DROIT CONSTITUTIONNEL THEORIE ET HISTOIRE PDF

Loading...
Loading...
Loading...
Loading...
Loading...
Loading...
Loading...

Summary

This document provides an overview of French constitutional law, focusing on the theory and historical context. It explores the fundamental concept of the Constitution and its role within the French legal system. The text also examines the nature of law within different legal and societal contexts, emphasizing the difference between descriptive and prescriptive systems and the role of various norms in shaping public conduct.

Full Transcript

DROIT CONSTITUTIONNEL THÉORIE ET HISTOIRE Les notions du droit constitutionnel sont la théorie du droit constitutionnel et l’histoire constitutionnelle française. Ces connaissances sont indispensables pour comprendre le système constitutionnel de la Vème République. Le droit constitutionnel fait pa...

DROIT CONSTITUTIONNEL THÉORIE ET HISTOIRE Les notions du droit constitutionnel sont la théorie du droit constitutionnel et l’histoire constitutionnelle française. Ces connaissances sont indispensables pour comprendre le système constitutionnel de la Vème République. Le droit constitutionnel fait partie du droit public qui est la principale matière du droit avec le droit privé. Droit public : traditionnellement, c’est le droit qui régit les rapports entre l’État et les particuliers. Il est donc différent du droit privé. Droit privé : droit qui régit les relations entre particuliers. Droit constitutionnel : il organise les rapports qui existent entre les pouvoirs les plus importants de l’État, les pouvoirs politiques. L’unité du Droit constitutionnel procède du fait que cette organisation est condensée dans un texte fondateur : la Constitution. Elle revêt une importante décisive car elle est à la fois l’acte juridique le plus important mais aussi le plus élevé dans la hiérarchie des normes. C’est l’acte juridique suprême ainsi que l’acte qui régit la vie de l’État. C’est donc le statut de l’État. PARTIE 1 : LA THÉORIE DU DROIT CONSTITUTIONNEL Chapitre 1er : la notion de Constitution Étudier le droit constitutionnel suppose la précision de ses contours. On va présenter d’abord des éléments généraux sur la nature du droit et sur la place qu’occupe la Constitution au sein du système juridique. On va se demander si la définition de la Constitution doit être matérielle ou formelle. Enfin on va se demander comment les Constitutions naissent, se modifient et disparaissent. A. La place de la Constitution dans le système juridique de l’État 1. Le droit comme système normatif Au 1er abord, le droit est un ensemble de textes écrits mais les juristes en distinguent 2 catégories. On parle de « textes » pour désigner les actes produits par les organes politiques et administratifs. Ex : la Constitution, la loi, le règlement. Et on parle de « décisions » désignant les jugements rendus par les juridictions (tribunaux). Officiellement, ce sont aussi des textes mais on les qualifie de décisions dans le langage juridique. Ces textes et décisions d’un même système juridique forment un Droit. Le Droit n’est pas un système descriptif mais un système prescriptif. La différence est qu’un système descriptif aura des discours qui décrivent la réalité et qui disent la vérité. Ex : les discours scientifiques. Il existe d’ailleurs des propositions descriptives vraies et fausses selon qu’elles correspondent ou non aux objets qu’elles prétendent décrire. La fonction fondamentale d’un système juridique est de prescrire. On dit que le droit est un système de contraintes ou un système normatif. Le droit est un système qui prescrit certaines actions qui ont pour finalité d’orienter le comportement humain dans un certain sens. Ici, orienter le comportement signifie 2 choses : encourager certains comportements et en décourager d’autres. Ex 1 : le code civil ouvre certains droits à ceux qui sont mariés et donc si on veut les obtenir on doit se marier. C’est une forme d’encouragement. Ex 2 : le code de la route limite la vitesse de circulation et soumet les contrevenants à des amendes. C’est une forme de découragement. Dans les 2 cas, le droit a pour effet d’orienter le comportement humain en encouragent telles actions ou décourageant telles autres. Le choix de ses finalités revient aux organes politiques et repose sur des considérations généralement extra juridiques. Ex : En Allemagne, les « autobahn » ne sont pas soumises à des limitations de vitesse alors qu’en France on pénalise les excès de vitesse car ce sont des facteurs d’accidents et qu’on les considère comme dangereux pour les gens. Dans une société donnée, le droit n’est pas le seul système normatif qui cherche à s’imposer. Il en existe plusieurs comme la morale, la religion, les usages, bonnes manières etc. Parfois ces systèmes concordent avec le droit et d’autres fois ils entre en compétition avec. Souvent les systèmes normatifs s’influencent les uns les autres car le droit peut enregistrer des prescriptions qui proviennent d’un système normatif moral. Ex : la morale peut intégrer des normes religieuse et vice versa pour tous les systèmes. Ainsi se pose la question d’en quoi le droit se distingue des autres systèmes et qu’est ce qui fait ça spécificité ? Pour répondre à cela, on va montrer ce que les systèmes normatifs ont en commun en partant de la norme. 2. Diversité des ordres normatifs Par définition, un système normatif est composé de normes. Mais toutes ne sont pas juridiques. Norme : de manière générale, c’est le sens d’une phrase qui indique non pas ce qui est mais ce qui devrait être. Celles qui nous intéressent sont celles qui prescrivent des comportements. 1ère précision : les normes de ce types sont soit déduites d’énoncés verbaux qui contiennent le verbe « devoir » ou qui sont formulés à l’impératif. Il ne faut pas confondre l’énoncé lui-même et la norme qu’on en déduit. Ex : « tu ne tuera pas » signifie tu ne dois pas tuer. L’énoncé est à l’indicatif mais on doit en déduire l’existence d’une norme, qu’on peut formuler sous forme impérative. 2ème précision : certaines normes prennent une forme catégorique, d’autres sont hypothétiques. Celles catégoriques ne soumettent pas leurs validité à des conditions, c’est-à-dire qu’elles ont une validité universelle. Les normes hypothétiques, elles, soumettent leur validité a des conditions. Ex de norme catégorique : « tu ne tuera pas » signifie tu ne dois jamais tuer. Cette forme est fréquente dans les systèmes normatifs moral et religieux. La norme est universelle : on ne doit jamais tuer. Ex de norme hypothétique : « tout condamné à mort aura la tête tranchée ». Ici, la condition est si quelqu’un est condamné à mort alors il aura la tête tranchée. Pour que la sanction soit appliquée, il faut que la condition soit satisfaite. La norme est donc composée de 3 éléments : 1 condition : si X est... 1 sanction : alors Y doit être 1 relation d’imputation : entre X et Y. La relation d’imputation est précisément cette relation qui dit non pas que la sanction existe mais qu’elle doit exister. La plupart des normes juridiques peuvent être ramenée à cette forme. Il est important de comprendre que les normes à formulation hypothétique peuvent avoir un caractère dynamique, elles peuvent permettre d’engendrer d’autres normes. Il suffit de définir une sanction qui consiste en la création dune autre norme. Ex : « la loi est votée en termes identiques par les 2 assemblées » veut dire que si un texte est voté en termes identiques par les deux assemblées (condition) alors ce texte doit être regarder par le système juridique comme une loi (sanction). Les systèmes normatifs peuvent s’enrichir et se compliquer avec le temps. En effet avec un tout petit nombre de normes initiales - au terme d’un travail qui peut durer des siècles - on peut aboutir à un nombre considérable de normes. Cette propriété est vraie pour tous les ordres normatifs. Toutefois, la manière dont ces systèmes procèdent pour s’enrichir est variable. Pour simplifier les choses, on peut distinguer 3 grands types de système : 1. Les systèmes statiques, 2. Les systèmes dynamiques, 3. Les systèmes statiques et dynamiques. Les systèmes statiques produisent une nouvelle norme en assurant une cohérence logique entre cette nouvelle norme et les anciennes. Simplement, il s’agit de satisfaire un impératif de non contradiction. Il ne faut pas que le contenu de la nouvelle norme contredise celui des normes plus anciennes. C’est la matière qui prime dans ces systèmes. Ex : une norme ancienne prescrit « tu ne tuera pas », une nouvelle norme peut autoriser à manger du fromage le jeudi. Mais, une nouvelle norme ne peut autoriser le meurtre. Dans les systèmes normatifs dynamiques, ce n’est pas la correspondance logique du contenu qui prime, c’est la procédure de confection. C’est la forme qui prime, pas le contenu. Autrement dit, les système juridiques dynamiques contiennent des normes – généralement hypothétiques - qui prescrivent de quelle manière une nouvelle norme doit être confectionnée. Ex : « la loi est votée en termes identiques par les deux assemblées ». La norme prescrit comment une autre norme doit être confectionnée. Avec ce type de norme, rien est dit du contenu de la nouvelle norme, mais comment on la confectionne. C’est la forme et la manière de faire qui prime. Elle indique comment la norme doit être produite pour être valide et appartenir au système normatif. Aussi, un ordre normatif peut être statique et dynamique. Ainsi la production de normes nouvelles est soumise à la fois à des impératifs de contenus de matière et à des impératifs de procédure de forme. Il en va ainsi de la plupart des systèmes juridiques. Les conditions formelles se doublent généralement d’exigence matérielle. Ex : dans la Constitution d’un pays imaginaire, une norme qui prescrirait une loi doit être votée par les 2 assemblée et une loi qui interdirait la peine de mort. Pour que la loi soit valide il faut 1 condition formelle et 1 matérielle. Nous voila arrivé à l’idée que les systèmes normatifs sont nombreux. Dans la réalité, bien des systèmes sont un peu des deux mais la proportion varie. Reste à préciser 2 idées importantes qui sont intimement liées : celle de hiérarchie des normes et celle de validité. 