Littérature Française du XVIe et XVIIe siècle - Documents PDF
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Université de Sohag
Dr. Adli Mohamed
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Ce document, préparé par Dr. Adli Mohamed, explore la littérature française des XVIe et XVIIe siècles. Il couvre des sujets tels que la Renaissance, l'humanisme, la Pléiade et les œuvres de poètes importants comme Marguerite de Navarre et Clément Marot. Le document fournit un aperçu historique et littéraire de cette période.
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UNIVERSITE DE SOHAG Faculté des Lettres Département de Bi-Langue (Anglais-Français) Préparée par Dr. Adli Mohamed La 2ème Année 1 LE XVI° siècle Le XVIe siècle est marqué par deux...
UNIVERSITE DE SOHAG Faculté des Lettres Département de Bi-Langue (Anglais-Français) Préparée par Dr. Adli Mohamed La 2ème Année 1 LE XVI° siècle Le XVIe siècle est marqué par deux grands événements : la Renaissance et la Réforme. I°ŕLA RENAISSANCE La Renaissance est un mouvement culturel et artistique qui a commencé en Italie au XVe siècle et s'est répandu dans toute l'Europe au XVIe siècle. C'est une période de renouveau, où l'on sort peu à peu du Moyen Âge pour entrer dans une nouvelle ère. Les valeurs, les aspirations dans la société, l'art, la religion et la littérature changent. En France, sous François Ier, l'influence italienne est très forte. La cour française imite la Renaissance italienne. En Italie, la vie est animée avec des fêtes, des spectacles et des bals, et les palais sont luxueux et élégants. La littérature et les sciences se développent beaucoup. Après la conquête de Constantinople par les Turcs en 1453, de nombreux savants grecs se réfugient en Italie et apportent 2 leur savoir. La littérature italienne est représentée par des œuvres comme la Divine Comédie de Dante et les Sonnets de Pétrarque. François Ier introduit la Renaissance en France en faisant venir des savants et des artistes italiens, comme Léonard de Vinci. Il modernise l'université, jusqu'alors centrée sur la théologie et la logique, en créant en 1530 le Collège de Lecteurs royaux (plus tard Collège de France), où l'on enseigne le latin, le grec et l'hébreu, marquant le début de l'humanisme. Qu'est-ce que l'humanisme ? L'humanisme est un mouvement littéraire et artistique né en Italie au XIVe siècle avec le poète Pétrarque. Il se répand en Europe grâce à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg en 1450. Le mot "humanisme" vient du latin "humanitas" qui désigne l'étude des langues anciennes comme le latin et le grec. Les humanistes traduisent des textes antiques pour que leurs contemporains découvrent la pensée de l'Antiquité. 3 L'humanisme n'est pas seulement une idée, mais aussi une nouvelle manière de voir le monde, influençant les arts et la société. Les humanistes placent l'homme au centre de tout et croient qu'il évolue en apprenant la culture antique, la science, et en ayant une nouvelle relation avec la nature et la religion. Quels sont les thèmes de l’humanisme ? L’humanisme est une façon de penser qui se concentre sur le savoir et le bonheur de l’homme. Il valorise l’autonomie, la liberté et la capacité de choisir sa propre vie, en se détachant peu à peu de la religion. Voici les principaux thèmes de l’humanisme : Un intérêt pour les textes grecs et latins de l’Antiquité : Les humanistes traduisent et étudient les textes anciens pour redécouvrir la philosophie et les connaissances de l’Antiquité. S’instruire pour être libre : La connaissance est vue comme un moyen d’accéder à la liberté et au bonheur. 4 La découverte du monde et d’autres cultures, l’enseignement : L’humanisme encourage l’apprentissage des langues et la découverte de nouvelles disciplines. François 1er fonde le Collège des lecteurs royaux en 1530, qui deviendra plus tard le Collège de France. La foi en l’homme : L’homme est au centre de tout. Comme le disait le philosophe grec Protagoras, Ŗl’homme est la mesure de toutes chosesŗ. La réflexion politique et l’art de gouverner : Machiavel est connu pour avoir séparé la politique de la religion et de la morale, en se concentrant sur la réalité politique. La religion : L’humanisme entraîne des débats sur la religion et un renouveau spirituel. Dieu n’est plus au centre de tout, c’est l’homme qui le devient. Qui sont les grands penseurs et auteurs humanistes ? Parmi les grands auteurs humanistes, on trouve : 5 Érasme (Eloge de la folie, 1511) : Philosophe et théologien hollandais. François Rabelais (Gargantua, 1534) : Écrivain français. Clément Marot : Poète français. Michel de Montaigne (Les Essais, 1580) : Écrivain français. Pierre de Ronsard : Poète français. Joachim du Bellay : Poète français. Thomas More (L’Utopie, 1516) : Philosophe anglais. Machiavel (Le Prince, 1532) : Penseur italien. 6 La Pléiade La Pléiade est un mouvement poétique qui a émergé entre 1547 et 1562. Ce courant a renouvelé la poésie française en introduisant des principes et des formes d'expression originales. 1°-- Les principes de la Pléiade La Pléiade est née quand un groupe de jeunes poètes a voulu changer la vie littéraire de l'époque. Sous l'influence de leur professeur Dorat, ils ont pris le nom de "Pléiade", comme la constellation des étoiles. Leur programme, présenté dans l’ouvrage collectif Défense et illustration de la langue française de Du Bellay, repose sur deux grands principes : Promouvoir la langue française : Les poètes voulaient que le français devienne une grande langue, comme le latin. Pour y parvenir, ils ont enrichi le français en créant des mots nouveaux à partir du latin et du grec. Ils ont aussi emprunté 7 des mots de l’archaïsme, des dialectes et des vocabulaires spécialisés. Admiration pour l'Antiquité : Ils ont remplacé les expressions médiévales par des genres littéraires inspirés des Anciens et des Italiens. Leur but était de créer des œuvres en français dignes des chefs-d’œuvre grecs et romains. Pour les poètes de la Pléiade, le rôle du poète est de servir la beauté. Le travail poétique doit être inspiré, comme l’exprime Du Bellay dans ses Regrets : « et les Muses de moi, comme étrangers, s’enfuirent ». 2°-- Les thèmes et expressions de la Pléiade Les poètes de la Pléiade explorent plusieurs thèmes : Le lyrisme : Ils expriment leur émotion face aux ruines et à la douleur de la condition humaine, comme dans Antiquités de Rome et Regrets de Du Bellay. L’amour et le temps : Le sentiment amoureux est central, comme dans le Sonnet à Hélène de Ronsard. La réflexion 8 sur la fuite du temps est aussi importante, illustrée par des poèmes sur la mort et la vieillesse, comme dans Mignonne, allons voir si la rose…. 3°-- Les poètes de la Pléiade Les sept poètes de la Pléiade sont : Du Bellay, Ronsard, Antoine de Baïf, Rémy Belleau, Etienne Jodelle, Pontus de Tyard, et Dorat. Parmi eux, les plus célèbres sont Ronsard et Du Bellay. Ronsard (1524—1585) : Connu pour le poème Mignonne, allons voir si la rose…. Du Bellay (1522—1560) : Auteur de Antiquités de Rome et Regrets. 9 Marguerite de Navarre (1492-1549) Sa vie, son rôle Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier, fut d'abord duchesse d'Alençon avant de devenir reine de Navarre. Humaniste accomplie, elle maîtrisait le latin, l'italien, le grec et avait même étudié l'hébreu. Pendant la captivité de son frère, elle participa activement aux affaires du royaume avec détermination et sagesse. Elle forma une cour littéraire entourée d’écrivains comme Brantôme, Marot et des Périers, qu'elle accueillait dans ses résidences. Elle protégea les humanistes, leur offrant refuge lorsque la Sorbonne les persécutait, et soutint la Renaissance sous toutes ses formes. Bien qu'elle ait partagé des idées audacieuses, elle resta toujours chrétienne et, vers la fin de sa vie, retrouva une profonde spiritualité qui l'aida à faire face aux échecs politiques et personnels. 10 Marguerite de Navarre et son cercle humaniste François Ier aimait l’art mais souvent comme un simple ornement. Malgré son goût et son talent pour la poésie, il se place en retrait face à sa sœur Marguerite, née en 1492. Marguerite, mariée au roi de Navarre, fut un axe de la littérature française de son époque. Elle se consacra à l’étude tout au long de sa vie, apprenant l’italien, l’espagnol, l’allemand, le latin, et même le grec à quarante ans. Ses œuvres comprennent d’abord des vers, puis des pièces comme Deux filles, Deux mariées, La vieille, Le vieillard et les 4 hommes, des essais psychologiques exprimant bien ses idées et sentiments. On trouve aussi La Bergère ravie de l’amour de Dieu et Heptaméron, inspiré par Boccace. L’apparente diversité de son œuvre se résume à quelques caractéristiques : 11 Elle inaugure une forme de lyrisme centrée sur l’émotion personnelle, que l’on retrouve dans ses élans de foi ou d’amour fraternel. Elle explore la poésie dans la vie et la nature, trouvant beauté et noblesse dans les impressions spontanées. Avec Heptaméron, elle rompt avec la tradition de la nouvelle française en introduisant des éléments de sérieux, de pitié et de tragédie. Le conte, loin d’être uniquement divertissant, devient un outil pour observer et décrire les passions humaines. Heptaméron contribue à la définition de l’honnête homme du XVIIe siècle, alliant civilité et enseignement moral. Les récits de mésaventures conjugales, de tragédies galantes et de critiques anti-monastiques peuvent paraître immoraux selon les standards modernes, mais Marguerite conclut chaque histoire par une réflexion morale et spirituelle. 12 Malgré les défis, Heptaméron n’a pas été oublié. La cour de Marguerite de Navarre est devenue un centre littéraire et culturel, offrant refuge aux talents persécutés, comme Clément Marot (1496-1544), poète né à Cahors, qui gagna la protection de François Ier et de sa sœur, devenant le poète officiel de la cour. 13 CLMENT MAROT (1496-1544). Vie de Clément Marot Clément Marot est né à Cahors en 1496. Son père, poète amateur, l'a emmené à Paris où il a suivi des études régulières. Étudiant joyeux, il a fait partie de la Société des Enfants Sans-souci et a partagé ses divertissements. Dès son jeune âge, il se distingue par ses vers bien écrits. Il entre au service de Marguerite, la sœur du roi, et en 1523, après la mort de son père, devient valet de chambre de François Ier. Il participe à la bataille de Pavie, est fait prisonnier, puis relâché. De retour à Paris, il est accusé d'hérésie en 1526 et emprisonné au Châtelet. Grâce à la protection du roi et de Marguerite, il est libéré et suit ses mécènes dans leurs voyages en Italie. Là, il découvre la Renaissance et le poète italien Pétrarque. Il se détourne des formes médiévales comme le rondeau et la ballade, pour adopter les genres modernes inspirés de l'Antiquité : épître, élégie, etc. 14 Son existence devient compliquée lorsqu'il se rapproche des milieux protestants. Il fait face à de nombreux problèmes avec les autorités religieuses, est emprisonné plusieurs fois, échappe au bûcher et connaît l'exil, mais la faveur royale le soutient toujours. En 1536, il renonce au protestantisme pour revenir en France. Inquiet pour une traduction des Psaumes, il s’installe finalement à Paris, où il meurt. Œuvre L’Enfer, L’Epître au roi pour le délivrer de la prison, L’Epître au roi pour avoir été dérobé, Psaumes. Le recueil des Epîtres contient 66 poèmes. Marot s’adresse à de grandes personnes, comme la duchesse de Ferrare. Parfois, il cherche à plaire à ses protecteurs et à attirer leur attention. Parfois, il leur demande des faveurs avec beaucoup de grâce, d’imagination et d’éloquence. Certaines de ces demandes sont urgentes et même tragiques, comme lorsqu'il implore Lyon Jamet de le sauver de la prison. Toutefois, le 15 charme du poète réside dans sa capacité à éviter les effets pathétiques, préférant séduire ou convaincre par l'humour et la fantaisie. Léger et libre, son style dans les Épîtres anticipe en plusieurs aspects celui de La Fontaine. Marot traduit aussi Virgile et Ovide. Comme les humanistes, il cherche à retrouver dans les textes originaux les œuvres littéraires et sacrées. 