CM2 2024-2025 - Politiques Culturelles en France - Document PDF
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Université Paul Valéry Montpellier 3
2024
Nathalie Verdier
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Ce document explore les politiques culturelles en France, avec des exemples concrets comme le Pass Culture et des analyses. Il discute de la notion de "politique culturelle", de ses différentes approches, et de son action à l'échelle locale, régionale et nationale. Le document traite également de l'évolution historique de ces politiques et des différentes mesures mises en place.
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TE14IC – Communication, Cultures et Contextes CM2 2024-2025 Politique(s) culturelle(s) La France : « une exception culturelle » ? [email protected] Quel point commun entre ces 4 images...
TE14IC – Communication, Cultures et Contextes CM2 2024-2025 Politique(s) culturelle(s) La France : « une exception culturelle » ? [email protected] Quel point commun entre ces 4 images ? Qu’est-ce qu’une politique culturelle ? Pour une définition de sens commun « Au sens large, la politique culturelle englobe toutes les activités des autorités pour soutenir l'art, la religion, la formation et la science, les médias ainsi que les loisirs » Source : https://hls-dhsdss.ch/fr/articles/010993/2010-07-14/ Pour une définition plus « savante », la notion peut être approchée du point de vue des Sciences politiques et du concept de politique publique : Une politique publique est un concept de science politique qui désigne les « interventions d’une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire » (Grawitz et Al. 1985) Exemple: le 1% artistique, décret du 18 mai 1951 « 1% des sommes consacrées par l’État pour chaque construction d’établissement scolaire ou universitaire devra financer la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine intégrée au projet architectural ». Depuis 1951, ce dispositif a donné lieu à plus de 12 400 projets sur l’ensemble du territoire, sollicitant plus de 4 000 artistes. Par la typologie des équipements concernés (bâtiments scolaires, Le portail Vasarely : Conçu par le père de l’art optique, Victor Vasarely commissariats, palais de justice…), le « 1% (1907-1997), ce portail monumental est commandé en 1966 dans le cadre du artistique » atteint un public très large et qui 1% de la construction du nouveau campus littéraire de l’Université de Montpellier, devenu l'Université Paul-Valéry Montpellier 3 en 1970. n’est pas nécessairement familier des lieux Objet fonctionnel et œuvre esthétique, la structure métallique éminemment d’exposition. graphique présente divers motifs géométriques (croix, cercles, losanges, carrés) créés par la distorsion de tubes initialement parallèles. (…) Déposé en 2021, le portail fait l’objet d’une restauration importante par Source : https://www.reseaux-artistes.fr/1-pourcent-artistique/ l’Université Paul-Valéry et est réinstallé en 2022. Il fait partie d’un ensemble plus important d’œuvres créées également à l’occasion de la construction du campus et est labellisé « Architecture contemporaine remarquable ». Source : https://montpellier-infos.fr/index.php/commune/montpellier/ Autre exemple: le pass culture Le pass culture est mis en place en février 2019 sous la présidence Macron. Il consiste à doter tous les jeunes français de 18 ans d’une enveloppe de 300 €, à dépenser en activités ou produits culturels de leur choix. Ou encore… YOOT Une plateforme de services web dédiés à la culture Une offre de sorties culturelles auprès de 40 partenaires Uniquement réservé aux étudiants (initiative du CROUS) Une communauté pour connaître, découvrir, partager avis, bons plans et expériences Une adhésion à 9 € Une billetterie en ligne à tarifs ultra privilégiés Des places de spectacles, concerts et festivals à partir de 5 € Un Bon Librairie d’une valeur de 7€ Du cinéma à 3,90 € Et aussi, des tarifs réduits pour des publics ciblés, voire la gratuité Au MOCO, des tarifs variables (8 à 3 €) → Gratuit pour les étudiants de moins de 25 ans Plus d’audace chez nos voisins ? National Gallery, Londres Musée des Sciences, Londres A l’échelle locale, quelles priorités ? L’exemple de Montpellier : Direction de la Culture et du Patrimoine, avec pour missions : – Médiation, demande et suivi des subventions – Coordination d’opérations culturelles (la Comédie du Livre, Pavillon Populaire etc.) – Rattachement d’équipements culturels (Cinéma Nestor Burma, théâtre Jean Vilar, l’écosystème MO.CO.) – Aide à la création audiovisuelle (création en 2010 d’un Bureau d’Accueil des Tournages)… A l’échelle locale, quelles priorités ? L’exemple de Béziers : Valorisation de l’ancrage historique Réhabilitation du centre-ville Folklore (musée taurin, corridas, flamenco Festivités populaire (féria, sons et lumières etc.) L’exemple de Nîmes et de son patrimoine culturel Selon l’UNESCO, « Le patrimoine culturel désigne les artefacts, les monuments, les groupes de bâtiments et sites, les musées qui se distinguent par leurs valeurs diverses, y compris leurs