Histoire des entreprises, PDF
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Sorbonne Université - Faculté des Sciences
2024
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Ce document présente un cours sur l'histoire des entreprises, en comparant l'évolution des entreprises en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon. Il aborde les différentes périodes d'industrialisation et l'évolution du capitalisme. L'auteur décrit les entreprises commerciales avant la révolution industrielle et montre l'importance des échanges commerciaux, notamment au Japon et en Angleterre.
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Quel est le sujet de ce cours ? 19 septembre 2024 L’histoire des entreprises L’histoire des entreprises, pas l’histoire économique – Une différence d’échelle : entreprise et industrie d’un côté et pays ou ensemble de pays de l’autre – Néanmoins, les contextes nationa...
Quel est le sujet de ce cours ? 19 septembre 2024 L’histoire des entreprises L’histoire des entreprises, pas l’histoire économique – Une différence d’échelle : entreprise et industrie d’un côté et pays ou ensemble de pays de l’autre – Néanmoins, les contextes nationaux et internationaux influent sur l’évolution des entreprises Le cours compare l’évolution des entreprises en France, aux États-Unis, en Grande Bretagne et au Japon – Pourquoi ces pays ? – Pays caractérisés par une croissance économique très forte ; les champions économiques des deux siècles derniers – Grande Bretagne : premier pays à s’industrialiser ; la première économie mondiale jusqu’à la fin du 19ème siècle ; invente l’entreprise industrielle L’histoire des entreprises – France : un jeune tigre de la première moitié du 19ème siècle ; miracle économique après la seconde guerre mondiale – États-Unis : un autre jeune tigre de la première moitié du 19ème siècle ; première économie mondiale au 20ème siècle ; encore le cas aujourd’hui ; un grand lieu d’innovation dans le méthodes de management et les structures des entreprises (dès la fin du 19ème siècle et jusqu’à maintenant dans la Silicon Valley) – Japon : industrialisation tardive pendant les dernières décennies du 19ème siècle ; premier pays à s’industrialiser en Asie ; très forte croissance économique pendant l’après- guerre et jusqu’au début des années 1990 – Nous allons nous intéresser aux différences et points communs entre les entreprises de ces quatre pays L’histoire des entreprises Ce cours porte aussi sur l’évolution du capitalisme Le capitalisme : un système caractérisé par – L’économie de marché – La propriété privée – Le paiement monétaire du travail – Les systèmes de crédit – La recherche du profit – L’entrepreneuriat et l’innovation – L’orientation vers l’avenir – Pour certains, comme Karl Marx, il est aussi caractérisé par un système politique dominé par les capitalistes L’histoire des entreprises Un système dynamique « Destruction créatrice » (remplacement constant des produits, procédés, formes d’organisation, entreprises) Un système relativement instable (crises récurrentes) Le capitalisme n’est pas uniforme – Il a beaucoup évolué au cours des deux derniers siècles (capitalisme numérique depuis peu) – Grandes différences entre pays (historiquement et encore maintenant) L’histoire des entreprises – Points communs entre la France, les États-Unis, la Grande Bretagne et le Japon – Des pays à la pointe de l’industrialisation – L’industrialisation y donne naissance à de très grandes entreprises – Différences – Entreprises structurées différemment (entreprises multi-divisionnaires, conglomérats, zaibatsu, kereitsu…) – Financées différemment – Différentes relations avec les autorités publiques L’histoire des entreprises – Différentes formes de management des salariés – Les grandes entreprises se sont développées à des rythmes différents et sont apparues de façon différente dans chacun des quatre pays – Les petites et moyennes entreprises ont joué des rôles différents dans ces quatre pays – Des différences qui sont encore très présentes actuellement L’histoire des entreprises Trois périodes associées à trois vagues d’industrialisation Première industrialisation (années 1770- années 1840) – Initiée en Grande Bretagne – La France et les États-Unis suivent quelques décennies plus tard – Développement des usines ; nouvelles formes d’énergie (eau et charbon) ; machines à vapeur et métallurgie ; apparition d’un prolétariat industriel (l’industrialisation décrite par Karl Marx et Friedrich Engels) L’histoire des entreprises Seconde industrialisation (années 1850 - années 1950) – Guidée par les États-Unis, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas – Révolution des communications (chemins de fer, télégraphe, téléphone) ; apparition de nouvelles industries (industrie électrique et électronique, automobile, aéronautique) – Énorme multiplication du nombre des entreprises – Émergence du marketing et des grandes entreprises qui stabilisent les marchés – Apparition d’organisations complexes (divisions, nombreuses couches managériales) – Professionnalisation de la gestion et apparition des écoles de commerce L’histoire des entreprises Troisième industrialisation (années 1950- maintenant) – Rôle prépondérant des États-Unis, du Japon, de l’Europe occidentale, et plus récemment de la Corée, de Taïwan, et de la Chine – Apparition des techniques et industries numériques – Croissance d’autres industries fondées sur les sciences (biotechnologies…) – Plus de gens travaillent dans les services que dans les autres secteurs de l’économie (agriculture et industrie) – Croissance considérable du nombre des cadres et ingénieurs Les entreprises avant la révolution industrielle 19 septembre 2024 Des entreprises commerciales Les entreprises de l’époque préindustrielle sont commerciales (17ème siècle, première moitié du 18ème siècle) Les marchands ont un rôle économique prépondérant – Ils contrôlent le commerce, y compris le commerce international – Ils font faire des produits qu’ils vendent ensuite (« putting out system ») Mais leur activité est très risquée – Les communications sont très longues et incertaines (trois semaines pour aller de Paris à Bordeaux ; un an pour aller d’Europe en Asie du nord-est) – L’information sur les marchés est très limitée – Il y a très peu de protections légales – Les transports sont incertains Des entreprises commerciales Afin de réduire ces risques, ils se reposent beaucoup sur leurs amis et les membres de leur famille quand ils font du commerce, surtout du commerce sur de grandes distances – Des proches – On peut leur faire confiance Les marchands opèrent aussi dans des économies dominées par l’agriculture et dont les taux de croissance sont très lents (+ 0,1% par an) Des entreprises commerciales Mais ce ne sont pas des économies et des sociétés stagnantes – Agriculture de plus en plus productive (x5 de la production agricole en Grande-Bretagne entre 1400 et 1700 ; innovations agricoles au XVIIIème siècle) – Agriculture orientée de plus en plus vers le marché – Agriculture/production vivrière de plus en plus spécialisée Dans les colonies américaines : Riz et indigo dans le Sud Tabac en Virginie Blé en Pennsylvanie Pêche en Nouvelle-Angleterre Des entreprises commerciales Croissance du commerce au sein de chaque pays et du commerce international Urbanisation – Au Japon : un million d’habitants à Edo (Tokyo) au début du 18ème siècle ; 300000 habitants à Kyoto et Osaka – En Europe : deux grandes villes ; un million d’habitants à Londres en 1801 ; 550000 à Paris en 1800 Une population de plus en plus instruite dans ces quatre pays – Lente montée de l’alphabétisation au 17ème siècle – À la fin du 18ème siècle, 50% des hommes savent lire et signer, y compris au Japon Les marchands en Angleterre Dominent le commerce international au 18ème siècle Forment des sociétés en nom collectif (« partnerships ») avec des membres de leur famille et/ou des amis – Deux associés ou plus – Les associés partagent également les responsabilités et les risques – Chaque partenaire est responsable des dettes de la société sur ses propres biens Ces sociétés en nom collectif sont spécialisées dans le commerce de certains produits Les Perrys de Londres (société appelée Perry & Lane et plus tard Micajah Perry & Co) – Société spécialisée dans le tabac – La plus grande entreprise importatrice de tabac dans le monde entre 1690 et 1720 Les marchands en Angleterre Son fondateur : Micaiah Perry, fils et petit-fils de marchands de tabac ; naît en 1641 à New Haven dans le Connecticut ; déménage en Angleterre à l’âge de dix ans Fonde une société florissante (Perry & Lane) avec un autre marchand, Thomas Lane Pourquoi un tel succès ? – Croissance très forte de la demande de tabac en Europe (130 tonnes importées en GB en 1630 ; G. Tilborgh, années 1670 14000 tonnes en 1680) Les marchands en Angleterre Pourquoi un tel succès ? – Achat direct aux petits planteurs – Consignation pour les grands planteurs (Perry paie si le tabac est vendu) – Vente de services de transport à d’autres marchands de tabac (donc meilleur remplissage des navires ; ceux-ci restent moins longtemps au port ; meilleure utilisation du capital) À la mort du fondateur, son petit-fils, Micajah Perry, reprend l’entreprise. Celle-ci décline rapidement – Ne vend plus de services de fret – Souffre de la baisse des prix du tabac – Micajah Perry se lance dans la politique (député de Londres) et délaisse ses affaires – L’entreprise sombre pendant les années 1730 (comme beaucoup d’autres importateurs de tabac à cette époque – de 177 importateurs en 1719 à 11 importateurs en 1747) – Micajah Perry meurt dans la pauvreté Les marchands au Japon Les affaires s’organisent autour des « maisons » de marchands – La maison d’une famille – Tous les membres de la famille (parents, enfants, fils adoptifs, commis, apprentis) – Ces maisons travaillent aux échelles locale et/ou nationale (jamais à l’international) Grande importance des liens familiaux, comme en Europe ou dans les colonies américaines : il est essentiel de travailler avec des gens à qui on peut faire confiance quand les moyens de communication sont très lents Particularité japonaise : chaque maison a ses propres règles internes et sa constitution écrite (forte identité et continuité sur le long terme) Les marchands au Japon Mitsui, une des grandes entreprises au Japon actuellement, est issue d’une de ces maisons de marchands En 1616, un samurai, Sokubei Mitsui, qui est devenu ronin à la suite de la défaite de son clan, abandonne son statut de samurai et devient marchand (descente dans l’échelle Hachirobei Mitsui sociale) Vend de la bière et du saké dans une petite ville près de Kyoto (un commerce prospère) Son plus jeune fils, Hachirobei Mitsui, devient prêteur (un métier risqué) En une vingtaine d’années, il constitue une fortune substantielle Les marchands au Japon Il investit ses gains dans la création du magasin Echigoya à Edo (Tokyo) en 1673 Echigoya, 1673 Les marchands