1ère Partie - La personnalité juridique des personnes physiques PDF

Summary

Ce document est une partie d'un document plus vaste. Il traite de la personnalité juridique des personnes physiques dans le cadre du droit français. Le document décrit l'acquisition de la personnalité dès la naissance et sa fin lors du décès. Il aborde aussi les aspects liés à l'état des personnes et le régime juridique des actes de naissance. Les concepts juridiques (ex: principe d'immutabilité de l'état de la personne) seront plus développés par la suite.

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**1^ère^ Partie -- La personnalité juridique des personnes physiques** La personnalité juridique suppose avant tout **l'existence d'une personne humaine** ; cette personnalité est même bornée par la vie de la personne qui en est titulaire ; aussi, il importe avant tout de voir les conditions d'acqu...

**1^ère^ Partie -- La personnalité juridique des personnes physiques** La personnalité juridique suppose avant tout **l'existence d'une personne humaine** ; cette personnalité est même bornée par la vie de la personne qui en est titulaire ; aussi, il importe avant tout de voir les conditions d'acquisition et de perte de la personnalité juridique (Section 1) Au-delà de ces conditions, la personnalité juridique dépend aussi de ce que l'on appelle **l'état des personnes** ; celui-ci ne doit pas être confondu avec l'état civil, bien qu'ils entretiennent des liens étroits ; on entend par état des personnes tous les éléments qui permettront d'identifier avec certitude la personne (Section 2) Section 1 -- L'acquisition et la perte de la personnalité juridique ------------------------------------------------------------------- La personnalité juridique s'acquiert à la naissance (§ 1) ; certains auteurs parlent de principe de « simultanéité », au sens que la personnalité apparaît simultanément à la naissance Ce principe vaut aussi pour la fin de la personnalité, qui disparaît à la mort (§ 2) Entre ces deux dates, elle est censée durer de façon permanente, y compris lorsque la personne a disparu sans laisser de traces, pendant un certain temps ; ce sont des hypothèses spécifiques qui sont prévues par le Code civil, et que l'on appelle communément le régime de « l'absence » et celui de la « disparition » (§ 3) **Les articles 55 à 59 du Code civil** définissent le régime juridique des actes de naissance Ceux-ci sont essentiels, car ils vont produire des effets juridiques, et **déterminer déjà un certain nombre d'éléments essentiels de l'état de la personne** En l'occurrence, il s'agit de la date et du lieu de naissance de celle-ci Il existe normalement un **principe d'immutabilité de l'état de la personne**, qui traduit le fait que celui-ci, une fois établi, ne pourra plus changer tout au long de la vie de la personne ; là encore, il s'agit d'un principe hérité de la conception abstraite de la personne ; de plus en plus, des dérogations à ce principe ont fini par être admises, sur certains éléments La date et le lieu de naissance, qui sont **les caractéristiques d'un fait établi**, sont eux absolument immuables, et continuent donc de relever de ce principe d'immutabilité Nous verrons quelles sont les conditions matérielles et administratives (1) nécessaires pour reconnaître l'existence d'une personne physique à la naissance, ainsi que les premiers éléments de son état ; nous dirons également quelques mots de l'accouchement sous X (2) L'acte de naissance ne peut être dressé que **si l'enfant est né vivant et viable** ; ce sont les deux conditions usuelles nécessaires à la reconnaissance de la personnalité juridique La condition de vie suppose que **l'enfant soit né vivant**, en train de respirer, avec un cœur qui bat,... La condition de viabilité suppose que **l'enfant puisse survivre**, c'est-à-dire que son organisme ait la capacité de vivre Or il arrive parfois qu'un enfant **naisse vivant mais pas viable** et meure dans les quelques instants ou heures qui suivent l'accouchement Ces deux conditions sont incontournables, par exemple pour pouvoir hériter d'un parent selon l'article 725 du Code