Didactique des Sciences et Technologies au Primaire PDF
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Institut Supérieur des Sciences de l'Éducation de Guinée
2024
Amadou Baïlo Barry
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Summary
Ce document est un cours de didactique des sciences et technologies au primaire. Il couvre différents aspects de l'apprentissage des sciences, tels que l'introduction à la démarche scientifique, les programmes scolaires, et la création de fiches pédagogiques. Le cours est destiné aux étudiants de l'Institut Supérieur des Sciences de l’Éducation de Guinée pour l'année universitaire 2024-2025.
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REPUBLIQUE DE GUINEE Travail-Justice-Solidarité MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE L’INNOVATION INSTITUT SUPERIEUR DES SCIENCES DE L’EDUCATION DE GUINEE MAP- 432-22 DIDACTIQUE DES SCIENCES ET...
REPUBLIQUE DE GUINEE Travail-Justice-Solidarité MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE L’INNOVATION INSTITUT SUPERIEUR DES SCIENCES DE L’EDUCATION DE GUINEE MAP- 432-22 DIDACTIQUE DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES AU PRIMAIRE 3 crédits Amadou Baïlo BARRY Année universitaire 2024-2025 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Table des matières 1 INTRODUCTION A LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE.....................................5 1.1 DEFINITION LARGE......................................................................................5 1.2 DEFINITION STRICTE...................................................................................5 1.3 LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE EN CLASSE..............................................5 1.4 CONCEVOIR UNE ACTIVITE SCIENTIFIQUE...............................................7 1.4.1 Comment déterminer le thème général de l’activité ?...................................................7 1.4.2 Comment préciser le champ d’investigation ?...............................................................8 1.4.3 Comment construire une carte conceptuelle ?..............................................................9 1.4.4 Faut-il, à chaque activité, réaliser une carte conceptuelle ?........................................10 1.4.5 Les élèves peuvent-ils participer à la réalisation d’une carteconceptuelle ?......10 1.5 LES CHEMINS DE LA STRUCTURATION..................................................11 1.5.1 Que signifie « structurer les acquis » ?.........................................................................11 1.5.2 Structurer l’acquis demande du temps. Ne vaut-il pas mieux faire vivre aux enfants des expériences nombreuses et variées ?......................................................................13 1.5.3 Comment faire ?..............................................................................................................14 1.6 LE DEBAT ENTRE ÉLÈVES, TREMPLIN POUR LA RÉFLEXION SCIENTIFIQUE.....................................................................................................18 1.6.1 En quoi les échanges entre élèves sont-ils positifs pour le développement de la pensée scientifique ?......................................................................................................................18 1.6.2 Au cours des échanges entre élèves, des idées fausses ne risquent-elles pas de s’installer ?......................................................................................................................................20 1.7 ÉCRIRE ET DESSINER POUR RÉFLÉCHIR...............................................22 1.7.1 Pourquoi s’exprimer par écrit au cours des activitésscientifiques ?.........................22 1.7.2 Dans quelle mesure les élèves comprennent-ils le rôle et l’importance de l’écrit en sciences ?........................................................................................................................................25 1.7.3 Quelles compétences particulières encourager lors des moments d’écriture ?....26 1.7.4 Les élèves apprécient-ils d’écrire ou de dessiner au cours desactivités scientifiques ?.................................................................................................................................30 1.8 DES ÉCRITS « BROUILLONS » AU COMPTE-RENDUSCIENTIFIQUE.....31 1.8.1 Pourquoi conserver les écrits « brouillons » ?.............................................................31 1.8.2 Comment passer des écrits intermédiaires à un documentstructuré servant de référent pour tous les élèves de la classe ?.................................................................................31 1.8.3 Tous ces moments d’écriture ne risquent-ils pas de prendre tropde temps ?.....36 1.8.4 Peut-on vraiment parler de compte-rendu scientifique en 3e et 4eannées primaires ?.......................................................................................................................................37 1.9 LIRE LES REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES SCIENTIFIQUES : DESSINS, IMAGES, SCHÉMAS...........................................................................38 1 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.9.1 Dessins, images et schémas scientifiques : de quoi parle-t-on ?...............................38 1.9.2 Comment les enfants lisent-ils ces documents graphiques ? Qu’enretiennent-ils ? 39 1.9.3 Dès lors, comment aborder les documents graphiquesscientifiques avec les élèves ? 42 1.10 OSER POSER DES QUESTIONS : UNE CLÉ INDISPENSABLE POUR L’APPRENTISSAGE SCIENTIFIQUE...................................................................45 1.10.1 Poser des questions, n’est-ce pas naturel chez les enfants ?....................................45 1.10.2 Certaines approches méthodologiques facilitent-elles chez les élèves un questionnement qui fait progresser la réflexion ?.......................................................................47 1.10.3 Y a-t-il une manière particulière de formuler des questions ensciences ?...............48 1.10.4 Comment choisir parmi toutes les questions soulevées en classe ?.........................49 1.11 ESPRIT CRITIQUE ET RIGUEUR EN SCIENCES...................................52 1.11.1 Peut-on demander aux enfants de 8-10 ans de faire preuve d’esprit critique et de rigueur ? 52 1.11.2 Quels comportements encourager pour développer la rigueur scientifique ?......53 1.12 LE VÉCU AFFECTIF DES ENFANTS DURANT LES ACTIVITÉS SCIENTIFIQUES...................................................................................................58 1.12.1 Certains sujets scientifiques peuvent-ils engendrer des craintes ou un malaise chez les élèves ?.............................................................................................................................58 1.12.2 Faut-il préserver l’expression du ressenti et les allusions au vécu dans les écrits scientifiques des élèves ou faut-il viser d’emblée une plus grande objectivité ?.....................58 1.12.3 Existe-t-il des situations où l’enfant se trouve totalement en porte-à-faux avec les idées de sa famille ?.......................................................................................................................60 1.12.4 Tous les élèves se sentent-ils concernés par les sujets scientifiques abordés en classe ? 60 1.13 UN EXEMPLE CONCRET D’ACTIVITE DANS UNE CLASSE................61 1.13.1 Le point de départ de l’activité.......................................................................................61 1.13.2 Les objectifs de l’activité................................................................................................61 1.13.3 La description des expériences.....................................................................................62 1.13.4 L’organisation de l’activité en classe et son déroulement..........................................67 1.13.5 Le compte-rendu en fin d’activité..................................................................................71 2 ÉTUDE DU PROGRAMME DE SCIENCE ET TECHNOLOGIE DU PRIMAIRE.........................................................................................................73 2.1 COMPETENCES SPECIFIQUES A DEVELOPPER.....................................74 2.2 STRUCTURE................................................................................................75 3 ÉLABORATION DE FICHES PEDAGOGIQUES ET PREPARATION DE LEÇONS............................................................................................................76 3.1 Structure d’une leçon selon l’entrée par les compétences......................76 3.1.1 La vérification des prérequis.........................................................................................76 3.1.2 La mise en situation........................................................................................................76 2 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 3.1.3 L’apport théorique ou notionnel....................................................................................77 3.1.4 La phase du réinvestissement.......................................................................................77 3.1.5 Le bilan............................................................................................................................77 3.2 Exemple de fiches pédagogiques..............................................................79 BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................80 3 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire INTRODUCTION L’apprentissage de la science et de la technologie est essentiel pour comprendre le monde dans lequel nous vivons et pour s’y adapter. Les développements scientifiques et technologiques sont présents partout et l’élève doit y être très tôt initié. Il est important qu’il saisisse la différence entre les phénomènes naturels et les objets fabriqués, mais surtout qu’il prenne conscience de l’évolution du rapport que l’homme a entretenu avec la nature à travers les âges, comment il en est venu à mieux la comprendre et en expliquer les divers phénomènes, comment aussi différents procédés de fabrication ont été conçus et améliorés à travers les âges. Domaines distincts, mais néanmoins complémentaires, la science et la technologie se développent en étroite relation. La science vise à décrire et à expliquer le monde. Elle recherche les relations qui permettent de faire des prédictions et de déterminer les causes de phénomènes naturels. De son côté, la technologie applique les découvertes de la science tout en contribuant à son développement : elle lui fournit de nouveaux outils ou instruments, mais aussi de nouveaux défis et objets d’étude. Elle cherche à modifier le monde et à l’adapter aux besoins des êtres humains. Le cours de didactique des sciences et technologies embrasse plusieurs domaines de connaissances organisées de manière intégrée dont le contenu est tiré des disciplines comme la physique, la chimie, la biologie, la géologie, l’agriculture, l’environnement, etc. Les principaux contenus développés dans ce cours sont : - Introduction à la démarche scientifique ; - Étude du programme de science et technologie du primaire ; - Élaboration de fiches pédagogiques et préparation de leçons. Ce cours de didactique des sciences et technologies au primaire est un cours commun aux PEN et aux CPMF. 4 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1 INTRODUCTION A LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE La science (latin scientia, « connaissance ») est « ce que l'on sait pour l'avoir appris, ce que l'on tient pour vrai. 1.1 DEFINITION LARGE Le mot science est un polysème, recouvrant principalement trois acceptions : 1. Savoir, connaissance de certaines choses qui servent à la conduite de la vie ou à celle des affaires. 