au Japon Un magasin très novateur – Vend des vêtements et des tissus – Très grande taille (sans doute le plus grand magasin dans le monde à cette époque) : mille mètres carrés ; 50 vendeurs – Paiement en espèces (pas de crédit) – Prix fixe (pas de négociations sur les prix) Devient le magasin le plus chic et le plus couru d’Edo Vend des vêtements au shogun Magasins ensuite à Kyoto et Osaka Réaction des concurrents : convainquent des employés de se révolter ; empuantissent le magasin Les marchands au Japon Hachirobei Mitsui crée ensuite des bureaux de change à Edo, Kyoto et Osaka (change la monnaie d’or d’Edo et Kyoto contre la monnaie d’argent d’Osaka) Il travaille aussi pour le bakufu (transferts de fonds entre Edo et Osaka) Ses successeurs/descendants font prospérer la maison Echigoya, 1768 Les marchands au Japon Ils édictent aussi des règles sur son fonctionnement (testament de Takahira Mitsui, le premier fils d’Hachirobei, en 1723 ; utilisé par la maison Mitsui jusqu’en 1900) L’entreprise est composée des différentes branches de la famille La famille du premier fils dirige l’entreprise ; les autres branches s’occupent des succursales S’il n’a pas de fils pour lui succéder, le dirigeant de la branche principale doit adopter un cousin d’une autre branche comme son propre fils Les marchands au Japon Les premiers fils des différentes branches de la famille, qui sont « incompétents » ou « immoraux », sont remplacés par des cousins et envoyés dans un monastère Les personnes, qui travaillent pour l’entreprise, continuent à être rémunérées même si elles sont malades (80% de leurs émoluments) Il faut vivre modestement, ne pas s’impliquer dans les affaires publiques, ne pas faire de dons aux monastères (sources de ruine pour la maison). Il est préférable d’aider les pauvres. Les marchands au Japon Vers 1740, la maison Mitsui a une structure organisationnelle très développée – Les membres de la branche principale se réunissent régulièrement afin de définir les grandes directions de l’entreprise et distribuer les fonds aux branches cadettes et leurs succursales – Les onze branches cadettes envoient leurs bénéfices à la maison-mère – Hiérarchie à 11 niveaux : d’apprenti au directeur de l’entreprise (114 niveaux au début du 19ème siècle) ; possibilité de monter jusqu’au sixième niveau par l’ancienneté ; ensuite sélection en fonction des performances ; apprentis à l’âge de douze ans, éduqués par la maison Une entreprise très diversifiée ; dirigée par des gestionnaires compétents Une des rares entreprises à survivre à l’ouverture du Japon à l’Occident et à l’industrialisation Les chemins de l’industrialisation 19 septembre 2024 L’industrialisation L’industrialisation, qui commence en Angleterre au 18ème siècle et se poursuit en France, aux États-Unis et au Japon aux 19ème et 20ème siècles, transforme profondément les entreprises Un tournant majeur La croissance économique devient beaucoup plus rapide La croissance en Europe de l’Ouest et dans les colonies américaines avait été très lente jusque vers 1700 ( + 0,1% par an ; à ce rythme, doublement du PNB tous les 630 ans) Mais entre 1820 et 1990, les revenus par personne augmentent d’un facteur de 8 en Grande Bretagne, d’un facteur de 15 en Allemagne, d’un facteur de 17 aux États-Unis et augmentent de 26 fois au Japon L’industrialisation Creusement de la différence entre les revenus moyens dans les pays à la pointe de l’industrialisation et les revenus moyens dans les autres pays (la grande divergence) Revenus moyens en dollars de 1990 L’industrialisation L’industrialisation affecte tous les secteurs de l’économie dans les quatre pays Elle change les pratiques du monde des affaires Deux périodes : celle des entreprises préindustrielles et celle des entreprises industrielles L’industrialisation en Grande Bretagne Un phénomène multiforme, avec de beaucoup de spécificités régionales ; grandes différences aussi entre industries Caractéristiques principales Grandes unités de production avec plusieurs centaines ou milliers d’ouvriers : coûts de transport moindres par rapport au « putting-out system »; travail de plus en plus spécialisé ; davantage de supervision et de discipline (produits plus uniformes) ; permettent l’utilisation de nouvelles techniques trop chères pour les petits ateliers (plus de productivité) L’industrialisation en Grande Bretagne Caractéristiques principales Mécanisation (machines à vapeur, machines pour filage, métiers à tisser, machines outils qui permettaient de diffuser les innovations dans de nouvelles industries…) Nouveaux matériaux (coke, acier) Nouvelle forme d’énergie (charbon) ; aussi énergie hydraulique Nouvelles techniques de transport Résultats : baisse considérable des coûts ; très forte augmentation des quantités des produits fabriqués L’industrialisation en Grande Bretagne Des années 1770 aux années 1830, la Grande Bretagne devient l’usine du monde En 1830, les britanniques produisent 80% du charbon mondial, 55% de l’acier au monde et fabriquent autant de fer et de tissus en coton que le reste du monde Vers 1850, les britanniques produisent huit fois plus de fer, cinq fois plus de charbon et six fois plus de textiles que cinquante ans auparavant L’industrialisation en France Grand rôle de l’État dans l’industrialisation en France (beaucoup plus qu’en Grande Bretagne ; le rôle de l’État britannique se limite à l’interdiction des syndicats et de l’importation des cotonnades indiennes) La révolution et l’Empire établissent le cadre légal pour l’industrialisation Plus de corporations Plus d’entraves locales à l’industrialisation Abolition des douanes intérieures Développement du droit commercial Réglementation sur la pollution favorable à l’industrie L’industrialisation en France L’industrialisation repose sur des transferts de technologie provenant du Royaume Uni Espionnage industriel dès les années 1760 et surtout après 1815, afin de maîtriser les techniques développées en Grande Bretagne (machines à vapeur, machines pour le filage et le tissage, sidérurgie) Emploi de techniciens britanniques qui amènent leurs savoirs et savoir-faire en France (15000 en France en 1830) Entrepreneurs britanniques incités à s’installer en France (ils jouent un rôle essentiel dans la sidérurgie) L’industrialisation en France L’État pousse à l’industrialisation (1830-fin du second empire) Organise l’espionnage industriel ; attire les industriels britanniques Finance la construction de chemins de fer à partir de 1842 (sous Guizot) ; l’État construit les voies et les loue aux entreprises de chemin de fer (baux de 99 ans) ; l’essentiel du réseau est construit avant 1870 L’industrialisation en France La croissance du réseau pousse au développement de l’industrie lourde et des banques (financement des entreprises de chemin de fer) sous le second empire Plan Freycinet de 1878 qui finance la construction de canaux, de ports et d’un réseau très dense de chemins de fer (construction jusqu’en Société Générale 1914) L’industrialisation en France Une industrialisation qui est néanmoins plus lente que celle en Angleterre et aux États-Unis Moins de ressources minières (charbon et fer) ; la France doit importer du charbon, surtout d’Allemagne Instabilité politique jusqu’au début des années 1870 L’État freine l’industrialisation après la commune (limiter la croissance de la classe ouvrière) L’industrialisation en France Autres particularités françaises Certains secteurs, comme celui du meuble, ne s’industrialisent pas (mais rationalisation de la production, ce qui permet la production de meubles standard à bas coûts pour l’export et les classes moyennes) Innovation dans la distribution des produits manufacturés : les grands magasins L’industrialisation aux États-Unis Un nouvel État (traité de Paris en 1783) ; un État fédéral ; pouvoirs locaux très forts L’industrialisation commence pendant les années 1820 en Nouvelle-Angleterre et se poursuit ensuite sur la côte est jusque dans la région de Baltimore Elle se repose sur le transfert de techniques provenant de Grande Bretagne, de France et d’Allemagne Et aussi sur des mouvements massifs de capitaux provenant de Grande Bretagne (réinvestissement des bénéfices provenant des entreprises industrielles) L’industrialisation aux États-Unis L’État fédéral, les États et les pouvoirs locaux stimulent la croissance industrielle Financement d’une route traversant les Appalaches Financement de canaux (canal Érié par l’État de New York terminé en 1825) L’industrialisation aux États-Unis Financement de voies de chemin de fer vers l’ouest, y compris par les villes (Illinois Central pendant les années 1850 ; Union Pacific et Central Pacific pendant les années 1860) De 1815 à 1860, 60% du financement des infrastructures aux États-Unis provient de l’État fédéral, des États, des villes et des comtés Objectif : créer de vastes marchés régionaux et plus tard un marché national Pourquoi ces pays se sont-ils industrialisés ? Et pas la Chine ? De nombreuses interprétations, qui sont souvent complémentaires Atouts environnementaux (accès au charbon et au coton) – Thèse de Kenneth Pomerantz – Vers 1760, l’Angleterre n’était pas très différente de la région du Yangtsé en amont de Shangai d’un point de vue économique Consommation des ménages à peu près identique ; liberté des marchés similaire ; rendements agricoles à peu près les mêmes ; ressources écologiques (soils, bois) similaires ; début d’une pénurie de ressources dans les deux régions Pourquoi ces pays ? – Mais les deux régions ont répondu différemment à ces pénuries L’Angleterre a pu se libérer de ces contraintes grace à l’utilisation du charbon et des terres des colonies En Chine, cela n’a pas été le cas ; l’agriculture est devenue de plus en plus intensive – Pourquoi l’Angleterre s’est-elle tournée vers le charbon ? Charbon plus proche des villes en Angleterre Volonté politique d’exploiter ces ressources – Un atout : l’empire anglais Production de coton et autres cultures très usantes pour les sols dans l’empire, plutôt qu’en Grande Bretagne Pourquoi ces pays ? Culture de l’innovation – Faiblesse de la thèse de Pomerantz : elle ne prend pas en compte les techniques et les savoir-faire dans la comparaison entre Angleterre et Chine (Joel Mokyr) – Les innovations technologiques sont devenues plus nombreuses et se sont diffusées plus facilement en Europe (livres techniques) dès le 16ème siècle – Culture de la nouveauté et du perfectionnement des techniques – Mouvement des Lumières qui valorise beaucoup les techniques – Cela n’a pas été le cas en Chine Pourquoi ces pays ? Coûts élevés du travail et effets d’entraînement dans une Europe très morcelée politiquement – D’après Robert Allen, la Grande Bretagne s’est industrialisée parce que le coût du travail augmentait, alors que le charbon restait très bon marché (ce différentiel a été le moteur du changement technique) – Les autres pays européens ont suivi les Britanniques pour des raisons militaires Les États européens ont