Introduction au Droit des Personnes, de la Famille et des Régimes Matrimoniaux (UCLouvain) 2023-2024 PDF

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This introductory syllabus for the 3rd year Bachelor of Law at UCLouvain covers the fundamental principles of Family Law. It details the key concepts, different types of families, and legal aspects regarding family relations.

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Faculté de droit Baccalauréat en droit 3ème année DROIT DES PERSONNES, DE LA FAMILLE ET DES RÉGIMES MATRIMONIAUX BDROI1314...

Faculté de droit Baccalauréat en droit 3ème année DROIT DES PERSONNES, DE LA FAMILLE ET DES RÉGIMES MATRIMONIAUX BDROI1314 Syllabus 1 Jehanne SOSSON & Fabienne TAINMONT 2023-2024 Ce syllabus a été initialement rédigé par les professeurs Jean-Louis RENCHON et Geoffrey WILLEMS. INTRODUCTION GENERALE E LA PERSONNE ET DE LA FAMILLE CHAPITRE 1 LA FAMILLE ET LE DROIT DE LA PERSONNE ET DE LA FAMILLE TABLE Section 1. La famille.................................................................................................................................................. 3 A. La notion de famille.................................................................................................................................... 3 B. Les différents types de liens familiaux........................................................................................................ 4 La parenté......................................................................................................................................... 4 L’alliance........................................................................................................................................... 5 Section 2. Le droit de la personne et de la famille.................................................................................................... 8 A. Le droit civil de la famille............................................................................................................................ 8 Le droit des régimes matrimoniaux................................................................................................ 10 Le droit des successions.................................................................................................................. 10 Le droit des libéralités..................................................................................................................... 11 B. Le droit pénal de la famille....................................................................................................................... 12 C. Le droit constitutionnel et public de la famille......................................................................................... 13 D. Le droit international de la famille............................................................................................................ 14 E. Le droit fiscal et le droit social de la famille.............................................................................................. 16 F. Le droit judiciaire de la famille.................................................................................................................. 17 2 SECTION 1. LA FAMILLE Il paraît presque impossible de définir le concept de « famille », tant il a pu recouvrir et continue à recouvrir des réalités sociales différentes. 1. Le « premier » groupe social dans l’histoire collective et indivi- duelle On dira seulement que la famille est généralement perçue comme le « premier » groupe social d’appartenance de l’être humain, et on veut dire à la fois par là que, dans l’histoire de l’humanité, la famille a peut-être été la première communauté humaine à s’organiser et se structurer ne fût- ce que de manière très rudimentaire, et que, dans l’histoire individuelle du développement de chaque être humain, elle est le lieu où se tissent les premiers liens d’attachement qui permettront à l’enfant de s’insérer dans la vie relationnelle et sociale. 2. La famille « nucléaire » et la famille « étendue » On dira aussi que la famille est le plus généralement entendue dans deux sens différents, même si ces deux réalités se sont parfois, à certaines périodes de l’histoire ou dans certains espaces territoriaux, recoupées dans le déroulement de l’existence quotidienne. Il y a, d’une part, la famille au sens de ceux qui, unis par un lien juridique ou par un lien de fait, cohabitent et vivent ensemble sous le même toit ou dans la même propriété et assurent en- semble leur subsistance quotidienne. C’est la famille qu’on a appelée la « domus » (romaine) ou la « maisonnée » et qu’on appelle plutôt aujourd’hui la famille « nucléaire » ou la famille « res- treinte » ou, surtout, le « ménage ». Il y a, d’autre part, la famille au sens de tous ceux qui descendent d’un ancêtre commun et se trouvent unis par un lien de parenté et de ceux qui se sont unis à eux par le mariage et se trouvent donc liés à eux par un lien d’alliance. C’est la famille qu’on a appelée la « gens » (romaine) ou la « famille-lignage » et qu’on appelle plutôt aujourd’hui la « famille étendue » qui regroupe non seulement les père, mère et enfants mais aussi les grands-parents, les oncles et tantes, les neveux et nièces, les cousins, les beaux-enfants, les beaux-frères et les belles-sœurs… Lorsque ces réalités ne se recoupent pas dans la vie quotidienne, chaque individu perçoit dès lors sa famille comme ayant une double composante : sa famille « au quotidien » composée de ceux et celles avec lesquels il cohabite et sa famille « au sens large », composée de ceux et celles à l’égard desquels il est et reste uni par un lien familial qui transcende la réalité de la vie quoti- dienne1. 1 La composition de chacune de ces deux sphères de la vie familiale n’est pas identique pour tous les individus. Il y a ceux qui vivent au quotidien dans un ménage composé de nombreuses personnes, appartenant éventuellement à plusieurs générations et ceux dont la famille au sens large, hors la sphère quotidienne, comporte des ramifications très étendues. Inversement, il y a ceux qui vivent seuls au quotidien et dont le « ménage » ou la « maisonnée » n’est, de manière paradoxale, composé que d’une seule personne, comme il y a ceux qui n’ont plus aucune famille, car ils 3 3. La diversité des types de familles Par ailleurs, outre que la composition et l’organisation de la famille ont été et continuent à être configurées de manière très différente selon les cultures, notre société occidentale contempo- raine se caractérise par la coexistence de différents modèles de familles. Certains renoncent d’ail- leurs aujourd’hui à parler de la famille et préfèrent évoquer désormais « les familles », de façon à mieux faire apparaître la diversité des types de familles dont les individus du XXIème siècle peuvent faire partie : la famille classique, la famille monoparentale, la famille recomposée, la fa- mille d’accueil, la famille adoptive, la famille homoparentale, la famille par PMA, la famille pluri- parentale, etc. Au surplus, chaque individu peut être appelé, dans la société occidentale contemporaine, à con- naître des « séquences familiales » distinctes et diversifiées au long de sa vie, et dès lors appar- tenir ou avoir appartenu à différentes familles successives. 