Réparation des Dommages Causés Sous l'Empire d'un État d'Inconscience PDF
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Geneviève Viney
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Cet article analyse la réparation des dommages causés par un état d'inconscience, notamment chez les enfants. L'étude se penche sur les arrêts de la Cour de cassation de 1984 et souligne l'évolution du droit de la responsabilité civile concernant les personnes privées de discernement. L'article met en lumière les risques d'une responsabilité uniquement tournée vers l'indemnisation des victimes et plaide pour un rôle autonome de l'assurance dans ce contexte.
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*Doc n°1 La réparation des dommages causés sous l'empire d'un tat d'inconscience : un transfert n cessaire de la responsabilit vers...
*Doc n°1 La réparation des dommages causés sous l'empire d'un tat d'inconscience : un transfert n cessaire de la responsabilit vers l'assurance Etude par Genevi ve VINEY Acc s au sommaire 1. — L'Assembl e pl ni re de la Cour de cassation a rendu, le 9 mai 1984, quatre arr tsNote 1 attirant nouveau l'attention des juristes sur le probl me de la r paration des dommages provoqu s sous l'empire d'un tat d'inconscienceNote 2. Dans les quatre a aires, il s'agissait d'un accident o un enfant se trouvait impliqu , mais, alors que, dans deux hypoth ses, le mineur avait, par maladresse, bless un camarade de jeu. dans les deux autres, il avait t lui- m me victime d'une faute commise par un adulte. Cependant la responsabilit de l'enfant fut, chaque fois, invoqu e, soit pour fonder celle de ses parentsNote 3, soit pour justi er sa condamnation personnelle envers le bless Note 4, soit en n pour motiver un partage de responsabilit au pro t de l'auteur de l'accident qu'il avait subiNote 5. Or, bien que l' ge des enfants concern s f t tr s dissemblable puisque l'un d'eux n'avait que deux ans et demi, tandis que les autres avaient respectivement 5, 7 et 13 ans, la question de l'absence de discernement fut soulev e dans les quatre esp ces. Et c'est pr cis ment ce propos que le Premier Pr sident de la Cour de cassation d cida de renvoyer les parties devant l'Assembl e pl ni re. Il constata en e et que les quatre pourvois reprochaient l'arr t attaqu d'avoir retenu une faute ou une responsabilit objective la charge d'un enfant sans rechercher si celui-ci avait eu la capacit de discerner les cons quences de l'acte qu'il avait commis. Estimant qu'il s'agissait l d'une question de principe qui divisait les juridictions du fond, le Premier Pr sident prit donc une ordonnance a n de saisir la plus haute formation de la Cour de cassation, invit e ainsi trancher solennellement ce d bat de fond. Or des quatre arr ts rendus le 9 mai 1984, il ressort clairement que la Cour supr me a poursuivi et accentu l' volution, amorc e vingt ans plus t t, en faveur de l' limination de la notion de discernement du droit de la responsabilit civile. Ce faisant, la haute juridiction para t donc approuver et mener son terme le renversement de tendance de notre droit positif qui est pass progressivement d'un principe d'irresponsabilit compl te des individus priv s de discernement l'a rmation d'une responsabilit int grale de ces personnes. Faut-il alors en d duire que, ce mouvement tant achev , les choses vont en rester l et que le droit positif va d sormais se stabiliser ? Rien n'est moins s r. En e et, ces arr ts mettent parfaitement en lumi re non seulement les risques de l'orientation prise pour la notion m me de responsabilit civile ainsi que pour le maintien d'un syst me e cace de protection des incapables, mais aussi le caract re d cevant des r sultats attendre d'une pure et simple « responsabilit pour l'indemnisation des victimes de dommages caus s sous l'empire d'un tat d'inconscience. De ce