encouragé la croissance économique afin de renforcer leur potential militaire (construction de routes et canaux ; aide à la création de banques….) – Changements culturels : apparition de la consommation (demande croissante pour les céramiques, la mode..) Pourquoi ces pays ? La position de l’Europe dans le monde – Les pays européens ont dominé le commerce international depuis le 16ème siècle (Portugal, puis Pays- Bas et Angleterre) – Source de capitaux pour financer l’industrialisation – Développement d’une classe moyenne qui s’est investie dans l’industrie – Découverte des cotonnades indiennes et de la porcelaine chinoise ; développement de produits de substitution – Depuis le 17ème siècle, l’Europe a acheté des matières premières et a vendu des produits finis au reste du monde – À cette époque, la Chine est restée fermée à l’étranger Pourquoi ces pays ? Croissance démographique – Stagnation démographique en Europe au 17ème siècle ; explosion démographique au 18ème siècle – En partie due à l’adoption de nouvelles plantes venues du nouveau monde (par exemple les pommes de terre, le maïs…) ; et amélioration des techniques agricoles – Beaucoup moins d’épidémies (fermeture de la Chine) – Résultats : un plus grand marché ; une main d’oeuvre plus importante ; plus de dynamisme économique Conclusion L’industrialisation accélère considérablement la vitesse à laquelle les produits sont fabriqués et accroit énormément le volume des produits manufactures La question qui se pose aux entreprises est comment gérer et contrôler ces énormes flux Pour cela, elles développent des nouvelles techniques de management et de marketing et des nouvelles formes d’organisation Pendant les prochaines semaines, nous nous intéresserons à la façon dont les entreprises dans les quatre pays résolvent ce problème Les solutions, qu’elles développent, dépendent beaucoup des contextes sociaux, politiques et culturels dans lesquels elles opèrent (aussi politiques publiques et leurs effets imprévus) Les entreprises britanniques pendant l’industrialisation 26 septembre 2024 Entreprises industrielles Modèle des entreprises commerciales de l’époque pré- industrielle « Proprietorships » ou sociétés en nom collectif : les entrepreneurs sont responsables sur leurs propres biens Relations familiales essentielles pour leur fonctionnement (main d’œuvre ; source d’informations sur les marchés) Pas de différence entre propriété et encadrement ; gestion personnelle ; pas de comptabilité sophistiquée L’industrialisation change moins les entreprises britanniques que les sociétés américaines et japonaises Elles restent presque toutes des petites ou moyennes entreprises – à la différence de ce qui se passe aux États-Unis Entreprises industrielles Entreprises très spécialisées : peu d’entre elles essaient de contrôler toutes les étapes de la production et de la vente d’un produit Entrepreneuriat et grand renouvellement dans les entreprises (beaucoup de faillites ; beaucoup de nouvelles sociétés) Ces sociétés permettent à la Grande Bretagne de devenir et rester la plus grande nation industrielle jusqu’à la fin du 19ème siècle Pourquoi ? Un marché relativement limité (à la différence des États- Unis) Des marchés régionaux avec des goûts et préférences particulières (à la différence des États-Unis où le marché devient très homogène) Les entreprises britanniques ne fabriquent pas leurs produits en très grandes quantités Un réseau très dense de grossistes (« wholesalers ») et de détaillants ( « retailers ») qui écoule la production croissante des usines Les entreprises ne doivent pas contrôler ou posséder leurs propres points de vente Pourquoi ? Règles sur la concurrence : les cartels sont autorisés en Grande Bretagne (à la différence des États-Unis à partir de la fin du 19ème siècle) Cartels : accords sur les prix et les parts de marché au sein d’une industrie Ces cartels permettent aux entreprises de stabiliser les prix et de diviser entre elles les marchés À la différence des entreprises américaines (qui ne peuvent pas constituer des cartels à cause des lois antitrust), les sociétés britanniques n’ont pas besoin de beaucoup croître afin de stabiliser leur environnement ; elles peuvent le faire par l’intermédiaire des cartels Les secrets du succès britannique Une main d’œuvre industrielle qualifiée et créative (formée dans les ateliers ; innovations incrémentales) Les entreprises collaborent beaucoup Insérées dans des districts industriels (Alfred Marshall) Des régions spécialisées dans une industrie Des entreprises très spécialisées travaillant en réseau et se reposant sur des savoir-faire régionaux Transferts d’informations et de techniques au sein du district Très forte concurrence aussi Les secrets du succès Insérées dans des réseaux de sous-traitance (une autre forme de collaboration) Sous-traitance : l’opération par laquelle un donneur d’ordres confie une tâche à exécuter à une autre entreprise (le sous- traitant ou preneur d’ordres) Des petites entreprises travaillent pour des entreprises plus importantes Beaucoup de sous-traitants dans les usines et les mines (ateliers au sein de l’usine : des microentreprises qui vendent leur production au propriétaire de l’usine) Même dans les chemins de fer Des sous-traitants construisent les voies de chemins de fer et les gares pour Stockton & Darlington (à partir de 1821) Pendant les années 1840, l’entreprise confie l’entretien des voies et la réparation des locomotives à des sous-traitants L’apparition des grandes entreprises À la différence des États-Unis et du Japon, les grandes entreprises (5000+) se développent tardivement en Grande- Bretagne (parfois en réponse à la concurrence américaine) Elles apparaissent d’abord dans les industries produisant des produits de grande consommation (des marques et produits emballés - des pratiques adoptées beaucoup plus tard en France) Cigarettes Bière Savon Sucre ; farine Confitures ; chocolat La plupart de ces entreprises commencent à produire pour des marchés régionaux, avant de travailler pour le marché national L’industrie de la bière Une des premières industries dans lesquelles apparaissent les grandes entreprises Mécanisation de la production dès le début du 19ème siècle Beaucoup de capitaux ; intégration Contrôle des matières premières par Whitbread’s brewery, 1792 l’intermédiaire de contrats de longue durée avec des fermiers Contrôle de la distribution (les brasseries constituent des réseaux de pubs qui vendent exclusivement leurs bières) Lion brewery, 1841 Cochons/vaches mangent les déchets L’industrie des cigarettes Création d’Imperial Tobacco Company en 1901 (la plus grande entreprise britannique en matière de capitalisation) Produit de la fusion de 13 sociétés (objectif : contrer l’arrivée d’une entreprise américaine, American Tobacco, sur le marché britannique) Fusion faite autour de W. D. & H. O. Wills, la plus grande société dans l’industrie du tabac au Royaume Uni Une entreprise dynamique : innove en créant des marques de tabac (1846) Années 1860 : établit un réseau de vente, encore une nouveauté Entre dans le marché pour les cigarettes en 1871, ce qui en fait la plus grande entreprise de tabac en Grande Bretagne (cigarettes tout d’abord faites à la main) L’industrie des cigarettes En 1884, W. D. & H. O. Wills achète les droits sur la machine de James Bonsack pour la Grande Bretagne Auparavant, 10 ouvriers pouvaient fabriquer manuellement 20000 cigarettes par jour 1 ouvrier travaillant avec la machine de Brevet de Bonsack, 1880 Bonsack peut produire 100000 cigarettes par jour à partir de 1888 En 1888, l’entreprise introduit ces cigarettes sur le marché En deux ans, elle contrôle 59% du marché britannique pour les cigarettes Elle conserve sa part de marché : 55% en 1901 (malgré l’adoption de la machine de Marque Capstan, 1894 Bonsack par les concurrents) Fusions La création d’Imperial Tobacco fait partie d’une vague de fusions plus vaste à la fin du 19ème siècle Surtout entre 1898 et 1900 (en moyenne 650 entreprises fusionnent chaque année en Grande Bretagne à cette époque) Les fusions se font dans l’agro-alimentaire, l’industrie textile, l’industrie métallurgique, l’industrie chimique … Pourquoi les fusions ? Les fusions apparaissent dans les industries où il y a des avantages à combiner toutes les étapes de la production et de la vente (des marchés assez vastes pour des entreprises de cette taille) Les entreprises cherchent à réaliser des économies d’échelle : en produisant plus, il est possible de réduire les coûts de production. La réduction des coûts/prix permet d’élargir les marchés (élasticité des marchés) Elles cherchent aussi à réaliser des économies d’envergure : les entrepreneurs peuvent utiliser le même outil de production pour fabriquer plusieurs produits et faire usage de leur réseau de distribution pour les écouler Pourquoi les fusions ? Économies d’envergure Elles proviennent de productions conjointes Elles existent quand une seule firme produit deux biens industriels (ou plus) de manière plus efficace que deux entreprises distinctes fabriquant chacune un seul bien Elles se distinguent en cela des économies d’échelle qui correspondent à la baisse du coût unitaire d’un seul bien quand celui-ci est produit en plus grande quantité Conclusion Au début du 20ème siècle, les grandes entreprises restent l’exception en Grande Bretagne Les grandes entreprises britanniques sont de taille beaucoup plus petites que leurs homologues aux États-Unis (en 1930, seulement les 50 plus grandes entreprises britanniques sont assez grandes pour faire partie de le liste des 200 plus grandes entreprises américaines) Autre spécificité : leur gestion reste longtemps familiale (en 1930, 70% des 200 plus grandes entreprises britanniques ont des membres de la famille fondatrice dans leur conseil d’administration et sont souvent dirigées par un membre de la famille) Conclusion Globalement, des petites et moyennes entreprises qui se reposent sur une main d’œuvre qualifiée et qui font de la Grande Bretagne la plus grande nation industrielle pendant une grande partie du 19ème siècle Les grandes entreprises aux États-Unis 26 septembre 2024 Plan L’émergence des grandes entreprises Intégration verticale et intégration horizontale Les hiérarchies managériales L’exemple d’American Tobacco La persistance des petites entreprises Essor des grandes entreprises Après la guerre de Sécession, les États-Unis dominent la production industrielle en très grand volume et à très bas coûts (« système américain de production » – pièces standardisées ; machines spécialisées) Cette orientation vers la production en très grande quantité et la présence d’un grand marché national (plus riche et plus homogène que les marchés des autres pays) rendent possible l’émergence de très grandes entreprises Dans ce marché, les entreprises peuvent pleinement exploiter les économies d’échelle et les économies d’envergure Caractéristiques Taille : plus de 5000 salariés ; certaines sont