Cours de psychologie sociale PDF 2023-2024
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Haute École Condorcet
2024
David Spreux
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This syllabus for a social psychology course details the topics to be covered in the 2023-2024 academic year, including facilitation, the vital role of others, anxiety, social comparison, perception of others, attraction, and altruism.
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Cours de psychologie sociale David Spreux Section psychomotricité 2023-2024 Les outils disponibles dans ce cours Cette image marque les différentes tâches à réaliser dans ce cours. Ces tâches vous permettront d’approfondir votre compréhension d...
Cours de psychologie sociale David Spreux Section psychomotricité 2023-2024 Les outils disponibles dans ce cours Cette image marque les différentes tâches à réaliser dans ce cours. Ces tâches vous permettront d’approfondir votre compréhension des différents concepts exposés. Elles ne sont pas obligatoires mais fortement conseillées L’icône Moodle signifie qu’une tâche est à réaliser obligatoirement. Le produit de celle-ci est à déposer sur Moodle pour la date établie. Différentes lectures supplémentaires et obligatoires sont marquées par cet icône Des capsules vidéo sont disponibles afin d’étayer ou d’illustrer un concept théorique. Leur lecture est obligatoire. Des liens avec la psychomotricité sont proposés. 2023-2024 2 Tâche 1 : Présentez-vous dans votre groupe au moyen du forum d’équipe dans la tuile Introduction Table des matières Les outils disponibles dans ce cours.................................................................................................... 2 Préambules........................................................................................................................................ 4 Introduction....................................................................................................................................... 5 1. L’objet de la psychologie sociale....................................................................................................... 5 Chapitre 1 : Autrui et sociabilité.......................................................................................................... 7 1. La facilitation sociale......................................................................................................................... 8 2. La nécessité vitale d’autrui.............................................................................................................. 10 2.1 La pyramide de Maslow................................................................................................................ 10 2.2 Les théories d’attachement........................................................................................................... 11 3. Anxiété, grégarité et comparaison sociale...................................................................................... 18 3.1 Théorie de Festinger sur la comparaison sociale (1954)............................................................... 18 3.2 Champs de comparaison ou de référence.................................................................................... 19 3.3 Les effets de la comparaison sociale............................................................................................. 19 3.4 La comparaison sociale sur les réseaux sociaux............................................................................ 20 4. La perception d’autrui..................................................................................................................... 20 Chapitre 2 : Attraction et altruisme................................................................................................... 21 1. Introduction..................................................................................................................................... 22 2. Attraction, amitié et amour............................................................................................................. 23 ▪ Gratification et coûts................................................................................................................... 24 ▪ Niveau de comparaison............................................................................................................... 26 ▪ Les niveaux de comparaison alternatifs...................................................................................... 27 ▪ Le test sociométrique de Moreno............................................................................................... 27 3. Aide et altruisme............................................................................................................................. 28 4. Interventions en cas d’urgence....................................................................................................... 30 2023-2024 3 Chapitre 3........................................................................................................................................ 33 Chapitre 4 : L’apprentissage de la violence........................................................................................ 34 1. Théories biologiques, psychologiques et sociologiques.................................................................. 35 La théorie du lien frustration-agression.............................................................................................. 35 Les théories de l’apprentissage........................................................................................................... 36 L’interactionnisme social..................................................................................................................... 36 2. L’évolution du comportement agressif chez l’être humain............................................................ 37 3. Les aptitudes associées à la diminution des agressions physiques................................................. 37 ▪ Le développement du langage.................................................................................................... 37 ▪ Jouer à se battre.......................................................................................................................... 38 ▪ Le développement des habiletés sociales................................................................................... 38 Préambules Ce cours s’inspire des ouvrages de Jacques-Philippe Leyens et Vincent Yzerbyt, la Psychologie sociale (2005) et de Jacques-Philippe Leyens et Olivier Klein, la psychologie sociale (2019). Il est agrémenté par d’autres ressources disponibles en grande partie sur le web. 2023-2024 4 Introduction 1. L’objet de la psychologie sociale « Le 3 août 2019, un suprémaciste américain blanc du nom de Patrick Wood Cursius a dégainé son arme automatique dans un supermarché de la ville d’El Paso, frontalière avec le Mexique, tuant 22 personnes et en blessant 24 autres. À la lecture d’un manifeste qu’il avait écrit peu avant les événements, cet homme était clairement habité par une haine profonde à l’encontre des minorités hispaniques. S’il semble qu’il ait agi seul, d’aucuns considèrent qu’il a été fortement inspiré par des discours émanant de l’extrême- droite américaine voire par ceux du président Trump lui-même. Ces points de vue radicaux largement diffusés par les médias et les réseaux sociaux auraient influencé, on peut même dire façonné, ses attitudes à l’égard de la minorité hispanique et des migrants originaires d’Amérique centrale. Il semble que Patrick Wood Cursius ait aussi été inspiré par les actes d’un autre suprémaciste, australien quant à lui, qui avait tiré sur des fidèles dans une mosquée néo-zélandaise plus tôt dans la même année. À l’opposé de ces actes terrifiants, certain·e·s client·e·s et employé·e·s du supermarché ont emprunté une tout autre voie et n’ont pas hésité à risquer leur vie pour porter secours à certaines victimes alors que la première réaction de la plupart des personnes présentes a consisté à s’enfuir. Dans l’exemple, extrême, de la tuerie d’El Paso, l’enchaînement des processus psychologiques qui mène le tireur à commettre son acte peut être examiné, en partie, grâce à cette discipline. L’auteur semble avoir réagi à un facteur contextuel, l’immigration latino-américaine, qu’il perçoit comme un événement menaçant. Quelles sont les raisons qui l’amènent à appréhender cette immigration en ces termes ? D’où proviennent ces « grilles de lecture » ? Patrick Cursius a aussi été influencé par les exemples fournis par des fusillades précédentes. Que se serait-il produit si les médias avaient accordé moins de temps d’antenne à ces actes malveillants ou si les réseaux sociaux étaient moins susceptibles de relayer ce type d’informations ? Son acte, précédé d’un manifeste publié sur un site web, a également pour vocation à être montré à un large public. Aurait-il agi de la sorte s’il n’avait pas la conviction qu’il ferait la une de l’actualité ? Des gens se sont précipités pour apporter leur aide alors que d’autres ont pris leurs jambes à leur cou. Qu’est-ce qui fait que certains clients s’enfuient alors que d’autres cherchent à porter secours à d’autres victimes voire, dans certains cas de tueries de masse, s’en prennent directement au tireur au péril de leur vie ? Tant de questions qui taraudent toute personne qui entend un tant soit peu comprendre pourquoi et comment les choses se sont produites de la façon dont elles se sont produites. 