3. Hiérarchie des normes et validité Tout ce qu’on vient de dire nous permet de faire un constat simple : un système normatif peut prévoir son propre développement ce qui veut dire que le droit prévoit la production du Droit ultérieur. Dans un système normatif de ce type, il existe des normes qui prévoient la production d’autres normes. Et si certaines normes prévoient la productions d’autre normes cela veut dire quelles sont supérieurs aux autres normes. Une norme est supérieure à une autre quand elle a la capacité de former la seconde. Cela implique l’existence d’un système hiérarchique entre les normes. Dans un système principalement statique, cela signifie que les normes dont on juge le contenu le plus important sont supérieures à celles dont on juge le contenu moins important. Elles l’emportent lors de contradictions de contenu. Dans un système principalement dynamique, les normes supérieures sont celles qui prévoient la confections des autres. Ex : la Constitution est supérieure à la Loi car elle prévoit la confection des lois. Il faut comprendre ici que cette hiérarchie est composée de plusieurs étages : une norme X peut prévoir la conception d’une norme Y qui peut prévoir la confection d’une norme Z. X > Y > Z donc Constitution > lois > règlements. Cette hiérarchie des normes est nécessaire et utile car elle permet de déterminer quelle norme appartient au système juridique et quelle norme n’y appartient pas. Elle permet aussi de distinguer le Droit des autres systèmes normatifs. Une norme est dite valide dans un système normatif donné lorsqu’elle appartient à ce système. Savoir si une norme est valide revient à savoir si elle appartient à un ordre normatif ou non. C’est utile car on peut distinguer le Droit des systèmes normatifs. Ex 1 : la norme « on ne doit pas parler la bouche pleine » n’appartient pas au système juridique. Elle est donc juridiquement invalide mais cela ne l’empêche pas d’être respectée car elle est valide dans le système normatif des bonnes manières. Ex 2 : la loi du 6 janvier 1978 « informatique et liberté » est valide dans le système juridique français mais ne l’est pas dans les autres. Ex 3 : une norme n’a pas besoin d’être juridiquement valide pour être socialement respectée et efficace. Cependant, il arrive parfois inversement et que la norme soit juridiquement valide mais qu’elle ne soit pas efficace. Ex : un pays où le code de la route existe mais est que très peu respecté. Nous pouvons nous poser la question suivante : comment déterminer si une norme appartient à un système normatif ? On regarde si elle a été produite conformément à une norme supérieure contenue dans le système en question. Si sa production est conforme alors elle est valide. Ex 1 : la norme « on ne doit pas parler la bouche pleine » n’a pas été confectionnée selon des exigences formelles et matérielles prévus par la Constitution donc elle n’y appartient pas et n’est pas valide juridiquement. Ex 2 : la loi du 6 janvier 1978 a été produite conformément aux règles formelles et matérielles contenues dans la Constitution. Elle a été adoptée par le Parlement, jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et promulguée par le Président de la République. Toutes ces conditions sont posées par des normes supra législatives et ont été respectées. Les citoyens, les administrations et les juges doivent la regarder comme s’imposant à eux, le cas échéant sous peine de sanction et doivent en faire application car elle est valide. Dans une société donnée il existe des systèmes normatifs dont la finalité est d’orienter l’activité humaine et ces systèmes sont composés de normes. Le droit est un de ces ordres normatifs et on peut considérer qu’il est à la fois statique et dynamique. Les normes qui appartiennent à l’ordre juridique portent plusieurs noms : la Constitution, la Loi, les Règlements. Ces normes juridiques sont formulées sous forme d’impératif hypothétique et prennent la forme « si X est alors Y doit être ». Cette structure commune aux normes juridiques implique que ces normes soient fondamentalement de même nature. Mais ces normes juridiques qui sont de même nature ne sont pas de même degré. Déterminer si une norme est valide et appartient au système juridique revient à savoir si elle a été produite conformément à des normes déjà contenues dans ce système juridique. Cette idée implique donc une régression à l’infinie. Problème : pour savoir si une norme inférieure est valide, il faut remonter à une norme intermédiaire qui en prévoirait la production. Mais il faut savoir que cette norme intermédiaire est elle-même valide or cela implique de savoir si cette norme intermédiaire a été produite conformément à une norme encore plus élevée. 4. La Constitution comme norme supérieure On peut apporter une réponse juridique et une réponse philosophique au problème énoncé. 1. La réponse juridique : elle est claire mais n’explique rien. Elle dit que le dernier degré du système juridique d’un État c’est la Constitution. Juridiquement, au terme de la régression, toutes les normes du système juridique tirent leur validité de la Constitution. Chose qu’on affirme en disant que la Constitution est le dernier étage de la pyramide juridique. Toutes les normes qui appartiennent au système juridique tirent leur validité « in fine » de la Constitution. 2. La réponse philosophique : différent auteurs ont apporté des réponses pour savoirs d’où la Constitution tire sa validité. Théorie 1 : la validité de la Constitution repose sur sa légitimité qui est le rapport de ressemblance entre le contenu de la Constitution et un ensemble de norme qu’on juge bonnes pour elles-même. On définit un ensemble de valeur qu’on juge idéal et on considère que la Constitution est valide que si elle conforme à cet ordre idéal. Théorie 2 : on fait reposer la Constitution sur son efficacité et sur le fait qu’elle s’impose. Elle est valide parce que dans les faits, elle est globalement respectée. Théorie 3 : inventée par le juriste autrichien Hans Kelsen, elle consiste à faire reposer la Constitution sur sa seule validité. Problème : la Constitution est le dernier degré de l’ordre juridique alors comment peut-on penser qu’elle tire sa validité du degré ultime ? La réponse de Hans Kelsen est spéculatrice : il faut postuler l’existence d’une « norme fondamentale » , « grundnorm » en allemand, qui confère à la Constitution sa pleine validité. Le but pour Hans Kelsen est d’éviter que le Droit ne repose sur autre chose que lui-même, à savoir des valeurs et faits extra juridiques. Dans la suite on va partir du principe que la constitution est juridiquement valide. B. La délimitation de la Constitution Pour se faire, on a 2 grandes possibilités : la définition formelle et la définition matérielle. 1. La définition formelle Les juristes parlent de matière pour renvoyer au contenu des actes juridiques et de forme pour la façon dont ces actes sont produits. Or les actes qui sont réalisés conformément à la procédure de production de la Constitution sont aussi ceux que l’on regroupe dans un document spécifique : la Constitution. Il existe 2 définition formelle de la Constitution : - au sens formel, la Constitution se compose de l’ensemble des dispositions qui ont été produites conformément à la procédure prévue pour produire ou réviser la Constitution. - au sens formel, la Constitution désigne un acte écrit et consigné dans un document solennel. Seules les dispositions formellement constitutionnelle au sens de la première définition peuvent entrer dans ce document. Remarque 1 : le document constitutionnel ne fait qu’enregistrer ce qui a été produit de manière formellement constitutionnelle. C’est de cette manière formelle que les juristes désignent la Constitution. Cependant, les chartes de 1815 et de 1830 sont conceptuellement des Constitutions. Elles sont composé de titres, de chapitres eux mêmes divisés en articles numérotés comprenant des alinéas qui contiennent des dispositions constitutionnelles. Remarque 2 : il arrive que la Constitution au sens formel ne soit pas un document unique mais qu’il rassemble plusieurs documents. Ex : la Constitution de la IIIe République qui contenait 3 lois constitutionnelles. Il est aussi possible que le document intitulé Constitution confère à un autre document une valeur constitutionnelle. Ex : c’est le cas de notre Constitution du 4 octobre 1958 qui, avant son article 1er, a un préambule renvoyant au préambule de 1946. Remarque 3 : la Constitution au sens formel est le fondement de la validité juridique des autres normes. Autrement dit la Constitution contient des dispositions qui prévoient de quelles manières les normes inférieures sont confectionnées. La Constitution est aussi la source de la loi et du Règlement ainsi que sa propre source car elle contient des dispositions qui prévoient sa propre modification. Elle se compose du document constitutionnel et le cas échéant, des textes auxquels il confère une valeur constitutionnelle comme la DDHC. C’est comme ça qu’on délimite le droit constitutionnel positif étant donné que le Droit Constitutionnel en vigueur est la Constitution formelle. En disant que le droit constitutionnel est exclusivement le droit de la Constitution formelle nous pourrions définir l’étude de ce droit comme une entreprise purement juridique. L’idée est alors de restreindre son attention aux éléments juridiques seuls. Autrement dit, selon cette conception restreinte, le droit Constitutionnel est le droit de la Constitution formelle et rien d’autre. Cela dit, même en adoptant cette approche restrictive, il nous faudrait porter notre attention sur des éléments qui ne sont pas directement contenus dans la Constitution. Pour comprendre le droit Constitutionnel, on doit faire appel à des normes qui ne sont pas nécessairement constitutionnelles. Elles précisent le sens de le Constitution et sont donc des normes infra constitutionnelle. Première catégorie : elle précise le sens de la Constitution. Les lois dites « organiques » occupent une place intermédiaire entre la Constitution et la loi ordinaire. Ce sont des lois spéciales car elles sont confectionnées selon une procédure spécifique et prévues dans la Constitution. Cette dernière prévoit un mécanisme général et renvoi à une loi organique le soin de préciser ce mécanisme. Le texte constitutionnel peut renvoyer à la loi ordinaire pour les mêmes raisons. Ex : en France, c’est la Loi qui vient régler certaines libertés en adoptant des lois. Deuxième catégorie : à ces normes infra constitutionnelles s’ajoute la jurisprudence constitutionnelle qui est le résultat des interprétations juridictionnelles de la Constitution. Dans de nombreuses Constitutions, il existe un ou plusieurs organes juridictionnel chargé d’interpréter la Constitution de façon authentique. En France, c’est le Conseil constitutionnel qui s’en charge. Comme les dispositions d’une Constitution sont souvent imprécises et peu claires, le Conseil constitutionnel est chargé de les préciser et de les clarifier pour en permettre l’application. Il va écarter certaines significations possibles du texte pour en imposer d’autres. Ex : une Constitution parle d’égalité entre les citoyens mais que signifie égalité ici ? C’est le juge constitutionnel qui tranche ce genre de question et qui va ainsi participer à préciser le sens de la Constitution en déterminant le sens du mot égalité. Il faut se référer à des textes infra constitutionnels et à la jurisprudence constitutionnelle. 2. La définition matérielle de la Constitution Le droit constitutionnel est apparu essentiellement comme un droit politique prévu pour régir les rapports politiques. C’est de cette idée que de nombreux auteurs ont dérivé la définition matérielle de la Constitution. On l’appelle matérielle car elle renvoi au contenu de la Constitution. Au sens matériel, la Constitution désigne l’ensemble des normes qui règlent la conquête et l’exercice de la domination politique au sein de l’État. Cette définition appel une critique importante car le concept de Constitution au sens matériel est un usage difficile dont on distingue 2 difficultés. Première difficulté : il arrive que certaines normes qui remplissent une fonction politique ne se trouvent pas dans la Constitution formelle. Ex : les normes qui règlent les élections des assemblées ne sont pas inscrites dans la Constitution mais dans des lois ordinaires or si on applique la définition matériel en toute rigueur, il faudrait leur reconnaître une valeur constitutionnelle. Deuxième difficulté : il arrive aussi que certaines dispositions contenues dans la Constitution formelle ne remplissent aucun rôle politique. Ex : l’actuelle Constitution hongroise s’ouvre sur profession de foi nationale dans laquelle le peuple hongrois affirme sa fierté quant aux remarquables intellectuels que son pays a enfanté. Ici, si on applique la définition précise de la Constitution, il faut en déduire que cette disposition ne fait pas partie de la Constitution. Ces 2 difficulté montrent que la définition matérielle de la Constitution est source de confusion terminologique, et critiquable. Ex : Dans certains États contemporains comme la Grande Bretagne il n’existe pas de Constitution au sens formel donc la loi ordinaire est le dernier étage de la hiérarchie des normes. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de jeu politique qui s’applique, mais que ces règles sont dans les lois et coutumes. Par raccourcis de langage on dit que ces lois et coutumes forment la Constitution matérielle de la Grande Bretagne. 