2. Ensemble des connaissances acquises par l’étude ou la pratique. 3. Hiérarchisation, organisation et synthèse des connaissances au travers de principes généraux (théories, lois, etc.) 1.2 DEFINITION STRICTE D'après Michel Blay, la science est « la connaissance claire et certaine de quelque chose, fondée soit sur des principes évidents et des démonstrations, soit sur des raisonnements expérimentaux, ou encore sur l'analyse des sociétés et des faits humains. » Cette définition permet de distinguer les trois types de science : 1. les sciences exactes, comprenant les mathématiques et les « sciences mathématisées » comme la physique théorique ; 2. les sciences physico-chimiques et expérimentales (sciences de la nature et de la matière, biologie, médecine) ; 3. les sciences humaines, qui concernent l'Homme, son histoire, son comportement, la langue, le social, le psychologique, le politique. 1.3 LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE EN CLASSE La démarche scientifique est un outil d'investigation pour décrire et comprendre le réel. Elle est surtout utilisée dans les sciences de la nature (physique, biologie …). Elle repose sur le questionnement. 5 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire L'activité de recherche peut se faire de quatre façons différentes. La voie choisie caractérise la démarche scientifique ; par exemple, lorsque la voie choisie est l'expérimentation, la démarche est dite expérimentale… L'une ou l'autre de ces démarches peut être plus ou moins pertinente pour résoudre un problème scientifique donné. En fait il est souvent utile d'avoir recours à plusieurs d'entre elles. Toutes ces démarches ont des limites dans leur utilisation pédagogique. 1. Démarche d'observation : très utilisée en biologie ou en astronomie. C'est une démarche d'analyse. 2. Démarche expérimentale : très utilisée en physique (matière, optique …) Elle a des limites évidentes dans l'étude du vivant (éthique, séparation des variables souvent difficile…). Il est parfois impossible d'expérimenter en classe (digestion, circulation sanguine, astronomie…) 3. Démarche documentaire : adaptée à toutes les disciplines mais il faut penser aux difficultés de lecture des textes et des images que comportent les documents. 4. Démarche de modélisation : A l'école élémentaire, modéliser consiste à remplacer le réel trop complexe par un schéma, une maquette, un organigramme… pour répondre au problème posé. Le modèle ne sera jamais satisfaisant et aura toujours des limites. Par exemple les modèles en astronomie ne tiennent pas compte des échelles de longueur et peuvent entraîner des erreurs de raisonnement. Ni l'utilisation d'élastiques ni celle de ficelles pour modéliser les muscles ne sont par exemple pleinement satisfaisants. 6 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.4 CONCEVOIR UNE ACTIVITE SCIENTIFIQUE La préparation pratique de toute activité scientifique nécessite une réflexion préalable sur le thème qui sera étudié et sur les notions scientifiques spécifiquement mises en œuvre. 1.4.1 Comment déterminer le thème général de l’activité ? Diverses situations peuvent amorcer une activité scientifique : Une expérience vécue collectivement en classe : ▪ Une canalisation d’eau rompue par le gel dans l’école est l’occasion d’envisager les états de l’eau. ▪ Une incursion de fourmis dans la classe invite les enfants à s’intéresser à cet insecte. ▪ Une pollution majeure du cours d’eau proche de l’école interpelle les enfants et offre l’occasion de faire un peu d’écologie. Un fait de société marquant : ▪ La grippe aviaire peut conduire à s’intéresser à des problèmes de santé publique ou encore aux vols migratoires des oiseaux. ▪ Les tsunamis ont été étudiés dans de nombreuses classes suite à la catastrophe de décembre 2004. Un projet de classe ou d’école qui nécessite de développer des savoirs et/ousavoir-faire scientifiques sur un thème spécifique : ▪ Un projet d’école autour de la mobilité peut déboucher sur l’étude du fonctionnement du vélo, des vêtements réfléchissants. ▪ Opter pour creuser une mare dans le jardin de l’école nécessite de s’intéresser à l’environnement de l’école, la faune et la flore… Ces situations, idéales parce qu'elles sont en lien direct avec le vécu de tous les enfants de la classe, ne se rencontrent cependant pas fréquemment. C'est le plus souvent lors de classes de dépaysement, lorsque la vie en collectivité est maximale qu'elles se présentent. La question d’un enfant ou encore un livre, un objet, un animal spontanément apporté en classe : cette situation a le grand mérite de traiter les problèmes des enfants. Néanmoins, il s'agit au départ de l'intérêt d'un seul voire de deux élèves. Même si la propagation spontanée de l'intérêt à l'ensemble de la classe est fréquente, elle n'est pas automatique. L'enseignant doit donner l'impulsion nécessaire pour que tous les enfants se sentent concernés par le sujet abordé. Un thème proposé par l’enseignant : autant il est utile d'exploiter les questions posées par les élèves et les problèmes se présentant à la classe, autant il est utile 7 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire également de proposer des activités aux élèves. Un élève pose rarement des questions portant sur un thème scientifique qu'il ignore et le rôle de l'enseignant consiste aussi à lui faire découvrir de nouveaux domaines des sciences. Il peut pour cela se référer aux consignes données par le programme et aux compétences à développer. L'idéal consiste donc à prévoir beaucoup mais à laisser place à l'imprévisible. 1.4.2 Comment préciser le champ d’investigation ? Tout thème scientifique est à la fois riche et complexe et la tentation est grande de partir dans plusieurs directions. Il est cependant essentiel de limiter le champ d'étude qui sera abordé avec les élèves tout en maintenant le contexte et les liens avec le réel. Exemple : Le thème de « l’air » offre la possibilité d’explorer plusieurs propriétés physiques de l’air comme la masse, la dilatation/compression, la pression… Cependant, ces concepts ne pourront prendre sens que si un principe de base a été préalablement expérimenté et formulé clairement par les élèves : « L’air occupe de la place, c’est une matière ». Ce concept constitue le fondement sur lequel les élèves pourront, par la suite, construire d’autres notions plus complexes. Expérimenter d’emblée diverses propriétés physiques de l’air peut s’avérer inaccessible pour une partie des élèves. Il s'agit donc de définir les objectifs qui seront poursuivis et les concepts qui seront étudiés. Parmi les diverses approches possibles, l’élaboration d’une carte conceptuelle par et pour l’enseignant peut grandement faciliter cette tâche. 1.4.2.1 Qu’entend-on par carte conceptuelle ? Appelée aussi carte mentale ou sémantique, la carte conceptuelle permet de représenter et d'organiser de manière graphique l'univers d'un concept tel qu'il est envisagé par un ou plusieurs individus. Elle permet à l'enseignant de faire le bilan de ses acquis, d'identifier les zones d'ombres et les questions et enfin de mieux percevoir les interrelations entre les éléments envisagés, y compris les concepts a priori plus distants. La carte conceptuelle se présente comme un schéma dans lequel apparaissent les relations des connaissances entre elles et les relations qu'elles entretiennent avec d'autres concepts construits auparavant. 1.4.2.2 Pourquoi construire sa propre carte conceptuelle ? Coucher sur le papier les différents concepts qui viennent à l'esprit aide à : cerner la connaissance et la compréhension que l'on a des phénomènes envisagés ; prendre conscience de ses propres conceptions ; expliciter les liens entre les notions tels qu'on les voit mais également tels qu'ils pourraient apparaître en cours d'activité ; 8 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire se questionner et ainsi préciser ou accroître sa connaissance du sujet. Une fois le thème clarifié, il est alors possible et nécessaire de faire le choix des concepts qui seront prioritairement abordés lors de l'activité. 1.4.2.3 Faut-il un haut niveau de maîtrise du contenu pour dresser unecarte conceptuelle ? Nombre d'enseignants se sentent insécurisés face à l'enseignement des sciences. Les raisons principales sont le sentiment de non-maîtrise des contenus scientifiques (relatifs à la physique notamment) et la méconnaissance des démarches à mettre en œuvre. Cette appréhension du contenu est légitime car, lors d'activités scientifiques constructivistes, incitant à la découverte, les interventions et questions des enfants dépassent souvent le cadre de l'activité fixé au départ et sont déstabilisantes. Enseigner les sciences nécessite-t-il alors d'acquérir des savoirs spécialistes importants ? Non, même si certaines connaissances scientifiques sont nécessaires (et font - ou devraient faire - partie de la formation initiale), on ne peut exiger d'un enseignant qu'il maîtrise la multitude des domaines scientifiques qu'il est susceptible d'approcher avec les enfants. Par contre, élaborer sa carte conceptuelle du thème scientifique considéré peut-être rassurant et encourage à s'engager dans une activité de découverte avec ses élèves. En effet, par le travail d'élargissement qu'elle réclame, la carte développe une vision d'ensemble du sujet traité. En explicitant pour soi-même les liens entre les notions, on augmente sa maîtrise du contenu et on précise les savoirs qu'il s'agit d'approfondir pour préparer l'activité pour la classe. Ce travail, sans nécessiter l'acquisition de quantité de savoirs spécifiques, dote l'enseignant de compétences nouvelles. Il pourra, lors de l'activité, appréhender plus sereinement les questions d'ouverture des élèves et se mettre lui-même en situation de recherche avec les enfants. La carte conceptuelle est également un outil intéressant lors de préparations d'activités en équipe. Outre les différentes raisons invoquées plus haut, elle permet de rassembler un maximum d'idées, et de confronter les points de vue. Souvent, ce type de travail en équipe rassure chacun sur ses acquis, favorise l'entraide et encourage les expériences ainsi que les questions. 