2023-2024 5 Si les psychologues sociaux sont certes interpellés dans des cas exceptionnels comme celui-ci, leur ambition première est de mettre en évidence des mécanismes plus généraux qui concernent l’ensemble des êtres humains. Au-delà d’une compréhension d’événements singuliers, il s’agit donc de rendre intelligible une très large gamme de comportements. En examinant des situations comme celles qu’on vient de rappeler, la psychologie sociale cherche en définitive à décrire l’enchaînement des processus psychologiques qui peuvent pousser un individu à mettre en œuvre des conduites hostiles, par exemple à l’égard de minorités issues de l’immigration. Au-delà, il s’agit de prendre la mesure des facteurs qui rendent compte de l’agression humaine (Yzerbit et Kleine, 2019). La psychologie sociale peut être définie comme la discipline qui s’intéresse aux processus par lesquels la présence réelle ou imaginée d’autrui influence les conduites des êtres humains. 1975, Le commando du train de Beilen s'est rendu dimanche après-midi Les "Jeunes Moluquois libres" attendent l'effondrement du régime indonésien... Un otage qui avait été choisi pour être exécuté demande à son ravisseur de transmettre un message à ses proches. Il a cessé d’être un moyen de pression, il est devenu un être capable de sentiments. L’otage ne sera pas exécuté. Cet autre fait d’actualité nous montre à quel point l’influence sociale passe par des interactions entre individus ou entre groupes. Les ravisseurs et leurs otages doivent interagir ne serait-ce que pour régler le problème de nourriture ou d’hygiène. Certains individus fuient et d’autres portent secours à ceux en danger dans une fusillade. La psychologie sociale s’intéresse à autrui d’un triple point de vue : ▪ Sa connaissance ▪ Les influences réciproques entre soi et autrui ▪ Les interactions sociales Nous sommes dépendants d’autrui et toute notre vie se passera à être interdépendants Au travers de ce cours, vous serez amenés à comprendre quelques-uns de ces principes qui régissent nos interactions sociales. 2023-2024 6 Chapitre 1 : Autrui et sociabilité Objectifs de ce chapitre : L’étudiant sera amené à définir et identifier les concepts suivants : ▪ La facilitation sociale ▪ La nécessité vitale d’autrui ▪ Anxiété, grégarité et comparaison sociale ▪ Différence entre soi et autrui ▪ Effet d’audience ▪ Effet de co‐action ▪ Le syndrome de Spitz et ses caractéristiques ▪ Sentiment d’impuissance ▪ Théorie de l’attachement ▪ Phénomènes d’empreintes de Lorentz ▪ L’expérience de Harlow ▪ Les différents types d’attachement ▪ L’acédie ▪ La méthode du coin ▪ L’expérience de Schachter ▪ Expérience de Rosenhan Tâche 2 : Rédiger un tableau synthèse qui reprend et explique les concepts ci-dessus. Déposez-le sur Moodle Tâche 3 : Réaliser une carte conceptuelle pour ce premier chapitre et déposez-la sur Moodle 2023-2024 7 1. La facilitation sociale En 1898, le psychologue social Norman Triplett s'interroge sur les performances des cyclistes. Il observe que ceux-ci semblent produire de meilleures performances lorsqu'ils sont en compagnie d'autres cyclistes que lorsqu'ils sont seuls. Dans son article, Triplett explique l'expérience qu'il a menée sur la relation entre la compétition et l'augmentation des performances, à la suite de l'observation des résultats dans le livre des records de la Ligue Américaine des cyclistes. Selon lui, la présence de compétiteurs produirait un effet dynamogène sur les performances des cyclistes. La présence d'autrui aurait ainsi une influence positive sur la performance individuelle. Pour tester son hypothèse, Triplett réalise une expérience auprès d'un échantillon de 40 enfants âgés de 8 à 17 ans. Leur tâche était d'enrouler 16 mètres de fil sur un moulinet de canne à pêche le plus rapidement possible, d'abord seuls (première condition) puis en compagnie d'un autre enfant (deuxième condition). Les moulinets étaient raccordés à un dispositif qui permettait d'enregistrer le rythme avec lequel les participants moulinaient et donc de déterminer la rapidité de l'action. Les résultats observés ont ainsi permis à Triplett de confirmer l'hypothèse selon laquelle la présence de co- acteurs lors d'une tâche motrice favorise la performance individuelle des sujets. En effet, l'expérience montre que la moitié des enfants enroulaient les moulinets plus rapidement lorsqu'ils étaient en compagnie d'un autre enfant. Mais faut-il nécessairement qu'il y ait co-action pour influencer la performance des sujets ? La réponse est apportée par le psychologue Ernst Meumann, en 1904. Ce chercheur, qui s'intéressait à l'effort musculaire (et non directement au phénomène de la facilitation sociale), a réalisé une expérience auprès de ses étudiants en leur demandant de réaliser des tâches simples se trouvant à la limite de leurs possibilités physiques. Une de ces tâches pouvait être, par exemple, de soulever, durant un temps déterminé, un poids à l'aide d'un seul doigt. Meumann se rend alors compte que la performance des étudiants s'améliore en sa présence, alors qu'il n'est que simple observateur (effet d'audience). Il pose ainsi l'hypothèse que la simple présence d'un autrui passif suffit à améliorer les performances motrices des sujets. Ce n'est que presque 30 ans après la découverte de Triplett, en 1924, que ce phénomène fut baptisé « facilitation sociale » par Floyd Allport. Ce terme qualifie alors l'influence positive que la présence active (effet de co-action) ou passive (effet d'audience) d'autrui peut avoir sur les performances motrices d'un individu. La facilitation sociale est un phénomène social selon lequel la présence d'autrui, en situation d'audience ou de co-action, a un effet bénéfique sur les performances d'un individu. Les recherches sur le phénomène de facilitation sociale vont se décomposer en deux domaines d'étude : ▪ L’effet d’audience (observateur passif) ▪ L’effet de co‐action (observateur actif). 2023-2024 8 ▪ L'effet d’audience (observateur passif) Meumann, suite à d’autres expérimentations, conclut que la performance musculaire d'individus augmente lorsque des observateurs sont présents. L'effet d'audience sera ainsi défini comme le phénomène selon lequel la simple présence d'un observateur passif a une influence sur les performances (motrices, intellectuelles...) d'un individu. L'effet de co‐action (observateur actif) L'effet de coaction renvoie quant à lui au phénomène décrit au départ par Triplett : la présence d'autres personnes effectuant la même tâche que le sujet a une incidence directe sur la performance de ce dernier. Notons là encore que l'effet n'est pas forcément facilitateur. Autres lectures sur l'effet d’audience : Critiques… L’effet facilitateur n’est cependant pas toujours observé : d'autres auteurs constatent des conséquences inhibitrices de la présence d'autrui. Cette constatation est à rapprocher du concept d’inhibition sociale. Par exemple, lors d'une présentation orale devant un public, un individu pourra avoir une prestation meilleure pour un sujet déterminé alors que sa présentation en public d'un autre sujet pourra lui être défavorable. De plus, il est à noter que dans les premières observations de Triplett, seule la moitié des participants avaient amélioré leur performance. En effet, sur les 40 enfants, un quart d'entre eux avaient obtenu de moins bons résultats lorsqu'ils étaient en groupe. Comment expliquer cette différence ? Comment la présence de l'autre peut-elle agir tantôt positivement (effet facilitateur), tantôt négativement (effet inhibiteur) sur notre rendement individuel ? La réponse à cette question est proposée par Robert Zajonc, en 1965. Selon cet auteur, la présence des autres stimule l'organisme de l'individu et peut faciliter l'apparition d'une réponse dominante chez ce dernier. Cette notion de réponse dominante peut être définie comme la réponse qui est la plus susceptible d'apparaitre dans une situation déterminée. Elle devient donc habituelle pour le sujet. Selon que la tâche soit familière ou complexe, la réponse dominante sera associée à une bonne ou mauvaise réponse. Si la réponse dominante est correcte, on pourra observer un phénomène de facilitation sociale. En revanche, si la réponse dominante est incorrecte, il s'agira d'un phénomène d'inhibition sociale et la présence des autres sera défavorable à la performance de l'individu. 