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This document is a course on Labor Law and Collective Labor Relations. The course was updated in January 2023 and is taught by Professor Patrick Morvan at the University of Paris-Panthéon-Assas.

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DROIT DU TRAVAIL RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL 4e édition – Janvier 2023 PATRICK MORVAN Professeur à l’université Paris-Panthéon-Assas Directeur du Parcours/Master 2 de Droit Social Général Jules Adler, La grève au Creusot, 1899 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patri...

DROIT DU TRAVAIL RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL 4e édition – Janvier 2023 PATRICK MORVAN Professeur à l’université Paris-Panthéon-Assas Directeur du Parcours/Master 2 de Droit Social Général Jules Adler, La grève au Creusot, 1899 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 1 sur 135 SOMMAIRE Leçons nos 1 et 2. – LA GREVE Chapitre 1. – La valeur du droit de grève (n° 101) Chapitre 2. – Définition de la grève (n° 107) Chapitre 3. – L’exercice abusif du droit de grève (n° 115) Chapitre 4. – Effets de la grève (n° 200) Chapitre 5. – La fin de la grève (n° 214) Leçons nos 3 et 4. – LES SYNDICATS Chapitre 1. – La liberté syndicale (n° 300) Chapitre 2. – L’exercice du droit syndical (n° 400) Chapitre 3. – La représentativité syndicale (n° 409) Leçons nos 5 et 6. – LE COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE Chapitre 1. – La mise en place du CSE (n° 504) Chapitre 2. – Les attributions du CSE (n° 600) Chapitre 3. – Le fonctionnement du CSE (n° 623) Leçons nos 7 et 8. – LES CONVENTIONS COLLECTIVES Chapitre 1. – La formation des conventions collectives (n° 701) Chapitre 2. – L’effet des conventions collectives (n° 723) Chapitre 3. – L’articulation des conventions collectives et les conflits de normes en droit du travail (n° 800) Chapitre 4. – La remise en question des conventions collectives (n° 811) Leçons n° 9 et 10. – LE TRANSFERT D’ENTREPRISE (ARTICLE L. 1224-1) Chapitre 1. – Les conditions d’application de l’article L. 1224-1 (n° 901) Chapitre 2. – Les effets de l’article L. 1224-1 (n° 1000) Chapitre 3. – L’impact du transfert d’entreprise sur les relations de travail (n° 1019) Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 2 sur 135 LEÇONS NOS 1 ET 2. – LA GRÈVE Jurisprudence résumée sous l’article L. 2511-1 du Code du travail (Dalloz). 100. - Le droit de grève possède une valeur normative supérieure (Chapitre 1). Mais il obéit à une définition précise (Chapitre 2) et son exercice ne doit pas être abusif (Chapitre 3). La grève produit des effets (Chapitre 4) à la fois protecteurs et défavorables pour les salariés. Tôt ou tard, elle prend fin (Chapitre 5). CHAPITRE 1. – LA VALEUR DU DROIT DE GRÈVE 101. - Valeur constitutionnelle. La loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791 avait interdit toute cessation « de concert » du travail1. Dans cette ligne, le Code pénal de 1810 (art. 415) réprimait le délit de coalition qui interdisait toute grève2. Il fut abrogé sous le Second Empire par la loi Ollivier du 25 mai 1864. Mais ce n’est qu’en 1946 que la grève devint un droit. Le droit de grève revêt désormais une nature constitutionnelle. Selon l’alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». De cette dernière formule, il résulte que le législateur a seul compétence pour limiter l’exercice du droit de grève. Ni le pouvoir réglementaire ni les partenaires sociaux (une convention collective) ne sont habilités à le restreindre. « Une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu et seule la loi peut créer un délai de préavis de grève s'imposant à eux »3. 1 « Si des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers prenaient des délibérations, faisaient entre eux des conventions tendant à refuser de concert ou à n’accorder qu’à un prix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, lesdites délibérations et conventions seront déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme. (…) Si les dites délibérations et conventions, affiches apposées, les lettres circulaires contenaient quelques menaces contre les entrepreneurs, artisans, ouvriers et journaliers étrangers qui viendraient travailler dans le lieu, ou contre ceux qui se contenteraient d’un salaire inférieur, tous auteurs, instigateurs et signataires de ces actes ou écrits seront punis d’une amende de mille livres chacun et de trois mois de prison ». 2 C. pén., art. 415 : « Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s'y rendre et d'y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu tentative ou commencement d'exécution, sera punie d'un emprisonnement d'un mois au moins et de trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans ». 3 Cass. soc., 7 juin 1995, n° 93-46448. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 3 sur 135 102. - Sources internationales. Le droit de grève est également consacré : - par la Charte sociale européenne (art. 6, § 4) : « En vue d’assurer l'exercice effectif du droit de négociation collective, les Parties reconnaissent le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives en cas de conflits d'intérêt, y compris le droit de grève, sous réserve des obligations qui pourraient résulter des conventions collectives en vigueur » ; - par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (art. 28) : « Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d'intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève » ; - par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : « la grève, qui permet à un syndicat de faire entendre sa voix, constitue un aspect important pour les membres d’un syndicat dans la protection de leurs intérêts »4. Le droit de grève est le corollaire de la liberté syndicale, garantie par l’article 11 de la Convention EDH (selon lequel « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts »). Les normes internationales conçoivent donc la grève comme une forme d’action syndicale, liée à l’exercice du droit de mener une négociation collective. Elle serait, en somme, un moyen de pression offert aux syndicats dans la conduite de négociations collectives avec l’employeur ou des organisations patronales. Suivant cette logique, les syndicats détiendraient un monopole dans le déclenchement d’une grève (ce qui est le cas en Allemagne) qui ne pourrait intervenir qu’à l’expiration d’une convention collective (obligation de respecter la « paix sociale », existant en Amérique du Nord). 