LL n° : Des Grieux face à son père - Manon Lescaut PDF

LL n° : Des Grieux face à son père - Manon Lescaut Introduction Présentation de l’auteur: - L’abbé Prévost (1697-1763) : Ordonné prêtre en 1726 - existence mouvementée (discipline religieuse / goût de l’aventure) - Traducteur de romans anglais, journaliste, romancier féco...

LL n° : Des Grieux face à son père - Manon Lescaut Introduction Présentation de l’auteur: - L’abbé Prévost (1697-1763) : Ordonné prêtre en 1726 - existence mouvementée (discipline religieuse / goût de l’aventure) - Traducteur de romans anglais, journaliste, romancier fécond, toute son œuvre sombre dans l’oubli à l’exception de Manon Lescaut. Présentation de l’œuvre : - Manon Lescaut est le septième tome d’une œuvre plus vaste intitulée Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde. - Le narrateur principal, M. de Renoncour, relate dans ce volume l’histoire du chevalier Des Grieux qu’il rencontre dans une auberge (récit enchâssé). Présentation de l’extrait : L’extrait est un moment important dans l’intrigue car il constitue une rupture entre le père de DG, incarnation de la morale classique du siècle de Louis XIV, et Des Grieux davantage influencé par les libertés de la Régence. D’abord séquestré 6 mois par son père à la suite de la 1ère tromperie de Manon, DG recevra la visite de son père à la prison du Châtelet où ce dernier le moralisera tout en lui pardonnant. Il le fera libérer, mais fera déporter Manon. L’extrait se situe dans la 2ème partie du roman: DG cherchera à le revoir au jardin du Luxembourg pour lui exprimer son désespoir et son désaccord quand à cette décision. Projet de lecture (= problématique) : Comment cette confrontation entre un père et son fils est-elle représentative d’une future tragédie ? Mouvements : I Un dialogue tragique : l. 1 à 5 II Une tentative de persuasion pleine de pathos: l. 6 à 15 III L’inflexibilité d’un père : l. 16 à 23 MOUVEMENT I - Un dialogue tragique : l. 1 à 5 Dialogue assez fermé entre le père & fils : - discours direct : tiret + verbe de parole - fermeté paternelle : répétition adverbe de négation + GN = montre la fermeture au dialogue avec son fils. _ Non, non, me dit-il d'un ton La dureté du dialogue s’accompagne d’un souhait sévère; j'aime mieux te voir tragique : - souhait avec le verbe au présent de l’indicatif sans vie que sans sagesse et - parole paternelle cruelle : désir funèbre de voir mourir un fils immoral avec le groupe prépositionnel à valeur privative sans honneur. - rythme binaire et parallélisme de construction en lien avec le groupe prépositionnel précédent: pour le père de DG, seule le code de l’honneur, la raison et la moralité est digne. Sans ces valeurs, l’existence est marginale et donc condamnable voire inutile.  Fermeture réciproque du dialogue : - interruption de l’échange par DG: négation totale - geste d’arrêt = théâtralité de la scène (on a presque _ N’allons donc pas plus loin, m’écriai- l’impression que le père faisait un geste d’homicide) : gérondif je en l'arrêtant par le bras. Otez-la- « en l’arrêtant » - verbe exclamatif: colère DG moi, cette vie odieuse et Supplication de DG d’être tué : i n s u p p o r t a b l e , c a r, d a n s l e - impératif présent - le futur a une dimension funeste = si le père de DG ne désespoir où vous me jetez, la mort l’aide pas à sauver Manon, alors autant mourir. sera une faveur pour moi. C'est un - la vie sans amour est aux yeux de DG synonyme de mort: CL du désespoir. présent digne de la main d'un père. - La mort est vue comme une douceur : 2 GN - la dignité pour DG est qu’un amant meure s’il est privé de son amante Transition : Dès le début de l’extrait, on constate un dialogue voué à l’échec puisque les codes d’honneur entre le père et le fils sont diamétralement opposés: l’un suit le code de la raison tandis que l’autre suit le code de la passion amoureuse. Pour éviter la rupture du dialogue, DG va tenter de le persuader de revenir sur sa décision. MOUVEMENT II - Une tentative de persuasion pleine de pathos: l. 6 à 15 Dialogue toujours fermé: - réponse du père qui continue d’être fermé : connotation négative du verbe de parole - négation restrictive : refus du père d’être commandé par son fils; code du devoir paternel _ Je ne te donnerais que ce que tu Par le recours à une considération générale sur le lien père/ mérites, répliqua-t-il. Je connais bien fils, le père souligne qu’il a toujours accompagné son fils: il ne des pères qui n'auraient pas attendu s’est jamais comporté comme eux : terme hyperbolique. si longtemps pour être eux-mêmes Regrets du père avec le conditionnel passé et l’antithèse tes bourreaux, mais c'est ma bonté opposant les autres pères « les bourreaux » et lui-même « la bonté excessive ». excessive qui t'a perdu. Sa culpabilité semble immense : il fait de la déchéance financière et morale de son fils la conséquence de sa générosité avec le GN en position de sujet du verbe « perdre ». Je me jetai à ses genoux. « Ah ! s'il Désespoir intense de DG : - ponctuation expressive / !