civil A défaut de la seconde condition, il ne peut y avoir de personnalité juridique, et on considère alors que l'enfant est mort-né \- **La déclaration de la naissance** Selon l'article 55 du Code civil, **les déclarations de naissance doivent être faites dans les cinq jours suivant celle-ci à l'officier d'état civil du lieu où elle a eu lieu** ; si ce délai est dépassé, seul un jugement peut ordonner son inscription dans les registres de l'état civil Selon l'article 56, c'est le père de l'enfant qui est censé faire la déclaration ; à défaut, ce seront les **docteurs en médecine ou chirurgie, sages-femmes et autres personnes présentes lors de l'accouchement** ; évidemment, c'est bien parce qu'on ne saurait accorder foi aux seules affirmations de la mère, qui peut revendiquer un enfant qui n'est pas le sien Ce n'est qu'à défaut de témoins, donc vraiment dans l'hypothèse où la mère a accouché seule, qu'elle est admise à déclarer elle-même la naissance (T. Civ. Toulouse, 22 décembre 1915) En pratique, **il est courant que le père se munisse d'un document réalisé par les sagesfemmes ou docteurs attestant l'accouchement** ; les mentions à porter sur ce document peuvent être variables d'une ville à une autre, bien qu'elles puissent parfois être la source de controverses Ainsi, par exemple, certaines communes exigent que le nom des deux parents figure sur le document, avec **la mention « nom d'épouse », y compris lorsque la mère utilise encore son nom de jeune fille** ; cela n'a aucune conséquence sur l'attribution du nom à l'enfant, mais apparaît peu respectueux du droit de la mère à porter un autre nom que celui de son mari Selon **l'article 57, l'acte doit énoncer le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille** ; y figureront aussi les noms, prénoms, âges, professions et domiciles des parents \- **Le choix des prénoms de l'enfant** *(nous verrons ultérieurement les règles relatives à l'attribution du nom)* **Le choix des prénoms est en principe au libre choix des parents** ; La Cour Européenne des Droits de l'Homme a affirmé que le choix du prénom par les parents présente un caractère intime et affectif, ce qui le rattache à la sphère de leur vie privée Toutefois, cette liberté n'est pas sans limites et l'officier d'état civil pouvait à l'origine refuser **un prénom qui serait contraire à l'intérêt de l'enfant**, notamment parce qu'il est ridicule, en soi ou par association avec le nom de famille, et qu'il expose l'enfant à des moqueries Ce n'est plus le cas maintenant, l'officier pouvant seulement saisir le procureur de la République s'il estime que le prénom est indécent pour une raison ou une autre ; le procureur peut ensuite saisir **le juge aux affaires familiales**, qui décidera du maintien ou nom du prénom ; s'il l'estime contraire à l'intérêt de l'enfant, le prénom **sera supprimé des registres de l'état civil** et les parents devront en choisir un autre ; à défaut, c'est le juge qui décidera seul - Ode vaisselle ; babord et tribord pour des jumeaux ; Babar ; Assedic ;... - **C. Cass., 1^ère^ Ch. Civ., 15 février 2012, n° 10-27.512** : le prénom Titeuf est contraire à l'intérêt de l'enfant - Le refus peut être motivé **pour des raisons tenant à l'ordre public** : ainsi par exemple du prénom **Mérah** donné à un garçon il y a quelques années et qui a été refusé par l'officier d'état civil du fait qu'il rappelait évidemment le nom du terroriste Mohamed Merah - Cela peut tenir aussi au respect des droits de tiers sur leur propre nom de famille ; ainsi a été refusé il y a quelques temps **le prénom composé Griezmann Mbappé**, pour cette raison ; mais on peut aussi estimer que c'est dans l'intérêt de l'enfant qu'une telle solution est justifiée ; De plus, si le choix des prénoms a pu se libéraliser avec le temps, notamment pour des raisons religieuses, **il est impératif de déclarer des prénoms en langue française et en alphabet latin** ; cela signifie que les actes doivent écrits exclusivement en français, même dans les régions où l'usage d'une langue locale est reconnu officiellement ; quant aux prénoms d'origine étrangère, s'ils ne sont pas