103. - Un droit individuel exercé collectivement. Le droit français conçoit le droit grève tout autrement, comme un droit individuel exercé collectivement. Cette qualification éclaire nombre de solutions. En particulier, il n’est pas nécessaire, en principe, qu’un syndicat dépose un préavis pour permettre à des salariés de se mettre en grève. Cette prérogative est attribuée non aux syndicats mais aux salariés directement, sans intermédiaire. Il est toutefois impératif qu’ils l’exercent collectivement et non individuellement. De même, dans les « services publics », c’est-à-dire pour les personnels de l’État et des collectivités territoriales, des entreprises, organismes et établissements chargés de la gestion d’un service public (C. trav., art. L. 2512-1), par exception, la cessation du travail doit être précédée d’un préavis déposé cinq jours à l’avance par une organisation syndicale représentative qui indique l’heure du début ainsi que la durée limitée ou illimitée du 4 CEDH, 21 avr. 2009, n° 68959/01, Enerji Yapi-Yol Sen c/ Turquie (§ 24). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 4 sur 135 mouvement (C. trav., art. L. 2512-2). Mais « les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis »5. 104. - Travailleurs subordonnés. La grève est également conçue en France comme une réaction à l’état de subordination caractéristique du contrat de travail. Les salariés sont privés individuellement d’une liberté qu’ils recouvrent collectivement. Il est donc logique que les travailleurs indépendants ne puissent faire grève (même si certaines professions libérales, en colère, emploient parfois le mot et la manière) : ils n’ont pas d’employeur. Toutefois, l’essor de l’économie numérique et la forte dépendance économique de travailleurs non salariés (ayant le statut d’auto-entrepreneur) à l’égard de plateformes de mise en relation (la fameuse « ubérisation » de l’économie) ont inspiré une évolution. La loi du 8 août 2016 impose aux plateformes, lorsqu’elles déterminent « les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix », une « responsabilité sociale » à l’égard des travailleurs concernés. En particulier, « les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par [ces travailleurs] en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité » (C. trav., art. L. 7341-5). La réalité montre que les esprits contestataires sont souvent identifiés et déconnectés par les plateformes numériques. 105. - Limitations. Le Conseil constitutionnel admet que des limitations soient apportées au droit de grève pour la « sauvegarde de l’intérêt général ». Certaines professions se sont ainsi vu interdire de faire grève afin de garantir la continuité du service public « dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays » : militaires, fonctionnaires de police, magistrats, ingénieurs de l’aviation civile ou certains personnels du ministère de l’Intérieur6. Trois lois ont été adoptées afin d’instituer un dispositif que l’on qualifie à tort de « service minimum » (L. 21 août 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les 5 Cass. soc., 12 janv. 1999, n° 96-45659. Cons. const., 25 juill. 1979, décis. n° 79-105 DC : « aux termes du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 : “le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent” ; en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ; ces limitations peuvent aller jusqu'à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». 6 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 5 sur 135 transports terrestres réguliers de voyageurs », reprise aux articles L.1324-7 et s. du Code des transports ; L. 20 août 2008 « instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire » ; L. 19 mars 2012 « relative à l’organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers »). En réalité, l’exercice du droit de grève n’y est que faiblement encadré : d’une part, la loi oblige à négocier un accord organisant une procédure de prévention des conflits, à négocier avant le dépôt du préavis voire pendant la durée du préavis ; d’autre part, elle impose aux agents ou salariés dans les services publics concernés (cheminots, enseignants, pilotes) de déclarer leur intention de participer à la grève 48 heures avant son commencement. Mais le droit de grève doit aussi être concilié avec d’autres libertés individuelles, à commencer par la liberté du travail et la liberté de circulation des salariés non grévistes. La jurisprudence considère que « constitue, en principe, une faute lourde justifiant le licenciement d’un salarié gréviste, l’atteinte à la liberté du travail » résultant, par exemple, de la mise en place d’un piquet de grève et de la fermeture des accès aux locaux de l’entreprise7. La loi du 20 août 2008, instaurant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires, ne vise pas seulement à préserver la continuité du service public. Il s'agit aussi de concilier le droit de grève avec la liberté, pour les parents, d’exercer leur activité professionnelle durant les jours de grève scolaire. 106. - Les libertés économiques contre le droit de grève ? La grève désorganise la production voire paralyse l’entreprise. Mais telle est précisément sa raison d’être. Un employeur ne saurait opposer aux travailleurs grévistes sa liberté d’entreprendre, bien qu’elle ait aussi une valeur constitutionnelle. Dans ses arrêts Laval et Viking, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a cependant condamné l’exercice du droit de grève lorsqu’il entrave de façon injustifiée les libertés économiques proclamées par le droit de l’Union européenne, en l’occurrence la liberté de prestation de services (Traité FUE, art. 56) et la liberté d’établissement (Traité FUE, art. 49). L’entreprise Laval, société ayant son siège en Lettonie, avait détaché en Suède des dizaines de travailleurs pour l’exécution de chantiers de construction. Un syndicat suédois exigea que l’employeur letton adhère à la convention collective (suédoise) du bâtiment et engage avec lui une négociation collective sur le salaire minimum à verser à ces travailleurs. Face au refus de la société lettone (qui affirmait ne pas comprendre à quelles obligations salariales elle était tenue, puisque la loi suédoise ne fixe aucun salaire minimum), le syndicat suédois déclencha une action collective sous la forme d’un blocus consistant à mettre en place des piquets de 7 Cass. soc., 15 mai 2001, n° 00-42200 : « chacun des salariés concernés avait personnellement participé au blocage des accès de l’hôtel, empêchant les salariés non grévistes ainsi que les fournisseurs et les clients d'y accéder ». Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 6 sur 135 grève pour interdire l’accès au chantier des travailleurs lettons et des véhicules. La société Laval demanda l’assistance des forces de police qui lui firent savoir que l’action collective était licite selon le droit national et qu’il ne leur était pas permis d’intervenir. La CJUE affirme au contraire que la liberté de prestation de services s’oppose à ce qu’une organisation syndicale puisse tenter de contraindre, par une action collective prenant la forme d’un blocus de chantiers, un prestataire de services établi dans un autre État membre à entamer avec elle une négociation sur les taux de salaire devant être versés aux travailleurs détachés. Certes, « le droit de mener une action collective ayant pour but la protection des travailleurs de l’État d’accueil contre une éventuelle pratique de dumping social peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général » de nature à justifier une restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par le traité. Mais, en l’espèce, la Cour note l’absence de « dispositions suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile » la détermination, par l’entreprise (lettone) prestataire de services, des obligations qu'elle devrait respecter en termes de salaire minimal8. L'arrêt Viking du 11 décembre 2007 précise le contrôle que doit exercer le juge national à ce sujet. La société Viking, qui avait son siège en Finlande, opérait des liaisons maritimes par ferry entre l’Estonie et la Finlande. Confrontée à la concurrence des navires battant pavillon estonien, elle décida de se livrer au même dumping social en enregistrant l’un de ses ferries en Estonie afin de conclure une nouvelle convention collective avec un syndicat de ce pays. Un syndicat finlandais de marins, hostile aux pavillons de complaisance, s’opposa à ce projet puis annonça une grève afin de contraindre Viking à soumettre ses marins à la convention collective finlandaise applicable. L’action collective visait ici à dissuader une entreprise d’exercer sa liberté d’établissement (qui implique de pouvoir exercer effectivement une activité économique au moyen d’une installation stable dans un autre État membre). Sans trancher la question, la CJUE invite le juge national : – à vérifier si cette restriction à la liberté d’établissement est justifiée par « une raison impérieuse d’intérêt général, telle que la protection des travailleurs » (tel ne serait pas le cas si aucun emploi n’était sérieusement menacé en Finlande) ; – dans l’affirmative, à vérifier si la grève engagée « ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre » cet objectif et si le syndicat ne disposait pas d’autres moyens moins restrictifs de la liberté d’établissement pour faire aboutir la négociation collective engagée avec Viking9. De vives critiques ont été formulées (par une certaine doctrine) à l’encontre de ces décisions, déplorant que l’exercice d’un droit fondamental puisse constituer une entrave aux libertés CJCE, 18 déc. 2007, Laval un Partneri, aff. C-341/05 : la liberté de prestation de services s’oppose à ce qu’une organisation syndicale puisse tenter de contraindre, par une action collective prenant la forme d’un blocus de chantiers, un prestataire de services établi dans un autre État membre à entamer avec elle une négociation sur les taux de salaire devant être versés aux travailleurs détachés, dès lors que cette « négociation s'inscrit dans un contexte national marqué par l'absence de dispositions suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile la détermination, par une telle entreprise, des obligations qu'elle devrait respecter en termes de salaire minimal » (cf. points 99, 107-111). 9 CJCE, 11 déc. 2007, Viking Line ABP, aff. C-438/05. 8 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 7 sur 135 économiques. La primauté (assez nette) reconnue à ces dernières frappe d’autant plus que l’Union européenne n’a pas de compétences dans les domaines du « droit d’association », du « droit de grève » ou du « droit de lock-out » (Traité FUE, art. 153, § 5). De manière plus spécifique, l’arrêt Viking dessine les contours d’un contrôle judiciaire des revendications professionnelles qui est inconnu du droit français (voir infra, n° 114). CHAPITRE 2. – DÉFINITION DE LA GRÈVE 107. - Définition. Selon la Cour de cassation, « l’exercice du droit de grève résulte objectivement d’un arrêt collectif et concerté du travail (1°) en vue d'appuyer des revendications professionnelles » (2°). Les mouvements qui ne satisfont pas à ces conditions ne manifestent pas un « abus » du droit de grève : en réalité, ce ne sont même pas des grèves. Par ailleurs, une grève ne peut concerner qu'une période de travail effectif : elle ne peut intervenir, par exemple, au cours d’un temps de pause 10. En revanche, on peut faire grève en restant chez soi ou dans l’entreprise (« sur le tas »). 1°) Une cessation du travail 108. - Cessations du travail constituant un exercice licite du droit de grève. Il est bien des façons d’arrêter le travail. Certaines sont plus nuisibles que d’autres à l’entreprise mais elles demeurent licites. ► La grève tournante consiste en des arrêts de travail successifs accomplis par différentes catégories professionnelles (grève tournante horizontale) ou dans différents secteurs d’activité (grève tournante verticale). Elle est autorisée dans le secteur privé11. Elle est prohibée dans les services publics par l’article L. 2512-3 du Code du travail selon lequel « l’heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé. Sont interdits les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles » d’un établissement ou d’une entreprise. Mais aucune disposition légale n’interdit à plusieurs syndicats de déposer des préavis de grève fixant des dates différentes et aux salariés de se conformer à l’une ou l’autre de ces dates. ► La grève bouchon résulte d’un arrêt de travail au sein d’un service se situant à un point névralgique de l’entreprise et qui a pour conséquence de paralyser tout ou partie de son fonctionnement. Elle est a priori licite, à moins que l’employeur puisse établir une « désorganisation de l’ensemble de l’entreprise » autorisant l’employeur à décider 10 11 Cass. soc., 18 déc. 2001, n° 01-41036. Cass. soc., 16 juill. 1964 : Bull. civ. V, n° 620. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 8 sur 135 sa fermeture (lock-out)12. ► Des débrayages ou arrêts de travail courts et répétés ont chacun le caractère d’une grève licite et ne peuvent être considérés, en principe, comme un abus du droit de grève ou un exercice illicite du droit de grève13, « quelque dommageables qu'ils soient pour la production »14. « La répétition des arrêts de travail, même de courte durée, ne constitue pas un abus du droit de grève dès lors que ces arrêts n'entraînent pas la désorganisation de l’entreprise »15. Si la désorganisation de la production est la conséquence normale de la grève, la désorganisation de l’entreprise rend la grève illicite16. 109. - Cessations du travail ne constituant pas l’exercice du droit de grève. Une cessation du travail peut caractériser non pas l’exercice du droit de grève mais l’inexécution (nécessairement illicite voire fautive) du contrat de travail. ► Il en est ainsi de la grève perlée (en anglais, slowdown) qui consiste à travailler au ralenti, sans interruption réelle de l’activité, afin de dégrader la productivité de l’entreprise. Le droit de grève n'autorise pas les salariés à « exécuter leur travail dans des conditions autres que celles prévues à leur contrat ou pratiquées dans la profession, en participant à des arrêts de travail successifs à des heures et pour des temps variables »17. La diminution de la cadence régulière de la production, concertée avec celle d’autres salariés, entraînant un ralentissement du travail des autres services et la désorganisation de l’entreprise, justifie que l’employeur prenne des sanctions disciplinaires18. Faute d’interruption complète de l’activité, cette pratique ne traduit qu’une exécution défectueuse du contrat. ► L’autosatisfaction des revendications ne peut être qualifiée de grève. Le droit de grève n’autorise pas les salariés à exécuter leur travail dans des conditions autres que celles prévues par leur contrat afin de satisfaire unilatéralement leurs désirs ; il en est ainsi, par exemple, lorsque des salariés qui ne veulent pas travailler le week end s’absentent trois samedis de suite, sans avoir voulu faire aboutir d’autres revendications professionnelles19. Il en est autrement lorsque cette cessation d’activité s'accompagne de revendications professionnelles distinctes (sur les horaires ou la 12 Cass. soc., 10 janv. 1973, n° 71-40804. Sur le lock-out, V. infra, n° 211. Cass. soc., 18 avr. 1963, no 61-40459. 14 Cass. soc., 25 janv. 2011, n° 09-69030. 15 Cass. soc., 10 juill. 1991, no 89-43147 (bien que la cessation du travail d’un quart d'heure toutes les heures pendant 10 jours ait entraîné une baisse de production sans commune mesure avec la durée des arrêts de travail effectifs, les salariés ne pouvaient subir qu'un abattement de salaire proportionnel à la durée de leur arrêt de travail). 16 Cass. soc., 7 avr. 1993, no 91-16834 (qui note que l’entreprise n’avait pas perdu sa clientèle). 17 Cass. soc., 18 févr. 1960 : Bull. civ. IV, n° 199. 18 Cass. soc., 22 avr. 1964 : Bull. civ. IV, n° 320. 19 Cass. soc., 23 nov. 1978, no 77-40946. 13 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 9 sur 135 sécurité au travail le week end, par exemple). ► Ne constitue pas une cessation collective et concertée du travail la grève des astreintes, c’est-à-dire le seul fait pour des salariés de refuser d’assurer les astreintes auxquelles ils sont tenus : la grève ne peut « être limitée à une obligation particulière du contrat de travail »20. 110. - Une cessation collective. Un arrêt de travail n’a pas à être observé par la majorité du personnel. Mais l’exercice du droit de grève ne peut pas revêtir un caractère individuel, sauf dans trois cas. 1) Un salarié peut être l’unique gréviste dans l’entreprise s’il obéit à un mot d’ordre de grève nationale21. Dans ce cas, il n’a pas à informer son employeur de sa participation à la grève nationale, qui n’intéresse pas spécialement son employeur22. 2) L’entreprise peut n’avoir qu’un salarié : « si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d’appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié agissant isolément, dans les entreprises ne comportant qu’un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu »23. 3) Lorsque l’entreprise gère un service public, la grève doit être précédée d’un préavis déposé par un syndicat représentatif (v. supra, n° 103). Si ce préavis doit mentionner l’heure du début et de la fin de l’arrêt de travail, les salariés « qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis » ; il en résulte que l’employeur ne peut, dans la période ainsi définie, estimer (à la place du syndicat ayant déposé le préavis) que la grève est terminée du fait qu’il n’y a plus qu’un seul gréviste et licencier celui-ci pour faute grave 24. Cette troisième exception au caractère collectif de l’exercice du droit de grève est incompréhensible : l’existence d’un préavis de grève ne change rien au fait que le gréviste agit individuellement. 2°) Des revendications 111. - Existence et formulation des revendications. Dès lors que l’arrêt de travail ne correspond à aucune revendication professionnelle, le mouvement, qui ne peut pas être 20 Cass. soc., 2 févr. 2006, n° 04-12336. Cass. soc., 29 mars 1995, no 93-41863. 22 Cass. soc., 29 mai 1979, no 78-40553. 23 Cass. soc., 13 nov. 1996, no 93-42247. 24 Cass. soc., 21 avr. 2022, no 20-18.402. 21 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 10 sur 135 qualifié de grève, est illicite25. « Si la présentation de revendications professionnelles doit être préalable, la grève n’est pas soumise, en principe, à la condition d’un rejet desdites revendications par l’employeur » ; en revanche, celui-ci doit avoir eu connaissance de ces revendications26. Il doit être informé, de quelque façon que ce soit, de l’existence des revendications professionnelles « au moins au moment de la cessation du travail »27. À défaut, la cessation du travail ne s’analyse pas en une grève licite. Ces revendications ne sont pas nécessairement présentées par les grévistes eux-mêmes ; elles peuvent l’être par un syndicat qui en a préalablement arrêté la liste avec un ou plusieurs salariés de l’entreprise. 112. - Des revendications professionnelles. Toute revendication n’est pas de nature professionnelle. Constituent de telles revendications : - les protestations contre de mauvaises conditions de travail, - la crainte suscitée par un projet de licenciement économique ou de restructuration faisant planer une menace sur l’emploi ; - la crainte exprimée sur la nouvelle politique commerciale décidée par l'employeur ; - celles se rattachant tant à l’exercice du droit syndical qu’à l’exigence du respect de règles légales et conventionnelles28 ; - celles portant sur des augmentations de salaire ou la réduction d’une prime ; - en vue de soutenir un mot d’ordre national pour la défense des retraites29, etc. Lorsque des salariés, après avoir refusé d’exécuter un ordre qui s’avérait dangereux pour leur santé et pour leur vie, ont présenté une revendication professionnelle (réclamant le bénéfice d’un régime de chômage particulier), l’arrêt de travail qui s’en est suivi caractérise l’exercice par les salariés du droit de grève et non du droit de retrait30. 