3. Étudier le système politique Rejeter la définition matérielle de la Constitution ne signifie pas qu’il faille rejeter l’objectif qui guide ces partisans. Ceux qui soutiennent cette définition le font pour une raison intéressante : ils considèrent que la question essentielle n’est pas seulement de savoir ce que contient le droit Constitutionnel mais plutôt de savoir comment fonctionne le système constitutionnel. Ils ne se contentent pas d’étudier le droit Constitutionnel au sens formel, ils incluent aussi des éléments non juridiques dans leur étude comme des éléments de science politique, de philosophie du droit ou de l’histoire du droit. Le spectre est plus large mais l’approche est risquée en ce qui concerne le fait d’entretenir des confusions entre ce qui est juridique et ce qui ne l’est pas. Chacun est libre de choisir entre ces 2 approches mais, la seconde condition requiert une condition importante : ne jamais confondre ce qui est juridique de ce qui ne l’est pas. Certes le droit n’explique pas tout mais il est essentiel de l’isoler conceptuellement des autres éléments d’explications du phénomène politique. Pour cela, on dispose de la définition formelle de la Constitution. Nous pouvons nous demander comment comprendre un système politique ? 1. Il faut d’abord bien connaître sa Constitution formelle au sens évoqué précédemment. 2. Il faut s’intéresser à d’autres éléments : - Il faut comprendre l’histoire politique et constitutionnelle, l’histoire des idées constitutionnelles. Ce sont à la fois des institutions passées et des idéologies qui ont dessinés les contours du Droit constitutionnel contemporain. - La culture politique au sens large formée par des normes non juridiques : ce sont des usages, des conventions de la Constitution. Si ces normes ne sont pas juridiques, elles ne sont pas juridiquement valides et obligatoires. Par contre, elles sont efficaces. Malgré leur absence de fondement juridique, elles sont appliquées de manière répétée par les acteurs politiques. Elles jouent donc, dans certains cas, un rôle politique fondamental. Les systèmes politiques ne sont pas structurés seulement par le droit mais aussi par les usages qu’en font les acteurs. Un usage est un comportement répété qui résulte d’une interprétation constante d’une norme. Donc, cela signifie que les textes constitutionnels ne sont pas seulement interprétés par des interprètes authentiques, ils le sont aussi par des interprètes dit « autorisés ». Ce sont les hommes politique. Ex : le Président de la République va interpréter la Constitution pour déterminer ce qu’il a le droit le faire ou non, c’est un interprète autorisé. Quand ces interprétations se répètent dans le temps, elles deviennent des usages. Sous la IIIè République, les présidents avaient le droit de dissoudre la Chambre des députés avec l’accord du Sénat. Or, Grévy a renoncé à utiliser ce droit de dissolution que prévoyait la Constitution qu’il jugeait antidémocratique. Tous ses successeurs ont fait pareil de sorte que le droit de dissolution juridiquement valable perde toute efficacité pratique pendant près de 40 ans. C’est ce qu’on appelle parfois la désuétude du droit de dissolution qui n’est pas une règle juridiquement valide mais un usage qui s’est répété de manière efficace. Contrairement aux usages, les conventions de la Constitution ne résultent pas de l’interprétation d’un texte, mais de son absence. On les reconnaît à la réunion de 3 critères : 1. Absence de texte juridique : une convention ne se déduit d’aucuns textes, elle résulte d’un rapport de force politique entre les organes. 2. Le consensus intersubjectif sur l’existence de la convention : par définition même une convention est une règle dont les acteurs politiques s’accordent à reconnaître l’existence. C’est un contenu de pensées partagé par les hommes politiques qui l’applique. 3. La répétition dans le temps : il faut que la convention ait une certaine efficacité, qu’elle soit appliquée de manière régulière et constante. Ces conventions sont souvent d’une grande importance politique. Ex : dans la Constitution de 1958, on lit que le Président nomme le premier ministre. En revanche, ce texte ne prévoit pas que le Président puisse révoquer son premier ministre. Pourtant, c’est ce qu’il se passe dans la pratique quand il y a coïncidence entre la couleur politique du Président et la majorité du Parlement. Quand il y a concordance des majorités, le Président obtient systématiquement la révocation de son premier ministre. C’est une convention de la Constitution extrêmement efficace car elle est répétée dans le temps depuis le général De Gaulle. Ces usages et conventions peuvent être définis comme des règles dépourvues de validité juridique mais dotée d’une grande efficacité sociale. Généralement, ces usages et conventions s’expliquent par des rapports de force politique entre les organes. C’est le maintien de ces rapports de force qui détermine leur persistance dans le temps. Certains auteurs pour désigner ces règles non-écrites parlent de « droit non-écrit ». Cette terminologie à pour habitude d’être trompeuse car ce n’est pas du droit car le critère distinctif du droit est sa validité juridique, laquelle résulte de son mode de confection. Or, ces règles non-écrites ne sont pas de cet ordre. Ce sont au contraire, des normes comportementales non juridiques. En plus d’elles, il faut aussi connaître un certain nombre de faits politique. Ils ne sont pas, à proprement parlé, juridiques. Mais ils ont des incidences sur le fonctionnement des systèmes politiques : - La structure des partis politiques joue un rôle déterminant dans l’offre politique et dans la manière dont se déroule la compétition politique. - Les effets typiques d’un mécanisme politique. Le résultat des élections législatives aboutissent à des coalitions de partis qui tentent d’obtenir la majorité. Si on cherche à expliquer le fonctionnement d’un système politique, il est nécessaire de connaître les normes non juridiques, les usages, les conventions et les faits politiques. En résumé : - Le terme de Constitution est utilisé au sens formel pour désigner l’ensemble des normes constitutionnelles juridiquement valides. - On doit connaître la définition matérielle de la Constitution même si elle est source de confusions. - Mais, l’étude qu’on se propose de faire ne se limite pas à l’exploration de la Constitution formelle, elle est plus large : c’est l’exploration des systèmes politiques. Cela nous oblige à tenir compte d’éléments, d’institutions, de règles qui ne sont pas formellement constitutionnels. - Ce qui est important de retenir est que cette dernière série d’éléments, ne sont pas de nature juridique mais cela ne les empêche pas d’être efficace et de jouer un rôle politique important. C. Naissance, vie et mort de la Constitution 1. Le pouvoir constituant originel En droit constitutionnel, on parle de pouvoir pour désigner un organe qui produit des actes juridiques. Depuis la révolution française, cet usage du terme pouvoir a été étendue à la fonction qui consiste à produire la Constitution : le pouvoir constituant. Ce dernier désigne l’organe ou la fonction qui consiste à produire une Constitution. On appel « pouvoir constituant originel » l’organe qui confectionne la Constitution, et on appel « pouvoir de révision constitutionnel » l’organe qui modifie la Constitution dont il n’est pas l’auteur originel. Concernant le pouvoir constituant originel, on commence par distinguer le plan des faits et le plan du sroit. - sur le plan des faits, un certain nombre d’hommes se réunit et adopte un texte qu’il appel « Constitution ». Ces hommes prétendent en faire le fondement d’un ordre juridique renouvelé. Ce groupe peut former une assemblée où plusieurs courants de pensées se rejoignent, un comité restreint. Les constituants cherchent à s’entendre et trouver des compromis entre les différents courants. On peut considérer que la Constitution du point de vu de son contenu politique reflète le compromis politique qui s’est dégagé au sein de l’assemblée constituante. Il est à craindre que le texte qui en sorte ne satisfasse qu’une portion restreinte de la population. Parfois, la difficulté de trouver des compromis est telle que les membres de l’organe constituant n’arrivent pas à s’entendre. Ils repoussent ainsi les décisions importantes en se mettant d’accord sur une formule vague. Ce sont des compromis dilatoires. Dans ces cas là ; c’est la pratique constitutionnelle qui va régler le problème. Ex : les 3 lois constitutionnelles de 1875 ne disaient rien de la nature du régime. On ignorait donc si une monarchie ou une république allait sortir de ces lois. Quelques années après, quand les monarchistes sont apparus trop faibles et divisés pour pouvoir s’imposer, que la nature républicaine du régime s’est imposée. - sur le plan juridique : il faut savoir si l’opération constituante procède d’une discontinuité formelle ou d’une continuité formelle, avec l’ordre juridique précédent. On dit qu’il y a discontinuité formelle, quand il y a rupture juridique. Ceci quand l’opération constituante n’est pas menée conformément à la procédure de révision constitutionnelle prévue par l’ancienne constitution. Ex 1 : la monarchie constitutionnelle instaurée par la charte de 1830 c’est effondrée au moment d’une révolution en 1848. Les révolutionnaires ont confectionnés une nouvelle constitution sans suivre les dispositions qui prévoyaient les modifications de la charte de 1830. Il y a ici une rupture juridique qui résulte d’une révolution politique On dit qu’il y a continuité juridique quand l’opération constituante est menée conformément à des normes contenues dans la constitution précédente. Ex 2 : à la fin de la IIIè République, l’organe de révision constitutionnel a transmit le pouvoir au maréchal Pétain. Il est plus difficile de parler d’un véritable « pouvoir constituant originel » car l’organe qui produit une nouvelle constitution a été habilité par l’ancienne constitution. On peut le voir comme un organe de révision constitutionnelle. La différence avec ce dernier tient dans le fait qu’on a un renouvellement complet du document constitutionnel. Cet ordre constitutionnel se renouvelle du tout au tout d’un point de vu matériel. Même si c’est un abus de langage juridique, on considère souvent qu’un organe de ce type exerce un pouvoir constituant originel car il y a un renouvellement complet de la constitution. Ce serait plus juste juridiquement de parler d’un « renouvellement purement matériel » de la Constitution. Il y a un désaccord car il existe plusieurs manières d’envisager le pouvoir constituant originel. Soit sous l’angle formel, solution la plus restrictive, soit sous l’angle matériel, solution plus large. On parle alors de constituant originel dès que la constitution est profondément altérée. En toute rigueur, il faut retenir l’approche formelle, même si l’usage fait souvent la part belle à l’approche matérielle. Enfin, il faut envisager les choses sur le plan politico-symbolique car il a souvent des incidences sur la procédure suivie par l’organe constituant. En effet, il est rare que l’organe constituant prétende agir en son seul nom. Dans la plupart des cas, l’organe constituant prétend agir à la place d’une entité plus vaste dont il serait le représentant. Ceci signifie que l’opération constituante est imputé à une entité qui dépasse l’organe constituant. La nature de cette entité joue généralement un rôle dans la définition du régime politique et dans la procédure suivie par l’organe constituant. Ex : quand l’opération constituante est attribuée au peuple, on se dirige vers une démocratie. Quand elle est attribuée à une volonté divine, on se dirige vers une théocratie. Quand elle est imputée à une élite de sang, on se dirige vers une aristocratie. Quand elle est imputée à une élite de l’argent, on se dirige vers une ploutocratie. La nature de l’entité à qui on impute l’opération constituante détermine la nature du régime. Généralement, l’entité la plus choisie est réputée souveraine, la plus haute puissance de l’État. Il arrive pour des raisons politiques qu’une entité soit réputée souveraine au sens où elle serait constituante mais que la constitution qui résulte de sa volonté supposée la dépossède de la réalité du pouvoir. Il arrive aussi que l’évolution d’un régime politique fasse glisser la réalité du pouvoir d’une entité à une autre. Le choix de tel ou tel principe de légitimité a généralement une incidence sur la procédure suivie. Ex : quand on impute la volonté constituante au peuple, on cherche à l’associer à la décision constituante. Soit en faisant élire une assemblée constituante, soit en soumettant le projet de constitution au peuple par référendum. En résumé, le pouvoir constituant originel est un pouvoir de création de la constitution. Si on le prend au sens formel, il apparaît lors d’une rupture juridique. Cela explique qu’il est en général juridiquement libre tant dans la forme que dans la procédure. Quand il y a rupture avec l’ordre juridique précédent, cet ordre juridique ne s’applique plus. Le constituant originel n’est donc généralement soumis à aucunes procédures ou à aucune exigences matérielles pour élaborer la nouvelle constitution. Là est une grosse différence avec le pouvoir de révision constitutionnel. 