CM Sociologie et Economie PDF

Summary

Ce document présente un aperçu de la socio-économie, en explorant comment elle s'est distinguée d'autres disciplines. Il aborde différents points de vue, des exemples historiques et des approches méthodologiques. Les notions d'actions individuelles, de résultats économiques et d'institutions économiques sont également abordées.

Full Transcript

CM SOCIOLOGIE ET ECONOMIE D’un pdv d’histoire de la pensée Comment la socio-éco s’est autonomisée des autres disciplines mais l’économie reste dominante. intro La socio-économie est un sous-champ disciplinaire particulier, situé à l'interface de plusieurs disciplines telles que la sociolo...

CM SOCIOLOGIE ET ECONOMIE D’un pdv d’histoire de la pensée Comment la socio-éco s’est autonomisée des autres disciplines mais l’économie reste dominante. intro La socio-économie est un sous-champ disciplinaire particulier, situé à l'interface de plusieurs disciplines telles que la sociologie, l'économie, l'histoire et l'anthropologie1. « La socio-éco étudie les faits économiques en les considérant comme des faits sociaux2. » Exemple historique : James Cook à Hawaii En 1778, James Cook accoste sur les îles Sandwich (Hawaii). Sa première rencontre avec les indigènes s'est déroulée lors d'un potlatch, une cérémonie d'échanges. Cependant, en 1779, son retour est moins bien accueilli : n'ayant rien donné en retour, il finit par être tué et mangé par les indigènes. Ce fait illustre les dynamiques sociales sous-jacentes à des pratiques économiques. Trois approches de la socio-économie : 1. Auguste Comte3: Il parle déjà de "sociologie économique" et considère que cette dernière doit remplacer l'économie traditionnelle. 2. Pareto4 : Il estime que le social doit être intégré dans l'analyse économique. 3. Max Weber / Schumpeter5 : Selon eux, l'économie doit être complétée par la sociologie et l'histoire. La perspective de Granovetter Granovetter propose une approche de la socio-économie en trois niveaux d'analyse : 1. Actions individuelles : Il s'agit des actions orientées vers la satisfaction des besoins, déterminés par les individus eux-mêmes. La rareté des ressources influence leur disponibilité et le prix des biens. 2. Résultats économiques : À l'échelle d'un groupe (comme un pays ou un continent), les résultats économiques se mesurent par des phénomènes tels que la formation des prix et les inégalités (comme les différences salariales). 3. Institutions économiques (Schumpeter / DiMaggio) : Ces institutions incluent le FMI ou la Banque Centrale Européenne, et sont déterminantes dans la prise de décisions économiques. Critique de l'individualisme économique Une erreur fréquente dans l'analyse socio-économique est de se baser sur une méthodologie d'individualisme économique6, qui postule que l'homme serait purement rationnel et calculateur, suivant le principe du "minimax"7. Cette approche s'oppose à l'holisme8. Dans cette perspective, les résultats économiques ne sont que l'agrégation des comportements collectifs, ce que la microéconomie étudie. Gary Becker, influencé par Adam Smith et la pensée libérale, explique que des variables comme la démographie sont directement influencées par l'économie. 1 Marcel Mauss, potlatch et relation sociale In Essai sur le don 2 Définition de P. Steiner 3 Auguste Comte (1798-1857) philosophe français ; introduit concept « positivisme » 4 Vilfredo Pareto (1848-1923) économiste et sociologue italien ; la loi des 80/20 ou « principe de Pareto » qui suggère que 80 % des effets proviennent de 20 % des causes 5 Joseph Schumpeter (1883-1950) était un économiste autrichien, 6 Homo oeconomicus (XVIIIè), Weber 7 Minimisation des coûts, maximisation des résultats 8 L’existence de la société s’impose aux individus, Durkheim L’holisme en économie L'approche holiste, telle que développée par l’école historique allemande au XIXe siècle (Durkheim), rejette l'idée que les phénomènes économiques soient uniquement dus à l’action individuelle et à une pseudo-rationalité. Ils sont, au contraire, liés à des macrostructures économiques nationales et globales qui influencent la vie économique. Friedrich List et le protectionnisme 9 List critique les premiers économistes anglais du début du XIXe siècle (Adam Smith, David Ricardo) et leur promotion du libre-échange. À une époque de domination et d’expansion coloniale, ces