fait, ils provoquent une r exion qui devrait, notre avis, inviter les juristes prendre conscience du r le propre et autonome qu'il convient de reconna tre d sormais l'assurance c t de la responsabilit civile. Si en e et l'assurance a pu longtemps, en se dissimulant derri re la responsabilit , faire progresser é é é fl é ffi è fi è è fi à é à é é é é é ff é â é é é é é ê è ff è é é à à è ê é à î é é é é é é è é é é à é ffi é û è é ô è è é é è à ù û à é à è é é é ô fi é é é ê ff é é é à é é é é ê ê à é ô é ê à é é î à é ê é é è fi é é ff à l'indemnisationNote 6, il devient de plus en plus vident — et les arr ts du 9 mai 1984 sont l pour en t moigner — que cette in uence occulte conduit parfois une v ritable d naturation des concepts fondamentaux de la responsabilit Note 7, sans pour autant garantir pleinement l'indemnisation des victimes. Il est donc temps, nous semble-t-il, de reconna tre l'assurance son autonomie et de lui assigner o ciellement les fonctions qu'elle est seule pouvoir assumer. Si les arr ts du 9 mai 1984 pouvaient contribuer cette prise de conscience, ils prendraient alors une dimension beaucoup plus importante encore que ne le laisse supposer leur lecture. Celle-ci r v le en e et seulement la progression du mouvement qui a fait passer notre droit positif de l'a rmation de l'irresponsabilit des individus d pourvus de discernement la cons cration de leur responsabilit (I). Mais l'analyse critique des r sultats auxquels ils conduisent manifeste clairement l'incapacit du droit de la responsabilit r soudre correctement le probl me de l'indemnisation des dommages provoqu s sous l'empire d'un tat d'inconscience et la n cessit de transf rer franchement le r glement de cette question l'assurance (II). I. — LA VOLTE-FACE DU DROIT POSITIF : DE L'IRRESPONSABILIT COMPL TE LA RESPONSABILIT INT GRALE DES INDIVIDUS D POURVUS DE DISCERNEMENT 2. — Une rapide r trospective de l' volution ant rieure 1984 appara t n cessaire pour d gager la port e des arr ts de l'Assembl e pl ni re. A. — L' VOLUTION ANT RIEURE AUX ARR TS DU 9 MAI 1984 3. — C'est vers le milieu du 19e si cle que la jurisprudence a rma sans quivoque le principe de l'irresponsabilit civile des personnes ayant agi sous l'empire d'un tat d'inconscience. En ce qui concerne les ali n s, cette r gle fut consacr e d'abord propos de la responsabilit d lictuelle du fait personnel fond e sur l'article 1382 du Code civilNote 8. Mais, par la suite, elle fut tendue la responsabilit du fait des choses fond e sur l'article 1384, alin a 1Note 9 et m me la responsabilit contractuelleNote 10. Les tribunaux ne tard rent d'ailleurs pas exclure galement, la responsabilit civile des tr s jeunes enfantsNote 11, ce qui les conduisit cr er une distinction entre le mineur ayant atteint l' ge du discernement, consid r comme civilement responsable de ses d lits et quasi-d lits, sur le fondement de l'article 1310 du Code civilNote 12, et l'infans, trait , au contraire, comme totalement irresponsableNote 13. 4. — D'abord soutenue par une doctrine unanime, cette jurisprudence commen a, partir des ann es 1930, faire l'objet des critiques de certains auteurs, principalement de MM. MazeaudNote 14, qui lui oppos rent une conception purement objective de la « faute civile », conduisant s parer radicalement celle-ci de la faute moraleNote 15. Or cette fraction dissidente, d'abord minoritaire, recruta par la suite de plus en plus d'adeptesNote 16. Et elle semble avoir rapidement in uenc la jurisprudence car, tout en restant fermes sur les principes, les tribunaux imagin rent cependant di rents moyens permettant d'accueillir parfois les demandes des victimes de dommages caus s sous l'empire d'un tat d'inconscience. Ils le rent notamment en constatant que l'auteur n' tait pas totalement d pourvu de discernement au moment o il avait commis l'acte dommageable, ou