Séance introductive: Déconstruisant le Monde Arabe (PDF)

Summary

Ce document présente une analyse critique du concept de "monde arabe", en déconstruisant ses origines et ses représentations. Il explore les différents facteurs historiques, politiques et culturels qui ont contribué à la formation et à la perception de cette notion. L'auteur met en lumière les influences coloniales et les enjeux stratégiques liés à la catégorisation de cette région.

Full Transcript

Séance introductive : Délimiter et analyser le monde arabe : (dé)construire l’objet politique Séance introductive : Le monde arabe : (dé)construction d’un objet politique Délimiter « le monde arabe » comme entité géographique, culturelle, voire religieuse Présentation du cours, des mo...

Séance introductive : Délimiter et analyser le monde arabe : (dé)construire l’objet politique Séance introductive : Le monde arabe : (dé)construction d’un objet politique Délimiter « le monde arabe » comme entité géographique, culturelle, voire religieuse Présentation du cours, des modalités d’apprentissage et d’évaluation L’objectif de cette séance est de déconstruire l’objet politique qu’est le « monde arabe » et réfléchir à l’idée d’un « espace arabe ». Nous allons aussi voir, d’une façon générale, les différents thèmes qu’on va aborder tout au long de ce cours, une sorte d’introduction générale au cours. Le monde arabe est pluriel et vaste. La Ligue des États arabes créée en 1945 est formée de 22 États et d’un territoire en attente de souveraineté (la Palestine), Cette organisation régionale accueille également la Somalie, Djibouti et les Comores (voir carte 1). Elle a pour but de promouvoir la coopération entre les états membres. Les dénominations ne manquent pas pour décrire cet espace géographique : le Levant, Moyen- Orient, le monde arabe, le Proche-Orient, monde musulman, monde arabo-musulman. Ces notions trouvent leurs origines dans l’héritage de rapport de force qui a caractérisé l’orientalisme et puis le colonialisme : c’est-à-dire que la notion du « monde arabe » a été construite par l’occident qui se met au centre de la géographie mondiale. Elle reflète une envie de construire un espace géographique, culturel et politique à travers une perspective de domination culturelle et politique qui met l’Europe et l’Amérique du Nord au centre et le reste du monde à la marge, à leur marge. La terminologie reflète les enjeux stratégiques, diplomatiques et administratives de la France et de la Grande-Bretagne qui, au 19ème siècle délimite et nomme la région selon leur préoccupations coloniale et économiques depuis qu’ils ont développés des ambitions commerciales à l’est de la Méditerranée à partir du 16ème siècle. 1 La France préfère le terme le Levant à l’époque mais le terme qui domine le plus est celui du « Moyen-Orient » et du « Proche-Orient » utilisé par les britanniques (carte 2).. Pour les Etats-Unis le Moyen-Orient va du Maroc aux frontière de l’Inde britannique. Le terme monde arabe trouve ses origines dans le discours orientaliste tenu par les premières recherches sur la région et qui mettaient l’accent sur l’existence d’une « mentalité arabe » et sur les différences historiques, culturelles et sociales entre l’Orient et l’Occident. Orientalisme : est mouvement littéraire qui est nait en Europe au 18ème siècle. Les termes souvent utilisés pour décrire cette partie du monde sont : Exotisme et exotique. L’orient a souvent été décrit comme féminin, fertile, des femmes sensuelles, le harem, et le chef, le souverain séduisant mais despotique. On parle de charmeurs de serpents, vendeurs de tapis et femmes voilées. Pour mieux comprendre l’orientalisme il faudra lire l’ouvrage d’Edward Saïd. Le livre explique comment l’Occident à travers ses représentations a fini par créer l’Orient (voir photo). Selon Edward Saïd : l’orientalisme est premièrement une discipline académique qui concerne toute personne qui écrit et enseigne sur l'Orient ; deuxièmement, « un style de pensée fondé sur une distinction ontologique et épistémologique faite entre "l'Orient" et "l'Occident" » ; et, troisièmement, commençant approximativement à la fin du 18ème siècle, l’établissement d’institutions pour « traiter avec l'Orient »1. Le dénominateur commun entre ces trois aspects de l’orientalisme est la ligne qui sépare l’occident et l’orient, une ligne, qui selon Edward Saïd, est une production humaine, « une géographie imaginative » et non une création divine2. Dans son livre Edward Said traite des représentations que l’Occident fait des autres cultures, histoires, sociétés. Il analyse la relation entre pouvoir et production de savoir, plus 1 Edward W. SAID, Orientalism, Penguin Books India, 1995, p. 2-4. 