économistes prônaient des théories économiques qui ne bénéficiaient qu’aux pays puissants. List propose alors de protéger les industries naissantes par des droits de douane, afin de permettre à ces pays de se développer. L'action économique est toujours socialement située, ce qui montre que l'explication par les seules actions individuelles est insuffisante pour comprendre les dynamiques économiques. Les institutions n’existent pas spontanément, elles sont construites socialement - Granovetter Approches méthodologiques en sciences sociales : induction vs. déduction Il existe une opposition entre deux démarches scientifiques : 1. Induction : Cette méthode consiste à partir des faits pour monter en généralité jusqu'à élaborer une théorie. Un exemple classique est celui de l'histoire, où l'on recherche et établit des faits pour en tirer des conclusions générales. 2. Déduction ou méthode hypothético-déductive : Ici, on part de théories ou d'idées abstraites pour faire des déductions, puis on vérifie si la réalité confirme ou infirme ces hypothèses. L'économie est souvent citée comme un exemple de cette approche. La sociologie se situe entre ces deux démarches, combinant à la fois des méthodes inductives et déductives. Naissance des disciplines scientifiques La création des disciplines est un processus de séparation et d'autonomisation des savoirs, mais aussi de libération de l'influence des pouvoirs monarchiques et religieux. Les penseurs ont souvent défié les souverains, ce qui reste d'actualité dans certains pays où les départements de sociologie sont fermés ou exclus pour des raisons politiques. La philosophie est la première forme de pensée réfléchissant sur la société. À la Renaissance, des auteurs comme Machiavel10 ont innové dans leur réflexion sur le pouvoir et avance dans son ouvrage que le pouvoir ne découle pas de la supériorité religieuse du prince, mais plutôt de sa capacité à inspirer la crainte. Il propose une vision réaliste du pouvoir et des relations sociales. Machiavel a influencé des penseurs comme Thomas Hobbes11 dont les idées ont marqué les économistes libéraux. Les pionniers de la pensée sociologique 9 Friedrich List (1789-1846) économiste allemand ; Système national d'économie politique, 1841 10 conseiller de Laurent de Médicis ; Le Prince, 1513 11 Leviathan, 1651  Montesquieu12 est considéré par Raymond Aron13 comme le premier sociologue.  Rousseau14 propose une réflexion sur la séparation des pouvoirs politiques. Ces penseurs se sont d'abord concentrés sur l'organisation des pouvoirs politiques, avant de se tourner vers l'économie pour comprendre la société. Naissance et développement de l’économie L'économie émerge en tant que discipline spécifique à la Renaissance, dans un contexte marqué par le progrès scientifique et la question de l'amélioration des ressources. Divers courants de pensée économique se développent alors dans les cours européennes, comme le mercantilisme15 pour renforcer la puissance des États. Ce courant justifie ainsi la course à l'accumulation des grandes nations. De Montchrestien16 avance que la richesse d'une nation ne se limite pas à l'accumulation de métaux précieux, mais qu'elle repose sur le développement des industries, des capacités techniques et artisanales. Il établit ainsi un lien entre l'économie et le fonctionnement d'un pays. Bodin17 est le premier à réfléchir à la notion d'inflation ; il défend l'idée d'un pouvoir central fort et analyse les effets de la circulation monétaire sur les prix. Les physiocrates et l'économie naturelle (18e siècle) Les physiocrates, ou "économistes", adoptent une approche déductive influencée par Descartes18. Ils croient à l'existence d'un ordre social naturel comparable au monde physique. Cette approche implique que la société peut être gouvernée selon des lois naturelles, et que leur compréhension permettrait d'accroître les richesses et d'améliorer le bien-être collectif. C’est un des fondements de la philosophie des Lumières. Quesnay19 décrit la circulation des richesses, à une époque où l'économie repose essentiellement sur l'agriculture. Il introduit des concepts comme la productivité et l'importance du bien-être au travail. Genèse de la pensée des Lumières Les philosophes des Lumières, comme Bentham20 et Mill21, développent l'utilitarisme, qui met l'accent sur l'optimisation des intérêts individuels. Adam Smith22 se penche sur la nature de la richesse et de ceux qui la produisent. Il introduit la notion de marché et d'institutions, et est considéré comme le père de la science économique moderne. Sa pensée influencera de nombreux économistes et sociologues. Mandeville23, dans Fable des abeilles (Private Vices, Public Benefits), prône la maximisation des intérêts individuels, même au détriment des normes religieuses. Sa pensée jettera les bases du libéralisme économique, avec l'idée que la poursuite des intérêts personnels contribue à la prospérité nationale. 