2023-2024 9 2. La nécessité vitale d’autrui « L’individu est essentiellement social, il l’est par nécessité intime, il l’est génétiquement » : Wallon (1946) 2.1 La pyramide de Maslow La pyramide des besoins, ou pyramide de Maslow, est une représentation pyramidale de la hiérarchie des besoins, une théorie de la motivation élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. Figure 1: La pyramide de Maslow (1943) 2023-2024 10 Enfants, nous nous sommes tous perdus dans un grand magasin. Seuls, sans repères, nous avons ressenti un sentiment d’insécurité, pleuré peut-être jusqu’à ce qu’une âme charitable appelle nos parents au micro. La simple pensée qu’ils allaient réapparaître suffisait à nous apaiser. Cet exemple se situe au cœur même de la théorie de l’attachement que nous allons développer ici. L’attachement est ce qu’on définit comme un besoin primitif, à savoir le besoin de sécurité. On le retrouve au niveau deux de la pyramide de Maslow, utilisée pour représenter nos besoins fondamentaux. Il ne se situe ni dans le registre de l’amour (besoin évolué se situant au troisième niveau), ni dans le nourrissage (pulsion ou besoin archaïque se situant au niveau un). « 90 % DES COMPORTEMENTS DÉSAGRÉABLES DES ENFANTS SONT LIÉS À UN MANQUE D’AMOUR ET D’ATTENTION. » (Racine, 2008) Favoriser une bonne estime de soi Tâche 4 : L’estime de soi. Résumez cette vidéo en 10 lignes en faisant des liens avec les concepts de ce chapitre. 2.2 Les théories d’attachement 2.2.1 Le syndrome d’hospitalisme Les conséquences d’un séjour prolongé dans ces orphelinats de Roumanie sont très importantes sur le développement de l’enfant. Il peut être, comme vu dans la vidéo ci-dessus, à l’origine du syndrome d’hospitalisme (Spitz, 1945). Celui-ci se caractérise par : ▪ Un retard dans le développement mental 2023-2024 11 ▪ Un taux de morbidité plus élevé ▪ Une relation sociale retardée ▪ Un retard dans la croissance ▪ Une apathie ou recherche exagérée d’amour et de tendresse. Ces enfants souffrent de l’absence d’un substitut maternelle. Dans ses études sur l’attachement, le psychiatre et psychanalyste anglais Bowlby (1969) s’est intéressé aux effets de la séparation comme dans le cas d’hospitalisation prolongées et réitérées. Il a noté que les enfants développent les réactions suivantes qui se succèdent : ▪ Tristesse et désespoir ▪ Fureur et colère ▪ Apathie et indifférence Aussi les enfants qui sont conduits régulièrement à l’hôpital pour y suivre un traitement ont cette impression d’abandon. Quoi qu’ils fassent ils seront abandonnés. Ils apprennent l’impuissance et le seul moyen pour eux se protéger est l’apathie. Les recherches sur l’isolement social extrême ont été réalisées avec des animaux. Une des plus célèbres de ces expériences est celle de Harlow (1965). Dans un premier temps, il sépare des petits macaques de leurs mères à différentes périodes de leur développement, à la naissance ou à partir de 3, 6, 12 et jusqu'à 24 mois. Il les laisse en total isolement et hors de tout contact avec leurs semblables. Bien que restant en parfaite santé physique à leur réinsertion auprès de leurs congénères, ils sont généralement en état de choc émotionnel, caractérisé par des attitudes autistiques et un anéantissement de leurs interactions sociales (pas d'interaction, de jeu ni d'intérêt sexuel). Par contre, plus la période d'isolation avait lieu plus tardivement, moins elle avait d'effet sur leur comportement. Cette première série d'expériences a démontré, chez le primate et par extension chez l'homme, l'importance des interactions entre l'enfant et la mère à une période déterminée et leur rôle sur le développement social ultérieur. Il tenta ensuite de proposer des alternatives pour tenter d'isoler le facteur déclenchant de cette désocialisation. Le principe était de séparer les nouveau-nés de leurs mères et de les placer en présence de deux substituts maternels, l'un en grillage simple, mais fournissant du lait, l'autre recouvert d'un tissu et contenant une source de chaleur. Les petits préféraient se blottir contre le deuxième, quitte à aller brièvement pour se nourrir sur le premier. Cette expérience s'est opposée à l'interprétation la plus courante de l'époque qui, sans renier le rôle du contact physique, donnait jusqu'alors une fonction primordiale à la fonction alimentaire. 2023-2024 12 Ce fut donc le point de départ de la considération la plus courante aujourd'hui, à savoir que la tétée joue avant tout un rôle affectif, par la mise en contact sensorielle fréquente de l'enfant et de la mère. Cette expérience lui a permis de mettre en évidence que : ▪ Le bébé singe présente un risque plus élevé de retard de développement s’il a été isolé de sa mère ou figure d’attachement entre 6 mois et 12 mois. ▪ Le bébé isolé avec une mère artificielle choisira celle qui a une fourrure. Ceci s’oppose à l’idée de l’époque qu’il ne suffisant que de repos et de nourriture pour satisfaire un bébé. ▪ L’attachement est un lien affectif et social développé par une personne envers une autre que nous appellerons figure d’attachement ▪ Cette propension à établir une relation avec des personnes existe dès la naissance et se maintient tout au long de la vie. Ce besoin d’attachement est un besoin primaire et inné. Cet attachement se développe à partir de comportements innés : pleurs, succion, agrippement qui permettent de maintenir la proximité physique et l’accessibilité à la figure d’attachement qui est souvent représentée par la mère. Les fonctions de cet attachement sont : ▪ La protection ▪ Le réconfort ▪ La consolation Si les réponses de l’entourage sont positives au besoin de l’enfant, celui‐ci développera une base de sécurité et une image de lui‐même positive. 2.2.2 Le phénomène d’empreinte de Lorentz Le phénomène d'empreinte Ou « imprégnation » a été décrit par Konrad Lorenz chez les oies cendrées dès 1935. Celui-ci raconte avoir observé l'éclosion d'un oison, puis avoir voulu remettre celui- ci sous sa mère. Mais l'oison poussait des cris désespérés et s'entêtait à suivre le chercheur et non sa mère. Lorenz réitéra l'expérience avec d'autres petites oies et comprit alors que celles- ci considèrent comme leur mère le premier objet en mouvement qu'elles aperçoivent lorsqu'elles sortent de l'œuf. L'empreinte, qui peut donc être définie comme un processus d'attachement social et de reconnaissance de son espèce, est caractérisée par une période critique (ce phénomène n'est possible que dans les premiers jours de la vie de l'oisillon, une acquisition très rapide). 2023-2024 13 2.2.3 Le phénomène d’attachement La thèse, maintenant classique, développée par John Bowlby en 1958, lors de sa première formulation de la théorie de l’attachement, est que l’attachement du bébé à sa figure d’attachement a pour base un équipement comportemental constitué par un nombre déterminé de « réponses instinctives » qui l’orientent vers la figure d’attachement. Le comportement d’attachement, dans ce sens, est conçu comme une forme de comportement, simple ou organisé, qui aboutit à la recherche ou au maintien de la proximité à un individu différencié et préféré. On distingue cinq phases dans le développement de l’attachement. Au cours des trois premiers mois, le bébé s’oriente vers l’autre et s’arrête de pleurer lorsqu’il entend une voix ou remarque un visage. L’enfant de cet âge établit des contacts d’attachement qui favorisent le rapprochement, mais il ne manifeste pas de préférence pour une personne ou une autre. ▪ Avant 3 mois : l’orientation et les signaux émis par le bébé sont sans discrimination d’une figure particulière mais avec une préférence innée vers l’adulte d’origine familière. C’est généralement la mère qui y répond. On différencie les comportements d’attachement aversifs (les pleurs et les cris) qui amènent l’adulte à s’occuper du bébé ; les comportements de signalisation (babillage et sourire) qui conduisent l’adulte vers le bébé pour des échanges plaisants et permettent aussi un maintien de la proximité. Et les comportements actifs (attraper quelque chose, s’accrocher…) qui sont encore immatures à cette