2 Ibid., p. 55. 2 précisément comment l’Occident s’est spécialisé dans l’étude de l’Orient, ses traditions, et ses cultures, la production d’image, de fantasmes, d’hypothèses et postulats idéologiques. Ces études ont contribué à construire une image hostile des cultures orientales mais aussi homogène. Elles sont décrites comme inférieures, plus précisément le Moyen-Orient est statique et ne peut se définir. Ainsi, à travers l'orientalisme, l'Occident s'est chargé de représenter l'Orient et, ce faisant, a justifié la colonisation. Le but même de l'orientalisme est de contrôler l'Orient et de lui enlever toute capacité de se représenter. L’orientalisme influence comment l’Occident regarde l’Orient mais aussi comment l’Orient se regarde lui- même. Edward nous pousse à se demander qui et comment on écrit l’Orient. Ce que Edward Said nous demande, c’est que avent de décrire l’Orient ou toute autre culture, histoire qui n’est pas la notre, il faudra se demander dans quel cadre institutionnel, selon quel discours, pour quel public, dans quel but, selon quelle méthodologie, nous écrivons l’autre…. Parce que la production des connaissances peut se faire dans un cadre qui sert des considérations politiques et qui s’inscrit dans des stratégies de pouvoir. Bref, Edward Said parle du droit de ceux qui n’ont pas été représenté, ou qui ont été représenté d’une façon incorrecte, qui ont été exclu, leur droit de parler d’eux même, de se représenter. Edward vous demande de comparer l’orientalisme au système patriarchal. Est-ce que vous savez pourquoi ? Les deux sont des systèmes de domination. Le patriarcat est un système de domination masculine sur la femme. Il n’est pas uniquement une structure sociale, mais aussi politique et économique. Elle affecte également la production de savoir sur la femme et toute autre personne qui ne se définit pas comme « Masculine ». L’Orientalisme est un système de domination politique et économique sur la périphérie non européenne. Il faudra reconnaitre la relation entre la production de savoir, les généralisations, comment les spécificités historiques et culturelles ont été ignorées, la relation entre production de savoir et impérialisme, colonisation et le contrôle économique pour garder l’hégémonie occidentale du monde périphérique non européen. 3 À cause de l'orientalisme, l'Orient n'était pas (et n'est pas) libre de penser et d’agir. L’orientalisme viserait à restructurer et dominer l'Orient. La production du savoir sur l’Orient fait partie des stratégies déployées par l’occident pour dominer l’orient. L'orientalisme est donc les institutions qui traitent avec l'Orient – qui produisent des déclarations à son sujet, forment des opinions sur son sujet, qui le décrivent, qui l’enseignent, qui fixent ces propos, qui le gouvernent. Au sein de cette région, la notion d’un espace arabe, d’un monde arabe sont utilisées et justifiées par l’existence d’un répertoire de valeurs partagées dominants depuis la moitié du 19ème siècle. En fait, ce terme trouve ces origines dans l’arabisme, le nationalisme et le panarabisme arabes, dans le fait que les populations de cette région du monde réclament une identité arabe et une unité arabe. Pour construire un sentiment d’arabité, d’être arabe, des courants intellectuels, idéologiques et politiques lancent plusieurs mouvements, notamment : 1. L’arabisme : le premier mouvement qui réclame l’existence d’un monde arabe. L’arabisme est un mouvement idéologique selon lequel les peuple appartiennent à une ethnie commune et partagent la même langue et la même culture arabe. Il n’est pas question ici de religion. 