Histoire du droit de la famille PDF
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Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
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Ce document traite de l'histoire du droit de la famille dans différents contextes et époques, en abordant des sujets comme le mariage homosexuel, l'état civil, la mort civile, la filiation et la succession. Il présente différents points de vue et perspectives en matière de droit de la famille.
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HISTOIRE DU DROIT DE LA FAMILLE Introduction 1. Pourquoi dans la plupart des pays occidentaux le mariage homosexuel est autorisé, et dans d’autres pays l’homosexualité est un délit/crime : ◦ Fondement religieux qui condamne l’homosexualité. ◦ Les grandes religions voi...
HISTOIRE DU DROIT DE LA FAMILLE Introduction 1. Pourquoi dans la plupart des pays occidentaux le mariage homosexuel est autorisé, et dans d’autres pays l’homosexualité est un délit/crime : ◦ Fondement religieux qui condamne l’homosexualité. ◦ Les grandes religions voient la procréation comme essentielle à la perpétuation de l’humanité, influençant la législation. ◦ Droits de l’homme post-révolutionnaires placent l’homme au-dessus de la religion, posant des limites à l’idéologie religieuse. ◦ Droit naturel versus droit positif : tandis que le droit naturel est immuable, le droit positif peut être modifié par les hommes. I. L’état civil ou la double existence : le juridique et le physique 1. Émergence de l’existence juridique et physique : ◦ Infans conceptus : « l’enfant conçu est considéré comme né toutes les fois qu’il en va de son intérêt » (Paul, Digeste). ◦ Antiquité : différentes thèses (Platon, Aristote) sur la vie prénatale. ◦ Moyen-Âge et droit canonique : Vie prénatale sacralisée, avortement condamné. ◦ Post-Renaissance, droit royal conserve les principes canoniques. ◦ L’enfant in utero n’a pas de personnalité juridique reconnue ; la sacralisation est due au baptême, indispensable pour obtenir des droits successoraux. ◦ Viabilité : définition fluctuante au fil des siècles (ex. JP du parlement de Paris, 1494). ◦ Code civil et circulaires (1980s) fixent des critères de viabilité, révisés par une décision de 2008. 2. La mort civile : ◦ Mort civile religieuse : les religieux deviennent « morts » au sens juridique pour entrer dans les ordres religieux. ◦ Mort civile pénale : fiction juridique attachée aux peines les plus sévères. Exemple : condamnés aux galères perdent la personnalité juridique jusqu’à grâce royale. ◦ Révolution française : abolition de la mort civile des religieux, maintien de la mort civile pénale qui disparaît en 1864. II. L’état civil 1. Émergence de l’état civil : ◦ Rares écrits au Moyen Âge, principalement réservés à l’église. ◦ Administration paroissiale, tenue par les prêtres, essentielle pour les registres de baptême, mariage et sépulture. ◦ Ordonnances royales : ordonnance de Villers-Coteret (1569), obligation du français dans les actes. ◦ Ordonnance de Blois (1579) et ordonnance civile de Louis XIV (1667) fixent des exigences d’écriture. ◦ Discrimination religieuse sous l’édit de Fontainebleau (1685), répercussions sur le statut des protestants. ◦ 1792 : décret laïcise l’état civil, transféré aux municipalités. ◦ Sous le 2nd empire, introduction des livrets de famille et des cartes d’identité. PARTIE 1 : LE DROIT MATRIMONIAL CHAPITRE 1 : ROME SECTION 1 : LE MARIAGE Périodes de la Rome antique : ◦ Période archaïque jusqu’à -600 av. J.-C., marquée par l’invasion étrusque. ◦ Période royale (-600 à -509) dominée par les étrusques. ◦ Période républicaine (-509 à -27 av. J.-C.), époque impérialiste avec conquêtes de l’empire carthaginois et perse. ◦ Période impériale (début -27 av. J.-C. jusqu’à 476 après JC pour l’Empire romain d’Occident, et jusqu’en 1453 pour l’Empire romain d’Orient). ◦ Transition vers le christianisme, bouleversement du droit de la famille, passage à un ordre religieux. Thèmes de l’église : ◦ Lutte contre l’adultère (+), ◦ Lutte contre l’homosexualité (++), ◦ Lutte contre l’inceste (+++). I. FORMATION DU MARIAGE ◦ Système patriarcal : autorité absolue du pater familias, homme le plus âgé du groupe, autorité sur tous les membres de la famille, y compris esclaves et clients. ◦ Esclavage : essentiel dans le système romain, les esclaves étaient traités comme des biens meubles, preuve de richesse, souvent capturés lors des guerres. ◦ Sénat : constitué de 300 sénateurs puissants à la période républicaine, souvent les pater familias les plus puissants. ◦ Système dotal : mariage comme politique familiale, avec dot apportée par la femme, servant au bien-être du mari et de sa famille. ▪ Dot restait la propriété de la femme, distincte de la famille du mari. ◦ Dimension formelle : rites simples mais non primordiaux, échange de consentement avec une mariée portant un voile rouge. ◦ Degrés de parenté : moins stricts sous le polythéisme, mariage interdit entre parents proches, incestes restreints sous le christianisme. Influence du christianisme : ◦ Réduction des pouvoirs du pater familias avec la montée en puissance de l’empereur et l’intervention de l’Etat. ◦ Modèle chrétien : droits divins et préceptes évangéliques sur le mariage et la famille. ◦ Monogamie : même avant le christianisme, avec un âge minimal pour le mariage lié à la puberté (12 ans pour les filles, 14 pour les garçons). ◦ Interdictions : mariage entre adoptants et adoptés, entre plébéiens et patriciens. ◦ Types de mariages : ▪ Mariage cum manu : perte totale des liens avec la famille d’origine, intégration complète dans la famille du mari, incapacité juridique complète. ▪ Mariage sine manu : maintien des liens avec la famille d’origine, maintien d’une capacité juridique, disparu sous l’Empire. II. DISSOLUTION Influence du christianisme sur la dissolution : ◦ Durcissement et interdiction du divorce, surtout en Occident à partir du 12e siècle. ◦ Bible : Nouveau Testament apporte des préceptes sur le mariage et le divorce. ▪ Jésus interdit la dissolution sauf pour porneia (adultère au sens large). ▪ Adultère condamné à égalité entre homme et femme, contrairement à la Rome classique. ◦ Rome classique : ▪ Divorce simple, répudiation courante. ▪ Le mariage cum manu ne permettait pas de divorce, seule possibilité en mariage sine manu. ▪ Octave Auguste prend des mesures pour limiter le divorce en 18 av. J.