2. Le pouvoir de révision constitutionnel Contrairement au pouvoir constituant originel, le pouvoir de révision constitutionnel est un pouvoir constitué. Cela signifie que son existence est prévue par la Constitution elle-même. On appelle pouvoir de révision constitutionnel l’organe ou la fonction consistant à modifier la constitution. Les procédures et organes compétents pour réviser la constitution sont prévus par la constitution formelle elle-même. Cette définition appel quelques précisions : 1. Modifier la constitution désigne plusieurs opérations différentes qui peuvent être mise en œuvre séparément ou conjointement. Ex : abroger des dispositions constitutionnelles, ajouter des dispositions constitutionnelles, modifier le texte de la constitution. 2. On ne peut parler de pouvoir de révision constitutionnel que dans l’hypothèse où la constitution formelle contient des dispositions relatives à la révision constitutionnelle. La seule manière juridiquement valable de réviser la constitution est de suivre les dispositions en question. Toute autre façon de procéder serait anticonstitutionnelle et correspondrait à une rupture de l’ordre juridique. Certaines constitutions anciennes ne prévoyaient pas de mécanisme de révision. On espérait que l’œuvre du constituant originel ne serait jamais altérée. Il arrive que la procédure de révision constitutionnelle autorise plusieurs organes distincts à réviser la constitution. L’article 89 dispose de la façon dont on peut modifier la constitution. Bien qu’il soit un pouvoir constitué, le pouvoir de révision constitutionnel peut dans certains cas modifier la Constitution de façon aussi profonde que le pouvoir constituant originel. Il faut se reporter à une Constitution précise pour savoir si le constituant originel a entendu limité ou non le pouvoir de révision. On peut distinguer un continuum de solutions juridiques, deux extrêmes. 1ère possibilité : pas de pouvoir de révision possible. Le constituant originel n’entend pas voir son œuvre altérée. Dans ce cas, le constituant originel n’introduit aucunes dispositions permettant la révision. C’est la rigidité constitutionnelle absolue. 2ème possibilité : un pouvoir de révision illimité. Le constituant originel ne veut pas limiter le pouvoir de révision. Il autorise donc le pouvoir de révision constitutionnel à modifier comme il l’entend et comme il le veut la constitution. Il faut remarquer que même dans cette hypothèse, c’est le constituant originel qui a prévu la révision de la constitution. Possibilité intermédiaire : le constituant originel introduit dans la constitution une procédure de révision limitée c’est-à-dire que le pouvoir de révision ne peut pas modifier certaines dispositions constitutionnelles ou le faire n’importe quand. C’est le cas de la constitution française actuelle qui introduit des procédures de révisions limitées : article 89-5, article 89-4. Le pouvoir de révision constitutionnel ne peut se mettre en œuvre quand le territoire française est envahi. Il existe un pouvoir de révision mais il n’est pas en mesure de tout faire. On pourrait objecter que le pouvoir de révision constitutionnel peut s’affranchir de ce type de limite. Ex : en France, la solution consisterait à utiliser l’article 89 pour le modifier lui-même en supprimant l’alinéa 5. On pourrait modifier la forme républicaine du gouvernement et passer en monarchie. Certains auteurs estiment que cela est possible, d’autres soutiennent que la première révision serait elle-même contraire à la forme républicaine du gouvernement. La question sur laquelle s’opposent de nombreux constitutionnalistes est de savoir si le pouvoir constituant originel et le pouvoir de révision constitutionnel sont de même nature. Certains juristes estiment qu’il s’agit d’un seul et même pouvoir. Ils ne parlent pas de pouvoir de révision mais préfèrent l’expression de « pouvoir constituant dérivé » ou de « pouvoir constituant secondaire ». Ils entendent ainsi signaler que le pouvoir de révision est dérivé du pouvoir constituant originel. Ce serait l’expression dérivée du constituant originel. Cette idée repose sur l’idée que ces 2 pouvoirs sont identiques dans leurs effets : ils aboutissent tous deux à l’écriture de la constitution. D’autres juristes estiment qu’il s’agit de 2 pouvoirs distincts. Ils insistent sur le fait que le constituant originaire est juridiquement libre alors que le pouvoir de révision est constitué et lié à la Constitution. L’autre est le pouvoir constituant dérivé et n’est pas libre. Même peu libre, il est toujours prévu par la constitution et est toujours inférieur au pouvoir constituant originel. Ils rejettent le « pouvoir constituant dérivé » et préfèrent l’expression de pouvoir de révision constitutionnel. Cette idée repose sur le degré de liberté qu’il possède. Les deux avis sont intéressants mais il faut savoir se placer : soit au niveau de la procédure, soit au niveau de la marge d’action de l’organe. Il ne faut pas oublier que dans beaucoup d’hypothèses, on qualifie de moments constituants originels une opération de renouvellement purement matériel de la constitution. Ces définitions appellent une nouvelle question : comment le pouvoir de révision constitutionnel agit-il ? Pour mieux le comprendre, il faut faire référence au concept de rigidité constitutionnelle. 3. Rigidité et souplesse constitutionnelle La rigidité constitutionnelle, pour comprendre sa fonction, nécessite de partir de l’idée que le droit constitutionnel est un droit politique. En conférant une Constitution à un État, on entend non seulement fixer les règles du jeu politique mais aussi placer les règles constitutionnelles à l’abri du législateur ordinaire. En effet, les gouvernants du moment pourraient être tentés d’user de leur pouvoir pour modifier à leur profit les normes qui règlent le jeu politique, ce qui viendrait fausser la compétition. L’une des plus anciennes justifications de la Constitution est de prévenir ce type de risque, c’est pourquoi il arrive fréquemment qu’on dote la constitution d’une certaine rigidité. Plus une constitution est difficile à modifier, plus on la qualifie de rigide. La rigidité constitutionnelle est variable d’une constitution à une autre : il y a donc des degrés de rigidité. On parle de souplesse constitutionnelle lorsque la procédure de révision constitutionnelle est identique à la procédure législative. On parle de rigidité constitutionnelle quand la procédure de révision constitutionnelle diffère de la procédure législative. 1er type : la Constitution souple est atteint dans 2 hypothèses : - quand il y a une Constitution formelle dont la procédure de révision est semblable à la procédure législative. - quand il n’existe pas de constitution formelle comme en Grande Bretagne. Dans ce cas, ce sont les lois ordinaires qui fixent les règles du jeu politique. L’avantage de la souplesse absolue c’est sa capacité d’adaptation aux exigences du moment. Le défaut de la souplesse absolue est que le législateur ordinaire peut modifier aisément la constitution et on peut redouter qu’il ne le fasse afin de se maintenir indéfiniment au pouvoir. 2ème type : la Constitution rigide ou semi-rigide est un ensemble de solutions intermédiaires entre souplesse et rigidité absolue. Une constitution est rigide quand 2 conditions sont réunis - la procédure de révision constitutionnelle doit être distincte de la procédure législative prévue. - cette procédure de révision constitutionnelle doit être plus difficile à satisfaire que la procédure législative ordinaire. 3ème type : la Constitution absolument rigide est un cas limite et rare de la constitution quand il n’existe pas de procédure de révision constitutionnelle. L’avantage de cette solution est qu’on est certain que les normes constitutionnelles ne seront pas altérées. Son défaut est qu’à certains moments, il peut être nécessaire de réviser la constitution. Certains estiment que cette solution encourage les coups d’État car c’est la seule manière de modifier la constitution. Le choix entre rigidité ou souplesse constitutionnelle est de nature politique opéré par le pouvoir constituant originel. Il s’agit pour lui de trancher un dilemme dont les termes sont très simples : soit donner un maximum de garantie à la constitution en la rigidifiant et prendre le risque de l’immobilisme constitutionnel, soit donner plus de chances à la constitution d’évoluer au cours du temps en la rendant souple mais perdre son caractère de garantie. La majorité des Constitutions actuelles sont dites semi rigides. Mais cette catégorie très large qui renvoie à des réalités contrastées. Ex : il est plus difficile de modifier la constitution des États Unis d’Amérique que de réviser les 3 lois constitutionnelles de la IIIè République en France. La constitution américaine est donc plus rigide que la constitution de la IIIè République. Plusieurs grandes techniques existent pour rigidifier la constitution : 1. mettre certaines dispositions constitutionnelles hors d’atteinte du pouvoir de révision constitutionnel. Certaines dispositions sont ainsi absolument rigides alors que d’autres sont simplement rigides. Celles absolument rigides sont qualifiées de clauses d’éternité. Ex 1 : en France, cela est né sous la IIIè République. En 1884, une nouvelle disposition constitutionnelle a été introduit et affirme que la France est une république et qu’il est impossible de réviser le caractère républicain du régime. C’est une garantie contre un éventuel retour à la monarchie. Ex 2 : dans la constitution de la Vè République, l’article 89-5 contient une clause d’éternité pareille à celle de la IIIè République. Ex 3 : cette technique de clause d’éternité a été mise en œuvre dans la constitution allemande de 1949. Ils ont redouté une subversion légale de leur œuvre. 