gigantesques En 1901, United States Steel Corporation emploie 100000 personnes ; a une capitalisation de 1,4 milliard de dollars (la première entreprise dans le monde à valoir un milliard) En 1929, US Steel emploie 440000 personnes Du jamais vu ! – parmi les plus grandes organisations dans le monde avec les armées Forme légale : des « corporations » - des sociétés par actions - plus que des « partnerships » Responsabilité limitée des investisseurs (ils ne sont pas responsables des dettes de l’entreprise sur leurs propres biens) Plus facile de lever des fonds Vers 1904, les « corporations » font ¾ de la production industrielle aux États-Unis Caractéristiques Les entreprises développent des structures complexes avec des hiérarchies managériales Elles internalisent toutes les étapes nécessaires à la fabrication et à la vente des produits (elles ne veulent pas dépendre d’autres entreprises et font tout elles- mêmes) Elles tendent à créer des monopoles ou des oligopoles Monopole : « une situation de marché dans laquelle un seul vendeur fait face à une multitude d’acheteurs » Oligopole : « une situation de marché dans laquelle un petit nombre de vendeurs font face à une multitude d’acheteurs » Intégrations verticale et horizontale La création de ces monopoles et oligopoles passe par l’intégration verticale et horizontale Intégration verticale : intégration des activités des fournisseurs et des distributeurs au sein de l’entreprise (les sociétés contrôlent les sources de matières premières, la production et la vente des produits finis) Avantages de l’intégration verticale Elle isole en partie les entreprises des ballotements du marché Elle leur permet d’avoir accès aux matières premières, même quand la demande pour ces matières premières est très forte (sécurité des approvisionnements ; très peu de confiance dans les fournisseurs) Intégrations verticale et horizontale Autres avantages de l’intégration verticale Elle leur permet de garder tous les bénéfices associés aux différentes étapes de la production (toute la production à l’interne) Les réseaux de distribution qu’elles contrôlent leur permettent d’écouler leurs produits (fabriqués en énormes quantités) Pour les entreprises produisant des produits de forte technicité (machines à écrire, machines à coudre, moissonneuses, ascenseurs), l’intégration de la distribution leur permet aussi de mieux expliquer le fonctionnement de leurs produits à leurs clients que ne le feraient des détaillants ; et de leur offrir des services de crédit et de réparation Intégrations verticale et horizontale Les industriels américains utilisent aussi l’intégration horizontale afin de créer de très grosses entreprises Dans l’intégration horizontale, plusieurs entreprises fusionnent afin de contrôler une étape de la production ou de la vente d’une marchandise Objectifs : diminuer ou éliminer la concurrence ; mieux contrôler les vicissitudes du marché ; maximiser les bénéfices Exemple : en 1882, 42 entreprises spécialisées dans le raffinage du pétrole fusionnent pour créer le Standard Oil Trust L’intégration horizontale est souvent accompagnée par l’intégration verticale (Standard Oil achète des gisements de pétrole, construit des pipelines, établit un réseau de distribution à la fin du 19ème siècle) Intégrations verticale et horizontale L’intégration horizontale et l’intégration verticale se font plus souvent sous la forme de fusions que sous la forme de croissance interne Les fusions sont de plus en plus courantes à partir des années 1880 « Great merger movement » : plus de 3000 entreprises fusionnent aux États-Unis de 1894 à 1905 DuPont US Steel General Electric Hiérarchies managériales Dans les grandes entreprises, la gestion « bureaucratique » remplace petit à petit la gestion « personnelle » (elles deviennent trop complexes pour être dirigée par une seule personne) – œuvre d’Alfred Chandler Création de bureaux centraux Le bureau central prend les grandes décisions pour toute l’entreprise, planifie son avenir, coordonne ses activités Le bureau central est rapidement divisé en plusieurs comités/départements composés de cadres responsables des différentes fonctions de l’entreprise : production, ventes, transports En 1884, le siège de la Standard Oil est composé de plusieurs comités (commerce intérieur, échanges internationaux, production, transports), qui sont eux-mêmes chapeautés par un comité composé des dirigeants de l’entreprise Hiérarchies managériales Apparition des cadres moyens Dirigent les activités quotidiennes des entreprises Prennent la direction des usines, des services … 191 cadres moyens à la Burlington, Chicago & Quincy Railroad à la fin du 19ème siècle ; plusieurs milliers à la Singer Manufacturing Company au début du 20ème siècle Développement de nouvelles techniques de comptabilité afin de mieux suivre les activités des grandes entreprises et évaluer leurs performances Séparation entre propriété et management (un très grand changement) De plus en plus de dirigeants sont des salariés De moins en moins d’entreprises familiales parmi les grandes sociétés Hiérarchies managériales Cette forme « bureaucratique » de management apparaît d’abord dans les entreprises de chemin de fer (déjà grandes pendant les années 1850, gigantesques pendant les années 1880) Ces sociétés rencontrent de très grands problèmes quand leurs réseaux deviennent nationaux Planifier le déplacement d’un très grand nombre de trains Maintenir la sécurité Trouver des capitaux Répondre à la concurrence La réponse qu’elles apportent à ces Organigramme, 1855 problèmes : le management bureaucratique Hiérarchies managériales Les grandes entreprises industrielles rencontrent des problèmes similaires et adoptent la même solution (le management « bureaucratique » ) plusieurs décennies plus tard Andrew Carnegie Un des premiers à transférer ces techniques de gestion : Andrew Carnegie, un ancien cadre dirigeant de la Pennsylvania Railroad devenu magnat de l’acier Il prend toutes les décisions stratégiques (Carnegie Steel) Des cadres moyens dirigent les aciéries (sans que Carnegie participe à la prise de décision à ce niveau) Il se focalise sur la réduction des coûts et la croissance des volumes de production (ce qu’il faisait à la Pennsylvania Railroad) American Tobacco Une entreprise créée par James Duke Hérite en 1880 d’une petite entreprise qui fait du tabac à pipe Se lance dans les cigarettes, un marché en pleine expansion (1,8 million de cigarettes vendues aux États-Unis en 1869 ; mais 500 millions en 1880) En 1881, il embauche 11 ouvriers pour fabriquer des cigarettes manuellement ; mais pas d’économies d’échelle Achète les droits américains du brevet de Bonsack, ce qui lui donne un énorme avantage concurrentiel (comme à W. D. & H. O. Wills) En 1885, il contrôle 10% du marché américain pour les cigarettes American Tobacco Il se lance dans l’intégration horizontale, rachète ses concurrents dans les cigarettes, ce qui lui permet de créer une entreprise gigantesque, American Tobacco, en 1890 Il l’agrandit encore en achetant des sociétés qui font du tabac à pipe et du tabac à chiquer (et une chaîne de magasins de cigares ; des entreprises faisant des sacs, des boîtes..) En 1910, American Tobacco a 86% du marché pour les cigarettes, 85% du marché pour le tabac à chiquer, 79% du marché pour le tabac à pipe et 14% du marché pour les cigares aux États-Unis Entre temps, il s’attaque au marché britannique ; lutte sans merci avec Imperial Tobacco ; trêve : chaque entreprise se retire du marché national de son adversaire ; création d’une joint-venture pour vendre des cigarettes dans le reste du monde American Tobacco Une trop grosse entreprise qui attire l’attention du ministère de la justice Loi Sherman antitrust (1890) contre les pratiques anticoncurrentielles (les trusts représentent une menace pour l’économie et la démocratie) Loi appliquée à partir du début du 20ème siècle En 1908, le ministère de la justice intente un procès à American Tobacco pour violation de la loi antitrust En 1911, la cour suprême ordonne que l’entreprise soit démantelée ; du démantèlement d’American Tobacco, naissent R. J. Reynolds et trois autres entreprises Duke quitte le monde des affaires et finance la création d’une nouvelle université, Duke University La persistance des petites entreprises Les petites entreprises restent très présentes dans l’économie américaine En 1914, deux tiers des ouvriers travaillent dans des entreprises de 500 personnes ou moins Caractéristiques (travaux de Philip Scranton) Production de produits de qualité en petites séries (« specialty manufacturing ») Très flexibles Marchés de niche Parfois insérées dans des districts industriels (Providence : joaillerie ; Cincinnati et centre du Massachusetts : machines outil ; Philadelphie : textile ; Grand Rapids : ameublement) La persistance des petites entreprises Elles n’entrent pas en concurrence directe avec les grandes entreprises Elles différencient leurs produits de ceux des grandes entreprises Elles n’essaient pas d’exploiter les économies d’échelle et les économies d’envergure Concurrence : par la flexibilité pour répondre aux besoins changeants des marchés Pour cela, emploi d’une main d’œuvre qualifiée Utilisation des nouvelles techniques Gestion personnelle L’industrie textile Pour mieux comprendre ces différences, parlons de l’industrie textile ; deux segments dans cette industrie aux États-Unis au 19ème siècle Filature Boott, années 1850 Grandes usines avec des milliers d’ouvriers non qualifiés ; fabrication de produits très standardisés pour des marchés de masse – Lowell dans le Massachusetts Filature Boott, début du 20ème siècle L’industrie textile À Philadelphie, des centaines de petites entreprises spécialisées dans une étape de la production (installées surtout dans le quartier de Kensington) Fabriquant une grande diversité de produits en petites quantités Utilisant les techniques les plus avancées Employant des ouvriers qualifiés Le plus grand centre textile dans le monde avant la première Échantillons d’étoffes produites guerre mondiale par Washington Print Works Le cas français 3 octobre 2024 Introduction La France, comme les États-Unis, s’est industrialisée plus tardivement que la Grande Bretagne Entreprises françaises en partie similaires aux entreprises britanniques – Petites entreprises, souvent microentreprises ; très liées aux familles ; parties prenantes de districts industriels (seulement 189 entreprises avec plus de 1000 salariés en 1906) – Les grandes entreprises apparaissent encore plus tardivement qu’en Grande-Bretagne ; elles ont des caractéristiques communes avec celles de la Grande- Bretagne – Ces grandes entreprises changent moins le tissu industriel français qu’elles ne le font aux États-Unis et en Grande Bretagne Introduction Les entreprises françaises sont marquées aussi Les-entreprises-françaises-sont-marquées-aussi- par des spécificités nationales par-des-spécificités-nationales – Centralisation – Puissance