L'État des Personnes Physiques PDF
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Aix-Marseille Université
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This document presents an overview of the concept of the status of natural persons in law, differentiating it from legal personality, capacity, and assets. It explores the elements of identification and characteristics of personal status, highlighting the difference between identification and personality. It discusses the status of persons and its relationship with civil and political rights, mentioning examples of international differences and protections.
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**Section 2 -- L'état des personnes physiques** L'identification des personnes passe par la notion d'état ; on parle ainsi d'état des personnes pour qualifier l'ensemble des éléments d'identification et d'identité de la personne Cet état ne doit **pas être confondu avec la personnalité juridique,...
**Section 2 -- L'état des personnes physiques** L'identification des personnes passe par la notion d'état ; on parle ainsi d'état des personnes pour qualifier l'ensemble des éléments d'identification et d'identité de la personne Cet état ne doit **pas être confondu avec la personnalité juridique, la capacité juridique, ou le patrimoine** ; il ne se limite pas non plus aux éléments contenus dans la carte d'identité ou le passeport ; ceux-ci ne sont que la formalisation des informations qu'il contient Nous dirons donc quelques mots sur la notion d'état des personnes et ses caractéristiques (§ 1), avant d'en examiner les principaux éléments (§ 2) **§ 1. La notion et les caractéristiques de l'état des personnes** L'état des personnes (avec un « é » minuscule) détermine la jouissance des droits civils Il faut distinguer **les droits civils**, entendus comme les droits subjectifs de l'individu ayant un objet et une finalité d'ordre privé, **des droits politiques**, qui ont une portée publique Si les premiers de ces droits peuvent être reconnus à toute personne vivant en France, les seconds peuvent **être aménagés, voire refusés, aux étrangers** ; ainsi les ressortissants européens vivant en France ont la possibilité de voter aux élections locales mais pas aux élections nationales ; leurs droits politiques sont ainsi restreints ; en revanche, ils jouissent pleinement, en principe, de leurs droits civils Nous verrons dans un premier temps quel est le contenu de l'état des personnes (A) puis quels sont ses caractéristiques (B) **A. L'état des personnes : un ensemble d'éléments d'identification** **L'état de la personne est « au-dessus » de ses droits subjectifs** ; il est l'ensemble des éléments permettant de l'identifier dans la société ; ces éléments commencent avec l'identité familiale et s'enrichissent d'autres données Ces données et informations vont elles-mêmes déterminer la reconnaissance et l'exercice d'un certain nombre de droits civils On a ainsi pu dire que l'état de la personne était composé de **l'ensemble des caractères biologiques et sociaux permettant d'individualiser une personne** dans la société dans laquelle elle vit Pour cette raison, il ne faut **pas confondre « identification » et « identité » de la personne** ; le problème est que les deux termes sont parfois utilisés de manière alternative, alors qu'ils n'ont pas le même sens L'état de la personne se **limite aux éléments d'identification** ; il s'agit de l'ensemble des informations « objectives » qui permettent de différencier une personne d'une autre, et de situer la personne dans le corps social ; c'est pourquoi son contenu est limité En revanche**, « l'identité » de la personne est plus large que les données figurant dans l'état** ; elle inclut aussi **des éléments qui sont purement subjectifs** ; on entend par là tous les éléments qui font que la personne se sente « elle-même », y compris dans son intimité ; les informations de l'identité sont nombreuses : vie privée, préférences personnelles, goûts, pratiques, préférences et vie sexuelles, opinions,... ces informations relèvent bien de l'identité mais pas de l'identification, et donc de l'état de la personne D'une part, elles peuvent être **fluctuantes et évoluer tout au long de la vie de la personne** ; elles ne constituent donc pas des éléments d'identification fiable D'autre part, elles n'ont **pas nécessairement à être connues, être rendues publiques**, justement parce qu'elles relèvent de l'intimité et de la conscience de la personne ; en soi, elles ne sont que les conséquences du libre exercice de ses droits de la personnalité Ces données de l'identité **doivent donc relever de la liberté de la personne**, telle qu'elle peut l'exprimer à différents niveaux ; il serait même dangereux que des informations de son identité soient insérées dans l'état des personnes Cette distinction tend également à protéger les libertés fondamentales de la personne **En effet, l'état des personnes entretient des liens étroits avec l'état civil**, qui est constitué de documents officiels, publics, permettant d'identifier la personne Or la **mention d'éléments propres à son identité peut être préjudiciable pour la personne** **Exemple : le risque de discrimination lié à la religion** Certains pays européens, tels que la Grèce, imposaient il y a encore quelques années **la mention de la religion dans les actes de l'état civil** Or la connaissance d'une telle information pouvait être de nature à induire des discriminations, d'autant plus dans un pays où l'église et l'Etat ne sont pas séparés Cette obligation a finalement été jugée contraire à la liberté de religion, et a été abolie ; cette décision a été confirmée par la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision du 12 décembre 2002, *Sofianopoulos c./ Grèce* Extrait : «... *le but d'une carte d'identité ne consiste ni à conforter le sentiment religieux de son porteur ni à refléter la religion d'une société donnée à un moment donné*. » De même, la plupart des régimes totalitaires commencent par exiger de connaître ce genre d'informations (politiques, religieuses,...) pour pouvoir exercer leur répression sur la population **La même justification vaut pour le statut professionnel de la personne** ; sa profession pouvant évoluer au cours de sa vie, elle ne saurait être rangée dans son état Pour autant, **la personne bénéficiera quand même d'un statut professionnel, comprenant un certain nombre d'informations** (fonctionnaire, salarié du privé, niveau de qualification, différents emplois exercés,...), statut qui lui permettra en fonction de son contenu de prétendre à certains droits ou d'assumer certaines obligations Mais ce statut n'intéresse que l'application du droit du travail ou de la fonction publique ; les informations de l'état des personnes ont une vocation plus générale, qui transcende toutes les branches du droit L'état de la personne, en France, n'est donc **constitué que des informations qui permettent objectivement de l'identifier**, sans égard pour son identité subjective ; par ailleurs, ces informations sont supposées avoir une certaine permanence Nous verrons malgré tout qu'il existe des passerelles entre ces deux dimensions ; ainsi, l'état de la personne peut-il être **amené à évoluer en fonction de sa volonté**, sur certains points Outre le domicile, qui peut changer tout au long de la vie de la personne, le changement de nom ou de sexe peut être effectué au sein de l'état sans remettre en cause ses caractères **B. Le régime juridique de l'état des personnes** L'état des personnes présente des **caractéristiques proches de celles des droits de la personnalité** ; cela est logique puisqu'il implique des éléments propres à la personne humaine ; de plus, il présente une fonction d'ordre public liée à l'identification de la personne dans la société Il importe donc qu'il présente une certaine stabilité, tant pour la personne elle-même que pour l'ordre public ; à cette fin, l'état de la personne revêt plusieurs caractéristiques essentielles \- **Un caractère impératif** On peut déjà noter que **les règles de son attribution et de son enrichissement sont impératives** ; on entend par là qu'elles sont fixées par la loi de manière obligatoire et ne sauraient être modifiées par la personne elle-même La plupart du temps, l'enrichissement de l'état passe par **la constatation d'un fait juridique** ; on entend par là un fait quelconque auquel sont attachés des effets juridiques ; la naissance constitue le premier fait conférant à la personne un état Mais l'état peut aussi être enrichi par **la reconnaissance d'actes juridiques** ; on entend par là les opérations effectuées volontairement par les