Le Plan Flexible, Dom-ino, Citrohan et la Weissenhofsiedlung de Stuttgart (1927) PDF
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Cet ouvrage analyse le plan flexible, Dom-ino, Citrohan et la Weissenhofsiedlung de Stuttgart en 1927. Il explore des approches novatrices en matière d'architecture et de conception urbaine.
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7 LE PLAN FLEXIBLE, LE DOM-INO, LE CITROHAN. LA WEISSENHOFSIEDLUNG DE STUTTGART (1927) 82 LE PLAN FLEXIBLE « D e nos jours, les expositions ne sont justifié es que si elles réalisent une liai- son intim...
7 LE PLAN FLEXIBLE, LE DOM-INO, LE CITROHAN. LA WEISSENHOFSIEDLUNG DE STUTTGART (1927) 82 LE PLAN FLEXIBLE « D e nos jours, les expositions ne sont justifié es que si elles réalisent une liai- son intim e avec la vie. A Stuttgart, on s’est efforcé de cré er avant tout une cité qui est déjà habité e. La signification de l’exposition du « Werkbund » se résum e par les mots suivants : trouver les moyens pour re m édier à la pénurie des loge- m ents » S. Giedion, « La leçon de l’exposition du « W erkbund » à Stuttgart 1927 », L’Architecture Vivante , 1928, p. 37. A la fin des années 1920, la question du loge m ent fait l’objet de recherches e x p éri m e ntales d a ns le d o m ain e d e l’in n ov atio n. E n p arallèle à la co nstructio n d e Sie dlu n g e n ratio n n elles se m ette nt ainsi e n place d es cités-expositions, véritables dé m onstrations grandeur nature de m odèles sta n d ard p o ur le lo g e m e nt d e m asse. Par m i ces m a nifestatio ns, la plus cité e est certain e m e nt la Weisse n h ofsie dlu n g – é vo q u é e p ar l’historie n suisse Sigfrie d G ie dio n – co nstruite e n 1927 à Stuttgart, so us l’é gid e d u Werkb u n d alle m an d et d o nt la directio n artistiq ue est co nfiée à M ies van der Rohe. Le problème de l’habitation nouvelle Se distin g uant de plusieurs autres architectes co ncernés par la co nstruc- tion de loge m ents de m asse, qui ont pour la plupart une approche m atéria- liste et q u a ntitati v e d e la q u estio n, M ies co nsid ère q u e le pro blè m e d u loge m ent est plutôt d’ordre spirituel. Alors qu’en 1924, il défendait encore avec conviction l’influence de l’industrialisation de la construction dans la résolutio n d es q u estio ns sociales, éco n o m iq u es et artistiq u es, so n dis- co urs s’infléchit e n 1927, se rece ntra nt plutôt sur u n e visio n id é aliste d e l’architecture et, plus particulière m ent, de la question du loge m ent : « Il n'est pas tout à fait inutile de souligner aujourd'hui que le problè m e du loge- m ent nouveau est un problè m e architectural, malgré ses aspects techniques et é cono miqu e s. C o m m e c’ e st un problè m e co m plexe , s e ule s le s forc e s cré a- trices peuvent le résoudre, et non les calculs ou les m esures d’organisation. En d é pit d e tous le s m ots d’ordre d e "rationalisation" e t d e "standardisation" e n usage aujourd’hui, c’est cette conviction qui m’a poussé à placer les thè m es proposés par l’exposition de Stuttgart au-dessus de l’état d’esprit unilatéral et doctrinaire ambiant. » L. Mies van der Rohe, préface à Bau und Wohnung , D eutscher Werkbund, Stuttgart, 1927, cité par F. N eum eyer, Mies van der Rohe – Réflexions sur l’art de bâtir, Le M oniteur, Paris, 1996, p. 261. Cette ouverture a certaine m ent contribué au succès de l’expérience de la Weisse n h ofsie dlu n g – m algré les critiq u es q u’elle a suscité es et sur les- q u elles n o us re vie n dro ns – et a u fait q u’elle ait été sui vie d’a utres cités- expositions à Brno (1928), à Breslau (1929), à Vienne (1930), à Bâle (1931) et à Prague (1932). 