1. Les liens familiaux juridiquement organisés La parenté La notion de « parenté » est actuellement devenue ambiguë, tant dans le langage courant que dans le langage juridique. Dans le Code Napoléon, on qualifie « parent » d’une personne une per- sonne qui lui est unie par un lien familial juridique fondé sur la communauté de sang ou, à tout le moins, sur l’apparente communauté de sang2. A l’heure actuelle, on a davantage tendance à n’ap- peler « parent » que le père et/ou la mère d’une personne3. Dans la parenté au sens classique, il convient, selon l’article 4.11. du Code civil, de distinguer : - les parents en « ligne directe » c’est-à-dire les personnes qui descendent directement l’une de l’autre : à l’égard d’une personne précise, ses parents en ligne directe constituent tantôt ses « ascendants » (père, mère, grand-père, grand-mère…), s’ils appartiennent à une généra- tion antérieure, tantôt ses descendants (fils, fille, petit-fils, petite fille…), s’ils appartiennent à une génération postérieure ; - les parents en « ligne collatérale » : c’est-à-dire les personnes qui, sans descendre directe- ment l’une de l’autre, sont liées entre elles par l’intermédiaire d’un ascendant commun : frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et cousines. n’ont pas eu de descendants et ils ont perdu, par l’effet de la mort, de la dispersion géographique ou de la disparition des liens affectifs, tout membre connu de leur famille. 2 On verra, lors de l’étude du droit de la filiation, que la parenté juridique fondée sur le lien de sang ne correspond pas nécessairement à la réalité biologique, comme lorsqu’un enfant a pour père le mari de sa mère et pour grand- père le père du mari de sa mère, alors que sa mère ne l’a pas, en fait, conçu avec son mari mais avec un amant. Il reste que cet enfant sera le « parent » de son père et de son grand-père, comme s’il lui était uni par un véritable lien de sang alors qu’il ne l’est pas d’un strict point de vue biologique. 3 En ce sens, voy. l’article 24 de la Constitution lorsque cet article prévoit, notamment, que la neutralité de l’ensei- gnement organisé en Belgique par les Communautés implique « le respect des conceptions philosophiques, idéolo- giques ou religieuses des parents et des élèves ». 4 La proximité de parenté entre deux parents se compte en « degrés » qui correspondent au nombre de générations qui les sépare. En ligne directe, il y a autant de degrés que de générations entre les personnes elles-mêmes (art. 4.11, § 4, C. civ.)4. En ligne collatérale, le nombre de degrés correspond à l’addition des générations qui séparent chacun des deux parents de leur auteur commun (art. 4.11, § 5, C. civ.)5. Lorsqu’une personne dispose d’un lien juridique avec chacun de ses père et mère, il convient, par ailleurs, de distinguer ses parents dans sa « ligne paternelle » et ses parents dans sa « ligne ma- ternelle » (art. 4.27 et 4.28 C. civ.). Les parents « consanguins » d’une personne sont ceux qui lui sont apparentés par son père tandis que les parents « utérins » d’une personne sont ceux qui lui sont apparentés par sa mère. Certains parents d’une personne peuvent appartenir aux deux lignes, comme ses frères et sœurs dits « germains » lorsque ceux-ci descendent du même père et de la même mère6. La notion de « parenté » a aussi été étendue, par analogie, aux liens familiaux créés par l’adop- tion. On parle dès lors aussi de la « parenté adoptive » pour désigner le lien qui existe entre l’en- fant adopté et ses père et mère adoptants. La parenté adoptive inclut en outre les liens entre l’adopté et les parents des adoptants7 et entre les adoptants et les descendants de l’adopté. L’alliance La conclusion d’un mariage crée un lien familial juridique non seulement avec le conjoint mais aussi avec les parents de celui-ci qui deviennent alors des « alliés ». Comme pour la parenté, on distingue, parmi les alliés, les alliés en ligne directe – qui sont les parents en ligne directe du conjoint (beau-père, belle-mère, beau-fils, belle-fille) – et les alliés en ligne collatérale – qui sont les parents en ligne collatérale du conjoint (beau-frère et belle-sœur, bel-oncle, belle-nièce). La proximité de degré se calcule de la même manière entre les alliés qu’entre les parents. 2. Les liens familiaux non juridiquement organisés Le droit positif ne reconnaissait, a priori, jusqu’à une époque récente, que les liens familiaux qui s’étaient noués conformément aux modèles et aux normes juridiques expressément institués par le législateur. Il n’y avait dès lors pas de lien juridique familial hors le lien du mariage et le lien juridique de la parenté de sang ou adoptive. Le Professeur Henri De Page écrivait alors, dans son fameux traité de droit civil : « la famille est l’ensemble des personnes qui sont unies par le ma- riage, par la filiation ou plus exceptionnellement par l’adoption »8. 4 « En ligne directe, on compte autant de degrés qu'il y a de générations entre les personnes dans cette ligne. Ainsi l'enfant est, à l'égard du père ou de la mère, au premier degré, et le petit-enfant au second degré. Ceci vaut réciproquement pour le père ou la mère à l'égard de leur enfant, et du grand-père et de la grand-mère à l'égard de leurs petits-enfants. ». 5 « En ligne collatérale, les degrés se comptent par le nombre de générations, depuis l'un des parents jusqu'à l'auteur commun, et depuis celui-ci jusqu'à l'autre parent. Ainsi, frère et sœur sont au deuxième degré; l'oncle ou la tante, et le neveu ou la nièce sont au troisième degré; les cousins germains au quatrième ; ainsi de suite. ». 6 On notera que lors de la recodification des dispositions successorales, opérée par la loi du 19 janvier 2022, le légi- slateur a supprimé les termes « consanguin » et « utérin ». Ainsi, un frère consanguin est désormais un demi-frère ayant le même père et une sœur utérine est désormais une demi-sœur ayant la même mère. Voy. l’art. 4.27 C. civ. 7 On doit cependant distinguer, à propos de l’étendue des liens de parenté adoptive résultant d’une adoption, entre l’adoption plénière et l’adoption simple. Voy. infra, l’étude du droit de la filiation adoptive. 8 H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, t. I, Bruylant, Bruxelles, 1ère éd., 1933, n° 235. 5 Les liens de type familial qui se développaient hors ces cadres juridiques étaient considérés comme des liens de pur fait. On nommait dès lors, par exemple, « père de fait » ou père biolo- gique, le géniteur d’un enfant qui n’était pas devenu son père légal, ou « concubins » un homme et une femme qui partageaient une vie de couple hors les liens du mariage. Comme ces liens familiaux n’étaient pas reconnus par le droit positif, ces personnes ne disposaient l’une à l’égard de l’autre, en termes juridiques, d’aucun droit ou obligation. Les idées et les mentalités ont considérablement évolué et le droit positif n’exclut plus hors du champ du droit certains liens familiaux ou affectifs qui ne se sont pas concrétisés par un lien juri- dique proprement dit. La Cour européenne des droits de l’homme a, dans sa jurisprudence, conféré une interprétation de plus en plus extensive à la notion de « vie familiale » visée à l’article 8 de la CEDH, et elle a dès lors considéré qu’il pouvait exister une « vie familiale » entre deux ou plusieurs personnes, non seulement lorsque celles-ci sont unies par un lien juridique familial mais aussi lorsqu’une relation familiale de fait atteint une intensité suffisante pour pouvoir être perçue comme une famille. Dans son arrêt X, Y, Z c. Royaume-Uni du 22 avril 1997, la Cour a ainsi rappelé que, suivant sa