personnes, dans les formes prévues par la loi, pour bénéficier des effets de droits ; le mariage constitue ainsi un acte juridique, car il ne suffit pas de constater la vie commune des conjoints pour en déduire l'union civile C'est là qu'apparait l'intérêt de l'état civil, service public qui est chargé de constater ces enrichissements de l'état de la personne - **L'unicité de l'état de la personne** Toute personne **a un état, et elle n'en a qu'un seul** ; en soi, l'état n'est que la projection de la personne, le doublon juridique de son existence physique L'état n'est donc **pas divisible ni dédoublable** ; on ne peut bénéficier de deux états en même temps - **L'indisponibilité de l'état de la personne** La personne ne saurait y renoncer de façon définitive ; en soi, l'état de la personne doit encore être distingué du patrimoine, puisqu'il ne saurait être vendu, loué,... Cela ne veut pas dire que ses informations n'ont pas de valeur ; comme nous le verrons, **certaines informations contenues dans l'état peuvent acquérir une valeur économique substantielle**, et la personne peut en vivre ; Mais on se situera alors dans la dimension strictement patrimoniale, et c'est souvent par le truchement d'un autre droit subjectif ou d'un contrat qu'elle va conférer cette valeur et en tirer des bénéfices Et il arrive même que cette valorisation d'une information de l'état entraîne une autonomie **Exemple : l'usage commercial du nom de famille** Rien n'empêche une personne de faire usage de son nom de famille dans une marque, et même de vendre celle-ci ; **elle en perdra alors le monopole commercial... mais pas l'usage civil** C'est en cela que l'état est indisponible ; il doit toujours garantir une identification certaine, minimale, de la personne dans la vie civile ; nous y reviendrons en examinant les différents éléments de l'état des personnes Voir **l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 6 mai 2003**, quant au caractère relatif de l'indisponibilité du nom s'agissant des usages commerciaux Cet arrêt est intervenu comme un revirement de jurisprudence par rapport à l'arrêt rendu par la même juridiction le **12 mars 1985, n° 84-17.163** Dans les faits, un commerçant avait donné son nom à une société commerciale, dont les statuts avaient par la suite été modifiés ; la Cour de cassation a alors estimé que cette décision avait fait de son nom de famille un « signe distinctif détaché de la personne », ce qui signifiait qu'il était bien possible pour elle de disposer de son nom, mais seulement dans la vie commerciale L'arrêt de 2003 n'a pas remis en cause cette solution mais lui a apporté un important tempérament : une telle décision doit être explicitement stipulé dans le contrat de la société, et on ne saurait déduire de l'absence d'opposition de la personne qu'elle a consenti à en faire un objet de propriété \- **L'immutabilité de l'état des personnes** Pour faire suite à la remarque précédente, on a souvent **pu affirmer que l'état de la personne était immuable, au sens que son contenu ne pouvait être modifié** ; Cela est à relativiser, car il a toujours existé des informations dans l'état de la personne qui nécessitait une mise à jour régulière ; tel est le cas des changements de domicile que celle-ci pouvait effectuer Les informations pouvant faire l'objet d'une rectification se sont depuis multipliées En fait, **l'état est immuable au sens que la personne ne peut pas, à sa guise, le rectifier, le modifier ou le construire** ; cela est à relier à la règle d'impérativité que nous avons vu précédemment La vocation initiale de l'état était de constater la nature des choses, et l'on considérait pour cela que la personne ne pouvait le modifier ; si d**es dérogations à l'immutabilité sont de plus en plus tolérées**, c'est bien sous réserve de respecter les formes imposées par la loi, et les conditions de fond que celle-ci exige pour opérer des modifications Là encore, nous en verrons des exemples plus précis en étudiant les différents éléments de l'état de la personne \- **L'imprescriptibilité de l'état des personnes** Cela signifie que **l'état est en principe attaché de manière perpétuelle à son titulaire** ; la personne qui, pendant un certain délai, renonce volontairement ou non à l'utiliser n'en perd pas pour autant le bénéfice Ainsi, l'époux qui n'exerce pas les droits que lui confère le mariage, l'enfant qui ne revendique pas les droits auxquels il peut prétendre en raison de sa filiation, ou la personne qui use d'un nom différent de celui qui lui a été donné à la naissance,... ne sont pas censés avoir renoncé à ces différents éléments Et la règle inverse existe aussi ; ainsi, **on ne saurait acquérir un état différent du sien par l'usage prolongé** pendant un certain temps, bien qu'il existe un tempérament important : la possession d'état **La possession d'état** On parle de possession lorsqu'une personne exerce des droits qu'elle croit de bonne foi être les siens, alors que ce n'est pas le cas Trois conditions étaient classiquement exigées pour constater une possession d'état : - Le fait d'avoir fait **usage d'un nom** - Le fait d'avoir été traité par d'autres personnes, de la famille par exemple, comme étant **le légitime titulaire de cet état** - La notoriété, c'est le fait **d'avoir usé de cet état de façon notoire**, publique, en effectuant des actes de la vie quotidienne et surtout des actes juridiques sous ce nom En matière de filiation, ces conditions classiques ont **été précisées dans l'article 3111 du Code civil** qui établit une liste de faits pouvant permettre de constater une possession d'état « *1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu\'elle-même les a traités comme son ou ses parents;* *2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation;* *3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille;* *4° Qu\'elle est considérée comme telle par l\'autorité publique;* *5° Qu\'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.* » L'article 311-2 du Code civil ajoute que la possession doit avoir été « continue, paisible, publique et non équivoque » **Exemple :** **Cour de cassation, 1^ère^ Chambre civile, 19 mars 2008, n° 07-11.573** Une possession d'état n\'est pas paisible et sans équivoque alors que la mère a entretenu, pendant la période légale de conception de l\'enfant, des relations intimes avec un tiers, qui a revendiqué sa paternité pendant la grossesse puis a assigné l\'époux de la mère en contestation de paternité légitime moins de six mois après la naissance de l\'enfant La constatation de cet état présumé peut donner lieu à une action d'état ; il en est de même lorsqu'il s'agit de contester un élément de l'état, ou d'en demander la modification Tel est le cas en matière de divorce, **lorsque l'un des conjoints demande la rectification** de l'état, par exemple pour reprendre son nom antérieur Les décisions prises sur la base de ces actions ont normalement **autorité absolue de chose jugée**, lorsqu'elles sont constitutives d'état, c'est-à-dire ceux qui établissent une nouvelle situation pour le titulaire Il en est de même lorsque ces actions sont déclaratives d'état, par exemple de décès ou de rectification d'une mention à l'état civil Elles emporteront souvent une mention spécifique dans les documents de l'état civil, ce qui assure leur opposabilité à tous **État des personnes et état civil** L'état civil correspond à la dimension formelle de l'état des personnes On entend par là **l'ensemble des registres et documents permettant de consigner les éléments d'identification des personnes**, ainsi que les principaux évènements qui surviennent au cours de leur vie Il existe ainsi **trois principaux actes d'état civil**, qui concernent la naissance, le mariage et le décès ; il faut ajouter à cela **les modifications que ces mêmes évènements et actes peuvent subir** (divorce, filiation,...) Ces documents sont tenus et conservés par les mairies, qui disposent toutes d'un service d'état civil à cette fin Il existe aussi **un service à compétence nationale dit « service central de l'état civil »**, rattaché au Ministère des Affaires étrangères, et qui est chargé de consigner les actes et évènements relatifs aux français vivant à l'étranger La fonction d'identification des personnes poursuit ainsi des finalités d'ordre public ; toute personne doit pouvoir être **raisonnablement identifiée et située territorialement**, avant tout par l'Etat et les services publics, et notamment pour la soumettre à un certain nombre d'obligations L'état civil permet aussi de connaître les liens de parenté entre les personnes, puisque les liens de filiation, de fraternité,... y figureront également **Les officiers d'état civil** L'établissement des actes de l'état civil est effectué par **les officiers d'état civil** ; ce sont les maires qui en sont chargés, en tant **qu'institutions déconcentrées de l'Etat** ; souvent, ces fonctions sont déléguées à des adjoints, voire à des agents communaux pour les actes les plus courants et les plus simples, tels que les actes de naissance Normalement, **l'officier n'a pas à se mêler de l'authenticité des informations** qu'il constate ; celles-ci sont présumées être vraies, et il n'est pas de sa responsabilité d'inscrire des actes qui sont faux Sa responsabilité ne peut être recherchée que s'il commet lui-même une erreur ou participe sciemment à la fraude des déclarants Les déclarations **se font normalement en la présence des personnes concernées, sauf exception** ; pour les mariages, les deux époux doivent être présents ; il arrive qu'une autre personne soit chargée d'effectuer la déclaration, la personne concernée ne pouvant effectuer celle-ci ; c'est le cas pour les naissances, la déclaration revenant au père de l'enfant **Les mentions des actes d'état civil** Les mentions de l'acte d'état civil sont essentielles, car elles **formalisent les éléments d'identification de la personne, et de constatation des évènements** survenus au cours de sa vie Certaines **mentions sont dites « initiales »**, ce sont celles qui figurent dès l'origine sur l'acte, et qui se limitent à constater un fait ou un acte à la date à laquelle il est établi Celles de l'acte de naissance et de l'acte de décès ont déjà été mentionnées plus tôt ; celles de l'acte de mariage sont plus nombreuses (noms et prénoms des époux, de leurs parents, de leurs témoins, le consentement, le prononcé de l'union, le recours à un contrat de mariage) D'autres **mentions sont dites « en marge »** ; elles se rajoutent aux mentions initiales et ont vocation à « doubler » les informations qui peuvent être contenues dans d'autres actes Par exemple, l'acte de naissance se verra ajouter en marge des mentions relatives au mariage de la personne, à un PACS, à son divorce, à ses changements de nom ou de prénom, à une mise sous tutelle ou curatelle,... ainsi que le décès **Les rectifications des actes d'état civil** La rectification passe normalement par **une procédure judiciaire, devant le tribunal judiciaire** ; elle est prévue à l'article 99 du Code civil Elle permet de faire rectifier tout type d'erreur portée sur les mentions initiales ou en marge d'un acte d'état civil, telle qu'une erreur sur le prénom d'un enfant, sur le statut matrimonial de l'un des parents,... Si la rectification est ordonnée par le président du Tribunal judiciaire, elle devra figurer dans une mention en marge de l'acte concerné **Une rectification administrative**, directement ordonnée par le Procureur de la République, est prévue pour les modifications purement matérielles, c'est-à-dire les plus simples, notamment celles qui concernent les fautes d'orthographe **§2. Les différents éléments de l'état des personnes** Trois éléments principaux composent **l'état des personnes**, du moins à son stade initial : le nom ; le sexe ; le domicile **Certains éléments constitutifs d'actes de l'état civil**, tels que les actes de mariage, ne sont pas pour autant des éléments de l'état des personnes, pris dans leur dimension individuelle ; dans tous les cas, seuls ces trois éléments constituent les dénominateurs communs de tous les actes d'état civil qui vont constater les évènements auxquels la personne a pris part L'attribution et l'évolution de ces trois éléments obéissent encore à des règles impératives, mais dont la portée a pu évoluer avec le temps **A. Le nom** Nous verrons dans un premier temps quels sont les éléments du nom, puis les règles d'attribution et de modification du nom, et enfin sa nature juridique ***1) Les éléments du nom*** Le « nom » de la personne figurant dans l'état est constitué de deux éléments : son ou ses prénoms et son nom de famille Outre les prénoms (*dont nous avons déjà étudié les règles d'attribution au titre de la déclaration de naissance*), **le nom de famille constitue un élément décisif de l'identification des personnes** ; il place en effet la personne dans le corps social par référence à sa famille ; de là peut-on en déduire d'autres indications, quant à ses origines régionales ou nationales Le **cumul des prénoms et du nom de famille garantit la première strate d'identification de la personne**, même s'il peut ne pas être suffisant pour l'individualiser totalement ; la portée de certains noms de famille, qui sont portés par un très grand nombre de personnes, explique que le risque d'homonymie soit plus fréquent pour certains que pour d'autres C'est pourquoi on peut **recourir à d'autres éléments pour renforcer cette identification** ; c'est là que les autres éléments, tels que le lieu et la date de naissance, permettent d'écarter définitivement tout risque de confusion avec une autre personne Là encore, des choix culturels sont à l'origine de ces règles ; dans d'autres pays, la question est résolue par l'adjonction du prénom du père décliné au génitif, ce qui signifie fils ou fille « de » ; tel est le cas en Russie ainsi que dans un certain nombre de pays slaves Les règles d'attribution du nom de famille ont encore pu évoluer avec le temps, pour donner une part plus importante au subjectivisme, mais pas forcément celui du porteur **Le pseudonyme** D'autres éléments peuvent, de façon parfois surprenante, figurer au sein du nom de la personne ; tel est le cas **du pseudonyme** Plus communément appelé le « nom d'artiste », le pseudonyme constitue un nom de fantaisie, fictif, usuellement employé par une personne dans le cadre d'une activité littéraire ou artistique Défini par la jurisprudence comme « **un nom de fantaisie choisi par une personne** pour masquer au public sa véritable personnalité en fonction d'une activité particulière », il constitue **une propriété incorporelle et confère un droit privatif à son titulaire**, par la notoriété qu'il acquiert. Le **risque principal qui apparaît est le recours au nom d'une autre personne** ; si le titulaire du pseudonyme peut en principe en revendiquer l'usage, sous trois conditions (notoriété, permanence dans l'usage et spécialité de l'activité), il ne saurait pour autant en profiter pour s'accaparer le nom de famille d'une autre personne Il est à noter que le pseudonyme peut figurer au rang des éléments d'identité pris en compte au titre de l'usurpation d'identité ; **ainsi l'usurpation de pseudonyme** peutelle ouvrir droit à des poursuites contre la personne en ayant indûment fait usage Le code pénal, à **l'article L 226-4-1**, vise en effet toute donnée permettant d'identifier quelqu'un ; le nom de fantaisie peut donc en faire partie, s'il permet de désigner avec certitude la personne qui en fait usage dans les conditions précitées De même, l'usage non autorisé d'un pseudonyme et de titres d'une profession réglementée peut constituer le délit d'escroquerie Voir l'anecdote de Maître Eolas, « Usurpation d'identité », parue le 10 avril 2007 : [[https://www.maitre-eolas.fr/post/2007/04/10/595-usurpation-d-identite] [ ]](https://www.maitre-eolas.fr/post/2007/04/10/595-usurpation-d-identite) La conjonction du prénom et du nom est déterminante pour **identifier la personne dans la vie de tous les jours**, et particulièrement dans les actes juridiques auxquels elle est partie Cela ne concerne pas le pseudonyme, qui est justement réservé à une activité bien spécifique En soi, la règle a été affirmée dès **la loi du 6 fructidor an 2** : « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance » Tout est donc établi dès l'acte de naissance, pour lequel on doit rappeler que les prénoms sont choisis par les parents ; de là la nécessité de préserver l'intérêt légitime de l'enfant comme nous l'avons vu, puisque c'est sous ces prénoms qu'il sera identifié toute sa vie ***2) Les règles d'attribution du nom*** Les règles d'attribution du prénom ont déjà été vues dans le paragraphe consacré à la naissance Nous n'évoquerons ici que celles qui concernent l'attribution du nom de famille ; attribution initiale ou par mariage **Les règles d'attribution initiale** Celles-ci sont caractérisées par **le lien de filiation de la personne avec ses parents** ; à la différence des prénoms, leur volonté a toujours été réduite à ce niveau, bien qu'elle ait gagné une plus grande portée depuis la loi du 4 mars 2002 Avant cette loi, les règles étaient les suivantes : - **L'enfant légitime, né pendant le mariage, prenait automatiquement le nom de son père** (d'où la référence au patronyme), selon une règle coutumière, non