significations symboliques, historiques, artistiques, esthétiques, ethnologiques ou anthropologiques, scientifiques et sociales. Il comprend le patrimoine matériel (mobilier, immobilier et immergé), le patrimoine culturel immatériel (PCI) intégré dans la culture et les artefacts, sites ou monuments du patrimoine naturel. Cette définition exclut le patrimoine immatériel relatif à d’autres domaines culturels comme les festivals, les célébrations, etc. Elle inclut le patrimoine industriel et les peintures rupestres. » → VALORISATION DU PATRIMOINE La Maison carrée, Édifiée au I er siècle de notre ère dans la colonie romaine de Nemausus À l’échelle régionale : les Drac… Depuis 1977, chaque région est dotée d’une Direction régionale des affaires culturelles qui relève de l’autorité du ministère de la Culture Sous l’autorité des préfets de région et de département, les Drac sont chargées de conduire la politique Culturelle de l’État (en fonction du contexte local, et de ses priorités) : Valorisation du patrimoine Soutien à la création artistique Éducation à la culture et aux arts Aménagement du territoire, etc. A l’échelle nationale… Le ministère de la Culture, actuellement dirigé par (?) Un ministère initie de nombreuses manifestations culturelles : Lié au ministère de la Communication de 1997 à 2017. Fête de la musique Journée européenne du patrimoine Printemps des poètes Etc. Et qui ouvre un espace de liberté aux acteurs locaux, comme dans l’initiative citoyenne suivante : "Un acte militant pour rééquilibrer les récits" : les Journées du Matrimoine mettent le génie créatif des femmes en avant à Montpellier. Midi Libre, 19/09/2024 Siège du ministère de la Culture, Palais Royal, rue de Valois, Paris 1er. Un peu d’histoire… Les politiques culturelles ne sont pas une spécificité française, mais en France, elles prennent une ampleur particulière. Surtout depuis 1945… A l’époque, le Parti communiste français (PCF) exerce un pouvoir de séduction sur les artistes… ses adversaires cherchent à le limiter. C’est plutôt à gauche, traditionnellement que l’on trouve les tenants d’une forte intervention de l’État dans les affaires culturelles. Historiquement, c’est pourtant sous un gouvernement de droite que le 1er ministère de la Culture s’est mis en place en France à partir de 1959. André Malraux, sera le premier à occuper le poste de ministre de la culture, en 1959. André Malraux, né le 3 novembre 1901 à Paris et mort le 23 novembre 1976 à Créteil (Val-de-Marne) est un écrivain, aventurier, résistant, homme politique et intellectuel français. Il a été Ministre de la Culture de juillet 1959 à juin 1969, sous la présidence de Charles De Gaulle. Malraux, l’étatisation de la culture ▪ Juillet 1959 : création d’un ministère des Affaires culturelles, la culture devient une prérogative de l’État. Jusque-là, les politiques nationales se limitaient à la préservation du patrimoine (« l’art du passé »), laissant la création artistique au secteur privé. ▪ André Malraux est le premier à occuper le poste de ministre de la culture. Il œuvre à une démocratisation de la culture, marquée par une mission civilisatrice. Son objectif : « rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre de Français (décret du 24-07-1959) ▪ Désormais, l’État s’implique dans la création culturelle en soutenant les artistes qui font vire « l’art du présent ». Il organise par ailleurs un processus de décentralisation, afin d’étendre la culture au-delà de Paris : maisons de la culture, Comité régionaux des affaires culturelles (Cracs) Le tournant « Lang » ▪ Le modèle Malraux est fortement contesté fin des années 1960 (mai 68) → Critique d’une vision élitiste de la culture, favorisant les œuvres consacrées (« la haute culture »). ▪ En 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir change la donne (budget doublé) ▪ Nommé ministre de la Culture et de la Communication, Jack Lang impulse une nouvelle politique : → Élargissement de la culture aux pratiques amateures et aux industries culturelles ▪ Lang injecte une dimension populaire à la culture (fête de la musique, Journées du patrimoine etc. ) ▪ On lui reproche parfois de soutenir : > une certaine marchandisation de la culture (//industries culturelles) > Un certain relativisme culturel (« tout devient culturel ») Le rôle culturel de l’État français Depuis Malraux, le ministère de la Culture a toujours pris soin de : Préserver le patrimoine national Soutenir la création artistique Démocratiser les pratiques culturelles. L’action culturelle de l’État se décline en 3 fonctions principales Redistribution : attribution de financement et fonds publics pour divers projets Constitutive : mise en place d’outils fonctionnels pour faire vivre la culture ( ex. CNC) Régulatrice : organisation du champ culturel et de son fonctionnement (vecteur de légitimation de certaines pratiques non conventionnelles) Néanmoins, depuis les années 1960, ce sont surtout les élus locaux qui structurent la culture sur l’ensemble du territoire national, phénomène de « municipalisation de la culture » (Urfalino, 2004), qui engendre