Recommandations de bonnes pratiques professionnelles PDF
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2008
Didier Charlanne
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Summary
Ce document présente des recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour les professionnels du secteur social et médico-social, en insistant sur l'importance d'un projet personnalisé pour chaque personne. Il met l'accent sur l'écoute et la participation active des personnes accompagnées, et souligne l'importance d'un processus de co-construction pour la réussite des projets.
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Recommandations de bonnes pratiques professionnelles Les attentes de la personne et le projet personnalisé Ce document a reçu l’avis favorable du Comité d’orientation stratégique et du Conseil scientifique de l’Anesm. Décembre 2008 Les attentes de la personne et le p...
Recommandations de bonnes pratiques professionnelles Les attentes de la personne et le projet personnalisé Ce document a reçu l’avis favorable du Comité d’orientation stratégique et du Conseil scientifique de l’Anesm. Décembre 2008 Les attentes de la personne et le projet personnalisé La vision portée par le législateur dans différents textes insérés au code de l’action sociale conduit les personnes destinataires des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux à participer à leur propre projet. Ces personnes sont, pour la plupart, en situation de vulnérabilité lors de leur rencontre avec les professionnels. Ces derniers doivent donc être à leur écoute pour rechercher, susciter, et accompagner cette participation afin qu’elle soit effective. Chaque personne accompagnée a des attentes et des besoins singuliers, que le professionnel s’emploie à intégrer dans le projet. Le processus à mobiliser pour cela – véritable apprentissage d’une co-construction patiente entre la personne et l’accompagnant – représente la meilleure réponse que peuvent apporter les professionnels face au risque d’une approche standardisée qui s’opposerait à l’objectif de personnalisation. Aussi cette démarche est-elle un facteur-clé pour la réussite des projets. Les travaux préparatoires ont toutefois révélé l’existence de pratiques controversées en la matière, ce qui a conduit l’Agence à adopter la méthode du consensus formalisé. Plus d’une centaine de personnes ont été mobilisées pour produire ces recommandations qui concernent l’ensemble du secteur et viennent soutenir l’objectif des acteurs de terrain : répondre au mieux à la singularité de chaque situation. Cette recommandation propose ainsi aux professionnels des principes, des repères et des modalités pratiques pour associer étroitement les personnes, étape par étape, à la construction de leur projet, à sa mise en œuvre, et enfin à son évaluation. Didier Charlanne Directeur Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 1 Équipe projet de l’Anesm Mireille BERBESSON, chef de projet Maud MOREL, chef de projet junior Patricia MARIE, documentaliste Carole AUBRY, chargée d’études Sous la responsabilité de Claudine PARAYRE, responsable du service Pratiques professionnelles Groupe de pilotage Guillaume BOUSQUIE, directeur des Accueils éducatifs en Val d’Oise La Vie au grand air Jean-Louis GARNIER, responsable de service des tutelles et de médiation familiale, Union départementale des associations familiales (Udaf 37) – Indre-et-Loire Marie-José GAVIGNET, psychologue, association Soutien Dordogne (ASD) – Périgueux Jean-Louis GILLES, administrateur de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), membre du Comité d’orientation stratégique (Cos) de l’Anesm Patrick GUYOT, conseiller technique au Centre régional d’études et d’actions sur les handicaps et inadaptations (Creai Bourgogne) Etienne HERVIEUX, directeur de l’association des Petits frères des pauvres – Île-de-France Bernard HERVY, président du Groupement des animateurs en gérontologie (Gag) – Orly (Val-de-Marne) Line LARTIGUE, chargée de mission « évaluation » à l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una) – Paris Benjamin LILLIER, conseiller technique à l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss) – Languedoc-Roussillon Hélène MARIE, adjointe du département Gestion de la Fédération nationale des associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d’établissements et services pour personnes handicapées mentales (Fegapei) – Paris, membre du Cos de l’Anesm Norbert NAVARRO, directeur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad- Auvergne), administrateur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), membre du Cos de l’Anesm Dominique RAVEL, administrateur – formateur à l’Union nationale des associations de parents et des amis des personnes handicapées mentales (Unapei) Jean-Louis REYNAL, directeur d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) – Dordogne, représentant de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), membre du Cos de l’Anesm Guillaume SCHOTTE, directeur général adjoint de l’association Les papillons blancs de Lille – Nord Léonor SAUVAGE, directrice à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), direction de la PJJ (Bureau des méthodes et de l’action éducatives) – Paris, membre du Cos de l’Anesm Bernard SEGUIER, formateur – chercheur à l’Association internationale de formation et de recherche en instruction spécialisée, santé, social (Aifrisss) – Aquitaine Richard VERCAUTEREN, directeur de l’Institut de gérontologie de l’Ouest, président de l’Institut projet de vie, enseignant au Conservatoire national des arts métiers – Unité de santé publique (Cnam – USP) – Loire-Atlantique 2 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé Groupe de cotation Jean-Yves BARREYRE, sociologue, directeur du Centre d’étude, de documentation, d’information et d’action sociale (Cedias), membre de la délégation de l’Association nationale des centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptée (Ancreai) – Île-de-France Stéphanie BERTRAND, responsable département Développement de la fédération Aide à domicile en milieu rural (ADMR), membre du Cos de l’Anesm Huguette BOISSONNAT-PELSY, administratrice et responsable département santé du mouvement Aide à toute détresse (ATD) – Quart Monde, membre du Cos de l’Anesm Akim BOUDAOUD, psychologue, conseiller technique au Centre régional d’études et d’actions sur les handicaps et les inadaptations (Creahi) – Champagne-Ardenne Georges BRES, éducateur spécialisé en établissement et service d’aide par le travail (Esat), représentant Confédération générale du travail (CGT), membre du Cos de l’Anesm Annie COLETTA, directrice de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Calvados Anne-Valérie DOMMANGET, responsable département Gestion – Évaluation – Financement, Fegapei, membre du Cos de l’Anesm Norbert DUQUET, vice-président du Comité départemental des retraités et personnes âgées (Coderpa) du Doubs Pascale GILBERT, médecin de santé publique à la direction de la Compensation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – Paris Laetitia HOMÉ-IHRY, coordinatrice, association Casa (Collectif d’actions des sans abri) – Vaucluse Fabien HUCHOT, responsable qualité à Seniors Santé – Paris Evelyne MARION, conseiller réseau « Adulte » à l’Association des paralysés de France (APF) Ludovic NICCOLI, chef de service à l’Association départementale pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte (ADSEA 44) – Loire-Atlantique Jean-François PIERRE, ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – direction générale de l’action sociale (DGAS), sous-direction des Âges de la vie – bureau de la Protection des personnes – suivi du dispositif de protection juridique des majeurs – Paris Christel PRADO, administratrice à l’Unapei, Paris Groupe de lecture Catherine BRIAND, DGAS, adjointe au chef de bureau, sous direction Âges de la vie – enfance et Famille Chantal ERAULT, DGAS, chef de bureau, sous direction Personnes handicapées – Vie autonome Anne OUI, attachée principale, chargée de mission auprès de l’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned) – Paris, membre du Cos de l’Anesm Séverine RAGON, responsable du secteur Gestion et organisation établissements sociaux et médico-sociaux à l’Unapei, membre du Cos de l’Anesm Yann ROLLIER, directeur du Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptées – Bretagne, membre du Cos de l’Anesm Olivier WARY, chargé de mission à l’association Carrefour (inclusion sociale) – Moselle Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 3 Présentation générale Sommaire 1. Introduction................................................................................................................... 8 2. La méthode de travail................................................................................................... 8 3. Le contexte et les enjeux............................................................................................. 9 3.1 Le renforcement des droits des usagers........................................................................ 9 3.2 L’évolution de la structuration de l’offre de prestations............................................... 9 3.3 Une confusion sémantique......................................................................................... 10 4. Les objectifs de la recommandation............................................................................ 11 5. Le plan du document..................................................................................................... 11 I.Repères et principes 1. Les repères...................................................................................................................... 14 1.1 Au-delà de l’usager, la personne et ses attentes.......................................................... 14 1.2 Un droit, pas une obligation......................................................................................... 14 1.3 Projet personnalisé et contrat de séjour....................................................................... 14 2. Les principes retenus..................................................................................................... 15 2.1 La co-construction du projet personnalisé est issue d’un dialogue régulier................... 16 2.2 La participation la plus forte de la personne est recherchée......................................... 