2. consiste à confier la révision constitutionnelle à un organe distinct de l’organe législatif. Dans les grandes démocraties contemporaines, le législateur est souvent complexe : il est formé de plusieurs organes qui agissent successivement. Typiquement, le législateur c’est le gouvernement qui prépare les projets de lois et les 2 chambres de l’assemblée qui votent la loi. Pour la révision, il arrive souvent qu’on recherche d’abord l’approbation du législateur ordinaire (gouvernement et parlement) puis celle d’un autre organe de révision distinct. On recherche une double approbation, signe que la révision est rendue plus difficile à obtenir. L’assemblée démocratique peut être instaurée par la constitution dans le seul but de modifier cette dernière. Dans certains systèmes, une assemblée spéciale est élue à la seule fin de modifier la constitution. Dans d’autres, l’assemblée démocratique est formée par la réunion des 2 assemblées : en France, c’est le Congrès. Le pouvoir de révision peut aussi être confié au corps électoral : le peuple. Il décide ou non de la modifier par voie référendaire. On peut dire que le peuple en ce cas est un organe de l’État. Le peuple ne délibère pas mais un organe politique va lui soumettre un projet de révision qu’il va accepter ou rejeter par référendum. Ex : en France, on révise la constitution par le Congrès ou par voie référendaire. Dans les États fédéraux, il n’est pas rare qu’on soumette la révision de la constitution fédérale à l’approbation des États membres ou à la chambre fédérale. 3. quand l’organe de révision est une assemblée, on utilise une technique supplémentaire : l’approbation de la révision à la majorité qualifiée. La majorité simple, qu’on appelle aussi majorité relative et majorité des suffrages exprimés, désigne le groupe majoritaire qui se dégage d’un vote indépendamment de son importance numérique. Ex :: dans une assemblée de 300 personnes, on vote A, B ou C. A, détient 100 voix, B en a 130 et C en a 20, l’abstention est de 50. La majorité simple c’est établie a 130 voix. Les lois et la majorité des textes sont votées de la sorte. La majorité absolue aussi appelée majorité des sièges ou majorité des inscrits, dépend de l’effectif de l’assemblée : elle est atteinte en 50 % + 1 voix de l’effectif. Elle est beaucoup plus difficile à atteindre que la majorité simple. Ex : dans l’assemblée de 300 sièges, une motion est votée. Elle sera adoptée à la majorité absolue si elle au moins obtient 151 votes positifs. C’est ainsi en France que l’on effectue certains votes importants. L’unanimité est atteinte quand 100 % de l’effectif vote pour un texte. 1 seul met en échec la volonté de tous les autres. Elle est rarement prévue en raison de son caractère difficile à atteindre. La signification de la procédure votée à l’unanimité est qu’on veut un consensus sans failles. Entre la majorité absolue et l’unanimité se trouve la majorité qualifiée. Elle est supérieure à 50 % + 1 voix et inférieure à 100 %. Ex : une majorité des 3/5è, 60% + 1 voix. La majorité des 2/3er, 66% + 1 voix. En l’utilisant, un assez haut degré de consensus est demandé. Plus on se rapproche de l’unanimité, plus il est difficile d’obtenir le vote. Mais plus on se rapproche de la majorité absolue, plus il est aisé d’obtenir le vote. On rigidifie la constitution en exigeant un vote à la majorité qualifiée. Plus la majorité qualifiée exigée se rapproche de l’unanimité, plus on s’éloigne de la procédure législative (majorité simple) et plus on rigidifie la constitution. Ex 1 : en France, pour réviser la Constitution par la voie du Congrès, il faut avoir une majorité des 3/5è soit 60 % + 1 des votes doivent être positifs. Ex 2 : la Constitution allemande du 11 août 1919 exigeait un vote à la majorité qualifiée des 2/3er des membres du Reichstag, soit 66 % + 1. Cette majorité qualifiée est encore plus difficile que celle dans l’exemple 1. L’effet politique de cette technique est simple : obliger les groupes représenter dans l’organe de révision à passer des compromis politiques car il est rare qu’un seul parti dispose de la majorité qualifiée nécessaire pour modifier la constitution au Congrès. Il doit obtenir l’accord des autres partis représentés ou obtenir l’accord de certains membres pour obtenir la majorité qualifiée. Cela suppose d’infléchir le projet de révision constitutionnel dans un sens également favorable aux autres partis. 4. on peut obtenir la rigidité constitutionnelle en multipliant les votes ou en imposant des délais minimaux. Elle vise à vérifier que l’accord de la révision constitutionnelle est durable : elle est similaire à la technique précédente. La multiplication des votes consiste à exiger qu’une révision soit votée par une assemblée législative puis confirmée par la suivante. A la fin de la 1ère législature, les électeurs savent qu’en votant pour un parti ou pour un autre, ils vont permettre la confirmation ou non de la révision constitutionnelle. L’imposition des délais minimaux peut prendre des formes diverses. La plus classique consiste à imposer une durée minimale à toutes révisions constitutionnelles. Ainsi, il n’est pas possible par exemple d’initier et d’adopter une révision constitutionnelle en – d’1 an. L’idée est de permettre aux organes de révision et à l’opinion publique de prendre pleinement la mesure du problème. Ces techniques sont souvent combinées. Certaines constitution exigent ainsi que la révision constitutionnelle soit initiée et votée par un organe puis que le même organe ou un autre confirme le premier vote après un délai de réflexion dont la durée minimale est prescrite à l’avance. Ces 5 techniques permettent de rigidifier la constitution. L’utilisation conjointe de ces techniques confère aux constitutions une rigidité supérieure. Une constitution qui utilise seulement la majorité qualifiée, elle pourrait être très rigide si la majorité exigée est très élevée. 4. La mutation des systèmes politiques Un système politique à Constitution rigide n’est pas forcément voué à l’immobilisme. Un ordre politique peut en effet évoluer, non seulement par la révision du texte constitutionnel mais aussi sous la pression d’autres facteurs. On ne parle plus de révision mais de mutation du système politique et de la Constitution matérielle. La révision constitutionnelle c’est la modification de la constitution formelle et la mutation, une modification de la constitution matérielle. Cette distinction a été élaborée par un juriste allemand au début du 20è siècle. Georg Jellenek a établi la difficulté du concept de mutation constitutionnelle : il regroupe sous une même dénomination un ensemble de modifications qui ne sont pas toujours de même nature. Pour le comprendre, il faut préciser de quelles manières un système politique peut muter. 1. les mutations d’ordre juridique : affectent le système juridique sans modifier la constitution formelle. Elles peuvent entraîner une profonde modification du système politique. Typiquement, elles résultent du revirement de la jurisprudence constitutionnelle. C’est une mutation constitutionnelle de nature juridique. De nombreuses constitutions prévoient un interprète authentique dont les interprétations de la constitution lient les autres organes. Ce dernier est souvent appelé Cour constitutionnelle or il arrive que les Cour constitutionnelles modifient au fur et à mesure l’interprétation qu’elles donnent d’une disposition constitutionnelle. Cette dernière n’est pas révisée ou réécrite mais sa signification change. La constitution formelle demeure inchangée mais cela peut faire changer de manière considérable le système politique. Ex 1 : au début de la Vè République, la signification du préambule de la Constitution de 1958 était incertaine. Ce préambule fait référence à la DDHC de 1789 et au préambule de la constitution de 1946. On ne sait pas si ces textes avaient une portée juridique, or, en 1971 par une décision célèbre, le Conseil constitutionnel estime que ces 2 textes ont une valeur pleinement constitutionnelle donc qu’ils font partie de la constitution formelle. Ici, le texte n’a pas été modifié et révisé, il a été réinterprété. On a ici une mutation constitutionnelle du fait d’une nouvelle interprétation du texte. Ex 2 : l’arrêt Brown VS board of education of Topeca rendu par la Cours suprême des États-Unis le 17 mai 1954. Il porte sur l’interprétation du 13ème amendement de la constitution américaine. Jusqu’à cet arrêt, le principe d’égalité aux États-Unis était interprété comme compatible avec la ségrégation raciale. C’était la doctrine de « égaux mais séparés ». Avec cet arrêt, la Cours suprême estime que la ségrégation raciale s’oppose au principe d’égalité et donne raison aux plaignants. La encore, le texte du 13ème amendement n’est pas modifié mais son interprétation est complètement changée : on fait face à une mutation constitutionnelle essentielle de nature juridique. Les afro américains vont pouvoir à partir de cet arrêt, fréquenter les mêmes universités que les blancs. 1ère remarque : quand une constitution est très rigide, et qu’elle possède un interprète authentique, l’évolution de la constitution se fait généralement par des réinterprétations successives que par des réécritures de la constitution. Comme il est difficile d’adapter le texte aux exigences de la société en le révisant, la seule façon de le faire est d’espérer que les juges en réinterprètent le sens. 2ème remarque : cela pose une question dans un régime démocratique où théoriquement, il appartient au peuple de modifier sa constitution. Or, le peuple n’est pas vraiment associé à la décision lorsque celle-ci résulte d’un revirement de jurisprudence. Indépendamment de ce qu’on peut penser du résultat, on peut s’interroger sur la qualité démocratique de la procédure quand des juges non-élus par le peuple procède de facto à l’évolution du système juridique. 2. les mutations d’ordre infra-constitutionnel : certaines dispositions constitutionnelles renvoient à des lois organiques et ordinaires. Quand ces lois sont modifiées de manière formellement valide, le sens de la disposition constitutionnelle change aussi. Dans tous les cas, la constitution formelle demeure inchangée mais le système politique (constitution matérielle), lui, se transforme bel et bien. 3. les mutations d’ordre extra-juridique : le même phénomène peut se produire sans que le système juridique ne soit affectée : c’est les mutations d’ordre extra-juridique provoquée par des facteurs extra-juridiques. Cela arrive typiquement lorsqu’un usage constitutionnel ou une convention de la constitution disparaît ou se transforme. Ex 1 : lorsque le président Grévy a renoncé à user du droit de dissolution sous la IIIè République. Il a instaurer un nouvel usage, tous les présidents qui lui ont succédé ont fait de même. Ex 2 : sous la Vè République, le président de Gaulle considérait qu’un président de la République mit en minorité par le peuple devait démissionner. Certains y voyaient une convention de la constitution car de Gaulle s’y est soumit en 1969. Or, cette pratique disparaît avec ses successeurs. Une convention de la constitution doit être répétée dans le temps alors qu’ici elle n’a existé qu’avec de Gaulle. C’est une pratique constitutionnelle. On peut observer des pratique constitutionnelle quand certains organes ou certains institutions aboutissent à des résultats non- attendus. Dans ce cas, les textes ne sont pas révisés mais le système politique se transforme. Ex 1 : le constituant de 1958 ne pensait pas que le mode de scrutin reconnu aboutirait à dégager des majorités homogènes à l’assemblée nationale. Or, en 1962, apparaît pour la première fois une majorité homogène. C’est un fait majoritaire. Il bouleverse le fonctionnement de la République. Dans toutes ces hypothèses, on ne change rien de la constitution formelle mais on constate une modification du système politique. L’évolution d’une constitution peut se faire de 2 grandes manières : - aux moyens de la procédure de révision constitutionnelle prévue par cette dernière. On modifie la constitution formelle. - par mutation juridique et extra-juridique. Dans ce cas, la constitution reste inchangée mais son interprétation, elle, change. Chapitre 2 : l’État et le système juridique A. Aux origines de l’État moderne 1. L’État moderne selon les philosophes contractualistes (Hobbes, Locke, Rousseau) Les théories contractualistes sont nées en réaction à l’absolutisme royal, plus précisément au lendemain de la St Barthélémy en 1572. Les monarchomaques étaient des protestants qui s’élevaient contre l’absolutisme. Ils dénoncent la tyrannie et disent en résumé que si le monarque rompt le contrat qui le lie avec son peuple, alors le peuple à le droit de s’insurger pour récupérer sa liberté. Cette idée a été développée dans De la servitude volontaire paru en 1578 écrit par Étienne de la Boétie. Il présente déjà un schéma contractuel entre le roi et ses sujets. Mais les principaux philosophes contractualistes sont Thomas Hobbes et son livre connu intitulé Le Léviathan paru en 1651, John Locke et son Second traité du gouvernement civil paru en 1689 et Jean-Jacques Rousseau et son livre Du contrat social en 1762. Voici leurs présupposés communs : 1. L’anti naturalisme ou l’artificialisme : en rupture avec la pensée antique. Le contrat est un artifice, un moyen trouvé et inventé par les hommes pour assurer leur conservation précaire et menacée dans l’État de nature. Par cet artifice ingénieux, les hommes créent entre eux des liens nouveaux et différents de ceux de la famille ou de la communauté de travail. D’où la description de l’État par Hobbes comme un corps artificiel créer par le rassemblement des individus. 