83 LE PLAN FLEXIBLE Une forme de quartier inhabituelle Le ch oix d e co nfier à M ies la directio n d es o p ératio ns d e la Weissenhofsiedlung est davantage lié à sa reno m m ée de protagoniste de la m odernité et de l’avant-garde architecturale qu’à une réelle expérience dans le do m aine du loge m ent. En effet, il n’a jusque-là réalisé qu’une seule o p ératio n d e lo g e m e nts collectifs, à la A frik a nisch estrasse à B erlin, e n 1925. Cette situation « en m arge » lui perm et néan m oins de se distancer de l’orthodoxie du Zeilenbau. E n effet, d a ns la pre m ière m a q u ette d’étu d e prése ntée p ar M ies e n 1925 « le groupe m ent peu dense des m asses bâties et leur plasticism e cubique soulignent le paysage naturel. Reliées par des terrasses, elles form ent une sorte d e sculpture d e terrain. Le résultat est u n e nse m ble urb ain d o nt la distribution équilibrée des volu m es fait plus penser aux villages m éditerra- néens qu’à des cellules standardisées et rationalisées. » (F. N eu m eyer, Mies van der Rohe – Réflexions sur l’art de bâtir , op. cit., pp. 158-159) La partie supérieure du terrain est ponctuée par l’im m euble haut de M ies q ui d o m in e u n ense m ble d e m aiso ns co ntig u ës et in di vid u elles, étag ées d a ns la p e nte to ut e n é p o usa nt les co nto urs d u terrain. M ies attrib u e à B e hre ns (so n a ncie n m aître) et à Le C orb usier les p arcelles les m ie u x situées, qui déli mitent les extré mités du secteur. Les autres lots sont pris en charge par une série d’architectes invités, alle m ands et étrangers, sans autres contraintes que celles touchant à la hauteur et à la form e des bâti- m ents – d e préférence cu biq u e av ec toit plat – et au x co uleurs, d e préfé- rence pâles, de façon à garantir l’unité de l’ense m ble. 84 LE PLAN FLEXIBLE 85 LE PLAN FLEXIBLE L’immeuble de Mies au Weissenhof : besoins différenciés et flexibilité Po ur G ie dio n « M ies v a n d er Ro h e d o m in e la cité d e « Weisse n h of » p ar son bloc d’habitation : c’est l’ossature m étallique (…) qui perm et de suppri- m er les m urs fixes à l’extérieur et à l’intérieur (…) Les p arois intérieures p e u v e nt être disp osé es libre m e nt a u gré d u locataire q ui n’a ura à te nir co m pte que des larges rangées de fenêtres.» (S. Giedion, « La leçon de l’expo- sition du « Werkbund » à Stuttgart 1927 », op. cit., p. 41). « D es raisons économiques exigent aujourd’hui la rationalisation et la standardi- sation des im m eubles locatifs. Or la différenciation toujours croissante de nos b e soins e n m atière d e log e m e nt exig e d’un autre côt é la plus grand e lib ert é d’utilisation possible. A l’avenir, il sera nécessaire de tenir compte de ces deux exigences. Le bâtim ent à ossature est le systè m e de construction qui y répond le mieux. Il perm et une conception rationnelle qui laisse entière m ent libre l’or- ganisation intérieure de l’espace. Si on n’am énage de manière fixe que la cuisi- ne et la salle de bains, à cause de leur équipe m ent spécifique, et si on décide d e divis er la surfac e habitable re stant e ave c d e s cloisons m obile s, je p e ns e qu’on pourra répondre à toutes les exigences en matière de loge m ent. » L. M ies van der Rohe, « Au sujet de mon im m euble » in Bau und Wohnung , D eutscher W erkbund, Stuttgart, 1927 cité par F. N eum eyer, M ies van der Roh – Réflexions sur l’art de bâtir, op. cit., p. 263. Le potentiel d’utilisation