écrite, mais que l'on rattachait à la loi du 6 fructidor an 2 ; à partir **d'une loi de 23 décembre 1985**, on permettait malgré tout à la personne d'adjoindre le nom de son autre parent, généralement celui de la mère - **L'enfant naturel, né hors mariage, prenait le nom de la mère si celle-ci était la seule à le reconnaître ou si elle le reconnaissait la première** ; on permettait malgré tout de substituer le nom du père a posteriori ; par contre, si la filiation était établie à l'égard des deux parents, le nom du père était à nouveau donné en priorité **La loi du 4 mars 2002**, qui a été réformée à plusieurs reprises, dont la dernière fois par la loi du 5 mars 2022, est venue modifier ces règles de dévolution ; la notion de « nom de famille » a ainsi été substituée à celle de patronyme ; le but de cette loi était de garantir une plus grande égalité entre le père et la mère en donnant au nom de celle-ci de plus grandes chances d'être attribué aux enfants Le nouveau dispositif est néanmoins jugé complexe à mettre en œuvre ; il figure à l'article 31121 du Code civil ; dans les grandes lignes, il peut être décrit de la manière suivante : - Si la filiation est **établie simultanément à l'égard des deux parents au plus tard le jour de sa déclaration de naissance**, les parents choisissent le nom de famille qui lui sera attribué, et qui devra être **repris pour tous les enfants à venir des mêmes parents** ; celui-ci peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit un composé des deux noms dans l'ordre qu'ils souhaitent - **Si la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un parent**, l'enfant ne prendra le nom que de ce parent ; si l'autre parent vient à reconnaître la filiation, les deux parents pourront décider de **changer le nom de l'enfant par une déclaration conjointe**, en suivant les mêmes règles que précédemment (conserver le premier nom, substituer le second, accoler les deux dans l'ordre qu'ils souhaitent) ; si l'enfant a plus de treize ans, son consentement sera nécessaire - **Si les parents sont en désaccord quant au choix du nom**, il appartient à l'un d'entre eux de le faire savoir à l'officier d'état civil ; en ce cas, l'enfant prendra les noms de famille de ses deux parents, dans la limite du premier nom s'ils portent un double nom, dans l'ordre alphabétique - Enfin, **si l'un ou les deux des parents portent un double nom**, ils ne peuvent transmettre qu'un seul nom à leur enfant, dans l'ordre qu'ils souhaitent, par une déclaration conjointe **La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique** a également prévu le cas de l'attribution du nom de l'enfant né d'un **couple de femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée** Les **articles 342-9 à 342-12 du Code civil** définissent les conditions lesquelles l'acte de naissance est dressé, le lien de filiation établi et le nom attribué Déjà, il est à noter qu'aucun lien de filiation ne peut être établi avec le tiers donneur dont les gamètes ont été utilisés au titre de la PMA Le couple de femmes doit donner **son consentement, devant notaire**, à recourir à une telle assistance, celui-ci valant reconnaissance de l'enfant lors de sa naissance ; ainsi, la filiation est établie tant vis-à-vis de la femme qui accouche que de sa conjointe qui a reconnu l'enfant et se chargera de déclarer la naissance à l'officier d'état civil Elles choisissent alors **le nom de l'enfant, suivant des règles similaires** à celles que nous avons vues plus haut : soit le nom de l'une d'elles, soit les deux noms dans l'ordre qu'elles souhaitent, en se limitant à un seul nom de famille si l'une ou les deux a un nom composé En l'absence de déclaration, l'enfant prend les deux noms de famille dans l'ordre alphabétique **L'attribution par mariage** Beaucoup de personnes ont cru et croient encore que le mariage entraîne automatiquement un changement de nom, spécialement pour l'épouse En réalité, cette règle n'existe dans le Code civil que depuis quelques années ; auparavant, il ne s'agissait que d'un usage, qui s'est généralisé au cours du temps ; de plus, il ne s'agit que d'une faculté, et non d'une obligation Désormais, **l'article 225-1 du Code civil** dispose que chacun des époux peut porter le nom de l'autre à titre d'usage, par substitution ou adjonction à son propre nom de famille (depuis la loi du 17 mai 2013) Si l'usage le plus fréquent impliquait l'usage du nom du mari par l'épouse, la règle fonctionne donc aussi en sens inverse **Cela est corroboré par d'autres articles du Code** **Ainsi, s**i on lit bien l'article 300 du Code civil, il est sous-entendu que le mari peut adjoindre le nom de son épouse au sien, et en conserver l'usage après la séparation de corps ; de même, l'article 264 du Code civil indique bien que chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint après le divorce, ce qui sous-entend que ce droit leur est reconnu avant Ce même **article 264 précise que l'usage peut malgré tout être maintenu**, si l'un des époux manifeste un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants Il peut par exemple avoir entamé une activité professionnelle sous le nom de l'autre conjoint et souhaiter continuer ainsi pour assurer une continuité dans ses relations d'affaires **Juridiquement, l'épouse conservait bien son nom de famille**, celui qui figure dans son acte de naissance, et n'acquérait qu'un droit d'usage du nom de son mari... qui, en tant que droit, lui permettait d'en faire usage ou nom Il lui est même possible d'en faire usage après le divorce si elle le souhaite, le mari ne pouvant l'en priver qu'en cas d'abus Et il faut donc admettre qu'il en va de même pour le mari à l'égard du nom de son épouse ***3) Les règles de modification du nom*** \- **Les règles de modification du nom** Il existe plusieurs hypothèses où le nom de famille peut être modifié, dont l'une a été créée très récemment La première est celle **de la disparition du lien de filiation** Celui-ci peut en effet être contesté, généralement à l'égard du père, et si tel est le cas, le nom de famille transmis est automatiquement retiré ; si l'enfant portait les deux noms de famille de ses parents, **il ne conserve que l'autre** ; s'il portait le nom du père, il lui est substitué celui de la mère ; s'il portait le nom de la mère, il le conserve sans changement Néanmoins, si ce changement a lieu alors que l'enfant est majeur, il ne peut avoir lieu qu'avec son consentement (art. 61-3 du CC) Inversement, l'établissement d'un lien de filiation n'emporte pas par principe un changement de nom de famille **Exemple : Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 11 mai 2016, n° 15-17.185** L'établissement du lien de paternité par expertise biologique ne justifie pas l'ajout automatique du nom de famille du père à celui de la mère, dès lors que **le père en question se désintéresse de la vie de son enfant** L'intérêt supérieur de l'enfant exige que lui soit attribué le nom de la seule personne exerçant l'autorité parentale (la mère), l'ajout du nom du père risquant de renforcer le sentiment de rejet dont il fait déjà l'objet La deuxième hypothèse est celle de **l'adoption plénière** Si **un seul parent assume celle-ci, son nom est substitué à celui de l'adopté** ; si l'adoption est effectuée au profit de deux parents, ou qu'un conjoint adopte l'enfant de l'autre, les règles sont similaires à celles que nous avons vues pour l'attribution du nom de famille lorsque la filiation est établie à l'égard des deux parents (art. 357) S'il y a adoption simple, **l'adopté ne perd pas son nom initial** ; il y a seulement ajout du nom de l'adoptant, avec le consentement de l'adopté s'il est majeur ; là encore, l'accolement des deux noms se fera selon les règles précitées Le **changement de nom peut aussi passer par une voie administrative** Dans ce cas, **le demandeur au changement devait classiquement prouver un intérêt légitime** à changer de nom de famille : soit parce qu'il veut se débarrasser d'un nom ridicule ou de mauvaise notoriété, soit pour éviter la disparition d'un **nom de famille avec lequel il entretient des liens particuliers** (selon l'article 61 CC : il s'agit du nom d'un ascendant ou d'un collatéral jusqu'au 4^ème^ degré) Pour les noms ridicules, la jurisprudence admet généralement que les noms de famille identiques à des noms d'animaux en font partie, du moins pour ceux d'entre eux qui sont le plus souvent sujet aux moqueries L'autorisation prend la forme d'un décret publié au JO, et qui peut faire l'objet d'une **contestation devant le CE par toute autre personne intéressée**, présentant elle-même un intérêt légitime **Exemple : Conseil d'État, 2^ème^ et 7^ème^ sous-sections réunies, 4 décembre 2009, n° 309004** L'intérêt légitime à substituer le nom de famille de la mère à celui du père est caractérisé alors que celui-ci a été déchu de l'autorité parentale et condamné à une peine de réclusion criminelle de quinze ans pour des faits de viol et agressions sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans, dont son propre enfant. En l'espèce, le père ne peut lui-même se prévaloir d'un intérêt légitime pour s'opposer à ce changement. « \[...