2. L’humanisme ou l’anti providentialisme : est étroitement associé au premier aspect. Cela signifie que parce que la nature n’a pas prit soins du sort des hommes qu’ils ont du compter sur eux-mêmes, sur leurs propres ressources et s’unissant par un contrat. Il y a là un caractère prométhéen. Les hommes sont démunis naturellement et c’est par eux-mêmes qu’ils peuvent survivre. L’homme est en révolte contre son sort naturel. 3. L’individualisme : c’est parce que les théories du contrat considèrent les êtres humains comme des individus isolés de tous les liens naturels qui les unissent qu’il faut les réunir par une procédure artificielle. Les théories du contrat repose sur un atomisme c’est à dire une conception abstraite où il n’existe que des individus isolés dans la nature. Les philosophies contractualistes reconstruisent hypothétiquement la société politique. Cela peut être la priorité méthodologique accordée aux éléments par rapport au tout. Mais cela peut être aussi une idéologie accordant la valeur suprême aux individus par rapport au groupe. Cette reconstruction rationnelle de la société par les philosophes contractualistes présente un caractère fictif. Cela signifie que les théories contractualistes ne se situent pas sur le terrain de l’observation et ne prétendent pas comment expliquer comment les hommes se sont réellement mis à vivre en société. Elles ont pour but de comprendre les fondements légitimes de l’autorité politique. L’État de nature décrit par Hobbes, Locke et Rousseau est une hypothèse qui n’a jamais existé empiriquement. Le contrat social de Rousseau est une fiction juridique, aucune société humaine n’est issue d’un contrat, aucun contrat n’a jamais été conclu ni oralement ni pas écrit. Toute société est née d’usurpation et de conquêtes. Donc, il n’est pas un fait d’observation, il a un aspect normatif au sens où il énonce une sorte de devoir être. Il peut se présenter de manière suivante : on vit en société qui nous pré-existe et on a bénéficier de certains avantages depuis notre naissance. Tout se passe donc comme si on avait signé un contrat à la naissance par lequel on reconnaît la légitimité de l’autorité des lois. Les théories contractualistes de Hobbes, Locke et Rousseau ont en partage quelques éléments : - Ils supposent un État de nature initial pré politique. Il est définit différemment selon les auteurs mais il est considéré par les 3 comme non viable. - Les hommes sont décrits comme profitant d’une liberté absolue, d’un droit illimité qui coïncident avec leur propre puissance. Il n’y a pas de droit dans cet État, juste des rapports de forces. - On trouve dans leur théorie l’idée d’un passage de l’État de nature à un autre État appelé État civil, politique ou juridique. Et ce, par le moyen d’un acte volontaire qu’ils appellent selon les cas pacte, contrat, accord, consentement ou convention. On y retrouve l’idée d’un engagement volontaire des hommes entre eux pour quitter cet État de nature initial. Le mot contrat est détourné de son sens habituel pour en faire un acte fondateur à l’origine de la société politique, c’est pourquoi Locke parle d’un consentement tacite au sens où il n’a pas vraiment été formulé : il est fictif. - Ces auteurs essayent d’identifier les partis en présence. Pour un contrat, il en faut au minimum 2 : le vendeur et l’acheteur par exemple. Ici, les 2 termes du contrat sont les mêmes personnes : il s’agit d’un contrat contracté par les individus entre eux, un contrat que le peuple contracte avec lui-même. Un contrat est un échange ou un transfert c’est à dire qu’on abandonne certains avantages mais en échange, on obtient un gain supérieur. Remarque sur ce schéma perte-gain : Chez Hobbes chaque individu abandonne son état de liberté (sa capacité d’user de son pouvoir) donc tous les individus transfère leur pouvoir à un pouvoir commun, ici l’État, pour qu’il assure la paix et la sécurité. On a un désistement mutuel des hommes de leurs pouvoirs en faveur d’un tiers. Ce pouvoir commun, l’État, aura chez Hobbes un pouvoir absolu et illimité. Chez Locke, les hommes perdent leur liberté naturelle pour les céder à la communauté, l’État, qui sanctionne les délits, fait les lois et peut faire la guerre. Chez Rousseau, les hommes renoncent à leur liberté naturelle pour en échange obtenir leur liberté civile ou conventionnelle garantie par la loi, expression de la volonté générale. D’où la formule de Rousseau « ils restent aussi libre qu’auparavant ». Pour lui, les individus contractent un engagement réciproque avec le corps politique dont ils vont devenir membre : ce n’est pas un lien unilatéral entre le souverain et les sujets c’est une promesse réciproque aussi dite synallagmatique. Ce qui est frappant, c’est la similitude de l’échange chez les 3 auteurs. Pour eux tous, le contrat signifie le renoncement des individus à l’usage de leur force pour régler les différends et les conflits et le transfère de ce rôle à un pouvoir commun. Ce dernier à le pouvoir de faire les lois, d’infliger des sanctions en cas d’atteinte à ces lois, de faire la guerre et de faire la paix. Chez eux, l’État à le monopole de la violence physique légitime que les individus lui ont abandonné. Cette définition de l’État est celle proposée par Max Weber et qui est donc implicite derrière les 3 théories du contrat. 2. L’État moderne selon les sociologues (Max Weber) Max Weber est un sociologue allemand qui définit l’État par le monopole qu’il détient de la violence physique légitime. Il définit l’État par son moyen spécifique : le recours toujours possible à la violence dont il a le monopole et non par son contenu (ses fins, ses missions, ses fonctions) qui est variable. En définissant ainsi l’État, Weber laisse dans l’ombre le contenu de l’activité de l’État c’est à dire ses fonctions. Pour lui, on ne peut le définir que par son moyen spécifique et non par ses fins car ses fonctions sont variables et qu’on ne peut pas s’appuyer sur elles pour le définir de façon indiscutable. Ex : la liste des ministères du gouvernement français actuel. On peut admettre que cette liste correspond à des missions de l’État dans plusieurs domaines ou a des champs d’intervention des pouvoirs publiques. Soit les 5 ministères suivant : économie et travail, santé, éducation, culture, environnement. Ces 5 domaines nous paraissent actuellement normaux et légitimes. Or, pour le premier, il est facile de montrer que dans le passé, beaucoup d’État ne se souciaient pas de relancer la croissance et de réduire le chômage, l’intervention de l’État dans ce domaine est relativement récente. Pour le deuxième, cela n’a pas toujours été une mission de l’État que de s’occuper de l’état de santé du peuple. C’est avec la révolution française que la notion de santé publique apparaît avec l’idée qu’elle représente un véritable enjeu pour l’État. Pour le troisième, l’éducation n’a pas toujours été considérée comme devant relever du domaine publique, ce n’est le cas en France qu’à partir de la fin du 18è siècle. Avant cette date, l’éducation relevait uniquement de l’initiative privée de la famille pour la prime éducation (6 ans) et ensuite les institutions religieuses. Pour le quatrième, la culture en France ne fait l’objet d’un ministère que depuis 1959. Son prédécesseur est le ministère des beaux-arts. C’est une exception française qui existe uniquement en France. Pour certains, cette intervention de l’État dans la culture est illégitime car elle revient à imposer une culture ou un art officiel en le subventionnant. Aux États-Unis, la culture dépend de la sphère privée. Pour le cinquième, la défense de l’environnement est tout à fait récente. Il répond à des préoccupations qui n’existaient pas avant. On voit donc que selon Weber, on ne peut définir l’État par une de ces 5 missions puisqu’elles sont variables : elles auraient pu ne pas exister puisqu’elles n’existaient pas dans le passé. Elles sont inessentielles pour le définir d’où son repli sur le moyen spécifique de l’État pour le définir : la violence physique légitime. Cette idée est au fond très banale : dès son apparition, l’État monarchique a revendiqué ce monopole en excluant des pratiques traditionnelles et en essayant de les éradiquer. L’État est l’unique source du droit à la violence et en est la source ultime. Si certains individus peuvent exercer la violence, c’est en tant que représentants de l’État. Ex : l’État est le seul habilité à défendre les citoyens et à les exposer en les envoyant à la guerre. Il est le seul à pouvoir sanctionner les atteintes individuelles aux lois. On voit alors que l’usage par l’État de ce moyen spécifique entraîne pour lui le fait qu’il a des fonctions constantes et qu’il va toujours devoir assurer quelle que soit l’époque ou quel que soit le lieu. Le moyen spécifique entraîne des fins déterminées. Tout État a : - une police pour assurer la sécurité intérieure - une justice pour juger et sanctionner les délits et crimes individuels - une défense nationale pour protéger le pays contre des menaces extérieures Ce sont les plus anciennes et les plus importantes fonctions de l’État qui existent nécessairement eu égare à son monopole de la violence. On peut distinguer 2 catégories parmi les fonctions de l’État : 1ère catégorie : les fonctions primaires indispensables appelées les fonctions régaliennes. Aux 3 citées au dessus, s’ajoute la fonction de créer la monnaie et lever l’impôt. 