- C., visant à restaurer les mœurs et la démographie. ▪ Concubinage courant, diminution du mariage traditionnel. ◦ Conditions légales : ▪ Pour la femme : homicide, empoisonnement non mortel, violation de tombeau. ▪ Pour l’homme : adultère de la femme, empoisonnement, rôle de proxénète. ▪ Sanctions pour la femme : perte de dot et exil sur une île. ◦ Divorce par consentement mutuel : ▪ L’église l’interdit dès le 6e siècle, sauf pour impuissance ou stérilité. ▪ Stérilité perçue comme cause légitime pour le divorce, imputer la faute à l’homme est plus difficile. ◦ Surveillance post-dissolution : ▪ Femme surveillée pour éviter l’avortement après la dissolution. ▪ Mesures pour renforcer la surveillance, notamment après la mort du mari. ◦ Célibat et chasteté : ▪ Auguste condamne le célibat en 18 av. J.-C. ▪ Constantin abroge cette interdiction (320). ▪ Idéal chrétien : virginité perpétuelle, chasteté totale. ▪ Permis dans le mariage, fornication condamnée. SECTION II : FILIATION A. Distinction entre enfants légitimes et illégitimes : ◦ Enfants légitimes : ▪ La filiation dans l'Antiquité romaine était fondée principalement sur la paternité, selon le principe "mater semper certa est" (la mère est toujours certaine). ▪ La maternité créait un lien de cognation (parenté par le sang) entre la mère et les enfants, distinct du lien d’agnation (lien juridique entre l’enfant et le père). ▪ Dans le mariage cum manu, il y avait un lien d’agnation entre la mère et ses enfants, la rendant comme la sœur de ses propres enfants dans une fiction juridique. ▪ L'enfant né entre 6 mois après la conclusion du mariage et 10 mois après la dissolution fait fonctionner une présomption de paternité. Cela ne tient pas compte de la réalité biologique mais de l'intérêt de l’enfant. ▪ Plin (13 mois après le divorce) a modifié cette présomption pour faciliter la preuve de la paternité. B. Autorité du pater familias ▪ La puissance du pater familias diminue progressivement de l’époque archaïque jusqu’à l’empire. ▪ À l’origine, sa puissance était absolue : il pouvait abandonner ses enfants, les vendre, les réduire en esclavage, et même les mettre à mort sans justification. ▪ Le développement économique et social réduit son autorité, notamment avec la possibilité pour les enfants d’acquérir un pécule en fin de république, leur permettant d’avoir des biens propres. ▪ L’empire interdit la vente des descendants au 3e siècle, mais le pouvoir du pater familles reste substantiel, surtout en termes de gestion des biens du clan. ▪ Terreur du pater familias : le crime de parricide (meurtre du pater familias) est le plus grave à Rome, symbolisé par la peine du sac : une peine extrêmement sévère, signifiant la disparition totale de la personne, illustrant la gravité de l’infraction. I. FILIATION LÉGITIME ET INFLUENCE CHRÉTIENNE ▪ Le christianisme limite fortement le pouvoir du pater familias en interdisant l’exposition d’enfants. ▪ Mariage : dans la Rome pré-chrétienne, le mariage était considéré comme un simple contrat avec une dimension religieuse. L’église transforme le mariage en un sacrement, ajoutant une dimension divine qui justifie son indissolubilité. ▪ Un enfant né dans un mariage chrétien est donc légitime, non seulement par la loi mais aussi par la grâce divine, renversant ainsi la simple notion de contrat présente dans la Rome polythéiste. ▪ Le concubinage, accepté dans la Rome pré-chrétienne, est aussi réformé par l’église pour être remplacé par le mariage légitime. II. LA FILIATION NATURELLE Nature et statut de l’enfant naturel : ◦ Enfant né hors mariage : ▪ Le statut de l’enfant naturel varie selon les contextes, allant d'une relation sexuelle courte à un concubinage stable. Il est appelé "naturel" en raison de son absence de mariage. ▪ Peut être né de parents non mariés ou d’un/des parents adultères ; dans ce cas, il est qualifié d’adultérin, et dans le cas d’un lien de parenté entre parents non mariés ou adultérins, l’enfant est qualifié d’incestueux. ◦ Statut juridique : ▪ L’enfant naturel n’a aucun lien juridique avec son père, le lien étant agnatique. Il est cependant lié à sa mère par un lien de cognation (parenté par le sang). ▪ En cas de filiation naturelle, il n’y a pas de lien juridique entre le père et l’enfant. Le lien juridique est établi uniquement par le statut légitime. ▪ L’enfant suit le statut de sa mère : citoyen si elle est citoyenne, esclave si elle est esclave. La filiation est donc volontaire pour le père, tandis que la mère est le seul parent reconnu, ne pouvant exercer la paternal potestas (puissance paternelle), ce qui signifie que l’enfant est sui juris (sujet de droit) dès le départ, plutôt que alieni juris (sous l’autorité d’un autre, typiquement le pater familias). ▪ Le lien naturel entre la mère et l’enfant génère des obligations, comme l’obligation alimentaire réciproque, qui ne peut être brisée, car c’est un lien naturel plutôt qu’un lien de droit. Influence de l’église : ◦ Réforme chrétienne : L’église introduit une nouvelle norme morale, dégradant la situation des enfants naturels (adultérins et incestueux). ◦ Constitutions impériales (Honorius et Arcadius, 405) : elles visent les enfants naturels incestueux et adultérins en les rendant "trouvés" juridiquement, effaçant le lien de cognation. ◦ Légitimation rétroactive : Dès Constantin au début du 4e siècle, l’église permet aux concubins de légitimer leurs enfants, mesure temporaire visant à créer une fiction juridique comme si les parents étaient mariés au moment de la naissance de l’enfant. ◦ Cette mesure temporaire devient définitive au 6e siècle, effaçant la distinction entre enfants légitimes de base et enfants devenus légitimes par mariage subséquent. ◦ L’enfant est alors placé sous la paternité de son père qui n’avait aucun lien avec lui précédemment et ne possédait aucune capacité successorale. ◦ Sous Justinien, les enfants naturels simples se voient reconnaître une capacité successorale partielle. III. FILIATION ADOPTIVE (≠ ADOPTION) Différence entre adoption et adrogation : A. Adrogation ▪ L’adrogation est un acte qui fait passer un individu sui juris (capable de le faire) sous la puissance d’un autre pater familias. L’adrogé, qui peut être lui-même pater dans son propre groupe familial, tombe sous l’autorité d’un autre adrogeant. ▪ Ce processus voit l’adrogé changer