période. Les réponses de l’adulte s’occupant de l’enfant, amènent les comportements aversifs à diminuer et incitent le développement des deux autres. Cette période est une phase de préattachement. ▪ De 3 à 6 mois, l’enfant a toujours des comportements « amicaux » envers plusieurs partenaires, mais il manifeste surtout son attachement à sa mère. ▪ Vient ensuite, de 6 mois à 2 ans, la phase au cours de laquelle se manifeste le plus fortement l’attachement réciproque entre la mère et l’enfant. L’enfant se rapproche d’elle ou la suit lorsqu’elle s’en va, il lui fait la fête lorsqu’elle revient. Sa mère est la base de sécurité à partir de laquelle il explore le monde. L’enfant se montre réservé, voire peureux avec les inconnus. ▪ À 2 ou 3 ans, la plupart des enfants n’ont pas un attachement exclusif à leur mère. Plusieurs adultes constituent une base de sécurité pour l’enfant. Il se dirige vers ces adultes pour être réconforté en cas de besoin ; il leur sourit et cherche le rapprochement, mais conserve un adulte préféré. A cet âge, l’enfant accepte plus facilement de s’éloigner des adultes. C’est en effet la période où l’enfant commence à maintenir efficacement le contact par le langage. ▪ Vers 3 ans, les comportements d’attachement changent et deviennent moins perceptibles, sauf lorsque l’enfant est fatigué ou malheureux. La fréquentation de l’école maternelle affermira encore cette tendance à l’autonomie et à la socialisation. 2023-2024 14 Durant les années de la scolarité primaire, l’enfant élargit ses perspectives sociales grâce aux amitiés qu’il construit avec d’autres enfants. Le milieu ne se réduit plus à la famille. L’enfant vit dans plusieurs milieux emboîtés ou séparés selon les cas : famille, école, groupe de copains ou bande, quartier, etc.… La Situation Etrange Il s’agit d’une observation qui a pour but d’évaluer le comportement d’attachement de jeunes enfants de 9 à 18 mois. Elle se déroule durant une vingtaine de minutes durant lesquelles se succèdent moments de séparations et de retrouvailles entre l’enfant et son parent. Cette observation se fait aussi en présence d’une personne étrangère. Ces situations provoquent chez l’enfant un léger stress permettant d’activer expérimentalement un comportement d’attachement. Les réactions de l’enfant, notamment lors des retrouvailles avec la figure parentale, permettent de renseigner l’observateur sur la qualité de la fonction de « base de sécurité ». Ces travaux de M. AINSWORTH ont permis de compléter les recherches sur la théorie de l’attachement en définissant différents types d’attachement possibles, qui sont classés selon leurs caractéristiques qualitatives. 2.2.4 Les différents types d’attachement :. Tâche 5 : Sur base de ces supports vidéo et écrit, créer une carte interactive des différents types d’attachement ; cette carte servira de « notes » de cours 2023-2024 15 Les troubles associés : Les enfants ne sont pas les seuls à souffrir de l’absence d’autrui. Même les ermites sont sujets à des troubles dus à la solitude. Cette nostalgie d’autrui se nomme l’acédie. Cette acédie a également été observée dans les prisons au 19ème siècle. L’isolement mis en place pour punir les prisonniers les plus violents n’a fait que créer des troubles psychosomatiques. La méthode du coin utilisée chez les enfants turbulents a été utilisée dans l’expérience de Walter et Parcke (1964) Privé pendant un certain temps du contact avec les autres, l’enfant reviendra sensible aux remarques de l’adulte mais il ressentira cela comme un rejet de l’adulte. Certains enfants dans une situation de stress ont besoin d’être rassuré par l’adulte (attachement), s’ils sont isolés, ils souffriront en silence pour éviter d’être punis. Il se trouve même que les scanners cérébraux ont révélé que la souffrance relationnelle (celle causée par l’isolement pendant une punition « au coin ») active les mêmes mécanismes cérébraux que la souffrance physique (celle causée par une fessée ou tout autre forme de violence physique). Avoir recours au coin prive les enfants d’une occasion de construire des compétences humaines que d’autres types de discipline tendent à privilégier. L’enfant développe de la colère et n’apprend pas à réguler ses émotions. Il doit pourtant acquérir cette compétence. Quelles alternatives ? : Il faut envisager un temps de reconnexion : s’asseoir avec l’enfant, lui parler doucement et calmement, l’écouter, le réconforter sans nier sa douleur ou sa détresse. Et la psychomotricité ? La petite enfance est au cœur des recherches et des théories de la psychomotricité, notamment en ce qui concerne le développement psychomoteur. Ce développement psychomoteur ne peut être harmonieux sans un environnement « suffisamment bon » et étayant pour soutenir l’enfant, sans la présence d’échanges mais surtout de liens d’attachement. Vignette : cas concret en psychomotricité 2023-2024 16 Passage de vignettes repris dans le mémoire « les liens d’attachement » de Sonia Jegou (2014) Une maman est venue avec sa petite fille, Eva, âgée de 4 mois et sa grande soeur âgée de 7 ans ; la situation familiale est un peu compliquée avec une procédure de divorce affectant la maman qui est notamment suivie sur le plan psychologique. Après passation du Brunet-Lézine révisé, il en est ressorti qu’Eva présentait un début de retard psychomoteur (pas d’esquisse de geste de préhension, pas de vocalise …). Lorsque l’on discute avec cette maman sur les acquisitions de son bébé, elle nous répond : « Je ne sais pas, je ne vois pas, c’est sa soeur qui me raconte ». J’ai d’ailleurs observé que sur tout le temps de cette consultation Eva cherchait en permanence le regard de sa maman, et s’accrochait à celui de sa soeur. Je rencontre Lisa lors d’une consultation PMI, elle vient d’avoir 9 mois. Afin d’évaluer son développement psychomoteur, je lui propose quelques items standardisés du Brunet-Lézine. Lisa est une petite fille souriante et curieuse. Elle commence à se saisir du jouet, puis se retourne vers sa mère qui lui sourit et la soutient verbalement : « oui va y ma chérie ». Lisa va alors reprendre son action et explorer ce jouet Je rencontre Dounia au cours d’une consultation de PMI, elle a 17 mois et 15 jours. C’est le premier enfant de Madame et le quatrième de Monsieur qui n’est présent que le soir au domicile après son travail. Dounia est gardée exclusivement par sa mère, ne rencontre pas d’autre enfant, mère et fille dorment dans le même lit la nuit. C’est une petite fille qui n’obéit pas aux interdits parentaux, qui est très agitée et qui « fatigue beaucoup » sa mère (dixit les propos de Madame). Lors de la consultation Dounia monte et descend du tapis sans faire preuve de prudence, elle tombe, se relève, puis court à toute allure dans les jouets, elle ne semble pas avoir conscience des limites et du danger. Lorsque je lui propose un jeu, elle ne s’y intéresse que très peu et passe vite à autre chose. La maman de Dounia nous fait ressentir son agacement, dès que sa fille vient vers elle, elle la porte et la pose plus loin près des jeux, ceci sans aucune verbalisation. Au cours de cette rencontre, Dounia essaie à plusieurs reprises d’entrer en interaction avec sa mère, par des mots, des gestes, en venant contre elle, mais en vain. Madame raconte ses difficultés avec Dounia à la puéricultrice, et n’apporte pas de réponses à sa fille. Joan a 9 mois, il est assis sur les genoux de sa maman. Face à lui sur le bureau, il y a plusieurs cubes, il en saisit 2, un dans chaque main et les frappe l’un contre l’autre ; étonné du bruit il se tourne vers sa mère. Il recommence, c’est alors que sa maman prononce des « aaaa » lorsque Joan s’apprête à faire le mouvement et « bam » lorsqu’il frappe les cubes l’un contre l’autre. Joan se tourne vers sa mère, lui sourit et recommence tout en prêtant une grande attention à la réaction de sa mère et à ses vocalises. 2023-2024 17 3. Anxiété, grégarité et comparaison sociale Schachter et Zilstein (1959) tentent eux aussi de répondre à cette question : pourquoi sommes-nous sensibles à la présence des autres en situation d’anxiété ? L’anxiété entraîne le désir d’être avec d’autres pourvu qu’ils soient dans la même situation. L’auteur explique aussi ces résultats par la théorie de la comparaison sociale. En l’absence de référents objectifs, les gens chercheraient à comparer leurs opinions et aptitudes avec celles des autres. Il étend alors la théorie au domaine des émotions. Peut-être les étudiantes dans l’incertitude souhaitent comparer leur anxiété à celle des autres même de manière non verbale. Toutefois, la tendance à nous comparer socialement décroît lorsqu’augmente la différence entre nous et autrui (la cible de comparaison devenant moins pertinente). 