de l’État Puissance-de-l’État- – Des élites souvent issues des écoles d’ingénieur Des-élites-souvent-issues-des-écoles-d’ingénieur – Catholicisme d’une partie du patronat Catholicisme-d’une-partie-du-patronat Plan Districts industriels et capitale industrieuse Entreprises et réseaux familiaux Patronat et paternalisme Les grandes entreprises à la française Districts industriels Beaucoup de districts industriels en France – Comme en Angleterre – Enracinés dans des traditions artisanales très anciennes pour beaucoup d’entre eux Vallée de l’Arve – Près de Cluses – Concentration géographique d’entreprises de tailles variées spécialisées dans la fabrication d’un même type de produit – à savoir le décolletage, le travail de pièces métalliques de petites dimensions – Ce district existe toujours ; encore récemment le premier central mondial du décolletage Districts industriels : l’Arve Au 19ème siècle, région spécialisée dans la fabrication des montres et des pièces pour les montres – Patrons des premières entreprises : des paysans horlogers originaires de la région et descendus de la montagne pour s’installer à Cluses – Création d’ateliers mécanisés, bientôt transformés en usines (certaines ont jusqu’à 100 ouvriers) Pendant la première guerre mondiale, la demande pour les montres baisse considérablement, ce qui pousse les entrepreneurs à produire des pièces pour l’armement Ensuite réorientation vers les pièces pour les industries mécanique et électrique ; pour l’industrie automobile La distinction entre patrons et ouvriers n’est pas nette; beaucoup de patrons sont d’anciens ouvriers (toujours le cas aujourd’hui) Districts industriels : Fougères District spécialisé dans les chaussures de moyenne gamme pour femmes Essor pendant la seconde moitié du 19ème siècle : – 9 fabriques en 1861 – 37 en 1899 – Une centaine d’entreprises dans les années 1920 qui font toutes des chaussures Firmes fondées par des petits entrepreneurs, originaires de la région, avec des capitaux limités Districts industriels : Fougères Cet essor repose en partie sur l’apport de techniques provenant des États-Unis Hyacinthe Cordier, qui a passé 20 ans aux EU, reprend une fabrique de chaussures en 1869 Très tôt, il utilise des machines américaines pour l’assemblage ; il mécanise ensuite le reste de la production (la plus grande entreprise jusqu’en 1914) Sous l’influence de Cordier, l’adoption des machines se généralise dans le district industriel Districts industriels : Saint Étienne Saint-Étienne – une région industrielle plus complexe District orienté vers la production d’armes, la petite métallurgie et la mécanique À la fin du 19ème siècle se développe la production de bicyclettes (une innovation provenant de la Grande Saint Étienne, 1860 Bretagne) Première entreprise en 1886 créée par des passionnés de course cycliste, les frères Gauthier Beaucoup de petites entreprises dans les années 1890 créées souvent par des ouvriers qui ont travaillé dans l’industrie d’armement de Saint- Étienne Districts industriels : Saint-Étienne Entreprises très dynamiques – Sont à l’origine de beaucoup d’inventions et de brevets – Travaillent souvent comme sous-traitants Une quarantaine d’entreprises vers 1900 Quelques entreprises se détachent du lot – Souvent créées par des ingénieurs – Avec plusieurs centaines d’ouvriers – Rationalisation de la production Districts industriels : Saint Étienne Mais aussi une industrie de la rubanerie qui apparaît au début du 19ème siècle ; 200 entreprises vers 1880 (ruban : un composant essentiel de la mode féminine à cette époque) Elle repose sur un vieux système, celui du « putting-out system » ; les entreprises créent les modèles, fournissent aux artisans qui travaillent chez eux les matières premières et se chargent de la commercialisation Passage à la fabrication en usine pendant les années 1890 et 1900 (une industrie qui existe toujours) Capitale industrieuse Paris : une grande ville industrielle qui se repose sur une multitude de petites entreprises La grande industrie – atypique à Paris (avant la première guerre mondiale) Beaucoup de petits ateliers – industries du meuble et du luxe (le faubourg Saint-Antoine spécialisé dans la production de meubles en petites séries) Métiers du livre Mécanique : entreprises orientées vers l’inventivité et la compétence technique (plus que vers la production en grande série, la standardisation et les économies d’échelle) Capitale industrieuse Une industrie intégrée à la ville Urbanisme: ateliers et habitations dans le même immeuble (Ménilmontant) Mors, vers 1910 Capitale industrieuse Un terreau favorable à la création de nouvelles industries : l’automobile et l’aéronautique – L’industrie automobile bénéficie de sa proximité à la clientèle : une large clientèle pour les produits de luxe (quartiers de l’ouest de la capitale) – Ouvriers très qualifiés, habiles, polyvalents – De nombreux sous-traitants pour les accessoires électriques, la carrosserie… Capitale industrieuse Producteurs de voitures électriques et de voitures à essence. Panhard-Levassor – Une entreprise faisant des scies et machines à bois dirigée par René Panhard et Émile Levassor, deux ingénieurs de l’École centrale – Se réorientent vers les voitures à essence en 1890 – Un des plus grands producteurs français en 1900 Louis Renault – Le fils d’un négociant intéressé par la mécanique – Conçoit une voiturette pour son propre usage – La commercialise avec ses frères ; nouveaux modèles Capitale industrieuse Les entrepreneurs proviennent d’horizons sociaux très différents : – Moyenne bourgeoisie comme Renault – Des aristocrates – Des ouvriers mécaniciens – Il est relativement facile de se lancer dans cette nouvelle industrie : il suffit de disposer d’un terrain, d’un minimum de capacités mécaniques et d’un peu de capitaux Capitale industrieuse Les capitaux proviennent assez souvent d’investisseurs britanniques ; mais aussi de banques françaises Entreprises dynamiques et innovantes, mais de taille petite ou moyenne Orientées jusqu’à la guerre vers la production en petite série de modèles de milieu et de haut de gamme (50% de la production est exportée) Paris devient la capitale mondiale de l’automobile (avant d’être supplantée par Détroit) Entreprises et réseaux familiaux Les entreprises françaises sont dans leur très grande majorité des entreprises familiales La famille permet de résoudre les problèmes de gestion des entreprises – Recruter des personnes de confiance – Trouver des capitaux (la famille est essentielle pour le financement) – Coordonner les tâches au sein de l’entreprise – Gérer les relations entre établissements Entreprises et réseaux familiaux La famille permet de résoudre d’autres problèmes de gestion des entreprises – Attirer des compétences nouvelles (par l’intermédiaire des mariages) – Assurer la formation des futurs dirigeants (échange d’héritiers qui vont travailler chez leurs oncles ou cousins et vont parfaire leur connaissance du métier) – Assurer la pérennité de l’entreprise (de génération en génération) Familles du textile à Roubaix-Tourcoing Ces familles contrôlent 350 entreprises dans le textile à Roubaix-Tourcoing pendant les années 1920 Mariage dans un cercle très étroit, souvent même entre cousins afin d’éviter la dispersion du capital (par l’intermédiaire des dots) Mariage aussi pour intégrer des associés (des gendres compétents) – au Japon : adopter un fils Si mariage en dehors de la famille élargie : la plupart du temps des alliances avec d’autres familles patronales, afin de réunir des capitaux et de consolider le groupe familial Familles du textile à Roubaix-Tourcoing Des familles nombreuses Sept enfants en moyenne Chaque génération crée des nouvelles entreprises dans des domaines connexes : coton et laine ; teinturerie ; chimie Soumission des individus au groupe (et au père) Solidarité active (mutualisation du crédit entre membres de la famille) Familles du textile à Roubaix-Tourcoing Système de valeurs qui sacralise la famille, le travail et l’entreprise (réinvestissement systématique des bénéfices dans l’industrie) Très catholiques et hostiles à la République (jusqu’à la première guerre mondiale) Engagement dans le textile sur de nombreuses générations La famille Motte La famille Motte La plus grande dynastie industrielle de Roubaix-Tourcoing Le fondateur : Jean-Baptiste Motte, fils d’un marchand fabricant de Roubaix (putting out system) Premier industriel de la famille Filateur et tisseur de cotonnades Plus tard (en 1839), il crée avec un associé une entreprise spécialisée dans le peignage, la filature et le tissage de la laine (Delfosse et Motte) La famille Motte Jean-Baptiste Motte aide chacun de ses fils à financer une nouvelle entreprise et nouvelle usine (ce qui devient une tradition familiale). Ses enfants vont considérablement élargir l’échelle des Louis Motte affaires – Le fils aîné, Louis Motte, épouse Adèle Bossut, la fille du maire de Roubaix. Les apports financiers des parents leur permettent de créer une nouvelle entreprise, Motte-Bossut, qui fait du fil de coton à Roubaix (1843) – Etienne Motte fait des lainages ; sa sœur épouse un cousin industriel – Alfred Motte, le plus jeune, monte un grand établissement intégré en 1852 avec l’aide de ses frères (plus tard transformé en plusieurs entreprises) La famille Motte Forte croissance du groupe Motte pendant la seconde moitié du 19ème siècle – Louis Motte (le fils aîné) fonde et rachète d’autres entreprises (tissage de laine, teinturerie, filature de coton) ; Alfred Motte emploie 1700 ouvriers en 1862 ; puis crée une entreprise chimique – Grand succès d’Alfred Motte. Avec des associés, il fonde une douzaine d’entreprises actives dans la teinturerie, le peignage, la filature et le tissage de la laine et du coton (des collaborations ensuite consolidées avec des mariages avec des Motte) La famille Motte Forte croissance du groupe Motte pendant la seconde moitié du 19ème siècle – Alfred Motte crée plusieurs très grosses usines en Pologne et en Russie – À sa mort, les trois fils d’Alfred Motte continuent une stratégie de développement familial fondée sur une multiplication des établissements et des entreprises et sur de nouvelles alliances avec des familles industrielles du Nord La famille Motte Résultat : formation d’un très grand groupe – Composé de nombreuses entreprises juridiquement indépendantes, mais solidaires financièrement – Coordination des entreprises par la famille – En 1913, 10000 ouvriers travaillent 1910 dans les entreprises du groupe Motte – Un groupe qui dure un siècle et demi – jusqu’aux années 1960 Dynasties industrielles Une douzaine d’autres familles de ce type à Roubaix-Tourcoing avant la première guerre mondiale Certaines familles sont toujours actives comme les Mulliez, reconvertis dans la grande distribution – Auchan – Decathlon – Flunch – Kiloutou, Boulanger, Saint-Maclou…. De nombreuses autres dynasties patronales en France (souvent originaires d’Alsace) Certaines existent encore maintenant – les Schlumberger/Seydoux – Les Koechlin – Les de Dietrich (dix générations dans les affaires) Patronat et paternalisme Une partie des patrons français du 19ème siècle appliquent une politique sociale en faveur de leur personnel (appelée alors patronage, et maintenant paternalisme) Ces pratiques se développent surtout pendant la seconde partie du 19ème siècle Touchent des aspects de plus en plus larges de la vie des ouvriers et des ouvrières dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise Patronat et paternalisme Quatre domaines Instruction et éducation – Fondation d’écoles pour les enfants des ouvriers – Les patrons mettent au point un enseignement professionnel pour donner à leurs ouvriers les qualifications dont les entreprises ont besoin Le logement – Immeubles ou maisons individuelles louées aux ouvriers Patronat et paternalisme L’assistance – Des systèmes d’assurance maladie – Des dispensaires, du personnel médical pour soigner gratuitement le personnel – Des caisses de secours mutuel fonctionnant sous l’égide du patron (un début de protection sociale) – Prise en charge des funérailles Patronat et paternalisme La formation morale – Entretien des églises – Foyers de jeunes filles – Activités récréatives : associations sportives et culturelles – Propagande contre l’alcoolisme, la liberté des mœurs et le socialisme (inculquer les valeurs du travail, respect de la famille, de l’autorité et de la religion) – Tout particulièrement dans les villes qui apparaissent autour des usines (comme le Creusot autour de l’usine Schneider) Pourquoi le paternalisme ? Motivations économiques. – Attirer et fidéliser une main d’œuvre assez rare Tout particulièrement pour les entreprises installées dans un milieu rural ou dans les petites villes (par exemple le Creusot) Une main d’œuvre qui bouge beaucoup (les ouvriers vont chez le concurrent) Donner un logement : la meilleure façon de fixer la main d’œuvre Créer une vie sociale urbaine – Nécessité de former la main d’œuvre – Contrer les syndicats Pourquoi le paternalisme ? Mais pas seulement – Engagement des protestants pour qui la capacité de servir est le signe de l’élection divine (les Peugeot, les Seydoux) – Influence des Saint-Simoniens et socialistes non marxistes (Chocolaterie Menier) – Catholicisme social – un puissant mouvement parmi les patrons français depuis les années 1830 Réaction aux excès du capitalisme libéral ; intervenir charitablement auprès des ouvriers Des associations de patrons à Lyon, à Lille (années 1870) Un corps officiel de la doctrine de l’Église catholique à la fin du 19ème siècle (encyclique Rerum Novarum de 1891) Les grandes entreprises à la française Elles apparaissent beaucoup plus tard qu’aux États-Unis et aussi plus tard qu’en Grande-Bretagne. Une vague de fusions beaucoup plus modeste qu’aux États- Unis et en Angleterre (seulement 69 fusions entre 1900 et 1919 ; mais mouvement plus important en 1929-1932, freiné par la crise de 29) Des entreprises plus petites que celles aux États-Unis et en Grande Bretagne - aussi bien pendant les années 1900 que pendant les années 1920-1930 En 1901, Saint-Gobain est la plus grosse entreprise industrielle française par sa capitalisation boursière (149 millions de francs de l’époque) – soit un vingtième de la capitalisation boursière d’US Steel ! Les grandes entreprises à la française Dans des secteurs qui sont différents de ceux des grandes entreprises en Grande-Bretagne À la différence de la Grande Bretagne, pas dans les industries de produits de consommation courante – Le niveau de vie des Français est inférieur à celui des Anglais (et des Américains) ; faible pouvoir d’achat des classes populaires – Beaucoup de préférences régionales En France, elles apparaissent dans l’énergie, les biens intermédiaires et surtout, après la première guerre mondiale, dans l’automobile Mais elles ressemblent aux grandes entreprises britanniques – Importance des héritages familiaux – Structure organisationnelle assez lâche, dans laquelle la concentration est surtout financière, avec une prédominance de la société holding (une entreprise qui détient des participations dans d’autres sociétés). Trois générations d’entreprises Entreprises anciennes : Saint-Gobain (encore la plus grosse société à la fin des années 1920) Schneider (équipements ferroviaires, armes) Péchiney (chimie) Kuhlman (chimie) Les compagnies houillères Diversification et participations dans des entreprises satellites Ces entreprises intègrent peu la commercialisation de leurs produits Trois générations d’entreprises Un deuxième groupe autour des entreprises d’électricité et de services publics nées au tournant du siècle comme la Compagnie Générale d’Electricité (1898) Se reposent souvent sur des capitaux et techniques étrangers, surtout américains (la Thomson) Concurrencées par les entreprises allemandes et américaines Une faiblesse française sur le long terme Trois générations d’entreprises Un troisième groupe à partir des années 1920 : les entreprises orientées vers les biens de consommation (automobiles, bicyclettes, pneus, parfums, cinéma et livres) – Intègrent production et distribution – Créent des réseaux de distribution et de service après-vente (automobiles) – Orientées vers l’export (la France est le premier exportateur mondial d’automobiles jusqu’en 1929) – Mais concentration industrielle moindre qu’aux États-Unis Des entreprises dominées par les ingénieurs Dès le début du 20ème siècle, plus de la moitié des cadres dirigeants des grandes entreprises ont eu une formation d’ingénieurs – École centrale (Paris) – De plus en plus l’École polytechnique Symbiose entre hauts fonctionnaires et milieux d’affaire en France (une autre caractéristique sur le long terme du capitalisme français) – Déjà le cas dans les entreprises ferroviaires au milieu du 19ème siècle – Accélération pendant la première guerre mondiale (collaboration entre État et entreprises) Des entreprises dominées par les ingénieurs De par leur formation, ces dirigeants sont convaincus que la modernisation des techniques et des méthodes de travail est indispensable – Imitation du modèle américain – Achat de machines américaines – Recherche de la productivité (Fordisme, Taylorisme) L’exemple de Citroën André Citroën – un exemple de ces ingénieurs qui sont aussi grands patrons Promotion de 1898 de l’École polytechnique Lance sa propre entreprise en exploitant une technologie inventée en Pologne En 1908, embauché comme directeur général par la société Mors En 1914, il fonde sa propre entreprise ; obtient un très gros contrat pour produire des obus (1 million d’obus) Très grosse usine à Javel (production de masse à l’américaine) Javel, 1915 L’exemple de Citroën Reconversion de l’usine vers la production automobile (copie améliorée du modèle de Ford) Transposition du modèle américain à Paris S’engage dans de gros investissements à la fin des années 1920 : mise au point de nouveaux modèles ; grand programme de construction d’usines Il fait faillite en 1934 ; l’entreprise Citroën est reprise par son principal créancier, Michelin Les zaibatsu 10 octobre 2024 Plan L’ère Meiji Les zaibatsu, un nouveau type d’entreprise Les cas de Mitsui et Mitsubishi Les sogo shosha L’ère Meiji Le Japon : un pays féodal en 1850 – Constitué de fiefs quasi- indépendants (avec leurs administrations composées de samurais, leurs armées et même leurs propres monnaies) – Un gouvernement central, le bakufu, dirigé par le shogun (le shogun a ses propres fiefs, est le suzerain de tous les fiefs du Japon et administre les grandes villes : Kyoto, Edo=Tokyo et Osaka) – L’empereur à Kyoto est confiné à des tâches cérémonielles Un pays fermé à l’étranger L’ère Meiji Le déclencheur de profondes transformations (dont l’industrialisation) : l’arrivée de navires de guerre américains en rade d’Edo/Tokyo en 1853 et 1854 Ouverture des ports japonais Traités inégaux : droits de douane de seulement 5% et extra- territorialité Cette capitulation donne lieu à une guerre civile Rébellions des fiefs de l’ouest contre le bakufu Les fiefs occidentaux gagnent la guerre civile ; le shogun et le bakufu sont forcés d’abandonner le pouvoir (1868) L’ère Meiji Les fiefs de l’ouest opèrent la restauration impériale et constituent un nouveau gouvernement (qu’ils contrôlent jusqu’à la fin du 19ème siècle) – Création d’un État moderne (police, armée de conscrits, ministères) – Reproduction d’autres institutions occidentales (universités, système légal) C’est un gouvernement nationaliste, mais aussi un gouvernement pragmatique – Ils comprennent que la meilleure façon d’éviter d’être colonisés et de retrouver leur pleine souveraineté est de renforcer la puissance économique et militaire du Japon (le slogan du gouvernement est : « pays riche, armée puissante »). – Pour cela, il faut s’ouvrir à l’étranger et aux techniques, savoirs et modes d’organisation occidentaux – Il faut aussi s’industrialiser, construire des entreprises industrielles L’ère Meiji La restauration impériale se double d’une révolution sociale et économique (redistribution des terres et appropriation par l’État des forces de production possédées par le bakufu et les fiefs) – Prise de contrôle des usines (armement, munitions…) , mines, chantiers navals et navires qui appartenaient au bakufu et aux fiefs – Création d’une entreprise de fret maritime ; l’État en est l’actionnaire principal. Objectif : concurrencer les entreprises anglaises et américaines L’ère Meiji Le gouvernement finance aussi l’industrialisation (en partie pour limiter les importations de produits étrangers ; mais aussi afin de renforcer l’économie japonaise) – Construit les premiers chemins de fer (ligne Tokyo-Yokohama par exemple) pendant les années 1870 – Finance et construit des usines modèles pendant les années 1870 (chantiers navals, usines textiles (filatures et tissage), cimenteries, hauts-fourneaux, usines produisant du verre ….) Avec l’aide d’experts étrangers, y compris français Ces usines forment des Japonais aux nouvelles techniques et à la gestion des usines Les zaibatsu Ces entreprises industrielles vont prendre la forme de zaibatsu pendant les années 1880 (des groupes qui sont présents dans presque tous les secteurs de l'économie et qui contrôlent l’économie japonaise) Les zaibatsu apparaissent à cause des politiques financières du gouvernement japonais – Pendant les années 1880, le gouvernement japonais se lance dans une politique d’austérité sous la direction de Masayoshi Matsukata – Objectif : résoudre les gros problèmes financiers de l’État japonais Subsides offerts aux samurais; ensuite transformation en obligations La réduction des subsides donne lieu à des rébellions de samurais (dans l’ouest du Japon, 1877) Augmentation des dépenses militaires pour écraser ces révoltes Aussi fortes dépenses pour industrialiser le pays et construire des voies de chemin de fer Les zaibatsu Pour résoudre ces problèmes financiers, Matsukata décide de réduire les dépenses du