1.4.3 Comment construire une carte conceptuelle ? Il n'existe pas une et une seule forme de carte (en chaîne, en arbre, en réseau, etc.) ni une méthode unique pour la construire. On peut, par exemple, envisager une construction en trois étapes. Une première étape consiste à énumérer un maximum de concepts clés en lien avec le domaine choisi. On entreprend ensuite de structurer ces concepts les uns par rapport aux autres en établissant des connexions. Ce travail de mise en relation s'accompagne souvent de l'émergence de concepts supplémentaires qui viennent étoffer la carte en construction. A ce stade, le caractère synoptique de la carte conceptuelle est déjà exploitable mais une éventuelle dernière étape peut être consacrée à hiérarchiser les concepts, des plus généraux aux plus spécifiques. 9 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire La carte conceptuelle est aussi un outil évolutif. Au cours de la préparation de l'activité, de nouvelles connaissances acquises ou « rafraîchies », des informations récoltées viennent enrichir la carte. 1.4.4 Faut-il, à chaque activité, réaliser une carte conceptuelle ? L'élaboration d'une carte sémantique doit rester au service de l'enseignant et donc être construite lorsqu'elle lui semble utile. Lorsqu'un même thème scientifique est exploité plusieurs fois, la carte initiale peut être reprise pour être éventuellement étoffée, amendée. Elle peut servir de soutien à la mémoire des activités précédentes. Enfin, construire une carte conceptuelle semble davantage nécessaire lors d'activités expérimentales que lors de recherches documentaires. Témoignages de deux enseignantes : « Je pense que construire une carte conceptuelle avant chaque activité n’est pas inutile et n’est absolument pas du temps perdu. Elle nous permet de savoir clairement avant de travailler ce que nous allons faire et vers où nous voulons aller. » « Cette idée de carte conceptuelle me plaît beaucoup. Cela aide énormément à la préparation de la leçon et à une entrée en matière basée sur ses propres acquis. » 1.4.5 Les élèves peuvent-ils participer à la réalisation d’une carteconceptuelle ? Oui, mais il faut tenir compte de leur âge et de leur capacité d'abstraction, encore limitée à 8-10 ans. La carte sera plus concrète et comportera sans doute de nombreux exemples et cas particuliers ; il est normal qu'elle contienne également des erreurs. Les cartes conceptuelles réalisées par les enfants peuvent constituer une bonne entrée en matière pour permettre à l'enseignant de connaître le point de vue et les acquis des élèves et ainsi mieux orienter les activités. Une carte réalisée avec ou par les élèves n’a donc pas les mêmes objectifs que celle construite par l’enseignant en vue de préparer une activité. 10 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.5 LES CHEMINS DE LA STRUCTURATION 1.5.1 Que signifie « structurer les acquis » ? Il s'agit de mettre en relation les éléments découverts au cours des activités, d'établir des analogies avec le vécu, de synthétiser ce qu'on sait déjà. Cette réflexion ne porte pas uniquement sur les contenus abordés mais également sur les démarches adoptées. Souvent, on est tenté de penser que si les découvertes ont été vécues dans l'action et comprises par les élèves, leur mise en relation ira de soi. Cependant les liens entre les différentes notions peuvent faire cruellement défaut ! Il ne s'agit donc pas d'accumuler des savoirs isolés - même s'ils sont issus de l'action - mais de prendre un certain recul par rapport à ceux-ci, de les mettre en rapport les uns avec les autres, de les organiser en un ensemble susceptible de devenir un outil de communication et d'action. Fréquemment, les enfants cherchent à rapprocher les faits qu'ils observent ou les événements qu'ils vivent pour autant qu'on les encourage à s'exprimer. Ces analogies sont souvent construites sur des aspects particuliers des situations vécues. De ce fait, elles peuvent s'avérer partielles, maladroites. Cependant, et cela est essentiel, elles témoignent de l'effort consenti par l'enfant pour tenter de comprendre les faits. Voici trois exemples extraits d'une activité sur le sens du toucher en 4 e année. A l'occasion d'une expérience, les enfants ont pu constater que les impressions tactiles sont parfois trompeuses. Ainsi, lorsqu'on plonge la main dans l'eau froide d'un bassin, puis dans l'eau aussi froide d'un second, on peut croire que cette eau est plus chaude que la première. Extrait d’un échange avec un groupe d’élèves : Chercheuse : Avez-vous déjà vécu quelque chose de semblable dans d’autres situations, en dehors de la classe, dans la vie de tous les jours ? Elève 1 : Non, jamais Elève 2 : Oui, à la piscine. Quand on entre dans l’eau, c’est froid. Si après on sort et qu’on rentre, si on va au tremplin ou à la toilette, alors on trouve que c’est chaud. Chercheuse : Et l’inverse ? Avez-vous déjà eu l’impression inverse ? Elève 1 : Quand on va dans le bain, on trouve que c’est chaud et puis on s’habitue. Elève 2 : Si on reste longtemps, ça devient même trop froid. L’analogie avec la vie quotidienne est encouragée, mais tous les élèves ne font pas de liens au départ. Ce sont les échanges en petits groupes et les sollicitations de l’adulte qui vont stimuler les découvertes (exemple de l’élève 1). Par ailleurs, dans la dernière idée exprimée, l’élève ne prend pas en compte le fait que l’eau va objectivement 11 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire refroidir au fil du temps. Malgré les limites du raisonnement, on constate des tentatives pour rapprocher les faits. L'exemple suivant porte sur les mises en relation éventuelles entre toutes les expériences vécues en classe à propos du toucher. Extrait d'un entretien avec une élève : Chercheuse : Qu’as-tu encore appris des expériences d’aujourd’hui ? Elève : Que le toucher, c’est très important quand même. Et que … qu’on ait n’importe quelles mains, on sentira toujours quand même la même chose. Chercheuse : Tu veux dire quoi ? Elève : Mais que… par exemple, quelqu’un a des grosses mains… il sentira aussi la même chose. Chercheuse : Tu veux dire que si on a des grosses mains ou des petites, on sent toujours les choses ? C’est ça ? Elève : Oui. Chercheuse : Qu’est-ce qui te permet de dire cela ? Elève : Ben toute la classe, on a des mains toutes différentes. Nadine, elle a des grandes mains. Moi, j’en ai des toutes petites potelées… Et on a fait les mêmes expériences, et on avait des mêmes euh… Chercheuse : Des grandes longues et des petites potelées… et chacun trouvait quelque chose… Elève : Oui. Chercheuse : C’est intéressant ce que tu dis là. Et qu’as-tu encore relevé d’intéressant ? Elève : Que à l’école, on est là pour apprendre, parce qu’on avait des petites fautes et c’était pas grave. C’était un exercice. Ici l’élève commence par faire un constat auquel d’ailleurs personne n’avait pensé dans la classe : malgré les différences, le corps humain fonctionne de la même manière chez tous. L’expression est encore balbutiante, la formalisation de la généralisation est difficile, mais la découverte est intéressante et mérite d’être encouragée. Ensuite, l’élève relève un autre fait essentiel qui porte cette fois sur l’esprit dans lequel sont abordés les apprentissages à savoir le statut des erreurs. Dans le dernier exemple, les élèves ont été amenés à reconnaître des objets cachés dans une boîte en les touchant. Une fois ils portaient des gants, une autre fois ils étaient mains nues. 12 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Extrait d’un entretien avec un élève : Chercheuse : Et qu’est-ce que tu as remarqué dans cette expérience-là ? Elève : Ben c’est plus facile avec les mains. Chercheuse : Tu sais expliquer un peu pourquoi c’est plus facile avec les mains ? Elève : Parce qu’il y a des cellules dans les doigts qui nous permettent de toucher plus facilement. Chercheuse : Et quand on met des gants qu’est-ce qui arrive ? Elève : Ben les cellules elles ne peuvent plus toucher. Elles touchent le gant déjà. Chercheuse : Explique moi un peu cette histoire de cellules. Tu peux me donner quelques détails ? (moue de l’élève) Chercheuse : Tu sais seulement qu’il y a des cellules dans les doigts ? Elève : Que il y a des cellules dans les doigts et que elles servent à nous faire ressentir les objets, mais comment, je ne sais pas. L’enfant a tiré parti de ce qu’il a vécu et de ce qu’il savait déjà pour tenter une première explication, mais ses connaissances sont encore parcellaires et il ne peut aller jusqu’au bout de son raisonnement. Il intègre cependant différentes informations. Ces illustrations montrent clairement que, sur le chemin de la structuration, chacun progresse à son rythme et fait ses propres découvertes qu'il est essentiel de pouvoir exprimer. Elles montrent également que les mises en relation, les tentatives explicatives, les généralisations ne vont pas de soi. Elles doivent être encouragées dans un dialogue constructif avec les apprenants. 1.5.2 Structurer l’acquis demande du temps. Ne vaut-il pas mieux faire vivre aux enfants des expériences nombreuses et variées ? Il est évident que l'enfant apprend dans et par l'action. Il s'étonne, s'amuse, interagit avec les objets et avec ses condisciples. En sciences, il est inutile d'aborder un concept sans donner l'occasion de le vivre, de l'expérimenter, de l'observer. Faire vivre des expériences aux enfants est indispensable. Mais l’action ne suffit pas en elle-même. Il faut pouvoir se dégager de la particularité de chaque expérience pour atteindre des concepts plus larges et construire des savoirs transférables à d'autres situations. 