\] *la décision autorisant le changement de nom d\'un enfant mineur n\'a pas le caractère d\'une sanction à l\'encontre du parent qui avait donné à l\'enfant le nom dont il est autorisé à changer, mais constitue **une mesure prise dans l\'intérêt de l\'enfant**, au demeurant **sans incidence sur le lien de filiation*** » Le changement de nom ainsi obtenu peut s'étendre aux noms des enfants, mais avec leur consentement s'ils ont plus de treize ans Il existe aussi l'hypothèse dite de **la « francisation » du nom de famille**, prévue une loi du 25 octobre 1972 Cette demande peut être fait **concomitamment à la naturalisation et l'acquisition de la nationalité française** ; elle peut porter aussi sur le prénom Elle procède de la même manière que précédemment, via un décret, qui peut prévoir la modification du nom de famille, sa transcription en alphabet latin et en français, ou la modification du prénom Cette procédure a été longtemps employée par des vagues de personnes immigrées en France, qui souhaitaient ainsi mieux s'intégrer à la communauté nationale ; elle n'est pas tombée en désuétude, mais est globalement moins employée de nos jours **La loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation** est venue ajouter une nouvelle procédure simplifiée, qui ne s'applique que dans des hypothèses bien précises Celles-ci relevaient auparavant de la procédure administrative précitée, qui conserve son intérêt pour d'autres hypothèses, telle que la francisation du nom Désormais**, l'article 61-3-1 du Code civil** permet à toute personne de changer de nom par une simple déclaration à l'état civil, soit pour prendre **le nom du parent qui ne lui a pas été transmis**, soit pour ajouter ce nom à celui qui lui avait déjà été attribué, dans l'ordre qu'elle souhaite Si le parent dont le nom n'a pas été transmis **porte lui-même un double nom**, seul l'un d'entre eux pourra être ajouté ou substitué Cette possibilité n'est ouverte aux personnes qu'une seule fois dans leur vie ; **l'officier d'état civil ne peut demander de justification de la part de la personne**, et c'est bien là la plus grande innovation de cette nouvelle procédure : aucun intérêt légitime ne saurait être demandé pour bénéficier de cette procédure **Les motifs poussant les personnes à opter pour ce changement peuvent demeurer strictement personnels, privés**, ce qui contribue une fois de plus à la subjectivisation de l'état des personnes, l'autodétermination des éléments d'identification De plus, le parent qui n'a pas transmis son nom à l'enfant peut faire la demande d'ajout de celui-ci à titre d'usage, à condition d'en informer l'autre Le consentement du mineur est requis s'il a plus de treize ans **La circulaire du 3 juin 2022 donne des éléments d'explication ainsi que de nombreux exemples** vous permettant de comprendre les possibilités ouvertes par cette nouvelle procédure ; vous pourrez la consulter dans l'espace *Ametice* À noter : nous ne revenons pas sur les règles d'attribution du prénom ; mais, comme pour le nom de famille, **le prénom peut aussi faire l'objet d'une modification** C'est **l'article 60 du Code civil** qui prévoit cette possibilité ; toute personne intéressée peut en faire la demande auprès de l'officier d'état civil de son lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été établi Elle **peut porter aussi sur l'ordre des prénoms**, la personne pouvant préférer porter un prénom qui lui avait été donné en deuxième ou en troisième position La demande est formulée par l'intéressé, ou son représentant légal s'il est mineur, sachant que **le consentement de l'enfant sera nécessaire s'il a plus de treize ans** L'officier d'état civil peut **y donner suite** par une mention en marge de l'état civil ; mais s'il estime encore une fois que le changement est contraire à l'intérêt légitime de l'enfant, il devra déférer la demande au procureur de la république, qui pourra saisir le juge aux affaires familiales Celle-ci peut être **ordonnée par le juge aux affaires familiales**, si l'on démontre un intérêt légitime à ce changement Cet intérêt peut être établi de différentes manières : il peut résulter de **l'usage prolongé et notoire** d'un prénom différent de celui inscrit sur l'acte de naissance, ou d'un **changement de religion** justifiant le changement ou le retrait d'un prénom Il peut tenir aussi au caractère ridicule du prénom ou à sa mauvaise réputation, y compris dans une autre culture ; dans ce cas, il importe que le demandeur prouve que le prénom a déjà été modifié dans son pays d'origine, les officiers d'état civil français étant alors liés par la décision rendue à l'étranger Il **ne peut cependant résulter de motifs purement conjoncturels**, par exemple d'un conflit entre les parents de l'enfant, car l'on peut alors soupçonner que le parent faisant la demande poursuive **une intention exclusivement vengeresse**, contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant Attention : si le changement de prénom a déjà été autorisé par une juridiction étrangère, parce que la personne a une double nationalité, le juge français sera tenu par la première décision, et ne pourra refuser le changement de prénom Exemple : **Cour de cassation, 1^ère^ Chambre civile, 25 octobre 2005**, relatif à l'ajout du prénom « Bibi », refusé par les juges du fond, alors qu'un Tribunal suisse avait déjà rectifié l'état civil de l'intéressée pour lui ajouter ce prénom ***4) La nature et le régime juridiques du nom*** La qualification du nom est controversée depuis le dix-neuvième siècle Pour certains, il serait **un élément de la personnalité, indisponible, imprescriptible et extrapatrimonial** ; cela correspond non seulement à la volonté de préserver la personnalité de son titulaire, mais aussi à la fonction d'ordre public du nom, qui vise à garantir une identification certaine de la personne Il faut rappeler que le nom est aussi de ce point de vue une institution de police, ce terme devant être pris au sens général du terme Pour d'autres, **le nom serait l'objet d'une propriété de son titulaire**, ce qui en tant que tel le rapproche des droits patrimoniaux ; le nom pourrait **donc avoir une valeur**, y compris économique et commerciale, et donner lieu à des opérations monétaires ; on pourrait même en **disposer dans une certaine mesure**, ce qui est possible par le détour de certains mécanismes Il faut en vérité distinguer selon les situations, comme nous l'avons fait pour le pseudonyme Dans la majorité des cas, **le nom doit être considéré comme un élément de l'état des personnes et de la personnalité du titulaire** ; il est en tant que tel nécessaire à la vie de tous les jours et nul ne saurait en être privé ; de même, toute personne doit pouvoir être libre d'en faire usage ou non, mais elle ne pourra refuser certains actes d'identification nécessaires pour produire des effets juridiques De la même manière, **on ne saurait usurper le nom d'autrui** en faisant courir le risque d'effets juridiques qui seraient dirigés vers la mauvaise personne Comme nous l'avons vu, l'usurpation d'identité est sanctionnée de multiples manières, y compris pour des usages qui semblent assez anodins, mais qui peuvent troubler la vie privée ou la tranquillité Dans d'autres cas, **le nom peut acquérir un caractère patrimonial**, mais une opération de dissociation sera alors nécessaire Il s'agit des cas où la personne donne son nom, ou son simple nom de famille, comme **nom commercial d'une société, d'une enseigne de commerce**, ou le fait enregistrer comme **marque pour commercialiser des produits ou services** Dans ce cas, le nom acquiert bien une valeur économique, ce qui permet à son titulaire d'engager des poursuites **pour concurrence déloyale**, par exemple à l'égard d'une autre entreprise qui utiliserait le même nom ou un nom similaire pour provoquer une confusion dans l'esprit des consommateurs Il pourra aussi engager **des actions en contrefaçon de la marque**, pour les personnes qui font usage sans son autorisation du nom pour désigner des produits ou services identiques ou similaires ; la règle vaut aussi lorsqu'il y a une simple imitation du nom (ex. : Luis Vuitton) Et le titulaire pourra