jurisprudence, « le concept de vie familiale visé par l’article 8 ne se borne pas aux seules familles fondées sur le mariage mais peut englober d’autres relations de facto ». Elle a dès lors pu juger que les liens unissant un transsexuel né femme et devenu homme, sa compagne et l’enfant auquel celle-ci avait donné naissance après une insémination artificielle avec tiers donneur constituaient des « liens familiaux de facto » protégés par le droit au respect de la vie familiale9. Notre Cour constitutionnelle a adopté une lecture comparable de la notion de « vie familiale » dans l’article 22 de la Constitution. Dans son arrêt n° 47/96 du 12 juillet 1996, la Cour a notamment pu juger que « selon l’article 22 de la Constitution combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale » et que « ces dispositions garantissent la jouissance de ce droit tant aux parents qu’aux enfants » et « trouvent aussi à s’appliquer aux rela- tions entre un enfant et ses parents d’accueil »10. La tendance actuelle du droit positif est dès lors de reconnaître des liens familiaux qui ne sont pas formalisés dans la conclusion d’un lien juridique de parenté ou d’alliance, soit en y attachant cer- tains droits et obligations, soit en permettant qu’ils se formalisent dans des liens juridiques nou- veaux autres que la parenté ou l’alliance. En ce qui concerne la relation de couple, le droit positif belge a désormais reconnu les « cohabi- tants de fait » qui, sans être liés par un lien juridique formel, se sont cependant vus reconnaître Voy. égal. J. CARBONNIER, Droit civil, vol. I, P.U.F., Paris, 16e éd., 1993, p. 93 qui définit la famille comme “l’ensemble des personnes unies par le mariage ou par la filiation ou par la parenté ou l’alliance, celles-ci résultant elles-mêmes du mariage et de la filiation ». 9 Cour eur. dr. h. (gde ch.), arrêt X, Y et Z c. Royaume-Uni du 22 avril 1997, req. n° 21830/93, § 36. Dans l’arrêt Moretti et Benedetti c. Italie du 27 avril 2010, la Cour a jugé que les liens noués entre le père et la mère d’accueil d’un enfant âgé d’un mois qu’ils avaient gardé pendant dix-neuf mois et qui leur avait ensuite été retiré pour être confié à une famille adoptive constituaient également des liens familiaux de facto protégés par l’article 8. Dans l’arrêt Schalk et Kopf c. Autriche du 24 juin 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a aussi expressé- ment jugé qu’« un couple homosexuel cohabitant de fait de manière stable, relève de la notion de vie familiale au même titre que celle d’un couple hétérosexuel se trouvant dans la même situation ». 10 C.A., 12 juillet 1996, n° 47/96. 6 certains droits11. Il a aussi organisé un autre type de lien juridique que le lien du mariage – la « cohabitation légale » (Titre Vbis du Livre III du Code civil) – qui permet à certains couples de bénéficier d’un statut juridique différent du statut du mariage. En ce qui concerne les liens entre adultes et enfants, le droit positif belge ne reconnaît que de façon limitée la « parentalité de fait » en reconnaissant certains droits aux adultes qui sans être lié juridiquement à un enfant ont un « lien d’affection particulier » avec lui12. Il a néanmoins ins- titué récemment un autre type de lien juridique que celui résultant de la parenté – « l’accueil familial » (Titre IX du Livre III du Code civil) – qui permet à des adultes qui ne sont pas les parents d’un enfant de jouer à son égard un rôle parental reconnu et protégé par le droit. 11 Beaucoup de législations qui reconnaissent ou attribuent des droits ou des effets juridiques à un lien de couple ne se limitent plus à prendre en compte le mariage (ou la cohabitation légale) mais étendent ces droits ou ces effets aux « cohabitants de fait ». Ainsi, la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, en son article 9 § 4, ouvre, après le décès du patient, un droit de consultation de son dossier médical tant à l’époux qu’au partenaire cohabitant légal ou au « partenaire » , et qui, en son article 14 § 3, prévoit la représentation d’un patient, qui n’est plus lui-même en mesure d’exercer ses droits de patient et qui n’avait pas veillé à désigner un mandataire, par l’époux cohabitant, le partenaire cohabitant légal ou « le partenaire cohabitant de fait ». La loi du 24 avril 2003 réformant l’adoption, a ouvert le droit d’adopter un enfant à des « cohabitants », même si ceux-ci n’ont pas voulu créer entre eux un lien juridique de couple (mariage ou cohabitation légale). L’article 343 § 1 b) de l’ancien Code civil, modifié par la loi du 27 décembre 2004, prévoit cependant que les cohabitants qui n’auront pas conclu un mariage ou une cohabitation légale devront « vivre ensemble de façon permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de l’introduction de la demande en adoption ». 12 Voy. l’article 375bis, al. 1, de l’ancien Code civil suivant lequel « Les grands-parents ont le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant. Ce même droit peut être octroyé à toute autre personne, si celle-ci justifie d'un lien d'affection particulier avec lui ». 7 SECTION 2. LE DROIT DE LA PERSONNE ET DE LA FAMILLE À l’époque napoléonienne, le droit de la famille est traditionnellement considéré comme une des branches du droit civil, et il se trouve dès lors intégré dans le Code civil dont il constitue une des trois principales composantes, avec le droit des biens et le droit des obligations et des contrats. La régulation des relations sexuelles et familiales est toutefois aussi prise en compte dans le Code pénal. A côté du droit civil de la famille, il existe donc un droit pénal de la famille. Avec le déve- loppement et la complexification des différentes disciplines juridiques, on a par après assisté pro- gressivement à l’émergence d’un droit de la famille aux ramifications diverses qui s’étendent dé- sormais en droit public, en droit international, en droit fiscal et social. On ne peut par ailleurs pas méconnaître la spécificité du droit judiciaire de la famille. 1. Présentation générale L’étude et l’enseignement du droit civil de la famille ont, conformément au découpage explicite- ment opéré dans le Code Napoléon, traditionnellement été divisés en deux disciplines distinctes : - le droit des personnes - le droit patrimonial de la famille, incluant lui-même le droit des régimes matrimoniaux et le droit des successions et des libéralités Le droit des personnes faisait l’objet du Livre premier expressément intitulé « Des personnes ». Le droit des régimes matrimoniaux et le droit des successions et des libéralités ont par contre été classés dans le Livre III du Code civil, en ses Titres I (« Des successions »), II (« Des donations entre vifs et des testaments ») et V (« Des régimes matrimoniaux »). Dans le programme des études de droit et dans la plupart des traités de droit civil, cette division est toujours d’actualité. Elle correspond à l’idée que l’on ne réglemente pas les relations person- nelles comme on réglemente les relations patrimoniales et que l’on se situe dès lors dans deux registres distincts. Mais cette manière de voir les choses présente l’inconvénient, d’un point de vue théorique, de ne pas appréhender les relations familiales – et notamment, la relation de couple et la relation parentale – dans une perspective globale et, d’un point de vue pratique, de ne pas coller à la réalité concrète de la vie familiale où les aspects personnels, affectifs, financiers et patrimoniaux s’entrecroisent nécessairement. Par ailleurs, lors de l’élaboration du Code civil, tout ce qui relevait du droit des personnes et, dès lors, de la régulation juridique des relations familiales personnelles était perçu comme échappant complètement à l’autonomie de la volonté, tandis que ce qui relevait du droit patrimonial de la famille était, au contraire, perçu, à l’instar de la régulation juridique de l’échange et de la circula- tion des biens, comme relevant – à tout le moins pour une part importante – de l’autonomie de la volonté. Or, une telle distinction, voire même opposition, ne peut plus actuellement être sou- tenue en des termes aussi catégoriques car la part de l’autonomie de la volonté dans le domaine du statut personnel et des relations familiales s’est aujourd’hui considérablement accrue (voy. infra). 