16 François Rabelais (1494-1553) Un des plus grands écrivains de la Renaissance était Rabelais. Il est né en 1494 dans une famille de la moyenne bourgeoisie. Son père était avocat et propriétaire terrien. Après des études ecclésiastiques, il devient moine en 1520. Avec quelques érudits il a contribué à l’épanouissement en France du mouvement humaniste. Il étudie le grec, le latin, la littérature italienne, la philosophie antique (Platon, Aristote). En 1530 Rabelais quitte l’habit de moine, car la Sorbonne interdit l’étude du grec considéré comme textes d’hérésie. Rabelais va étudier le droit, puis la médecine dans diverses Universités de France. En 1532, Rabelais est médecin à Lyon. Ici il pratique les dissections sur des corps humains ce qui était interdit par l’église. En 1532 il publie son premier livre nommé Gargantua et Pantagruel. Le premier livre Pantagruel a été aussitôt condamné par la Sorbonne. Rabelais est persécuté par l’église. C’est alors qu’il suit à Rome le cardinal Jean du Bellay en qualité de secrétaire et 17 médecin. Il se présente auprès du Pape pour lui remettre les péchés. En 1534 paraît son deuxième livre nommé Gargantua. Ce livre est de nouveau condamné par la Sorbonne et Rabelais disparaît et au cours de onze ans il s’abstient, par prudence, de toute publication. Il consacre ces années à des voyages en Italie, à l’enseignement de la médecine. Seulement en 1535 il a publié son tiers livre. Le quatrième livre a vu le monde seulement en 1552. Son cinquième livre a été publié à titre posthume en 1564, car Rabelais est mort en 1553. Dans son premier livre intitulé Pantagruel (1532) l’auteur donne des explications fantaisistes sur l’origine des géants. Il s’inspire des Grandes Chroniques, roman populaire de la tradition médiévale relatant les aventures du « grand et énorme géant Gargantua ». Mais si l’auteur garde les effets comiques du grossissement, le merveilleux, les anecdotes chevaleresques de la tradition, le thème du gigantisme prend 18 chez lui un autre sens : il représente l’idéal spirituel et les ambitions intellectuelles de son temps. Gargantua et Pantagruel symbolise en effet le pouvoir de l’homme sur la nature et sa puissance sans limites, sa capacité Ŕ grâce au « pantagruélion » - de développer ses connaissances et le monde. Le gigantisme symbolise l’idéal d’un savoir total. La célèbre lettre de Gargantua à son fils, les textes relatifs à l’éducation décrivent un enseignement comportant toutes les disciplines : les langues et la pensée anciennes, la musique, les sciences Ŕ notamment les sciences naturelles et la médecine Ŕ l’étude des textes sacrés, les exercices du corps et des armes. La pédagogie, fondée sur la réflexion et la pratique plus que sur la mémorisation, la place faite à l’hygiène par le médecin respectueux des fonctions naturelles du corps qu’est Rabelais, traduisent aussi la nouveauté de l’éducation humaniste. L’importance donnée à la lecture des textes anciens et des textes sacrés, de même que la satire des miracles et 19 la caricature des pratiques religieuses anciennes, témoigne de l’évangélisme de Rabelais, doctrine condamnée par l’église officielle. Rabelais propose un programme d’éducation qui puisse conduire un prince de la Renaissance à l’exercice responsable du pouvoir. Gargantua organise ainsi, à travers l’abbaye de Thélème, une société utopique qui repose sur le culte de la beauté et de la bonté lié à la foi dans l’homme de l’humanisme de la Renaissance. Par ailleurs, l’épisode de la guerre picrocholine souligne l’absurdité des guerres de conquête, et ne justifie que la guerre défensive. Enfin, l’importance des voyages est représentation de la pensée humaniste en ce qu’ils sont à la foi ouverture à d’autres sociétés et quête de la vérité humaine. L’oral de la Dive Bouteille donne à cette recherche une réponse symbolique que l’on peut interpréter : le savoir est essentiel pour accéder à la vérité. 20 Dans le troisième livre, Rabelais introduit un philosophe nommé Panurge. Celui-ci, c’est un personnage nouveau qui partage avec les héros rabelaisiens leurs idées et leurs penchants. On assiste à une enquête de Panurge qui interroge chacun pour savoir s’il doit se marier. Il a peur d'être trompé par sa femme. Dans le quatrième livre Rabelais conte les aventures de Panurge et Pantagruel partis en mer pour aller consulter l’oracle de la Divine Bouteille. C’est un livre plein de fantaisie où Rabelais fait la satire de l’Eglise romaine, mais aussi des protestants. En faisant la conclusion, il est à noter que les livres de Rabelais c'est une bouffonnerie carnavalesque. Le rire de Rabelais provient d’une vision joyeuse du monde. Il divise ses personnages en ceux qui savent rire et ceux qui ne le savent pas comme Picrochole. Nous lisons que « mieux est de rire que des larmes écrire » ou bien « Pour ce que rire est le propre de l’homme ». Le rire rabelaisien est ambivalent, 21 tout le livre du commencement à la fin est imprégné d’une atmosphère de carnaval. La destruction et le détrônement sont associés à la Renaissance et à la rénovation, la mort de l’ancien est liée à la naissance du nouveau. Rabelais c’est le corps qui rit. La quantité de victuailles, leur énumération c'est aussi la mort et la naissance. Le rire même est ambivalent: il combat le passé et fait renaître le nouveau. La langue de Rabelais contribue beaucoup à l’originalité de son œuvre. Il fait des emprunts aux langues étrangères, au latin et au grec, aux dialectes et aux différents termes techniques. Sa langue est bien grossière ce qui était propre à son époque. Les grossièretés, les goûts et les répétitions sont dans la nature de l’œuvre, où les bons géants cherchaient à montrer les formidables possibilités qui existaient dans l’homme. La Pléiade La Pléiade n’était pas vraiment une école, mais un regroupement de 7 poètes. Le nom Pléiade provient de mythologie, notamment de 7 filles d’Atlas et de Pléione. 22 Désespérées des souffrances de leur père elles se sont tuées et métamorphosées en sept étoiles. Ce groupe d’écrivains décide d’enrichir et de rénover le français en s’inspirant une nouvelle fois de l’Antiquité. En 1649 le plus combatif d’entre eux Joachin du Bellay a rédigé leur manifeste poétique nommé Défense et illustration de la langue française. A cette époque ils ont éprouvé le besoin de propager le français, car les savants et les écrivains s'exprimaient encore en latin. Le livre est consacré à la défense du français contre la prédominance du grec et du latin. Ils pensent que le français peut aussi donner naissance à des grandes œuvres. Ils appellent l’ensemble des artistes à s'exprimer dans leur langue maternelle qui puisse exprimer toutes sortes des nuances aussi bien que le grec et le latin. Le manifeste est consacré à l'illustration, c’est-à-dire à l’enrichissement de la langue. Du Bellay propose: d’inventer des termes nouveaux; 23 de former des mots composés; de restaurer des termes vieillis; d’employer des mots techniques; d’emprunter des mots des autres langues. Si les écrivains de la Pléiade défendent la langue nationale, ils cherchent en même temps d’encourager le retour à des genres antiques, comme l’ode, la tragédie, la comédie, l’épopée et le sonnet. 24 Joachim du Bellay Un des poètes le plus combatif de la Pléiade était Joachim du Bellay (1522-1560) né en Anjou et très tôt devient orphelin. Il est touché par une maladie qui l’a rendu sourd. A 25 ans il part pour Paris où il approfondit l’étude des langues antiques et aussi l’italien. A cette époque il a écrit un recueil de sonnets intitulé Olive. Dans L’Olive il a chanté l’amour bien chaste et certains poèmes sont changés de mysticisme. Aux années 50 du XVIe siècle, il a passé quelque temps à Rome. Ici il écrit un recueil de sonnets dit Les antiquités de Rome (1558). Il est impressionné par la beauté et la puissance de l’Empire Romain. Mais d’un autre côté, le spectacle de ruines éveille la mélancolie devant le temps qui passe et détruit tout. En séjournant à Rome Du Bellay éprouve une grande nostalgie pour son pays. A cette occasion il a écrit un recueil de sonnets nommés Les regrets. Le Rome ne le satisfait pas. Il y rencontre les mêmes vices qu’en France. Ce 25 dégoût excite en lui sa vision satirique. Dans certains sonnets de son recueil Les regrets il parle de ces vices d’une manière satirique les sonnets sont pleins d’ironie amère et mordante. Rentré en France sa satire ne s’éteint pas. En France il s’aperçut que la cour du roi ne vaut pas mieux que celle des papes. Il est à noter que Du Belley a créé une poésie profonde et solide, parfois contradictoire, mais d’une honnêteté personnelle. 26 Pierre de Ronsard (1524-1585) Un des plus grands poètes de la Pléiade était Pierre Ronsard. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui le rôle que Ronsard a exercé sur son époque. Reconnu par dès la parution de ses premiers vers comme un grand poète, Pierre de Ronsard était le fils d’un gentilhomme introduit dans l’entourage de François Né en 1524 à Couture-sur-Doire, il sera tout naturellement élevé à la Cour. Suite à une grave maladie (surdité précoce), il renonce à l’ambition de faire embrasser une carrière militaire et entreprend l’étude des lettres grecques et latines, en particulier au collège de Coqueret en compagnie de Baïf et du Bellay. Protégé du roi, il s’enflamme pour la cause catholique et, dans son œuvre, s’inspire largement des plus fameux auteurs de l’Antiquité, tels Horace et Pindare. Cependant, il ne se départira jamais d’un goût affiché pour les plaisirs et, s’il aborde des thèmes plus graves 27 comme la fuite du temps et la mort, il restera le chantre de la femme. Par la force du talent, par la grandeur de l’effort, par l’éclat du succès, Ronsard est le maître de la poésie du XVI siècle. Il y fut adoré à peu près comme V. Hugo au XIX s. Ce fut une gloire européenne: Elisabeth, Marie Stuart, le Tasse, souverains et poètes l’encensaient; l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne jusqu’à la Pologne enviaient à la France le rival d’Homère et de Virgile. Cette renommée prodigieuse fut bâtie en dix ans, entre les Odes de 1550 et l’édition des Œuvres de 1560. Après la publication de quatre premiers livres d’Odes, il devient alors chef de file de la Brigade. En 1552, paraissent les Amours de Cassandre, recueil de poèmes pétrarquistes inspirés par une brève rencontre avec Cassandre Salviati, jeune fille de haute naissance, aimée par Ronsard. Des sonnets qui lui sont adressés restent écrits en décasyllabes et fidèles à la tradition du pétrarquisme. La froideur inacceptable de la dame est prétexte à développer une 28 savante rhétorique amoureuse. En 1555, puis en 1556, deux nouveaux volumes de sonnets amoureux se succèdent: les amours de Marie, puis la Nouvelle continuation des Amours de Marie, inspirés cette fois par une jeune paysanne découverte par l’écrivain dans une petite ville de Bourgueil. L’humble condition de la belle, le caractère éminemment charnel de la passion qu’elle semble inspirer, s’éloignent de l’idéalisme pétrarquiste. L’alexandrin vient servir avec plus d’ampleur le lyrisme d’un chant qui célèbre la vie à travers les thèmes épicuriens de la beauté et du plaisir. Les sonnets pour Hélène (1578) - dédiés à Hélène de Surgères, rencontrée à la Cour. Au- delà de l’abondance des références mythologiques (le poète assimile souvent à Hélène de Troie) et des clichés galants, le discours amoureux s’approfondit de toute une réflexion sur la vieillesse, l’amour, l’écriture et la mort. Faute de pouvoir encore attendrir la cruelle qui tient son cœur, Ronsard se console en apprivoisant dans ses vers une beauté qu’il 29 affirme supérieure et éternelle: celle qui ne se livre qu’au génie créateur de l’artiste, dont les œuvres survivront. Simultanément, Ronsard publie une œuvre épique, composée de deux livres: les Hymnes. Cette production lui vaut un grand succès: Ronsard est appelé le « prince des poètes » et il bénéficie dès lors de la faveur du roi Henry II. En 1562-1563, ses Discours sur les misères de ce temps, qui marquent son engagement en faveur du catholicisme et du nouveau roi, Charles IX, assurent sa position sociale: il devient poète officiel et bénéficie de confortables appointements. A partir de 1572 commence une période plus sombre: son épopée, la Franciade, est un échec; elle demeure inachevée et Henri IV lui préfère Desportes, un écrivain précieux dont il fait son poète officiel. Ronsard se retire alors dans son couvent de Saint-Cosme. Il écrit encore les sonnets sur la mort de Marie et d’autres. Après sa mort, 30 en 1585, ses amis publient ses Derniers vers, des sonnets très émouvants sur l’approche de la mort. Proche des grands, le poète joue auprès d’eux un rôle de conseilleur et de guide, légitimé par le fait qu’il est inspiré. Il est donc témoin et acteur dans les événements de son temps, qui acquièrent par lui l’immortalité. De même, la poésie confère l’immortalité à ceux qu’elle célèbre, roi ou femme aimée. D’autre part, en dehors des textes engagés, de nombreux textes intimes, en particulier ceux de la poésie amoureuse, ne renvoient pas tant à une expérience personnelle qu’à un travail littéraire. Les Amours de Cassandre sont inspirés de Petrarque ; les poèmes « Sur la mort de Marie », consacrés à Marie de Clèves, aimée d’Henri III, sont une œuvre de commande. Le travail du poète est donc essentiel. Les formes, les registres et les thèmes de la poésie de Ronsard sont extrêmement variés. Si les Amours de 1552 sont fidèles à la rhétorique et à la thématique du 31 pétrarquisme, Ronsard trouve un ton plus personnel et plus varié dans les recueils lyriques suivants. Epicurisme et naturalisme caractérisent son style dans la Continuation des Amours et la Nouvelle Continuation. Dans les Hymnes, il s’essaie au lyrisme philosophique. Les Discours marquent son engagement dans la crise politique et morale de son temps. Le recueil des Derniers vers est consacré à la mort. C’est ce poète de la variété qu’on redécouvre aujourd’hui, surtout pour son œuvre lyrique. Poète-philosophe, poète de cour, poète de l’amour, Ronsard avait connu déjà la gloire de son vivant. Il a été oublié au XVII siècle, le siècle du classicisme. Les romantiques ont réhabilité son œuvre et il est même aujourd’hui reconnu et apprécié comme l’un des plus grands poètes français de la Renaissance. 32 La poésie engagée. Au début de XVI siècle, le christianisme est très largement répandu en Europe occidentale. Mais de même que les humanistes s’inspirent de l’Antiquité gréco-latine, de même la Réforme protestante souhaite revenir à un christianisme primitif, plus proche de l’esprit des Evangiles. Très rapidement, les thèses du réformateur allemand Martin Luther et du prédicateur français Jean Calvin envahissent le monde chrétien. Les huguenots s’opposent alors aux « papistes », fidèles à la religion traditionnelle: le catholicisme. François I est d’abord très tolérant, mais le conflit s’envenime et donnera lieu à trente-six ans de luttes sanglantes. Les Guise désirent en fait détrôner Henri III. Celui-ci fera assassiner leur chef. La guerre civile ne sera conclue que par l’abjuration de son successeur, Henri III, et la signature de l’?dit de Nantes (1598) aux termes duquel les 33 protestants se croient tolérés en France aux côtés de la religion officielle. La violence des conflits qui coupent la France en deux camps, catholique et protestant, conduit les écrivains et les poètes à prendre position à travers leurs œuvres. Les titres mêmes sont révélateurs: Discours sur les misères de ce temps, de Ronsard, des Tragiques, d’Aubigné. L’inspiration, fondamentalement différente, puisqu’il s’agit de dénoncer les horreurs de la guerre civile, d’inciter au calme, de déplorer l’état de la France ou d’exciter l’esprit de vengeance, trouve des formes et une expression orientées vers le combat. Utilisée comme arme, l’écriture poétique prend une tonalité épique, caractérisée par la violence des images, les hyperboles, les reprises obsessionnelles de termes et de figures. La poésie intimiste et savante est remplacée par des poèmes amples, au lyrisme exacerbé par la violence, l’amertume, la colère. 34 Agrippa d’Aubigné (1552-1630) Orphelin de mère, Agrippa d'Aubigné reçoit de son père une éducation solide. Il connaissait le latin, le grec et l’hébreu. Il a huit ans lorsque son père lui fait jurer de se consacrer à la vengeance des chefs protestants massacrés en 1560. Trois ans plus tard, son père meurt, mais l'enfant tient son serment. A 16 ans, il rejoint les rangs des huguenots: dès lors, il vit en homme de guerre. C’est par miracle qu’il a échappé au massacre de la Saint-Barthélemy, dans la nuit du 24 août 1572, où 30000 protestants environ sont massacrés dans tout le pays par les catholiques. Mais en 1572 il est blessé au combat. il est recueilli et soigné par une jeune fille dont il tombe amoureux. Mais il est protestant et elle est catholique, le mariage est impossible. il est ami d’Henri de Navarre, futur roi de France Henri IV et aussi l'un de ses principaux conseillers. En 1577 il est blessé de nouveau et il 35 est contraint au repos et commence son œuvre majeure Les Tragiques. Commencée en 1577, elle n’a pas été publiée qu’en 1616 et raconte, à la gloire des protestants, l’épopée des guerres de religion. C’est une œuvre immense de plus de 9000 vers divisés en sept chants. Le premier, les Misères, décrit les malheurs de la France ravagée par les guerres. Dans le deuxième les Princes il condamne les mœurs des favoris royaux. Dans le troisième La Chambre dorée il attaque les gens de justice chargés de juger les réformes. Les chants IV et V Feux et Fers, passent en revue, sous la forme de tableaux saisissants, tous les horreurs de la guerre. Dans le sixième Vengeance d’Aubigné annonce que le châtiment de Dieu menace les coupables. Dans le dernier, le Jugement il annonce le dernier jugement. On y voit le bonheur des élus qui ont été persécutés sur terre. L’ordre naturel renversé un moment par la barbarie et la corruption des puissants est aussi établi par la volonté divine. le poète 36 parle aussi de la mort qui n’est pas seulement l’aboutissement de l’existence, mais une présence tout au long de la vie. Elle se manifeste partout, dans le sang des victimes, dans les crimes des méchants et jusque dans les plaintes de la nature qui sont l’expression du tragique de l’univers. Les damnés regroupent tous ceux qui sur la terre se sont comportés en tyrans et en criminels. Ils sont doublement condamnés: non seulement ils ont agi contre la parole du Christ, mais ils ont aussi souillé la nature par leurs crimes. D’Aubigné a été un écrivain profondément marqué par son temps. Son œuvre Les Tragiques est celle d’un militant engagé qui a déployé un style farouche et guerrier pour une cause défendue avec passion. Il a utilisé beaucoup l’antithèse pour donner de la force à sa poésie (les bons et les méchants, l’horreur quotidien et splendeur biblique, le ciel et l’enfer). Son inspiration biblique lui permet de mettre en scène, les damnés, les anges, le feu, la lumière de Dieu. Les 37 sources bibliques, omniprésentes, contribuent largement à donner aux Tragiques leur âpre grandeur. Mais il faut surtout y admirer un art puissamment visionnaire, touchant sans cesse au pur lyrisme et à la démesure fantastique. Maniant des paradoxes hardis, suscitant des contrastes d’une rare violence, poussant la métaphore jusqu’à l’hermétisme, la poésie d’Aubigné fournit sans doute son plus authentique chef-d’œuvre au baroque français. 