3.1 Théorie de Festinger sur la comparaison sociale (1954) La comparaison sociale est un processus cognitif appliqué à une ou à des informations qui concernent une ou plusieurs personnes en relation avec soi, et qui permet d'apprécier les similitudes et/ou les différences entre soi et autrui. En d’autres termes, nous avons besoin d’évaluer nos opinions et aptitudes personnelles via les comparaisons sociales. L'individu évalue ses opinions et ses aptitudes en se référant à autrui. Plus exactement dans les situations où l'individu n'est pas sûr de la justesse de ses opinions ou de la qualité de ses aptitudes, L'individu ne possède pas toujours de base objective. Si son opinion est partagée, il en conclura qu'elle est valide, de la même manière, si ses capacités sont appréciées par autrui il en conclura qu'elles sont satisfaisantes. Par exemple, pour évaluer ses capacités intellectuelles ou encore la validité de son opinion Le sujet essaiera alors de recueillir des avis concernant son travail pour en évaluer la pertinence. 2023-2024 18 3.2 Champs de comparaison ou de référence On désigne par champ de comparaison l'ensemble de ces individus auxquels peut potentiellement se comparer le sujet. Selon Festinger l'individu se comparer finalement qu'aux individus les plus semblables à lui. Le champ de référence que l'individu choisit n'est donc pas l'ensemble de la communauté mais le plus souvent son groupe de référence (et plus exactement les individus qui ont des opinions et aptitudes proches des siennes). Pour évaluer ses capacités intellectuelles un individu se tournera vers ses pairs, et pour évaluer ses capacités au tennis, il se tournera vers des individus qui ont un nombre d'années de pratiques à peu près équivalent, un âge à peu près semblable, le même sexe, … Si nos opinions ou aptitudes sont éloignées du groupe de référence, nous tentons de réduire ces divergences. Pour ce faire, il peut adopter trois solutions complètement différentes selon Festinger : 1. Il peut tenter de se rapprocher de ces individus 2. Il peut au contraire chercher à rapprocher les autres de lui 3. Il peut enfin réduire plus encore son champ de référence. 3.3 Les effets de la comparaison sociale La comparaison sociale aura des effets sur : ▪ Image de soi et estime de soi ▪ Affects négatifs et positifs : Joie, tristesse ▪ Motivation et engagement dans l’action Elle permet aussi de se confier et d’être réconforté. Quoi qu’il en soit, la comparaison sociale est un processus vital dans notre fonctionnement. Il s’agit d’un processus dans lequel l’individu s’engage de manière quasi automatique et qu’ils emploient dans plusieurs buts : ▪ Se rassurer par rapport à leurs opinions ou leurs performances ▪ Augmenter l’estime de soi ▪ Elle permet à chacun de se définir comme sujet à la fois unique mais aussi semblable aux autres 2023-2024 19 3.4 La comparaison sociale sur les réseaux sociaux 4. La perception d’autrui 2023-2024 20 Chapitre 2 : Attraction et altruisme Objectifs de ce chapitre : L’étudiant sera amené à définir et identifier les concepts suivants : ▪ Gratification des coûts ; principe de réciprocité ▪ Théorie implicite de la personnalité et beauté ▪ Niveau de comparaison ▪ Proximité et familiarité ▪ Relation d’échange et de communion ▪ L’investissement ▪ Le principe de similitude et de complémentarité ▪ Théorie de la préservation et de l’auto-évaluation ▪ Les niveaux de comparaison alternatifs ▪ Le phénomène de réactance ▪ Le modèle de prise de décision de Latané et Darley Ces concepts sont liés à d’autres concepts que nous pouvons nommer concepts secondaires visibles et identifier dans ce syllabus. Ils sont également à maitriser. Tâche 6 : Rédiger un tableau synthèse qui reprend et explique les concepts ci-dessus. Veiller à ce que les concepts secondaires s’y retrouvent Déposez-le sur Moodle. 2023-2024 21 1. Introduction Les Français et le Bonheur (https://www.tns-sofres.com/publications/les-francais-et-le-bonheur, consulté en mars 2020) 28.10.2004 Les Français sont bien dans leur époque : 94% d'entre eux se disent heureux, contre 5%. Un sentiment qui n'a jamais été aussi élevé depuis que la question leur est posée (1973). Concrètement qu'est-ce qui rend les Français heureux ? La famille (52%), les enfants (48%) et la santé (47%) dominent de loin l'ensemble des facteurs. Pour être parfaitement heureux, qu'est-ce qui leur manque le plus ? De l'argent (36%), davantage de temps (22%) arrivent loin devant les enfants (14%), le fait de se rendre utile (13%), l'amour (13%) et un meilleur logement (13%). Tels sont les principaux enseignements de notre étude réalisée pour Pèlerin. C'est quand, le bonheur ? Maintenant ! Les Français sont bien dans leur époque : 94% d'entre eux se disent heureux, contre 5%. Un sentiment qui n'a jamais été aussi élevé depuis que la question leur est posée (1973). Même si on observe un léger fléchissement en juin 1993, au plus fort de la crise économique, ce sentiment oscille régulièrement entre 88 et 94%. Par rapport à il y a 5 ans, les Français se montrent plus réservés : la moitié d'entre eux se disent ' plus heureux ' (49%) ; un quart, moins heureux ; un autre quart, ni plus ni moins heureux. Le sentiment de ' félicité ' diminue avec l'âge ; les femmes âgées se montrent moins heureuses que leurs homologues masculins. Enfin, le travail le fait le bonheur, semble- t-il : notre enquête montre en effet qu'on est plus heureux quand on travaille. Le bonheur est dans la famille C'est bien connu, l'argent ne fait pas le bonheur. Ce qui, en effet, rend les Français heureux, c'est la famille (52%), les enfants (48%) et la santé (47%) dominent de loin l'ensemble des facteurs. Viennent ensuite l'amour (35%), les amis (29%), les activités loisirs et sorties (24%). Signe des temps ? La vie professionnelle (21%) n'intervient qu'en 7e position. C'est donc bien la sphère privée avant tout, qui constitue le socle d'une vie heureuse. Cette hiérarchie peut varier selon l'âge, le sexe, et la pratique religieuse : ce qui rend les jeunes heureux, c'est d'abord l'amitié (54%) et l'amour (49%) ; après 25 ans, c'est l'amour le plus important, et passé 65 ans, on se félicite surtout d'une bonne santé (54%). plus que les femmes, le travail rend les hommes heureux ; ils en font une de leurs trois principales sources de bonheur enfin, c'est la foi, (51%), les enfants (51%) et la famille (62%) qui rendent les , avec les catholiques pratiquants réguliers placent ainsi la foi et le fait de croire en Dieu en 2e position. 2023-2024 22 Figure 2 (2016) https://www.florenceservanschreiber.com/outils/sondage-francais-bonheur/ A la lecture de ces ressources de respectivement 2014 et 2016, il est possible de mettre en évidence que les principales sources de bonheur sont la famille, les amis et le fait d’être entouré de personnes qu’on aime. Un précédent sondage daté de 1985 apportait déjà les mêmes conclusions (Berscheid, 1985 cité par Leyens et Yzerbit, 1997). Ce chapitre 2 pose les bases d’une explication à cela. Pourquoi avons-nous besoin des autres pour être heureux ? Pourquoi aidons-nous les autres et dans quelles conditions ? … 2. Attraction, amitié et amour Toute attirance envers quelqu’un, qu’elle soit à court ou long terme prend son origine dans la recherche d’une satisfaction, d’un plaisir. Cette notion de plaisir dépend des bénéfices et des coûts de la relation mais aussi des autres possibilités qui s’offrent à nous. Autrement dit dans une relation amoureuse, le rapport entre ce que nous retirons d’une relation (bénéfices) et les efforts à fournir (coûts) sera important pour la pérennité de celle-ci. Les tentations (autres possibilités) l’influenceront également. Le modèle de Rusbult (1983) détaillé en figure 3 illustre l’attraction et l’amitié en fonction du temps 2023-2024 23 Gratification et coûts Plaisir Niveau de comparaison Investissement dans la relation Niveaux de comparaison alternatifs Attraction à long terme Figure 3 Modèle de Rusbult, 1983 ▪ Gratification et coûts Dans tout développement d’une relation, les premiers éléments à considérer sont les coûts et les bénéfices. La relation humaine n’est pas si dénuée d’intérêt que nous ne pourrions l’espérer. 