2ème catégorie : les fonctions secondaires variables dans l’espace et dans le temps et qui ont eu tendance à de développer dans les États modernes à partir de 1945. La définition à laquelle aboutie Weber ajoute 2 éléments au monopole de la violence : Le premier élément : la notion de territoire, l’espace sur lequel l’État revendique son monopole. On peut remarquer ici que la sédentarité semble être une condition nécessaire de l’État moderne. Weber ajoute que l’État est la puissance qui revendique avec succès pour son propre compte le monopole. Ici, il adopte une conception réaliste : l’État doit exercer un pouvoir réel sur son territoire et sa population en se faisant respecter et obéir. Si les lois ne sont plus respecter c’est que l’État n’existe plus sinon comme symbole. L’État ne peut exister qu’à la condition que les hommes se soumettent à l’autorité revendiquée. Weber a un point de vu de sociologue, pas de philosophe politique comme Hobbes, Locke et Rousseau. Il envisage les sociétés réelles et leur organisation politique sans vouloir les reconstruire de façon artificielle. Le deuxième élément : la notion de légitimité chez lui a un sens particulier qui peut donner lieu à des erreurs d’interprétation : cette notion chez lui ne signifie ni la légalité au sens juridique, ni l’acceptabilité au sens moral. Quand il affirme que l’État a le monopole de la violence physique légitime, cela ne signifie pas qu’il considère que l’État est justifié moralement à utiliser la violence mais qu’il s’agit d’une légitimité de fait. Il constate que tous les États disposent de ce monopole : si un État parvient à se faire obéir il est légitime d’un point de vu réaliste et sociologique. Il en est de mêmes pour les 3 formes de domination légitimes qu’il distingue qui sont des fondements : 1er fondement : la tradition 2ème fondement : le charisme d’un chef 3ème fondement : le droit (légal rationnel) Weber n’exprime aucune préférence pour l’une ou l’autre des 3 de ces autorités. Il constate seulement que la 3ème correspond mieux aux exigences des États modernes. La typologie de ces 3 formes d’autorité légitime repose aussi sur une conception factuelle de la légitimité. Pour Weber, une autorité repose sur une reconnaissance même implicite de la part de ceux qui y sont soumis. Elle repose sur une croyance en la validité de celui qui exerce l’autorité. Ex : l’autorité traditionnelle repose sur la croyance en la valeur du passé. L’autorité légale rationnelle repose sur la croyance en la validité des lois qui désignent le détenteur de l’autorité politique. L’autorité charismatique repose sur un phénomène de croyance collective en un homme, en ces qualités exceptionnelles qui en font un chef. Dans les 3 cas, la croyance est le facteur décisif de l’autorité légitime de l’État moderne. B. L’État moderne selon les juristes 1. Éléments d’une définition juridique de l’État On peut présenter l’État comme un phénomène social c’est à dire comme un groupement humain qui exerce la domination politique de manière exclusive sur un territoire et sur une population, le droit étant l’instrument privilégié de cette domination. Avec le développement du système juridique, il est possible de développer une lecture juridique de l’État qui n’est pas concurrente de la lecture sociologique mais qui est complémentaire à celle-ci. Cela s‘explique de la manière suivante : le droit n’est pas seulement le vecteur de la domination étatique, il participe aussi à la structuration de l’État. Le système juridique s’applique aussi au sein de l’État et il prévoit son fonctionnement. Cette idée rend possible une vision juridique de l’État. Il existe 3 éléments qui définissent classiquement un État et dont on peut offrir une lecture juridique : - le territoire de l’État au sens juridique se comprend comme l’ensemble des normes de droit qui délimite l’espace sur lequel l’État est souverain. Les États qui ont une frontière en commun signent un traité qui en définit le tracé. Ils sont des normes juridiques qui délimitent les frontières des différents États. - la population de manière juridique compte 2 éléments : 1. les nationaux : le droit de chaque État contient des règles définissant la nationalité et les droits qui s’y attachent. En ce sens, la citoyenneté n’est pas une donnée naturelle ou sociale, c’est une réalité purement juridique. On est citoyens car on est reconnu comme tel par le système juridique. 2. les non-citoyens : la population qui vit sur le territoire sans avoir la nationalité de l’État est qualifiée d’étrangère. La puissance factuelle de l’État connaît aussi une traduction sur le plan juridique : c’est le concept de souveraineté. C’est la principale caractéristique juridique d’un État. Ce concept signifie plusieurs chose : - sur la scène internationale : la souveraineté d’un État résulte de sa déclaration de souveraineté et de la reconnaissance de cette souveraineté par les autres États. Reconnaître un État comme souverain revient à accepter de traiter avec lui sur un plan d’égalité juridique. Sur la scène internationale, souveraineté signifie surtout indépendance. Le critère est simple : un État souverain ne peut se voir imposer unilatéralement des règles auxquelles il n’a pas consenti. Généralement il s’agit d’accords, de conventions ou de traités par lesquels un ou plusieurs États s’obligent mutuellement, éventuellement sous peine de sanction. - sur le plan interne : elle signifie autonomie qui est la faculté de se fixer seul ses propres règles, la faculté d’élaborer unilatéralement des règles de droit et d’en imposer le respect sur le territoire et pour la population de l’État. La souveraineté se traduit essentiellement par le fait que l’État dans l’ordre interne est la seule source de droit ce qui veut dire qu’aucun autre groupement n’est autorisé à produire du droit à moins que l’État n’y ait consenti. Juridiquement parlant, la marque la plus évidente de la souveraineté d’un État réside dans sa capacité à produire et à modifier la Constitution. C’est à dire le plus haut degré de son système juridique. Si l’État demeure souverain, il peut introduire dans la Constitution n’importe quelle dispositions qu’il décide d’y faire figurer. C’est pourquoi on dit parfois que l’État a la compétence de sa compétence ce qui veut dire qu’il n’est limité par aucun autre acteur politique que lui-même pour former et réviser la constitution. L’État souverain peut choisir de confier à d’autres institutions comme les institutions internationales le soin d’introduire des normes dans son système juridique. Ex : les traités européens signés par la République française et pleinement acceptés par elle autorisent certains organes de l’UE à produire des normes juridiques directement applicables en droit interne français. C’est le cas des règlements européens. Dans ce cas, ce n’est pas pour autant une renonciation à la souveraineté étatique, cela signifie que l’État, parce qu’il est souverain, a accepté par voie de traité international, d’autoriser une autre institution à produire du droit valide sur son territoire. C’est le résultat d’un choix qu’on peut interpréter comme une manifestation de la souveraineté de l’État. La seule manière dont un État pourrait réellement renoncer à sa souveraineté serait de soumettre sa Constitution à une autre institution. Cela reviendrait à autoriser une institution extra-étatique à modifier sa Constitution. Comme on le voit, on peut donc traduire en terme juridique les éléments de la définition classique de l’État : population, territoire et puissance. L’approche juridique de l’État poursuit un objectif scientifique simple : comprendre le droit sans faire appel à des notions non juridiques. En ce sens l’État apparaît comme une réalité juridique formée des éléments suivants : - un système de normes hiérarchisé de la constitution aux règlements - ces normes prévoient un ensemble d’organes qui sont eux-mêmes susceptibles de créer du droit Ex : la Constitution (norme) prévoit l’existence du parlement (organe) qui vote des lois (normes) misent à exécution par le gouvernement (organe). Ces règlements sont appliquées par des administrations (organe) et en cas de litiges des tribunaux (organe) vont en déterminer le sens. D’un point de vu juridique, on peut décrire l’État comme une cascade de normes et d’organes. Certains juristes considèrent les normes plus fondamentales que les organes car elles prévoient l’existence de ces derniers. D’autres ont une vision organique : ils estiment que les organes sont plus fondamentaux que les normes parce que ce sont les organes qui produisent les normes. Les normes et les organes forment une chaîne hiérarchisée qui permet l’expression toujours plus précise et concrète du système juridique. C’est ainsi qu’on peut comprendre l’État lui-même comme un appareil de formation et de concrétisation continu du droit. Toutefois, il est bien évident que les différents États ne sont pas tous organisés de la même manière. 2. L’État unitaire L’une des grandes différences qui sépare les systèmes juridiques étatiques tient à la validité spatiale des normes produites et aux organes qui sont autorisés à les produire. La validité territoriale des normes juridiques signifie que dans un État donné, on peut distinguer les normes en fonction du territoire sur lequel elles sont valides. Certaines valent pour tout le territoire étatique : ce sont les normes à validité nationale. D’autres ne valent que pour certaines parties du territoire : ce sont les normes à validité locale. Ex :en France, la loi vaut pour tout le territoire national. En revanche, un arrêté municipal ne vaut que pour le territoire de la commune. On a prit l’habitude de dégager un premier type d’État qualifier d’unitaire. Dans un État unitaire, se sont des normes nationales qui autorisent la confection des normes locales : c’est la raison pour laquelle les normes locales sont considérées comme conditionnées par les normes nationales. Schématiquement, cette solution a été retenue en France. Cela implique que l’on ne peut confectionner des normes locales qu’en application de lois nationales. Ces lois encadrent fortement la confection des normes à validité locale. Voilà ce que prévoient les lois : - les organes capables de prendre des normes à validité locale et la manière dont ces organes sont formés - les matières que peuvent recouvrir ces normes à validité locale - les procédures de confection de ces normes locales : les étapes par lesquelles il faut passer pour les prendre valablement - les procédures de contrôle de ces normes locales qui visent à établir si elles ont été confectionnées conformément aux exigences des normes nationales Les normes locales sont étroitement conditionnées par des normes nationales, le poids politique des autorité centrale est généralement très lourd dans l’État unitaire. Les organes qui produisent les normes locales n’interviennent que pour concrétiser sur le plan local la volonté des organes centraux. Précision : en ce qui concerne les normes à validité nationale, elles sont naturellement confectionnées par les principaux organes centraux de l’État. En revanche, les choses se compliquent pour les normes à validité locale. Typiquement, ces normes à validité locale peuvent aussi bien être produites par les organes centraux que par les organes locaux. Ex 1 : le premier ministre (organes central) peut produire un règlement qui ne vaut que pour le département du Vaucluse Ex 2 : les organes locaux peuvent aussi produire des normes à validité locale Remarque : un État unitaire est susceptible d’être plus ou moins centralisé ou décentralisé. Typiquement, un État fortement centralisé est un État où la plupart des normes à validité locale sont produites par les organes centraux de l’État. Ce type d’organisation juridico-spatiale autorise un contrôle très fort des organes centraux de l’État sur l’ensemble du territoire. Cette organisation est souvent retenue quand on veut homogénéiser les situations juridiques locales : l’État français c’est construit de cette manière. Mais cette solution a un coût : les populations locales peuvent ressentir comme un mal le poids d’une administration centrale qui ne leur laisse aucune marge de manœuvre. Situation typique de décentralisation : dans un État unitaire décentralisé les organes locaux disposent de plus de compétences. Ils sont autorisés à prendre davantage de normes locales dont les domaines sont plus étendus. Juridiquement, le point décisif est que ces organes locaux profitent d’une personnalité morale distincte de celle de l’État. Le processus de décentralisation qu’on observe en France à partir du début des années 1980 s’est fait grâce à la loi Deferre du 2 mars 1982. Elle a amorcé le processus de décentralisation en France et consiste à transférer des compétences d’une personne morale centrale (l’État) vers des personnes morales locales (les collectivités territoriales). C’est la raison pour laquelle l’organisation de la République est désormais qualifiée de décentralisée. Ceci figure d’ailleurs dans l’article premier de la Constitution. Un État unitaire n’est jamais complètement centralisé ou décentralisé. Il existe des degré de centralisation ou de décentralisation. Ex : la République française est passée d’un très haut degré de centralisation vers une organisation bien plus décentralisée. Il faut soigneusement distinguer les notions de décentralisation et de déconcentration. La déconcentration est une modalité d’organisation de l’État centralisé. Elle consiste à instituer dans les circonscriptions administratives des organes administratifs qui obéissent à l’administration centrale et qui vont prolonger son action. Ex : le préfet est une autorité déconcentrée et placée sous l’autorité du gouvernement. Il représente le gouvernement au niveau local et relai la volonté du gouvernement au niveau du département. Le point décisif est que ces organes déconcentrés ne profitent pas de la personnalité morale de droit public. Par leur intermédiaire, l’État central agit. La déconcentration permet aux organes centraux de l’État d’être présent sur l’ensemble du territoire national. Elle renforce la centralisation. En France, ce système déconcentré n’a pas été abandonné : au niveau local on a des autorités décentralisées et on a des autorités déconcentrées qui ne sont que le prolongement de l’administration centrale. Centralisé ou non, il se distingue de l’État fédéral. 