alors bien disposer du nom, notamment en vendant l'entreprise qui porte son nom de famille, ou en vendant la marque à une autre personne Cela est néanmoins à relativiser, comme en témoignent les affaires Bordas et Ducasse \- Bordas : **C. Cass., Ch. Comm., 12 mars 1985** : Pierre Bordas avait créé une maison d'édition portant son nom ; après avoir démissionné de la direction de celle-ci, il a voulu lui interdire l'usage de son nom ; cela a été refusé par les juges, et la société a pu plus tard enregistrer le nom Bordas comme marque \- Ducasse : **C. Cass., Ch. Comm., 6 mai 2003** : exception à la solution précitée si l'on a affaire à un nom commercialement notoire, à moins que le titulaire donne son accord exprès (*voir le commentaire de cet arrêt figurant dans l'espace Ametice pour plus de précisions*) Cela emporte-t-il une renonciation définitive ? Certainement pas Le titulaire **perd le droit d'utiliser son nom pour une activité commerciale identique ou similaire à celle de l'entreprise ou de la marque dont il s'est séparé** ; mais il doit bien sûr continuer à être identifié dans la vie de tous les jours, y compris dans sa vie professionnelle ; aussi, l'individu **conserve bien l'usage du nom figurant dans son état**, dans ces seules limites La patrimonialisation du nom ne peut donc qu'être partielle et indirecte, la dimension extrapatrimoniale conservant le dessus Certains auteurs résument cette situation en distinguant le nom commercial du nom civil ; seul le premier est approprié et disponible **B. Le sexe / genre de la personne** Le sexe fait historiquement partie de l'état des personnes Pendant longtemps, cet élément faisait l'objet d'un **principe d'immutabilité absolue** ; le sexe était fixé dès la naissance de la personne, et demeurait de façon permanente dans son état, et dans les registres de l'état civil **Les progrès de la médecine, la reconnaissance de l'identité de genre et le droit à l'épanouissement personnel** expliquent que cet élément puisse désormais évoluer au gré de la vie de la personne Si **la mention du sexe de naissance demeure lors de la déclaration à l'état civil**, de nombreux arguments militent en faveur d\'une évolution globale La volonté de faire inscrire la mention « sexe neutre » à l'état civil a ainsi été portée en France et dans d'autres pays, pour les personnes ne se définissant ni du sexe masculin ni du sexe féminin De même, l'immutabilité de l'état des personnes a dû être remise en cause pour tenir compte **de la transidentité**, qui est désormais reconnue dans des conditions bien précises Aussi, nous verrons que le sexe biologique de naissance reste déterminant en principe pour la composition de l'état de la personne, mais qu'il peut exceptionnellement être modifié pour tenir compte du sexe psychologique de la personne, et des conséquences que celle-ci lui a attachées ***1) Le sexe biologique*** **L'article 57 du Code civil**, que nous avons déjà rencontré plus tôt, dispose que **le sexe de l'enfant doit figurer dans l'acte de naissance** Ici, le droit se borne, comme depuis toujours, à une simple constatation de l'apparence de l'enfant, et de la présence d'attributs féminins ou masculins C'est donc la réalité biologique apparente qui gouverne la rédaction de l'acte de naissance, et qui gouvernait la règle d'immutabilité de l'état des personnes sur ce point Qu'en est-il **en l'absence de sexe biologique** ? La question a connu un regain d'intérêt ces dernières années ; **elle concerne les personnes dont le sexe biologique ne peut être déterminé avec précision lors de la naissance**, essentiellement parce qu'elles présentent des attributs aussi bien masculins que féminins La tentation d'inscrire « sexe neutre » à l'état civil a ainsi vu le jour et a pu être suivie dans la pratique ; une affaire très importante l'a rappelé récemment Le **TGI de Tours, dans un jugement en date du 20 août 2015**, a ainsi admis cette mention s'agissant d'une personne née sans appareil génital, mais inscrite en tant que de sexe masculin à l'état civil La **Cour d'appel d'Orléans a infirmé cette décision, dans un arrêt du 2 mars 2016**, ce qui a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2017 Selon la CA : « *admettre la requête de Monsieur Jean-Pierre D. reviendrait à reconnaître, sous couvert d'une simple rectification d'état civil, l'existence d'une autre catégorie sexuelle, allant au-delà du pouvoir d'interprétation de la norme du juge judiciaire et dont la création relève de la seule appréciation du législateur* »*.* Selon la C. Cass. : « *la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l\'état civil poursuit un but légitime en ce qu\'elle est nécessaire à l\'organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur*. » On doit alors déterminer le sexe de la **personne en fonction de son sexe chromosomique** et non de son apparence, autrement dit son phénotype sexuel **Seule une évolution législative pourrait sur ce point faire admettre le sexe neutre** D'autres Etats ont déjà pris cette voie ; en Allemagne par exemple, il est désormais possible de ne **pas faire figurer la mention du sexe dans l'acte de naissance** si la personne est intersexuelle ; il en est de même dans d'autres pays, comme la Nouvelle Zélande, où le sexe « neutre » est reconnu en tant que tel **Il arrive que des personnes naissent sous un sexe apparent déterminé**, mais sentent de manière irrépressible et profonde qu'elles appartiennent à l'autre sexe Longtemps ignoré par le droit, **la question s'est posée de savoir si l'on devait en tenir compte**, surtout depuis qu'il est possible d'effectuer une conversion sexuelle, grâce à des traitements chirurgicaux et thérapeutiques Les évolutions ont été les suivantes En 1975, la Cour de Cassation a rendu une décision dans laquelle elle estimait que **le sexe de la personne ne pouvait être rectifié à l'état civil**, quand bien même elle aurait effectué une opération de conversion sexuelle ; le principe d'indisponibilité de l'état des personnes avait été affirmé haut et fort pour écarter toute velléité à ce niveau Cette position a été maintenue jusqu'au début des années 90, et l'on admettait que la personne pouvait avoir « perdu » les attributs du sexe d'origine sans nécessairement avoir acquis ceux de l'autre sexe (voir not. C. Cass., Civ. 1, 21 mai 1990) Les choses ont changé avec **l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme**, qui accorde une part essentielle à la liberté individuelle, et particulièrement au droit à la vie privée, qu'elle estime être un droit à l'épanouissement personnel, mais aussi un droit à disposer de son corps dans une certaine mesure La CEDH a ainsi admis en 1992 (affaire ***B. c./ France*, 25 mars 1992**) qu'une personne transsexuelle pouvait **obtenir la rectification de son sexe à l'état civil pour que celui-ci corresponde à son identité sexuelle contemporaine** La Cour ne s'est pas départie de cette affirmation de principe depuis 1992 Elle l'a renouvelée en 2002, dans son **célèbre arrêt *Goodwin c./ Royaume Uni*, rendu le 11 juillet** Dernièrement, elle l'a encore confirmée dans un **arrêt en date du 9 juillet 2020, YT c./ Bulgarie** Les faits concernaient une personne inscrite comme étant de sexe féminin dans son acte de naissance, mais qui s'est toujours sentie être un homme, tant dans son apparence que dans sa psychologie, et a finalement effectué une opération de conversion sexuelle Les autorités bulgares ont refusé la rectification de son sexe à l'état civil ; la CEDH a condamné la Bulgarie, estimant que le refus de réassignation du sexe de l'intéressé était de nature à placer « *ce dernier, pendant une période déraisonnable et continue, dans une situation troublante lui inspirant des sentiments de vulnérabilité, d'humiliation et d'anxiété* » La Cour de cassation, en France, a dès lors tenu compte de cette évolution européenne et a immédiatement opéré un revirement de jurisprudence **L'assemblée plénière de la Cour a ainsi affirmé, dans un arrêt du 11 décembre 1992**, qu'il fallait **tenir compte de la réalité à la fois biologique, sociologique et psychologique** de la personne pour admettre un changement de sexe à l'état civil, et que celui-ci aurait dû être ordonné dès lors que la personne a manifestement changé de sexe et se comporte comme étant du sexe opposé à celui de sa naissance Il est à noter que **le changement de sexe s'accompagne bien entendu du changement de prénom à l'état civil**, celui-ci devant également correspondre à la nouvelle identité sexuelle de la personne Par la suite, la Cour a posé les conditions nécessaires à l'obtention du changement de sexe : que la personne **prouve la réalité du changement