113. - Revendications non professionnelles. Certes, « la capacité de l’employeur à satisfaire les revendications des salariés est sans incidence sur la légitimité de la grève » (par exemple, au sein des régies des transports)31. Mais des salariés ne peuvent revendiquer tout et n’importe quoi. ► Les grèves politiques sont illicites : il s’agit de celles dont la cause est 25 Cass. soc., 17 déc. 1996, no 95-41858. 26 Cass. soc., 7 févr. 1990, no 87-43566. 27 Cass. soc., 24 mars 1988, no 85-43604. 28 Cass. soc., 18 janv. 1995, no 91-10476. 29 Cass. soc., 15 févr. 2006, n° 04-45738. 30 Cass. soc., 26 sept. 1990, no 88-41375. 31 Cass. soc., 23 oct. 2007, n° 06-17802. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 11 sur 135 « essentiellement politique »32. Il en est ainsi lorsque le mouvement ne repose que sur une contestation de la politique générale du gouvernement. Mais est licite la grève nationale ayant pour objet le refus du blocage des salaires, la défense de l'emploi et la réduction du temps de travail, « revendications étroitement liées aux préoccupations quotidiennes des salariés au sein de leur entreprise »33. ► La grève de solidarité (en solidarité avec d’autres salariés appartenant, le cas échéant, à d’autres entreprises) n’est licite que si elle s’accompagne de revendications professionnelles. Tel n’est pas le cas de la cessation d’activité qui tend seulement à obtenir la réintégration d’un salarié licencié régulièrement ou à contester les fautes personnelles imputées à un salarié licencié34. Mais la Cour de cassation veille à ce que les juges du fond recherchent si une action entreprise par des salariés pour soutenir un de leurs collègues menacé de licenciement « n'est pas étrangère à des revendications professionnelles qui intéressent l’ensemble du personnel »35. 114. - Contrôle de la légitimité des revendications professionnelles ? « Si la grève suppose l'existence de revendications de nature professionnelle, le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d’un droit constitutionnellement reconnu, substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien-fondé de ces revendications ». Doit en conséquence être cassé l’arrêt qui déboute un salarié de ses différentes demandes alors qu'il a constaté le caractère professionnel de la revendication et n'a caractérisé aucun abus de la part des salariés36. Un arrêt rendu en assemblée plénière avait pourtant jugé que, « si la grève est licite dans son principe en cas de revendications professionnelles, il appartient au juge des référés d'apprécier souverainement si elle n'entraîne pas un trouble manifestement illicite » ; une cour d’appel avait ainsi pu retenir que l’engagement de très longue durée qui était demandé par des syndicats à des compagnies aériennes (de maintenir des équipages à trois personnes dans le cockpit de nouveaux avions) « au mépris des contraintes financières et des progrès techniques était déraisonnable » et que les compagnies ne pouvaient de toute évidence satisfaire les revendications professionnelles des syndicats (puisque la mesure contestée 32 Cass. soc., 23 mars 1953, no 53-01398 (les cheminots avaient abandonné le travail avant l'heure normale après que le bureau syndical eut adopté une résolution exprimant une violente protestation contre des incidents qui avait marqué la veille une séance de l’Assemblée Nationale à Paris). 33 Cass. soc., 29 mai 1979, no 78-40553. 34 Cass. soc., 6 avr. 2022, n° 20-21.586 : dans la lettre transmise à l’employeur, les salariés jugeaient « abusive et déloyale » la décision de licenciement de leur collègue ; eux-mêmes avaient été licenciés pour faute grave en raison de leur refus de reprendre le travail. 35 Cass. soc., 5 janv. 2011, n° 10-10685 : « l’action entreprise par les salariés pour soutenir un délégué syndical menacé de licenciement n'était pas étrangère à des revendications professionnelles qui intéressaient l'ensemble du personnel et était une grève licite » (le délégué syndical avait affirmé sa détermination à défendre le pouvoir d’achat des salariés). 36 Cass. soc., 2 juin 1992, no 90-41368 : la cour d’appel avait estimé que l’exigence des salariés constituait pour le dirigeant « une manifestation de défiance, voire une humiliation que rien ne justifiait, quelles que soient les préoccupations des salariés et qui ne pouvait décemment être satisfaite ». Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 12 sur 135 relevait d’une décision ministérielle) 37. La chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté cette solution. CHAPITRE 3. – L’EXERCICE ABUSIF DU DROIT DE GRÈVE 115. - Désorganisation de l’entreprise. « La cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles caractérise l'exercice du droit de grève ; la commission, par certains salariés grévistes, d’actes illicites au cours de leur mouvement, ne modifie pas la nature de ce dernier ; ce n'est qu'au cas où la grève entraîne la désorganisation de l'entreprise qu'elle dégénère en abus »38. L’abus résulte donc de certains actes perpétrés au cours de la grève qui, en outre, provoquent la « désorganisation de l’entreprise ». Mais une « grève abusive » reste une grève : elle n’est pas un « mouvement illicite » (ne répondant pas à la définition jurisprudentielle de la grève, une non-grève). Il faut souligner que « la grève entraîne nécessairement une désorganisation de la production » ; seule « une désorganisation de l’entreprise » rend la grève abusive39. En pratique, la différence peut sembler mince et sujette à débat. 116. - Piquets de grève. Les salariés grévistes peuvent organiser un piquet de grève à l’entrée principale de l’entreprise dès lors qu’il n’interdit pas au personnel de pénétrer dans l’entreprise par d’autres voies d'accès. Au contraire, le blocage total des accès entraînant une « désorganisation de l'entreprise » du fait que ni les salariés non grévistes, ni le chef d’entreprise, ni les clients ne peuvent y pénétrer ou en sortir portent atteinte à la liberté du travail (des non-grévistes) et constitue une voie de fait (en raison de l’atteinte au droit de propriété de l’employeur) ; il appartient alors au juge des référés, compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, d’ordonner l’enlèvement des obstacles40. En droit pénal, « le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté (…) du travail (…) est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende » (C. pén., art. 431-1). 