de fortes disparités entre les villes. La fonction (re)distributrice L’État distribue des financements L’État redistribue (fonds publics, dons d’entreprises, mécénat*, création des fondations etc.) Les politiques culturelles s’appuient de plus en plus sur des financements hybrides (public et privé) *mécénat : soutien financier ou matériel aux arts,aux sciences « sans contrepartie »…≠ sponsoring, ≠ subvention La fonction constitutive (outils institutionnels) La fonction régulatrice Délimiter le champ culturel Réguler son fonctionnement Des « disciplines » artistiques gagnent en « légitimité », Street Art, Quai du Verdanson, Montpellier des modalités culturelles non conventionnelles trouvent un soutien institutionnel La France et son « exception culturelle »… ▪ En France, l’idée d’une politique publique spécifique des affaires culturelles est largement admise : → 9 Français sur 10 estiment souhaitable ou très souhaitable que l’Etat contribue au fonctionnement de la culture. ▪ Pour la France, pays signataire des accords du GATT (1947) et membre de l’OMC (1994), la culture n’est pas une marchandise commercialisable comme une autre : elle ne doit pas être uniquement soumise aux règles commerciales du libre-échange : → Principe de l’ « exception culturelle », destiné à favoriser la diversité culturelle (notamment contre l’hégémonie de la culture états-unienne) → L’institutionnalisation de la culture se double de mesures protectionnistes à l’endroit de la production nationale (ex : 40 % des œuvres diffusées à l’antenne doivent être d’origine française, fort soutien au cinéma français etc.) Quid de nos voisins européens ? En 2020, si la part du budget alloué à la Culture peut paraître faible en France (1,5 % du PIB), elle se situe néanmoins au-dessus de la moyenne européenne (1,2 % du PIB) Derrière les fortes interventions des États en matière culturelle, il y a souvent la volonté de forger une cohésion sociale, autour d’une même identité (nationale) Pour quels résultats ? Les enquêtes menées depuis les années 1970 montrent de grandes tendances dans les pratiques culturelles en France : Place croissante de la culture dans le quotidien des Français (développement et diversification des pratiques peu importe l’âge, le milieu social ou le territoire) Réduction de la fracture territoriale et sociales (moins de différences entre les citadins et les ruraux, les nantis et les précaires) Essor des pratiques culturelles numériques (musique enregistrée, vidéos en ligne, jeux vidéos) Déclin des pratiques plus liées aux baby-boomers (lecture, musique classique, visite musées) Fréquentation accrue des lieux culturels… surtout après 40 ans (cinémas, théâtres, musées…) N.B : Prendre néanmoins ce type d’enquêtes de référence avec précaution : elles ne donnent qu’une vue approximative des pratiques Source : Lombardo P. et Wolff L., Cinquante ans de pratiques culturelles en France (2020) Discussion ▪ Au cœur des politiques culturelles il y a la volonté d’imposer le culturel comme « catégorie légitime de l’intervention publique ». ▪ Avec le « grand retournement » de 1959 (Malraux), marqué par « l’étatisation de l’antiétatique » l’État est devenue une instance de financement et de consécration (légitimant les œuvres). Mais les choses ont évolué : le financement est devenu hybride la gestion est largement déléguée aux territoires Le champ du culturel s’est élargi, institutionnalisant certaines pratiques (art urbain, techno etc.) Et, les politiques culturelles ne font pas consensus et peuvent susciter des critiques de toutes sortes (ingérence trop forte de l’État ou des collectivités, relativisme culturel, autres…) Un écrivain critique « l’exception culturelle française » « La chose la plus importante que j’ai apprise est que les cultures n’ont pas besoin d’être protégées par les bureaucrates et les forces de police, ou placées derrière des barreaux, ou isolées du reste du monde par des barrières douanières pour survivre et rester vigoureuses. Elles doivent vivre à l’air libre, être exposées aux comparaisons constantes avec d’autres cultures qui les renouvellent et les enrichissent, leur permettant de se développer et de s’adapter au flot constant de la vie. La menace qui pèse sur Flaubert et Debussy ne vient pas des dinosaures de Jurassic Park mais de la bande de petits démagogues et chauvinistes qui parlent de la culture française comme s’il s’agissait d’une momie qui ne peut être retirée de sa chambre parce que l’exposition à l’air frais la ferait se désintégrer. » M. V. LLosa, prix Nobel de littérature, 2010 Un poète contre « l’assujettissement des artistes » Dans cet essai sorti en 2017, le poète et éditeur Laurent Cauwet dénonce les politiques culturelles où : - le mot culture est devenu un « fourre-tout » au sein de ce qu’il appelle « l’entreprise culturelle » - la façon dont les « milieux de résistance » que sont l’art et la poésie sont de plus en plus amenés à répondre à des commandes - Un ministère de la culture qui vise plus à mettre au pas l’artiste… - la place des grandes firmes (Louis Vuitton, Cartier) dans la création