2023-2024 24 Qu’y a-t-il de plus gratifiant que l’amour d’autrui et l’estime qu’il nous porte. Nous apprécions et aimons ceux qui nous accordent leur estime et nous aiment. C’est le principe de réciprocité. A noter que ce principe ne vaut que si nous ne percevons pas ces marques positives comme intéressées. Dans les relations, les individus entretiennent ce que l’on nomme la théorie implicite de la personnalité et de la beauté. Ces théories se retrouvent déjà chez les enfants en maternelle. En 1975, Cliford se penche sur le cas des enseignants : leurs perceptions des enfants peuvent-elles être biaisées ? Dans son expérience, les professeurs doivent décrire des enfants sur plusieurs dimensions (intelligence, évaluation des chances de succès scolaire, évaluation de l’intérêt probable de leurs parents pour leurs activités scolaires) d’après leurs photos. Moralité : un enfant jugé « beau » par les sujets sera perçu comme plus intelligent, ayant plus de chances de succès, et ayant forcément des parents plus investis dans leurs carrières scolaires… Tout ceci en comparaison avec un enfant jugé laid. L’expérience ne jette pas la pierre aux enseignants, nous sommes tous relativement soumis au même mécanisme… Ainsi, lorsqu’Asch (1946) mène une expérience sur ce thème, la majorité des individus présents tombent dans le panneau. Deux groupes de sujets sont formés – on donne à tous une liste de d’adjectifs décrivant une personne (intelligente, habile, travailleuse, déterminée, pratique, prudente). La liste est la même pour les deux groupes, à l’exception d’un mot : dans le premier est ajouté le mot « chaleureux », dans le second, le mot « froid ». Après lecture des listes, les membres des groupes doivent donner leur impression sur cette personne : banco, les portraits dressés sont complètement différents, alors même qu’un seul mot change dans les descriptions… Un seul trait peut changer la perception de l’ensemble. Les impressions que nous avons d’autrui ne tiennent donc à pas grand-chose – le problème, c’est qu’elles sont extrêmement difficiles à changer. Pour les psychologues sociaux (Bruner et Tagiuri, 1954 ; Rosenberg, 1977), nous construisons des « théories implicites de la personnalité », des théories naïves qui naissent de nos croyances quotidiennes sur la personnalité, qui viennent du « bon sens ». Au travers de ces théories, nous estimons que certains traits vont ensemble et d’autres non, sans aucun critère objectif de validité (par exemple, nous associerons intelligent avec sérieux, ou extraverti avec léger) … Ces théories sont qualifiées d’implicites car nous les utilisons sans savoir les expliquer, en nous appuyant sur la fameuse « sagesse populaire ». Dans une autre expérimentation, Snyder et al. (1977) ont demandé à des étudiants masculins de s'entretenir au téléphone avec une interlocutrice. L'étudiant disposait d'une photo de son interlocutrice. 1. Pour un groupe, la photo représentait une personne très attractive. 2. Pour un second groupe, la photo représentait une personne peu attractive. 2023-2024 25 Les résultats sont les suivants : Les photos ont largement influencé le comportement des étudiants mais également celui des interlocutrices. En effet, si l'on se montre agréable, la règle de la réciprocité veut que l'on soit agréable en retour et inversement. A noter : d'autres chercheurs (Andersen et Bem, 1981) ont montré des résultats similaires lorsqu’une étudiante a, à sa disposition, la photo d'un garçon. D’autres recherches mettent en avant d’autres variables que la beauté : ▪ La taille ; Feldman (1971) a démontré que les hommes mesurant plus de 1m85 commencent leur carrière avec un salaire de 12,40% supérieur aux autres. Une autre étude a mis en évidence qu’entre 2 personnes (1m80 et 1m50), la plus grande a été choisie pour pourvoir un poste ▪ Le visage de « poupon », on juge ces personnes davantage naïves, soumises. Une simulation de procès (Zebrowitz, 1990) a mené à condamner plus facilement les poupons que les personnes avec un visage mûr. ▪ Niveau de comparaison Il existe ce que l’on nomme en psychologie sociale des standards de comparaison. Un individu aura des attentes différentes pour telles ou telles interactions alors que les coûts seront les mêmes pour toutes ces situations. Ainsi, nous serons plus facilement enclins à faire des sacrifices pour quelqu’un de sa famille que pour un étranger. Les parents se coupent en 4 pour leurs enfants et n’attendent pas forcément des bénéfices très importants. Le niveau de comparaison qui va régir nos relations dépend de la proximité et de la familiarité. Vous serez plus facilement ami avec quelqu’un de votre groupe de TP qu’avec un autre étudiant de votre section à côté de qui vous n’êtes jamais assis. La proximité entraine la familiarité. Elles contribuent toutes les 2 à l’attraction. Ségal (1974) a d’ailleurs mis en évidence que les personnes partageant la même chambrée deviennent amies. Il y a des relations où nous favorisons la réciprocité. Par Exemple, je lui prête de l’argent. J’espère qu’il en fera de même quand j’en aurai besoin. Il y a d’autres relations dans lesquelles nous sommes plus altruistes. Exemple, je prête de l’argent à mes enfants. Je n’attends pas la même chose de leur part. Les relations familiales sont davantage orientées vers la communion Les relations entre collègues, étrangers, … sont orientées vers l’échange Le niveau de comparaison est donc influencé par le concept de proximité et familiarité et par le concept de relations d’échanges et de communion 2023-2024 26 La différence entre les gratifications d’une part et d’autre part les coûts et niveau de comparaison définit la satisfaction dans la relation. De fait, si je gagne plus dans la relation que je n’investis, il y a de quoi être satisfait. Mais cette satisfaction ne mènera pas souvent à une relation stable et durable. Pour connaître une relation stable et durable, un individu devra s’inscrire dans un investissement dans la relation. Il devra même peut-être repousser l’arrivé des bénéfices et redoubler d’efforts. Berscheid et Walster (1969) ont mis en évidence que les personnes engagées dans une relation stable et longue ont des personnalités complémentaires et des similitudes d’opinion. Il semble que ce principe de similitude et complémentarité influence l’attraction. Dans l’étude de Newcombe (1961), la similitude intervient dans l’attraction avec autrui. Il prédit avec succès les liens qui vont se créer entre des étudiants qui ne se connaissent pas encore selon leurs centres d’intérêts. La similitude intervient dans la relation car elle apport des bénéfices rapidement « cela me fait plaisir d’apprendre que j’ai raison puisque X est d’accord avec moi » Il y a donc un investissement qui vaut le coup car il apportera des bénéfices. Dans certains cas, c’est le contraire. Notre ego peut souffrir de cette similitude. On ne supporte pas que quelqu’un de proche soit meilleur que nous : théorie de la préservation de l’auto‐évaluation. Si une personne est désordonnée, elle se rendra compte qu’elle tirera des bénéfices à s’associer avec une personne organisée… ▪ Les niveaux de comparaison alternatifs « On sait ce qu’on a mais pas ce qu’on aura ». Cet adage est bien connu et se vérifie même dans certains cas comme pour les femmes battues. Outre l’emprise qu’ont leurs maris, ces femmes n’ont malheureusement pas d’autres solutions car elles dépendent financièrement de ceux-ci. Elles n’ont pas d’autres alternatives que de rester. Une rupture entraine toujours du stress mais celui-ci sera certainement moins important pour la personne qui entrevoit d’autres possibilités de relation. A noter que si une personne est très satisfaite de sa relation, elle ne verra pas les points positifs d’une autre relation même si celle-ci est très intéressante. ▪ Le test sociométrique de Moreno Moreno et son test sociométrique a pour objectif de mesurer les liens affectifs afin de repérer les sujets isolés et les aider à trouver leur place dans la société. 