13 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Extrait d’un entretien avec un élève de 4 e année à propos d’expériences autour du toucher : Chercheuse : Est-ce que tu as l’impression que les groupes faisaient des choses qui se ressemblaient ? Est-ce que tu trouves que certaines activités parlaient de la même chose ? Elève : Moi, je ne pense pas, dans un il fallait mettre des gants pour identifier un objet, dans un autre il fallait toucher sur d’autres parties de son corps. Chercheuse : Dans l’atelier avec les gants par exemple, qu’est-ce que tu as appris ? Elève : Je pense que j’ai appris que c’est plus difficile de toucher avec des gants que sans les gants. Comme on l’a dit : dans l’orange on sentait mieux les petits trous et la tige sans les gants qu’avec les gants ; avec les gants on croyait que c’était une balle. Chercheuse : Comment peux-tu expliquer qu’on sente mieux avec les mains ? Elève : Avec les gants, c’est plus gros, on sent moins les petits détails, les petites formes qu’il y a. Avec les mains, on sent mieux, on sent les petits trous. Cet élève dégage des informations de l’expérience vécue mais il reste très centré sur l’action immédiate et sur les faits. Il éprouve des difficultés à les dépasser pour relier entre elles les expériences vécues ou pour tenter une explication plus générale. Apprendre à structurer ses acquis doit être progressif. Cette structuration ne peut être imposée : c'est l'élève qui la construit à son rythme avec l'aide de l'enseignant et dans le dialogue avec les autres. Il s'agit d'encourager la mise en relation des faits observés entre eux, et des faits observés avec ce qu'on connaît déjà, en d'autres termes de développer en sciences une attitude réflexive. 1.5.3 Comment faire ? 1.5.3.1 La question de départ La question qui guide l'activité constitue un fil conducteur, un point de référence susceptible d'aider l'élève à canaliser sa réflexion et à structurer ses acquis. Il arrive qu'elle subisse des transformations au fil de l'action, qu'elle se précise, qu'elle engendre d'autres questions, qu'elle conduise à la formulation d'hypothèses. Mais elle constitue un point de repère pour les élèves que leur riche imagination conduit parfois sur des pistes trop disparates. Exemple : La question « Peut-on se fier à ses sens ? » qui était à la source des activités sur le toucher décrites plus haut, a clairement soutenu le cheminement des enfants. Elle était dans le titre de deux expériences intrigantes proposées lors d’une première séance. Elle a été reprise dans des fiches de notes que les élèves remplissaient au fil desactivités. Elle a servi de point de départ aux débats dans les ateliers. Enfin, elle est réapparue au moment du compte-rendu de l’ensemble des activités : « Au départ, on s’interrogeait sur la possibilité de se fier ou non à ses sens. Où en est-on maintenant ? Qu’a-t-on appris ? » 14 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.5.3.2 Le regard porté sur l’action Mener une expérience, réaliser une observation ne va pas de soi. Un minimum d'organisation et de prise de recul est nécessaire et c'est tout un apprentissage. Au sein d'un petit groupe, toutes les idées fusent en même temps. Chacun veut agir et toucher le matériel. L'organisation de la tâche peut poser quelques problèmes. Or pour observer et comprendre, il faut bien distinguer les interventions. Voici une observation tirée d'une expérience sur le son. Les élèves disposent d'un djembé placé à quelque distance d'un récipient sur lequel est tendue une feuille de plastique fin. Sur cette feuille se trouvent des grains de riz. Lorsqu'on frappe sur le djembé, le plastique vibre et les grains de riz sautent. Observation d’un groupe d’élèves de 4e année en action : Les élèves veulent se rapprocher du riz puis s’en éloigner avec le djembé pour observer l’effet de ce changement, mais bien qu’ils soient tous d’accord avec cette idée, chacun veut toucher quelque chose : certains tapent sur le djembé, d’autres rassemblent les grains de riz sur le plastique, etc. Comment mettre les faits en relation dans cesconditions ? Un peu plus tard, un enfant a l’idée de se mettre entre le djembé et le riz, ce qui a pour effet d’arrêter le mouvement de celui-ci. Mais cette observation est très fugace car les élèves touchent un peu à tout et le riz recommence à bouger. Comment pourraient-ils conclure ? Les élèves expriment des idées et souhaitent les tester mais sans l’aide de l’enseignant, ils ont des difficultés à réaliser leurs projets faute de pouvoir planifier et coordonner leurs interventions. Lors d'expériences ou d'observations, il est important de pouvoir s'arrêter en cours de route pour exprimer ce qu'on a fait, ce qu'on a vu et, éventuellement, ce qu'il faudrait faire pour être plus efficace. 1.5.3.3 Le débat avec les autres Des éléments de structuration particulièrement porteurs émergent très souvent des échanges entre les enfants et avec l'enseignant. En effet, pour être compris, il faut clarifier son propre point de vue. Il faut aussi accepter que d'autres puissent penser autrement que soi-même. Progressivement, les idées s'organisent, tantôt autour d'un concept tantôt autour d'une démarche. Voici un exemple tiré d'échanges en grand groupe à l'issue d'une activité sur la résistance de colonnes en papier. Les élèves disposaient de colonnes en papier de section ronde et de section triangulaire 1. Au cours des expériences, ils ont pu observer que les colonnes de section ronde supportaient beaucoup plus d'objets (livres ou plaquettes de CD) que les colonnes de section triangulaire. 1 Feuille A4 roulée ou pliée dans le sens de la largeur. 15 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Observation en 3e année : Enseignant : Avez-vous des questions à poser ? Dialogues entre élèves : - Pourquoi, avec les papiers, ça s’écroule quand on a mis les plaquettes ? - Le papier est trop fragile pour un poids aussi lourd que ça. On voit quand il va tomber, on voit que ça commence à craquer, on voit des plis. - Je ne comprends pas pourquoi avec les triangles on met moins de plaquettes que les ronds pour que ça s’écroule. - Parce que le rond tient presque partout et il n’y a pas de coins entre, tandis que le triangle, il y en a trois. Alors ça tombe plus vite, ça s’abîme plus vite. Le rond tient de partout. Le triangle, il a des coins et ça tient moins bien. - En fait le rond, il tombe parce qu’il ne supporte pas le poids. Si on prenait un carton rond, on pourrait en faire plus, ça serait plus solide. - Sur le rond, on peut bien mettre car on peut mettre plus précisément que sur le triangle. Il y a des choses qui dépassent. - Ce que j’ai compris c’est qu’avec le triangle, il y a eu toutes les pointes [des objets] qui dépassent. L’enseignant ouvre le dialogue et les élèves expriment leurs questions et leurs idées. Les premières interventions portent sur les effets immédiats de l’action : pourquoi cela s’écroule-t-il ? Un élève formule l’hypothèse de la fragilité du papier. Mais celle-ci n’explique pas tout : un élève s’interroge sur les différences entre les colonnes à bases rondes et triangulaires. Une hypothèse est alors formulée en lien avec la présence de « coins » dans la forme triangulaire. L’élève n’explique pas vraiment ce qui se passe, mais il a l’intuition que la présence d’angles joue un rôle essentiel dans la résistance du montage. Un autre élève revient alors sur le matériau utilisé et propose une comparaison avec le carton. Enfin, une dernière hypothèse porte sur la stabilité de la construction en lien avec la manière dont les objets sont posés. 1.5.3.4 Les moments réflexifs et le rôle de l’écrit Chacun, à son rythme, en fonction de ses acquis, essaie de faire le point : qu'est-ce que j'ai observé ? Qu'est-ce que j'ai compris ? Qu'est-ce qui m'a surpris ? Qu'est-ce que je voudrais vérifier ? Pour aider l'élève dans cette étape, différents outils sont possibles parmi lesquels l'écrit s'avère particulièrement fonctionnel. Le terme « écrit » englobe de multiples formes d'expression : les phrases et les textes, les organigrammes, les dessins, les schémas, les tableaux… Bref tout ce qui aide à mettre de l'ordre dans ses idées. Selon les circonstances, la priorité sera accordée à l'une ou l'autre forme. En voici un exemple. 4e année : travail en petit groupe sur la résistance de colonnes en papier. Les élèves devaient construire un tableau pour présenter leurs 16 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire résultats. Plusieurs éléments sont redondants, la construction du tableau pourrait être retravaillée mais les notes sont claires et témoignent d’une organisation dans la gestion des 3 essais pour chaque type de colonne Qu’il s’agisse de moments d’arrêt individuel ou en petits groupes, on constate l’effort consenti par les élèves pour exprimer leur pensée et tenter des premières mises en relation. Ils sont ainsi sur le chemin de la structuration, à un niveau propre à leur âge. Comme l’exemple ci-dessus en témoigne, la structuration des acquis se prépare tout au long des activités par des mises en commun, des débats, des moments réflexifs, des écrits (textes et dessins). Le compte-rendu au terme d’une activité ou d’un projet permettra de retravailler certains points précis comme la structure du document, le titre ou l’orthographe. Enfin, à certains moments de l’année (voire même au cours de deux années consécutives), un rapprochement des expériences, des observations et des découvertes permettra d’organiser les contenus abordés autour d’un thème plus large ou encore de réfléchir à certaines démarches. Ce travail dépendra bien entendu de l’âge des élèves et des activités menées. 17 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.6 LE DEBAT ENTRE ÉLÈVES, TREMPLIN POUR LA RÉFLEXION SCIENTIFIQUE 1.6.1 En quoi les échanges entre élèves sont-ils positifs pour le développement de la pensée scientifique ? De nombreux arguments peuvent être développés en faveur de cette modalité de travail, nous en retiendrons trois en particulier : découvrir de nouvelles idées en écoutant le point de vue des autres, structurer sa pensée en l'argumentant et découvrir des modes de communication plus efficaces. 