38 Montaigne (1533-1592) Michel Eyquem Montaigne est né en 1533 au château de Montaigne dans le Périgord. Son père, imprégné des théories de la pédagogie humaniste, lui donne une éducation profonde et originale. Le matin, il le réveille au son de la flûte et il lui donne un précepteur qui doit lui apprendre le latin avant le français. Personne dans la maison même les domestiques ne devait parler que le latin. A cinq ans, il est envoyé au collège de Bordeaux. A treize ans, il commence les études de droit et à 21 ans il devient magistrat. Pris dans le tourment des guerres civiles, il s’engage aux côtés des catholiques, mais avec modération. A 37 ans il commence à écrire son œuvre majeure Les Essais. Il est difficile aussi de rendre le sujet des Essais, car à l’origine, Montaigne écrit pour fixer ses idées et mettre à l’épreuve son jugement. Ses Essais se composent de trois livres édités en 1580 et 1588. Il faut souligner que les Essais 39 ne sont pas des mémoires. Ce n’est pas l’histoire de sa vie, mais plutôt celle de ses pensées. Grand amateur de lectures, comprenant aussi facilement le latin et l’italien il note, selon la coutume des humanistes, les phrases et les anecdotes, puis il les commente. Ou bien il choisit une idée générale qui lui paraît intéressante et il développe à l’aide d’exemples tirés des œuvres des anciens. Ses pensées avancent librement. Les différents chapitres, de longueurs très inégales, reflètent les préoccupations du moment. Il parle de certains épisodes de l’histoire ancienne, de l’ambition, de la peur, des événements contemporains, de la découverte de l’Amérique, de l’éducation et surtout de lui-même. Il est vrai que le point du départ des Essais c’est lui-même. Il est même possible de faire de lui un portrait physique et moral d’après son œuvre. Montaigne est un indépendant, un individualiste. Il a même refusé de vivre à la cour du roi pour ne pas être à la 40 tutelle des autres. Montaigne aime la vie. Il cherche à bien vivre, sans courir après un bonheur utopique et inaccessible. Il n’a pourtant pas vécu en solitaire ou en égoïste. Il s’intéressait toute sa vie aux problèmes de son époque. Même en pleine guerre religieuse il a accepté des missions diplomatiques. Il a été même élu maire de Bordeaux et il ne s’est pas dérobé à cette tâche qu’il accomplissait avec compétence. Un chapitre des Essais est consacré à l’éducation des enfants. Montaigne en vient à parler de celle qu’il a reçue. Montaigne parle de son père et de sa méthode d’éducation. Il s’indigne contre la méthode scolastique. Selon lui « apprendre par cœur c’est ne rien apprendre ». Il écrit qu’il avait appris le latin « sans fouet et sans larmes ». Montaigne se préoccupe de savoir de ce qui peut contribuer à faire de l’homme une personne de bonne compagnie. Trois choses lui paraissent essentielles: la conversation avec des hommes hors du commun, la société des femmes distinguées et la lecture. Il dit qu’il passe à la 41 bibliothèque « la plupart des jours de sa vie, et la plupart des heures du jour’. Etant d’un esprit curieux, Montaigne se tient au courant des problèmes du Nouveau Monde (l’Amérique a été découverte quelques décennies auparavant). Il parle de comportement féroce des gens civilisés, de leur avarice, de leur volonté de convertir les peuples barbares. Montaigne parle aussi de l’expérience personnelle, qui est présentée par lui comme la source de toute connaissance et la condition de toute harmonie avec soi-même. Il faut selon lui faire confiance à la nature, car il est plus important de bien vivre que de se lancer dans de grandes entreprises pour mieux oublier ses propres contradictions. Montaigne était le dernier humaniste à la suite de considération imagée sur lui- même. On peut même dire qu’il a fait le bilan de son siècle et a ouvert la voie à un genre nouveau Les Essais. Dans son œuvre la pensée abstraite ne se sépare jamais de l’expérience concrète. 42 Le XVI siècle est donc une période de modifications importantes dans le domaine de la poésie. L’invention du sonnet, l’inspiration à la fois antique et personnelle, l’image et le rôle orphique du poète font de la Renaissance l’âge d’or d’un lyrisme que sauront retrouver les poètes du XIX siècle, dans une perspective à la fois historique, traditionnelle et personnelle. 43 LITTERATURE DU XVIIe SIECLE 44 Le XVIIe siècle INTRODUCTION Le XVIIe siècle commence en 1610 avec l’assassinat d'Henri IV et se termine en 1715 avec la mort de Louis XIV. Cette période est riche en événements ! Elle est marquée par l'ordre, le prestige et la prestance, tant dans la société que dans les arts. Les mouvements précieux et classiques s'affrontent en élégance et en magnificence : les premiers dans la rhétorique et le commerce social, les seconds dans l'expression poétique et les valeurs éthiques. De Richelieu à Mazarin, la France veut établir un État fort qui contrôle toutes les classes sociales et la création artistique et littéraire. Cette politique sera réalisée par Louis XIV, le roi-soleil, maître absolu de la France. Présentation générale du mouvement littéraire Les mouvements littéraires du XVIIe siècle incluent le 45 baroque, la préciosité et le classicisme, ce dernier étant le mouvement principal de cette époque. Le baroque L'art baroque cherche à étonner et émouvoir. À l'origine, le terme désignait des bizarreries. En littérature, le baroque utilise beaucoup d'allégories et de métaphores pour traiter des thèmes comme la religion, la mort et les illusions. La Préciosité La préciosité est d'abord un phénomène social, lancé par des femmes de la haute société qui tenaient salon. Elles cherchaient à promouvoir le raffinement et à diffuser les sciences et les arts, notamment la littérature. Molière se moque de leurs travers dans Les Femmes Savantes, mais ces précieuses ont contribué à une esthétique intéressante. Les précieux veulent se démarquer par leur apparence et leur conversation raffinée. Elles ont des idées audacieuses pour l'époque sur la place des femmes dans la société. Le langage est essentiel ; elles évitent les mots vulgaires et 46 choisissent des figures de style (hyperboles, métaphores) pour une expression soignée. Cela se manifeste dans des jeux littéraires comme le madrigal et le blason. Le Moralisme Le Moralisme met en avant les valeurs morales et remet en question les normes jugées immorales. Jean de la Fontaine, avec ses Fables, est un représentant de ce mouvement. LE CLASSICISME Le classicisme vient du terme latin « classicus », qui désigne une catégorie sociale. Au XVIIe siècle, il fait référence à des auteurs antiques, surtout latins, dignes d'être étudiés. Le classicisme émerge dans la seconde moitié du XVIIe siècle, entre 1660 et 1685. C'est un idéal moral, social et artistique, basé sur des principes et une esthétique légendaire. 1° Les principes du classicisme 47 Le classicisme n'est pas une rupture avec le passé, mais une imitation des anciens, considérés comme des maîtres. Les écrivains doivent avoir le goût de l'analyse et le désir d'être des moralistes, comme Descartes, La Rochefoucauld et Racine. Voici les éléments essentiels du classicisme : 1. Respect et imitation des anciens, sans renoncer à la création personnelle. On s'inspire de leur psychologie et morale pour enrichir la littérature. 2. Le christianisme influence cette littérature, qui traite de l'homme et de ses combats intérieurs. 3. La littérature classique se concentre sur l'homme intérieur, le monde extérieur étant un simple décor. Elle vise le vrai et le vraisemblable. 4. La raison est primordiale, permettant de distinguer le vrai du faux. L'auteur reste impersonnel et traite ses sujets de manière didactique. 48 Les genres littéraires sont distincts avec leurs propres règles, comme les trois unités. La langue des écrivains classiques, bien que riche, devient plus choisie et abstraite chez certains, tandis que d'autres comme La Fontaine et Molière conservent plus de liberté. Le style reste élégant et mesuré, ne tombant jamais dans la vulgarité. L'honnête homme L'honnête homme est une personne cultivée, distinguée et agréable, idéale à l'époque classique, sans pédantisme. 2°--Les principes esthétiques du classicisme L’esthétique classique suit les règles de l’Académie française et la politique culturelle de Louis XIV. Voici les critères du classicisme : Respect des bienséances : On ne montre pas de violence, de morts sanglantes ou de scènes trop intimes sur scène. Ces événements peuvent être racontés par un personnage, comme dans Phèdre. Les 49 bienséances doivent respecter la vraisemblance et la morale. Par exemple, Boileau dit qu’il faut exposer certains objets par le récit plutôt que par la vue. Respect de la vraisemblance : Les intrigues doivent être crédibles et possibles. Pas de rebondissements extraordinaires. Une bataille, par exemple, sera racontée plutôt que jouée, comme la bataille des Maurès dans Le Cid. Utiliser la raison : L’art doit représenter la nature humaine en peignant des types littéraires. La nature doit être l’étude principale. Respect des règles de construction d’une pièce : Une pièce doit avoir une exposition, un nœud de l’action, des péripéties et un dénouement. On suit aussi la règle des trois unités : unité de temps (24 heures), unité de lieu (un seul lieu), et unité d’action (une seule intrigue). Boileau résume cela : « qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». 50 III°--LES ÉCRIVAINS CLASSIQUES Molière (1622—1673) pour la comédie : Tartuffe, Don Juan, L’école des femmes, L’Avare… Racine (1639—1699) et Corneille (1606—1684) pour la tragédie : Phèdre, Cinna, Andromaque, Polyeucte… La Fontaine (1621—1695) pour les fables. 51 Le théâtre au XVIIe siècle Le théâtre suit des règles strictes : la bienséance, la vraisemblance et les trois unités (temps, lieu, action). La tragédie classique respecte ces unités pour garder l’attention du spectateur sur l’intrigue et l’émouvoir. Les trois unités : Unité d’action : Une seule action principale. Les intrigues secondaires doivent se résoudre en même temps que l’action principale. Unité de temps : L’action se déroule en une seule journée. Unité de lieu : Tout se passe au même endroit. Répartition en genres : La comédie et la tragédie sont les deux genres principaux. Cette distinction vient du théâtre grec, reprise par les Romains et les humanistes. La tragédie : 52 La tragédie classique française s’inspire des tragédies grecques. Elle met en scène des personnages importants, issus de l’histoire ou des mythes. Les événements doivent sembler réels, respectant ainsi la vraisemblance et la bienséance. Le comportement des personnages doit être approprié à leur statut et ne pas choquer le public. Les scènes de violence et d’intimité physique sont évitées. Le dénouement est souvent tragique. La tragédie vise à instruire, en suivant le principe de catharsis d’Aristote. En s’identifiant aux personnages, le spectateur ressent des émotions fortes et se purifie de ses propres sentiments. La tragédie se caractérise par son sujet sérieux et ses héros de haut rang. Elle montre des conflits entre passions humaines ou contre le destin, en utilisant un langage élevé et des vers (alexandrins). Enjeux de la tragédie : La tragédie s’inspire souvent de l’histoire et de la mythologie. Elle est presque nouvelle à cette époque, dérivée 53 des tragi-comédies. Les personnages sont généralement nobles, comme des rois ou des princes, et abordent des thèmes comme le destin et l’honneur. Le style doit correspondre au statut des personnages. Le dénouement est malheureux mais moral. Les héros, comme dans les œuvres de Racine, sont souvent condamnés par leur destin. L’intrigue : Le problème de départ est généralement insoluble, créant un dilemme. Par exemple, dans Bérénice de Racine, Titus est déchiré entre son amour pour Bérénice et les lois romaines. Le dénouement est donc malheureux et prévisible : les personnages meurent souvent, et le spectateur sait à l’avance qu’il n’y aura pas de retournement de situation. Les héros tragiques appartiennent aux plus hautes sphères et sont souvent accompagnés d’un confident. 