation du montant de la demande permet de savoir si le juge- ment rendu sera ou non susceptible d’appel, puisque le taux du ressort est actuellement fixé à 5 000 €. Au-delà de 5 000 €, le jugement est rendu en premier ressort et un appel est en principe ouvert. S’agissant du tribunal judiciaire, l’évaluation du montant de la demande permet également de savoir quelle est la procédure applicable : si ce montant est égal ou inférieur à 10 000 €, la procé- dure est orale et les parties dispensées d’avocat ; au- delà de 10 000 €, la procédure est écrite avec représentation obligatoire par avo

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