2023-2024 27 3. Aide et altruisme Aide et altruisme se définissent presque de la même façon : un comportement volontaire qui consiste à faire du bien à autrui mais ils diffèrent par le but qui est recherché. Ces 2 concepts font partie des comportements prosociaux. Un comportement prosocial se définit comme tout acte qui vise à améliorer la situation d’un tiers. L’aide de personnes dans le besoin, la coopération, le partage ou encore le volontariat peuvent notamment être considérés comme des comportements prosociaux (Leiberg et al., 2015 cités par Curotto, 2016). Les comportements prosociaux favoriseraient la survie de l’espèce. Les neurones miroirs (Liebermann, 2013) participent à ces comportements. - L’aide est une bonne action qui apporte des renforcements positifs à son auteur - L’altruisme ne dépend pas de renforcements, le bien d’autrui est recherché pour lui-même selon certains chercheurs. D’autres n’abondent pas dans ce sens et prétendent que l’être humain est foncièrement égoïste. Enfin, pour certains il est possible de se montrer altruiste envers quelqu’un à condition d’éprouver de l’empathie pour cette personne. Les renforcements apportés lorsque nous aidons quelqu’un sont internes (non observables) ou externes. Exemples de renforcements : 1. L’apport de récompense Le fait d’aider quelqu’un peut être source de satisfaction internes ▪ Une bonne image de soi, Brown et Smart (1991) ont montré que les individus avec une forte estime de soi aident davantage les autres après qu’on leur ait fait croire qu’ils avaient échoué à une tâche intellectuelle. ▪ Un sentiment du devoir accompli. L’expérience du portefeuille perdu en est une bonne illustration On doit cette expérience, datant de 1968, à Hornstein, Fisch et Holmes. Les chercheurs déposent par terre un portefeuille contenant quelques dollars, un chèque, une adresse et une lettre laissant entendre que la personne qui avait retrouvé le portefeuille comptait le renvoyer à son propriétaire mais qu'il l'avait visiblement égaré, à son tour sur le chemin de la Poste. Les auteurs divisent les sujets (passants) en deux groupes suivant le style de la lettre dans le portefeuille, ils créent ainsi deux conditions : Condition de similarité : La lettre était écrite dans un anglais parfait Condition de dissemblance : La lettre était écrite dans un anglais approximatif, supposant 2023-2024 28 avoir été rédigée par un étranger. Les résultats sont les suivants : en situation de dissemblance, seuls 33% des sujets ont effectivement renvoyé le portefeuille au supposé propriétaire contre 70% en moyenne en condition de similarité. Il semble que nous soyons plus influencés par des personnes "semblables" que "différentes". ▪ Partager sa bonne humeur Les personnes de bonne humeur qui viennent par exemple de gagner de l’argent ou de réussir un examen vont plus facilement écarter les coûts présents dans l’action d’aide. 2. L’évitement d’une punition ▪ Le sentiment de culpabilité que l’on éprouve pour une action menée peut nous pousser aider une personne qui est étrangère à ce sentiment de culpabilité. Le sentiment de tristesse peut également pousser à aider. ▪ La reconnaissance du besoin, Il existe différentes normes sociales ou personnelles qui nous poussent à aider sous peine de ressentir une gêne. Tâche 7 : Rédigez une liste de 3 exemples de comportements prosociaux. Créer un 3. L’évitement tableau. d’une Pour chacun activation d’eux, déplaisante citez votre source et justifiez. Déposez-le sur Moodle 3 L’évitement d’une activation déplaisante Voir une personne dans le besoin peut être déplaisant. Sa souffrance peut être désagréable. L’aide apportée permet d‘éloigner cette gêne. 4. La théorie du monde juste Nous intervenons car nous pensons que telle ou telle personne mérite d’être aidée, nous n’intervenons pas si nous estimons qu’elle mérite son sort. Exemple, certaines œuvres caritatives envoient des cartes postales sans obligation de paiement. Si nous ne désirons pas faire un don, nous pouvons les garder. De nombreuses personnes estiment qu’elles ne 2023-2024 29 peuvent pas accepter ces cartes. Elles ne peuvent les renvoyer et réalisent donc un virement généralement supérieur au prix des cartes. Celui qui a été aidé n’apprécie pas forcément son bienfaiteur. On observe alors un phénomène de réactance, un rejet du bienfaiteur. Ce phénomène est particulièrement observable dans certains conflits armés. Il peut l’être également chez des individus entre eux. Le fait de recevoir de l’aide peut mener à croire que nous sommes incompétents 4. Interventions en cas d’urgence Dans la plupart des pays, nous sommes tenus d’apporter notre aide aux personnes en difficultés voire en danger. Cette obligation est légale et s’appelle l’assistance à personne en danger. La vidéo ci-dessus nous permet de nous rendre compte du comportement des individus entre eux dans de telles situations. Ce type de situation n’est pas nouveau. En 1970 Latané et Darley ont mené plusieurs études à ce sujet, notamment en se référant sur le fait d’actualité décrit dans l’article ci- dessous. Cet article relate le meurtre de Kitty Genovese Suite à leurs recherches, Latané et Darley ont mis en évidence un modèle de prise de décision d’assistance en cas d’urgence. 2023-2024 30 Tableau 1 Modèle de Latané et Darley La prise de décision d’assistance en cas d’urgence Remarquer l’accident L’interpréter comme Comparaison sociale urgent Engager sa responsabilité Avoir les moyens d’intervenir Décider d’intervenir Rapport coûts/bénéfices Intervenir Il faut remarquer l’accident, il est possible de ne pas le voir si nous sommes pressés ou nombreux ou encore concentrés sur autre chose. Il faut ensuite que nous interprétions cette situation comme étant urgente. Ensuite, il s’agira de décider si nous souhaitons engager notre responsabilité. Il est possible d’effectuer différents allers-retours entre ces différentes étapes. Aussi, il a été mis en évidence que si un individu sait qu’il ne devra pas intervenir, il définira plus facilement cette situation comme urgente. A l’inverse, si quelqu’un est seul et responsable, il interprètera plus facilement la situation comme non grave. La comparaison sociale va influencer ces 3 premières étapes. Les gens ont tendance à se regarder, à hésiter davantage s’ils sont nombreux et davantage s’ils ne se connaissent pas. L’inaction consensuelle mènera à l’inaction d’un individu. Les autres ne bougent pas, alors moi non plus. Ensuite, si un individu décide d’engager sa responsabilité ; encore faut-il avoir les moyens d’intervenir. Suis-je capable de maîtriser une personne armée d’un couteau ? Si on en a les moyens, nous passons à l’étape suivante, nous décidons d’intervenir et intervenons. Ces 2 dernières étapes devraient être influencées par une logique de coûts et bénéfices. Or ce n’est pas forcément le cas, un individu aura tendance à intervenir plus rapidement s’il est seul qu’en groupe. 2023-2024 31 Tâche 8 : Identifiez un fait divers en lien avec ce modèle. Pour chacun des parties de ce modèle, justifiez le plus précisément possible. Citez votre source. Déposez votre production sur Moodle. 2023-2024 32 Chapitre 3 Ce chapitre n’est pas présenté à l’étudiant de manière écrite. La matière sera dispensée lors d’un cours en présentiel. 2023-2024 33 Chapitre 4 : L’apprentissage de la violence Objectifs de ce chapitre : L’étudiant sera amené à : - Citer et définir les différentes théories explicatives de l’origine des comportements agressifs - Expliquer l’évolution de l’agression chez un individu - Enoncer et expliquer les aptitudes associées à la diminution du comportement agressif Tâche 9 : Réaliser de manière individuelle une carte conceptuelle reprenant les éléments théoriques de ce chapitre. Déposez votre production sur Moodle 2023-2024 34 1. Théories biologiques, psychologiques et sociologiques Afin d’expliquer le comportement de violence et son apprentissage, les chercheurs issus de disciplines différentes ont conçu de nombreuses théories. Aussi, les biologistes avancent comme facteurs responsables, les facteurs génétiques, hormonaux ou encore neurologiques. Les sociologues quant à eux mettent en avant une culture de la violence influencée par le milieu social d’un individu. En ce qui nous concerne, nous nous attarderons plus longuement sur les recherches réalisées en psychologie. La théorie du lien frustration-agression Freud (1920) est le premier à avoir explicité le lien frustration-agression. Il y a frustration si l'énergie qui pousse un organisme à poursuivre un but est bloquée. La catharsis se produit si l'organisme montre un comportement agressif qui réduit sa frustration. Toutefois, lorsque la source de la frustration est inaccessible ou trop dangereuse, il peut y avoir un déplacement des comportements agressifs sur une cible de substitution. L'hypothèse freudienne selon laquelle la frustration est un déclencheur de l'agression fut enrichie par les travaux de Dollard et ses collaborateurs (1939). Ces auteurs ont démontré que l'intensité de la frustration - et, partant, sa capacité de susciter l'agression - découle de trois facteurs : 1 L'intensité du but poursuivi (exemple : le retrait d'un plat de nourriture est une frustration plus grande pour un chien affamé que pour un chien rassasié). 2 L'intensité de l'interférence avec le but poursuivi (exemple : pendant la réalisation d'une tâche exigeant de la concentration, une personne qui parle continuellement constitue une plus grande source de frustration qu'une autre dont le discours est intermittent. 