12 De l'esprit des lois, 1758 13 Raymond Aron (1905-1983) philosophe, sociologue et politologue français, reconnu pour ses travaux sur la sociologie politique et sa critique du marxisme 14 Du Contrat social, 1768 15 système qui valorise l'accumulation des richesses (métaux précieux, ressources naturelles) 16 Antoine de Montchrestien (1575-1621) ;Traité de l'économie politique, 1615 17 Jean Bodin (1530-1596) juriste, philosophe et économiste français ; Les Six Livres de la République, 1576 18 1596-1650 19 François Quesnay (1694-1774) économiste français ; Tableau économique 1758 20 Jeremy Bentham (1748-1832) philosophe et juriste anglais 21 James Mill (1773-1836), philosophe et économiste écossais, disciple de Bentham 22 La Richesse des nations (1776), 23 Bernard Mandeville (1670-1733) philosophe et économiste néerlandais ; Fable des abeilles (Private Vices, Public Benefits), 1714 Adam Smith réfléchit également à l'idée de service public, et défend que l'État doive mettre en place une politique fiscale permettant de financer des services essentiels comme la sécurité et les infrastructures publiques. Influence de Smith et des économistes classiques Adam Smith inspire de nombreux auteurs, dont David Ricardo24, un économiste clé dans la théorie de la mondialisation. Ricardo, influencé par Smith, aborde des questions comme l'impôt et l'inflation. Il développe la théorie des rendements décroissants25 et introduit la notion de productivité marginale26. Sa célèbre théorie des avantages comparatifs explique que le commerce international est bénéfique, même entre des nations à niveaux économiques différents. Ce principe économique stipule que même si un pays est moins efficace dans la production de tous les biens par rapport à un autre pays, il peut bénéficier du commerce international en se spécialisant dans la production des biens pour lesquels il a un avantage relatif, c'est-à-dire un coût d'opportunité plus faible, favorisant ainsi des échanges mutuellement bénéfiques. Par exemple, l'Angleterre, spécialisée dans le textile, et le Portugal, dans le vin, ont intérêt à échanger pour tirer profit de leurs spécialités respectives. Cependant, Friedrich List avertit du risque de dépendance économique et prône le protectionnisme pour protéger les industries émergentes. Malthus et la démographie Malthus27, fonde la démographie en liant la taille de la population à l'économie. Il propose un modèle mathématique où la croissance économique est arithmétique, tandis que la population croît de manière géométrique. Malthus souligne ainsi la nécessité de contrôler la natalité pour éviter des déséquilibres économiques. 1. contexte Sa théorie s’imbrique dans un contexte de débats sur les « poor laws », dont l’idée est de savoir ce qu’une société doit faire concernant les nécessiteux. Il en convient que la société doit prendre en charge les indigents mais sous conditions, et c’est pourquoi des mesures naissent sous la législation élisabéthaine, notamment avec une loi générale en 1597, confiant aux paroisses l’hébergement et l’assiette. Mais par soucis d’économie on voit naître des hospices (« workhouses »), ou la prise en charge se fait à condition de travail, dans des conditions déplorables. Au début du 19è c’est 10 à 20% de la population britannique qui dépend de ses aides. Même si 1780 et le début de la Révolution industrielle permet de mécaniser le travail, engendrant ainsi une croissance de l’économie et de la bourgeoisie, les guerres Napoléoniennes de 1815 entrainent une crise économique et dégrade la situation des miséreux. Malthus, fermement opposé à ces aides sociales, intervient sur le débat public pour les abolir. En 1834 passe un amendement pour abroger ses lois et par de nouvelles lois, basé sur le schéma d’Edwin Chadwick, restreindre l’accès, : elle repose sur les principes d'uniformité (le même système partout), d'efficacité et de « choix ultime » (less eligibility) des miséreux, que l'on veut contraindre à entrer dans des hospices, véritables « bastilles », à la discipline rigoureuse, où les familles sont séparées, le travail obligatoire, et où vêtements et nourriture doivent être pires que ceux de l'ouvrier le moins bien payé. Ces workhouses ne fermeront qu’en 1930, à la mise en place de l’Etat providence. 