interdits, ils doivent néanmoins être transcrits en alphabet latin ### L'exemple du tilde breton - D'une part, le signe n'est **pas totalement inconnu de la langue française**, notamment parce qu'il était déjà employé en ancien français - Par ailleurs, il est **issu d'une langue régionale**, mais aussi d'autres dialectes, qui enrichissent eux-mêmes la langue française - Surtout, il est conforme à **l'intérêt supérieur de l'enfant** de porter un prénom attestant de ses origines et de sa culture Cet exemple vous prouve à quel point le droit civil et le droit en général peut évoluer et s'adapter aux mentalités, aux modes, tout en les stabilisant sur des bases légitimes Mais ce sujet reste controversé en France, les solutions admises par les juridictions judiciaires pouvant ne pas l'être par d'autres **L'admission des prénoms écrits en langue régionale a été remise en cause** par une décision du Conseil Constitutionnel, s'agissant de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion L'article 9 de cette loi autorisait l'usage de signes diacritiques des langues régionales dans les actes d'état civil Cet article a été déclaré contraire à la Constitution : 22. En prévoyant que des **mentions des actes de l\'état civil peuvent être rédigées avec des signes diacritiques autres que ceux employés pour l\'écriture de la langue française**, ces dispositions reconnaissent aux particuliers **un droit à l\'usage d\'une langue autre que le français** dans leurs relations avec les administrations et les services publics. Dès lors, elles **méconnaissent les exigences précitées de l\'article 2 de la Constitution**. 23. Par conséquent, l\'article 9 de la loi déférée est contraire à la Constitution. » **Article 326 du Code civil** : « Lors de l\'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé. » Une femme qui accouche **dans le secret peut fournir elle-même les prénoms qu'elle désire voir portés par son enfant** ; à défaut, l'officier d'état civil choisira trois prénoms, dont le dernier tiendra lieu de nom de famille Cette possibilité permet à une femme d'abandonner délibérément son enfant pour qu'il soit pris en charge par les services de l'Etat ; elle est historiquement une alternative aux avortements, et permet aux enfants d'être sciemment pris en charge ; pour la mère, cela évite d'être poursuivie pour le délit de délaissement d'enfants C'est encore là **une conséquence de la conception abstraite de la personne, car on va présumer que l'accouchement n'aura pas eu lieu** ; la mère sera traitée comme si elle n'avait pas d'enfant, et l'enfant sera traité comme une personne juridique sans parents, comme un orphelin Pour autant, l'accouchement sous X est ainsi l'objet **d'un arbitrage entre le droit de la mère au secret et le besoin de l'enfant à connaître ses origines** Si le droit au secret de la mère a longtemps été considéré comme primant sur le besoin de l'enfant à connaître ses origines, une évolution légale a permis ces dernières années d'opérer un rééquilibrage Une première évolution a permis aux parents remettant un enfant aux services de l'aide sociale à l'enfance d'indiquer un certain nombre d'informations non identifiantes sur leur état de santé, les origines de l'enfant ainsi que les raisons et circonstances de sa remise auxdits services **L'article L 224-5 du Code de l'action sociale et des familles** (CASF) prévoit toujours cette possibilité De même, il était admis que la mère puisse lever le secret, même plusieurs années après la naissance, sans que cette possibilité fasse l'objet d'un régime spécifique C'est surtout **la loi du 22 janvier 2002** qui est venue fixer un nouveau régime juridique pour le droit au secret de la mère, spécialement à l'article L 222-6 du CASF Cet article reprend le principe du droit au secret de l'article 326 du Code civil, mais dispose que **ce droit doit être concilié avec « l'importance » pour toute à personne à connaître ses origines et son histoire** ; le choix du terme « importance », et non celui de « droit », revient à dire que le besoin de connaître ses origines n'est pas explicitement consacré comme un droit pour