16 2.3 La dynamique du projet est souple et adaptée au rythme de la personne..................... 17 2.4 L’ensemble des professionnels est concerné par les projets personnalisés..................... 17 2.5 Plus les parties prenantes sont nombreuses, plus il faut veiller à l’expression de la personne............................................................................................................. 17 II.La participation de la personne tout au long de la démarche 1. Les premiers contacts................................................................................................... 20 1.1 Être attentif aux premiers contacts............................................................................. 20 1.2 Réunir les conditions pour l’expression des attentes..................................................... 21 1.3 Utiliser des supports facilitant l’expression des personnes............................................ 21 2. L’analyse de la situation................................................................................................ 21 2.1 Donner à la personne l’information utile...................................................................... 22 2.2 Recueillir les seules informations nécessaires............................................................... 22 4 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé 2.3 Associer la personne au travail de recueil d’informations auprès des partenaires.......... 22 Sommaire 2.4 Solliciter l’entourage de la personne............................................................................. 23 2.5 Repérer les habitudes de vie........................................................................................ 23 2.6 Créer ou adapter des supports pour faciliter la réflexion.............................................. 23 2.7 Faciliter l’expression de la personne............................................................................. 24 2.8 Produire une analyse partagée..................................................................................... 24 2.8.1 En facilitant l’expression de tous les professionnels concernés.............................. 24 2.8.2 En utilisant l’expertise de la personne................................................................. 24 3. La phase de co-construction du projet personnalisé................................................. 25 3.1 Se placer en position de reconnaissance mutuelle........................................................ 25 3.2 Faire émerger des propositions nouvelles..................................................................... 25 3.3 Oser aborder les questions « sensibles »...................................................................... 25 3.4 Intégrer au mieux les habitudes de vie......................................................................... 25 3.5 Encourager des essais.................................................................................................. 26 4. La phase de décision...................................................................................................... 26 4.1 Inviter systématiquement les personnes à participer à la prise de décision.................. 26 4.2 Dégager des objectifs issus du dialogue........................................................................ 26 4.3 Dans les situations encadrées par une décision de justice............................................. 27 4.3.1 Expliquer les décisions de justice prises « dans l’intérêt de la personne »............... 27 4.3.2 Laisser le maximum d’autonomie à la personne................................................... 27 4.4 En cas de déficit de l’offre ou d’une attente prolongée, prévoir des aménagements spécifiques........................................................................ 27 4.5 Repérer des zones de vigilance..................................................................................... 28 5. La mise en œuvre du projet personnalisé.................................................................... 28 5.1 Être attentif à la mise en place..................................................................................... 28 5.2 Encourager un rôle actif des personnes dans la mise en œuvre..................................... 28 5.3 Coordonner le projet et garantir la mise en œuvre....................................................... 28 5.4 Suivre le projet personnalisé........................................................................................ 29 5.5 Accompagner les propositions d’interruption............................................................... 29 6. La co-évaluation du projet personnalisé..................................................................... 30 6.1 Être attentif à la périodicité de l’évaluation.................................................................. 30 6.2 Organiser un cadre facilitant la réflexion de la personne............................................. 30 6.3 Permettre à la personne de formuler ses nouvelles attentes......................................... 31 7. La rédaction du projet personnalisé............................................................................ 31 7.1 Séparer clairement les faits de leur analyse.................................................................. 32 7.2 Écrire dans le respect des personnes............................................................................ 32 7.3 Ne pas transformer le projet en injonction................................................................... 32 7.4 Inviter la personne à conserver un exemplaire du projet personnalisé.......................... 32 Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 5 III.La contribution des projets personnalisés au projet d’établissement Sommaire ou de service 1. Se doter de principes d’intervention communs......................................................... 34 2. Analyser les évaluations des projets personnalisés................................................... 34 3. Utiliser les résultats des enquêtes de satisfaction................................................... 34 4. Mener une réflexion autour des informations........................................................... 35 5. Mobiliser le conseil de la vie sociale........................................................................... 35 Annexes Annexe 1 - Éléments pour l’appropriation de la recommandation.................................. 38 Annexe 2 - Entretiens effectués et sites visités................................................................ 39 Annexe 3 - Bibliographie...................................................................................................... 42 6 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé Présentation générale Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 7 1. Introduction La prise en compte des attentes de la personne dans la démarche de projet personnalisé se réfère directement à la recommandation-cadre de l’Anesm sur la Bientraitance (1) et s’inscrit dans le droit fil des principes de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Cette recommandation de bonnes pratiques professionnelles vise à favoriser l’expression et la participation de l’usager dans la conception et la mise en œuvre du projet qui le concerne. Elle a vocation à éclairer la pratique quotidienne des professionnels et à servir de point d’appui pour le dialogue et les échanges avec les usagers. Elle vise également à interroger l’organisation et le fonctionnement des établissements et services pour favoriser cette dimension de la personnalisation de l’accompagnement. Cette recommandation concerne l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux (CASF, art. L.312-1 et L.313-1-1). Elle nécessite d’être adaptée par chaque équipe professionnelle à la spécificité des situations des personnes accompagnées et aux missions des établissements/services. Elle s’adresse d’abord à l’ensemble des professionnels qui interviennent auprès des personnes accueillies et accompagnées. Elle concerne également les usagers et leurs représentants, et de manière plus globale, l’entourage des usagers. Elle intéresse aussi les organismes gestionnaires quant à leurs orientations et projets institutionnels, et les partenaires (2) concernés par la thématique du projet personnalisé. 2. La méthode de travail La méthode du consensus formalisé a été retenue pour cette recommandation : 1. un groupe de pilotage a produit un projet de recommandation, à l’issue d’une analyse documentaire et d’une étude qualitative réalisées par l’équipe projet de l’Anesm ; 2. cette production a été soumise à un groupe de cotation, qui a donné son avis sur chaque proposition en précisant son degré d’accord ou de désaccord sur une échelle graduée ; 3. en fonction de cette cotation, une seconde version du projet de recommandation a été proposée à un groupe de lecteurs, chargés de vérifier la lisibilité et la cohérence du document. La conformité juridique de ce document a été validée par Me Olivier Poinsot, agissant au nom de la SCP Grandjean. Le projet de recommandation ainsi finalisé a ensuite été soumis aux instances de l’Anesm. Les différents groupes (groupe de pilotage, de cotation, de lecteurs) étaient composés de professionnels, de représentants des usagers et d’autres personnes ressources représentatives du secteur social et médico-social. L’ensemble des travaux a été coordonné par l’équipe projet du service Pratiquesprofessionnelles de l’Anesm. (1) Anesm, La bientraitance :définition et repères pour la mise en œuvre, 2008. Cette recommandation-cadre formule des lignes et principes directeurs pour développer une culture de la bientraitance et constitue un cadre de référence pour les autres recommandations. (2) Les partenaires recouvrent les professionnels externes à l’établissement ou au service. 