1.6.1.1 C’est l’occasion d’écouter le point de vue des autres, de découvrir de nouvelles idées Lorsque les élèves dialoguent entre eux, ils sont amenés à écouter le point de vue de chacun sans l'interrompre constamment, à découvrir des perspectives différentes, à apprendre à collaborer dans le travail pour construire une expérience ou élaborer toute autre production commune (ce qui suppose une coordination et une négociation). En sciences, la mise en place de dispositifs et la compréhension des faits observés soulèvent un grand nombre d'interrogations pour lesquelles il existe rarement une réponse unique. La complexité de nombreux faits et théories scientifiques ainsi que la nécessité de se référer à différentes sources d'information entraînent des débats et des conflits socio-cognitifs particulièrement riches pour les élèves. Le partage des questions renforce la confiance en soi et l'envie de chercher des réponses. Extrait d’un entretien avec un élève de 4 e année, à la suite d’une activité sur l’arrivée de l’eau dans les maisons. Chercheuse : Est-ce que vous avez eu l’occasion de dire ce que vous pensiez, de communiquer entre vous ? Elève : Oui, quand on a fait les groupes, on a eu le temps de communiquer ensemble, d’avoir une petite idée. Et en classe, quand on a fait la maison au tableau, on a pu communiquer, quand on a eu les questions et tout ça. Parce que des fois, il y en avait qui avaient beaucoup de questions et ces questions là, moi je ne savais pas répondre et je n’avais même pas imaginé ces questions. Donc, quand on était en classe et qu’on notait les questions, ça m’avait aidé parce que moi je n’avais pas pensé à ces questions là. De telles discussions existent également dans le monde scientifique : débats internes au sein d'une équipe de chercheurs, échanges avec des collègues de manière informelle ouau sein de colloques et autres rencontres académiques. En effet, la science ne peut se passer de mises en commun et de débats, non seulement parce qu'ils stimulent la créativité intellectuelle, mais aussi parce qu'ils permettent d'éviter de reproduire des erreurs ou de s'engager sur des pistes inadéquates. 18 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.6.1.2 C’est l’occasion de débattre, d’argumenter, de structurer sa pensée Le dialogue avec les autres permet également de développer des comportements verbaux spécifiques. Il s'agit non seulement de clarifier sa pensée et de trouver la forme et les mots les plus pertinents pour être compris, mais encore de défendre son point de vue, en l'argumentant, en apportant des preuves. Il s'agit d'un apprentissage très complexe. Chez les jeunes élèves, les premiers arguments reposent souvent sur une information qu'ils ont reçue d'un adulte, qu'ils ont lue ou plus souvent encore vue à la télévision (« On l’a dit dans “ C’est pas sorcier !” »). Remettre en cause ses sources d'information, rassembler des avis d'origines diverses, s'appuyer sur des faits d'observation, comparer les points de vue… : autant d'attitudes à développer chez les chercheurs en herbe. En attendant de grandir, ils peuvent ainsi s'exercer quelque peu au débat contradictoire avec les moyens et les arguments de leur âge. Débat observé dans une classe de 4e année sur le choix d’un titre pour une expérience portant sur la résistance de colonnes en papier de différentes sections. Les élèves ont réalisé un tableau avec leurs données d’observation. Ils souhaitent lui donner un titre. - J’ai une idée pour le titre, on va mettre « abaque ». - Mais non, c’est pas un abaque. - Si ! Ça ressemble à un abaque. L’élève qui écrit pour le groupe commence à noter « abaque des sciences ». - Elève : Non, pas des sciences sinon ce serait toutes les sciences. L’élève scripteur continue son titre. - Ecoute ce que Coline va te dire. - Elève : Je dis que si tu mets « sciences » ce serait toutes les sciences. Il faut mettre « abaque de poids ». - De poids ? - Oui, c’est le poids. Le nombre de livres qu’on a mis, c’est le poids. Il est fort probable que l’abaque soit une forme de tableau fréquemment utilisée en classe comme le tableau de correspondance des nombres « centaines, dizaines, unités » ou de correspondance des longueurs « m,dm, cm ». Pour ces élèves, le terme « abaque » serait ainsi synonyme du mot « tableau ». En outre, dans le groupe, un des élèves pressent que le titre doit informer sur l’intention de l’expérimentateur (observer « le poids supporté par la colonne »). Des questions peuvent être régulièrement formulées pour aider les élèves dans leur argumentation : comment sais-tu cela ? Où as-tu trouvé l'information ? D'autres élèves ont-ils trouvé la même chose ? Es-tu certain d'avoir observé tel fait ? Peux-tu le décrire plus précisément ? As-tu observé des relations entre tes observations (chronologie, causeà effet…) ? 19 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.6.1.3 C’est l’occasion de communiquer, de s’adapter à l’autre Il s'agit aussi de découvrir peu à peu le langage le plus approprié aux différents publics auxquels on souhaite s'adresser. Cette expression peut être orale ou écrite et prendre différentes formes : élocution, exposition, correspondance entre classes, fiches de synthèse... L'élève peut s'adresser à ses condisciples, à une autre classe, mais aussi aux parents, à des visiteurs de passage, etc. On dépasse ici les échanges directs et immédiats en petits groupes pour atteindre une forme de communication plus élaborée, plus préparée, dans laquelle l'enfant peut mettre en jeu ses acquis tant sur le plan du contenu que de la forme. Il peut être ainsi amené à compléter ses informations, à les vérifier, à définir les éléments prioritaires. 1.6.2 Au cours des échanges entre élèves, des idées fausses ne risquent-elles pas de s’installer ? Il arrive que des élèves défendent avec tant d'énergie des idées fausses que d'autres élèves en sont convaincus et adoptent leur point de vue. Ce risque fait partie de l'activité scientifique, mais comment le gérer ? Certaines erreurs ne risquent-elles pas de se fixer ? Pour répondre à ces questions, il faut d'abord envisager l'esprit dans lequel devraient se dérouler les activités scientifiques. En effet, la science ne consiste pas en un ensemble de vérités qu'il s'agirait de redécouvrir par des méthodes plus ou moins actives. Certes, la science actuelle fournit des réponses à beaucoup de questions, mais il subsiste de nombreux points d'ombre. En outre, des savoirs considérés actuellement comme fiables peuvent toujours être remis en cause par de nouvelles découvertes. C'est donc avec modestie, esprit critique et ouverture que les faits scientifiques doivent être approchés, car ils sont évolutifs. Pour les jeunes élèves, tout prêts à accueillir l'avis de l'adulte comme une vérité, il s'agit d'une attitude nouvelle à acquérir. C'est pourquoi, lorsque les élèves constatent que leur enseignant s'étonne avec eux de certaines observations, découvre régulièrement de nouveaux savoirs, cherche des informations dans des livres ou auprès de personnes ressources, ils acquièrent la conviction que la science se construit dans une démarche progressive et active. Bien entendu, l'adulte possède un savoir plus structuré que celui des élèves, même s'il arrive à ceux-ci de le surprendre en rapportant des informations qu'il ignorait. Toutefois, l'enseignant peut fournir des balises pour les guider sur la route de la découverte et ainsi les rassurer. Dans la même perspective, la mise en évidence de points de vue contradictoires et la recherche d'arguments pour les défendre, les nuancer ou éliminer certains d'entre eux, contribuent à situer la science dans un débat et non dans une certitude absolue. Enfin, la possibilité de laisser des problèmes en suspens pour y revenir plus tard engendre une dynamique positive face à l'inconnu. 20 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire A côté de cette attitude générale d'ouverture, il existe une nécessité de vérifier et de corriger rapidement certaines données. Par exemple une erreur dans le vocabulaire utilisé, un concept étudié resté flou, une erreur de logique, des expressions incomprises… : tout cela peut être abordé immédiatement par une explication verbale, une courte expérience, une vérification au dictionnaire, une brève lecture. Extrait d’une observation sur le sens du toucher en 4e année. Les élèves ont rédigé chacun un écrit sur ce qu’ils savaient déjà à propos du toucher. Un élève a écrit : « Le cerveau dit aux os de bouger et de toucher. Grâce au toucher et aux vertèbres, il prévient le cerveau. » Après un débat de groupe, les élèves se mettent d’accord sur l’idée suivante : « D’accord pour les vertèbres qui se relient au cerveau qui donne des informations sur l’objet. » Si la pensée des élèves de ce groupe s’est précisée au cours du travail en ce qui concerne le toucher, le terme « vertèbres » semble utilisé à la place du mot « nerfs ». Un bref échange avec les élèves du groupe confirme ce fait. L’erreur est alors relevée et les termes clarifiés pour tous par l’enseignante. Cette correction collective est d’autant plus nécessaire que les affiches des groupes ont été fixées au tableau. Malgré ces précautions, il peut arriver que certains élèves gardent en mémoire des idées complètement fausses. Une intervention plus ciblée auprès de ces enfants pourrait alors s'avérer nécessaire : leur permettre de revivre une expérience, de renouveler une observation, de lire un texte approprié. 21 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.7 ÉCRIRE ET DESSINER POUR RÉFLÉCHIR 1.7.1 Pourquoi s’exprimer par écrit au cours des activitésscientifiques ? Dans l'élaboration progressive de la pensée scientifique, le langage oral ne suffit pas. Celui-ci permet une communication directe, immédiate, mais toute correction, toute expression d'un changement de point de vue doit se faire dans l'instant. 1.7.1.1 L’écrit permet une mise à distance et une élaboration de la pensée Le document peut être (ré)investi à tout moment et le travail peut s'inscrire dans le temps. L'écrit est ainsi un véritable outil d'investigation à la portée de l'enfant, dans la mesure surtout où il le réalise lui- même. En écrivant, en dessinant, l'enfant garde une trace de son activité et de sa réflexion mais surtout, il complète et structure sa pensée, il découvre des liens entre ses connaissances. Il fait le point sur les savoirs en cours d'acquisition ainsi que sur les démarches qu'il tente de mettre en place. Mais ses écrits n'adoptent pas d'emblée une forme finalisée. Il s'agit d'abord de brouillons, de notes diverses qui permettent de planifier une action, de rassembler des données d'observation ou d'expérience, de tenter une interprétation des faits, de formuler des questions. Dans cet exemple, un élève de 4e année a exprimé ce qu’il savait déjà du sens du toucher : il commence par parler de la main puis généralise à l’ensemble du corps. Il connaît l’existence des nerfs comme moyen de transmission des informations au cerveau. Le dessin montre des nerfs dans chaque doigt et la flèche précise le trajet des informations. Ce premier écrit « brouillon » est déjà très élaboré. 