2. Le mouvement la Nahda ou « renaissance » arabe. Nahda, signifie réveil en arabe, un mouvement romantique qui visait à redécouvrir les anciens textes classiques en arabes et une relecture de la littérature arabe ancienne. Le mouvement revendiquait l’existence d’un passé arabe somptueux. Il cherchait également à réinvestir et promouvoir la langue arabe et le patrimoine culturel en langue arabe pour rendre à la langue arabe sa modernité. On parle plus précisément du patrimoine poétique préislamique et la production littéraire qui date des abbaside et des omeyades. Ce mouvement littéraire et artistique date du 19ème siècle. En Renouant avec al adab (les bonnes manières, un mélange de science, de littérature et de raffinement dans les mœurs), en renouant avec la philosophie, la morale, la 4 littérature et la science, le projet Nahda visait à projeter le monde arabe dans la modernité. 3. La Nahda donna naissance au nationalisme arabe ( ‫ اﻟﻘﻮﻣﯿﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ‬al-Qawmiyya aʿArabiyya) : une vision « transnationale » et trans-étatique de la nation ou la patrie arabe (al-watan al-‘arabi) qui engloberait des territoires étatiques différents et séparés. Par la suite le nationalisme arabe est devenu un mouvement idéologique et politique visant à unir politiquement les pays arabes. On parle de : 4. Le panarabisme (al-wahda al-‘arabiyya): mouvement idéologique et politique qui vise à réunir les peuples partageant une identité arabe commune appelée l’arabité. Il trouve ses origines dans les théories développées à partir du milieu du 19e siècle par les penseurs de la Nahda. Ce mouvement politique fut élaboré entre la première et la deuxième guerre mondiales. Le mouvement appel à l’union politique entre les pays arabes puisqu’ils partagent les mêmes références culturelles. Leur unité culturelle doit mener vers une unité politique. Ce mouvement est mené dans le contexte de la décolonisation et de la lutte des pays du sud contre l’impérialisme. Il fut favorisé par la fragmentation de l’Empire ottoman. Le but est d’émanciper le monde arabe des puissances coloniales et mandataires. Durant la Première guerre mondiale, les Britanniques et les Français avaient incité les arabes à se révolter contre l’Empire ottoman (carte 3). En échange, ils les aideraient à construire un grand État arabe indépendant. Mais au lieu d’un grand État arabe, le monde arabe s’est retrouvé divisé dans les années 1920 en une multitude de pays. Les frontières étaient dessinées par les puissances occidentales (carte 4). Pour contester les pouvoirs en places, les intellectuels élaborent des projets nationalistes. Avec L’éclatement de l’empire ottoman et la naissance d’un certain nombre d’États arabes le mouvement se concrétise. Ainsi, après la deuxième guerre mondiale, plusieurs partis politiques et leaders politiques dans la région transforment l’héritage de la nahda en un projet politique, celui de défendre les solidarités et les cohérences territoriales. Convaincus qu’ils partagent la même langue, histoire et culture, ils veulent supprimer les frontières que les puissances coloniales ont tracé. Ils veulent créer un nouvel ensemble politico- 5 économique, une union qui remettrai le monde arabe sur la scène internationale. Les membres du mouvement descendaient dans les rues pour protester contre le colonialisme mais aussi pour dénoncer la corruption de leurs gouvernements et exiger l’unité arabe. Comme exemple, le libanais Antoun Saadeh3 parle de la nation syrienne qu’il identifie dans bilad al-sham4 : une région qui englobe la Syrie, le Liban, la Palestine, le Sinaï, la Jordanie, l’Iraq et une partie de la Turquie et du Koweït actuels). Mais le panarabisme s’incarne le plus avec le socialisme arabe du parti Ba’th et avec Gamal Abdel Nasser. Le parti Ba’th (en arabe : ‫ﻌﺚ اﻟﻌﺮب‬-‫ ﺣﺰب اﻟ‬Parti de la résurrection arabe) : Fondé en 1943 à Damas. La constitution est adoptée en 1947. Arrive au pouvoir en Irak et en Syrie. On parle de baasisme. Michel Aflaq5, déclara lors du Congrès fondateur du Parti Ba’th (4 au 7 avril 1947) : « Notre objectif est clair et il ne souffre aucune ambiguïté : une seule nation arabe, de l’Atlantique au Golfe. Les Arabes forment une seule nation ayant le droit imprescriptible de vivre dans un État libre. Les moyens de la résurrection sont les suivants : l’unité, la liberté, le socialisme »6. a. Gamal abdel Nasser ; un colonel des Officiers libres, un groupe d’officiers qui préparaient la prise du pouvoir (une révolution, un coup pour renverser la monarchie-) au début des années 1950, plus précisément en 1952. Convaincu que la monarchie et les parlementaires ont trahis l’Égypte. Ils ont réussi et une république fut déclarée. On parle de nassérisme. La défaite des armées arabes face à l’armée israélienne lors de la Guerre des Six Jours en 1967 et la mort de Nasser, trois ans plus tard, marquent le déclin du mouvement. 