différenciée de l’im m euble de Mies a été testé par un groupe d’architectes suisses, parmi lesquels figurent Haefeli, M oser et Steiger. Chaque étage de la dernière travée de l’im m euble a été ainsi a m é- n a g é d e faço n distincte – « to us les a p p arte m e nts d e v aie nt a voir ceci e n co m m u n : u n e gra n d e pièce d’h a bitatio n, la su p pressio n d e to ute a nti- cha m bre et u ne corresp o n dance de la cha m bre à co ucher avec la gran de pièce d’habitation » – selon des principes propres au loge m ent minim u m et en référence à l’a m énage m ent des wagons-lits et autres. 86 LE PLAN FLEXIBLE 87 LE PLAN FLEXIBLE LE C O RB USIER : D O M-IN O ET CITRO H A N Pour sa part, Le Corbusier va profiter de son invitation à l’exposition pour faire une pre mière publication sur les « cinq points » et, d’autre part, pour faire la d é m o nstratio n d e l’efficacité d e d e u x princip es d e co nstructio n qu’il assimile à « un systè m e de structure » : le Do m-ino, conçu en 1914 et le Citrohan. Dom-ino Selo n Le C orb usier, le D o m-in o a v ait d éjà été i m a gin é d a ns les a n n é es 1910 : « L'intuitio n agit par éclairs inatten d us. Voici en 1914 la co nceptio n pure et totale de tout un systè m e de construire, envisageant tous les pro- blè m es qui vont naître à la suite de la guerre et que le m o m ent présent a m is à l'actualité (...). O n a d o nc co nçu u n systè m e de structure-ossature, co m plète m e nt in d é p e n d a nt d es fo nctio ns d u pla n d e la m aiso n : cette ossature porte sim ple m ent les planchers et l'escalier. Elle est fabriquée en élé m ents standard, co m binables les uns avec les autres, ce qui perm et une grande diversité dans le groupe m ent des m aisons. » (Le Corbusier, O.C. 1910- 29 , p. 23) La m aison double au Weissenhof est une application du systè m e Do m-ino : d es d alles h orizo ntales su p erp osées, p ortées p ar u n e ossature – d ans ce cas e n m étal –, les ca g es d’escalier éta nt situ é es e n saillie à l’arrière d u bâti m ent. D’autre part, elle est aussi u ne ap plicatio n des « cin q p oints » : pilotis apparents au rez-de-chaussée surélevé, toit-jardin, façade libre, une fenêtre horizontale qui fait toute la longueur de la façade, affirm ant la fron- talité du bâtim ent et cadrant le paysage, et enfin le plan libre. En ce dernier point, le plan libre, réside un des enjeux m ajeurs de la m ai- so n d o u ble : la fle xibilité d’a m é n a g e m e nt, la m ê m e surface p o u v a nt se tra nsfor m er successi v e m e nt e n esp ace d e jo ur o u d e n uit. E n effet, « d e jour, le sleeping devenait wagon-salon », par un systè m e de portes coulis- santes retenues par des poteaux doubles en m étal, et par la présence, au fond de chaque cha m bre à coucher d’une « construction spéciale et écono- m iq u e d e ci m e nt ar m é, p er m etta nt d’éclipser le lit, et fo urnissa nt d es arm oires calculées exacte m ent pour offrir à chaque occupant d’une cellule, la penderie à vête m ents, les rayons pour linge de corps et de literie, pour chapeaux, chaussures, etc… » (Le Corbusier, « La signification de la cité-jardin du Weissenhof à Stuttgart » in L’Architecture Vivante , 1928, p. 13) Les m aisons de Le Corbusier ont été très critiquées (à ce propos Ernst M ay s’interroge : « M ais qui peut habiter ces m aisons ? ») nota m m ent à cause d e certains disp ositifs q ui n e co nv e n aie nt p as a u x pratiq u es co ura ntes d’u n e fa m ille alle m a n d e, co m m e la larg e ur restreinte d es co uloirs, les a m énage m ents d’u ne m ê m e pièce en « jo ur » o u « n uit » – co m m e n o us v e n o ns d e le voir – o u e ncore le d éfa ut d’inti m ité lié à l’o u v erture d e la salle d e b ain sur l’esp ace d e la ch a m bre à co uch er d es p are nts, d a ns la m aison inspirée du systè m e Citrohan. 