d'identité sexuelle** par une expertise judiciaire, ainsi que **le caractère définitif de la transformation de son apparence** (C. Cass., 7 juin 2012 et 13 février 2013) Précisément la Cour exigeait que « *lorsqu'à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe auquel correspond son comportement social* », ces conditions devant être validées par une expertise judiciaire **Un arrêt de la Cour d'appel de Rennes, en date du 26 octobre 1998** avait cependant admis le changement de sexe à l'état civil y compris en l'absence de thérapie et d'intervention chirurgicale, eu égard à l'état de santé de l'intéressé (séropositif) ; elle s'en était tenu au simple changement d'apparence et au comportement social Mais ces conditions relatives au suivi d'une thérapie ont justement elles-mêmes été condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme La **loi du 18 novembre 2016** a créé une section dans le Code civil relative à la modification de la mention du sexe à l'état civil, aux articles 61-5 et suivants Depuis, **l'article 61-5 du Code civil** dispose que la personne doit prouver son changement de sexe par une réunion suffisante de faits pour obtenir la rectification de cette mention à l'état civil Ces faits sont principalement les suivants : - La personne se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; - elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ; - elle a obtenu le changement de son prénom afin qu\'il corresponde au sexe revendiqué. Il est précisé dans l'article 61-6 que « **Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation** ne peut motiver le refus de faire droit à la demande. » ; autrement dit, c'est vraiment l'identité psychologique et sociale qui est seule prise en compte pour déterminer la légitimité de la demande de changement de sexe La décision est prise par le Tribunal judiciaire ; elle est ensuite transmise par le Procureur de la République au service de l'état civil, qui devra faire mention en marge de l'acte de naissance des changements de sexe et de prénoms **Le changement de sexe est sans effet sur les obligations auxquelles la personne est partie, ni sur les liens de filiation qui ont pu être établis auparavant** (art. 61-8 du Code civil) ; autrement dit, la personne conserve sa qualité initiale de père ou de mère à l'égard de ses enfants ; ceux-ci peuvent voir leur acte de naissance modifié pour tenir compte de la nouvelle identité du parent, mais seulement avec leur consentement ***2) Les conséquences attachées au changement de sexe de la personne*** De façon générale, l'appréhension juridique du genre de la personne, et plus particulièrement du changement de sexe, tend à renforcer l'égalité des sexes et concourt à la lutte contre les discriminations en fonction de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre Ainsi, la loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes contient un certain nombre de dispositions qui n'ont d'intérêt que si l'on admet la distinction entre les deux sexes Plus généralement, **la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle est devenue un enjeu majeur, à l'origine de nombreuses lois frappant différentes pratiques sociales et sociétales** ; il peut s'agir par exemple des discriminations à l'embauche, ou encore de la police des discours haineux Ces évolutions, qui sont nécessaires au titre du respect de la vie privée d'autrui, s'accompagnent de nombreuses revendications remettant en cause les bases sur lesquelles l'état des personnes s'est construit Ainsi, après avoir reconnu la possibilité pour une personne de changer de sexe dans son acte de naissance, c'est la référence à la conversion sexuelle biologique qui a finalement été écartée en 2016 De **nouvelles évolutions devraient à ce titre apparaître dans l'avenir**, dès lors qu'une personne pourra être considérée comme étant du sexe opposé à celui de sa naissance dans l'état civil, tout en ayant conservé les attributs de celui-ci Un autre exemple concerne la revendication de **faire disparaître la référence aux notions de** **« père » et de « mère » dans l'état civil**, et notamment les actes de naissance, pour lui substituer celle de « parent n° 1 » et « parent n° 2 » Pour l'instant, cette modification a été proposée pour les documents scolaires, où les parents d'un enfant auraient dû s'identifier comme tels La mesure vise encore à écarter tout risque de discrimination entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, tout en préservant la vie privée de chacun Finalement, ce sont des termes plus neutres qui ont été choisis par **la loi du 26 juillet 2019 pour l'école de la confiance** : « père », « mère », « représentant légal » Cette dernière mention permet de respecter la diversité des situations familiales ainsi que le droit à la vie privée de chacun, sans subir de risque de discrimination La question de la filiation a été posée frontalement aux juridictions lors d'une affaire médiatique dont l'aboutissement est tout récent En effet, la loi du 18 novembre 2016 avait bien indiqué que le changement de sexe à l'état civil d'une personne **n'entraînait aucune conséquence sur les filiations antérieurement reconnues** ; mais le législateur est resté **silencieux sur les filiations à venir** après le changement de sexe Etant donné que la conversion sexuelle n'est plus exigée pour obtenir la rectification de cette mention, **la procréation naturelle entre deux personnes du même sexe à l'état civil** devait nécessairement être appréhendée par les tribunaux La **Cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt du 14 novembre 2018**, a tenté d'y apporter une solution en imposant **la mention « parent biologique »** dans l'acte de naissance d'un enfant né de l'union de deux personnes mariées, dont l'une, initialement de sexe masculin, avait été reconnue comme femme sans conversion sexuelle, soit sans avoir pour autant renoncé à ses facultés de procréation initiales La **Cour de cassation, dans un arrêt du 16 septembre 2020**, a cassé cet arrêt ; tout en reconnaissant la nécessité d'établir la filiation à l'égard des deux parents, elle a rejeté l'innovation suggérée par la Cour d'appel, estimant que la création d'une nouvelle catégorie à l'état civil était impossible, les mentions de « père » et « mère » étant d'ordre public Enfin, **la Cour d'appel de Toulouse, saisie après renvoi, a rendu encore une autre solution dans un arrêt du 9 février 2022**, en reconnaissant **une double filiation maternelle** dans l'acte de naissance de l'enfant ; L'argumentaire de la Cour, très poussé, repose sur **la nécessaire conciliation entre l'intérêt supérieur de l'enfant** de voir sa filiation reconnue à l'égard de ses deux parents biologiques et **le droit au respect de la vie privée de ceux-ci**, ce qui inclut le droit à l'autodétermination sexuelle, la protection de l'identité de genre La cour prend également appui sur la **loi bioéthique du 2 août 2021 qui a ouvert la PMA aux couples de femmes**, et permis, dans les **articles 342-11 et suivants du Code civil**, l'établissement d'un acte de naissance comprenant une **double filiation maternelle**, mais dans ce seul cas ; là encore, le législateur a ignoré l'hypothèse d'une procréation naturelle entre deux personnes du même sexe La Cour d'appel de Toulouse estime, pour cette raison, qu'il n'y a **aucun obstacle à étendre cette double filiation à l'hypothèse d'une procréation naturelle**, celle-ci n'entraînant aucune contrariété à l'ordre public, et étant la solution la plus respectueuse des droits des personnes intéressées De façon générale, l'appréhension juridique du genre de la personne, et plus particulièrement du changement de sexe, tend à renforcer l'égalité des sexes et concourt à la lutte contre les discriminations en fonction de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre Ainsi, la loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes contient un certain nombre de dispositions qui n'ont d'intérêt que si l'on admet la distinction entre les deux sexes Plus généralement, **la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle est devenue un enjeu majeur, à l'origine de nombreuses lois appréhendant différentes pratiques sociales et sociétales** ; il peut s'agir par exemple des discriminations à l'embauche, ou encore de la police des discours haineux Nous en reparlerons ultérieurement avec l'interdiction légales des thérapies de conversion **C. Le domicile** Le domicile est le troisième élément constituant l'état des personnes considéré comme primordial Bien qu'il puisse historiquement faire l'objet de fluctuations et d'évolutions, on comprend bien sûr sa fonction, qui est celle de **pouvoir localiser