24 Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817) 25 A partir d'un certain niveau d'utilisation des ressources, l'ajout d'un facteur de production (comme le travail ou le capital) entraîne une augmentation de la production, mais à un rythme de plus en plus faible 26 augmentation de la production obtenue par l'ajout d'une unité supplémentaire d'un facteur de production (travail/capital), tout en maintenant les autres facteurs constants. Elle permet d'analyser l'efficacité et l'impact d'un facteur supplémentaire sur le niveau de production total. 27 Thomas Malthus (1766-1834) économiste et démographe anglais ; Essai sur le principe de population 1798 2. critique de l’économie Tous ces débats, mêlés à la crise économique de surproduction (décalage offre/demande) malgré avoir suivi les conseils des grands économistes vont amener à une défiance vis-à-vis de l’efficacité de l’économie, en plus de salaires trop bas et du besoin de main-d’œuvre lié à la propension du progrès technique qui mène à employer des femmes et des enfants. L’absence de réformes sociales et les injustices qu’elle crée entrainent des grèves sur les salaires et les conditions de travail. Jean-Baptiste Say théorise la lois des débouchés (« l’offre crée sa propre demande », tout ce qui est produit est consommé), selon laquelle la production se transforme en revenus, qui eux- mêmes se transforment en demande, tout déséquilibre durable entre l’offre et la demande est impossible. Il y aurait donc un équilibre entre l’offre et la demande. Malthus critique cette focalisation sur l’offre qu’il considère comme une erreur, car l’épargne pouvait être trop élevée et la demande pas assez. Keynes présente une critique plus aboutie sur la loi de Say. Selon l’analyse keynésienne, la neutralité de la monnaie amène les agents économiques à ne pas forcément l’utiliser pour acheter des biens à d’autres producteurs, rendant possibles les crises générales de surproduction. Il conclut alors qu’il faudrait considérer que c’est la demande effective qui génère l’offre. Sur la théorie de la valeur des biens, Say se positionne sur un fondement de la valeur sur l’utilité, a contrario de Smith et Ricardo qui la fondent uniquement sur le travail, et Mill qui la fonde sur l’échange. Les classiques exercent une influence très grande et très rapide sur l’économie mais ils seront très vite critiqués par les socialistes de l’époque (socialiste au sens de penseurs mettant le social en premier dans l’explication du fonctionnement de l’économie et de la société). Parmi ces penseurs se trouve Sismondi, proche de Say et admirateur de Smith mais il critique Ricardo et son tournant économiciste faisant de l’économie une science abstraite. Il explique aussi que la loi des débouchés ne permet pas de comprendre la crise de surproduction, et que l’Etat doit absolument intervenir pour corriger les erreurs liées à l’économie et introduit « la question sociale » en économie. Le comte de Saint-Simon, influencé par le christianisme, développe l’idée que l’important dans la société est l’industrie, et comme Sismondi il est influencé par le libéralisme et définit l’idée que les gens importants dans la société sont ceux créant la richesse (les industriels, mêlant ingénieurs, patrons et industriels) et que les pauvres sont les rentiers. C’est cette pensée qui influencera la réforme sociale. List réfléchit au développement inégal des industries et met en avant l’idée de Nation et d’Etat, dans le sens où l’état doit intervenir si la nation n’est pas assez développée économiquement : protectionnisme avec les frais de douane et quotas car pour lui, le libre-échange n’est un bénéfice qu’entre nations au même seuil de développement économique. 