117. - Occupation des locaux. De même, l’occupation des locaux est tolérée si elle est momentanée et limitée ou si elle n’a causé aucun préjudice à l’entreprise. Au contraire, 37 Cass. ass. plén., 4 juill. 1986, n° 84-15735. Cass. soc., 4 nov. 1992, no 90-41899. 39 Cass. soc., 30 mai 1989, no 87-10994. 40 Cass. soc., 21 févr. 1978, n° 76-14909. 38 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 13 sur 135 lorsque les grévistes interdisent l'entrée d’un établissement à quiconque, notamment au directeur et au personnel non gréviste, cette entrave à la liberté du travail caractérise un trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés pour ordonner l’expulsion des grévistes : « le droit de grève n'emporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de l’entreprise »41. « La liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l’entreprise [qui s’exerce, selon les articles L. 2143-20 et L. 2315-14, « sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés »] est un principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restrictions qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus. Elle s’exerce de la même façon en cas de mouvement de grève »42. 118. - Autorité judiciaire. Le président du tribunal judiciaire (ex TGI) peut être saisi en référé afin de faire cesser un trouble manifestement illicite (CPC, art. 835). Il peut également être saisi selon la procédure d’ordonnance sur requête : « le président du tribunal judiciaire (…) peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement » (CPC, art. 845). Le magistrat ordonne parfois l’ouverture d’une négociation ou d’une médiation. Compte tenu de la difficulté d’identifier et d’assigner tous les grévistes, la jurisprudence admet que l’ordonnance d’expulsion prononcée à l’encontre des meneurs d’un mouvement (par exemple, les délégués syndicaux) vaille pour tous les autres grévistes, compte tenu de l’urgence à prévenir un dommage imminent, pour la sécurité des biens ou des personnes, et de « la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de présenter les moyens de défense communs à l’ensemble du personnel »43. Commettent une faute lourde (autorisant leur licenciement) les salariés qui, informés du caractère illicite de l'occupation des lieux après la notification d’une décision de référé ordonnant l'expulsion des grévistes suivie d'un commandement de quitter les lieux, ont personnellement participé à la poursuite du blocage44. 119. - Force publique. Encore faut-il que l’administration (le préfet) accorde le concours de la force publique. Il peut y être réticent, au grand dam de l’employeur qui ne pourra se 41 Cass. soc., 21 juin 1984, no 82-16596. Cass. soc., 10 févr. 2021, no 19-14.021 : les représentants participant au mouvement de grève (de salariés d’une entreprise extérieure effectuant l’entretien des chambres de l’hôtel Park Hyatt Paris Vendôme) s’étaient livrés à des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel (usage de mégaphone, cris et usage de sifflets, distribution de tracts aux clients, montée dans les étages de l’hôtel pour intimider les salariés non grévistes…) ; les restrictions d’accès à l’hôtel imposées par l’employeur étaient « justifiées et proportionnées aux abus constatés ». 43 Cass. soc., 17 mai 1977, n° 75-11474. 44 Cass. soc., 3 mai 2016, no 14-28353. 42 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 14 sur 135 consoler qu’en engageant une action en responsabilité administrative contre l’État. Selon le Conseil d’État, « tout justiciable nanti d’une décision judiciaire exécutoire est en droit de compter sur l'appui de la force publique pour en assurer l'exécution ; si l'autorité administrative a le devoir d'apprécier les conditions d'octroi du concours de la force publique et a la possibilité de refuser son concours quand elle estime qu'il y a un danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice qui peut résulter de ce refus pour le demandeur, ne saurait être regardé comme une charge incombant à l'intéressé si la situation s'est prolongée au-delà du délai normal dont l'administration dispose compte tenu des circonstances de la cause pour exercer son action »45. En clair, l’employeur peut solliciter une indemnité en réparation du préjudice résultant de l'occupation illicite de l’entreprise, couvrant les salaires et charges sociales supportés au titre des salariés empêchés de travailler, d’éventuelles indemnités de licenciement (si les difficultés économiques résultent réellement de l’occupation illicite), le coût de la location d’un autre local, la valeur de biens éventuellement volés ou détruits au cours de cette période, etc. La responsabilité de l’État ne peut être engagée que si l’employeur a subi un préjudice anormal. Tel n’est pas le cas si la force publique est intervenue dans un laps de temps assez court (quelques jours) après que l’administration a été saisie d’une demande. En raison du principe de la séparation des pouvoirs, « le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique »46. CHAPITRE 4. – EFFETS DE LA GRÈVE 200. - Le salarié gréviste jouit d’une protection contre le licenciement et les mesures discriminatoires dont il pourrait être la cible (§ 1). La grève emporte la suspension du contrat de travail et, en conséquence, de l’obligation de verser le salaire (§ 2). L’employeur est même fondé à prendre certaines mesures de réorganisation de l’entreprise (§ 3). La grève est une source de responsabilité civile (§ 4). § 1. - Protection du salarié gréviste contre le licenciement et les mesures discriminatoires 201. - Textes. Le Code du travail ne consacre pas d’une manière générale le droit de grève. 45 CE, 8 déc. 1989, n° 68586. Cass. soc., 10 févr. 2021, no 19-14.021, précité : le juge des référés avait fait droit à la demande de l’employeur tendant à interdire aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, en deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel et à être autorisé à défaut à faire appel à la force publique. 