8 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé 3. Le contexte et les enjeux Les professionnels du secteur ont défini depuis de nombreuses années des principes d’intervention associant les personnes accompagnées aux décisions les concernant. Mais des évolutions sociales et législatives importantes donnent une nouvelle actualité à ce thème : 3.1 Le renforcement des droits des usagers Et plus spécifiquement : le droit à un accompagnement adapté aux spécificités de la personne, à ses aspirations et à ses besoins (y compris de protection), à l’évolution de sa situation (âge, pathologie, parcours, environnement relationnel…), respectant son consentement éclairé (ou, à défaut, celui de son représentant légal) ; le droit d’exercer un choix dans ces prestations adaptées (dans le respect de l’éventuel cadre judiciaire) ; le droit de participation directe de l’usager ou de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui le concerne (3). La personne accueillie et/ou accompagnée peut faire appel à une personne qualifiée pour l’aider à faire valoir ses droits (4). Ces droits, centraux dans la loi n° 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale, sont réaffirmés et complétés dans plusieurs textes législatifs, notamment dans le champ du handicap où le plan personnalisé de compensation prend en considération les besoins et les aspirations formulés par écrit par la personne (et/ou son représentant légal) (5). La réforme de la protection juridique des majeurs propose une gradation de mesures facilitant l’individualisation de la protection, et renforce les droits de la personne protégée. Elle impose une meilleure prise en compte de sa volonté ainsi que de celle de ses proches (6). La réforme de la protection de l’enfance insiste sur l’audition du mineur par le magistrat pour entendre son point de vue, lui expliquer les décisions prises, recueillir si possible son avis et affiner la notion de son « intérêt ». Le rôle des parents et l’accompagnement de la famille dans l’exercice de sa fonction parentale sont renforcés (7). 3.2 L’évolution de la structuration de l’offre de prestations De plus en plus souvent, l’usager accède à des services portés par un réseau d’intervenants et non plus par un seul établissement. Il s’ensuit une difficulté potentielle pour lui à faire entendre son point de vue lorsqu’il s’adresse à des équipes pluridisciplinaires, rattachées à plusieurs établissements ou services. (3) Ce rappel des droits est tiré du code de l’action sociale et des familles (CASF), art. L.311-3, 3° et 7°. (4) CASF, art. L.311-5. (5) Besoins et attentes « exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis » (CASF, art. L. 114-1-1-1). Des repères juridiques autour de la thématique du projet personnalisé figurent sur le site de l’Anesm. (6) Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. (7) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 9 Chaque établissement/service étant tenu d’élaborer un projet par personne accueillie/ accompagnée, celle-ci est susceptible d’avoir plusieurs projets qui la concernent : par exemple, pour une personne handicapée, un projet au sein du foyer qui l’héberge et un projet au sein de l’Esat où elle travaille. Il s’ensuit un risque d’incohérence des interventions, d’incompréhension par la personne et, parfois, d’une suractivité nuisible au confort de vie des personnes. (8) 3.3 Une confusion sémantique Selon les missions de l’établissement/service, le projet qui concerne la personne a différentes appellations : projet éducatif, projet d’insertion, projet personnalisé d’accompagnement, projet individualisé de prise en charge et d’accompagnement... Sur le terrain, ce sont encore d’autres appellations qui peuvent être utilisées : projet individuel, projet individualisé, projet personnalisé d’accompagnement… (9) Le terme de projet d’accueil et d’accompagnement, introduit par la loi du 2 janvier 2002, présente l’intérêt d’être commun à l’ensemble du secteur social et médico-social. Toutefois cette appellation est peu utilisée sur le terrain (10). Le terme de « projet personnalisé » a été retenu dans cette recommandation pour qualifier la démarche de co-construction du projet entre la personne accueillie/ accompagnée (et son représentant légal) et les équipes professionnelles. En effet le terme de « projet personnalisé » : témoigne explicitement de la prise en compte des attentes de la personne (et/ou de son représentant légal) ; englobe la question de l’individualisation. Le projet personnalisé peut s’appuyer sur des activités et prestations individuelles et/ou collectives ; permet d’inclure différents volets plus spécifiques dont il organise l’articulation (volet éducatif, pédagogique, de soins…) ; est déjà largement utilisé sur le terrain ; convient à l’ensemble du secteur social et médico-social ; est celui qui figure dans le cahier des charges de l’évaluation externe (11). (8) Ces difficultés devraient être améliorées pour les personnes âgées ou handicapées compte tenu du rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la mise en place des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (Maia). (9) Cf. repères juridiques sur les différentes notions de projet de la personne, disponibles sur le site de l’Anesm. (10) Peut-être en raison de sa longueur ou parce qu’elle renvoie une vision du projet davantage centrée sur l’intervention des professionnels que sur la personne elle-même. (11) Décret n° 2007-975 du 15 mai 2007 fixant le contenu du cahier des charges pour l’évaluation des activités et de la qualité des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux. 10 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé 4. Les objectifs de la recommandation Ces évolutions appellent les professionnels du secteur social et médico-social à porter un regard nouveau sur les rapports qu’ils entretiennent avec les usagers et leur entourage. La recommandation s’inscrit dans cette finalité en proposant d’adopter une posture d’alliance, supposant « un croisement des savoirs et des pratiques qui, sans supprimer les statuts, permette à chacun une reconnaissance (12) ». Cette posture n’est évidemment pas sans poser des difficultés dans ses applications concrètes, et le but général de cette recommandation est d’éclairer les professionnels pour réaliser ce croisement des savoirs et des pratiques avec les usagers, tout au long de la démarche de projet personnalisé. Plus précisément, la recommandation a pour objectifs de : faciliter la participation des personnes accueillies et accompagnées tout au long de la démarche du projet les concernant ; soutenir les professionnels dans leurs pratiques quotidiennes et les aider à mettre en œuvre ce droit des personnes à participer à leur projet ; contribuer à la clarification des termes utilisés et proposer des repères communs utiles au dialogue entre les différentes parties prenantes (13). La perspective adoptée dans cette recommandation est celle de la personne accueillie et/ ou accompagnée, tout au long de la démarche du projet qui la concerne. Ce choix de perspective a pour conséquence que certaines questions techniques de méthodologie de projet qui concernent avant tout les professionnels n’y sont pas traitées. (14) 5. Le plan du document La première partie pose les bases de la recommandation : les repères utilisés et les principes retenus. La deuxième partie décline la prise en compte des attentes de la personne tout au long de la démarche de projet personnalisé. La troisième partie traite de la contribution du projet personnalisé au projet d’établissement/ de service. En annexe, figurent quelques pistes pour faciliter l’appropriation de la recommandation par les professionnels (annexe 1), puis la liste des entretiens effectués et des sites visités (annexe 2) et enfin, une bibliographie (annexe 3) (15). (12) Conseil supérieur du travail social. L’usager au centre du travail social. Juin 2006, p. 16. (13) Les « parties prenantes au projet personnalisé » sont la personne elle-même, son représentant légal et les professionnels concernés. Si la personne ou son représentant légal le souhaite, il peut aussi y avoir d’autres parties prenantes. (14) Par exemple, la coordination des actions, la cohérence de la prise en charge et du parcours des personnes, l’articulation avec le prescripteur ou orienteur éventuel (magistrat, inspecteur de l’Aide sociale à l’enfance, commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, coordinateur des actions auprès des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer…). (15) Sur le site Internet de l’Anesm se trouvent également une bibliographie plus détaillée et un récapitulatif de l’occurrence du terme « projet » appliqué aux personnes accueillies et accompagnées, dans les textes juridiques du secteur. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 11 12 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé I. Repères et principes Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 13 1. Les repères 1.1 Au-delà de l’usager, la personne et ses attentes Il est désormais courant de se référer à la notion d’« usager » dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux pour définir le bénéficiaire d’aide et d’accompagnement, sujet de droits. Mais, au regard du thème traité, il sera ici préféré une notion plus large, celle de personne : une personne en situation de fragilité certes, mais dotée également de capacités, un être social aux multiples appartenances (environnement, parcours…), un proche mais aussi un « autre » avec sa part de mystère… Cette personne : est le bénéficiaire direct des accompagnements et des prestations. Elle se différencie de son représentant légal ou de ses proches, quel que soit son statut ou sa situation. Le travail des professionnels consiste à créer un cadre facilitant une expression différenciée des attentes : celles de la personne, celles des proches, celles du représentant légal ; a des attentes vis-à-vis des professionnels. Ces attentes correspondent aux souhaits, désirs, envies, éléments de projets que les personnes forment elles-mêmes et proposent aux professionnels. Ces attentes peuvent être latentes, simplement ressenties, explicites ou implicites, mais elles existent toujours (16) ; a souvent une représentation de ses propres besoins d’aide et d’accompagnement. La personne (éventuellement aidée par des tiers), au-delà de la formulation d’une attente, ou préalablement à celle-ci, peut produire une analyse de ses besoins. Le travail des professionnels consiste à aider la personne à affiner sa compréhension de sa situation, exprimer ses attentes et construire avec elle le cadre d’un accueil et d’un accompagnement personnalisés. 1.2 Un droit, pas une obligation La participation de la personne à son propre projet n’est en aucune façon une obligation pour elle. Les dispositions de la loi n° 2002-2 évoquent clairement qu’il s’agit d’un droit. Les professionnels encouragent les personnes à participer et facilitent leur expression, mais ils ne peuvent pas les obliger à participer. 