8 Il y aurait dès lors – et il y a déjà aujourd’hui à propos de l’enseignement des régimes matrimo- niaux – une forme de cohérence à regrouper en un ensemble – et donc dans un même enseigne- ment – les deux branches classiquement distinctes du droit de la famille. La réforme du Code civil qui est actuellement en cours s’inscrit d’ailleurs dans cette perspective. La nouvelle structure du Code comporte pas moins de dix livres et le droit de la personne et de la famille est, à nouveau, réparti dans deux livres différents : - d’une part, le nouveau Livre 2 intitulé « Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples » (qui correspond à la matière du présent enseignement) ; - d’autre part, le nouveau Livre 4 intitulé « Les successions, donations et testaments » (qui cor- respond à la matière du cours de droit patrimonial de la famille enseigné en master 1). A ce stade, le nouveau Livre 2 est seulement partiellement entré en vigueur. Ainsi, les dispositions recodifiées relatives à la personne et à la famille n’ont pas encore été adoptées, mais celles du titre 3, relatives aux relations patrimoniales des couples. Il y a donc lieu à ce stade, dans le cadre de ce cours, de se référer : - tantôt aux dispositions de l’ancien Code civil pour le droit de la personne et le droit des rela- tions familiales personnelles ; - tantôt aux dispositions du nouveau Code civil pour le droit patrimonial des couples. Ces deux notions sont expliquées plus avant dans les développements qui suivent. Le nouveau Livre 4 est quant à lui entièrement en vigueur en manière telle que les mentions occasionnelles de règles ressortissant au droit des successions et des libéralités renverront né- cessairement aux dispositions nouvelles. 2. Le droit de la personne et le droit des relations familiales per- sonnelles Le droit des personnes – dénommé tel quel dans le Code Napoléon – regroupe lui-même en réa- lité deux domaines qui peuvent et doivent être clairement différenciés. Il y a, d’un côté, le droit de la personne proprement dite, c’est-à-dire le statut juridique de l’indi- vidu ou de l’être humain. Les règles du droit de la personne recouvrent dès lors : - la question de savoir quand commence et quand se termine l’existence juridique de la personne ; - la protection des éléments qui composent l’individualité singulière de chaque personne et notamment son intégrité physique et morale de même que sa vie privée ; - la détermination et la modification des éléments qui définissent son identité juridique (son sexe, son nom et les liens familiaux dans lesquels elle est engagée) ; 9 - les règles spécifiquement applicables aux individus qui ne se trouvent en situation de vul- nérabilité (au titre notamment de leur âge – les mineurs – ou d’un trouble psychique – les majeurs vulnérables). Il y a, d’un autre côté, le droit des relations personnelles entre ceux qui entretiennent une relation ou un lien de nature familiale. Il régit les différents types de relations qui peuvent être considé- rées comme constituant une relation « familiale » ou de nature « familiale » : - la relation conjugale ou la relation de couple (incarnée dans le mariage, la cohabitation légale ou le couple de fait) ; - la relation de filiation et de parentalité (en ce compris la filiation adoptive et les liens noués au sein de la famille recomposée ou de la famille d’accueil) ; - les relations de parenté et les relations d’alliance et/ou les relations nouées à l’intérieur de ce que l’on préfère aujourd’hui appeler le « réseau » familial ou la « constellation » familiale. 3. Le droit patrimonial de la famille Les règles qui régissent les relations patrimoniales au sein de la famille sont classiquement re- groupées en trois sous-branches distinctes : - le droit des régimes matrimoniaux - le droit des successions - le droit des libéralités Le droit des régimes matrimoniaux Le droit des régimes matrimoniaux comprend l’ensemble des règles qui régissent les relations patrimoniales entre les époux, à la suite et en raison de leur mariage et de la communauté de vie qu’ils ont créée. On rattache également à la matière des régimes matrimoniaux l’organisation des relations patrimoniales au sein d’un couple non marié, dès lors que le nombre de couples vivant hors les liens du mariage s’est multiplié et que la vie en couple hors mariage n’est plus perçue comme une situation marginale et illégitime. Le droit des successions Le droit des successions comprend l’ensemble des règles qui organisent la transmission du patri- moine d’une personne, en raison de son décès, à son ou ses successeurs. Dans la perspective qui était celle du Code Napoléon, la transmission successorale à cause de mort ne portait que sur le patrimoine du défunt, c’est-à-dire ses biens et ses obligations. Le terme « succession » est d’ailleurs utilisé dans deux sens différents. Il recouvre à la fois : - le mécanisme juridique par lequel s’opère le transfert du patrimoine d’une personne dé- cédée, ou, en d’autres termes, le mode d’acquisition, à cause de mort, par le ou les suc- cesseurs, du patrimoine de la personne décédée ; - le patrimoine proprement dit laissé à son décès par une personne décédée et dont la transmission s’opère au profit de son ou de ses successeurs. 10 Cette vision des choses explique que le droit des successions ne soit réglementé par le Code civil que dans le Livre III relatif aux « différentes manières d’acquérir la propriété » dont il constitue le Titre I. On distingue, dans notre droit, deux grands types de successions : - la succession dite « légale » : elle s’opère au profit d’un ou plusieurs successeurs qui, en l’absence d’un choix effectué par le défunt, sont désignés par la loi (art. 4.10 et s. C. civ.) et qui sont alors qualifiés d’ «héritiers légaux » ; - la succession dite « volontaire » : elle s’opère au profit d’un ou de plusieurs successeurs qui ont été expressément choisis par le défunt, soit dans un testament (art. 4.132 et s. C. civ.), soit, exceptionnellement, par contrat. Notre droit positif impose, même pour les personnes qui entendent organiser leur succession, un certain nombre de normes limitant leur liberté et les contraignant à prendre en compte les de- voirs auxquels ils sont tenus à l’égard des membres de leur famille : c’est le système de la « ré- serve héréditaire ». Le droit des libéralités Le droit des libéralités comprend l’ensemble des règles qui organisent la possibilité de conclure et de réaliser des actes juridiques par lesquels une personne – le disposant – se dépouille ou s’appauvrit d’un bien ou d’un droit – ou de plusieurs biens ou droits ou éventuellement de l’inté- gralité – de son patrimoine, à titre gratuit, au profit d’une autre personne – le bénéficiaire ou le gratifié. Le Code civil définit les deux principales catégories de libéralités, c’est-à-dire les donations et les testaments : - La donation est un contrat par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévoca- blement du bien donné en faveur du donataire qui l’accepte (art. 4.132, §2 C. civ.). - Le testament est un acte unilatéral, toujours révocable jusqu’au décès, par lequel le tes- tateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens au profit d’un légataire ou de plusieurs légataires (art. 4.132, §3 C. civ.). Il existe une troisième catégorie de libéralités, à savoir l’institution d’héritier par contrat, c’est-à- dire un contrat par lequel une personne en vie se dépouille gratuitement et, en principe, irrévo- cablement, pour le jour de son décès, d’un droit ou d’un bien ou des droits et des biens de son patrimoine au profit d’une ou plusieurs autres personnes. 