3 Fondateur du Parti du Parti social nationaliste syrien (PSNS) en 1932. Le parti est encore en activité, notamment au Liban. 4 « les pays de la main gauche », par rapport au centre constitué par l’Arabie. « Shamal », de la même racine du mot « sham », veut dire (aussi) « gauche » en arabe. De manière spéculaire, on appellera le territoire se situant à la droite de l’Arabie, Yémen : pays de la main droite. En arabe « yamin » veut dire « droite ». 5 Homme politique syrien (Damas 1909-Paris 1989), fondateur du parti de la Résurrection arabe, dont il devient président en 1947. 6 Charles THEPAUT, « Chapitre 3. L’ambition de l’unité : nahda, panarabisme et islamisme », in Le monde arabe en morceaux, Paris, Armand Colin, Collection U, 2017, pp. 37-45, doi:10.3917/arco.thepa.2017.01.0037. 6 Le panarabisme n’empêcha point la naissance des états territoriaux, des États-nations singuliers. A travers le nassérisme et le baasisme, le nationalisme arabe reste confiné aux territoires géographique égyptien, syrien, iraquien et libyen, tels qu’ils avaient été envisagés et dessinés par les puissances coloniales et mandataires. Il y a eu quelques tentatives d’unification, on parle notamment de l’accord de fédération signé en 1971 par la Lybie, l’Égypte et la Syrie mais cet accord restera lettre morte. Il est à préciser que ces mouvements qui visent à construire un sentiment d’arabité et réunir les peuples arabes : la nahda, l’arabisme et le panarabisme, sont des courants qui se veulent laïques et séculiers : l’islam est important uniquement dans sa dimension culturelle. La séparation entre le religieux et la politique est considérée comme une composante importante de la modernité. Ainsi le syro-libanais Butrus al-Boustani7, qui figure parmi les principaux intellectuels du mouvement nahda, appelait à séparer la politique du religieux. Au sein de ces mouvements ont collaboré des intellectuels de confessions différentes ce qui facilita le développement de son caractère laïc. Ainsi le terme « monde arabe » est le produit de l’imaginaire arabe, des ambitions politiques et culturelles locales. « Le recours à une échelle arabe trouve sa justification notamment dans la trame commune d’expériences et d’attentes différenciées qui sous-tend l’arabisme, dans l’intensité des échanges qui confèrent sa vitalité à l’espace public arabe et dans les divers codes plus ou moins partagés comme ceux de la parenté et du patronage »8. La construction d’un espace qui partagerait des affinités historiques, culturelles, des espoirs, des attentent qui ne sont pas identiques mais qui se croisent. Mais il est aussi le produit de l’imaginaire arabe, des ambitions politiques et culturelles locales Ainsi les termes ce Levant, ce Moyen-Orient se trouvent bien au Levant et à l’Orient des puissances occidentales qui eux sont au centre. En se positionnant au centre, ces puissances se donnent le droit de nommer et classifier l’Autre selon une approche nomothétique (qui permet d’établir des généralisations) avec des effets de réification (qui permettent des rendre la région 7 Un écrivain et intellectuel libanais. Il a notamment travaillé sur un dictionnaire arabe et une encyclopédie arabe. 8 Michel CAMAU, « L’exception autoritaire ou l’improbable point d’Archimède de la politique dans le monde arabe », in Elizabeth PICARD (dir.), La politique dans le monde arabe, Armand Colin, 2006. 7 fixe et statique) alors qu’en fait la région est extrêmement diversifiée d’un point de vue culturel, cultuel (cultes), linguistique, social, politique et même religieux (le Liban a lui seul compte 18 confessions). Cette centralité des puissances occidentale et de la marginalité de l’Autre caractérise aussi les approches théoriques portant sur le « monde arabe ». Ce sont les rapports de dominations qui ont caractérisés les relations entre pays colonisateurs et mandataires, qui sont les pays dominants, et les pays colonisés ou sous-tutelle, qui sont les pays dominés. Ces rapports de domination ont également caractérisé les dynamiques de pouvoir dans les liens entre observateurs et observé, producteur de connaissances et objet étudié, entre l’occident et le « monde arabe ». Mais l’utilisation du terme monde arabe revient à renier l’existences