22 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire La succession d’écrits individuels peut permettre une évolution dans l'élaboration des contenus : diversification des objectifs d'écriture, augmentation de la prise de distance par rapport aux faits observés, amélioration de la structuration des idées, développement des connaissances, essai de généralisation. Exemple de définition proposée par un élève de 4eannée : Une ombre, c’est… En début d’activité : Par exemple, c’est un arbre qui cache l’endroit où le soleil doit être mais l’arbre cache donc c’est noir. Le noir c’est l’ombre. »33. En fin d’activité : « Une lumière qui tape sur quelque chose et ça fait une ombre. » Dans cet exemple, le contenu de la définition s’est appauvri au profit d’une plus grande prise de recul. Si la deuxième définition reste imparfaite et en partie tautologique, elle témoigne d’un essai pour prendre de la distance vis-à-vis d’un cas particulier et s’aventurer dans une définition plus générale, ce qui ne va pas sans difficulté ! Autre exemple, toujours en 4e année : Une ombre, c’est … En début d’activité : « Moi en double. C’est moi avec une amie. » En fin d’activité : « La silhouette produite par la lumière. » Ici, l’élève passe d’une définition plutôt affective, à une définition plus proche de l’observation des faits, même si elle est encore imparfaite. Activité menée dans une classe de 3e/4e années : écrit individuel : D’où vient l’eau qui arrive au château d’eau ? Premier écrit : « Je crois que l’eau vient de la pluie et qu’on enlève les crasses qui sont dedans ? Puisque le château d’eau ne sera jamais rempli parce que tout le monde en utilise tout le temps. Une rivière ? Un lac plus haut que le château d’eau ? » Ecrit suivant : « 1 On prend l’eau 1 2 On la lave 2 3 On la pompe pour la faire monter 3 4 On la transporte 4 5 On la stocke 5 6 On la distribue » Les écrits se structurent en même temps que la pensée se clarifie et que la compréhension s’organise, même s’il reste des imprécisions. Le même type d'apprentissage se manifeste aussi lors du passage d’écrits individuels à un écrit de groupe. Dans certains cas, on observe une perte d'informations. Les données sont écartées soit parce qu'elles sont estimées inappropriées par le groupe lors d'un débat, soit parce que l'élève ne peut 23 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire imposer son point de vue, soit parce qu'elles sont simplement oubliées. Par contre, le texte gagne en structuration et en généralisation. Conception du fruit en début d’activité, dans une classe de 3e /4e années : Ce qu’est un fruit… Ecrit individuel : « Parce que chez moi, pour quatre heure on mange toujours un fruit, par contre pour le soir on mange des légumes. » Ecrit de groupe après mise en commun : « La plupart des gens mange les fruits à 16H tandis que les légumes on les mange le soir. » Les élèves dépassent le cas particulier et la référence à la seule expérience personnelle pour exprimer une idée plus générale tout en nuançant l’affirmation par l’utilisation du quantifiant « la plupart » et par le sens plus global donné au pronom indéfini « on ». 1.7.1.2 Ecrire lors des activités scientifiques a une portée sociale Au cours des activités scientifiques, l'écrit a une portée sociale. En effet, l'enfant va pouvoir confronter sa réflexion avec celle des autres et, selon la situation, trouver le chemin de l'argumentation, transformer sa pensée, élargir son point de vue, développer son esprit critique ou acquérir de nouvelles connaissances significatives pour lui. Lorsqu'on écrit pour être lu par d'autres, il est nécessaire d'anticiper les réactions des lecteurs, de clarifier davantage l'expression de sa pensée et de faire un tri dans les informations et dans leur organisation. Les écrits doivent être adaptés aux interlocuteurs. Les élèves peuvent expérimenter les différences, selon qu'ils s'adressent à leurs condisciples à l'occasion d'une mise en commun des idées dans l'approche d'un thème commun, ou qu'ils s'adressent à la classe voisine, à des élèves plus jeunes, ou encore à des adultes (parents par exemple). Exemple d’une affiche réalisée dans un petit groupe en 4e année, suite à un ensemble d’activités sur le son : 24 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Cette affiche est destinée aux autres élèves de la classe. Les enfants du groupe ont tenté de représenter un maximum d’expériences vécues, chacun apportant sa contribution propre. Un dessin n’a pu être finalisé, des fautes d’orthographe émaillent le texte, la gestion de l’espace sur la feuille est un peu déséquilibrée. Mais ce qui est remarquable ici, c’est l’effort des élèves pour synthétiser ce qu’ils ont vécu et le présenter le plus clairement possible. L’affiche comprend un titre ainsi qu’un petit texte d’accompagnement. Les expériences sont suggérées par des dessins complétés d’annotations ; l’ensemble se veut complet. Un telécrit constitue une étape importante dans la structuration de la pensée scientifique ainsi que dans l’appropriation progressive, par des enfants de cet âge, des exigences du compte-rendu scientifique. Ce panneau sera retravaillé en vue de corriger les fautes d’orthographe et d’en améliorer sa présentation s’il devient un outil de référence pour la classe. 1.7.2 Dans quelle mesure les élèves comprennent-ils le rôle et l’importance de l’écrit en sciences ? Il est essentiel que l'élève comprenne peu à peu - et vérifie dans l'action - le rôle de l'écriture en sciences : veut-on garder une trace écrite pour ne pas oublier des résultats ou une démarche ? Communiquer des informations à d'autres personnes ? Préparer un débat ou un travail de groupe ? Mettre en commun des idées ? Faire le point sur ses acquis ? Prévoir un dispositif matériel ou un plan d'action ? Lister le matériel utile ? Organiser des idées pour les rendre plus accessibles ? En répondant à ce type de questions, l'élève peut participer activement à la construction du sens de l’écriture. S'il se sent obligé d'écrire pour la seule raison que la tâche sera évaluée, il risque de percevoir l'écrit comme un produit imposé, jugé et non comme un outil de pensée susceptible de l'aider dans ses apprentissages. Même lorsque le but de l'écrit est clair aux yeux de l'enseignant, il ne l'est pas nécessairement à ceux de l'enfant ! Extrait d’un entretien avec un élève de 4e année. Chercheuse : Et cela t’aidait de noter ainsi ou cela ne t’aidait pas à comprendre ce que tu faisais ? Elève : Ca m’a un peu aidé mais moi pour mieux comprendre je vais le refaire à la maison. […] Chercheuse : Vous avez eu l’occasion d’écrire et de dessiner sur les feuilles. Qu’est-ce que tu aimais le mieux ? Elève : Dessiner. Parce que c’est mieux. En fait on réfléchit au dessin que… enfin, Monsieur il a montré et comme si c’était une photo… ça reste dans la tête la photo. Et je redessine la photo. Dans l’exemple ci-dessus, l’élève insiste sur l’importance de se réapproprier l’écrit, quitte à le reproduire plusieurs fois. 25 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Extrait d’un entretien avec un élève de 4 e année (NB : l’enseignant avait proposé des feuilles préstructurées demandant, selon les moments, d’écrire librement, de dessiner ou de répondre à des questions.) Chercheuse : C’était quoi tes difficultés ? Elève : Je ne savais pas écrire et je ne savais pas ce qu’il fallait mettre. Chercheuse : C’était difficile pour toi d’écrire sur les feuilles ? Elève : Oui parce que je ne comprenais pas et j’avais oublié ce qu’on avait fait en 2 e année. Chercheuse : Tu ne comprenais pas l’expérience ou tu ne comprenais pas ce qu’on te demandait sur les feuilles ? Elève : Ce qu’on me demandait. Chercheuse : Ca ne t’aidait pas les feuilles ? Elève : Si un petit peu parce qu’on a dû dessiner et on a dû écrire et j’ai mieux compris quand on avait fait ça. Quand on le lui demande, l’élève répond que l’écrit l’a aidé à comprendre mais il est surtout préoccupé par le fait qu’il ne savait pas répondre aux demandes et cette inquiétude semble escamoter les bénéfices possibles de l’écrit. 1.7.3 Quelles compétences particulières encourager lors des moments d’écriture ? 1.7.3.1 Oser mettre en action le langage écrit L'écrit en sciences est une occasion de mettre en œuvre de façon fonctionnelle les compétences développées au cours de français pour autant que le niveau d'exigence ne freine pas l'expression de la pensée scientifique. En effet, si le langage scientifique présente des particularités, notamment sur le plan du lexique et de la structuration du discours, il utilise aussi toutes les ressources du langage quotidien. Ce sont ces ressources que les jeunes élèves vont utiliser d'abord pour rédiger leurs textes scientifiques : ce travail n'est pas anodin. Les élèves doivent tout d'abord percevoir que le passage à l’écrit n’est pas une simple transcription du langage oral, mais qu'il a ses exigences propres. Les conventions phonographiques représentent une des premières difficultés que les enfants rencontrent car, à cet âge, la maîtrise de l'orthographe est souvent très parcellaire. C'est sans doute pourquoi, dès qu'on avertit les jeunes élèves de ne pas se tracasser de l'orthographe, qu'on y reviendra plus tard, ils se concentrent avec enthousiasme sur l'expression de leurs idées. Ils font preuve alors de compétences inattendues sur le plan du langage et notamment d'une certaine capacité à différencier les structures linguistiques et les connecteurs les plus utiles pour leur propos. Bien sûr, de nombreuses maladresses subsistent, mais les enfants se trouvent en meilleure disposition pour constater leurs besoins et leurs manques. 26 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Dans cet exemple, l’élève montre un réel savoir- faire linguistique dans l’emploi de la conjonction « alors que », même si son orthographe est imparfaite. Une seconde difficulté qui attend les enfants est liée au fait que les textes les plus fréquemment produits dans les classes sont d’ordre narratif (récit, conte …). En sciences, l'élève découvre des types d'écrit exigeant rigueur et objectivité : les écrits argumentatifs : expliquer, défendre un point de vue à l'aide de faits d'observation, de résultats d'expériences ou d'informations tirées de la documentation ; les écrits d'observation : décrire, représenter le réel. Observation en 4e année : les élèves ont été invités à décrire le comportement d’un lapin. Elève : Il faut faire une histoire ? Enseignant : Non. Quelle est l’intention de l’écrit ici ? Elève :… (ne peut répondre) Enseignant : C’est de noter tout ce qu’on a observé. Dans cet exemple, l’enfant ne comprend pas clairement ce qui lui est demandé et se réfère à son expérience la plus courante. 1.7.3.2 Découvrir et utiliser le vocabulaire scientifique Dans l'enseignement des sciences, la croyance est assez répandue qu'il suffit de nommer, de définir pour savoir. Or, un mot n'est significatif pour l'élève que si cette signification a été construite. En d'autres termes, il ne s’agit pas de faire l’économie de situations vécues pour passer directement à l’écriture. C'est dans et par l'expérimentation, l'observation et les débats que l'enfant peut le mieux construire des concepts et éprouver le besoin d'avoir des mots pour décrire les phénomènes et exprimer les relations observées. 