54 Comme Œdipe ou Phèdre, ils sont à la fois coupables et innocents, essayant en vain d’échapper à leur destin. Dans sa Poétique, Aristote décrit la tragédie comme une expérience cathartique. En ressentant crainte et pitié, le spectateur se libère de ses propres passions. La tragédie offre une dimension morale, que ce soit par la tragédie ou la comédie. Les principaux auteurs de tragédies au XVIIe siècle: Jean Racine (1639-1699) Ŕ Pierre Corneille (1606- 1684) Tristan L’Hermite (1601-1655) Théophile de Viau (1590-1626) La Comédie La comédie a pour but de divertir et de faire rire le public. Contrairement à la tragédie, ses personnages sont souvent de condition modeste et le dénouement est heureux. Le terme « comédie » désignait à l’origine toute forme théâtrale, mais au XVIIe siècle, il s'est spécialisé pour se 55 distinguer de la tragédie. La comédie met en scène les mœurs de la société, avec légèreté et décence, pour transmettre une morale. Molière est l'exemple parfait de ce genre. Enjeux de la comédie Molière est le représentant majeur de la comédie classique. Bien que considérée comme un genre mineur, la comédie s'éloigne de la simple farce pour introduire de la nouveauté. Les intrigues sont aussi élaborées que celles de la tragédie, et les personnages sont souvent des bourgeois. Le style n'est pas simple, et des alexandrins sont parfois utilisés. Bien que la farce utilise des éléments comiques comme les chutes et les quiproquos, la comédie reste proche des règles classiques. Elle vise à moquer les défauts humains et à « corriger les mœurs en riant » (c'est la formule de Molière). 56 La comédie classique, à la différence de la tragédie Caractéristiques extérieures Les sujets : Les comédies s’appuient sur des histoires inventées, tandis que les tragédies se basent sur des événements historiques. L'action de Molière se déroule à son époque, contrairement aux tragédies qui se passent dans des temps anciens. Les personnages : Dans la tragédie, les personnages sont illustres (rois, héros), alors que dans la comédie, ils sont souvent des gentilshommes ou des gens ordinaires, comme des valets ou des paysans. L’action : Les thèmes de la comédie tournent souvent autour de mariages compliqués par des passions ou des défauts. L’esprit de la comédie Rire et émotion : La tragédie vise à susciter l'émotion (pitié, terreur), alors que la comédie cherche à faire rire. 57 L’émotion et le rire ne vont pas ensemble, donc le comique doit éviter les situations émouvantes. Inconscience des personnages comiques : Si les personnages prenaient conscience de leurs ridicules, ils cesseraient d’être drôles. Le rire vient de leur inconscience. Les individus et les types : Les personnages tragiques sont uniques, tandis que les personnages comiques représentent des types qui résument des traits communs de leur classe sociale. Le comique Le comique de caractère : Un trait de caractère ou un vice peut devenir comique s'il rend un personnage rigide et incapable de s’adapter aux situations. Le comique de situations : Cela inclut des situations où un personnage subit les conséquences de ses propres actions (comme un voleur qui se fait voler) ou des quiproquos où un personnage ne comprend pas la situation. 58 Les principaux dramaturges du XVIIe siècle Trois grands noms se distinguent : Molière, Corneille et Racine. Molière est célèbre pour ses comédies, tandis que Corneille et Racine sont connus pour leurs tragédies. Les tragédies montrent les effets destructeurs des passions et célèbrent l’ordre. Elles provoquent « terreur et pitié », un processus appelé « catharsis », qui permet de libérer nos émotions. Les auteurs de comédies cherchent à instruire tout en amusant. Ils veulent que le public rit de personnages ridicules et, en même temps, qu'il comprenne mieux la nature humaine. Style d'écriture Au XVIIe siècle, les pièces de théâtre, qu'elles soient tragédies ou comédies, sont souvent écrites en vers, notamment en alexandrins avec des rimes plates. Elles utilisent de nombreuses techniques poétiques comme les 59 hémistiches et les figures de style. Certaines comédies sont aussi écrites en prose. 60 Molière Molière (1622-1673) est le plus célèbre représentant de la comédie. Il s’inspire d'abord de la farce et de la Commedia dell'arte dans ses premières œuvres, puis il développe différents types de comédies : comédies de mœurs, comédies de caractère, et comédies-ballet qui intègrent des ballets. Jean-Baptiste Poquelin, fils du tapissier du roi, naît à Paris en 1622. Il doit succéder à son père, mais après des études chez les jésuites et en droit à Orléans, il s'intéresse au théâtre. Influencé par les Jésuites et son grand-père, il découvre les baladins et les comédiens italiens. En 1643, il fonde l’Illustre-Théâtre avec la famille Béjart, mais cette troupe échoue face aux grandes compagnies de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, ce qui l’amène en prison pour dettes. Cependant, il ne se décourage pas. À sa sortie de prison en 1645, Molière parcourt les provinces françaises 61 pour apprendre le métier de comédien. Il reçoit le soutien de plusieurs nobles, dont Monsieur, frère du roi, ce qui lui permet de jouer à Paris en 1658. Il compose des farces, des pièces comiques courtes. Ses succès incluent Sganarelle ou le Cocu imaginaire (1660) et Les Fâcheux (1661), une comédie-ballet. Il tente aussi la comédie héroïque avec Dom Garcie de Navarre (1661), mais fait face à des critiques. Plus de trente comédies Les farces : Les Précieuses ridicules (1659) Le Médecin malgré lui (1666) Georges Dandin (1668) Les Fourberies de Scapin (1671) Les divertissements royaux : Ce sont des pièces spectaculaires avec dialogue, chant, danse et musique. L'harmonie entre ces arts s'améliore d'une pièce à l'autre. Les Fâcheux (1661) 62 Monsieur de Pourceaugnac (1669) Le Bourgeois gentilhomme (1670) Le Malade imaginaire (1673) Les grandes comédies : Molière, tout en restant comique, aborde des questions importantes de son époque. Face aux critiques violentes, il s’éloigne de cette inspiration. L'École des femmes (1662) Dom Juan (1665) Le Misanthrope (1666) Tartuffe ou l'Imposteur (1664) Les procédés comiques Le comique chez Molière est varié : Procédés farcesques : coups de bâton, soufflets, grimaces, cérémonies burlesques. Comique de mots : calembours, changements de sujet, répétitions, interruptions. 63 Comique de situation : déguisements, personnages cachés. 64 Jean Racine Jean Racine, né le 21 décembre 1639 à la Ferté-Milon, fit ses études chez les solitaires de Port-Royal, où il découvrit la littérature grecque. Bien que sa famille le destinât à l’administration et à l’église, il ne put résister à sa passion pour la poésie. Son ami Molière lui ouvrit les portes du théâtre. Ses débuts furent avec Les Frères ennemis (1664) et Alexandre (1665). Son talent éclatant se manifesta dans plusieurs chefs-d'œuvre : Andromaque (1667), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie en Aulide (1674) et Phèdre (1677), qui fut attaqué par une cabale à la cour. Cet échec injuste, associé à ses souvenirs d’enfance, poussa Racine à quitter le théâtre. Il se maria, éleva ses enfants, fut nommé historiographe du roi avec Boileau, et prit ce rôle au sérieux. Après douze ans, il retrouva son inspiration dans un contexte différent. Mme de Maintenon lui 65 demanda d’écrire un poème moral pour les demoiselles de Saint-Cyr, ce qui donna naissance à l’élégie tragique Esther (1689). Le succès de cette pièce inspira un autre chef- d'œuvre, Athalie (1691), mais celui-ci ne fut pas aussi bien accueilli. Boileau était le seul à défendre cette œuvre, la qualifiant de « plus bel ouvrage » de Racine. L'opinion générale ne changea qu'après la mort du poète. Sa grande sensibilité, qui nourrissait son talent, lui causa aussi du tort : Racine mourut de chagrin d'avoir déplu à Louis XIV (26 avril 1699). En 1668, un procès perdu lui inspira une comédie amusante, Les Plaideurs, dans laquelle il se moque des juges et des avocats. C'est sa seule incursion dans la comédie. Il a également écrit une Histoire du règne de Louis XIV, qui a été perdue dans un incendie, ne laissant qu'un fragment. On trouve aussi de lui un Abrégé de l’histoire de Port-Royal (1693), des discours académiques, dont l'un est 66 un éloge de Pierre Corneille, et des lettres qui révèlent sa vie privée et ses sentiments. Chez Racine, le ressort dramatique repose sur l'attendrissement, contrairement à Corneille, qui visait l'admiration. Racine nous plonge en nous-mêmes. Malgré leurs différences, Racine et Corneille partagent une spiritualité forte, cherchant dans la nature morale la source de leur puissance, en ignorant les aspects matériels de la scène. Les tragédies de Racine se distinguent par la simplicité de l’action : pas de coups de théâtre ou de retournements inattendus. Les variations des sentiments sont le principal moteur de ses récits. Ses personnages sont souvent dominés par leurs passions, ce qui entraîne hésitations et repentirs, menant à des dénouements souvent violents. L’harmonie des vers et la douceur des images contrastent avec l’intensité des dialogues passionnés. 67 François de Malherbe (1555-1628) François de Malherbe est né à Caen en 1555. Il a d'abord vécu entre la Normandie et la Provence, où il s'est marié. En 1605, il s'installe à Paris, devient poète officiel d'Henri IV puis de Louis XIII, et compose de nombreux poèmes occasionnels. Malherbe fait partie de la tradition des poètes de la Pléiade. Avec ses images choisies et son lyrisme riche, il est aussi un poète baroque. Cependant, sa rigueur dans la métrique, la langue et la composition le place en tant que précurseur du classicisme. Malherbe n'était pas un poète au sens traditionnel, avec une imagination vive. C'est avec du travail et de la patience qu'il est devenu un artisan des vers. Il semble avoir écrit par devoir, pour illustrer ses idées sur la langue. En revanche, il est un réformateur engagé et un leader par nature. Malherbe critique d'abord l'érudition excessive. L'école de Ronsard avait emprunté à l'Antiquité de manière désordonnée. 68 Malherbe préfère une méthode plus sélective, à la manière d'Horace, qui imitait les Grecs. Il appelle à l'unité de la langue, rejetant les mots vieux, les néologismes et les dialectes provinciaux. Sa versification est rigoureuse, avec peu de formes strophiques. Chaque mot doit être justifié par sa valeur et sa place. Il déteste les épithètes banales et condamne les effets de style inutiles pour maintenir une harmonie raisonnable. Il proscrit les rimes superficielles et celles qui manquent de variété. Qu'il soit admiré ou critiqué, Malherbe a été un modèle pour les poètes du XVIIe siècle, même s'il n'a jamais écrit de traité sur la poésie. Plus tard, en 1674, Boileau rendra hommage à Malherbe, le considérant comme un grand précurseur de la poésie moderne. 69 René Descartes (1596-1650) René Descartes est né à La Haye, en Touraine, en 1596. Issu d'une petite noblesse, il montre des talents intellectuels exceptionnels au collège jésuite de La Flèche. Après une formation militaire, il devient soldat et parcourt l'Europe. Finalement, il quitte l'armée pour se consacrer à la philosophie et à l'écriture de ses traités scientifiques et philosophiques. La quête de vérité La vie de Descartes est guidée par sa volonté de découvrir la vérité. Son œuvre majeure, Le Discours de la méthode, écrite en français, affirme la primauté de la Raison et rompt avec la tradition qui suivait les Anciens. Le célèbre cogito (« cogito ergo sum » : je pense donc je suis) fait de lui le père de l’idéalisme moderne et le précurseur de la philosophie du Sujet. Sur le plan scientifique, le cartésianisme ouvre la voie au matérialisme mécaniste. 