en relevant sa charge une é é é é é é é à è É à à ffi é é é é ê à é é É é é è à é É é É fl é é fi é é ù é é è é é à è à è é à Ê é é è é é É é é é à é é à î à à ffi é é è à é é é ffi ê É è î é é é é é é ff é é È é ç é à fl ê À à ff é è à é é â é è ê à é é é à faute ayant elle-m me provoqu la perte de conscience, ou encore en admettant, de plus en plus facilement, la responsabilit des personnes charg es de la surveillance de l'auteur du dommageNote 17. A cet gard, on doit souligner que, lorsque le p re d'un tr s jeune enfant tait poursuivi sur le fondement de l'article 1384, alin a 4, la suite d'un dommage caus par celui-ci, les tribunaux n'h sitaient gu re, d s cette poque, prononcer des condamnations, sans s'arr ter l'objection tir e de l'inconscience du mineur. Pour y parvenir, ils se contentaient de relever que celui-ci avait commis un acte « objectivement illiciteNote 18. En n, il convient d'observer que, lorsque le dommage avait atteint non pas un tiers, mais l'enfant lui- m me, la responsabilit de celui-ci tait fr quemment retenue, en d pit de son tr s jeune ge, pour motiver un partage de responsabilit Note 19. 5. — Toutefois, malgr ces temp raments et ces accrocs, le principe de l'irresponsabilit des individus priv s de discernement fut o ciellement maintenu jusqu' l'arr t Trichard du 18 d cembre 1964Note 20. Celui-ci admit en revanche, pour la premi re fois, que l'auteur d'un dommage caus sous l'empire d'une crise d' pilepsie f t d clar responsable des cons quences de celui-ci sur le fondement de l'article 1384, alin a 1er, du Code civil. A vrai dire, cet arr t n' tait d'ailleurs pas lui-m me d nu d'ambigu t. En e et, la responsabilit « du fait des choses », seule retenue en l'esp ce contre l'ali n , tait d j en 1964 consid r e, par une large fraction de la doctrine, comme une responsabilit objective. En outre, la motivation tait elle-m me quivoque, la Cour de cassation n'ayant pas a rm o ciellement que l'absence de discernement f t compatible avec l'acquisition de la « garde d'une chose, mais s' tant content e de refuser « l'absence pileptique » le caract re d'un « cas de force majeure » susceptible d'exon rer le « gardien »Note 21. 6. — Cependant, moins de quatre ans plus tard, une tape nouvelle et d cisive fut franchie par le l gislateur lui- m me. En e et, la loi du 3 janvier 1968 portant r forme du droit des incapables majeurs ajouta au Code civil un article 489-2 aux termes duquel « celui qui a caus un dommage autrui alors qu'il tait sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins oblig r paration ». A vrai dire, sur la port e de cette disposition, les commentateurs se divis rent aussit t. Certains propos rent une interpr tation litt rale et restrictive qui permettait de pr server le principe de l'irresponsabilit des personnes priv es de discernementNote 22. En e et, soulign rent-ils, l'article 489-2 n' dicte qu'une « obligation de r parer », qui ne d coule pas n cessairement de l'existence d'une « responsabilit ». Il ne vise d'ailleurs que les dommages « caus s autrui » par l'ali n et non pas ceux dont ce dernier peut tre lui-m me victime. En n, sa place parmi les dispositions r glementant le droit des incapables majeurs impose de ne l'appliquer qu'aux adultes atteints de troubles mentaux et non pas aux autres individus priv s temporairement de leur facult de discernement, en particulier aux tr s jeunes enfants. Cependant d'autres interpr tes accordant au texte une port e plus large, pens rent que le l gislateur avait en r alit voulu porter un coup d cisif au principe de l'irresponsabilit des personnes é é ffi ffi ê é fi é é é é é ê é é é é é ï é é é é é é é é ê è é à é ê é ff ê é è é é û é ff é é é ffi é é fi é é é é é é é é é é è é à à è à é é ê é é à û è é ff é é é é é è é ê è à è é é ê é é é ô é é é é à é é é é è è ê é é è é è ê à è é è é à â é