27 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Dans cette perspective, il est important de limiter le nombre de termes scientifiques nouveaux proposés aux élèves, mais également d'amener ceux-ci à employer ces termes dans des situations nombreuses et diversifiées afin que l'élève puisse en construire et en affirmer progressivement le sens. Souvent, le choix du vocabulaire va évoluer d'un terme courant, usuel, vers un terme ou une expression propres à une communauté scientifique, comme le montre l'exemple suivant. Lors d’expériences en 4e année mettant en évidence l’existence de l’air, plusieurs enfants ont utilisé le verbe « pousser » pour décrire le rôle de l’air ou de l’eau (ex. : « L’air pousse l’eau. »). Bien que ce terme relève du langage quotidien, il est très parlant pour les enfants. Dans un premier temps, il peut être repris par l’enseignant mais au fur et à mesure que le concept se précise, on peut utiliser l’expression « exercer une pression ». Plus tard dans la scolarité, d’autres termes adéquats scientifiquement pourront encore être ajoutés (comme la notion de pression atmosphérique par exemple). Une autre illustration est tirée de l'entretien d'enfants à propos du schéma d'une molaire. La légende propose une brève définition du mot « pulpe » : « partie sensible et vivante de la dent ». Mais que signifie le mot « vivant » dans ce contexte, pour des enfants qui lient le vivant au mouvement ? « C’est comme nous, mais elle ne bouge pas. » « Vivante ça veut dire qu’elle bouge, mais ça ne bouge pas en vrai. » « C’est une partie vivante, qui peut bouger, qui peut grandir aussi. » On voit que ces enfants tentent d’utiliser leurs connaissances mais le terme « bouger » leur paraît incompatible avec la situation et ils ne savent comment sortir de l’impasse 2. 1.7.3.3 Diversifier ses écrits L'enfant, aidé par l'enseignant, peut mettre au service de ses apprentissages différentes formes d'écrits : textes, tableaux, graphiques, organigrammes, dessins et schémas. Toutefois, entre 8 et 10 ans, on ne peut attendre de l'enfant des textes ou des dessins trop exigeants sur le plan scientifique et qui risqueraient de devenir rapidement stéréotypés et vides de sens pour lui. Pour encourager l'élève, il est utile de le confronter à la littérature scientifique, c'est-à- dire à des référents dont il pourra découvrir intuitivement d'abord, de manière plus organisée et systématique ensuite, les caractéristiques particulières et la diversité. De même, lorsque les élèves sont invités à réaliser ensemble, avec l’enseignant, un écrit en cours ou en fin d'activité, ils pourront être sensibilisés à certains aspects formels de la rédaction scientifique : présence d'une date et d'un titre, structuration du discours en paragraphes, organisation de données en 2 Pour comprendre comment il se fait que la dent « grandit et bouge » alors qu'on ne le voit pas, il faut réfléchir à l'échelle cellulaire, ce qui est difficile pour les enfants de cet âge. Le sujet peut cependant être approché peu à peu. 28 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire tableaux, introduction de dessins ou de schémas, choix de connecteurs appropriés, etc. Dans la même perspective, une confrontation positive des productions déjà réalisées par les élèves peut les aider à aménager leurs écrits. Voici deux exemples tirés d'une activité menée en 3e année sur la résistance de colonnes en papier de sections différentes (ronde ou triangulaire). Différents essais ont permis de comparer le nombre d'objets placés sur chaque colonne. Les productions ci-dessous, bien différentes, permettent d'engager le débat. Exemple 1 Exemple 2 Dans le premier exemple, le titre que l’élève a choisi : « Nos résultats » montre qu’il a bien compris la tâche demandée. Il pense néanmoins utile (et sans doute amusant et plus parlant) de rappeler l’expérience à l’aide d’un dessin qu’il encadre soigneusement. Ensuite viennent les données, alignées dans l’ordre chronologique, avec le souci d’une présentation esthétique et claire : chaque résultat est encadré d’une couleur différente. Toutefois, sur le plan fonctionnel, des éléments importants sont à découvrir : - La gestion de l’espace doit être soumise aux impératifs du compte-rendu et non l’inverse. Ici l’élève a noté 5 résultats au lieu de 6 car, explique-t-il, « je n’avais plus de place pour mettre un carré en plus. ». Le dessin agrémente le panneau mais prend beaucoup de place au détriment du reste. - L’alignement des données ne donne aucune indication sur ce qu’elles sont : comment faire pour que le lecteur distingue les données relatives aux différents types de colonnes en papier ? Comment faire pour montrer quel résultat correspond à chaque essai ? - La lecture du panneau ne permet pas non plus de savoir de quoi on parle : ce sont des résultats, mais à propos de quoi ? Comment aménager le titre pour apporter cette information ? 29 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Dans le second exemple, les élèves ont disposé les résultats en un tableau permettant une comparaison rapide. Le contenu des colonnes est symbolisé par deux dessins : colonnes de section ronde, colonnes de section triangulaire. Les trois essais sont numérotés. Cette présentation témoigne d’un effort de rigueur et de fonctionnalité dans la présentation. Toutefois, ici aussi une réflexion s’impose : - Que représentent les chiffres de données ? - Que représentent les n° 1, 2, 3 mentionnés devant ces chiffres ? - De manière plus générale, de quoi parle-t-on ? Un titre serait le bienvenu. - Il est aussi possible d’évoquer l’utilité de répéter les n° des essais dans chaque colonne : ne pourrait-on les indiquer une seule fois en début de ligne ? - Enfin, en enjolivant les chiffres (différentes couleurs), les élèves les ont rendus moins lisibles. Attention ! Il ne s’agit pas de critiquer systématiquement le travail des élèves mais plutôt d’en valoriser les aspects positifs, et d'aider les enfants à s'améliorer tout en tenant compte de leurs possibilités cognitives. En outre, il n’est pas utile à cet âge de supprimer d’emblée les enjolivures que les enfants éprouvent tant de plaisir à intégrer à leurs productions. Au contraire, ce peut être une entrée motivante dans le rapport scientifique. A cet âge les enfants confondent souvent « beau » et « clair » et sacrifient à l'esthétique de la présentation des éléments d'information. Progressivement mais toujours en veillant à ce que l'élève en comprenne le sens, seront introduites les exigences d'objectivité et de fonctionnalité qu'on demande à ce type de document. L'enseignant se trouve ainsi confronté à une tâche délicate : corriger ce qui doit l’être et aider à améliorer les écrits, mais sans altérer la fierté et le plaisir nés des productions individuelles ou collectives. 1.7.4 Les élèves apprécient-ils d’écrire ou de dessiner au cours desactivités scientifiques ? Malgré l'intérêt prioritaire des jeunes élèves pour l'action, beaucoup d'entre eux éprouvent une réelle satisfaction à mettre leurs idées par écrit. Toutefois, ce plaisir est limité par les exigences formelles du discours écrit et particulièrement de l'orthographe. La tolérance de l'enseignant aux niveaux de langage de ses élèves et aux difficultés qu'ils rencontrent est essentielle surtout dans les milieux socio-culturels plus défavorisés. On pourra, au fil du temps et en fonction des possibilités des élèves, revenir sur la manière de dire les choses, sur le choix de termes plus adéquats sur la syntaxe et l'orthographe. Certaines difficultés pourront être envisagées lors d'autres situations de travail sur la langue écrite. Par ailleurs, la possibilité de faire appel au dessin accentue le plaisir de l'écrit scientifique du moins si, là encore, les exigences ne sont pas excessives. Travail de groupe à propos des papillons en 3e année (voir couverture) 30 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire 1.8 DES ÉCRITS « BROUILLONS » AU COMPTE-RENDU SCIENTIFIQUE 1.8.1 Pourquoi conserver les écrits « brouillons » ? Comme déjà mentionné, de nombreux écrits peuvent accompagner les activités de sciences : notes d'observation prises au vol, dessins ou schémas de dispositifs, compilation de données, premières réactions suite à une expérience, esquisses de dessins… Ces écrits se font le plus souvent sur des feuilles de brouillon ou dans un cahier de travail. Ils ne sont pas évalués, souvent ils sont jetés. Or ces écrits, si simples soient- ils, jouent un rôle essentiel dans l'évolution de la réflexion des élèves, dans la clarification de leur pensée et dans la mise en mémoire des faits et des données. C'est pourquoi nous préférons les appeler « écrits intermédiaires » plutôt que « brouillons » afin d'évacuer la connotation négative qui accompagne ce mot. Les écrits intermédiaires méritent donc une place dans les fardes de sciences ou dans les cahiers d'expériences et d'observations. Montrer que ces documents jouent un rôle important dans l'apprentissage peut encourager les élèves à s'investir dans les tâches d'écriture. Mais au terme d'une activité ou d'un groupe d'activité portant sur un même sujet, l'enseignant peut souhaiter que ses élèves conservent une trace plus rigoureuse de ce qu'ils ont découvert. A la suite des écrits intermédiaires pourraient ainsi figurer, par exemple sur une feuille de couleur, un compte-rendu présentant des qualités tant dans la forme que dans le choix et la précision des contenus rapportés. On peut aussi parler de « synthèse » mais sans que ce terme implique un produit fini, clôturé une fois pour toutes. Au contraire, il s'agit d'une étape vers de nouvelles connaissances. Cette étape pourra être consultée dans la suite et complétée. Elle sert ainsi de référent provisoire pour tous les élèves de la classe : référent pour des contenus sur lesquels les élèves se sont mis d'accord et qu'ils ont vérifiés (idées maîtresses qui se dégagent de l'activité) ; référent pour une présentation respectant des conventions formelles minimales. Dans l'élaboration de ce document, les écrits intermédiaires préservés dans les fardes peuvent jouer un rôle important. 1.8.2 Comment passer des écrits intermédiaires à un documentstructuré servant de référent pour tous les élèves de la classe ? 1.8.2.1 Suggestions méthodologiques générales Le compte-rendu ou la synthèse au terme d'une ou plusieurs activités peut revêtir des formes différentes : un document à classer dans la farde de sciences, une affiche pour la classe, par exemple. Mais la difficulté est de les construire : va-t-on associer les élèves à ce travail et comment ? Est-il pertinent de présenter une synthèse toute faite ? Faut-il mettre en valeur un travail réalisé en petits groupes ? 