l'enfant, même s'il est parfois présenté comme tel ; simplement, le droit au secret est assorti de limites et d'une possibilité de remise en cause Dans ce but, la mère accouchant sous X doit recevoir un certain nombre d'informations sur les conséquences de sa décision, elle peut bénéficier d'un suivi psychologique, et elle est surtout invitée à fournir un certain nombre d'informations, qui pourront être communiquées à l'enfant Outre celles qui sont prévues par l'article L 224-5 du CASF, **elle peut donner son identité sous pli fermé, lors de la naissance ou plus tard**, et indiquer sur l'enveloppe les prénoms qu'elle souhaite voir portés par l'enfant ; il sera également précisé que ces prénoms ont été donnés par la mère Elle peut toujours décider à tout moment de **lever le secret sur son identité**, soit plusieurs années après la naissance, sans que cela n'ait d'incidence sur la filiation établie entre l'enfant et les parents qui l'ont adopté Par ailleurs, la loi de 2002 a permis la création du **Conseil national pour l'accès aux origines personnelles**, qui est chargé d'accompagner les personnes ayant engagé des recherches sur leurs origines Le Conseil peut ainsi les aider dans cette quête et **proposer une médiation entre l'enfant et les parents** ; la volonté de ces derniers, et a minima de la mère, doit être respecté ; ainsi le secret ne pourra-t-il être levé en cas d'opposition de sa part La Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que **le système français garantissait un équilibre satisfaisant entre ces droits et intérêts contradictoires** ; voir l'arrêt ***Odièvre c./ France*, du 13 février 2003, n° 42326-98** Si le droit au secret de la mère reste privilégié, le CASF fournit les moyens permettant d'opérer une conciliation au cas par cas, sans que les droits à la vie privée de la mère, de l'enfant et de la famille d'adoption soient remis en cause Les autres éléments figurant dans l'acte de naissance peuvent générer eux-mêmes des problématiques propres, que nous verrons dans le paragraphe suivant Retenons encore une fois qu'à l'origine **ces éléments faisaient l'objet du principe d'immutabilité, et n'étaient donc pas censés changer pendant la vie de la personne** ; tel n'est plus le cas, là encore au nom du triomphe de la subjectivité et de la conception concrète de la personne, et l'on admet de plus en plus que des changements puissent leur être apportés **§ 2. La perte de la personnalité juridique par la mort** Pour faire écho à ce que nous avons vu dans l'introduction, la mort marque la fin de la personnalité juridique ; le cadavre est une chose et non une personne Comme la naissance, la mort intervient avant tout par une constatation de fait (A) ; elle induit cependant des difficultés contemporaines (B) A. **Le constat de la mort** Traditionnellement, la mort est constatée par l'arrêt des fonctions vitales ; le cœur s'arrête de battre, le dernier soupir est rendu,... la constatation était assez aisée à établir Comme la naissance, **le décès doit être déclaré par l'officier d'état civil du lieu où celui-ci est arrivé, sur la déclaration d'une personne quelconque** ; à la différence de la naissance, on ne saurait exiger que ce soit des proches du défunt qui accomplissent cette formalité A défaut de cadavre, on doit s'en remettre à un jugement qui tient lieu de constatation, car il s'agit alors d'une présomption ; nous en reparlerons dans le § 3 La déclaration doit normalement **être effectuée dans les 24 heures qui suivent le décès auprès de l'officier d'état civil** du lieu où celui-ci s'est produit ; selon l'article 78 CC, tout parent du défunt peut prendre l'initiative de cette déclaration, ou toute personne qui disposera sur son état civil des renseignements les plus complets possibles ; à défaut, **il peut s'agir encore d'autres personnes, selon le lieu du décès** (établissement pénitentiaire, établissement de santé pour personnes âgées,...) ; dans ce cas, ce sont les directeurs des établissements qui se chargeront de faire la déclaration L'acte de décès doit, comme l'acte de naissance, comprendre un certain nombre de mentions selon l'article 