3 Le nombre d'interférences antérieures avec le but poursuivi (exemple : la frustration d'un enfant à qui on enlève un jouet sera plus grande la cinquième fois que la première fois). Ils ont démontré également que le processus de déplacement est favorisé par les similitudes entre la source originelle de la frustration et une cible substitutive. En ce qui concerne l'actualisation d'un comportement agressif dans une situation particulière, Bandura (1973) considère que la frustration et la colère n'y jouent qu'un rôle secondaire, car ces états d'activation émotionnelle peuvent être suivis d'une diversité de comportements autres que l'agression, tels la fuite et le mutisme. Ainsi, pour Bandura, il n'existe pas de lien causal entre un état de frustration et un comportement agressif ; d'autant que l'interprétation d'une situation, laquelle est fonction de l'histoire 2023-2024 35 d'apprentissage du sujet, joue un rôle dans l'agression. Une telle primauté de la dimension cognitive sur la dimension affective se retrouve également chez d'autres chercheurs. Les théories de l’apprentissage La théorie de l'agression de Buss (1961) s'inspire des travaux de Skinner sur le conditionnement opérant (le comportement est fonction des renforcements ou des punitions qui le suivent). La fréquence et l'intensité d'un comportement agressif d'un sujet découlent de l'histoire d'apprentissage de ce dernier. Par exemple, la fréquence des comportements agressifs augmente chez un enfant après qu'ils se soient révélés efficaces pour contrer les attaques d'autres enfants. Buss ajoute que, par-delà l'histoire d'apprentissage, trois facteurs facilitent le comportement agressif : 1. La colère non exprimée lors de situations antérieures 2. Les caractéristiques de la victime (par exemple, l'appartenance à une minorité visible) 3. Le tempérament de l'agresseur (par exemple, son impulsivité ou son caractère indépendant). Bandura (1973, 1977, 1983) insiste sur le fait que les comportements agressifs sont appris par l'observation de modèles violents. Le sujet observe la situation, les comportements émis et les conséquences de ces comportements ; ensuite, il mémorise ces observations ; finalement, lors d'une situation similaire, il actualise ou inhibe les comportements appris. Ainsi, l'apprentissage par observation implique une dimension cognitive, c’est à dire l'anticipation des conséquences probables d'un comportement observé chez le modèle. Plusieurs études ont confirmé le rôle de l'apprentissage par observation dans l'acquisition des comportements agressifs dont celle de la poupée Bobo (voir vidéo ci-dessous) L’interactionnisme social Pour d’autres auteurs, les agressions sont des modes d’influence sociale. Toute agression et un moyen en vue d’une fin. La personne violente prétend obliger sa victime à faire ou à ne pas faire quelque chose. Il veut l’intimider, l’humilier ou la forcer à changer d’attitude. De manière plus générale, au-delà de ces fins immédiates, l’agresseur poursuit 3 catégories de fins : 1. Contraindre autrui 2. Rétablir la justice 3. Affirmer ou défendre sa réputation 2023-2024 36 2. L’évolution du comportement agressif chez l’être humain De façon générale, l’être humain, à l’instar des autres animaux, commence à manifester des signes d’agressivité très tôt dans sa vie. La fréquence du recours à l’agression physique augmente jusque vers l’âge de deux ans, puis se résorbe peu à peu. Cette diminution correspond à l’acquisition de certaines aptitudes nouvelles comme le langage, qui permettent à l’enfant d’exprimer sa frustration de façon plus constructive et de mieux gérer ses émotions. Vers l’âge de quatre ans, les enfants possèdent les capacités motrices nécessaires pour commettre les actes d’agression dont sont capables un adolescent ou un adulte. Heureusement, c’est aussi l’âge à partir duquel leurs tendances à utiliser l’agression physique commencent généralement à se résorber1 L’une des raisons principales qui explique pourquoi un enfant de quatre ans a plus de facilité à se maîtriser qu’un enfant de deux ou trois ans est que le cortex frontal est plus développé chez le premier. Le cortex frontal gère les réactions aux émotions fortes, y compris les réactions agressives. Un enfant qui continue à recourir à l’agression physique pour parvenir à ses fins ou exprimer sa frustration à l’âge de quatre ans pourrait avoir besoin d’aide professionnelle pour apprendre à mieux se contrôler. Les études révèlent que le recours à l’agression physique continue de diminuer chez la vaste majorité des enfants entre la maternelle et la fin de l’école secondaire. La tendance est semblable chez les filles et les garçons. Cette évolution positive s’observe en dépit du fait que les enfants sont de plus en plus exposés avec l’âge à des modèles violents dans les médias, notamment dans les émissions de télévision et les jeux vidéo 3. Les aptitudes associées à la diminution des agressions physiques Le recours à l’agression physique diminue progressivement à mesure que les jeunes enfants acquièrent les aptitudes nécessaires pour inhiber leurs réactions agressives et atteindre leurs buts par d’autres moyens. ▪ Le développement du langage La maîtrise du langage requiert deux aptitudes : la capacité de déchiffrer ce que les autres disent (le langage réceptif) et la capacité de se faire comprendre (le langage expressif). Le langage procure à l’enfant une nouvelle façon d’exprimer sa frustration qui, fait appréciable, n’entraîne pas les conséquences négatives qui accompagnent une agression physique. En règle générale, plus ses habiletés langagières seront développées, moins l’enfant sera susceptible d’avoir recours à l’agression physique. Moins elles le seront, et plus il risquera d’y recourir fréquemment. 2023-2024 37 ▪ Jouer à se battre Comme les animaux, les êtres humains jouent à se battre27. Les parents et les éducateurs doivent comprendre et accepter qu’il s’agit-là d’un précieux apprentissage pour les jeunes enfants. Même si l’activité peut sembler dangereuse parfois, chez les jeunes garçons en particulier, son apparition marque un nouveau stade dans le développement de l’enfant. En effet, ce jeu exige une maîtrise de soi et la capacité de feindre tout en utilisant des gestes d’agression. Jouer à se battre permet aux jeunes enfants de se mesurer les uns aux autres, de savoir qui sont les plus forts et de distinguer entre les comportements agressifs acceptables et inacceptables. Ce jeu leur apprend également l’art du compromis et le respect des règles. D’ordinaire, ces règles sont les suivantes : laisser les autres gagner de temps à autre, éviter d’utiliser une force démesurée ou de blesser son partenaire ; veiller à ce que tous les joueurs s’amusent. ▪ Le développement des habiletés sociales Les agressions physiques diminuent aussi avec l’apprentissage des habiletés sociales. Celles-ci désignent des comportements qui indiquent que l’enfant est capable d’entrer en relation avec les autres et de les comprendre, ainsi que de plaire à ses semblables et aux adultes. Partager, aider autrui, attendre son tour et faire des compromis en font partie. Quand ils sont en voie d’acquérir ces aptitudes, les jeunes enfants cherchent à collaborer avec les autres. Ils veulent être compris et appréciés et font des commentaires sur les émotions que ressentent d’autres enfants autour d’eux (par ex., « Elle est triste parce que sa crème glacée est tombée par terre »). Ces habiletés procurent à l’enfant un autre moyen de parvenir à ses fins et d’éviter délibérément les conflits. Parmi les habiletés sociales essentielles que les enfants acquièrent, soulignons : Aborder un enfant ou un groupe inconnu pour jouer avec eux. Reconnaître ses émotions et celles que les autres ressentent. Montrer son envie de collaborer avec les adultes ou d’autres enfants. Exprimer ses émotions plutôt que de piquer une colère. Négocier avec autrui pour partager, ou coopérer pour atteindre un but commun. L’art de la réconciliation est également une habileté sociale. Apprendre à se réconcilier après un conflit peut grandement contribuer à réduire l’éventualité de rapports agressifs ultérieurs, tout en permettant de rétablir la collaboration entre anciens adversaires. Selon les résultats d’une vaste étude longitudinale menée au Canada, les enfants qui, au moment d’entrer à la maternelle, ont plus de difficultés que les autres à maîtriser leurs comportements d’agression risquent de continuer à éprouver des problèmes comportementaux plus tard. De plus, les enfants qui recourent fréquemment à l’agression physique pendant l’école primaire sont beaucoup plus à risque d’être violents 2023-2024 38 à la fin de l’adolescence. D’autres études fondées elles aussi sur de vastes échantillons au Canada, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis ont permis de tirer des conclusions semblables. 2023-2024 39