/? / interjection = grande vous en reste encore, lui dis-je en les agitation embrassant, ne vous endurcissez Volonté de persuader son père: donc pas contre mes pleurs. Songez - convoque ses émotions avec le registre pathétique : que je suis votre fils... Hélas ! utilisation du CL de la douleur - utilisation de l’impératif présent pour amener son père à la Souvenez-vous de ma mère. Vous compassion I'aimiez si tendrement ! Auriez-vous - recours aux souvenirs familiaux heureux pour gagner en souffert qu'on l’eût arrachée de vos persuasion : impératif + interjections - le fantôme douloureux de la mère + conditionnel passé bras ? Vous I'auriez défendue permet de susciter l’émotion du père jusqu'à la mort. Les autres n'ont-ils Les 2 questions rhétoriques ont une portée plus générale : pas un coeur comme vous ? Peut-on elles dressent une comparaison entre ce père unique et les être barbare, après avoir une fois autres en invoquant « le coeur » et la « tendresse » éprouvé ce que c'est que la tendresse et la douleur ? Transition: DG a donc eu recours à la persuasion dans le but de sensibiliser son père à sa condition de fils malheureux sentimentalement. Cependant, cette tentative s’avèrera vaine dans la suite du passage. III L’inflexibilité d’un père : l. 16 à 23 _ Ne me parle pas davantage de ta Attitude du père qui s’affirme: - impératifs + négation totale : refuse la nostalgie du passé mère, reprit-il d'une voix irritée ; ce - CL de la contrariété = père indigné et en colère par la souvenir échauffe mon indignation. persuasion de son fils; refuse toute sensibilité - conditionnel présent qui souligne que même sa défunte Tes désordres la feraient mourir de mère ne pourrait soutenir l’immoralité de son fils (euphémisme). douleur, si elle eût assez vécu pour Lexique hyperbolique pour culpabiliser DG. les voir. Finissons cet entretien, vers une fin de communication : ajouta-t-il ; il m'importune, et ne me - négation totale + rupture physique progressive : le père fera point changer de résolution. Je retourne dans le lieu de la moralité - le rythme des phrases s’accélère = volonté de clore le retourne au logis; je t'ordonne de me dialogue suivre. » Père de DG inflexible : Le ton sec et dur avec lequel il - proposition subordonnée conjonctive = phrase explicite qui m'intima cet ordre me fit trop montre que DG comprend que son père est inflexible. comprendre que son coeur était - CL de la fermeté : de plus en plus présent dans le texte inflexible. Je m'éloignai de quelques Rupture définitive entre le père et le fils : pas, dans la crainte qu'il ne lui prît - contraste entre le pathétique du discours de DG et la fermeté de lui du père: montre l’échec de la communication envie de m'arrêter de ses propres - rupture matérialisée symboliquement par l’éloignement de mains. DG : antithèse avec l’injonction (= ordre) du père « me suivre » CCL: la dimension tragique s’est intensifiée durant ce mouvement puisque DG est confronté à un refus définitif de son père (qui lui a auparavant pardonné) de l’aider et une distance physique et verbale de plus en plus forte. Conclusion : Cette querelle entre le père et le fils est point de rupture définitif au sein de l’intrigue puisque c’est la dernière fois que le Chevalier le verra. Il apprendra en effet sa mort par une lettre de son frère à son retour d’Amérique avec Tiberge, après la mort de Manon. Dans cet extrait, seule la passion amoureuse guide le Chevalier alors que pour son père seul l’honneur et la moralité sont les voies à suivre. Le dialogue, en dépit d’un recours aux sentiments, au pathos et à la nostalgie, est voué à l’échec. Cette dimension inéluctable et donc tragique n’est pas sans rappeler les codes de la tragédie classique. Prévost, comme dans l’épisode de la mort de Manon dans le désert à la fin du roman, n’hésite pas à théâtraliser cette scène, soulignant ainsi la marginalité de plus en plus forte du Chevalier Des Grieux.