11 1. Le droit pénal sensu stricto Le législateur érige en infractions pénales, susceptibles d’être réprimées par une peine, la viola- tion des règles qui paraissent les plus essentielles à la vie sociale, afin d’organiser et de préserver le « vivre ensemble » indispensable au fonctionnement de toute communauté humaine. La loi pénale punit dès lors le non-respect de certaines règles relevant de l’organisation des rela- tions familiales considérées comme fondamentales. Ces règles sont alors investies d’une plus grande force symbolique et d’une plus grande effectivité pratique, puisque leur méconnaissance est pénalement sanctionnée. On trouve par conséquent dans le Code pénal et dans des lois pénales particulières un certain nombre d’infractions qui affirment et protègent des valeurs et des intérêts spécifiques du droit de la personne humaine et des relations familiales. Dans le Code pénal proprement dit, on épin- glera plus particulièrement les dispositions regroupées sous les Titres VII et VIII du Livre II, intitu- lés respectivement « Des crimes et des délits contre l’ordre des familles et contre la moralité publique » et « Des crimes et des délits contre les personnes ». Au titre d’exemple de crimes et délits contre l’ordre des familles, l’on peut notamment pointer l’avortement contre la volonté de la femme enceinte, le mariage forcé, la bigamie ou bien encore la suppression ou la supposition d’enfant (voy. art. 348 et s. C. pén.). Au titre d’exemple de crimes et délits contre les personnes, l’on peut notamment pointer le dé- laissement ou l’abandon d’enfants ou de personnes vulnérables dans le besoin, l’enlèvement et le recel de mineurs et de personnes vulnérables, l’atteinte à la vie privée du mineur ou bien en- core les atteintes portées à l’honneur ou à la considération des personnes (voy. art. 392 et s. C. pén.). La loi du 21 mars 2022 modifiant le Code pénal en ce qui concerne le droit pénal sexuel, entrée en vigueur le 1er juin 2022, a inséré, dans le titre relatif aux crimes et délit contre les personnes, un nouveau chapitre I/I spécifiquement dédié aux infractions portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes mœurs. Outre une définition gé- nérale du consentement en matière d’autodétermination sexuelle (art. 417/5 C. pén.) et les res- trictions de la faculté de consentir des mineurs (art. 417/6 C. pén.), on y trouve notamment les dispositions qui punissent les atteintes à l’intégrité sexuelle, le viol, le voyeurisme, le revenge porn, etc. On relèvera évidemment qu’avec les mutations culturelles et sociales qui sont survenues au cours des dernières décennies et le développement de la société individualiste, on a assisté, en droit pénal de la famille, à un déplacement des valeurs, dès lors que la préoccupation est moins au- jourd’hui de protéger un certain « ordre familial » que d’assurer désormais la protection de la personne humaine. 12 2. L’aide à la jeunesse et la protection de la jeunesse Le droit de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse n’est pas fondé, comme le droit pénal, sur l’idée d’une prévention ou d’une punition de la délinquance par la menace ou l’usage de la sanction pénale, mais sur l’idée d’une intervention protectrice de la justice dans les situa- tions problématiques de délinquance d’un mineur ou de mise en danger de la santé physique ou psychique ou de la sécurité matérielle ou morale de l’enfant. Il est dès lors, dans une large mesure, un droit de la régulation des relations familiales, puisque l’intervention protectrice de la justice ne peut s’exercer qu’à l’égard de l’enfant ou l’adolescent et de sa famille, soit pour assister et guider la famille dans sa fonction d’éducation et de sociali- sation du mineur, soit éventuellement pour soustraire le mineur à une famille en trop grande difficulté ou en défaut d’exercer cette fonction. Depuis la sixième réforme de l’Etat, la matière de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse est presque entièrement communautarisée. En Communauté française, la plupart des règles relatives à l’aide à la jeunesse et à la protection de la jeunesse ont été regroupées dans un Code de la prévention, de l'Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse qui est entré en vigueur le 1er janvier 201913. 1. La protection constitutionnelle des droits fondamentaux En évoquant le droit constitutionnel et public de la famille, on est immédiatement amené à mettre en évidence les deux phénomènes récents suivants : - la prise en compte de la valeur spécifique de la personne humaine et de la vie familiale dans la « Constitution » (art. 22, 22bis et 23 Const.) ; - la multiplication, au sein de l’ordre juridique belge, des interventions de la Cour d’arbi- trage, devenue Cour constitutionnelle, dans les matières familiales, en exécution de sa mission de contrôle de constitutionnalité des lois. Nous prendrons, au fil du cours, la mesure de l’impact que peuvent avoir les décisions de la Cour constitutionnelle sur le droit belge de la famille. Pareille influence est notamment très sensible s’agissant des statuts juridiques du couple (voy. infra, Partie II) et de l’établissement de la filiation (voy. infra, Partie III). 2. L’assistance publique aux familles Mais c’est, en réalité, dans une perspective beaucoup plus globale que les liens entre le droit public et le droit de la famille car ils tiennent aussi à la place que l’État, les régions et les commu- nautés ou les collectivités locales, par l’intermédiaire de leurs différents services publics, estiment devoir prendre par rapport à la famille, par exemple en mettant en œuvre une politique d’assis- tance dite publique aux familles. On peut notamment pointer : 13 Décret du 18 janvier 2018 portant le code de la prévention, de l'Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse, M.B., 3 avril 2018, p. 31814. 13 - les missions et à l’activité des centres publics d’action sociale (C.P.A.S.) ; - les compétences qui ont été reconnues, par exemple en Communauté française de Bel- gique, au service de l’aide à la jeunesse (SAJ) et au service de protection de la jeunesse (SPJ)14; - l’agrément et à la subsidiation par les pouvoirs publics d’associations privées œuvrant à l’aide aux familles ou aux personnes dans leurs relations familiales (comme, par exemple les centres de planning familial15, les équipes SOS Enfants16, les services espaces- rencontres17, les organismes d’adoption18). 