1.3 Projet personnalisé et contrat de séjour La loi n° 2002-2 : oblige les établissements et services à rédiger, selon les cas, un contrat de séjour ou un document individuel de prise en charge (DIPC) (17) ; fait obligation aux professionnels d’établir un projet d’accueil et d’accompagnement, mais elle n’en détaille pas le contenu ni ne précise s’il doit être écrit. (16) Y compris dans des situations extrêmes, comme en fin de vie par exemple. (17) CASF, art. L.311-4 et D.311. 14 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé Les liens que la loi établit entre le projet d’accueil et d’accompagnement et le contrat de séjour (ou DIPC) sont les suivants : le contrat de séjour (ou DIPC) (18) conclu entre l’établissement/service et la personne/son représentant légal définit les objectifs de la prise en charge, les prestations offertes ainsi que les conditions de la participation financière du bénéficiaire ; un avenant doit préciser, dans un délai de six mois suivant l’admission (19), les objectifs et prestations adaptées à la personne, à réactualiser annuellement ; le décret relatif au contrat de séjour (20) ne fait pas explicitement référence au projet d’accueil et d’accompagnement. Projet personnalisé et contrat de séjour se chevauchent, mais ne se recouvrent pas : le projet personnalisé est avant tout une démarche, répondant à des principes développés plus loin ; le projet personnalisé a son propre rythme,différent selon les personnes accompagnées, et pour certains projets, le réajustement des objectifs pourra être plus intensif que le rythme annuel de révision du contrat de séjour/DIPC ; le contrat de séjour/DIPC mentionne les objectifs et les prestations adaptées, ce qui signifie que les autres éléments du projet personnalisé (analyse préalable de la situation, modalités de mise en œuvre…) n’y figurent pas automatiquement. Contrat de séjour/DIPC et projet personnalisé sont deux modalités d’engagement différenciées et articulées. Il est recommandé de mentionner dans le contrat de séjour/DIPC l’existence du projet personnalisé. 2. Les principes retenus Le projet personnalisé est une démarche dynamique, une co-construction qui tente de trouver un équilibre entre différentes sources de tension, par exemple entre : les personnes et leur entourage, qui peuvent avoir des attentes contradictoires ou des analyses différentes ; les personnes/leur entourage et les professionnels, qui ne partagent pas automatiquement la même analyse de la situation ou les mêmes objectifs ; les professionnels d’établissements/services différents. C’est la raison pour laquelle cette démarche de co-construction aboutit souvent à un compromis. (18) En établissements et services d’aide par le travail (Esat), un contrat de soutien et d’aide par le travail définit les droits et obligations réciproques de l’Esat et du travailleur handicapé, afin d’encadrer l’exercice des activités à caractère professionnel et la mise en œuvre du soutien médico-social et éducatif afférent à ces activités : objectifs, prestations, répartition du temps et aménagements d’horaires éventuels (décret n° 2006-1752 du 23 décembre 2006). En protection de l’enfance, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 dispose qu’un projet pour l’enfant est établi par les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale. Ce projet précise les actions menées auprès de l’enfant, des parents et de son environnement, le rôle des parents, les objectifs visés et les délais de leur mise en œuvre. Le document est porté à la connaissance du mineur et transmis au juge (titre III, article 19). (19) Ou dans un délai de deux mois concernant les décisions prises en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse. Il n’y a pas de contrat de séjour dans le cadre des mesures judiciaires mais seulement un DIPC. (20) Décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004 (CASF, art. D311). Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 15 2.1 La co-construction du projet personnalisé est issue d’un dialogue régulier La situation des personnes est en constante évolution, que ce soit en raison des modifications de leurs attentes, de leur potentiel, de leur maturité, de leur état de santé… que des changements de contexte. La pertinence du projet personnalisé sera réinterrogée régulièrement, pour vérifier qu’il va toujours dans le sens souhaité et procéder aux réajustements nécessaires. Le dialogue autour du projet personnalisé est crucial lors de parcours de longue durée dans une même structure. C’est ce dialogue qui permet aux professionnels de respecter les souhaits des personnes et de leurs proches, d’être au plus près des évolutions des situations et de construire les ajustements propres à relancer une dynamique susceptible de s’enliser dans la routine de la vie quotidienne. Les décisions qui ont un impact important sur la vie des personnes – changement de lieu d’habitation, de mode de vie, d’établissement scolaire, d’activité professionnelle, modifications des soins – nécessitent de nourrir ce dialogue entre la personne, ses proches et les professionnels concernés. Ce dialogue est nécessaire pour réussir techniquement la coordination ou le passage de relais entre intervenants et assurer la cohérence globale du parcours de la personne. 2.2 La participation la plus forte de la personne est recherchée Concrètement, la participation de la personne au projet personnalisé : nécessite une information préalable et adaptée. En effet, aucune participation de qualité ne peut être mise en œuvre si la personne, et le cas échéant, son représentant légal, ne sont pas informés, tant du cadre institutionnel qui structure l’intervention des professionnels que de l’offre de services sur le territoire ; nécessite de rechercher des formes de communication diversifiées, dès lors que les capacités d’expression et/ou d’élaboration intellectuelle des personnes sont limitées : communication gestuelle, sensorielle, visuelle (pictogrammes, photos, langage simplifié...) ; est fonction de la situation spécifique de la personne. L’entourage, notamment familial ou les bénévoles, les intervenants à domicile, les représentants légaux, peuvent jouer un rôle important dans la mise en place concrète de la participation ; nécessite un questionnement régulier. Toute participation n’est pas synonyme d’autonomie, d’expression de soi. Elle peut cacher une soumission au désir de l’autre, une simple adaptation à une demande institutionnelle, et finalement constituer une dépendance plus qu’une manifestation d’autonomie. D’une manière générale, l’expression la plus grande sera laissée aux personnes au cours de l’élaboration du projet personnalisé, puis de sa mise en œuvre, sachant que : la déclinaison concrète de ce principe nécessite des adaptations dès lors que les capacités d’expression et/ou d’élaboration intellectuelle des personnes sont limitées. La complexité et/ou la gravité des situations doit d’autant plus stimuler la capacité créatrice des équipes pour favoriser cette participation, dans le respect de l’éthique professionnelle. Ces initiatives seront alors évaluées régulièrement. dans la situation spécifique des mineurs, outre le respect des éventuelles décisions de justice, il est recommandé que les équipes mettent en place des modalités de participation adaptées à leur maturité. 16 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé 2.3 La dynamique du projet est souple et adaptée au rythme de la personne Le projet personnalisé est ouvert aux événements : l’intervention qui se déroule et ses effets, la vie qui s’écoule, les rencontres, peuvent produire de nouvelles attentes et des opportunités qui influent sur le projet personnalisé et parfois contribuent à le démarrer vraiment. Le processus du projet aura suffisamment de souplesse pour permettre d’intégrer ces « incidents de parcours ». Cette dynamique n’a d’intérêt que si elle améliore la situation de la personne, ou va dans le sens d’un mieux-être ; pour autant, elle n’est pas forcément synonyme de progrès. Il y a aussi des situations d’involution, où la dynamique d’intervention peut au mieux contenir et/ou accompagner la dégradation de la situation. Il existe aussi des situations où l’objectif sera le maintien des acquis. Une grande attention sera portée au rythme de la personne ; le projet personnalisé ne peut conserver ou acquérir un sens pour elle que si le rythme des actions est adapté à son propre rythme de pensée et d’action. La dynamique d’un projet personnalisé peut être rapide à certains moments, puis nécessiter des pauses. C’est pourquoi l’accompagnement du projet personnalisé nécessitera des pratiques diverses : écoute, stimulation, recadrage, attente, « être là ». Pour certaines situations qui nécessitent simplement « d’être à côté », les professionnels veilleront à ce que cette présence bienveillante ne se transforme pas en indifférence pour le sort de la personne. 2.4 L’ensemble des professionnels est concerné par les projets personnalisés Au sein d’un établissement/service, l’ensemble des professionnels qui, d’une manière ou d’une autre, travaillent autour de la situation de la personne accueillie et/ou accompagnée, sont concernés par l’élaboration des projets personnalisés. Si le responsable et le personnel d’encadrement sont garants de la démarche générale, les propositions et analyses de chaque professionnel en lien avec les personnes, doivent être prises en compte et valorisées, quelle que soit la qualification des professionnels. (21) Dans le respect des différentes fonctions et positionnements, notamment dans les équipes pluridisciplinaires, il est recommandé de : faciliter l’expression de chaque professionnel, notamment au cours de réunions d’équipe où la circulation de la parole sera encouragée ; solliciter systématiquement l’expression des professionnels de proximité (21). 