70 Clarté et accessibilité Le mérite principal de Le Discours réside dans la clarté avec laquelle Descartes exprime ses idées. Cet ouvrage esquisse la philosophie de plusieurs siècles en quelques pages. Il n'utilise pas une terminologie compliquée et s'exprime dans un langage accessible, même aux novices. Sa simplicité n'affaiblit en rien la rigueur de sa pensée. Modèle de prose En plus de proposer une langue philosophique, Descartes donne une leçon de rhétorique aux auteurs littéraires. Il crée un équilibre parfait entre l'idée et son expression, rendant l'idée dans son intégralité 71 Nicolas Boileau (1636-1711) Poète et écrivain satirique, Nicolas Boileau est considéré comme le théoricien du classicisme en France. Il a joué un rôle clé dans la diffusion des idées classiques, notamment à travers les œuvres de Corneille et Racine. Boileau était également un écrivain exigeant, cherchant la pureté de la langue française. Né à Paris dans une famille bourgeoise, Boileau étudie la théologie puis le droit. Sa jeunesse est marquée par la perte de ses parents. En 1657, un modeste héritage lui permet de se lancer dans la littérature. Il rejoint une société de philosophes et de libertins, où il rencontre Molière et commence à écrire ses premières satires. Peu à peu, il s’intègre dans les milieux mondains, ce qui l’amène à formuler son manifeste du classicisme : L’Art poétique. Ce long poème est divisé en quatre chants. Boileau y examine divers genres poétiques : l’élégie, l’ode, le sonnet, 72 mais surtout la comédie et la tragédie. Il critique le style arrogant et pédant, l’inspiration artificielle, ainsi que les sujets vulgaires. Selon lui, l’œuvre d’un auteur classique doit se concentrer sur la nature humaine. Boileau souligne que l’art doit avoir une utilité : l’écrivain doit être un moraliste, alliant beauté et vérité. Ainsi, « l’art doit être moral ». La valeur d’une œuvre se mesure à son impact : elle doit élever l’âme, sans flatter les instincts bas ni provoquer des passions criminelles. Les émotions doivent naître de portraits fidèles des faiblesses humaines, la pitié étant éveillée par la souffrance d’un personnage, et non par la violence. Boileau établit plusieurs principes que l’auteur classique doit respecter. Pour être poète, il faut des dons naturels, mais l’inspiration seule ne suffit pas. L’imagination doit être soumise à la raison, et un travail soigné sur le style est essentiel. Il interdit l’utilisation de mots populaires dans les tragédies et insiste sur l’exemple des auteurs grecs et latins, dont l’étude de la nature humaine est profonde et 73 imitable. Il faut respecter les règles d’Aristote, en maintenant une triple unité : de l’action (une seule intrigue), du lieu (un seul cadre) et du temps (l’action ne doit pas durer plus d’une journée). Les situations fantaisistes sont à éviter, et les actions sanglantes doivent être racontées plutôt que montrées. L’idéal est stable et inchangeable. Le mérite de Boileau réside dans sa capacité à extraire ces principes des œuvres de Corneille et Racine. Il participe à une dispute littéraire marquante à la fin du XVIIe siècle : « La Querelle des Anciens et des Modernes ». Les Anciens prônent l’imitation des modèles grecs et latins, tandis que les Modernes défendent une inspiration libre et actuelle. Cette querelle révèle une opposition entre conservateurs et partisans du progrès. Il est important de noter qu’au XVIIIe siècle, les idées de l’Antiquité seront souvent oubliées au profit de nouvelles idées de progrès et de raison, notamment grâce aux écrivains des Lumières et aux romantiques. 74 Jean Racine (1639-1699) Jean Racine est considéré aujourd’hui comme le plus grand auteur de tragédie de la littérature française. Il emprunte aux anciennes tragédies grecques le thème de l’homme accablé par une fatalité qui est souvent la passion amoureuse. Les tragédies de Racine frappent par l’extrême simplicité du vocabulaire employé, mis au service d’une description très fine et nuancée de l’âme humaine. Jeune il fait trois années d’études à Port-Royal, centre de jansénisme. Des discussions entre ses maîtres jansénistes, il retient surtout l’idée de la misère de l’homme sous la grâce. Plus tard, il complète sa formation par des études de logique à Paris. Ici il fait la connaissance de la Fontaine, de Boileau et de Molière. C’est seulement en 1664 qu’il fait son premier essai dans le genre de la tragédie avec La thébaïde ou les frères ennemis et l’année suivante il met en scène la tragédie L' Alexandre. 75 Seulement aux années 1667 qu’il triomphe avec sa pièce Andromaque. Andromaque, la veuve d’Hector (fils de Priam, dernier roi de Troie) est prisonnière avec son fils Astyanax de Pyrrhus, roi d’?pire. Oreste, le fils d’Agamemnon, vient réclamer Andromaque et son fils pour le livrer avec Grecs. L’intention d’Oreste est plutôt de tenter une dernière fois de gagner le cœur d’Hermione qu’il aime, mais qui est la fiancée de Pyrrhus. Celui-ci à son tour se passionne pour Andromaque, mais comme elle le repousse, il la soumet au chantage. Il lui promet de livrer son fils Astyanax aux Grecs. En même temps Hermione pense qu’elle pourra enfin épouser Pyrrhus, au grand désespoir d’Oreste, qui décide de l’enlever. Déchirée entre le souvenir de son mari et l’amour de son fils, Andromaque prie Pyrrhus de lui laisser le temps pour se décider. A la fin des fins elle trouve une solution: elle épousera Pyrrhus pour sauver son fils et se tuera après le mariage pour sauver son honneur de veuve. 76 Hermione est folle de jalousie en apprenant ce mariage et elle promet sa main à Oreste s’il la venge en tuant Pyrrhus. Oreste obéit. Andromaque maudit l’action d’Oreste. Elle se tue. Oreste à son tour perd la raison. En ce temps le peuple d’Epire chasse les Grecs. Racine vit à l’époque quand la Monarchie absolue s’était définitivement stabilisée. Racine voit dans le pouvoir absolu du roi le mal, car ce pouvoir est sans limites. Ce pouvoir sans limites incarne le crime. Dans ce plan est écrite sa tragédie suivante Britannicus. Ici l’auteur montre que le pouvoir déprave même le caractère des rois. Dans la pièce Britannicus Racine décrit l’époque romaine au temps de l’empereur Néron. Britanniens est le frère de Néron, et leur mère s’appelle Agrippine. Dans la pièce il y a aussi une jeune fille nommée Junie. Elle est fiancée de Britanniens. Nous voyons aussi le précepteur de Néron Narcisse, esclave. 77 La mère Agrippine fait tout son possible pour que son fils Néron devienne l’empereur. Le but est atteint. Mais devenu l’empereur, il ne peut pas dompter ses passions. Il sait que la jeune Junie est la fiancée de son frère. Il fait enlever Junie en espérant la séduire. Devant sa résistance il fait arrêter Britanniens et influencé par l’esclave arriviste Narcisse il provoque l’emprisonnement de Britanniens contre la volonté de sa mère. Dans son désespoir, la malheureuse Junie renonce à la vie de femme et devient prêtresse. Dans la préface de sa pièce Racine écrit, que les premières années du règne de Néron étaient heureuses. Il n’a pas encore tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs: mais il a en lui les semences de tous ses crimes. Il hait tout le monde. En un mot, c’est ici un monstre naissant, mais qui n’ose pas encore se déclarer. On lui donne Narcisse pour confident, précepteur qui l’entretenais dans ses mauvaises inclinations. 78 Une autre tragédie bien passionnante est Fèdre. Dans cette pièce il s’agit du roi antique plutôt mythologique Thésée. Il a pris pour femme Fèdre. Thésée part à la guerre. Fèdre aime son beau-fils Hippolyte. Les passions de Fèdre se déchaînent quand on a annoncé que Thésée avait été tué. Elle avoue son amour à Hippolyte qui la rejette, car il aime une jeune fille nommée Aricie. Mais voilà que Thésée revient de la guerre saint et sauf. Pour éviter la jalousie de Thésée qui revient, elle accuse, sur les conseils de sa nourrice, son beau-fils d’avoir voulu la séduire. Thésée maudit son fils. Fèdre qui apprend qu’Hippolyte aime Aricie, ne fait rien pour la défendre. Ocnone, chassée par Fèdre se suicide. Hippolyte est tué par l’intervention d’un monstre marin. Fèdre rongée par des remords s’empoisonne. Mais dans son agonie, elle avoue à son mari sa passion coupable. L’univers de Racine est plein de fatalité: mais il ne s’agit pas d’une fatalité extérieure (événements inévitables, interventions des dieux), il s’agit d’une fatalité intérieure. Les personnages 79 raciniens sont victimes de leurs propres sentiments, de leurs propres passions. Ces passions dominantes sont: l’amour, l’ambition, la jalousie. Elles correspondent d’ailleurs aux sentiments dominants qui règnent dans le public aristocratique et oisif pour lequel écrit Racine. Les tragédies de Racine dépeignent la folie de l’homme qui ne peut résister à ses désirs et qui préfère tuer ou mourir que d’abandonner et de se raisonner (Néron tue Britanniens, Fèdre se suicide). En effet, les héros de Racine peuvent tout se permettre: ce sont des rois, des reines, des empereurs, des généraux: leur situation leur permet de réaliser leurs désirs, même les plus fous. Le théâtre de Racine est celui des grandes passions alors que celui de Corneille était des grandes volontés. Il nous apprend à mesurer notre faiblesse plutôt que notre force. L’œuvre théâtrale de Racine atteint le sommet de l’art classique dans sa simplicité et sa rigueur. Les tragédies 80 sont simples, car l’action est réduite au minimum. Racine voulait le moins d’intrigue possible. Elles sont simples par la simplicité de la langue, par la psychologie des personnages, prisonniers d’une passion, d’une obsession qui les dirige. Le théâtre de Racine est aussi celui de la rigueur classique où les trois unités (lieu, temps et action) sont scrupuleusement respectées. Contrairement à la comédie, aux contours assez souples, le spectacle du théâtre tragique repose sur un système dramatique précis. Pendant cinq actes en vers, un personnel de princes et de rois fait son malheur et l’exprime et une série de discours réglés. La dramaturgie de Racine impose un déroulement préétabli : une exposition, l’action que se noue et se révèle inextricable, une péripétie qui change la face des choses, une « catastrophe » (l’événement funeste et décisif qui dénoue ou conclut) et un dénouement. A l’intérieur de cette structure, l’auteur utilise les « catégories » esthétiques définies par Aristote : le dramatique (le 81 personnage se débat, lutte pour modifier l’issue de la pièce, il se croit libre et le spectateur adhère passagèrement à cette fiction) ; le pathétique (le personnage est écrasé par le malheur, le destin, et l’exprime par la plainte mélodieuse du ton élégiatique) ; l’équipe (grandeur exaltante ou désolante d’actions héroïques, d’événements liés à l’histoire ou aux mythologies d’un peuple, la guerre de Troie, par exemple) ; enfin, le tragique proprement dit (l’obstacle est le plus fort, le personnage ne peut rien sur l’action qui progresse inexorablement). La singularité de chaque pièce repose sur la combinaison de ces divers registres, en particulier sur la relation fondamentale qui unit ou oppose dramatique et tragique. L’action du héros, pris dans le drame où il révèle sa psychologie, vient buter contre la fatalité avant de faire faillite. Mais le génie de Racine vient de ce qu’il a su exploiter, dans leur infinie variété, les possibilités pratiques et les vertus créatrices de ces vieux principes. Il ne s’enlise pas dans la 82 théorie et ne respecte les règles que par souci d’éviter une dispersion de l’attention du spectateur qui y est habitué. La dramaturgie classique repose simplement sur une technique admise par tous, et, partant de ce dénominateur commun, l’auteur peut essayer diverses variations. A l’unité lisse et sans violence de Bérénice succède le harem tumultueux et sanglant de Bajazet. A la fidélité d’épouse et à la tendresse maternelle incarnée par Andromaque répond le désir d’adultère et « d’inceste » de Phèdre. A l’univers d’appétits, de calculs, d’instincts, de monstruosité de Britannicus s’opposent générosité, sens du sacrifice et du devoir, dans Iphigénie. Le véritable intérêt de Racine est dans cette souplesse, qu’il revendique au nom d’un principe supérieur : plaire et toucher. 