31 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire A ces questions il n'existe pas de réponse unique. Il est évident que la construction d'un compte-rendu avec les élèves leur est grandement profitable. Mais ce n'est pas toujours possible : on peut manquer de temps, les élèves peuvent être lassés par des activités d'écriture qui semblent redondantes, des difficultés peuvent surgir dans la gestion de la classe… Alors que faire ? Voici quelques suggestions qui toutes, doivent être menées dans l'esprit d’aboutir à un écrit significatif pour l’élève. A ce moment seulement, on peut formuler l'hypothèse que la synthèse ou le compte-rendu réalisé donne des pistes à l'élève pour la construction de ses propres écrits futurs. Les synthèses et comptes-rendus deviennent ainsi des référents pour les activités à venir. Ils constituent de réels écrits scientifiques, mais adaptés à la vie de la classe et au niveau des élèves. a) Les élèves élaborent le compte-rendu ou la synthèse collectivement, avec l’aide de l’enseignant A cette occasion, les enfants peuvent apprendre, avec l'aide de l'enseignant, à mettre en évidence les éléments essentiels qui se dégagent de l'activité, qu'il s'agisse de contenus ou de démarches. C'est aussi l'occasion de corriger certaines erreurs, de clarifier certaines situations, d'utiliser le vocabulaire scientifique nouvellement appris. Cette rédaction collective permet d'utiliser avec pertinence des formes d'expression variées, comme des textes, des dessins, des schémas, des tableaux… Leur combinaison permet d'entreprendre un travail réflexif sur leurs complémentarités et spécificités. Enfin, rédiger collectivement la synthèse ou le compte-rendu permet de rendre leur juste place à l'orthographe, à la syntaxe et aux règles de structuration du discours scientifique écrit. b) Les élèves réalisent le travail en petits groupes. Un des documents est gardé commebase et éventuellement aménagé en grand groupe Dans cette perspective, le travail est réalisé par les élèves et l'enseignant intervient moins dans un premier temps. Dans une seconde étape seulement, il va aider les élèves à comparer les productions et à choisir celle qui sera gardée au cahier ou affichée en classe. Il va de soi que cette étape doit être menée dans un esprit de respect mutuel et de valorisation de chaque travail. Un choix sera fait mais dans un but positif : aboutir àun travail suffisamment finalisé pour figurer dans tous les cahiers. C'est pourquoi le document choisi devra être commenté et amendé par tous les élèves afin que chacunpuisse s'y reconnaître. c) Lors d’une activité collective, les élèves listent les idées essentielles à conserver dans le compte-rendu, mais c’est l’enseignant qui les met en forme en dehors de la classe, puis propose sa version aux élèves 32 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Dans ce cas de figure, les élèves rassemblent ce qu'ils ont retenu d'une activité, qu'il s'agisse de contenus spécifiques, de démarches ou encore de modalités de présentation d'une situation. C'est un premier « débroussaillage » qui se fonde sur les souvenirs des élèves mais aussi sur leurs écrits intermédiaires. L'accent est mis sur la sélection des idées essentielles. Ensuite, l'enseignant prend le relais pour rédiger un court document respectant les propositions des élèves. Ce document est alors présenté à la classe qui marque son accord. Le cas échéant, il peut être complété ou aménagé. Cette méthodologie convient particulièrement aux élèves débutant dans le domaine et qui n'ont pas encore une idée très précise de ce qu'on attend d'eux. d) L’enseignant propose d’emblée un document qu’il a conçu sur la base des « brouillons » des élèves ou des débats menés en classe. Ce document est commentépar les élèves Cette démarche ressemble à la précédente, à l'exception du point de départ. On ne peut trop insister sur la dernière étape : le document est relu et amendé éventuellement par les élèves. e) Un écrit scientifique à portée des enfants leur est proposé comme synthèse Il arrive que l'enseignant découvre un document scientifique court et à la portée des élèves. Il paraît si bien fait et si proche de ce que les élèves ont vécu, que l'enseignant souhaite le leur donner en référence. Pourquoi pas ? A condition que, ici encore, les élèves le découvrent avec l'enseignant et qu'ils aient la possibilité d'y ajouter, le cas échéant, quelques idées personnelles. Quelle que soit la formule méthodologique adoptée, certains écueils peuvent surgir : Il existe souvent des effets de leadership au sein des classes, qui ont pour conséquence le fait que les idées de certains élèves sont plus souvent reprises que celles des autres. Piste : veiller à donner la parole à tous et à encourager l'expression des plus timides. Plus les conceptions des élèves sont éloignées au départ des concepts à découvrir, plus il faut pouvoir se fier à l'activité pour engendrer des changements. Or les conceptions peuvent être résistantes et l'activité, si intéressante soit-elle, s'avérer impuissante à les modifier dans l'immédiat. A ce moment il peut exister une contradiction entre les concepts que l'enseignant souhaite voir figurer dans la synthèse et ceux que la plupart des élèves sont prêts à accepter. Pistes : adopter une synthèse clairement provisoire et y revenir plus tard à la lumière de nouvelles expériences, observations ou lectures. La limite entre suggérer des idées et imposer son point de vue est parfois difficile à maintenir. Souvent, la tentation est grande pour l'enseignant d'ajouter à la synthèse construite quelques 33 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire éléments qu'il juge importants et qui « complèteraient » les propositions des élèves. Cet ajout artificiel d'un contenu nouveau entraîne le risque pour les élèves de ne pas bien définir ni intégrer la notion de synthèse. Piste : s'en tenir aux suggestions de élèves même si la synthèse est un peu pauvre. On pourra y revenir plus tard. La succession de différents types d'écrits sur un même thème peut engendrer de la lassitude chez les élèves qui peuvent avoir le sentiment de répéter plusieurs fois la même chose. Piste : varier le contexte et la méthodologie de construction des écrits. 1.8.2.2 Quelques attitudes à encourager chez les élèves Mettre les faits en relation Chez les enfants, les actions menées et les faits observés peuvent fasciner au point d'occuper tout le discours. La place réservée aux mises en relation et aux tentatives explicatives peut alors être réduite voire inexistante, d'autant plus que l'expression de telles réflexions peut s'avérer difficile. Au fil des activités cependant, les écrits devraient, avec l'aide de l'enseignant, s'enrichir progressivement à ce niveau. En effet, il s'agit non seulement d'imaginer des dispositifs et des pistes de travail mais aussi de rechercher des explications, de mettre des éléments et des faits en relation, d'argumenter sa réflexion. Vérifier, corriger les erreurs Les erreurs font partie intégrante d'une réflexion qui se construit. Pour les aborder, l'enseignant peut faire appel à des questions de clarification ou de justification : « Es-tu certain que… ? » « As-tu réellement vu que… ? », « Qu'est-ce qui te permet de dire que… ? », « Pourrais-tu reformuler autrement cette phrase ? », etc. Certaines erreurs peuvent faire l'objet d'une correction immédiate, comme des maladresses ou confusions de mots (ex. annuaire au lieu d'annulaire). D'autres erreurs méritent un débat, surtout lorsqu'un conflit socio-cognitif se fait jour à ce propos. Parfois, il ne s'agit pas vraiment d'erreurs mais d'éléments trop ambigus pour être laissés tels quels. Certaines imprécisions peuvent être provisoirement acceptées : on pourra y revenir et les clarifier à l'occasion d'autres activités. Il est possible de proposer aux élèves une sorte de code : tout ce qui est encore imprécis est souligné en ondulé. Ainsi, le lecteur peut visualiser ce qui reste à clarifier. Organiser le document Dans les écrits scientifiques des jeunes élèves, de nombreux éléments sont présents mais désorganisés. Description du dispositif adopté, observation d'un phénomène, tentatives explicatives, ressenti personnel se côtoient dans un joyeux mélange qui montre à la fois l'investissement affectif de l'enfant et le caractère syncrétique de sa pensée à cet âge3. L'enfant peut apprendre progressivement à 3 « Le syncrétisme est une « synthèse subjective », tandis que la synthèse objective suppose l'analyse. » Piaget, J. (1966). Le langage et la pensée chez l’enfant. Paris : Delachaux et Niestlé. 34 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire dissocier dans un compte-rendu les différents moments de l'activité : but poursuivi, matériel et dispositif choisis pour une expérience, déroulement, observation des résultats, interprétations et tentatives explicatives. Organisation d’observations à propos du lapin (4e année) : Il s’agit d’un premier effort de classification (en petits groupes) des nombreuses observations listées par chacun à propos du lapin. Les critères de groupement ont été définis par les élèves avec l’aide de l’enseignant. A l’occasion d’autres observations d’animaux, on pourra repartir de ces critères et les préciser davantage. Lorsque les élèves sont invités à finaliser par exemple une affiche pour la classe, ils peuvent être sensibilisés à certains aspects de la rédaction scientifique. Les écrits ainsi rédigés pourront servir de référents pour la suite des activités. Organisation, par un petit groupe de 4 élèves, d’une affiche de synthèse en 4e année : 35 Amadou Baïlo Barry Didactique des sciences et technologies au primaire Cette affiche est destinée aux autres élèves de la classe, chaque groupe devant montrer aux autres ce qu’ila surtout retenu des expériences menées sur le son. L’affiche est claire et porte un titre. Les textes et les dessins se complètent. Quatre expériences parmi les plus significatives pour les élèves du groupe ont été retenues. Une fois corrigées les imprécisions orthographiques comme les majuscules ou les accents, l’affiche pourrait constituer un bon référent pour l’ensemble de la classe. Laisser un espace pour les questions en suspens En sciences, les recherches et découvertes ne s'arrêtent jamais, même si certains sujets semblent déjà bien connus. Il subsiste des coins d'ombre, des questions imparfaitement résolues. Ménager un espace pour noter les questions qui restent en suspens chez les élèves au terme d'une activité est une précaution utile. 1.8.3 Tous ces moments d’écriture ne risquent-ils pas de prendre tropde temps ? Un investissement en temps est indispensable pour que l'écrit devienne un outil de pensée en science. Les premières fois, certains enfants n'osent pas se lancer : ils ont peur des erreurs, disent qu'ils ne savent pas