de statut avec une capitis deminutio (perte de la capacité juridique et modification du statut personnel). Aux époques archaïque et républicaine, l’adrogation était un acte public et collectif, nécessitant l’intervention de la puissance publique et du peuple (comices). Sous l’Empire, l’empereur prenait en main ce processus par un rescrit impérial. ▪ L’acte d’adrogation est solennel, influencé par des conditions strictes de forme et de fond. L’adrogeant devait avoir au moins 60 ans pour minimiser la concurrence avec ses propres enfants naturels, et les impubères ne pouvaient pas être adoptés pour éviter tout préjudice au patrimoine de l’adrogé et à ses créanciers. ▪ Une fois bien effectuée, l’adrogation confère à l’adrogé le statut d’enfant légitime sous la puissance du pater, avec des conséquences patrimoniales importantes. B. Adoption ▪ L’adoption a des conséquences moindres et est un acte privé. La justice sanctionne simplement l’acte privé sans lui conférer la rigidité de l’adrogation. Elle repose sur la rupture entre l’enfant et sa famille d’origine, et se fonde sur la mancipation (prendre avec les mains) sous la République, avec une formalité très stricte. ▪ Sous la République, l’adoptant et le père biologique de l’enfant devaient aller chez un magistrat pour officialiser leur accord. ▪ L’adoption signifie que l’enfant entre dans une nouvelle famille sous l’autorité de l’adoptant, mais ne concerne pas tous les membres de la famille, contrairement à l’adrogation. ▪ Si l’enfant adopté est plus tard émancipé par son père adoptif, il perd tous ses droits successoraux sur la nouvelle famille ainsi que sur l’ancienne. ▪ Justinien, dans le Corpus Juris Civilis, distingue l’adoption entre plénière et simple. L’adrogation meurt naturellement. L’adoption simple permet à l’adopté de conserver ses liens avec sa famille d’origine tout en étant placé sous la paternité de l’adoptant. Ces nouveaux liens n’effacent pas les liens antérieurs, créant une superposition des relations juridiques. L’adopté garde ses droits successoraux sur les biens de sa famille d’origine tout en étant intégré dans la famille adoptive. PARTIE 2 : ANCIEN DROIT FRANÇAIS Cette période se divise en deux temps en ce qui concerne le droit de la famille. Premièrement, de l'an 1000 au 16e siècle, et ensuite, du 16e siècle à la Révolution. Au Moyen Âge, le droit et la justice de l'Église dominent largement tout ce qui touche au droit de la famille. À partir du 16e siècle, le droit royal et les tribunaux royaux prennent le relais du droit de la famille. 1. Le mariage Encouragement par l'Église : Le mariage est fortement encouragé par l'Église, la norme sociale étant le mariage suivi des enfants. Il n'y a pratiquement pas de législation qui condamne le célibat, sauf pour le clergé. Au Moyen Âge, environ 10 à 15 % des femmes sont célibataires, principalement en raison de leur pauvreté ou de leurs conditions sociales (par exemple, la dot) ou pour des raisons physiques (malformations). Âge du mariage : Les filles du tiers état et les femmes du peuple (98 % des femmes) se mariaient en moyenne vers l'âge de 23 ans à la fin du Moyen Âge et à l'époque moderne. Le nombre d'enfants n'était pas très élevé, avec une mortalité infantile élevée (la moitié des enfants ne dépassant pas la première année). Des pratiques de contraception et d'avortement rudimentaires existaient déjà à cette époque, bien que limitées et variées selon les périodes. Norme religieuse : Ces aspects s'inscrivent dans un contexte où le christianisme dominait la société. Les normes juridiques et sociales étaient largement influencées par le cadre chrétien, directement ou indirectement appliqué par le droit et la justice. CHAPITRE 1 : CONDITIONS DU MARIAGE Dimensions juridiques et sociales : Les conditions du mariage au Moyen Âge sont à la fois juridiques et sociales. La société médiévale de l'ancienne France était organisée selon un système trifonctionnel (Oratores, Bellatores, Laboratores), où les individus étaient classés en trois ordres hypothétiques d'après une origine indo-européenne. Noblesse et roturiers : Le système de l'ancienne France ne distinguait pas explicitement les nobles des non-nobles dans les textes, mais dans les faits, il s'agissait d'une union inégale. Un homme noble qui épouse une femme non noble l'incorpore dans son groupe social par mariage. De même, une femme noble qui épouse un roturier devient libre, bien que toujours non noble. Transmission de la servilité : L’enfant suit la condition de la mère. Le droit canonique essayait d'adoucir cette règle en affirmant que si pendant la grossesse la femme devenait libre, l’enfant serait libre à sa naissance. Seuls les enfants légitimes étaient reconnus juridiquement. Société fondée sur le catholicisme : Dans cette société divisée en ordres, le catholicisme jouait un rôle central. Les mariages interreligieux n’étaient pas permis pour éviter la naissance d'enfants considérés comme infidèles. Les relations avec des groupes non chrétiens, tels que les juifs ou plus tard les protestants, étaient limitées et souvent jugées inacceptables pour la pureté religieuse des familles. CHAPITRE 2 : LA FORMATION DU MARIAGE SECTION 1 : ÉPOQUE MÉDIÉVALE (droit canonique / juridictions ecclésiastique) 1. Principe consensuel ◦ Solos consensus obligate : Le consentement est essentiel. À partir du 12e siècle, cette maxime s'impose avec la renaissance du droit romain, mettant en avant le consensualisme. Avant cela, le formalisme dominait, avec des actes visibles et ritualistes. ◦ Le mariage est un sacrement fondé sur le consensualisme, selon les canonistes qui le voient comme une répétition du mariage originel entre Adam et Ève. En Orient, le mariage est plus sacré, tandis qu'en Occident, il est influencé par le droit romain. ◦ Les canonistes estiment que le mariage, à la fois sacrement, contrat et solution contre la concupiscence humaine, doit inclure la procréation. Bien que saint Jérôme prône une vision stricte de la procréation, cette idée est minoritaire. ◦ La position de l'Église est parfois ambiguë concernant le consentement. Pour elle, le mariage n'est parfait que par la consommation, même si le consentement échangé lors des fiançailles est suffisant. Les canonistes dominent cette question, affirmant que le mariage est parfait et indissoluble uniquement si il y a à la fois consentement et consommation. ◦ Le consentement ne peut être aliéné; un aliéné ne peut pas se marier. La violence viciait le consentement, mais une crainte révérencielle (comme celle d'un enfant envers ses parents) n'était pas retenue. Le dol, même trompeur, ne viciait pas le consentement car il était considéré comme une ruse admissible dans la séduction. ◦ L'erreur concernant l'identité physique ou juridique de la personne épousée était répréhensible. L'erreur sur la condition sociale n'était pas retenue. 