83 Molière (1622-1637) Le classicisme français est présenté non seulement par les tragédies, mais aussi les comédies. Le plus grand représentant de ce genre était Jean-Baptiste Poquelin (pseudonyme - Molière). Il est né à Paris dans une famille bourgeoise aisée. Il reçoit une bonne instruction et obtient la licence en droit. Mais il se sent une vocation pour le théâtre. En 1643 il fonde L’Illustre Théâtre. Molière est acteur et en même temps directeur de troupe. Il tente sa chance à Paris, mais il ne peut pas rivaliser avec deux théâtres qui existaient déjà à Paris. En 1645 l’Illustre Théâtre a fait faillite. Alors, pendant treize ans, lui et ses comédiens parcourent la province. Etant directeur et acteur il commence à écrire les comédies. Rentré à Paris en 1658 Molière met en scène sa comédie Les Précieuses ridicules, où il se moque de la préciosité qui était alors à la mode. Molière a montré que la préciosité avait pénétré même en province. Il y peint deux jeunes filles de province Cathos et Magdelon. Plutôt la 84 satire de Molière est dirigée contre le salon de Mme Rambouillet. Ainsi, deux provinciales sont venues à Paris, en rêvant à la gloire de Mme Rambouillet. Les premières pièces de Molière sont des farces (La jalousie du barbouillé, Le Médecin volant), et il continuera d’en écrire durant toute sa carrière (Le Médecin malgré lui). Les procédés farcesques se retrouvent d’ailleurs dans presque toutes ses pièces, qu’il s’agisse des comédies de mœurs et d’intrigue (Les Précieuses ridicules et Les Fourberies de Scapin), des grandes comédies (L’école des femmes, Le Tartuffe, Le Misanthrope), ou des comédies- ballets (Bourgeois gentilhomme). Molière renouvelle la farce en faisant fusionner deux traditions. De la farce française, dont le thème est celui du mariage et de l’adultère, et de la farce italienne, qui met en scène l’opposition entre un vieillard et des jeunes gens aidés per un fourbe, Molière retient les sujets. Il retient aussi de la farce les personnages, les situations, la gestuelle, les 85 déguisements, la verdeur du langage et, de façon générale, la répétition mécanique des gestes et des mots. Cependant, la farce n’est pas seulement divertissante, elle dévoile aussi les êtres, leurs travers, leurs ridicules, leurs obsessions : celle d’Harpagon (L’Avare) s’exprime dans le « sans dot », celle d’Orgon (Le Tartuffe) dans « le pauvre homme ». Au théâtre de divertissement peuvent être rattachées intermèdes chantés ou dansés, comme Le Bourgeois gentilhomme. C’est surtout après l’échec de Dom Garcie de Navarre (1661) que Molière cherche à élever la comédie à la dignité de la tragédie. Ecrite en vers comme la tragédie, L’école des femmes inaugure la grande création moliéresque : l’allusion que problème de la place sociale des femmes, la vérité psychologique, les questions morales avec le châtiment du héros, dépassent le cadre de la farce. On retrouve dès lors dans toutes les comédies le refus des simplifications caricaturales de la farce 86 : les questions idéologiques, liées aux combats de Molière contre les vices et les ridicules de son temps, la complexité des personnages, la recherche de la sincérité, deviennent les caractéristiques essentielles de sa production. « Peindre d’après nature » les mœurs et les caractères, telle est l’ambition qu’avoue Molière dans La Critique de L’école des femmes. La satire des mœurs contemporaines est originale par rapport aux conventions de la comédie romanesque du XVII siècle. Médecins, excès de la préciosité, gens de justice, milieux de la fausse dévotion sont des sujets récurrents et l’objet d’attaques constantes. Les valets, les servantes, les paysans, le monde des entremetteurs font montrer le peuple et son langage sur la scène. La peinture des caractères conduit à la création de types représentatifs Ŕ depuis Molière, des mots comme tartuffe, tartufferie, harpagon ont pris place dans la langue. 87 Le comique des grandes comédies moliéresques utilise des moyens plus subtils que ceux de la farce : les contradictions internes des personnages, les revirements brutaux de leurs relations, les quiproquos, le langage à double sens entraînent un rire fondé sur une compréhension intellectuelle adaptée à la gravité des sujets, qui tournent souvent autour de la destruction d’une famille par le vice d’un individu. La faveur du public et le soutient du roi permettent à Molière de montrer ses pièces malgré l’hostilité de certains partis. Le roi l’appelle souvent à la cour pour qu’il y joue ses pièces et pour lui commander des spectacles de circonstance. Mais un jour de février 1673 alors qu’il joue le rôle du malade dans sa dernière pièce Le Malade Imaginaire, Molière est pris d’un malaise sur la scène et meurt quelques heures plus tard. Le public qui croyait à un jeu d’acteur ne s’était aperçu de rien. 88 La pièce qui avait une portée sociale c’était Tartuffe (1664). Cette pièce est peut-être la plus populaire parce qu’elle s’attaque à un vice répandu dans toutes les classes de la société, l’hypocrisie. Sa critique prétend atteindre un vice répandu, socialement redoutable. Tous les hypocrites pourraient y être reconnus. Il est à noter que la pièce était attaquée par l’église. Seulement en 1664 elle a été mise en scène à Versailles. Molière a dévoilé tous les vices de son temps. Dans ce cas il s’agit de l’avarice. Ce vice est bien décrit dans la comédie nommée l’Avare. Ici, il s’agit d’un riche bourgeois nommé Harpagon. Il a plongé ses deux enfants ?lise et son fils Cléante dans la mise à matérielle et morale à cause de sa formidable avarice. Il veut donner sa fille ?lise, qui aime un jeune garçon, en mariage au riche Seigneur Auselme parce que celui-ci consent à la prendre sans dot. Cependant, Harpagon 89 lui-même est amoureux d’une jeune fille nommée Marianne. Mais Marianne est aimée par son fils. Il est tellement avare qu’il a peur d’inviter la jeune fille, pour ne pas dépenser de l’argent. Ses chevaux sont tellement affaiblis, car il vole l’avoine que son valet Laflèche leur donne à manger. Tout son trésor est enfermé dans un pot. Un jour ce pot disparaît. Cette disparition va déchaîner chez Harpagon un désespoir proche de la folie. Mais la fin de la pièce est bien heureuse, car les jeunes amoureux sont réunis et le pot est retrouvé. Molière a abordé tous les genres de comédie : la comédie de l’intrigue Ŕ le Dépit amoureux, Amphitryon ; la comédie héroïque Ŕ Don Garcie de Navarre ; la comédie- ballet Ŕ Psyché, la Princesse d’?lide, l’Amour médecin, le Sicilien, les Amants magnifiques ; la comédie pastorale Ŕ Mélicerte, la Pastorale comique ; la farce Ŕ Sganarelle, le Mariage forcé, le Médecin malgré lui, Pourceaugnac, le Malade imaginaire ; la comédie de mœurs Ŕ les Précieuses 90 ridicules, l’?cole des Maris, l’?cole des Femmes, le Bourgeois gentilhomme ; la comédie de caractères Ŕ l’?tourdi, le Misanthrope, Don Juan, l’Avare, le Tartuffe. Le tableau de la vie humaine, la peinture des caractères, tel est l’objet que Molière se propose. Dans ses grandes comédies, il est facile de voir qu’il sacrifie tout ce qui n’est pas l’étude du cœur. Au lieu que l’intrigue, dans les comédies contemporaines, est l’élément principal, Molière la néglige au point qu’elle devient insuffisante. Il en est de même des dénouements, souvent invraisemblables et inattendus. C’est que l’intérêt n’est pas de ce côté et les événements ne valent pas par eux-mêmes : une comédie n’est pour lui qu’une succession de scènes destinées à mettre un caractère dans tout son jour ; ce but une fois atteint, la pièce est terminée et peu importe comment les personnages sortiront d’une situation qui, par elle-même, n’a pas d’intérêt. 91 Toutefois, Molière a toujours donné la parole à la voix du bon sens dans ses pièces. Face aux marginaux et aux imposteurs, les modérés se font entendre, par la voix des serviteurs, des parents, des amis, des jeunes gens. Ainsi, curieusement, le théâtre fait l’apologie de la vérité et de la sincérité. Il ne s’agit plus de corriger le monde, ni de donner un modèle parfait, mais de faire confiance à la nature humaine. Il est à noter que Molière connaît assez bien les milieux les plus variés de son temps. Il situe avec justesse les personnages dans leur milieu social. En même temps il met en lumière les défauts de tous les hommes qui leur sont propres à toutes les époques. Le renouvellement de la prose La production romanesque du XVII siècle est foisonnante, le terme roman est lui-même ambigu, car il recouvre toutes sortes d’œuvres longues et 92 hétéroclites. Tandis que la prose évolue de l’hero?sme à l’analyse psychologique, le XVII siècle littéraire voit apparaître des genres nouveaux: traits, lettres, portraits, mémoires. Le respect de l’Antiquité fait partie d’un héritage humaniste dont la prose non romanesque porte la marque. La rhétorique antique sert de modèle aux traités de Descartes et aux discours de Bossuet avec une exigence de clarté et de rigueur empruntées à l’éloquence et à l’histoire romaines. Les courants philosophiques de l’Antiquité, sto?cisme et épicurisme, exercent une forte influence sur la pensée. Les genres dits mondains participent pourtant Ŕ et par leur nature même Ŕ à l’élaboration d’un idéal représentatif du siècle, l’honnête homme. Les genres prosa?ques complètent le portrait d’un homme idéal, intégré à la vie sociale, que tracent le roman, le théâtre, les fables. Jean-Louis Guez, seigneur de Balzac (1594-1655) rend à la prose française le même service que Malherbe 93 avait rendu à la poésie : il fonde la tradition de la prose régulière. Ses