46 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 15 sur 135 Il n’envisage que ses effets : - « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié », - « son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux », - « tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit » (C. trav., art. L. 2511-1). Ces dispositions découlent de la loi du 11 février 1950. Le salarié gréviste ne manifeste plus la volonté de rompre son contrat de travail. Il exerce un droit fondamental. À ce titre, son contrat est seulement suspendu et il bénéficie d’une immunité disciplinaire : l’employeur ne peut le licencier ou le sanctionner en tant que tel. En revanche, les salariés non grévistes et ceux ayant participé à un mouvement illicite (insusceptible d’être qualifié de grève) continuent à subir le pouvoir disciplinaire de leur employeur. Celui-ci est alors en droit de sanctionner une mauvaise exécution du contrat de travail. 202. - Nullité du licenciement ou de la sanction discriminatoire. « La nullité du licenciement d’un salarié gréviste n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève ; elle s'étend à tout licenciement d'un salarié prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève à laquelle il participe et qui ne peut être qualifié de faute lourde »47. Ainsi, par exemple, est nul le licenciement « sanctionnant la virulence des propos d'un salarié qui refusait de subir une mesure de rétorsion à la suite de sa participation à une grève, ce dont il résultait une atteinte à la liberté d'exercer son droit de grève »48. « Un salarié gréviste ne peut être licencié ou sanctionné, à raison d'un fait commis à l’occasion de la grève à laquelle il participe, que si ce fait est constitutif d’une faute lourde »49. Les dispositions d’un règlement intérieur qualifiant de faute grave ou de faute lourde l’occupation des locaux, l'installation de piquets de grève et la séquestration de personnes en cas de conflit collectif, qui visent des agissements susceptibles d'être perpétrés lors de l'exercice du droit de grève, sont étrangères au champ d'application du règlement intérieur tel que défini à l’article L. 1321-1 du Code du travail50. Cass. soc., 22 janv. 1992, no 90-44249 (alors qu'il participait à la grève, un salarié affecté à la sécurité d’une usine y avait introduit un autre salarié qui devait participer à une réunion de négociation avec la direction ; il fut licencié pour ce seul fait, qui n’avait pas de caractère fautif). 48 Cass. soc., 25 nov. 2015, no 14-20527. 49 Cass. soc., 16 déc. 1992, no 91-41215 (mise à pied). 50 CE, 12 oct. 2012, n° 94398. 47 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 16 sur 135 203. - Réparation. La nullité du licenciement ouvre au salarié un droit à réintégration dans l’entreprise. Le juge des référés, qui est compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, peut ordonner la poursuite de son contrat de travail. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement (des allocations chômage) pendant cette période : la réparation du préjudice est forfaitaire dans la mesure où un tel licenciement « caractérise une atteinte à la liberté d'exercer son droit de grève, garanti par la Constitution »51. Conformément à l’article L. 1235-4 du Code du travail, le juge ordonne le remboursement à Pôle emploi, par l’employeur fautif, des allocations d’assurance chômage versées au salarié entre son licenciement et le jour du jugement, dans la limite de six mois. Ces dispositions « sont applicables en cas de nullité du licenciement en raison de l’exercice normal du droit de grève », même si le texte ne vise pas spécifiquement ce cas de figure (mais il vise plus généralement le licenciement inspiré par un motif discriminatoire)52. En revanche, l’atteinte au droit de grève n'est pas en elle-même constitutive d'une infraction pénale53. L’article 431-1 du Code pénal punit seulement d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d’amende « le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation ». 204. - Exception : la faute lourde. La faute lourde « est uniquement celle qui est imputable au salarié, et est indépendante d'autres fautes qui ont pu être retenues contre l'ensemble des ouvriers en grève »54. Elle doit être imputable personnellement au salarié gréviste. Une distinction délicate doit être faite. « La commission, par certains salariés grévistes, d’actes illicites au cours de leur mouvement, ne modifie pas la nature de ce dernier ; (…) seuls les auteurs des faits illicites doivent répondre de leurs actions » ; les autres salariés ne commettent aucune faute en participant à un mouvement (licite), qui ne traduit pas en luimême (globalement) un abus du droit de grève55. La preuve de l’intention de nuire du gréviste doit alors être rapportée par l’employeur. La jurisprudence relève aussi parfois une atteinte à la liberté du travail des autres salariés (notamment, par le blocage des accès aux locaux ou leur occupation, surtout après que le juge des référés a ordonné la levée du piquet de grève ou l’expulsion des occupants) ou une 51 Cass. soc., 25 nov. 2015, no 14-20527. 52 Cass. soc., 18 janv. 2023, no 21-20.311. Mais le texte n’est applicable que dans une entreprise d’au moins 11 salariés et si le travailleur licencié a au moins deux ans d’ancienneté (C. trav., art. L. 1235-5). 53 Cass. crim., 19 juin 1979 : Bull. crim., n° 217. 54 Cass. soc., 20 mai 1955, n° 55-02582. 55 Cass. soc., 4 nov. 1992, no 90-41899. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 17 sur 135 désorganisation de l’entreprise56. Une grève abusive n’est pas seulement la somme de fautes lourdes commises individuellement par les salariés participants. Elle suppose, avant tout, que soit constatée une entrave à la liberté du travail ou une désorganisation de l’entreprise. La faute lourde est personnelle et peut être sanctionnée sans qu’une grève soit considérée comme abusive. Elle peut d’ailleurs consister en des méfaits très divers. Inversement, une grève peut être jugée abusive sans que les participants soient nécessairement coupables de fautes lourdes. La seule caractérisation d’une grève abusive n’implique pas l’existence de telles fautes. Encore faut-il prouver que chaque salarié a personnellement commis une faute lourde. Bien plus, la seule participation à un mouvement illicite (qui ne satisfait pas à la définition de la grève) n’établit pas une faute lourde. Constituent également des fautes lourdes les actes de violence ou la séquestration de cadres ou dirigeants de l’entreprise (pendant une certaine durée)57. Un pilote d’avion, commandant de bord, peut-il décider d’interrompre sa mission en cours d’escale (après avoir effectué un aller Paris–Pointe-à-Pitre) alors qu’il était censé effectuer le vol retour ? La Cour de cassation a écarté l’abus dans l’exercice du