1. La protection internationale des droits de l’homme On a vu se multiplier, depuis 1945, les textes internationaux comportant des dispositions relatives au statut de la personne humaine ou à l’organisation de la vie privée et familiale. Le droit inter- national est dès lors devenu une source de plus en plus importante de la régulation juridique des relations familiales. Ce droit international de la personne et de la famille procède, d’une part, d’instruments univer- sels élaborés dans le cadre de l’organisation des Nations-Unies (ONU) qui peuvent avoir un impact significatif sur définition et l’application des règles de droit de la personne et de la famille. On citera, à cet égard, par exemple : - le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ; - la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) ; - la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) ; - la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). La régulation internationale du statut personnel et des relations familiales procède, d’autre part, d’instruments européens élaborés au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Ainsi, au niveau du Conseil de l’Europe, l’article 8 de la CEDH consacre le droit des individus au respect de la vie privée et familiale et a déjà donné lieu à de très nombreux arrêts de la Cour 14 Voy. les articles 16 et s. du Code de la prévention, de l'Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse. 15 Voy., pour la région de Bruxelles-capitale, le décret du 5 mars 2009 de la Commission communautaire française relatif à l’offre de services ambulatoires dans les domaines de l’action sociale, de la famille et de la santé (dont l’art. 13 définit les missions des centres de planning familial), et, pour la région wallonne, le Code wallon de l’action sociale et de la santé du 29 septembre 2011 (qui définit, à l’art. 186, les missions des centres de planning familial et de consultation familiale et conjugale). 16 Voy. le décret du 12 mai 2004 du conseil de la Communauté française relatif à l’aide aux enfants victimes de mal- traitance, dont l’art. 9 définit les missions des équipes SOS Enfants. 17 Voy., pour la région de Bruxelles-capitale, le décret du 5 mars 2009 de la commission communautaire française relatif à l’offre de services ambulatoires dans les domaines de l’action sociale, de la famille et de la santé (dont l’art. 21 définit les missions des services « espaces-rencontres ») et, pour la Région wallonne, le Code wallon de l’action sociale et de la santé du 29 septembre 2011 (qui définit, en son article 167, les missions des services « espaces-ren- contres »). Voy. aussi F. REUSENS, « Les espaces-rencontres : services de soutien à la parentalité », note sous trib. jeun. Charleroi, 19 mars 2007, Rev. trim. dr. fam., 2007, p. 1218. 18 Voy. les articles 13 et suivants du décret du 31 mars 2004 du conseil de la Communauté française relatif à l’adoption. 14 européenne des droits de l’homme ayant des répercussions considérables dans les ordres juri- diques internes. En outre, le Conseil de l’Europe produit régulièrement des projets de conven- tions, des résolutions19 ou des recommandations20 qui touchent aux questions intéressant le droit de la personne et de la famille. De même, avec l’adoption de la Charte des droits fondamentaux (CDFUE), l’Union européenne a intégré un catalogue de droits fondamentaux comprenant les garanties classiques du droit au respect de la vie privée et familiale et du droit de se marier et de fonder une famille (art. 9). Les droits fondamentaux familiaux tels qu’ils sont garantis par la Charte doivent, dès lors, guider, l’action des institutions européennes lorsqu’elles définissent ou appliquent le droit européen de la famille. On peut à cet égard prendre l’exemple de la directive 2004/38 relative au regroupe- ment familial des citoyens de l’Union européenne21 : non seulement son préambule fait expres- sément référence aux dispositions de la Charte, mais en outre son interprétation – à laquelle préside la Cour de justice de l’Union européenne22 – est expressément guidée par les droits ga- rantis par la Charte. 2. Le droit international privé Le développement des échanges internationaux, de la circulation des personnes et des phéno- mènes migratoires, dans le contexte aussi bien de la construction européenne que de la mondia- lisation, provoque une multiplication des situations familiales internationales. Des personnes unies par un lien familial ont des nationalités différentes ou proviennent d’États différents ou bien vont s’installer, au cours des pérégrinations de leur existence, dans des États différents en Europe ou dans le monde. On assiste dès lors non seulement au développement de conventions internationales tendant à élaborer des règles spécifiques pour ces situations familiales internationales, mais aussi à une réflexion plus fondamentale à propos des mécanismes d’action et de coopération internationales permettant d’éviter que ces situations n’échappent à une réelle régulation juridique et éventuel- lement judiciaire. On citera, à titre de premier exemple significatif, à l’échelle mondiale, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, approuvée et mise en œuvre en Belgique par la loi du 10 août 199823. Élaborée au sein de la Conférence de droit international privé de La Haye, cette Convention cherche à résoudre la problématique particulièrement complexe et douloureuse des enlèvements internationaux d’enfants en cas de séparation des parents, et met en œuvre un mécanisme de coopération internationale destiné à assurer le retour immédiat dans son État d’origine des en- fants déplacés ou retenus illicitement dans un autre État partie à la Convention. 19 Voy. par exemple la Résolution 2191(2017) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la promotion des droits humains et l’élimination des discriminations à l’égard des personnes intersexes. 20 Voy. par exemple la Recommandation no R(99)4 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables). 21 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, JOUE, 30 avril 2004, L 158, pp. 77-123. 22 Voy. C.J.U.E., 5 juin 2018, Coman e.a. c. Inspectoratul General pentru Imigrări, C‑673/16, ECLI:EU:C:2018:385. 23 M.B., 24 avril 1999. Voy. le nouveau Chapitre XIIbis du Livre IV de la Quatrième partie du Code judiciaire. 15 On citera deux autres exemples significatifs à l’échelle de l’Union européenne : - Le Règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 du Conseil (« Bruxelles IIbis ») relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale Ce règlement communautaire applicable de plein droit dans tous les États de l’Union européenne a notamment pour objectif d’empêcher qu’au sein de l’Union européenne les juridictions de deux ou plusieurs États membres se déclarent concurremment compétentes pour connaître d’une pro- cédure en divorce et/ou une procédure relative au règlement des modalités d’exercice de l’auto- rité parentale à l’égard des enfants. Le Règlement détermine dès lors les critères permettant de déterminer si une juridiction nationale est ou n’est pas compétente pour connaître de ces de- mandes et prévoit un mécanisme de règlement des situations de litispendance internationale lors- que les juridictions de deux ou de plusieurs États membres s’avéreraient être compétentes sur la base de ces critères. C’est la juridiction compétente la première saisie qui restera compétente pour connaître du litige. Ce règlement est désormais remplacé par le Règlement 2019/1111 du 25 