3. la révolution marginaliste Marx propose une relecture de l’histoire de la pensée économique et appelle à une révolution plutôt que qu’un réforme. Sa réflexion part de la « classe sociale » et de plusieurs modèles qu’il élabore dont le modèle bourgeois/prolo et critique l’économie politique au travers du matérialisme historique. La notion de concurrence repose sur l’idée que la compétition est bénéfique ; mais pour Marx c’est une erreur lié au capitalisme. Au moment de la publication de son ouvrage Le Capital, fin 1860, se lance une révolution marginaliste (ou néoclassique), qui veut que la pensée s’autonomise avec l’ouverture de plusieurs écoles. Plusieurs auteurs vont reprendre la valeur d’utilité des biens dont l’ingénieur Jules Dupuit en 1840, pionnier de l'économie du consommateur. Il a introduit le concept de "surplus du consommateur", qui désigne l'écart entre le prix qu'un consommateur est prêt à payer pour un bien ou un service et le prix réel qu'il paie. Cela signifie qu'un consommateur qui paie moins que ce qu'il était prêt à dépenser perçoit ce "surplus" comme un gain. Dupuit applique ce concept aux travaux publics, justifiant par exemple la construction de routes ou de ponts à péage : si le bénéfice perçu par les utilisateurs est supérieur au coût du péage, cela justifie l'investissement public. Il s'agit d'une des premières réflexions économiques centrées sur le consommateur, contribuant à la compréhension du rôle des infrastructures publiques dans l'économie.  Carl Menger28, l'un des fondateurs de l'école marginaliste autrichienne, critique la méthode inductive des historiens de l’école historique allemande, qui consistaient à accumuler des faits pour en tirer des généralisations. Selon Menger, cette méthode n'apporte aucune véritable information sur les mécanismes sous-jacents des sociétés. Au lieu de cela, il prône une approche fondée sur des modèles théoriques abstraits pour mieux comprendre la réalité et améliorer les conditions économiques, c'est la base de la "querelle des méthodes" entre les économistes autrichiens et allemands. Menger est également l’un des théoriciens de la valeur subjective, qui explique que la valeur d'un bien est déterminée par l’utilité qu’il apporte à l’individu, ce qui renforce le cadre théorique marginaliste.  Stanley Jevons29 un autre pionnier du marginalisme, développe le concept d’utilité marginale, qui désigne la satisfaction supplémentaire qu’un individu retire de la consommation d’une unité supplémentaire d’un bien. Il critique David Ricardo pour avoir appliqué à tort le calcul différentiel à toutes les valeurs économiques. Jevons insiste sur l'importance de l'utilité dans la détermination de la valeur, révolutionnant ainsi l'économie en la rapprochant de concepts mathématiques plus modernes et en insistant sur la variation des bénéfices selon les quantités consommées.  Léon Walras30, économiste français, est célèbre pour sa théorie de l’équilibre général. Il propose un modèle mathématique où tous les marchés (travail, capital, biens et services) s'équilibrent simultanément à travers la loi de l’offre et de la demande. Walras prône la concurrence pure et parfaite et un non-interventionnisme de l'État dans l'économie, affirmant que le marché libre tend naturellement vers un équilibre optimal où toutes les ressources sont utilisées de manière efficace. Sa théorisation de l’équilibre général reste l'un des fondements de l'économie néoclassique. Ces trois économistes, à la base de la révolution marginaliste qui a transformé l’analyse économique en mettant l’accent sur l’importance des décisions individuelles des consommateurs et producteurs dans la formation des prix et des valeurs. Cependant, leur approche marginaliste s'oppose à celle de Keynes. Dans son ouvrage, "La Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie" (1936), Keynes critique l’idée que les marchés s'autorégulent et explique le phénomène du chômage involontaire. Il soutient que l'intervention de l’État est nécessaire pour stabiliser l'économie, notamment en période de crise, comme celle de 1929. Selon Keynes, la Grande Dépression était prévisible en raison de l’absence de régulation, qui a permis la formation d'une bulle spéculative. Contrairement aux marginalistes qui se concentrent sur l'agrégation des comportements individuels, Keynes adopte une approche plus holiste, mettant en avant le rôle central de la demande globale dans le fonctionnement de l'économie. 