79 CC : - Jour, heure et lieu - Prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile du défunt - Prénoms, nom, professions et domiciles des père et mère du défunt - Prénom et nom de l'autre époux, si le défunt était marié, veuf ou divorcé - Idem pour la personne pacsée - Prénoms, nom, âge, profession et domicile du déclarant et éventuellement de son degré de parenté avec la personne décédée Des cas particuliers peuvent survenir lorsqu'il s'agit de déclarer le décès **d'une personne non identifiée**, par exemple parce que le cadavre est découvert vraisemblablement plusieurs jours, semaines ou mois après la mort, ou lorsqu'il est établi que la personne, même identifiée, a subi **une mort violente** Dans le premier cas, **l'officier d'état civil du lieu de la découverte** devra dresser l'acte de décès avec le signalement le plus complet possible (art. 87 CC) Dans le second cas, l'acte de décès ne pourra être dressé qu'après **examen par un officier de police et un médecin légiste de l'état du cadavre**, ces indications pouvant servir à une enquête sur les circonstances de la mort (art. 81 CC) Dans tous les cas, le décès sera **mentionné en marge de l'acte de naissance de la personne** ; ce document, qui a vocation à être archivé, contient à lui seul les dates de début et de fin de la personnalité juridique B. **Les difficultés propres au constat de la mort** Mais, avec les progrès de la médecine, il se peut désormais qu'elle n'arrive pas d'un seul coup ; en effet, on distingue désormais la mort cérébrale de la mort biologique, la première supposant l'abolition de la conscience mais pas des fonctions vitales Dans ce cas, comment considérer le moment de la mort de l'individu ? Désormais, on estime que c'est **la mort cérébrale qui correspond au moment de la mort**, depuis un décret du 2 décembre 1996 ; c'est également la position affirmée par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 2 juillet 1993 On s'en remet donc à des critères médicaux pour déterminer ce moment, il y a aussi une raison pratique à cela : la mort cérébrale permet d'effectuer des prélèvements d'organes en bon état de fonctionnement et de conservation Et c'est aussi pourquoi cette position est critiquée car la mort cérébrale n'implique pas forcément l'abolition du fonctionnement des autres organes On voit ici poindre une problématique importante : **la réification du corps humain** et de ses éléments, qui sont alors considérés comme des choses disponibles et utilisables, une fois le fonctionnement du cerveau interrompu D'autres problématiques sont apparus sur la mort ; ainsi du **recours à l'euthanasie, aux soins palliatifs et au refus de l'acharnement thérapeutique** ; il y a ici conflit entre la conception objective et la conception subjective de la dignité humaine : doit-on tout faire pour sauver une vie humaine, même contre la volonté de la personne qui souhaite mourir ? **La loi Kouchner du 4 mars 2002** a fait du recours aux soins palliatifs un droit du malade en fin de vie ; ils ne peuvent être mis en œuvre qu'avec l'accord du patient ou de ses proches, et ne visent qu'à soulager la personne des souffrances qu'elle endure avant la mort **La loi Leonetti du 22 avril 2005** incite le personnel soignant à de pas faire preuve d'une « obstination déraisonnable », lorsqu'un patient en fin de vie est dans une situation irrémédiable Si la France n'autorise toujours pas l'euthanasie active, l'affaire Vincent Lambert a évidemment déchaîné les passions ces dernières années sur le sujet ; nous en parlerons dans la deuxième partie du cours, au titre du droit à la vie ; celui-ci peut-il se muer en « droit à la mort » ? **§ 3. L'absence et la disparition** **A. Le régime de l'absence** On parle « d'absence », au sens du Code civil, lorsqu'une personne a disparu sans donner de nouvelles à ses proches ; rien ne présume qu'elle soit décédée, mais on ne sait plus où elle se trouve et aucune communication n'a pu être établie L'article 112 du Code civil dispose ainsi que la personne **doit avoir cessé de paraître au lieu de son domicile sans que l'on en ait eu de nouvelles** Le régime de l'absence