2. Principe formel ◦ Opposabilité au tiers : Le mariage était entouré de rites pour assurer sa publicité et éviter que des tiers y soient opposés. Ces rites, inspirés du droit romain ou barbare, comme les anneaux et le voile, ainsi que la bénédiction nuptiale, étaient recommandés pour distinguer le mariage du concubinage. ◦ Les rites étaient variés selon les régions, mais à partir du 13e siècle, ils se sont uniformisés, avec l'Église insistant sur trois éléments : la publication des bans, l'échange public de consentement, et la bénédiction nuptiale. Le non-respect des rites n'entraînait pas la nullité du mariage. ◦ La preuve du mariage, en l'absence de registres, reposait souvent sur des témoins. Les bans publiés et l'échange public de consentement étaient essentiels pour prouver l'existence du mariage. 3. Empêchements ◦ Empêchements prohibitifs : Les empêchements moins graves, ceux qui pouvaient encore être contournés. ◦ Empêchements dirimants : Touchent aux règles les plus sévères, sans possibilité de contournement. Cette distinction est formalisée au 13e siècle. ▪ Empêchement dirimant absolu : ▪ Une personne déjà mariée. ▪ Les impubères (âges préalables au mariage). ▪ L'impuissance, avec la preuve difficilement accessible pour les deux sexes. ▪ L'interdiction pour un moine de se marier, bien que des prêtres mariés existent encore au 11e et 12e siècles. ▪ Empêchement pour cause de parenté : ▪ Consanguinité : des interdits s'appliquaient jusqu'au 7e degré canonique. ▪ Parenté spirituelle : l'interdiction de mariage entre parrains et filleuls, en raison de la relation sacramentelle. ▪ Parenté par affinité : interdite avec les membres de la famille de l'époux(e). ◦ Mariage putatif : Reconnaissance par la justice canonique d'un mariage vicié, permettant à un des conjoints de bonne foi de conserver certains droits familiaux, tandis que l'autre est exclu de certaines obligations légales. 4. L’indissolubilité du mariage ◦ Indissolubilité : Le mariage ne pouvait être rompu que par la mort des deux époux. Philippe Auguste, par exemple, rejetant sa femme, montre la difficulté politique et religieuse de l'indissolubilité. ▪ L'Église, à travers le cas de Philippe Auguste, a imposé l'indissolubilité, même si au plus haut niveau, elle était parfois contournée. ◦ Séparation de corps : Théoriquement possible pour des raisons graves comme l'adultère ou l'hérésie. Les sévices graves étaient aussi une raison acceptée par les tribunaux ecclésiastiques pour une séparation de corps. ▪ Les tribunaux royaux étaient plus stricts, ne permettant la séparation de corps que dans des cas extrêmes. Nb : Ces développements montrent l'évolution progressive du droit canonique, de la période médiévale jusqu'à la fin du Moyen Âge, où l'indissolubilité et la consommation du mariage deviennent des principes centraux. Les tribunaux ecclésiastiques maintiennent une certaine flexibilité, notamment en faveur des femmes, malgré l'institutionnalisation de l'indissolubilité du mariage. SECTION 2: LE MARIAGE À PARTIR DE L’ÉPOQUE MODERNE (droit et juridiction royale) Réforme et contre-Réforme: ◦ La Réforme protestante initiée par Luther et Calvin bouleverse le christianisme à la fin du 15ème siècle. ◦ Réaction de l’Église catholique par la contre-Réforme, menée par le concile de Trente (1545-1563). ◦ Décret de Tametsi (1551) stipule que le mariage doit être public et solennel pour être valide. ◦ Ce décret n’est pas intégré dans la législation française mais influence la politique royale contre les mariages clandestins. Intervention royale: ◦ Henri II introduit un édit en 1546 sur le mariage clandestin, fixant une majorité matrimoniale de 30 ans pour les garçons et 25 ans pour les filles. ◦ Ordonnances de Blois (1579) réitèrent cette politique, exigeant la publicité des bans, la publication dans la paroisse, et la présence de témoins. ◦ Ces mesures visent à contrer les mariages secrets et à protéger les intérêts du pouvoir royal. ◦ Concile de Trente stipule que tout mariage sous contrainte est nul, mais les parlements français définissent le rapt (violent ou séducteur) comme un crime. ◦ Les parlements interprètent le rapt pour obliger à régulariser les unions, même dans le cas de séduction. Durcissement législatif: ◦ En 1639, une déclaration royale interdit le pardon parental pour les mariages non consentis. ◦ Cette législation vise à garantir la stabilité familiale et à éviter les mauvaises alliances. ◦ Le pouvoir royal consolide son autorité, imposant une vision conservatrice et morale de la société. ◦ Les parlements s’emparent progressivement des compétences des tribunaux ecclésiastiques pour réguler le mariage, notamment en matière de séparation de corps, mettant fin à l’influence des officialités sur certaines matières familiales. Conséquences: ◦ L’évolution législative et juridique entraîne une transformation profonde de la conception du mariage. ◦ Le mariage devient de plus en plus une affaire d’État, surveillé et réglementé par la royauté. ◦ L’Église perd du terrain, laissant place à une vision plus rigide et bureaucratique du mariage, sous l’autorité du roi et des parlements. CHAPITRE 3 : IMBECILLITAS SEXUS SECTION 1 : MOYEN ÂGE Vues sur le sexe imbecil: ◦ Le « sexe imbecil » désigne celui qui est faible et sans défense, reflétant une vision condescendante de la femme à l’époque médiévale. ◦ Les femmes de la haute société ne représentent pas toutes les femmes de cette époque ; cette vision est influencée par la distinction sexuelle entre hommes et femmes. ◦ Les termes « sexe faible » et « beau sexe » émergent pour désigner cette faiblesse attribuée aux femmes. 