2.5 Plus les parties prenantes sont nombreuses, plus il faut veiller à l’expression de la personne Le projet est un processus complexe qui implique le plus souvent plusieurs parties prenantes : l’entourage de la personne accueillie et/ou accompagnée : le représentant légal est un acteur primordial du projet de la personne mineure ou protégée, en raison de son pouvoir (21) Professionnels en contact régulier avec les personnes : auxiliaire de vie sociale, veilleur de nuit, employés des services généraux et d’entretien, agents d’accueil… Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 17 décisionnel (22) sur les orientations et objectifs proposés, dans le cadre du projet personnalisé. Au-delà du plan légal, les proches de la personne représentent souvent un point d’appui très fort, un soutien affectif et une ressource, parfois tout au long de la vie ; d’autres parties prenantes sont extrêmement importantes tant dans la construction du projet que dans sa mise en œuvre : magistrats, médecins, prescripteurs… les équipes, souvent pluridisciplinaires, sur la base de leurs bilans et de leurs analyses, ont un poids déterminant dans les décisions. Quand un grand nombre de parties prenantes intervient dans le projet : la parole de la personne court le risque d’être moins entendue, et sa situation risque de lui paraître compliquée et immaîtrisable ; le confort de vie des personnes risque d’être affecté par un nombre trop grand d’interventions. Même quand ils pensent bien faire, les proches peuvent inhiber l’expression de la personne ou mal percevoir la réalité de sa situation. Lorsque les professionnels mettent en place des collaborations pour mieux articuler leurs prestations, ainsi que la loi les incite à le faire, une tension peut surgir entre l’exigence de coordination des parties prenantes et la liberté des personnes qui ont le droit de cloisonner les divers secteurs de leur vie. Il est recommandé que les équipes concernées veillent à ce que : la personne comprenne bien le rôle de chaque partie prenante ; sa parole soit entendue dans les instances et auprès des autres parties prenantes ; la cohérence des prestations, et éventuellement, leur continuité, se fasse dans le respect de la confidentialité des informations souhaitée par la personne dans les limites données par les éventuelles dispositions légales et décisions judiciaires ; l’ensemble des interventions et actions respecte le confort de vie et les attentes principales des personnes dans le respect des éventuelles décisions judiciaires. (22) Dans le respect de l’éventuel cadre judiciaire. 18 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé II. La participation de la personne tout au long de la démarche Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 19 La démarche d’un projet personnalisé respectueux des attentes de la personne nécessite plusieurs phases : − premiers contacts et premier recueil des attentes de la personne ; − analyse de la situation avec objectivation des éléments d’analyse ; − co-construction du projet personnalisé avec les différentes parties prenantes ; − décision : fixation d’objectifs et d’une programmation d’activités et de prestations, moyens alloués au projet ; − mise en œuvre, bilan(s) intermédiaire(s) et ajustements pour répondre aux évolutions ; − évaluation pour procéder à une réactualisation du projet personnalisé. Ces différentes phases sont toutes indispensables à la dynamique du projet personnalisé. Elles sont susceptibles dans la réalité de se chevaucher : par exemple, des prestations et accompagnements sont souvent mis en place avant que l’analyse de la situation ne soit terminée. Il convient de différencier au mieux chaque phase, en prenant soin que la personne, ses proches et, le cas échéant, son représentant légal, aient bien intégré les enseignements d’une phase avant d’aborder la suivante. L’idée n’est pas de morceler la démarche artificiellement, mais d’aider la personne à la comprendre et à l’assimiler. 1. Les premiers contacts L’enjeu de cette phase est important : il s’agit de construire les bases d’une alliance dynamique de la personne avec les professionnels dans un projet commun, alliance qui favorise « le partage, l’échange et modifie le rapport dominant-dominé souvent à l’œuvre en institution, plus par habitude et facilité que par volonté réelle de puissance (23) ». La construction de l’alliance autour du projet trouve un équilibre entre diverses tensions, par exemple : le souhait de connaître les attentes précises de la personne et la nécessité de ne pas être intrusif ; le souci de mettre en perspective les différents éléments des projets personnels et le risque d’avoir sur la vie des personnes une vision totalisante qui, par sa prétention à l’exhaustivité, peut devenir enfermante pour les personnes concernées. Ce processus peut être long, mais il serait hasardeux d’interpréter les éventuels refus des personnes comme des absences d’attentes. Charge aux professionnels d’établir la relation de confiance qui permettra à la personne de s’appuyer sur eux – ou sur d’autres – pour trouver les mots. 1.1 Être attentif aux premiers contacts Les premiers contacts sont importants pour la suite du projet. (23) LADSOUS J. L’usager au centre du travail social. Empan, 2006, n° 64. p. 38 20 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé C’est dans ces moments que la confiance commence à s’établir, que la personne peut être rassurée, qu’elle peut sentir qu’il y a une chance que sa situation s’améliore, ou tout simplement que cela va bien se passer. 1.2 Réunir les conditions pour l’expression des attentes Ce qui crée la rencontre de la personne avec les équipes sociales et médico-sociales, c’est bien une difficulté, qu’elle soit accidentelle ou pas, conjoncturelle ou plus durable, renforcée par le contexte socio-économique ou pas. Cette situation nécessite de la part des personnes des changements de perspective et, souvent, une réorganisation de leur vie. Les professionnels sont là pour les y aider et leur proposer des réponses et des soutiens. La première aide consiste à accompagner la personne dans cette phase de remaniement, pour que puissent émerger ses attentes. Les professionnels s’interrogeront sur le moment approprié pour soutenir ce travail d’élaboration des attentes. Cette phase de maturation est indispensable pour éviter que les parties prenantes du futur projet personnalisé ne soient par la suite en déphasage persistant. Le projet personnalisé, parfois, ne peut reprendre les attentes des personnes « telles quelles » ou intégralement ; celles-ci font alors l’objet d’un dialogue qui permet à la personne de les repenser, et aux professionnels d’ajuster les propositions. Il est recommandé : de repérer et respecter le temps dont la personne a éventuellement besoin pour se poser et entamer un dialogue avec les professionnels ; d’alterner temps d’échanges avec les professionnels et temps de réflexion personnelle, afin de permettre à la personne de se forger une opinion. 1.3 Utiliser des supports facilitant l’expression des personnes Pour aider les personnes et leurs représentants légaux à exprimer leurs attentes, des supports adaptés peuvent leur être proposés, à utiliser éventuellement avec leurs proches, selon les situations. L’objectif de ces supports est de permettre à la personne de dégager et hiérarchiser ses attentes. 2. L’analyse de la situation À partir du recueil des attentes, l’enjeu de cette phase est d’aboutir à une analyse partagée qui pourra déboucher sur la co-construction d’un projet réaliste. Cette analyse partagée, qui prend le temps de l’explicitation et de la maturation de la réflexion, est une condition facilitatrice de la suite de la démarche. Dans cette phase, le soutien mis en place par les professionnels va : essayer de dégager avec les personnes et leurs proches une vision prospective de l’évolution de la situation (atouts et difficultés). Par exemple, pour des personnes en insertion, l’enjeu sera de repérer et valoriser les compétences sociales et professionnelles, souvent passées au second plan en raison de leurs difficultés. Pour certaines personnes âgées, les professionnels éclaireront les personnes et/ou leurs proches sur les conséquences du Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 21 vieillissement et les moyens disponibles pour pouvoir ensemble anticiper, préparer, prévenir… ; construire les bases d’un projet ouvert, prêt à intégrer des opportunités que l’on ne connaît pas toutes à l’avance ; préparer le choix des objectifs et des modalités d’action. L’analyse aidera les parties prenantes à effectuer des choix, et à gérer les inévitables frustrations. 2.1 Donner à la personne l’information utile L’information utile qui sera donnée à la personne et à son représentant légal porte notamment sur : le cadre institutionnel de l’aide proposée ; l’offre de prestations ; le type d’accompagnement. L’accès à cette information permet à la personne d’affiner elle-même l’analyse de ses besoins, et de ses projets personnels. Les professionnels s’efforceront de donner aux personnes une information claire, intelligible et qui tienne compte de leur situation affective. Il est recommandé que ces informations soient données à la personne/son représentant légal selon des modalités favorisant la représentation concrète de ce qui est possible et accessible. 2.2 Recueillir les seules informations nécessaires Cette question de l’information nécessaire à l’analyse de la situation se situe dans une tension entre des exigences contradictoires et des risques divers : la nécessité de respecter l’intimité des personnes, qui pousse à ne pas leur demander systématiquement de « raconter leur vie », et à respecter leur droit à une certaine réserve ; le risque, par une interrogation sur leur biographie, de produire des éléments de compréhension hâtifs et d’enfermer les personnes dans des répétitions – de discours et d’actes ; l’intérêt de permettre aux personnes de repartir sur de nouvelles bases, ou de parler de leur situation de manière différente, avec de nouveaux interlocuteurs ; la nécessité de disposer des informations permettant d’ajuster les prestations et l’accompagnement. 2.3 Associer la personne au travail de recueil d’informations auprès des partenaires L’accord de la personne et/ou de son représentant légal est nécessaire pour tout partage d’informations qui la concernent. 22 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé La personne, dans le respect des décisions judiciaires, est consultée au moins sur le choix et l’étendue du recueil d’informations utiles. Cette consultation lui permet d’exprimer si elle veut travailler dans la continuité de l’accompagnement précédent ou parallèle, ou bien si elle préfère travailler sur des bases nouvelles. Autant que faire se peut, la personne est elle-même le vecteur de ces informations émanant des partenaires. Si elle ne peut ou ne souhaite pas l’être directement, elle est associée le plus étroitement possible (téléphoner en sa présence au partenaire…). Ce positionnement permet de placer la personne dans une position plus active que si elle est seulement « l’objet » de cette information transmise. Quand une décision de justice indique que certaines informations ne doivent pas être communiquées à la personne ou son représentant légal, l’ensemble des autres informations lui sera fourni. 