date de 1804 et est le plus ancien des deux régimes que nous étudions ici ; cela est logique, car à cette époque les disparitions non expliquées étaient nombreuses en raison des déplacements de population, de l'insécurité qui régnait sur les routes ou des nombreuses guerres qui ont opposé les Etats européens Dans ce cas, deux périodes doivent être distinguées : la présomption d'absence, qui dure dix ans, et la déclaration d'absence qui est définitive (sauf réapparition de l'absent) Dans un premier temps, **on parle d'une période de présomption d'absence**, pendant laquelle l'individu est présumé être encore en vie ; tout sera organisé, pendant cette période, pour que les droits et les biens de l'absent soient préservés et administrés Le juge des tutelles peut ainsi **organiser les modalités de cette administration**, à la demande de toute partie intéressée, qui sera généralement un membre de la famille Plusieurs possibilités sont ouvertes : - L'absent peut avoir **désigné un mandataire** avant de disparaître ; celui-ci poursuivra donc l'administration de ses biens ; - **Le conjoint de la personne absente** pourra aussi se voir investi des pouvoirs de décisions sur les biens de celui-ci, et également sur les biens communs aux deux époux ; des décisions qui auraient normalement nécessité l'accord des deux conjoints pourront alors être prises par lui seul ; - Le juge pourra aussi désigner **une autre personne chargée de l'administration** des biens de l'absent ; il peut s'agir d'un membre de la famille, dont les pouvoirs seront similaires à ceux du **régime de tutelle** pour les majeurs incapables. Pendant cette première période, qui est de dix ans maximum, **tout sera fait comme si l'absent était encore présent** ; il pourvoit ainsi aux charges du mariage, dans des proportions fixées par le juge, il continue de percevoir ses pensions de retraite,... La personne qui le représente **pourra prendre un certain nombre de décisions**, y compris de disposer de certains biens en les vendant ; inversement, cette gestion peut permettre d'enrichir le patrimoine de l'absent, et le Code civil prévoit que **les droits acquis sans fraude pendant cette période ne seront pas remis en cause** s'il est établi ultérieurement que la personne est décédée, peu importe la date de son décès (art. 119) L'application de cette règle **concerne aussi bien les tiers que les héritiers de la personne absente** ; on ne saurait donc leur réclamer le remboursement des sommes perçues de bonne foi pendant la période de présomption d'absence, même lorsqu'il est prouvée, ultérieurement, que la personne était en fait décédée pendant cette période ; l'article 119 dispose bien que la date du décès importe peu **Cour de cassation, 2^ème^ Ch. Civ., 21 juin 2012, n° 11-16.050 Cour de cassation, 1^ère^ Ch. Civ., 17 mai 2017, n° 16-18.425** Les héritiers d'une personne absente ne sauraient être condamnés au remboursement des pensions de retraite qui ont continué à être versées pendant la période de présomption d'absence, même lorsqu'il est établi qu'elle était décédée dès le début de cette période (*dans la deuxième affaire, les pensions ont été versées pendant huit ans, alors que la personne absente était décédée trois jours après sa disparition, le corps n'ayant pas été retrouvé pendant toutes ces années*) Enfin, si la personne reparaît pendant cette période, elle réintègre immédiatement ses droits et son patrimoine, et il est mis un terme aux mesures provisoires d'administration (art. 118 CC) Si jamais le décès est prouvé pendant la période de présomption d'absence, ces mesures cessent également pour organiser la succession du défunt Dans un second temps, on passe à **la période dite de « l'absence déclarée »**, qui s'ouvre dix ans après le jugement de présomption d'absence, si la personne n'a pas reparu et que son décès n'est pas établi Le Tribunal judiciaire pourra alors **rendre un jugement de déclaration d'absence**, selon l'article 122 du Code civil, à la demande de toute partie intéressée ou du ministère public Il est également possible de demander directement un tel jugement, sans passer par la