3. L’État fédéral Il se distingue de l’État unitaire en cela qu’il est un État composite. Autrement dit, il organise la coexistence au sein d’un même État d’une pluralité d’État membres. Au regard du droit international, les États membres d’un État fédéral ne disposent pas de la personnalité juridique internationale. Seul l’État fédéral est un sujet de droit international et lui seul est en mesure d’exercer les droits qui s’attachent à cette qualité. Lui seul peut conclure des traités, peut recourir à la force, peut déclarer la guerre. De ce point de vu, l’État fédéral ne diffère pas d’un État unitaire. En revanche, il est fort différent d’un État unitaire du point de vu de l’organisation juridique interne. Dans un État fédéral coexistent plusieurs Constitution et plusieurs ordres juridiques. Ainsi, l’État fédéral est doté de sa propre Constitution : la constitution fédérale qui prévoit la formation d’organes fédéraux. Cela autorise la confection d’un droit fédéral composé de lois fédérales, de règlements fédéraux etc. Sa validité s’étend sur l’ensemble du territoire de l’État fédéral. Dans le même temps, chaque État membre dispose d’une Constitution qui lui est propre et qui prévoit la formation des organes de l’État membre. Cela autorise dans chaque État membre la formation d’un droit de l’État fédéré. Chaque État membre est donc en mesure de produire des lois et des règlements qui ne valent que sur le territoire de l’État membre. On a une coexistence de systèmes juridiques qui est rendue possible par le partage matériel des compétences entre l’État fédéral et les États fédérés. Autrement dit, la Constitution d’un État fédéral comporte toujours un ensemble de disposition qui distingue le domaine matériel du droit fédéral et celui des États membres. On procède de la manière suivante : un article de la constitution fédérale définit de manière limitative les domaines qui relèvent exclusivement de la législation fédérale. En ces domaines, les États fédérés ne peuvent pas légiférer. Ex : relèvent de la législation fédérale les affaires étrangères. Un autre article de la constitution fédérale établit que les domaines qui ne sont pas réservés au législateur fédéral relèvent de la législation des États membres. Ce qui n’appartient pas à la liste limitative appartient à l’ensemble restant donc aucune matière n’est oubliée. Dans les Constitutions contemporaines les plus sophistiquées, le partage des compétence est plus complexe. Il se peut pas exemple que l’État fédéral soit autorisé par une loi à déléguer au législateur de l’État membre certaines matières que la constitution lui réserve normalement. Il se peut aussi que la constitution fédérale prévoit des domaines de compétences concurrentes entre la loi fédérale et celle des États membre. Dans ce cas, une règle de priorité s’établit. Ex : les États membres peuvent légiférer sur ces matières à la seule condition que le législateur fédéral s’est abstenu. Dans tous les cas de figure, la plupart des constitutions fédérales prévoit une mécanisme juridictionnel pour résoudre les litiges de compétences entre État fédéral et État fédéré. Il se peut en effet que le législateur fédéral ou le législateur d’un État membre empiète sur le domaine de compétence dont il est constitutionnellement exclu : c’est un litige fédératif. Généralement, les constitutions fédérales prévoient un mécanisme visant à régler ces litiges et il appartient à la Cour constitutionnelle fédérale de trancher le litige fédératif. En cas de désaccord, sur la délimitation exacte des compétences respectives, la Cour constitutionnelle fédérale peut être saisie par les organes de l’État fédéral ou ceux de l’État fédéré. Cette Cour est appelée à se prononcer en interprétant la Constitution fédérale, elle va trancher ce qui relève de la compétence fédérale et ce qui relève de la compétence des États membres. Ces mécanismes astucieux permettent donc de répartir les domaines matériels entre États membres et État fédéral. Selon la théorie la plus classique de l’État fédéré, celui-ci se caractérise par 2 principes : l’autonomie et la participation. L’autonomie des États membres signifie qu’ils disposent d’une capacité à se donner leurs propres règles sans pour autant être souverains ou indépendants. Cela se remarque non seulement à leurs organes propres mais aussi à leurs compétences normatives. A cet égard, on notera que l’État membre ne forme pas seulement ses propres lois, il se dote aussi d’une constitution qui lui est propre et qu’il peut modifier à son gré. Cette autonomie n’est jamais complète : son degré varie d’un État fédéral à un autre. Dans la plupart des États fédéraux contemporains l’autonomie des États membres est assez encadrée. Ex : la constitution fédérale oblige les États membres à se doter d’une constitution d’un certain type. Dans la plupart des États fédéraux démocratiques et libéraux, la Constitution des États membres doit nécessairement être démocratique et libérale. Mais, on peut imaginer qu’aucune limitation de ce genre n’existe de sorte que les États membres seraient plus autonomes encore. Pour le constituant fédéral, la détermination du degré d’autonomie laissé aux États membres est toujours un choix politique extrêmement important. La participation signifie que les États membres prennent part à la confection du droit fédéral. C’est le principal critère qui permet de distinguer l’État fédéral de l’État unitaire décentralisé. Cette participation des États à la confection du droit fédéral est généralement organisée aux moyens d’une chambre ou d’une diète fédérale. Ex : le Sénat américain Contrairement à la chambre basse des représentants aux États-Unis, notre chambre fédérale ne représente pas le peuple de l’État fédéral. La chambre fédérale est la représentation permanente des États membres au sein de l’État fédéral. Selon les États, la chambre fédérale n’est pas composée de la même manière : - dans certains États fédéraux, tous les États membres pèsent d’un poids égal au sein de la chambre fédérale. - dans d’autres, les États membre disposent au sein de la chambre fédérale d’un nombre de voix proportionnel à l’importance de leur population. - dans certains États fédéraux, les délégués des États membres sont désignés par un scrutin direct ou indirect qui est organisé au sein de chaque État membre. - dans d’autres États fédéraux, ce sont les gouvernements des États membres qui siègent au sein de la chambre fédérale. Ainsi, les gouvernements des États membres prennent directement part à la confection du droit fédéral. C’est là que résidence l’intérêt du mécanisme de participation. La chambre fédérale prend directement part à la confection du droit fédéral ce qui signifie 2 choses : - dans l’immense majorité des cas la constitution fédérale ne peut pas être modifiée sans l’assentiment de la chambre fédérale. La chambre fédérale prend part à la procédure de révision constitutionnelle, c’est essentiel car c’est une garantie de l’autonomie des États membres. Ces derniers peuvent s’assurer que le pouvoir de révision fédéral ne modifie pas la règle de répartition des compétences. - la chambre fédérale prend part à la confection de la loi fédérale qui lui est normalement soumise. Selon les cas cette chambre fédérale dispose du droit de voter la loi fédérale au même titre que la chambre populaire ou d’un droit de veto. A ce titre, la chambre fédérale est une partie essentielle du législateur fédéral complexe. De cela résulte que la Constitution et la loi fédérale ne peuvent pas être regardée comme exprimant la seule volonté des organes fédéraux puisque la Constitution et la loi fédérale incorpore aussi la volonté des États membres. C’est ce qui distingue de manière certaine l’État fédéral de l’État unitaire. 4. Remarque sur la naissance des États fédéraux Un État fédéral suppose une certaine sophistication institutionnelle dont la raison se trouve toujours dans une histoire politique particulière. De manière générale, on ne peut pas dire comment se forme un État fédéral mais on peut distinguer quelques grandes hypothèses de sa formation. Un État fédéral peut naître de tensions particularistes qui parcourent un État unitaire. Pour peu que les intérêts locaux soient puissants, ils peuvent pousser l’État unitaire sur la voie d’une décentralisation qui peut mener au fédéralisme. Ex : en Espagne sous la pression catalane Il arrive aussi d’une façon assez voisine que l’on recourt à la forme libérale après qu’un État se soit effondré en pratique. La création d’un État fédéral peut être une bonne solution lorsque les tensions sont grandes entre les entités locales ou entre les populations. C’est alors une manière de donner à la périphérie l’assurance qu’elle ne sera pas écrasée par le centre. Un État fédéral peut aussi résulter de l’agrégation de différents États unitaires. Généralement cette agrégation passe par des rapprochements successifs. Ex : la signature de traités entre les États concernés, la formation d’une organisation internationale entre ces États concernés voire la formation d’une confédération ou une fédération. C’est ainsi que c’est former la confédération Helvétique qui s’est progressivement muer en un véritable État fédéral. Dans cette hypothèse on soulignera surtout qu’il n’y a pas de nécessité historique ce qui veut dire que les formes politiques non-étatiques que sont la confédération ou la fédération ne donnent pas forcément naissance à un État fédéral. Elles peuvent se maintenir très longtemps et il faut penser ces entités comme des formes politiques propres et pas comme de simples accessoires de l’État. L’apparition d’un État fédéral par agrégation d’États appelle quelques remarques. Première remarque : dans cette hypothèse, le pouvoir constituant qui forme l’État fédéral n’est pas unique mais multiple. Quand des États auparavant distincts forment un État fédéral ils concluent un pacte fédératif. Cet acte est ambivalent car il a un double caractère : d’un coté c’est un traité international signé par des sujets de droit international (États souverains), de l’autre c’est un acte proprement fondateur puisqu’il fait apparaître un nouvel État souverain et qui en devient la Constitution. Cela signifie donc que l’acte constituant n’est pas nécessairement un acte unilatéral, il peut être multilatéral donnant ainsi lieu à une constitution contrat. Seconde remarque : ce type de constitution cherche toujours à établir une sorte d’équilibre, à ménager un compromis entre des intérêts contraire

Use Quizgecko on...
Browser
Browser