juin 2019 (Bruxelles IIter) qui est entré en vigueur le 1er août 202224. - Le Règlement n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 du Conseil (« Rome III ») mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps Pour les 16 États membres qui ont choisi d’utiliser le mécanisme spécifique de la coopération ren- forcée, ce règlement tend à déterminer, au sein de ces 16 États (dont la Belgique), la loi qui sera applicable au divorce et la séparation de corps, quelle que soit la juridiction qui aura été saisie, en privilégiant, au demeurant, la loi qui aurait été choisie par les époux eux-mêmes. Les règles qui organisent la perception par l’État des impôts destinés à assurer le financement du fonctionnement de la collectivité et/ou la redistribution des revenus entre les citoyens en fonc- tion de leurs besoins respectifs prennent en considération la situation familiale des intéressés. Le législateur peut ainsi, à travers des dispositions de droit fiscal ou de droit de la sécurité sociale conférer des droits ou des obligations procédant des liens familiaux noués par les individus et, par là même, définir une politique familiale de la perception de l’impôt et de la redistribution des ressources publiques. 1. Le droit fiscal de la famille D’une part, l’impôt est fixé compte tenu de la situation familiale du contribuable : - soit parce que l’État considère que, parce qu’il a formé une famille, ses facultés contribu- tives sont plus étendues (comme ce fut longtemps le cas en Belgique pour les contri- buables mariés dont on cumulait les revenus pour le calcul de l’impôt) ; 24Règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte). 16 - soit, au contraire, parce que l’État considère qu’en raison de ses charges familiales ses facultés contributives sont plus limitées et qu’il y a donc lieu de lui permettre de bénéfi- cier d’une réduction d’impôts25 ou de déduire de ses revenus soumis à l’impôt certaines dépenses familiales26 ; - soit encore parce que l’État considère que l’existence d’un lien familial entre les parties intéressées justifie de manière spécifique l’accomplissement de telle ou telle opération juridique, en manière telle que l’impôt prélevé sur cette opération doit rester modéré27. 2. Le droit social de la famille D’autre part, l’État peut aussi être amené à tenir compte, lorsqu’il veille à assurer à ses citoyens le paiement d’allocations sociales, de la situation familiale des personnes intéressées. On songe par exemple : - aux allocations familiales ; - aux allocations de chômage dont le montant varie, en droit belge, selon que l’allocataire bénéficie ou non d’un soutien familial ou, au contraire, supporte des charges de famille ; - au pensions de retraite dont le montant peut dépendre de la question de savoir si le bé- néficiaire est ou n’est pas marié ; - au pensions de survie qui ne sont allouées qu’au conjoint marié d’une personne décédée. Sans doute, les litiges en matière familiale ne sont-ils pas, en principe, soustraits aux règles du droit commun de la procédure civile ou de la procédure pénale. On peut cependant mettre en évidence une certaine spécificité du droit judiciaire de la famille. 1. Les procédures particulières D’une part, il existe un certain nombre de règles spécifiques aux contentieux familiaux. 25 L’article 132 du Code des impôts sur les revenus permet aux contribuables qui ont un ou plusieurs enfants à charge d’être exemptés de l’impôt sur les revenus des personnes physiques sur une première tranche de revenus plus élevée que s’ils n’avaient pas d’enfant. Ainsi, le CIR prévoit-il actuellement que « le montant de base […] est majoré des suppléments suivants pour personnes à charge : 1° pour un enfant : 870 EUR ; 2° pour deux enfants : 2.240 EUR ; 3° pour trois enfants : 5.020 EUR ; 4° pour quatre enfants : 8.120 EUR ; pour plus de quatre enfants : 8.120 EUR majorés de 3.100 EUR par enfant au-delà du quatrième ; 6° un montant supplémentaire de 325 EUR pour chaque enfant n’ayant pas atteint l’âge de 3 ans au 1er janvier de l’exercice d’imposition, étant entendu que ce supplément ne peut s’ajouter à la réduction pour garde d’enfant visée à l’article 145 ». 26 Voy. l’article 104 du Code des impôts sur les revenus qui permet au contribuable de déduire de son revenu impo- sable 80 % du montant des rentes alimentaires payées en vertu d’une obligation alimentaire légale à un membre de sa famille qui ne fait pas partie de son ménage. 27 Comme c’est le cas en matière de droits de succession ou de droits d’enregistrement relatifs à une donation, où le montant du droit perçu par l’administration fiscale est proportionné non seulement à l’importance de la succession ou de la donation mais aussi et surtout au degré de proximité familiale entre le défunt et ses successeurs ou entre le donateur et le donataire. 17 En droit de la procédure civile, le Code judiciaire contient, dans le Livre IV de sa quatrième partie, intitulé « Procédures particulières », des dispositions appropriées réglementant des procédures qui relèvent expressément du droit des personnes et de la famille, comme par exemple : - les demandes relatives à l’absence ou à la déclaration judiciaire de décès (chapitre VII) ; - les procédures d’adoption interne et internationale (chapitre VIIIbis) ; - les demandes relatives à la tutelle des mineurs (chapitre IX) ; - les règles spécifiques de procédure relatives aux personnes protégées (chapitre X) ; - les procédures en divorce, en séparation de corps et en séparation de biens judiciaire (chapitre XI) ; - les règles spécifiques de procédure relatives aux pensions alimentaires (chapitre XII) ; - les demandes relatives à la protection des droits de garde et de visite transfrontières (chapitre XIIbis). La même partie du Code judiciaire contient des dispositions qui règlementent des procédures qui sans ressortir exclusivement au droit de la personne et de la famille sont généralement mises en œuvre dans le contexte d’un litige familial. On pense ici à la procédure en apposition de scellés (chapitre I), à l’inventaire (chapitre II) ou bien encore la procédure en liquidation et partage d’une communauté, d’une succession ou d’une indivision (chapitre VI). 2. La « justice de la famille » D’autre part - et cette observation est peut-être plus fondamentale – on peut aussi parler d’un droit judiciaire spécifique de la famille - et même d’une « justice de la famille » – lorsqu’on pose la question des finalités qui sont poursuivies et des modalités d’action qui peuvent être mises en œuvre par le service public de la justice chaque fois qu’il est saisi pour traiter et tenter de ré- soudre un conflit familial. Le droit de la famille est un droit du « lien », dans ses composantes les plus intimes et les plus profondes : le lien affectif et psychique. Comment la justice de la famille peut-elle elle-même devenir une justice du « lien » ? Comment peut-elle, lorsque c’est possible, tenter de préserver ou protéger le maintien d’un lien familial ? Comment doit-elle procéder lorsqu’il lui appartient de dénouer un lien familial ou de gérer la rupture d’un tel lien ? Lorsqu’on essaie de répondre à ces questions, on est immanquablement amené à concevoir dif- féremment et autrement le traitement judiciaire d’un litige familial et à chercher à instituer des processus qui permettent précisément de « faire lien », comme la conciliation judiciaire, la con- ciliation extra-judiciaire, l’expertise et la guidance psychologique ou, plus récemment, la média- tion familiale. La gestion de ces processus ne peut au surplus être prise en charge que par des intervenants professionnels, qui, même s’ils sont juristes, comme les avocats ou les magistrats, auront choisi de s’y former de manière spécifique. Le tribunal de la famille et de la jeunesse C’est dans ce contexte général de la mise en œuvre d’une « justice de la famille » qu’a récemment été adoptée la loi du 30 juillet 2013 portant création, au sein du tribunal de première instance, du tribunal de la famille et de la jeunesse qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2014. 