1. Fidélité: ◦ La femme est soumise à la puissance maritale. ◦ L’adultère féminin est sévèrement condamné, particulièrement dans la France moderne. ◦ Les tribunaux ecclésiastiques et royaux traitent différemment l’adultère, punissant plus sévèrement l’adultère féminin pour éviter le « risque » d’introduction de sang étranger. ◦ La preuve d’adultère nécessite des règles strictes, souvent une flagrance pour condamner. ◦ Peines sévères pour adultère : bannissement, amende, peine infamante (course). ◦ À partir du 16e siècle, le droit romain prévoit la relégation dans une île ou un monastère pour l’adultère féminin. 2. Respect: ◦ Imbecillitas sexus : inégalité de traitement face à l’adultère entre hommes et femmes. ◦ Respect de la femme envers son mari : un homicide est justifié si la femme insulte ou se comporte mal. ◦ Un homicide commis par un mari à cause de l’insulte de sa femme peut être gracié, tandis que la femme accusée d’avoir tué son mari est souvent condamnée à mort. ◦ L’homme a une autorité naturelle sur la femme. Une inversion de ce rapport est condamnée socialement et juridiquement. ◦ Peine du charivari pour le mari perçu comme faible ou dominé par sa femme. 3. Obéissance: ◦ La femme doit obéir à son mari, sauf si cela va à l’encontre des lois divines ou des bonnes mœurs. ◦ Droit de correction : le mari peut frapper sa femme pour la corriger, mais des limites sont imposées (pas de mutilation, pas de coups fréquents). ◦ Capacité juridique réduite de la femme : besoin de l’autorisation de son mari pour agir en justice ou pour affaires importantes. ◦ Exceptions : la femme commerçante peut obtenir une autorisation unique de son mari pour exercer son commerce. À partir du 16ème siècle, l’incapacité juridique de la femme par rapport à son mari s’accentue, limitant davantage ses droits et sa liberté. SECTION 2 : ÉPOQUE MODERNE Évolution de l’incapacité juridique de la femme: ◦ Au Moyen Âge, il n’y a pas de théorisation spécifique de l’incapacité juridique de la femme ; elle est néanmoins soumise à l’autorité du mari. Au fil du temps, cette incapacité se formalise davantage à l’époque moderne. ◦ La femme mariée est vue comme une mineure juridique, incapable d’agir sans l’accord de son mari. Cette vision se fonde sur une infériorité perçue de la femme, plus que sur l’autorité domestique. ◦ Loisel qualifie cette situation par : « La femme vit comme une esclave, elle meurt libre », soulignant la perte de liberté juridique une fois mariée. 1. Intervention royale dans le droit de la famille: ◦ À partir du 16e siècle, les juges royaux commencent à intervenir de plus en plus dans le droit de la famille, considérant chaque famille comme un modèle réduit du royaume. ◦ Cette intervention marque un recul pour les femmes, renforçant leur dépendance juridique. ◦ La chasse aux sorcières, à partir du 13e siècle, illustre cette persécution, particulièrement contre les femmes. Les tribunaux d’inquisition poursuivent les femmes pour sorcellerie, souvent avec la menace de la peine de mort par les autorités séculières. 2. Impact de la chasse aux sorcières: ◦ La chasse aux sorcières explose au début de l’époque moderne, entre le 15e et 16e siècle, avec l’Allemagne comme foyer principal, notamment à cause de l’ouvrage « Le Marteau des sorcières ». ◦ Cette période voit la persécution accrue des femmes accusées de sorcellerie, souvent brûlées sur le bûcher. Cette pratique est plus répandue dans les pays protestants. ◦ Les femmes sont vues comme faibles physiologiquement et suspectes en raison de leurs humeurs et de leurs corps. Les cheveux longs étaient associés à l’humidité présumée des femmes, renforçant l’idée de leur faiblesse. ◦ L’objectif est de soumettre la femme, avec toute femme qui ne se conforme pas au modèle traditionnel étant perçue comme suspecte. Cette persécution s’appuie sur le droit romain, qui est intrinsèquement hostile aux sorcières. 3. Révolution française: ◦ La Révolution française est souvent considérée comme ayant donné une nouvelle place aux femmes, avec des révolutionnaires perçus comme des féministes. ◦ Cependant, la réalité est différente : malgré les tentatives de repoussement de la religion, la domination sur les femmes reste inchangée. Olympe de Gouges, qui a milité pour les droits des femmes, a été guillotinée, illustrant la persistance de la domination patriarcale. 4. Code civil de 1804: ◦ Le Code civil de 1804 reste dans la continuité de la situation de l’ancienne France, combinant à la fois le droit romain appliqué et les coutumes de Paris. ◦ Ce code reflète et renforce les rapports de pouvoir traditionnels entre hommes et femmes, limitant la capacité juridique de la femme et consolidant sa position de subordination dans la société. CHAPITRE 4 : LES RAPPORTS PATRIMONIAUX ENTRE ÉPOUX SECTION I : LES TRAITS SIMILAIRES À TOUTES LES PROVINCES Les rapports régis par la coutume ou le contrat de mariage: ◦ Les dispositions relatives à la question du conjoint survivant sont au cœur de ces régimes. Traditionnellement, il existait une inégalité de fait, les femmes vivant en moyenne plus longtemps. Toutefois, des circonstances de naissance pouvaient aussi mener les femmes à mourir avant leur mari, avec un risque de 1/7 de mortalité lors de l’accouchement. ◦ Les donations faites par le mari à sa femme deviennent progressivement un « usufruit » plutôt qu'une pleine propriété, garantissant à la femme une sécurité matérielle pour survivre après le décès de son mari. Dès le 11e siècle, dans les pays de coutume (nord de la France), la dot ex marito (ce que le mari donne à l’épouse) se transforme en douaire, un bien garantissant la survie de la femme après le mariage. ◦ Le douaire est acquis par la femme après consommation du mariage, ce qui signifie que la femme le reçoit lors de la nuit de noces. Le douaire dépend des coutumes locales : en général, il est destiné à protéger la femme contre les éventuelles inégalités de fortune dans le mariage. ◦ Certaines coutumes stipulent que si la femme se comporte mal, elle peut perdre son douaire, tout en lui permettant de se remarier sans perdre ses droits. ◦ L’assiette du douaire varie selon la coutume ou, en cas de contrat, est fixée par les époux. La femme ne peut renoncer à un douaire conventionnel si celui-ci lui est plus avantageux que le douaire coutumier. Le douaire est un droit de jouissance personnel et viager, portant sur les biens propres du mari. Si le mari meurt et que la dot n’est pas suffisante, la veuve peut annuler les actes d’aliénation réalisés par son mari. Cela crée une insécurité juridique car la veuve peut réclamer un bien qui a été vendu par son mari. Dans