droit de grève et jugé la sanction discriminatoire58. Le législateur a ensuite introduit certaines limites dans le Code des transports. La Cour de cassation en a déduit que, lorsque le personnel navigant s’est déclaré gréviste la première journée de sa rotation et n’est pas en mesure d'assurer son service tel qu'il a été programmé, « l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire pour les journées suivantes de la rotation »59. En l’absence de faute lourde, les juges du fond peuvent toujours débouter un salarié de ses demandes d'indemnités de rupture en retenant contre lui l’existence d'une faute grave. § 2. - Suspension du contrat de travail 56 Cass. soc., 16 févr. 1989, n° 87-42572 : les juges du fond avaient considéré que certains salariés avaient commis des fautes lourdes sans exposer « en quoi la forme qu'avaient revêtue les arrêts de travail [débrayages répétés de courte durée et occupation des locaux] révélait une intention de nuire ni relever aucun fait caractérisant la désorganisation de l'entreprise et une entrave à la liberté du travail ». 57 Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-12562 : le salarié avait personnellement participé à l'action collective au cours de laquelle le DRH avait été retenu de 11 heures 45 à 15 heures 30 dans son bureau, dont il n'avait pu sortir qu'après l'évacuation par les forces de l'ordre des personnes présentes. 58 Cass., ass. plén., 23 juin 2006, n° 04-40.289 : il ne pouvait être imposé à un salarié d’indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci, la signature du planning de rotation ne pouvait être considérée comme un engagement de ne pas cesser le travail et le pilote avait avisé de son état de gréviste suffisamment tôt pour permettre son remplacement dans le vol Pointe-à-Pitre–Paris. 59 Cass., soc., 8 sept. 2021, n° 19-21.025 (un pilote d’Air France avait informé son employeur qu’il participerait à un mouvement de grève le 25 juillet ; Air France avait procédé à une retenue sur salaire pour la journée de grève du 25 et les deux suivantes, soit trois jours correspondant à la durée de la rotation prévue au planning du salarié). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 18 sur 135 205. - Non-paiement du salaire. La grève suspend l’exécution du contrat de travail, à moins qu’il soit déjà suspendu (hypothèse du salarié placé en congé maladie avant le début de la grève). L’employeur n’est donc pas tenu de verser les salaires ou des éléments de rémunération qui se trouvent dépourvus de contrepartie. L’employeur ne peut pratiquer une retenue sur salaire que si le mouvement peut être qualifié de grève licite. S’il s’agit d’un mouvement illicite (par exemple, une grève perlée), une telle retenue s’analysera en une sanction pécuniaire prohibée (C. trav., art. L. 1331-2) infligée par l’employeur en raison de la mauvaise exécution du contrat de travail 60. « La rémunération des salariés grévistes ne doit subir qu'un abattement proportionnel à la durée de l’arrêt de travail » (calculée en heures, non en jours, sur le mois) car l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération61. De même, dans le secteur du transport terrestre de voyageurs, la rémunération d’un salarié « est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève » (L. 21 août 2007, art. 10). Par exception, les fonctionnaires de l’État et des établissements publics de l’État sont soumis à la règle du « trentième indivisible » selon laquelle on ne divise pas le traitement mensuel par plus de trente. La retenue est alors égale à un trentième de la rémunération mensuelle, même si l’arrêt de travail a été inférieur à une journée (une heure, par exemple). La règle s’applique en cas d’« absence de service fait », formule qui englobe la grève mais aussi, plus largement, le cas où l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service ou n'exécute pas tout ou partie de ses obligations de service (depuis la loi du 22 juillet 1977). 206. - Durée de l’absence comptabilisée. « Le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement ; il ne peut donc prétendre au paiement de sa rémunération pendant cette période, peu important qu'elle comprenne un jour férié chômé et payé aux salariés qui continuent l’exécution de leur contrat de travail »62 ; peu important aussi que, certains jours, il n’ait eu, normalement, aucun service à assurer63. Les jours de repos comptent donc comme des jours de grève. À la SNCF, la règle avait toutefois été écartée par un règlement interne, pour les agents sédentaires et le personnel roulant, si le mouvement ne dépassait pas 48 heures. D’où l’idée brillante des syndicats de 60 Cass. soc., 20 févr. 1991, n° 90-41119 : « la retenue pratiquée sur le salaire des contrôleurs, à qui la SNCF reprochait la mauvaise exécution de leurs obligations, constituait une sanction pécuniaire interdite ». 61 Cass. soc., 8 juill. 1992, no 89-42563. 62 Cass. soc., 24 juin 1998, no 96-44234. 63 Cass. soc., 24 juin 1998, no 97-43876 (des pilotes d’Air France ayant participé à une grève soutenaient que leur employeur ne pouvait retenir leur salaire pour les jours où ils étaient en repos selon le programme établi par l’employeur). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 19 sur 135 cheminots, en 2018, de déposer successivement 18 préavis de grève d’une durée de deux jours tous les cinq jours, entre les mois d’avril et de juin. La SNCF avait considéré qu’il s’agissait d’un seul mouvement de 36 jours. Le TGI de Bobigny a considéré qu’il s’agissait de mouvements distincts et a condamné l’EPIC à régulariser le paiement des jours de repos64. « Le temps consacré à la remise en marche des machines à l’issue d’un mouvement de grève, même répété, ne saurait justifier une retenue sur salaire au motif de la perte de production qui suit le mouvement, (…) dès l’instant que la grève est reconnue licite »65. En cas de grève illicite, au contraire, l’employeur est fondé à limiter le salaire « au montant de la rémunération afférente au travail effectué, dans des conditions normales d'exécution » (en retenant le salaire correspondant à la durée réelle de l’arrêt de travail, plus une retenue forfaitaire d’un quart d’heure, par exemple, correspondant au temps nécessaire à la reprise)66. L’employeur est en droit de ne pas verser une prime d’assiduité aux grévistes à la condition que toute absence, autorisée ou non, et quelle qu’en soit la cause (grève ou maladie, notamment), entraîne la perte de cette prime. Dans le cas contraire (notamment si seules les

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