2.4 Solliciter l’entourage de la personne Un point d’appui possible pour aider les personnes à percevoir comment elles peuvent conserver ou reprendre de la maîtrise sur leur vie peut résider dans le dialogue avec leur entourage, dans le respect des décisions de justice quand elles existent à cet endroit. Il faut entendre par entourage l’environnement relationnel : la famille élargie, les amis, les pairs (associations, groupes d’entraide, groupes de pairs)... Cette possibilité sera présentée à la personne et concrétisée si la personne en est d’accord. (24) La personne peut utilement choisir quelqu’un susceptible de l’aider dans des choix difficiles ou tout simplement l’accompagner dans les échanges avec les professionnels. (24) Selon les cas, les professionnels proposeront à la personne d’autres soutiens que son représentant légal : dans son entourage ou encore auprès de bénévoles intervenant dans l’établissement/service... 2.5 Repérer les habitudes de vie Quel que soit le lieu de cette phase d’analyse – le domicile des personnes, un rendez-vous dans l’établissement ou le service, dans la rue ou dans des permanences – les équipes seront attentives à repérer les habitudes et le cadre de vie des personnes, ce qui fait qu’elles « tiennent » ou pas, ce qui a du sens pour elles ou une importance affective. 2.6 Créer ou adapter des supports pour faciliter la réflexion Il peut être facilitant pour la personne d’être aidée dans sa réflexion par des supports, à utiliser éventuellement avec ses proches, pour qu’elle : analyse les appuis sur lesquels elle pourra compter, les atouts, les ressources personnelles, familiales, sociales dans son entourage ; repère les faiblesses de sa situation, les zones de difficultés, les incertitudes ; (24) La Charte des droits et libertés de la personne accueillie prévoit dans son article 4 que « la personne peut être accompagnée de la personne de son choix lors des démarches nécessitées par la prise en charge ou l’accompagnement ». Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 23 mesure les avantages et inconvénients de telle réponse, au regard de ses attentes, de ses appuis propres et de ce qui pourrait être aménagé. Des supports spécifiques seront prévus pour les représentants légaux. 2.7 Faciliter l’expression de la personne Il est recommandé d’organiser les entretiens de manière à faciliter l’expression de la personne, en choisissant : le moment le plus favorable ; la durée optimale pour ces entretiens ; le nombre maximum de participants ; l’organisation de l’espace propice à faciliter l’expression. 2.8 Produire une analyse partagée 2.8.1 En facilitant l’expression de tous les professionnels concernés L’objectif de cette phase est de parvenir à une analyse partagée également au sein des équipes. Les réunions d’équipe, sans la présence de la personne, mais à son sujet, sont utiles si elles permettent : à chaque professionnel, quelle que soit sa fonction, d’exprimer son point de vue ; de distinguer dans les propos l’exposé des faits ou des observations et l’interprétation qui en est faite ; d’approfondir les échanges pour que le consensus entre les professionnels soit réel et non de façade ; de dégager des lignes directrices claires, facilitant le positionnement des professionnels et la compréhension pour la personne. 2.8.2 En utilisant l’expertise de la personne Les besoins repérés par les personnes ne sont pas forcément les mêmes, loin s’en faut, que ceux repérés par les professionnels ; des points qui paraissent importants aux yeux des professionnels sont mineurs pour la personne et vice versa. La personne possède une connaissance intime de sa situation, dont il est à la fois illégitime et contre-productif de se passer. La personne possède des compétences d’analyse que les professionnels pourront repérer et dont ils faciliteront l’expression. Dans certains cas, ces derniers aideront la personne à construire une distanciation suffisante avec son vécu, afin de l’aider à sortir d’une analyse figée de son histoire et de sa situation. Pour les personnes qui n’ont pas accès au langage, les proches seront particulièrement mobilisés. Des espaces et des temps d’observation permettront aux professionnels d’approcher cette « connaissance intime » que possède la personne sur sa situation. 24 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé 3. La phase de co-construction du projet personnalisé À partir de cette analyse partagée, la personne et les professionnels accompagnants vont pouvoir construire le projet personnalisé. 3.1 Se placer en position de reconnaissance mutuelle Les personnes sont susceptibles d’adopter un discours de conformisme ou de généralité quand on leur parle « projet ». Si, de son côté, le professionnel est enfermé dans ses propres représentations, ou cherche à faire rentrer la personne dans ses propres codes et convictions, le dialogue risque d’être faussé. L’organisation de la co-construction du projet personnalisé se fonde sur une reconnaissance mutuelle de la personne/de son représentant légal et des professionnels (25). 3.2 Faire émerger des propositions nouvelles Les professionnels s’appuieront sur leurs compétences, leur créativité et leur empathie, pour faire émerger des propositions nouvelles, fruit de ce dialogue avec la personne. Lorsque les attentes ou propositions des personnes, ou les suggestions des professionnels, débordent de la mission de l’établissement, les équipes seront amenées à chercher des réponses auprès d’autres structures ou avec d’autres dispositifs. Il est recommandé que les professionnels recherchent ainsi toutes les réponses possibles pour être au plus près des attentes des personnes et de leur représentant légal dans le respect des décisions judiciaires. 3.3 Oser aborder les questions « sensibles » Il revient au professionnel accompagnant de susciter le dialogue quand la personne souhaite aborder des questions délicates, mais hésite à le faire : par exemple sur la sexualité, ou des relations difficiles avec les parents, la vie affective en général, la croyance religieuse (notamment lors de risques sectaires ou de dérive mystique)… Le périmètre de ces questions est difficile à délimiter, car très variable selon les individus. L’analyse des pratiques peut aider chaque professionnel à ajuster son positionnement et à utiliser au cours de ces dialogues le savoir-faire construit collectivement. 3.4 Intégrer au mieux les habitudes de vie Il est recommandé de respecter les habitudes de vie dont les manifestations ne portent ni préjudice à la personne elle-même, ni à son environnement. Par exemple, l’entrée dans un établissement pour personnes âgées ou l’intervention à domicile s’accompagneront du respect des modes de vie pour limiter les perturbations, dommageables au bien-être des personnes. Dans le cas d’habitudes de vie plus problématiques (personnes vivant dans la rue, personnes toxicomanes marginalisées…), l’expérience montre qu’en acceptant provisoirement des modes de vie ou des comportements inaccoutumés, on peut établir un premier lien susceptible par la suite de faire évoluer ces modes de vie. (25) Cette question se pose d’une manière différente dans certaines situations de handicap psychique. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 25 3.5 Encourager des essais La meilleure manière de permettre aux personnes de jouer un rôle actif dans le projet personnalisé est encore de leur permettre de faire leurs propres expériences. Aussi les mises en situation seront recherchées pour permettre aux personnes d’affiner leurs analyses, et de réajuster des représentations (sur elles-mêmes, sur les activités proposées, sur l’accompagnement, sur l’environnement…). Insister sur le caractère d’essai relativise l’échec éventuel, qui devient un « problème à résoudre ensemble », et non pas l’échec de la personne malgré toute l’aide apportée. Cet essai s’inscrit alors dans la mise en œuvre des objectifs du projet personnalisé. 4. La phase de décision Le projet personnalisé prend place dans un cadre réglementaire qui autorise et limite le champ des actions possibles. Le dialogue entre les personnes accueillies/accompagnées et les professionnels se situe dans un environnement institutionnel qui infléchit largement les décisions prises. L’existence et les contraintes de ce cadre – ce qu’il permet et ce qu’il limite, voire interdit – seront clairement expliquées aux personnes par les professionnels. 4.1 Inviter systématiquement les personnes à participer à la prise de décision Cette invitation est systématique, quel que soit le niveau des décisions à prendre. Mais plus les décisions « impactent » la vie de la personne, plus celle-ci, et son représentant légal s’il y a lieu, sera associée de près à la prise de décision (orientation, changement d’établissement ou de secteur au sein de l’établissement (26)…), hors certains cas de décisions dans le cadre judiciaire. Il est recommandé : de toujours associer le plus étroitement possible les personnes aux décisions prises, dès lors qu’elles acceptent cette participation et dans le respect du cadre judiciaire ; quand il y a divergence entre l’avis de la personne et celle des équipes, d’aménager des « périodes d’essai », de proposer des alternances, pour comprendre l’origine de ce désaccord et réduire peu à peu la distance entre les projets de la personne et les avis des professionnels. 4.2 Dégager des objectifs issus du dialogue Ce sont ces objectifs qui témoignent concrètement de l’engagement des professionnels auprès de la personne et, le cas échéant de son représentant légal, pour l’accueillir et/ou l’accompagner. Les objectifs retenus seront : adaptés aux situations des personnes, de manière à restaurer le sentiment de compétence et la prise d’initiative ; (26) Par exemple : unité spécifique destinée à l’accueil des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer… 26 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé concrets, de manière à ancrer le projet personnalisé dans la vie de la personne, et contribuer au sentiment d’avancée. La présence d’objectifs permettant de restaurer l’estime de soi, centrale pour beaucoup de personnes, sera priorisée. L’intimité des personnes est à respecter et privilégier : les professionnels veilleront à ce que les objectifs soient en harmonie avec ce principe. 