de langues différentes et des filiations historiques différentes. Mais peut-on parler d’un espace arabe, un espace politiquement, socialement et culturellement homogène ? est-ce que vous pouvez répondre à cette question ? A noter les différences politiques, sociales et culturelles : 1. Les citoyens de ce « monde arabe » ne sont pas tous arabe : il existe les kurdes9, (carte5), les amazighes10 (carte),… 2. La langue arabe n’est pas la seule langue parlée : elle coexiste avec d’autre langues et dialectes : la langue amazighe, le kurde et le syriaque… 3. L’Islam à son tour coexiste avec d’autres religions, croyances et confessions : les juifs du Maroc, les différentes confessions chrétiennes, les druze… 4. Ces pays ne partagent pas la même trajectoire politique : ils sont parvenus à être indépendants des puissances coloniales de différentes façons. Il y a eu aussi des coups d’États militaires, des révolutions, des renversements de monarchie… 9 Les Kurdes sont l'un des peuples autochtones qui vivent en Turquie, en Syrie, au nord de l'Irak, en Iran et le sud-ouest de l'Arménie. Ils forment une communauté distincte, unie par la race, la culture et la langue (la langue Kurde). Ils adhèrent également à un certain nombre de religions et de croyances différentes, bien que la majorité soit des musulmans sunnites. 10 Les amazights sont des peuples autochtones qui vivent dans des communautés dispersées à travers le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, l'Égypte, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Ils parlent diverses langues amazighes 8 5. La construction de l’état a connu des typologies et des dispositifs diversifiées : certains états sont des monarchies, d’autre des républiques… Les deux lectures, celle faite par l’Occident pour parler de cette partie du monde, ou par l’Orient lui-même, renient ainsi l’existence de populations minoritaires non arabophones. Toute lecture du monde arabe devrait être nuancée. Cette approche critiques aux questions typologiques et classificatoires du « monde arabe » est également utile pour interroger les principales démarches des sciences politiques qui portent sur le « monde arabe ». Le but de notre cours est de les déconstruire pour pouvoir les dépasser, non seulement en ce qui concerne la question des nomenclatures et de la terminologie mais aussi pour permettre de nouvelles questions, de nouvelles approches et renouveau des questionnements qui portent sur cette région du monde. Nous allons interroger la notion du monde arabe telle qu’elle fut utilisée par les intellectuels, les gouvernants et les gouvernés au sein de cette espace afin de montrer jusqu’à quel point il est licite de parler d’un espace arabe. La notion du monde arabe est un tropisme, une généralisation qui efface un espace hétérogène tant sur le plan linguistique, culturelle, politique...). Nous allons constater tout au long de ce cours, que ce soit la démarche politologique, sociologique et anthropologique ont toutes portées un regard biaisé sur les pays arabes. Ce regard biaisé a caractérisé les principales approches politiques portant sur les trajectoires politiques des pays arabes. Ces approches pour la plupart ne prennent pas compte, des variations, des différences entre les pays arabes mais insistent sur leur exception, leur dérogation et leur dysfonctionnement par rapport aux systèmes politiques modernes, et plus précisément au pluralisme politique. Revenons maintenant à la question centrale de cette séance : 9 Peut-on vraiment parler d’un « monde arabe » ? Il semble que non. Ce « monde arabe » constitue un tropisme, une généralisation, une simplification pour aborder une région du monde hétérogène. Pour marquer la diversité que caractérise cette région du monde et souligner son hétérogénéité ses métissages sociaux, historiques et culturels, l’existence d’amazigh, kurdophones, syriaques, et bien d’autres, je préfère le terme « les monde arabes » en mettant « arabes » entre guillemets. Le but est de prendre au sérieux la diversité intrinsèque à ces espaces nationaux et régionaux en étudiants les transformations qui les travaillent en permanence. Il faudra éviter toute lecture superficielle qui met souvent l’accent sur les dynamiques religieuses et les violences au détriment de leurs dynamiques socioéconomiques et politiques. 10

Use Quizgecko on...
Browser
Browser