88 LE PLAN FLEXIBLE 89 LE PLAN FLEXIBLE Citrohan « Simplification des sources lumineuses : une seule grande baie à chaque extré- mité; deux murs portants latéraux; un toit plat dessus; une véritable boîte qui peut être utile m ent une maison. O n songe à construire cette maison dans n'im- porte quelle région du pays; les deux murs seront donc soit en briques, soit en pierre s, soit e n agglo m éré s m açonn é s par le m argoulin d e l'e ndroit. S e ule la coupe révèle la structure des planchers standardisés suivant une formule très claire du cim ent arm é (…) M aison en série "Citrohan" (pour ne pas dire Citroën). Autre m e nt dit, un e m aison co m m e un e auto, conçu e e t ag e nc é e co m m e un omnibus ou une cabine de navire (...). » Le Corbusier, O.C. 1910-29 , pp. 31 et 45 La m aiso n Citro h an, co nçu e en 1920, se différencie d u systè m e D o m-in o par le fait que, spatiale m ent, elle est orientée, définie par deux m urs laté- ra u x. L’orga nisatio n intern e se fait ainsi selo n u n princip e d e distinctio n entre l’avant, constitué par une salle en double hauteur prolongée en m ez- zanine par un boudoir ouvert sur l’espace principal, et l’arrière où se super- posent la cuisine et la cha m bre de bonne (au rez-de-chaussée), la cha m bre d es p arents a v ec sa salle d e b ains (au 1er étag e) et les ch a m bres d’a m is (en attique). Les étages sont reliés par un escalier extérieur, adjacent à un des m urs. « Cette pre mière petite m aison à « toit-jardin » et à structure de série » présente ainsi deux façades contrastées, d’un côté un grand pan de verre qui dénote la double hauteur du salon, et de l’autre des fenêtres hori- zontales correspondant à l’e m pilage des étages. A Francfort, co m m e l’a claire m ent dé m ontré Bruno Reichlin, l’application d u princip e d e la m aiso n Citro h a n et d es « cin q p oints » v a d e p air a v ec l’a d o ptio n d’u n a utre princip e, to ut a ussi i m p orta nt : « la fe n être e n ta nt qu’élé m ent m écanique-type de la m aison ». Le Corbusier insiste ainsi sur la standardisation des élé m ents de construction et, dans ce cas particulier, sur une co m position des ouvertures de façade qui découle de la variation o bte n u e à p artir d’u n m o d ule d e b ase. Le pla n libre est su b ord o n n é a u x élé m e nts d e fe n être, les p arois intern es d e v a nt coïncid er a v ec les m eneaux des fenêtres. (B. Reichlin, « The single-fa mily d w elling of Le Corbusier and Pierre Jeanneret at the Weissenhof » in C. Palazzolo, R. Vio (éd.), In the Footsteps of Le Corbusier , Rizzoli, N e w York, 1991, p. 43) 90 LE PLAN FLEXIBLE 91 LE PLAN FLEXIBLE 92 LE PLAN FLEXIBLE Bibliographie Ecrits sur la Weissenhosiedlung S. Giedion, «La leçon de l’exposition du «Werkbund» à Stuttgart, 1927», L’Architecture vivante , 1928. Le Corbusier, «La Signification de la cité-jardin du Weissenhof à Stuttgart», L’Architecture vivante , 1928. F. Irace, «La G ermania di Le Corbusier : 1910-1933» in C Blasi, G. Pedoraro, Le Corbusier – la progettazione como mute m ento , M azzotta Editori, 1986. E. Gregh, «The Dom-ino Idea», O ppositions , no 15-16, 1979. R. Pom m er, C. O tto, Weissenhof 1927 and the M odern M ove m ent In Architecture , The University of Chicago Press, Chicago et Londres, 1991. 93