les pays de droit écrit: ◦ Le terme « douaire » n’est pas utilisé ; le concept reste le même mais s’appelle l’« augment de dot ». Lors du mariage, la femme apporte une dot qui lui appartient en propre. En cas de veuvage, elle reprend sa dot ainsi qu’un « augment » défini par les parties. En l’absence de convention, la coutume fixe aussi un augment d’un tiers à la moitié de la dot. Dans certains pays du sud, le testament peut annuler l’augment de dot et remplacer cela par des libéralités. Un certain nombre de coutumes imposent une condition : la femme ne doit pas se remarier pour percevoir l’augment de dot. ◦ Le concept de « veuve » s’inscrit dans une dimension sociologique où la femme est souvent perçue comme nécessitant un soutien après le décès de son mari. Dans les pays occidentaux, une veuve bénéficie d’un usufruit sur les biens de son défunt mari. Certains pays comme ceux du nord stipulent que le veuf a un usufruit sur la moitié des acquêts. SECTION II : LA RÈGLE DOTALE DANS LES PAYS DE DROIT ÉCRIT En droit romain : ◦ La mariée apporte une dot. En droit germanique (droit barbare), on retrouve l’inverse avec la dos ex marito, c’est-à-dire un cadeau que l’époux fait à sa femme après la nuit de noces. Dans les pays de coutume, cette pratique devient le douaire. ◦ À partir du 12e siècle, dans le sud de la Loire, la dot fait un retour en force. Bien que la dot n’ait jamais complètement disparu, elle reprend en importance. La dot est une anticipation de la succession, excluant la fille mariée de la succession de ses parents, car elle a déjà reçu sa part par la dot lors de son mariage. Cette dot peut être réclamée par la femme même si ses parents refusent de la donner, grâce à l’intervention judiciaire. ◦ Le contenu de la dot : ▪ La dot peut varier, mais il existe un montant minimal correspondant à une part d’héritage classique. Il peut également être fixé par le juge en cas de litige. Les biens dotaux et les biens propres de la femme doivent être distingués. Les biens propres sont ceux qu’elle reçoit par donation de son vivant. ◦ À l’époque moderne, la dot devient de plus en plus perçue comme propriété du mari. Dans le ressort du parlement de Paris, cette perception s’aggrave, limitant ainsi le droit de la femme sur son bien dotal. Le mari peut utiliser ces biens comme un propriétaire, mais ne peut pas en disposer librement (absence d’abusus) même avec l’accord de sa femme. Ce système est en partie destiné à éviter la spoliation du patrimoine de la femme par son mari. Évolution législative : ◦ En 1606, Henri IV abroge le sénatus-consulte velléien, qui interdisait aux femmes d'intercéder pour d’autres, excluant la possibilité pour une femme de se porter caution pour son mari. Cela est resisté par les parlementaires qui ne reconnaissent pas cette abrogation. ◦ La dot doit revenir à la femme en cas de veuvage, de séparation de biens ou de séparation de corps. Tant que les époux sont mariés, une partie des biens du mari est affectée à la dot, et cette dernière est une créance de la femme. Si le mari meurt, la veuve conserve le droit sur la dot, et les biens reviennent à son clan à la mort du mari. SECTION III: LA COMMUNAUTÉ ENTRE ÉPOUX DANS LES PAYS DE COUTUMES Droit germanique prédominant : Influences limitées du droit romain au nord de la France, où l'accent est mis sur la communauté des biens. Communauté totale : Les époux vivent avec leurs biens en copropriété complète, surtout dans les zones rurales pauvres, où seule la dot n'existe pas. Maritagium : Bien que la dot ne soit pas présente, la femme apporte un maritagium, des biens personnels qui tombent dans la communauté. Répartition des biens au décès ou en séparation : ◦ Les biens dans la communauté ne sont plus uniquement détenus par le mari. ◦ Règles coutumières se développent pour protéger les droits de la femme contre l'aliénation par le mari. Récupération des biens propres : ◦ Le mari ne peut pas simplement utiliser les biens propres de sa femme sans compensation. ◦ La femme a droit à une double hypothèque sur les biens du mari : douaire (droits liés aux biens donnés lors du mariage) et récompenses. Modification au 16e siècle : ◦ La communauté est vue comme une caisse de compensation. ◦ Si l'un des époux a apporté davantage dans le ménage, la communauté ajuste pour rééquilibrer les patrimoines. ◦ En cas d'utilisation des biens propres de la femme par le mari, il doit ultérieurement restituer cette somme. Dissolution de la communauté : ◦ En cas de décès d'un époux, séparation ou mort civile, la communauté est dissoute. ◦ Les règles de partage varient selon les régions. ◦ Exemple : En Normandie, les actifs sont souvent partagés en trois parts : conjoint survivant, héritiers et une part pour le défunt au profit des églises pour le salut de son âme. PARTIE 2 : LA FILIATION Enfants légitimes et illégitimes : Maintien de la distinction entre enfants légitimes et illégitimes, avec des statuts et droits différents. Époque moderne : ◦ Variabilité selon la noblesse : Les pratiques diffèrent selon la noblesse et la haute noblesse, influençant la perception sociale des enfants. ◦ Fécondité et mortalité infantile : Une femme non noble peut avoir un enfant tous les 20 à 30 mois en moyenne, avec une forte mortalité infantile (près de la moitié des enfants meurent avant leur première année). ◦ Pratiques contraceptives et infanticides : Il existe des pratiques minoritaires d’avortement et contraceptives. En cas de nécessité, certaines mères pouvaient abandonner leurs enfants ou commettre des infanticides. ◦ Enfants en nourrice : Les femmes mettent souvent leurs enfants en nourrice pour continuer à travailler, ce qui pouvait entraîner une séparation prolongée de la mère et de l’enfant. ◦ Conditions de vie communes : Les enfants dorment souvent ensemble, quel que soit leur statut. CHAPITRE 1 : LA FILIATION LÉGITIME Moyen Âge : ◦ Dispense : Permet de rendre un enfant légitime malgré des liens de parenté empêchant le mariage initialement. Une fiction juridique qui guérit l’union. ◦ Mariage putatif : Même si le mariage est annulé, l’enfant conserve son statut de légitime. ◦ Contestation de légitimité : Le mari peut contester la légitimité d’un enfant né après la séparation. ◦ Possession d’état : Un faisceau d’indices comme le nom, le traitement familial et la réputation (fama) sont utilisés pour prouver la légitimité. ◦ Présomption de paternité : Fondée sur le droit romain et canonique, elle permet de présumer que l’enfant est légitime si né dans les 180 jours suivant le mariage ou 300 jours après sa dissolution. ◦ Fictions juridiques : Pour maximiser la légitimité, le droit utilise des fictions comme les présomptions de paternité pour protéger les droits des enfants contre les situations de doute. Justice et contestation : ◦ Père ou tiers : Ils peuvent contester la légitimité, mais doivent prouver l’adultère de la mère. ◦ Adultère : Si prouvé, le père peut renverser la présomption de paternité, bien que les tribunaux ne déclarent pas toujours l’enfant comme naturel malgré des preuves d’adultère. ◦ Fictions juridiques : Les tribunaux utilisent des fictions pour maintenir la présomption de paternité. ◦ Impuissance : La preuve d’impuissance est difficile à apporter, augmentant l’arbitraire judiciaire. ◦ Présomption frauduleuse : Le parlement considère comme un crime si une femme prétend enceinte de son mari mort, ou si un mari est complice de cette fraude. CHAPITRE 2 : FILIATION NATURELLE Champ de compétence : ◦ Église : Initialement, le champ de compétence pour traiter des filiations hors mariage revient aux tribunaux ecclésiastiques. Ils examinent la filiation naturelle et imposent des obligations alimentaires à l’homme reconnu comme père d’un enfant naturel. ◦ Parlements : À partir du 16e siècle, les parlements s’approprient cette compétence, modifiant les règles et assouplissant les protections offertes aux enfants naturels. Perception par l’église : ◦ Péché : Selon l’église, un homme qui a entretenu des relations sexuelles hors mariage a commis une faute. Il doit réparer les conséquences de cette faute, étant vu comme responsable d’avoir séduit une femme et l’avoir laissée enceinte. ◦ Mariage présumé : Pour échapper à cette responsabilité, un homme et une femme peuvent tenter de se faire passer pour mariés, prouvant des éléments de promesse de mariage. Cela est plus facile si le père est célibataire ou un ecclésiastique. ◦ Obligations alimentaires : Les tribunaux ecclésiastiques obligent l’homme à verser des aliments aux enfants issus de ces relations naturelles, qu’ils soient simples, adultérins ou incestueux. PARTIE 3 : LES PROBLÈMES DE SUCCESSION La succession est le processus par lequel le patrimoine d’un défunt est transmis à ses héritiers, assurant ainsi la préservation du patrimoine familial. Cette transmission est régie par plusieurs principes et règles qui varient selon les coutumes et le droit positif. Voici une présentation structurée des principaux problèmes de succession, en suivant le plan proposé : CHAPITRE 1 : LA DÉVOLUTION (SUCCESSION) AB INTESTAT (SANS TESTAMENT) Rappel : Distinction bien immeuble/meuble (immeubles > meubles) La distinction entre biens immeubles et meubles remonte au Moyen Âge et se précise progressivement. Les immeubles sont définis par leur fixité, productivité, et durabilité, contrairement aux meubles qui sont facilement transportables. Les biens immeubles comprennent des terres fixes et productives (terres de récolte, par exemple), tandis que les meubles peuvent être déplacés. Des distinctions complexes existent pour les biens comme les poissons dans un étang (considérés comme des immeubles) ou les récoltes pendantes (futures récoltes) qui peuvent être ambiguës selon les coutumes. Distinction biens propres (dot, avances d’hoarie) / acquêts Sans testament, les biens propres (hérités de la famille ou reçus par avance d’hoarie) sont considérés comme faisant partie de la succession. Ils sont distincts des acquêts, qui sont acquis par le défunt pendant son mariage. Cette distinction est particulièrement importante dans les pays de coutume où elle influence directement la dévolution des biens en succession. Les biens propres sont généralement transmis aux descendants directs, tandis que les acquêts sont partagés entre l’époux survivant et les héritiers légaux. §1 : LE RÉGIME DES MEUBLES ET DES ACQUÊTS Dans l’ancien droit coutumier, tous les biens meubles sont considérés comme des acquêts, tombant dans la communauté des biens entre époux. Lors du décès de l’un des époux, le conjoint survivant reçoit une part des meubles, tandis que les héritiers se partagent les autres biens. Cette règle favorise l’unité du patrimoine dans le couple, en tenant compte des donations entre époux. §2 : LE RÉGIME DES BIENS IMMEUBLES PROPRES Les biens immeubles propres sont ceux qui proviennent des ancêtres paternels ou maternels du défunt. Ils sont divisés en catégories selon leur provenance : paternel, maternel, ou propres sans ligne. La règle des "paterna paternis, materna maternis" stipule que les biens propres paternels vont à la famille paternelle, et les biens propres maternels à la famille maternelle. Cette règle se cristallise au 13e siècle dans les coutumes, notamment sous l’influence des conditions sociales et des luttes familiales pour préserver le patrimoine. Coutumes de succession 1. Coutumes de simples côtés : Les biens propres sont attribués aux plus proches parents du défunt, suivant le degré de parenté. 2. Coutumes souchères : Les biens remontent à leur premier acquéreur dans la famille et suivent les descendants directs de cet acquéreur. 3. Coutumes de "cotés et de lignes" : Chaque bien propre est traité selon son origine, en remontant jusqu’au premier acquéreur. 4. Coutumes de tronc commun : Le propre est attribué selon l’ascendant le plus proche du défunt qui a possédé le bien. Les collatéraux sont privilégiés dans ce système. Ces règles sont renforcées par le principe "propre ne remonte" qui exclut généralement les ascendants de la succession, sauf en l'absence de descendants. Le système coutumier privilégie la conservation du patrimoine familial et l’alliance, malgré l’assouplissement des règles au fil du temps. DANS LES PAYS DE DROIT ÉCRIT Le droit romain, codifié par l’Empereur Justinien, fixe quatre classes d’héritiers potentiels : les descendants directs, les ascendants, les frères et sœurs germains, et les collatéraux. Le droit moderne a étendu ces règles, en les adaptant aux coutumes locales, et a inclus la loi des "fentes" qui répartit la succession entre les différents héritiers, selon leur classe. En conclusion, la succession ab intestat s’organise autour des principes de la distinction biens immeubles/meubles et biens propres/acquêts. Ces