gouvernement de façon drastique et de vendre les entreprises possédée par l’État (plutôt que d’emprunter des fonds aux pays occidentaux qui risquent d’en profiter pour coloniser le Japon, comme ils l’ont fait pour l’Égypte). Dans un premier temps, le gouvernement se défait de l’entreprise de fret maritime, qui est déficitaire, et donne trente de ses navires à Yataro Iwasaki – un samurai de fraîche date, ancien fonctionnaire du fief de Tosa (un fief de l’Ouest) – a fondé l’entreprise Mitsubishi (une entreprise de fret maritime) en reprenant des actifs du fief de Tosa en 1873 – proche du gouvernement : l’a aidé à écraser la révolte des samurais de Satsuma en 1877 Les zaibatsu Matsukata décide ensuite de privatiser les entreprises industrielles possédées par l’État – Il vend les entreprises et les usines possédées par le gouvernement, souvent à des prix relativement bas – Entreprises rachetées par des samurais avec les obligations qu’ils ont reçues du gouvernement et par d’anciennes maisons commerciales qui existaient avant l’ère Meiji (comme la maison Mitsui) Sur la base de ces dons et achats, les nouveaux propriétaires (Iwasaki, la famille Mitsui et d’autres hommes d’affaires) vont constituer des zaibatsu – Entreprises très diversifiées; beaucoup plus diversifiées que les grandes entreprises américaines, britanniques et françaises – Composés d’entreprises industrielles (textile ; mais aussi construction navale, industrie chimique et sidérurgie), de mines, d’une banque qui finance ces différentes entreprises et d’une société d’import-export – Une stratégie de réduction des risques (objectif : la stabilité) Les zaibatsu Huit zaibatsu apparaissent avant le première guerre mondiale (dont les plus grands sont Mitsui, Mitsubishi, Sumitono et Yasuda). D’autres zaibatsu se constituent pendant les années 1920 et 1930 avec l’appui du gouvernement pour développer les industries utiles à l’armée (industries lourdes, automobile, aéronautique). Ex : Nissan. Pendant les années 1920 et 1930, les zaibatsu contrôlent les mines, la construction navale, les banques, l’industrie et le commerce international du Japon. Ils représentent plus d’un tiers du PNB du Japon ; très influents politiquement Mitsui Mitsui, une vieille entreprise de négoce, se range au côté du nouveau gouvernement au début de l’ère Meiji et en bénéficie considérablement – Pendant les années 1870 et 1880, l’entreprise s’occupe des finances de l’État japonais, ce qui lui permet d’investir beaucoup dans l’industrie Le succès de Mitsui doit aussi beaucoup à la qualité de ses dirigeants – En 1891, Mitsui engage Hikojiro Nakamigawa comme vice-président de sa banque (un entrepreneur actif dans la presse et les chemins de fer pendant les années 1880) ; il devient rapidement le président de la banque et de tout le zaibatsu – Il centralise la gestion du zaibatsu ; création d’un conseil d’administration – Il crée des filiales (l’entreprise d’import-export, l’entreprise minière et l’entreprise de textiles) – Il achète des entreprises industrielles (charbon, soie, papier….) et sociétés d’ingénierie…. – Il engage des diplômés des universités (surtout Keio) pour gérer les différentes activités du zaibatsu Mitsubishi Zaibatsu créé par Yataro Iwasaki (l’ancien fonctionnaire du domaine de Tosa qui reçoit 30 navires du gouvernement) Une entreprise nationaliste – Renforcer le Japon et le rendre indépendant des entreprises de fret maritime occidentales – La plupart des employés sont d’anciens samurais. À la fin des années 1870, contrôle 73% des transports maritimes au Japon (bénéficie d’une subvention) Se diversifie très tôt dans des activités connexes. Dans les années 1870 : entrepôts, assurance, construction navale, mines de charbon et de cuivre Une entreprise dirigée du centre par Iwasaki. Meurt en 1888 Mitsubishi Koyata Iwasaki (son neveu) devient VP au début du 20ème siècle – Crée des divisions autonomes – Chaque division peut faire ses propres investissements, gère son propre personnel, établit ses propres procédures – Le siège coordonne le travail des divisions et planifie l’avenir de l’entreprise – Développement d’une hiérarchie managériale Président en 1916 – Transformation des divisions en sociétés par action (contrôlées par le siège qui devient une holding) – Vente d’actions des filiales pour diversifier encore plus le zaibatsu : sidérurgie, chimie, mines, aéronautique (production des zéros), industrie électrique – Crée une grande banque et Mitsubishi Shoji Les sogo shosha Une autre particularité de l’économie Japonaise : les sogo shosha, des entreprises d’import-export Créées à l’origine pour concurrencer les sociétés occidentales de négoce qui étaient présentes au Japon Beaucoup de sogo shosha font partie des zaibatsu (pas toutes) – Par exemple : Mitsui Bussan et Mitsubishi Shoji qui s’occupent du négoce international pour leurs zaibatsu Mais ces sogo shosha ont aussi d’autres fonctions – Source d’informations sur les techniques et le monde des affaires à l’étranger – Source de savoirs et savoir-faire en gestion – Source de capitaux qui vont financer l’industrialisation Croissance rapide : présentes en Europe, aux États-Unis et partout en Asie Certaines font du négoce entre pays autres que le Japon Les sogo shosha Mitsui Bussan et Mitsubishi Shoji deviennent les plus grandes entreprises d’import-export au Japon Mitsui Bussan joue un rôle important dans la croissance économique du pays – Importe des machines et du coton pour les entreprises textiles – Ouvre des marchés en Asie pour les tissus en coton japonais (entre 1907 et 1910, Mitsui Bussan gère la moitié des exportations de textiles japonais). – Investit dans de nouvelles entreprises (par exemple en 1940, Mitsui Bussan a des participations dans 253 entreprises actives dans 14 industries différentes – faisant de tout, des textiles synthétiques au raffinage du sucre) Mitsubishi Shoji (un sogo shosha plus récent) – créé en 1918 ; débute avec 900 employés – Croît très vite dans six secteurs d’activités : les métaux, les machines, le pétrole, les engrais, les produits agricoles et la pêche – En 1937, a 6500 employés et des bureaux dans le monde entier Conclusion Les zaibatsu : une forme d’organisation différente des réseaux de sous-traitants/districts industriels en Grande Bretagne et des très grandes entreprises américaines à la même époque – Présentes dans de nombreux domaines d’activité – Mais les entreprises qui font partie de chaque zaibatsu sont relativement petites – Succès par l’exploitation des économies d’envergure – Offrent des services financiers, des assurances, des services de marketing, une capacité de transport à ces entreprises – Les zaibatsu rivalisent avec les entreprises occidentales Conclusion La croissance de l’industrie et des zaibatsu permet au Japon de se transformer en grande puissance – Abrogation des traités inégaux en 1899 (pleine souveraineté) – Se lance dans la colonisation de ses voisins après deux guerres avec la Chine et la Russie (Taiwan, Corée, Mandchourie) Le destin des zaibatsu est lié à celui de l’empire japonais Ils disparaissent avec l’occupation du Japon par l’armée américaine à partir de 1945 L’apparition des entreprises multi-divisionnaires 10 octobre 2024 L’entre-deux-guerres Une période caractérisée par deux crises économiques – 1920-1921 – la grande crise de 1929 (25% de chômage et baisse de 50% de la production industrielle aux États-Unis) Mais aussi prospérité aux États-Unis pendant les années 1920 – Apparition de la société de consommation Une période d’innovation dans le management et l’organisation des entreprises – Le management décentralisé/entreprise multi- divisionnaire – Innovation managériale très étudiée par Alfred Chandler Crise des grandes entreprises L’entreprise multi-divisionnaire : une forme organisationnelle, qui apparait aux États-Unis, va être reprise en Grande Bretagne et connaitra un succès fulgurant en Amérique, en Europe et au Japon après la seconde guerre mondiale. Une réponse aux problèmes de gestion des grandes entreprises qui sont apparues à la fin du 19e siècle aux États-Unis – Des entreprises très centralisées ; organisées de façon fonctionnelle – Les dirigeants et les comités travaillant avec eux n’arrivent plus à les contrôler de façon effective (trop de décisions de détail), à planifier leur avenir et à coordonner leurs différentes activités – Difficile aussi d’identifier les activités non rentables et de résoudre les problèmes associés à ces activités – Ce qui contribue aux problèmes financiers des entreprises pendant la crise de 1920 et 1921. Beaucoup de grandes entreprises sont proches de la faillite : Ford, General Motors, DuPont, Goodyear, Armour Meats, Sears Roebuck… La structure multi-divisionnaire Pour résoudre ces problèmes : développement d’une nouvelle forme organisationnelle Caractérisée par une division des responsabilités – Le siège se focalise sur les problèmes à l’échelle de toute l’entreprise et coordonne le travail des différentes divisions – Les décisions de tous les jours : déléguées aux dirigeants des divisions. Ces dirigeants sont responsables des résultats financiers de leurs divisions – Divisions : organisées autour d’une ligne de produits ou une région ; elles intègrent toutes les fonctions (conception des produits, production, marketing et vente) ; contrôlent leurs propres fonctions – Une structure à la fois centralisée et décentralisée Cette innovation apparait chez DuPont et General Motors (une entreprise contrôlée par la famille DuPont à partir de 1920) General Motors William Durant crée General Motors. Intégration horizontale : achat de plus de vingt entreprises automobiles (le modèle est celui du trust) Il prend toutes les décisions (pour toutes ces entreprises) – Impossible de le faire pour une entreprise de cette taille. – Résultat : beaucoup de décisions ne sont pas prises. Impossible de planifier pour l’avenir. Résultat : grave crise en 1920, quand la demande pour les voitures chute Durant est forcé de quitter l’entreprise. Il est remplacé par Pierre DuPont, qui avait acheté 29% des actions de General Motors en 1919 (la famille DuPont contrôle DuPont, un grande entreprise chimique) General Motors Pierre DuPont fait appel à Alfred Sloan, qui réorganise l’entreprise – Un ingénieur électricien, ancien élève du MIT – Le dirigeant d’une entreprise achetée par Durant – Un grand actionnaire de la General Motors – Il dirige l’activité pièces détachées de General Motors Sloan et la gestion décentralisée Il crée des divisions qui ont beaucoup d’autonomie (chaque division est associée à une ligne de produits ; a ses propres bureaux d’études, usines et forces de vente) et des groupes de divisions (pièces détachées, voitures et camions, export, autres activités comme les frigidaires) Création d’un siège important, qui surveille les divisions et coordonne leurs activités Des équipes très étoffées avec des juristes, des financiers et des statisticiens Demande aux divisions et groupes des rapports