18 Le tribunal de la famille et de la jeunesse, composé d’une ou plusieurs chambres de la famille, d’une ou plusieurs chambres de la jeunesse et d’une ou plusieurs chambres de règlement à l’amiable (art. 76, §1, al. 3, C. jud.), est compétent pour traiter la presque totalité des litiges fami- liaux, et les juges qui sont désignés au tribunal de la famille et de la jeunesse doivent nécessaire- ment avoir suivi une formation spécialisée organisée par l’Institut de formation judiciaire (art. 259sexies, § 1, C. jud.)28. Le principe qui se trouve à la base de la création du tribunal de la famille a été synthétisé dans la formule : « une famille – un dossier – un juge ». En effet, lorsqu’une procédure relative à une famille, c’est-à-dire à un couple et ses enfants communs – sera introduite devant le tribunal de la famille, un « dossier familial » sera aussitôt constitué (art. 725 bis C. jud.). Toute demande ulté- rieure relative aux droits et obligations au sein de cette famille devra, en principe, être portée devant le même tribunal de la famille, sera jointe au dossier familial de cette famille et sera, dans la mesure du possible, traitée, au sein du tribunal de la famille, par le même juge que celui qui avait connu de la demande antérieure. La loi du 30 juillet 2013 contient par ailleurs un ensemble de dispositions de procédure applicables aux demandes relatives aux droits et devoirs qui naissent des relations familiales, qui ont été insérées dans le chapitre Xbis du Livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire (art. 1253bis à 1253octies). On relèvera que les articles 1253ter/1 et /3 confèrent une place importante, dans ces procédures, au processus de résolution amiable des litiges familiaux. Le « huis-clos familial » Antérieurement à l’adoption de la loi créant le tribunal de la famille et de la jeunesse, une loi du 2 juin 2010 modifiant le Code judiciaire et le Code civil en ce qui concerne le traitement en chambre du conseil des procédures judiciaires relevant du droit de la famille, qui a elle-même été modifiée par la loi du 30 juillet 2013, avait prévu que, par dérogation à l’article 757 § 1 du Code judiciaire, un ensemble de procédures judiciaires relevant du droit de la famille devront, en prin- cipe, être traitées en chambre du conseil, tant en première instance qu’en degré d’appel, sauf si le juge, en fonction des circonstances, ordonne la publicité des débats, soit d’office, soit à la de- mande du ministère public ou d’une partie à la cause. Comme le révèlent les travaux préparatoires de la loi, l’objectif recherché fut « d’humaniser » les procédures en matière familiale, d’une part parce que la publicité des débats peut être ressentie par les familles et par les enfants comme une atteinte à la dignité et la vie privée et, d’autre part, parce que le fait pour le juge de recevoir les parties en chambre du conseil « permet d’avoir des débats dans un climat plus serein où le juge est perçu comme un conciliateur »29. 28 Lorsqu’ils ont présenté au Sénat, en novembre 2011, le projet de loi adopté en juillet 2011 à la Chambre, le secrétaire d’État à la politique des familles et le ministre de la justice ont à cet égard expliqué : « Les litiges familiaux comportent un aspect psychologique et humain particulièrement important requérant une écoute très attentive du magistrat appelé à statuer. Aussi, pour répondre à ces préoccupations, les auteurs de la proposition considèrent qu’il est fondamental que les magistrats – tant du siège que du parquet -, en première instance et en degré d’appel, soient spécialisés dans les matières familiales et dans les techniques de conciliation et d’écoute active, de manière à répondre le plus adéqua- tement possible aux attentes du justiciable. Ils devront donc être spécialement formés à cet effet » (Rapport fait au nom de la commission de la justice du Sénat par M. Delpérée et Mme Taelman, Doc. parl., Sén., session 2012-2013, n°5- 1189/7, p. 14). 29 Rapport fait au nom de la Commission de la justice par M. Van den Driessche, Doc. parl., Sén., session 2009-2010, n° 4-1211/3, p. 4 19 Il reste que, dans la plupart des palais de justice, les locaux n’ont pas été aménagés pour per- mettre au juge d’entendre les parties « dans un climat plus serein » et que ce sont encore le plus souvent les avocats qui, dans une salle d’audience désormais vidée de tout public, prennent la parole au nom de leur « client ». Les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) L’évolution du droit judiciaire de la famille est enfin caractérisée par la promotion et le dévelop- pement des modes alternatifs de règlement des conflits (MARC). Le début du procès familial donne désormais lieu à une obligation d’information relative à la médiation et aux autres MARC. Le greffier doit, dès l’introduction de la demande, informer par écrit les parties de « la possibilité de médiation, de conciliation et de tout autre mode de réso- lution amiable des conflits » (art. 1253ter/1, § 1, C. jud.). Le litige est alors susceptible de ne pas aller plus loin que l’audience d’introduction et d’être opportunément « dévié » vers un règle- ment extrajudiciaire. L’art. 1253ter/1, § 2, du Code judiciaire prévoit en outre que, lors de la comparution des parties à l'audience d’introduction, le juge entend les parties sur la façon dont elles ont tenté de ré- soudre le litige à l'amiable afin de déterminer si une résolution à l'amiable est envisageable. Dans un tel cas, il peut remettre l’affaire à une date déterminée qui ne peut excéder le délai d’un mois afin de leur permettre d’avancer vers une telle résolution. L’article 1253ter/1, § 3, du Code judiciaire permet quant à lui aux parties de soumettre leur litige à une chambre de règlement à l’amiable (CRA) instituée au sein du tribunal de la famille et au juge de renvoyer l’affaire à une telle chambre tout au long de l’instance. En cas d’échec de la conciliation, l’affaire est renvoyée devant la chambre où elle avait été introduite étant entendu que tout ce qui a pu se dire ou s’écrire durant les audiences de règlement amiable est confiden- tiel. La faveur pour les solutions extrajudiciaires transparait aussi dans l’article 1253ter/2, alinéa 5, du Code judiciaire qui prévoit à propos d’un certain nombre de causes (notamment celles rela- tives à l’autorité parentale ou aux obligations alimentaires) que si un accord portant sur toutes les demandes introduites et rédigé par un avocat, un notaire ou bien un médiateur agréé est présenté, les parties ne doivent pas comparaître et le tribunal homologue leur accord sous la seule réserve de sa conformité à l’intérêt de l’enfant. Dans le même ordre d’idée, les candidats au divorce par consentement mutuel sont dispensés de toute comparution personnelle au tribunal (art. 1289, § 1er, C. jud.). 20

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