28 Journaliste puis universitaire, ouvrage en 1883 sur les méthodes de recherches de l’économie politique 29 1871, notion de « marge » et d’ « utilité marginale » 30 Philosophe, ------15.10 Prix nobel d’éco 2023, Claudia Goldin, sur l’économie du travail des femmes Elle a fait sa thèse de docteur avec Gary Becker, qui lui-même a eu le prix nobel d’économie en 2002 ; G. Becker est économiste et sociologue, disciple d’Adam Smith et a utilisé ses théories pour étudier des sujets qui n’étaient pas a priori économique, notamment sur la question de la famille (est-ce qu’on a intérêt ou non à se marier, à faire des enfants et combien, …). Il applique à des décisions purement individuelles et émotionnelles des théories de l’économie classique. Il met en place la notion de « capital humain », qu’il va alors associé à plein de sujets. C’est ce sujet que Goldin va appliquer pour la différence homme/femme dans le travail. Nombreuses théories des économistes en arrivent au même point, tel que, pour développer l’économie il faut investir dans le capital humain et donc dans le développement scolaire. Mais le rapport au capital culturel de Bourdieu (et IPS : indice de position sociale) n’est jamais fait, les économistes se séparent totalement de la sociologie, montrant la conflictualité entre les deux disciplines. Le travail de Goldin n’est pas non plus rapproché à la sociologie. ---- 5.11 Économisation de la fête  Steiner reprend les analyses des pères fondateurs de la sociologie, notamment Durkheim, en intégrant la notion de "fête" dans une perspective de sociologie économique. Ce champ, influencé par Durkheim, cherche à comprendre les dynamiques économiques sous-jacentes dans les interactions sociales, y compris dans les situations de don et de solidarité. Article de Steiner sur le don d’organes Il s’’inspire de Marcel Mauss et questionne : « A-t-on vraiment affaire à un don ? ». - La sociologie économique montre l'existence d'une économie sans marché : par exemple, la législation française impose une orientation éthique et morale afin de protéger le don d’organes du marché. - En matière de transplantation d’organes, bien qu’il y ait une logique économique (efficacité dans l’attribution), la création d’un marché d’organes est rejetée. La rhétorique dominante oppose cette logique marchande à celle de la solidarité, en s’inspirant de la concurrence comme fondement de l’économie (Smith et Ricardo voyaient la compétition comme source d'efficacité économique).  Mauss et la solidarité sociale : Modèle du don maussien (« donner, recevoir, rendre »), mais dans le cas du don d’organes, l'anonymat du processus exclut l'obligation directe de rendre, distinguant deux types de dons : - Dons quotidiens : Créent du lien social en rapprochant les donateurs et donataires. - Don d’organes : L'anonymat transforme le don en un acte vers une tierce partie (l’organisation médicale), où l'obligation de rendre est plus indirecte (retour en pensée ou gratitude envers le système médical) et se traduit par une forme de solidarité à distance.  Appariement algorithmique dans le don d’organes o L'appariement est géré par un algorithme qui sélectionne les bénéficiaires d’organes de manière optimale. Cela repose sur : - Une base de données avec les informations médicales des patients en attente. - Un dossier descriptif des greffons disponibles. - Un algorithme d’appariement qui choisit les candidats en fonction de critères médicaux. Ce processus introduit un mimétisme avec le marché du travail, en attribuant les ressources limitées de manière efficace, mais dans un contexte où la composante économique reste dissimulée, échappant au modèle de marché classique. Néoclassicisme et critique keynésienne  Néoclassiques (Menger, Jevons, Marshall, Walras, Pareto, 1870-1900) : Ils posent les bases de l’analyse économique en se concentrant sur les agents économiques et leurs comportements sur le marché. Dans ce modèle, l’emploi se régule par le salaire de marché : un salaire élevé attire de l’offre, tandis qu’un salaire bas décourage la demande. Pour eux, le chômage est donc volontaire.  