4.3 Dans les situations encadrées par une décision de justice 4.3.1 Expliquer les décisions de justice prises « dans l’intérêt de la personne » Dans un cadre où l’intérêt de la personne est défini par d’autres qu’elle-même ou son représentant légal et où des décisions importantes sont prises, celles-ci seront expliquées précisément au cours des entretiens entre les professionnels, la personne, son représentant légal. Le cadre dans lequel ces décisions interviennent sera clarifié, les fonctions de chaque partie prenante précisées et ce qui est attendu de chacun bien identifié. Si des propositions de la personne ou de son représentant légal ne peuvent pas être retenues, ou ne le sont que partiellement, cette modification leur sera expliquée. Si des attentes sont susceptibles d’être simplement reportées, date sera prise pour le réexamen de la situation. 4.3.2 Laisser le maximum d’autonomie à la personne À l’intérieur de ce cadre, l’autonomie de la personne doit pouvoir s’exprimer et se développer : il s’agit de permettre aux personnes et à leurs représentants légaux de prendre le maximum d’initiatives, de mobiliser leurs réseaux et appuis, de maintenir leur cadre de vie, de mener à bien leurs projets personnels. Les professionnels éviteront de renforcer la contrainte au cours de la mise en œuvre du projet personnalisé. La contrainte sera « seulement » intégrée au projet personnalisé, et non pas renforcée par les modalités d’accompagnement. 4.4 En cas de déficit de l’offre ou d’une attente prolongée, prévoir des aménagements spécifiques Il peut arriver que les décisions soient prises « faute de mieux » : l’offre de services ou de places d’accueil peut ne pas être à la hauteur des besoins sur le territoire, le partenariat ne pas être encore suffisamment développé, l’établissement se trouver en phase de restructuration ou en cours de recrutement… Autant de cas de figure qui viennent diminuer les choix possibles pour un projet personnalisé. Quand des décisions sont prises « faute de mieux », il est recommandé de formaliser aux différentes parties prenantes les raisons de cette décision, de manière à ce que la personne ne la ressente pas comme un échec de sa part ou une erreur des professionnels accompagnants. Des aménagements transitoires pourront alors être prévus, pour que la période d’attente ou les actions décidées aient un caractère stimulant, afin de donner à cette période un intérêt pour la personne. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 27 4.5 Repérer des zones de vigilance Les décisions prises nécessitent de la part des parties prenantes de repérer des zones de vigilance – moments, actions, microprojets – qui réclameront une attention particulière, susceptible de modifier le projet personnalisé, si le déroulement ne produit pas les effets positifs voulus. 5. La mise en œuvre du projet personnalisé Il est normal que cette phase de concrétisation révèle des incohérences dans le projet personnalisé, ou que des actions prévues ne se mettent pas en place, ou encore que des coopérations se révèlent plus délicates que prévu. Entre ce que l’on a échafaudé ensemble et la réalité de la mise en œuvre, les différences peuvent s’avérer importantes et la mise en œuvre demander des ajustements assez rapides. 5.1 Être attentif à la mise en place Les professionnels seront attentifs lors de ces premiers temps et solliciteront la personne, notamment sur les zones de vigilance qui auront été repérées, particulièrement si elles ont fait l’objet d’une inquiétude de la personne ou d’un désaccord entre les différentes parties prenantes. 5.2 Encourager un rôle actif des personnes dans la mise en œuvre Les actions proposées sont au service du projet personnalisé. Les professionnels se garderont de tomber dans un activisme contraire aux intérêts de la personne et à son autonomie. Le confort de vie des personnes est recherché et les professionnels veilleront à ce que l’intervention d’équipes pluridisciplinaires respecte ce principe. Mais parfois le positionnement actif des personnes, la prise en main de leur propre projet sont susceptibles de se ralentir au fil de la mise en œuvre. Certaines personnes donnent l’impression de se replier sur elles-mêmes, de déléguer de plus en plus aux professionnels, voire de régresser. Il est recommandé aux professionnels de repérer puis d’interroger ce repli, qui peut être dû à de multiples facteurs : psychologiques, médicaux, mais aussi institutionnels (position d’emprise des professionnels, accompagnement trop intensif laissant peu de place à l’initiative…) Il convient de ne pas confondre les pauses nécessaires au rythme des personnes et ce qui ressort d’un problème à résoudre. 5.3 Coordonner le projet et garantir la mise en œuvre Les organisations des professionnels prévoient souvent qu’un (ou parfois deux) d’entre eux soit le coordinateur du projet personnalisé (27), signifiant par là qu’il est l’interlocuteur (27) Dans les établissements/services, la fonction de coordination de projet est organisée de manière diverse. Elle peut être tenue par le chef de service et/ou par des professionnels de terrain. Le terme de « référent » est souvent employé pour désigner les professionnels de terrain chargés du suivi et de la veille générale autour d’un nombre limité de projets personnalisés. 28 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé privilégié des parties prenantes, qu’il veille au déroulement des différentes phases du projet personnalisé et à la cohérence des interventions. Cette fonction de coordination est particulièrement importante quand le projet personnalisé est suspendu du fait d’une hospitalisation, d’un incident de parcours involontaire, etc. Le coordinateur de projet et les équipes analysent avec la personne elle-même (et son représentant légal) les conséquences sur le projet personnalisé. Le coordinateur porte une attention particulière aux professionnels intervenant à temps partiel, ou ne participant pas aux réunions liées aux projets personnalisés, afin de les associer aux différentes étapes. La désignation d’un coordinateur de projet n’exonère pas l’ensemble des professionnels qui interviennent autour de la personne de maintenir un lien attentif et respectueux avec elle. La personne est d’ailleurs susceptible de choisir un moment et un professionnel pour exprimer son avis ou montrer satisfaction ou malaise, qui ne sont ni les moments officiels de bilan, ni le coordinateur désigné. 5.4 Suivre le projet personnalisé La mise en œuvre du projet personnalisé sera suivie, c’est-à-dire que les principales parties prenantes vérifieront l’avancée des objectifs et la cohérence de l’accompagnement et des prestations avec l’évolution de la situation. Les modalités de suivi du projet personnalisé sont prévues dès sa mise en place, et les entretiens de suivi programmés. Cette programmation n’exclut pas une souplesse permettant à la personne, à ses proches ou aux professionnels, de demander une réunion quand l’évolution de la situation le requiert. C’est ainsi que les expériences ou essais faits sur un temps limité feront l’objet d’un bilan par les principaux professionnels concernés avec la personne, bilan susceptible de modifier des objectifs ou des actions du projet. (28) Dans la phase de suivi du projet personnalisé : la personne (et son représentant légal) participe aux temps de suivi du projet personnalisé (28) ; la réflexion de la personne et de son représentant légal est facilitée par tous moyens adaptés ; la personne, à sa demande ou avec son accord, est éventuellement soutenue par des tiers lors de ces bilans. 5.5 Accompagner les propositions d’interruption Les professionnels sont parfois amenés à proposer l’interruption d’un accueil et/ou d’un accompagnement. Cette proposition remet en question les modalités du projet personnalisé, et peut signifier un changement de stratégie et d’intervenants. (28) Ces temps de suivi du projet personnalisé, associant systématiquement les personnes et, le cas échéant, leur représentant légal, sont à distinguer des réunions des professionnels entre eux. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 29 Lors de ces situations, il est recommandé : d’organiser une rencontre avec la personne concernée ; d’analyser avec la personne et son représentant légal les conséquences sur le projet personnalisé ; de rechercher les solutions alternatives possibles et de les expliquer en s’assurant de la compréhension par la personne ; d’aider la personne ou son représentant légal dans la recherche d’une solution, ou de l’orienter vers un lieu-ressource. 6. La co-évaluation du projet personnalisé L’évaluation du projet personnalisé fait partie intégrante de la démarche du projet. Elle est à distinguer de l’évaluation des activités et de la qualité des prestations prévue par la loi n° 2002-2 et ses décrets, même si elle y participe. Le projet personnalisé est co-évalué par la personne elle-même et son représentant légal, les professionnels et les partenaires concernés. Si la personne le souhaite, ses proches peuvent être associés à cette co-évaluation. Des objectifs ayant été fixés, un plan d’actions et des modalités d’accompagnement ayant été mis en œuvre, les parties prenantes du projet personnalisé échangent sur la réalisation des objectifs, repèrent les effets, produisent une analyse et réinterrogent les hypothèses. Les résultats de la co-évaluation permettront d’élaborer de nouveaux objectifs, de modifier les actions proposées, d’ajuster les types d’accompagnement (voire de proposer une nouvelle orientation) et de réinvestir le projet personnalisé afin de l’actualiser. 