œuvres consistent en lettres, entretiens et traités. Le style en est pompeux et emphatique. Mais l’influence de Balzac vaut mieux que ses œuvres, il a enseigné à la prose française le nombre et l’harmonie de la période. Le plus connu des précieux, Vincent Voiture (1598- 1648) est surtout un homme du monde et un homme d’esprit attiré du salon de Rambouillet, professionnel du badinage. Ses lettres et ses poèmes mondains montrent plus d’humour que de profondeur. Mais son succès est un signe des goûts du temps. Fils d’un marchand de vin, Voiture s’introduit rapidement dans les allées du pouvoir. Richement pensionné par ses protecteurs, il sait naviguer dans les intrigues parisiennes, tout en étant la vedette du salon de Rambouillet. Il a donné dans ses « lettres », souvent galantes, l’exemple d’une prose rapide, légère, et d’un badinage de bon goût. 94 Au XVII siècle le roman est un genre vivant, comme en témoigne le grand nombre de publications romanesques. Le roman pastoral et le roman héro?que. Le premier brillamment illustré par l’Astrée d’Honoré d’Urfé, doit son nom au fait que ses personnages sont de prétendus bergers, dans un décor naturel de campagne, en une province idéalisée. La géographie concerne d’ailleurs davantage le cœur que les lieux eux-mêmes. Sur ce plan, roman pastoral et roman héro?que se rejoignent. Les étapes d’un itinéraire savant des sentiments sont représentées dans le roman Clélie de Madeleine de Scudéry. Ce roman est composé d’une multitude d’épisodes dont le fil conducteur est la passion amoureuse et les obstacles qu’elle rencontre. Idéalisés, les personnages incarnent les valeurs de l’aristocratie, dans une tradition chevaleresque figée : souci constant d’un amour éthéré, beauté, courage, goût pour l’aventure et l’esprit de sacrifice. Nobles dans tous les sens du terme, ils ne peuvent éprouver aucun sentiment bas, et illustrent les rêves d’une 95 noblesse désœuvrée et nostalgique. Cette littérature, grâce au caractère épique et héro?que des épisodes et des péripéties Ŕ qui semblent dépourvus d’unité au lecteur du XX siècle, par suite de la succession de duels, naufrages, batailles à répétition Ŕ permet à la noblesse de retrouver les images mythiques d’un univers historiquement dépassé. Les « histoires comiques » se développent en contrepoint et en réaction à cette littérature. Les auteurs de ces romans appartiennent à la bourgeoisie, comme Sorel ou Scarron (auteur du Roman comique). Leurs personnages sont également issus de ces classes sociales. Les aventures et les rebondissements sont nombreux, mais c’est le hasard des rencontres qui les suscite et l’ancrage dans une réalité sociale est beaucoup plus net : aucune idéalisation, mais plutôt l’exploitation des situations de la vie courante. Comme dans le roman picaresque espagnol, les héros sont conduits 96 à côtoyer l’ensemble des couches sociales, ce qui permet de tracer un vaste panorama de la société, des situations et des rencontres. On ne peut pourtant pas parler de rupture avec le roman héro?que parce que le roman comique l’utilise comme référence pour le parodier, en même temps que s’exprime une satire sociale. La disparition des romans-fleuves est le premier résultat d’une nécessité de vraisemblance, d’unité et de rigueur. Le roman classique évolue vers des dimensions plus réduites. Ses personnages se transforment aussi : plus simples et plus humains, ils gagnent une épaisseur psychologique, indice d’un souci d’analyse plus précise et moins idéalisée. L’héro?ne de La Princesse de Clève de Mme de La Fayette est noble de cœur et généreuse, mais elle connaît des faiblesses, dont elle triomphe. Le roman et la tragédie se rencontrent sur le terrain de l’analyse du cœur et des passions, avec une précision nouvelle et un souci de 97 vérité. L’observation, le portrait, la description des gens et des lieux illustrent une volonté de témoigner et d’expliquer. Le souci du respect de la vraisemblance conduit au développement du roman historique. Le merveilleux qui figurait dans les romans héro?ques caractérise désormais les contes, supposés réservés aux enfants, mais à vocation didactique par la présence de leurs moralités. Le roman historique mêle la réalité de la vie de Cour aux intrigues politiques et sentimentales. La Princesse de Clève, roman d’analyse aux multiples procédés narratifs est également un roman historique qui raconte la vie de la cour d’Henri II. Il faut enfin signaler de nombreux mémoires fictifs comme ceux de Monsieur d’Artagnan (1700) de Courtilz de Sandras, qui associent avec habilité la vraisemblance des décors et de l’époque, et l’aspect imaginaire de certaines aventures. 98 Le XVII siècle apparaît donc, pour le genre romanesque, comme une époque charnière et foisonnante, où l’évolution du roman moderne est en germe. Ce genre semble prêt à se mettre au service d’une double orientation : d’une part ; la critique philosophique et sociale ; d’autre part, en réaction contre les exigences de la doctrine classique, très contraignante, l’ésotérisme et le fantastique ou l’anticipation. Il est à noter que le XVII siècle est représenté non seulement par les romans, il connaît aussi des formes nouvelles comme la fable et le conte, dont les représentants sont Ŕ un fabuliste, La Fontaine (1621-1695) et un conteur Ŕ Charles Perrault (1628-1703). La fable de La Fontaine La fable est un récit dont le caractère se perçoit à l’existence d’une succession d’actions, de situations ou de faits, à une évolution spatio- temporelle, au passage d’un état 99 initial à un état final. On considère que la création de la fable remonte à l’écrivain grec ?sope. Cet esclave doté d’un esprit acéré prit l’habitude de transcrire en petits récits terminés par une réflexion morale les relations qu’il avait avec son maître. Plus tard, Fèdre reprend, en latin, la même inspiration pour construire de petites fables. Les personnages humains appartiennent à des catégories dont ils représentent l’exemple type : un jardinier, un seigneur, une veuve, un berger, un sage... Facilement reconnaissables, ils sont les porte-parole d’une condition qui entretient avec son environnement humain des relations souvent conflictuelles. Ils sont également représentatifs de l’époque. Les animaux sont traditionnellement les personnages des fables. Chargés d’une signification symbolique, ils permettent un phénomène de transposition des comportements et des caractères : la cruauté est représentée par le loup, la ruse par le renard, l’innocence par l’agneau. Les thèmes des fables sont aussi diversifiés que ceux de la vie sociale ou de la vie politique. 100 Récit court, interrompu de dialogues au style direct ou indirect, la fable tire son charme d’une concision qui en quelques mots crée un monde d’images et des situations concrètes. Les mésaventures des animaux font rire ou sourire. La mise à distance est suffisante pour éloigner les similitudes trop douloureuses. Le lecteur de la fable est le spectateur d’une scène qui le concerne, mais dans laquelle il ne se sent pas réellement impliqué. Toute fable comporte une moralité qui ouvre ou ferme le récit. Les vérités énoncées dressent une sorte de bilan de la nature humaine et des fonctionnements sociaux. La Fontaine ressuscite le genre de la fable, en l’étoffant et en l’animant, pour qu’il prenne l’allure d’une petite comédie. Originaire de la bourgeoisie aisée de Champagne, Jean de la Fontaine a connu une jeunesse sans problèmes. En 1647, il se rend à Paris où il commence à fréquenter les milieux littéraires et à se familiariser avec les Anciens: Orace, Virgile, Ovide et d’autres. Il prend connaissance du 101 surintendant de Louis XIV Fouquet qui accorde à La Fontaine une pension. Mais après la disgrâce de Fouquet auprès Louis XIV La Fontaine s’exile en 1661 en province. Seulement en 1664 qu’il a édité son premier recueil de fables. Il est à noter que sa production littéraire englobe non seulement les fables. En 1668 il a édité un recueil de Contes et nouvelles en vers, en 1678 il a écrit un poème mythologique Les amours de Psyché et de Cupidon. C’est à ?sope que ce fabuliste a eu recours pour la plupart des fables. Mais ?sope n’était pas seul chez qui La Fontaine prenait les sujets, car il y avait d’autres auteurs. Comme exemple on peut citer la fable La Cigale et la Fourmi, dont la morale est qu’il ne faut pas être négligent en quoi que ce soit, si l’on veut éviter le chagrin et les dangers. Dans Le Corbeau et le Renard, le poète a montré à quel point le rusé Renard dupe le Corbeau. 102 En faisant la conclusion, il est à noter que dans les fables fontaniennes de nombreuses réflexions philosophiques viennent se mêler aux règles morales. L’humour est toujours présent dans ses fables. L’auteur obtient des effets amusants, comiques même. Chaque fable est en effet comparable à une petite pièce de théâtre. Généralement, il y a un conflit entre les animaux et la forme dramatique est alors soit comique, soit tragique. Le style de La Fontaine a pour traits caractéristiques la souplesse de la phrase, la justesse de l’expression, le dessin exact des vers inégaux qui se modèlent sur la pensée. La Fontaine a atteint à la perfection dans le naturel. Charles Perrault (1628-1703) Issu d’une puissante famille bourgeoise, Charles Perrault a occupé des fonctions considérables. Proche de Colbert, il était contrôleur général de la surintendance des Bâtiments, et exerça une influence sur la vie culturelle du 103 royaume. Après la disgrâce de Colbert, Perrault passa les dix dernières années de sa vie à rédiger ses Contes. Ce choix est une option « moderne ». Genre littéraire réputé mineur, nourri de culture populaire, ennemi de l’éloquence, le conte est un retour au plaisir narratif, simple et bref. Mais il s’agit en fait d’adaptations élaborées. Les Contes de Perrault sont de deux types : les contes en vers (Grisélidis, Peau d’âne et Les Souhaits ridicules), parus en 1694, et les contes en prose (La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe bleue, Le Chat botté, Les Fées, Cendrillon et Riquet à la houppe), qui paraissent en 1697 sous le nom de son fils, Pierre Darmancour. Le choix des contes ressortit également à l’engagement de Perrault comme Moderne. Dans la préface de ses Contes en vers, il affirme la supériorité morale de ses contes sur ceux de l’Antiquité (Pétrone, Apulée). Cette intention morale est d’ailleurs soulignée dans le titre complet 104 de ses contes en prose : Histoires ou Contes du temps passé avec des moralités. Surtout, en empruntant la matière de ses contes à un fonds culturel français et populaire. Perrault marque une double rupture à l’égard des Anciens. Le public cultivé pouvait apprécier, derrière la simplicité de la narration, des allusions à l’actualité et des tournures propres à la langue précieuse. Perrault instaure une complicité avec son lecteur Ŕ adulte, aristocrate, proche de la Cour Ŕ en ironisant sur les crédulités populaires. Le conte est donc, malgré les apparences, un genre mondain, car il suppose une connivence entre lettrés, même s’il s’adress