Critique de Keynes : Keynes, avec sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), conteste ce modèle, expliquant que le chômage peut être involontaire et dépend principalement de la demande globale, et non des variations de salaires. Selon Keynes, l'État doit intervenir pour corriger les imperfections du marché et maintenir une demande stable, en particulier pendant les crises économiques. Les allocations chômage sont nécessaires pour permettre aux chômeurs de continuer à participer à l’économie, contrairement aux néoclassiques, qui pensent qu’elles encourageraient le chômage volontaire. L’application des idées keynésiennes se concrétise dans l’État-providence d’après-guerre (système de sécurité sociale, retraite, allocations).  Retour aux politiques néolibérales : Avec la montée du chômage dans les années 1970, aggravée par le choc pétrolier de 1973, les critiques de l’interventionnisme de l’État prennent de l’ampleur, ouvrant la voie à des politiques néolibérales dans les années 80 (Tatcher au Royaume-Uni, tournant de la rigueur en France). Relations entre économie, histoire et sociologie La sociologie économique s'est développée dans les années 1990, en parallèle de la domination néoclassique, malgré la concurrence des économistes.  École historique allemande (EHA) : L’EHA s’oppose aux approches formelles de l’économie, en particulier celles de Ricardo, et adopte une approche descriptive et historique (ou historicisme). Les économistes de l’EHA, comme Friedrich List, prônent le protectionnisme éducateur pour protéger les industries nationales des pays en retard de développement, notamment face à l'avance britannique.  Querelle des méthodes (Methodenstreit) : Cette querelle oppose les économistes autrichiens (comme Menger) aux historiens de l’EHA, Menger reprochant à l’EHA son "fatras historique" et son incapacité à formuler des lois économiques générales. Menger critique l’accumulation de faits concrets sans possibilité de dégager des lois universelles, en faveur des faits stylisés, critique toujours adressée aux sociologues, accusés de multiplier les variables sans possibilité de vérification empirique.  Max Weber : Dans ses Essais sur la théorie de la science, Weber tente de réconcilier histoire et économie en se distanciant de la généralisabilité excessive des comportements humains prônée par certains économistes. Il introduit le concept de type-idéal, ou modèle simplifié d’un phénomène social, pour représenter des traits communs observables sans prétendre qu’ils existent dans leur forme pure. Weber fait aussi la distinction entre fait et valeur, afin de séparer l’observation empirique de l’influence subjective ou morale, ce qui contribue à une analyse plus neutre.  Individualisme méthodologique (EPEC) ----12.11 Retour sur Steiner et socio de la fête P. Steiner ; faire la fête url : https://shs.cairn.info/rencontre-sociologie-de-la-fete?lang=fr Durkheim -> FEVR « dissociation » quand on fait la fête rupture éco et ordre social Steiner insiste sur cette dissociation mais aussi sur la synergie entre ces deux concepts, d’où l’importance de l’aspect économique. « faire la fête » marque deux sens : la fabriquer, la pratiquer (Bourdieu) Question des émotions, socio des émotions et socio éco des émotions : on voit la production de la joie en psycho sous l’aspect éco et Durkheim s’y intéresse sous l’aspect de « l’effervescence collective » Arlie Horschild, Le prix des sentiments, 1983 : sociologue de la famille et du travail, elle développe une notion de « travail émotionnel » ; idée que les émotions ont des coûts et des bénéfices et qu’on peut les utiliser dans plusieurs situations sociales différentes, économiques ou sociales. Ashley Mears, V.I.P et Pricing beauty, 2020 : sociologie économique des élites, qui utilisent la fête pour marquer leur statut. Mythe de l’homogénéisation de la fête, les bourges ne font pas la fête au même endroit que les autres classes et c’est ce sur quoi insiste Mears. Sociologie naissante et économie Auguste Comte et le positivisme Auguste Comte31, polytechnicien et père du positivisme, critique la religion et l’économie politique, qu’il considère comme des approches insuffisamment scientifiques. Selon Comte, la société évolue à travers trois états successifs : l’état théologique, où les phénomènes sont expliqués par des entités surnaturelles (correspondant à l’époque féodale), l’état métaphysique, où des principes abstraits comme le contrat social dominent (siècle des Lumières), et enfin l’état positif, où les sciences et l’observation empirique jouent un rôle central. Comte rejette les fondements de l’économie politique qu’il associe à l’état métaphysique et plaide pour une approche inductive, basée sur l’observation