période dite de présomption, s'il est établi que la personne absente a disparu depuis 20 ans La requête par laquelle la déclaration d'absence est demandée **fait l'objet de mesures de publicité dans la presse locale du lieu où l'absent avait son domicile** ; elle peut aussi être accompagnée d'une **mesure d'instruction par le procureur de la République**, par exemple pour élucider les circonstances de l'absence, et vérifier s'il n'y a pas matière à enquête policière Les mesures de publicité sont censées **susciter des réactions** de la personne elle-même, ou bien d'autres personnes qui peuvent connaître des éléments sur les circonstances de son absence (par ex. : le lieu et le moment de sa dernière apparition) Un an après ces mesures de publicité, il est officiellement prononcé la déclaration d'absence, le jugement étant lui-même publié **La déclaration d'absence produit les mêmes effets que le décès, si celui-ci avait été constaté** ; autrement dit, la personne juridique est censée survivre pendant la période de présomption, puis elle disparaît à partir du jugement déclaratif La succession du défunt est alors organisée, et les mesures d'administration provisoire sont définitivement suspendues ; **le mariage de l'absent est alors dissous**, et le conjoint peut contracter un nouveau mariage... et si l'absent reparaît après cette déclaration ? L'hypothèse a été prévue par le Code civil aux articles 129 à 132 **Le jugement de déclaration d'absence pourra être annulé** à la demande du procureur de la République ou de toute partie intéressée, dont l'absent lui-même Il recouvre tous ses biens et droits et ceux qu'il aurait dû recueillir dans l'état où il se trouve ; il peut également les récupérer « par équivalence », c'est-à-dire obtenir les sommes d'argent équivalentes à ceux de ses biens qui auraient été vendus Par contre, son mariage reste dissous (art. 132)... à ce niveau, la dimension extrapatrimoniale l'emporte sur les considérations économiques **B. Le régime de la disparition** Comme nous l'avons indiqué plus tôt, le régime de la disparition se distingue de celui de l'absence par les circonstances ayant entouré la disparition de la personne ; alors que rien ne présume que l'absent soit décédé, il en va différemment de la disparition, qui ne s'applique que dans les **cas où la personne a disparu dans des circonstances laissant présumer son décès** Le régime de la disparition a été créé aux articles 88 et suivants du Code civil, comme une variation et une simplification de l'absence, pour les cas où se réunissent de telles circonstances Selon l'article 88 du Code civil, tel est le cas lorsque la personne a disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, et que **le corps n'a pas pu être retrouvé** L'absence de corps constitue le seul point commun entre les deux régimes, dont l'application va en sens contraire l'un de l'autre Tel est le cas pour les personnes disparues en mer, lors d'accidents d'avion,... ou même de personnes dont les corps ont été retrouvés mais qui ne peuvent être identifiées avec certitude En cas de disparition, c'est **encore un jugement qui devra établir celle-ci**, et qui vaudra en fait déclaration de décès Celui-ci doit être rendu par le **tribunal judiciaire du lieu de la disparition**, ou à celui du lieu du domicile de la personne disparue ; en cas de disparition multiple, une requête collective peut être déposée au Tribunal Le tribunal peut encore ordonner des **mesures d'enquête administrative** pour faire la lumière sur ces circonstances, et il devra fixer dans tous les cas une date certaine dans le jugement, quand bien même elle ne serait qu'approximative **Les effets de ce jugement sont les mêmes que pour la déclaration d'absence** ; la différence tient donc au fait que, dans le cas de la disparition, il n'y a pas de période de présomption Par contre, il est encore possible, et prévu, que la personne disparue reparaisse ; dans ce cas, comme pour l'absence, le jugement pourra être annulé et la personne devra réintégrer ses droits et biens dans l'état où ils se trouvent

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