juridiquement la personne**, de lui adresser des correspondances, des actes juridiques par lesquels elle s'engage,... mais aussi de la poursuivre en justice ! Là encore, comme nous le verrons, la définition du domicile s'efforce de coller le plus possible à la réalité ; pour autant, il y a encore **une dimension abstraite très importante**, le domicile pouvant ne pas être le lieu exclusif où la personne a établi son lieu de vie Cela tient encore au recoupement avec la conception concrète, qui a gagné de plus en plus de terrain en faisant triompher le subjectivisme et la possibilité pour la personne de faire varier le lieu où elle vit Surtout, la notion de domicile est maintenant « habitée » par un droit de la personnalité qui est essentiel : le droit au respect de la vie privée Nous verrons d'abord la définition du domicile (1), la détermination de celui-ci (2) puis ses principales fonctions (3) ***1) Définition du domicile*** Il faut distinguer le domicile de deux autres notions Le domicile est le **lieu du principal établissement de la personne, c'est-à-dire celui où sont centralisés ses intérêts personnels et professionnels** Il se distingue en cela de **la « résidence », qui est un second lieu où la personne peut avoir des intérêts mais d'une moindre importance** ; classiquement, il s'agit de la résidence dite « secondaire » ; c'est un lieu où la personne ne se trouve pas de façon permanente mais quand même de façon stable et habituelle Enfin, il se distingue aussi de **« l'habitation »,** qui est une notion encore plus diffuse ; il s'agit de tous **les lieux où la personne peut se trouver pour une raison ou une autre, du point de vue strictement physique, pour une durée temporaire** ; tel est le cas par exemple de la chambre d'hôtel occupée par un client Dans ce dernier cas, on considère évidemment que la personne n'est pas dans son lieu principal d'établissement, mais **cela ne la prive pas de certains droits qui lui sont propres, tels que le droit au respect de la vie privée** Exemple : c'est ainsi que les clients d'un hôtel peuvent invoquer le droit au respect de la vie privée contre les autres clients mais aussi contre l'hôtelier lui-même ; il importe peu à cet égard qu'ils ne sont que des occupants précaires des lieux, et que l'hôtelier soit propriétaire ; il ne pourra pas, notamment, installer des caméras de vidéosurveillance qui risqueraient de surprendre des moments relevant de l'intimité de ses clients, y compris pour des motifs de sécurité De la même manière, **le domicile de la personne peut être établi sans égard pour sa qualité de propriétaire ou de locataire** Exemple : un étudiant locataire d'un studio ou d'une chambre chez l'habitant a aussi droit au respect de la vie privée et peut l'invoquer contre le propriétaire ; celui-ci ne pourra pas par exemple entrer dans les lieux loués sans le consentement de l'occupant, même en son absence, ni prendre des photos, ni relever lui-même le courrier de sa propre initiative,... **Cour de cassation, 1^ère^ Chambre civile, 7 novembre 2006, n° 05-12.788** « *Attendu* \[...\] *que le droit de chacun au respect de sa vie privée s\'étend à la présentation interne des locaux constituant le cadre de son habitat et, d\'autre part, que l\'utilisation faite des photographies qui en sont prises demeure soumise à l\'autorisation de la personne concernée* » ***2) La détermination du domicile*** Souvent la détermination du domicile est assez simple **L'article 102 du Code civil dispose qu'il se trouve au lieu où la personne a son principal établissement** Pour les personnes ne disposant que d'une seule adresse, il y a superposition de l'adresse postale et du domicile, sans égard pour les critères précités Cela est corroboré par **l'article 103 du Code civil**, qui dispose que le changement de domicile s'opère par le **fait d'une habitation réelle dans un autre lieu avec la volonté d'y fixer** son principal établissement **L'article 104 invite à confirmer cette intention par une double déclaration**, tant à la mairie du domicile que l'on quitte qu'à celle du domicile où l'on emménage, mais cela n'est pas obligatoire Tout dépend donc en fait du comportement de la personne, ce qui ouvre déjà une part au subjectivisme Et si la personne occupe de manière équivalente ses diverses adresses ? Les juges, en cas de litige, **apprécieront laquelle semble être le principal établissement de la personne**, ce qui n'est pas toujours évident Exemple : c'est de ce type d'appréciation qu'étaient saisis les juges dans l'affaire de l'héritage de Johnny Hallyday Un point essentiel à signaler : il existe **un principe de libre choix du domicile**, qui est un corollaire du droit au respect de la vie privée Ce droit permet à toute personne de choisir librement le lieu où elle va établir ses principales activités, en fonction de **critères qui lui sont purement personnels** ; ce droit ne saurait subir de restrictions trop importantes Par exemple, le fait d'imposer à un avocat stagiaire d'établir son domicile à proximité du cabinet constitue une atteinte disproportionnée au libre choix de son domicile, quand bien même elle poursuivrait une finalité d'intégration dans l'environnement local (C. Cass., Ch. Soc., 12 juillet 2005) Il arrive que le domicile soit déterminé par la loi pour certaines personnes Tel est le cas pour **les fonctionnaires nommés à vie** où le lieu d'exercice des fonctions vaut domicile, pour les mineurs non émancipés, qui ont leur domicile chez leurs parents, aux majeurs sous tutelle, qui ont leur domicile chez leur tuteur Pour les couples mariés, le domicile peut être séparé sans que cela affecte les règles relatives à la communauté de vie ; cela arrive lorsque les deux époux ont des vies professionnelles différentes Certaines personnes doivent également **choisir comme domicile** un lieu différent de celui où elles vivent, lorsqu'elles n'ont pas de domicile stable ; tel est le cas pour les gens du voyage ou les bateliers, qui doivent choisir leur domicile dans une commune figurant dans une liste fixée par le ministre de la justice Enfin, il est aussi possible **de faire « élection » de domicile pour certains actes juridiques seulement** ; tel est le cas par exemple dans un contrat ; cela signifie que les correspondances et les autres actes qui lui sont relatifs seront envoyés à une adresse précise, qui n'est pas forcément celle des parties à cet acte ; il peut s'agir d'un cabinet d'avocat ou d'une étude de notaire Il faut néanmoins savoir que **les cas dans lesquels l'élection de domicile sont limités en matière civile**, alors qu'elle est libre en matière commerciale (à condition d'être très clairement stipulée dans le contrat) De plus, **l'élection de domicile est toujours spéciale**, elle ne vaut que pour les conséquences d'un acte déterminé, et entre les personnes en ayant convenues ; elle ne permet donc pas d'échapper à la totalité de ses obligations ou correspondances juridiques Enfin, l'élection de domicile est relative, au sens qu'il serait **toujours possible de s'adresser à l'une des parties à son domicile réel et habituel**, où elle est censée être présente ; il n'en va différemment que si l'élection de domicile a été convenue dans l'intérêt des deux parties ***3) Les fonctions du domicile*** Comme nous l'avons vu, le domicile est le lieu de fixation de nombreux actes juridiques, jusqu'aux plus simples Il détermine ainsi **le lieu où certains actes de la vie civile vont être accomplis**, tels que les mariages, les lieux d'ouverture d'une succession, Il détermine aussi la compétence des juridictions : classiquement, en matière civile, **le lieu du domicile du défendeur** sera pris en compte pour déterminer la juridiction compétente C'est aussi au domicile que seront envoyés des actes extrajudiciaires (assignations, saisies, commandements,...) La résidence peut suppléer le domicile dans un certain nombre d'hypothèses Ainsi par exemple, **l'article 74 du Code civil** admet que le mariage puisse être célébré au lieu où l'un des époux possède une résidence De même, à défaut de domicile connu, le lieu de signification d'un acte pourra être la résidence, car il faut bien que la personne prenne connaissance de ses obligations d'une manière ou d'une autre L'élection de domicile est aussi **obligatoire pour les sans domiciles fixes**, qui doivent choisir pour cela un centre communal d'action sociale Enfin, et cela est logique, le domicile, tout comme la résidence ou l'habitation, est le lieu où la personne peut exercer le plus pleinement son **droit à la vie privée** ; il s'agit de l'espace de « tranquillité » dans lequel elle peut s'épanouir, sans avoir à craindre d'intrusions extérieures