sur la production tous les 10 jours et tous les mois Demande aux concessionnaires des rapports tous les 10 jours (ce qui permet de prévoir l’évolution du marché) Constitution de comités inter-divisionnaires pour faire travailler ensemble groupes et divisions (par exemple un comité technique qui cherche des solutions aux problèmes techniques communs à toutes les divisions) Sloan et la gestion décentralisée Sloan et la gestion décentralisée Un système qui marche très bien – 12,7% du marché américain pour les voitures en 1921 – 32,3% du marché en 1929 – 41,8% du marché en 1937 General Motors survit à la crise de 1929 et surtout ne perd pas d’argent, même si ses ventes chutent des deux tiers entre 1929 et 1932 Une structure organisationnelle qui reste quasiment inchangée à General Motors jusque dans les années 1970 Adoption des innovations managériales Plus une entreprise est diversifiée (à la fois pour les produits et les marchés), plus il est probable qu’elle adoptera la forme multi- divisionnaire DuPont en même temps que GM; puis Monsanto, Hercules pendant les années 1930 Westinghouse (1934) International Harvester (1943) Ford et Chrysler juste DuPont, 1921 après la guerre Imperial Chemical Industries Première entreprise non-américaine à adopter la structure multi- divisionnaire Une entreprise créée en 1926 Elle fusionne plusieurs entreprises chimiques en Grande Bretagne – Réponse à la concurrence allemande et américaine dans le secteur Tout d’abord gérée de façon centralisée Mais il s’avère très rapidement que l’entreprise est trop grande et complexe (beaucoup de produits et marchés) pour être gérée de cette façon Décentralisation sur le modèle de General Motors et de DuPont à la fin des années 1920 et au début des années 1930 – Huit divisions (huit lignes de produits) – Un siège central qui prend les décisions stratégiques Conclusion Une structure largement adoptée après la seconde guerre mondiale en Amérique et en Europe C’est une forme d’organisation qui est bien adaptée aux problèmes des grandes entreprises au milieu du 20e siècle, mais qui pose problème à partir des années 1970 – Introduction de beaucoup de couches de management – Les entreprises s’ossifient et réagissent lentement aux changements dans les marchés (alors que les marchés se mondialisent et changent de plus en plus vite pendant les années 1970 et 1980). – Beaucoup de financiers dans les sièges ; le résultat : les entreprises s’intéressent de plus en plus aux résultats financiers sur le court terme et oublient le long terme – Autre dérive : les cadres du siège comprennent de moins en moins la production et les problèmes des usines Les entreprises pendant les trente glorieuses 17 octobre 2024 Plan La croissance économique Les entreprises aux États-Unis : multinationales et conglomérats Les entreprises en Grande-Bretagne : résister à la concurrence américaine Les entreprises en France : le triomphe du Fordisme Les entreprises au Japon : innovations organisationnelles Les trente glorieuses Nouvelles institutions pour reconstruire l’économie mondiale et développer le commerce international (moribond en 1945) – Accord de Bretton Woods, 1944 (FMI, banque mondiale) afin de stabiliser les taux de changes ; et financer la croissance économique – General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), 1947 – afin de réduire les frais de douane et relancer le commerce international (il augmente de 7% par an de 1945 à 1970) Aide économique des États-Unis (plan Marshall et commandes aux entreprises japonaises pendant la guerre de Corée) Les trente glorieuses Adoption massive de la production de masse et du taylorisme Transferts de techniques américaines (parfois involontaires, notamment vers le Japon) Croissance démographique (baby boom, immigration) Pour certains économistes : un rattrapage économique après les graves crises économiques qu’ont représentées les deux guerres mondiales et la crise de 1929 (croissance de 1% à 1,5% par an à l’échelle du siècle) Les trente glorieuses Forte croissance du monde industrialisé avec néanmoins des différences entre pays (moindre en Grande-Bretagne et aux États- Unis qu’en France et au Japon) – La France et l’Allemagne : + 5,1% par an (la France est la quatrième puissance économique mondiale à partir de 1973) – Japon : + 10% par an Le poids économique des pays industrialisés change – États-Unis : 50% du PNB mondial en 1945 (domination économique écrasante) ; 39% en 1950; 30% en 1970 – Grande Bretagne : 5% en 1950 ; 3,6 % en 1970 – Communauté Européenne + Japon : 12,6 % en 1950 ; 21% en 1970 Les entreprises vont répondre aux opportunités offertes par la croissance économique; elles sont aussi un des moteurs de cette croissance Les entreprises aux États-Unis Un pays particulièrement prospère (il a connu un miracle économique pendant la seconde guerre mondiale) Un pays qui croît encore davantage après la guerre – Années 1950 : le PNB croît de 50% ; le PNB par habitant de 19% – Années 1960 : le PNB croît de 46% ; le PNB par habitant de 29% Les grandes entreprises se diversifient en termes de produits et de marchés (ce qui est souvent le cas pendant une période faste – elles ont beaucoup d’argent à investir) Comme elles se diversifient, elles adoptent de plus en plus la structure multi-divisionnaire inventée à DuPont et General Motors au début des années 1920 – En 1970, 86% des 500 plus grandes entreprises ont 3 divisions ou plus et la très grande majorité d’entre elles ont une structure multi-divisionnaire Elles s’internationalisent aussi (multinationale : entreprise qui produit dans au moins deux pays) Multinationales La réponse des patrons américains aux opportunités qui s’ouvrent à l’étranger – Pas une nouveauté : des multinationales américaines depuis la fin du 19ème siècle – Mais accélération considérable du phénomène après 1945 En 1970, 3500 entreprises américaines ont des filiales à l’étranger Un exemple : International Telephone and Telegraph (ITT) a 200000 salariés en Europe en 1970. La septième plus grande entreprise en Europe Conglomérats Des entreprises extrêmement diversifiées, qui apparaissent pendant les années 1950 et 1960 – Au moins huit divisions – Produisent et vendent des produits ou services qui n’ont rien à voir les uns avec les autres En 1966 : 46 des 500 plus grandes entreprises industrielles aux États-Unis sont des conglomérats Litton Industries (électronique militaire, informatique, construction navale, machines à écrire, ameublement, chaîne de restaurants). En tout 28 divisions ! ITT (télécommunications, hôtels, location de voitures, production de verre, construction de maisons….) Gestion uniquement financière Le modèle américain Missions de productivité dans les entreprises et les usines américaines (organisées par les États et les organisations patronales, souvent avec des financements américains) – En France, envoi de 2700 personnes aux États-Unis, dont 45% de chefs d’entreprises et de cadres (aussi des ouvriers) afin d’étudier les pratiques industrielles et les méthodes de gestion à la fin des années 1940 et au début des années 1950 Création d’écoles de commerce sur le modèle américain qui diffusent les techniques de gestion américaines (marketing, outils de gestion) – IAE d’Aix (1955) Le modèle américain Écoles de commerce à l’américaine – INSEAD (1957) – créée par un Français installé à Boston, George Doriot, capital risqueur et professeur à la Harvard Business School – Création (1968) d’une nouvelle université spécialisée dans la gestion : Dauphine Les cabinets de conseil diffusent les techniques de gestion américaines en Europe – McKinsey ouvre son premier bureau à Paris en 1964 (clients : Pechiney, Lafarge, Total…) – Ces cabinets de conseil vendent la gestion à l’américaine – par exemple le marketing et la structure multi-divisionnaire Les entreprises en Grande Bretagne La concurrence des multinationales américaines – Le marché britannique est le premier marché étranger auquel les entreprises américaines s’attaquent (même langue ; système juridique similaire) – 43 entreprises américaines ont des filiales en Grande Bretagne en 1907, 222 en 1935 et 493 en 1962 – une invasion ! – En 1962, les multinationales américaines contrôlent plus de 50% du marché britannique pour les voitures, les aspirateurs, les rasoirs, les machines à coudre et les machines à écrire – Entre 30 et 50% du marché pour les ordinateurs, les pneus, les réfrigérateurs et les machines à laver Les entreprises en Grande Bretagne Les entreprises britanniques sont de plus en plus concurrencées par les américains sur les marchés étrangers – Perte des marchés dans les colonies, quand ces colonies deviennent indépendantes – Les entreprises britanniques sont moins concurrentielles sur d’autres marchés – la Grande Bretagne à l’origine de 22 % des exportations de produits manufacturés dans le monde en 1952 ; mais seulement 11% en 1969 Réponse à la concurrence américaine Les entreprises fusionnent pendant les années 1950 et les années 1960 (comme ICI pendant l’entre-deux- guerres) Le gouvernement britannique encourage cette vague de fusions, l’objectif étant de rendre les entreprises britanniques plus concurrentielles sur les marchés nationaux et internationaux Stratégie du champion national (utilisée dans d’autres pays européens) - British Aerospace et British Steel par exemple Réponse à la concurrence américaine Résultat : de plus en plus de grandes entreprises en Grande Bretagne – En 1972, 30 entreprises britanniques emploient plus de 40000 personnes, soit plus qu’en France ou en Allemagne (89 entreprises de ce type aux États-Unis) – Des 200 plus grandes entreprises dans le monde (hors États-Unis) en 1969, un cinquième est britannique – Des 300 plus grandes entreprises en Europe occidentale en 1969, un tiers est britannique Diversification et gestion décentralisée Ces entreprises vont aussi se diversifier et décentraliser leur gestion (comme aux États-Unis) – Certaines se développent à l’interne ; elles suivent l’évolution de leurs technologies (matériel électrique, électronique, pharmaceutique…) – D’autres vont acheter d’autres entreprises afin de se positionner dans des industries à forte croissance et réduire leur dépendance à des secteurs dans lesquels la concurrence est de plus en plus vive Un exemple de croissance interne : British Oxygen Company, qui avait un monopole en GB sur les gaz industriels pendant l’entre- deux-guerres – Dans l’après-guerre se lance dans les résines – Les techniques du vide Diversification et gestion décentralisée Exemple de croissance par acquisition : Unilever – Entreprise issue de la fusion en 1929 entre une entreprise britannique produisant des savons et une entreprise hollandaise faisant de la margarine – Diversification dans les détergents, les surgelés, les soupes, les plats déshydratés, le thé, les confitures, le café et les produits laitiers Adoption généralisée de la structure multi-divisionnaire Le déclin des entreprises petites et moyennes et