directe des faits sociaux. Son influence se fait sentir dans les premières décennies de la sociologie, qui reprend son ambition d’ériger une science sociale unifiée. James Stuart Mill, utilitarisme et conséquentialisme James Stuart Mill32, fortement influencé par Jeremy Bentham33, défend l’utilitarisme, une doctrine visant à maximiser « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ». Cette approche se distingue à la fois de l’égoïsme, qui valorise uniquement l’intérêt individuel, et de l’égalitarisme absolu, qui recherche une répartition égale du bonheur, même à un niveau faible. Une des caractéristiques centrales de l’utilitarisme est le conséquentialisme : la valeur d’une action est déterminée par ses conséquences et non par sa valeur intrinsèque. Cette logique a été poussée à l’extrême par des penseurs comme Peter Singer34, qui applique le conséquentialisme à des questions éthiques dans Animal Liberation. Singer justifie des positions radicales telles que l’euthanasie des bébés handicapés ou des personnes âgées souffrantes, voire un eugénisme sélectif, en faveur du bien-être général. L’utilitarisme est souvent critiqué pour son détachement des valeurs morales intrinsèques, notamment dans des débats économiques contemporains comme la théorie du ruissellement. 31 (1798-1857) 32 (1806-1873) 33 (1748-1832) 34 1946- Émergence de la sociologie économique (1890-1920) Durkheim et Weber Entre 1890 et 1920, la sociologie commence à s’institutionnaliser et revendique une autonomie disciplinaire face à l’économie. Des figures majeures comme Émile Durkheim et Max Weber participent à la structuration de cette nouvelle science. Weber joue un rôle central dans l’émergence de la sociologie économique comme champ distinct, notamment grâce à son ouvrage Économie et société. Parallèlement, Werner Sombart, historien et économiste de l’École historique allemande (EHA), revendique également le rapprochement entre histoire, économie et sociologie, notamment à travers l’étude des relations entre religion et économie. Trois grandes perspectives sur les relations entre sociologie et économie émergent à cette époque. La première considère que la sociologie peut remplacer l’économie et constituer une science sociale unifiée, une idée reprise plus tard par des penseurs comme Pierre Bourdieu. La deuxième envisage que les apports du social peuvent enrichir l’analyse économique, comme chez Vilfredo Pareto, qui influence l’individualisme méthodologique en France. Enfin, une troisième position, partagée par Weber, admet l’autonomie de l’économie politique tout en soulignant la nécessité de l’enrichir par l’histoire et le contexte social. Les limites de la sociologie économique L’émergence tardive de la sociologie comme discipline institutionnelle laisse un espace considérable à l’économie pour dominer l’analyse des marchés et la formulation de lois générales. Face à cela, la sociologie économique naissante se concentre sur des sujets résiduels, comme l’histoire économique ou les problèmes sociaux liés à l’économie. Aux États-Unis, la première chaire de sociologie est créée à l’Université de Chicago. Ce département se focalise sur les problèmes sociaux (pauvreté, criminalité), tandis que d’autres branches, comme la sociologie du travail, étudient les effets des changements économiques sur la société. Cependant, cette division des disciplines contribue à une perception de la sociologie économique comme une « science des restes », selon une critique souvent formulée. Cette situation persiste aujourd’hui, mais avec une inversion : de plus en plus d’économistes s’intéressent à des objets traditionnellement sociologiques, comme la culture ou le genre.  Auguste Comte rejette l’économie politique comme discipline scientifique, marquant le début d’une critique méthodologique qui influencera la sociologie. Parallèlement, Mill et l’utilitarisme introduisent des approches conséquentialistes, controversées mais influentes, notamment dans les débats éthiques. L’émergence de la sociologie économique avec Weber et Durkheim pose les bases d’un dialogue entre disciplines, mais l’hégémonie de l’économie laisse peu de place à une sociologie économique autonome. Aujourd’hui encore, cette discipline souffre d’un manque de reconnaissance face à une économie politique qui s’étend sur des terrains sociologiques.

Use Quizgecko on...
Browser
Browser