6.1 Être attentif à la périodicité de l’évaluation Le rythme de l’évaluation du projet personnalisé est fonction de la nature de ses objectifs et des modalités de sa mise en œuvre. Chaque projet personnalisé a ainsi son propre rythme, et sa périodicité propre d’évaluation. Les personnes seront informées dès la construction du projet des modalités de son évaluation, et de la finalité de cette évaluation. Le projet personnalisé sera évalué au moins une fois par an. 6.2 Organiser un cadre facilitant la réflexion de la personne La phase d’évaluation du projet personnalisé doit permettre à la personne de connaître et comprendre les points de vue des différentes parties prenantes, et d’y confronter ses propres analyses. Il est recommandé de proposer à la personne et à ses proches des supports de questionnement et d’analyse évaluative (supports écrits ou autres), lui permettant d’évaluer si les actions menées, le séjour passé, les accompagnements conduits, aboutissent à du mieux pour elle, et dans quels domaines. Le débat permet à la personne et éventuellement à ses proches : d’enrichir sa propre analyse ; de formuler des propositions en connaissance de cause ; 30 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé de contribuer ainsi à fixer de nouveaux objectifs ; de proposer ou accepter de nouvelles orientations. 6.3 Permettre à la personne de formuler ses nouvelles attentes Les professionnels accompagnants veilleront à ce que les personnes, et éventuellement leurs représentants légaux, puissent formuler de nouvelles attentes, sur la base des enseignements de cette co-évaluation. Si la personne reste dans l’établissement/service, ces attentes permettront de fonder une actualisation du projet, avec des objectifs actualisés et des modalités de mise en œuvre adaptées à la nouvelle situation. Dans le cas de personnes orientées vers un nouvel établissement/service, les professionnels repèreront chez les personnes « ce à quoi elles tiennent » dans la prise en charge de l’établissement/service qu’elles quittent, et qu’elles aimeraient retrouver là où elles sont orientées. Sous réserve de l’accord des personnes elles-mêmes, et le cas échéant de leur représentant légal, ces attentes figureront dans les dossiers d’orientation et la nouvelle équipe en tiendra compte dans l’organisation des prestations et de l’accompagnement. 7. La rédaction du projet personnalisé La loi n° 2002-2 ne précise pas si la formalisation du projet doit être écrite. Seuls les objectifs et les prestations adaptées à la personne figurent obligatoirement dans le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge. Mais rédiger l’ensemble du projet permet de produire un document qui : constitue une base commune ; fait trace tant du cheminement que des décisions prises ; facilite le suivi puis l’évaluation du projet personnalisé. Les personnes, éventuellement avec l’aide de leurs proches, pourront être invitées à formaliser par écrit leurs attentes et contributions, si elles le souhaitent et le peuvent. Dans le cas contraire, les attentes et analyses exprimées seront recueillies par écrit par un professionnel, sous réserve de l’accord de la personne. Cet écrit sera lu à la personne pour validation. Si la personne qui en aurait la possibilité ne souhaite en aucune manière que ses attentes et analyses soient écrites, ce souhait sera respecté et mentionné dans le document. Les représentants légaux seront invités, de leur côté, à écrire leurs attentes et analyses. Il est recommandé aux professionnels de veiller à ce que le projet personnalisé soit rédigé, en conservant la trace des différentes phases de la co-construction. Le document mentionne ainsi, au fur et à mesure des phases de la démarche, les éléments principaux permettant le suivi de la progression du projet. La contribution des différentes parties prenantes apparaît de manière clairement différenciée. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 31 7.1 Séparer clairement les faits de leur analyse La rédaction du projet personnalisé permettra de séparer les faits de leur compréhension par les différentes parties prenantes. Cette précaution permet, au moment des temps de suivi/évaluation, de vérifier si l’analyse des faits était bonne et les hypothèses de travail pertinentes. Elle facilite l’évaluation et permet de progresser, dans une plus grande clarté pour l’ensemble des parties prenantes. 7.2 Écrire dans le respect des personnes Il est recommandé aux professionnels de prendre garde au choix des mots. Ceux-ci valoriseront la dynamique et ne seront pas blessants, notamment dans l’analyse de la situation ou dans la formalisation des objectifs. 7.3 Ne pas transformer le projet en injonction Dans la forme, les professionnels éviteront un style trop administratif, ou un vocabulaire trop technique, ou encore de transformer les objectifs en injonction. Le projet écrit est un support pour les parties prenantes, et à ce titre, il a vocation à engager et non pas à obliger. 7.4 Inviter la personne à conserver un exemplaire du projet personnalisé Les professionnels remettent à la personne un exemplaire actualisé du projet personnalisé, en attirant son attention sur la discrétion nécessaire qui doit entourer le document, notamment quand la personne vit en collectivité. Si la personne se sent plus rassurée en confiant son exemplaire à l’établissement/service, les professionnels veilleront à réunir les conditions pour lui en faciliter l’accès. 32 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé III. La contribution des projets personnalisés au projet d’établissement ou de service Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 33 Projets personnalisés et projet d’établissement/de service entretiennent une relation d’enrichissement mutuel. Les projets personnalisés nourrissent la réflexion sur le fonctionnement des structures, les pratiques d’accueil et d’accompagnement et l’organisation collective. De son côté, le projet d’établissement/de service intègre la démarche de projet personnalisé, en définit les principes et les modalités de mise en place. Les projets personnalisés sont également liés aux autres outils d’information, d’expression et de participation des usagers prévus dans la loi n° 2002-2 et plus spécifiquement : livret d’accueil, règlement de fonctionnement, et conseil de vie sociale. Le projet d’établissement/de service organise la cohérence de ces différents outils. 1. Se doter de principes d’intervention communs Il est recommandé d’intégrer dans le projet d’établissement/service une réflexion des équipes sur leurs principes d’intervention auprès des personnes. Ces principes traduisent la manière concrète dont les professionnels s’approprient les droits des usagers, et plus spécifiquement le droit de la personne à participer activement au projet qui la concerne, ainsi que les droits des représentants légaux. Cette reflexion sera l’occasion pour les professionnels de définir précisément la fonction de coordinateur de projet/référent. Le sens général de la démarche du projet personnalisé, le rôle général de chaque partie prenante et la procédure seront expliqués dans le livret d’accueil. 2. Analyser les évaluations des projets personnalisés Les résultats des évaluations pourront être rapprochés (29) de manière à ce que les informations récurrentes enrichissent la réflexion des professionnels sur les améliorations à apporter à leurs pratiques, leurs prestations, leur organisation… Dans le cadre de cette analyse, il est recommandé de réaliser un bilan des attentes non satisfaites. Les équipes pourront ainsi déterminer les actions à promouvoir pour construire les réponses aux attentes non satisfaites récurrentes. Les responsables et les équipes feront la part entre les attentes à faire remonter au niveau des décideurs locaux (autorités locales concernées, de contrôle…) et celles à prendre en compte lors de la réactualisation du projet d’établissement/service. 3. Utiliser les résultats des enquêtes de satisfaction À l’occasion des enquêtes de satisfaction menées auprès des personnes et de leur entourage : des pistes pourront être repérées et utilisées pour améliorer globalement la dynamique ou l’organisation des projets personnalisés ; (29) Dans le respect des règles de confidentialité liées à la circulation des informations. 34 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé des questions pourront être posées sur l’intérêt des supports utilisés pour faciliter la réflexion des personnes et de leurs représentants légaux. 4. Mener une réflexion autour des informations Il est recommandé de mener une réflexion sur les questions liées au recueil, à la circulation et à la conservation des informations contenues dans le projet personnalisé. Les équipes pourront valablement se donner un cadre conforme au droit et à l’éthique (30) en répondant aux questions suivantes : de quelles informations avons-nous besoin pour les projets personnalisés ? comment se procure-t-on l’information avec le maximum de participation des personnes ? Quels sont les droits des personnes et de leurs proches ? avons-nous les moyens de distinguer l’information objective et les analyses plus subjectives ? quelles sont les règles du partage d’informations au sein de la structure et avec les partenaires, susceptibles « d’impacter » les projets personnalisés ? Sont-elles conformes aux droits des usagers ? Posent-elles des questions éthiques ? quelles sont les règles pour préserver la discrétion autour des informations liées aux projets personnalisés ? 5. Mobiliser le conseil de la vie sociale Le conseil de la vie sociale (CVS) ou le groupe d’expression qui en tient lieu pourra utilement être associé à la réflexion pour améliorer la qualité du dialogue entre la personne, ses proches et les professionnels. Deux thèmes pourront particulièrement mobiliser cette réflexion : le bilan global des attentes non satisfaites (31). Les échanges au sein du CVS peuvent donner des pistes aux équipes pour améliorer leurs réponses ; les supports d’aide à la formulation des attentes, d’aide à l’analyse de la situation, à l’évaluation du projet personnalisé et d’une manière générale tous les supports d’aides à l’auto-questionnement des personnes. Les membres du CVS gagneront à être associés à la conception, l’adaptation et l’expérimentation de ces supports ; les associations représentant les usagers, et en l’absence, celles représentant les familles et les bénévoles proches des usagers, pourront également être consultées et associées aux travaux. Les professionnels pourront également s’appuyer sur des travaux de recherche éclairant cette problématique. (30) Une recommandation sur le thème de l’éthique sera engagée par l’Anesm en 2009. (31) Il s’agit d’un bilan global anonyme, faisant ressortir les grandes tendances. Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 35 36 I Les attentes de la personne et le projet personnalisé Annexes Les attentes de la personne et le projet personnalisé I 37 Annexe 1 - Éléments pour l’appropriation de la recommandation Les recommandations de bonnes pratiques