règles variées reflètent les interactions entre droit romain, coutume locale, et évolution historique, permettant de préserver et transmettre le patrimoine familial à travers les générations. SECTION 2: LA DÉVOLUTION TESTAMENTAIRE Origine et disparition du testament: ◦ Le testament n’est pas une création romaine, mais est au centre du débat sur la transmission des biens après la mort. ◦ Avec la fin de l’Empire romain d’Occident, le testament disparaît, ce qui pose problème à l’Église, car c’était par ce biais que les personnes léguaient une partie non négligeable de leurs biens à l’Église (oblation) pour assurer le salut de leur âme. ◦ L’Église favorise alors la donation pour remplacer le testament. On fait une donation devant témoins, où la personne déclare donner une partie de ses biens à l’Église qui prendra effet à sa mort. Les descendants naturels, les héritiers sont impliqués dans cette transmission, mais certains pouvaient conserver une partie pour eux-mêmes. ◦ Comme il y a des témoins, l’Église pouvait intenter un procès, mais les héritiers naturels hésitaient à le faire pour des raisons religieuses. Exécuteur testamentaire: ◦ C’est un tiers qui n’a pas d’intérêt direct dans la succession. ◦ Il reçoit la saisine des biens à la mort du défunt et est chargé de faire la donation selon les volontés du défunt. ◦ Il assure que les volontés du défunt sont respectées. La donation à l’Église est irrévocable, ce qui signifie qu’une fois faite, la donation ne peut plus être reprise. ◦ Possibilité d’un acte de donation conditionnel, un peu similaire à un testament. Avec la redécouverte du droit romain, le testament réapparaît comme un outil légal. Différences entre droit romain et ancien droit français: ◦ En droit romain, le testament ne servait qu’à désigner un héritier. ◦ Dans l’ancien droit français, le testament devient un outil pour répondre aux atteintes des particuliers, pour assurer la transmission du patrimoine en cas de décès, et il prend le relais de la donation. ◦ Il assure aussi le salut de l’âme du défunt, jouant un rôle à la fois temporel et religieux. ◦ Les contentieux relatifs aux testaments relèvent principalement des officialités (juridictions ecclésiastiques). Importance des dons faits à l’Église: ◦ Les dons à l’Église sont perçus comme un moyen d’obtenir le pardon des péchés, le testament permettant au de cujus (celui qui fait le testament) de viser le pardon de ses péchés. ◦ L’Église abusera de cette pratique, surtout à la fin du Moyen Âge, en exagérant dans ce domaine. ◦ Dans certaines provinces, l’évêque pouvait même tester à la place du défunt, assurant ainsi que les biens devaient être donnés à l’Église. Forme du testament: ◦ Le testament peut avoir plusieurs formes : simple (concernant une seule personne) ou conjonctif (où plusieurs testateurs établissent leurs volontés ensemble). ◦ Jusqu’au XVIIIe siècle, il y a une diversité de formes testamentaires, montrant une grande flexibilité dans la manière dont on pouvait transmettre les biens après la mort. ◦ Entre 1722 et 1750, le chancelier d’Aguesseau rédige deux ordonnances, en 1735, qui vont unifier les pratiques testamentaires, et sur lesquelles le Code civil va se baser par la suite. ◦ Il y a toujours une différence entre le nord et le sud de la France concernant la reconnaissance de la validité des testaments. Dans le sud, le testament apparaît plus tôt, tandis que dans le droit coutumier du nord, il y a une méfiance vis-à-vis de l’idée qu’un individu puisse décider seul de son héritier, rompant ainsi avec le système holistique et divin. Techniques de substitution: ◦ Dans le droit romain, la substitution était utilisée, désignant un deuxième ou même un troisième héritier en remplacement du premier si ce dernier est empêché ou décède. ◦ La substitution fidéicommissaire, une technique typiquement romaine, permet à un légataire de désigner un second héritier qui doit transmettre les biens à un troisième, empêchant une trop grande dévolution des biens par le premier héritier. ◦ Ce principe est créé pour contrer certaines pratiques dans le droit romain, notamment la loi d’Auguste sur les célibataires, qui empêche certains d’hériter. ◦ En ancien droit français, la substitution fidéicommissaire est utilisée comme une technique pour forcer l’héritier à transmettre les biens à un autre. C’est une création purement romaine, reliant héritiers et biens de manière contraignante. Limites à la possibilité de disposer de ses biens: ◦ Parmi les techniques limitant la capacité de disposer de ses biens, on trouve la réserve héréditaire, particulièrement en pays de coutume. ◦ La réserve héréditaire est une vaste protection du patrimoine familial contre les volontés fantaisistes du testateur, spécifique aux pays de coutume, différente de la réserve successorale du Code civil. ◦ La légitime, issue du droit romain et de la jurisprudence, concerne uniquement les parents proches et est plus restreinte. Dans les coutumes du sud de la France, la part réservée aux légitimes peut varier de 1/3 à 1/2 des biens. ◦ L’exemption permet de priver un héritier naturel de son héritage uniquement si une disposition testamentaire le prévoit, ce qui n’existe pas dans les pays de coutume. ◦ Il y a des coutumes permettant d’exercer une action contre une fille qui se marie sans le consentement de ses parents avant l’âge de 25 ans. ◦ Le droit d’aînesse, qui attribue une grande partie des meubles et du titre de la famille noble à l’aîné, permettait de maintenir l’intégrité du patrimoine familial. Cette règle empêchait l’éclatement du patrimoine noble, obligeant l’aîné à subvenir aux besoins de ses frères cadets. Une fois la Révolution française, le système du droit d’aînesse est complètement supprimé, ne laissant que le tronc commun. Impact de la Révolution française sur les testaments et les successions: ◦ L’ensemble des pratiques de dévolution des biens, de la filiation, et du mariage, sont renversés et attaqués par le droit révolutionnaire. ◦ L’idéologie révolutionnaire promeut l’idée d’un homme nouveau, indépendant et ne devant rien à Dieu. L’homme devient la fin et le début, se détachant ainsi des obligations héritées des pratiques religieuses et coutumières. ◦ Les testaments, la filiation et les successions sont désormais libérés des contraintes traditionnelles, reflétant cette nouvelle vision de l’homme et de la société.