VIH et odontologie PDF 18/01/2024
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CHRU Nancy
2024
Dr. Kichenbrand
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Ce document fournit des informations sur le VIH et son impact en odontologie. Il aborde la transmission, l'épidémiologie, et le contexte historique de la maladie, ainsi que les différents traitements existants. Il s'agit d'un document pédagogique pour les étudiants en médecine.
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18/01/2023 Prof : Kichenbrand Ronéo Scripteurs : Chahid, Okhan, Younes, Zakaria UE8, EC1 VIH et odontologie Objectifs pédagogiques : - Connaître les modes de transmission du VIH et les moyens par lesquels on ne peut pas l’attraper - Différencier VIH et SIDA...
18/01/2023 Prof : Kichenbrand Ronéo Scripteurs : Chahid, Okhan, Younes, Zakaria UE8, EC1 VIH et odontologie Objectifs pédagogiques : - Connaître les modes de transmission du VIH et les moyens par lesquels on ne peut pas l’attraper - Différencier VIH et SIDA - Connaître les différents stades de l’infection par le VIH et ses implications en odontologie - Savoir prendre en charge correctement un patient VIH+ - Savoir reconnaître les manifestations orales liées au VIH Items référentiels : La prise en charge d’un patient VIH impose de connaître sa charge virale et son taux de CD4. Un patient VIH traité avec une charge virale indétectable et un taux de CD4 normaux est considéré comme un patient de la population générale. Un patient VIH immunodéprimé ou en stade SIDA est un patient à risque infectieux et hémorragique. I. Contexte A. Rappel stade sida = syndrome VIH créé des manifestations différencier VIH et SIDA = on peut avoir le VIH sans avoir le sida B. Histoire de la maladie - Début de l’épidémie dans les années 80’, identification du virus en 1983 « LAV : Lympho-adénopathy Associated Virus » (Françoise Barré-Sinoussi, Institut Pasteur) - Transmission animal-homme - Communauté gay la plus touchée - 35 millions de morts depuis son apparition - Deux types : VIH1 et VIH2 (Afrique de l’Ouest ++) - Fixation du virus sur les LT CD4 helper et monocytes/macrophages - La diminution de l’immunocompétence est liée à la diminution fonctionnelle et quantitative des LT CD4 - L’altération de l’immunité cellulaire augmente la vulnérabilité aux infections, notamment opportunistes : toxoplasmose, tuberculose, candidoses…. parfois révélatrices du SIDA (cryptococcose +++) 1 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 II. Épidémiologie et transmission A. Situation en France en 2017/2018 Problème : épidémie de covid fausse les stats, car moins de tests effectués pendant la période et après la crise ++ MST B. Populations les plus touchées (répartition par % de nouvelles contaminations en 2017/2018) C. Modes de transmission 3 modes uniques : - Sexuelle : rapport non protégé y compris oro-génital - Sanguine : transfusions, partage de seringues, AES… - Transmission verticale : de la mère à l’enfant Ne se transmet PAS par : baiser ; sueur ; peau ; salive III. Évolution de l’infection par le VIH A. Primo-infection - Symptomatologie apparaît généralement entre 10 jours et 4 semaines après la contamination - Expression clinique très variable : asymptomatique ou syndrome pseudo grippal/MN-like (mononucléose) avec adénopathies, fièvre, pharyngite, myalgies, rash, céphalées, ulcérations cutanéo-muqueuses (orales et génitales) : attention à l’interrogatoire 2 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 - Diagnostic sérologie : il faut être dans la fenêtre de séroconversion. Détection des Ag p24 possible dès 15 jours (positivé 2 semaines avant de se négatives). Puis détection des Ac anti VIH dès 3 semaines par ELISA, confirmation par WB. Fiable à 6 semaines/pour être sûr prescrire les deux. - La moitié des patients sont asymptomatiques B. Phase asymptomatique ou avec manifestations mineures - Phase la plus longue, 7 à 10 ans en moyenne (mais peut être beaucoup plus courte : 2 ou 3 ans) - Poly-adénopathies fluctuantes - Manifestations cutanées ou muqueuses possibles (ex : leucoplasie chevelue, HSV chronique) - Possibles symptômes généraux (asthénie) C. Stade SIDA = si pas diagnostiqué, non traité, ou si phase asymptomatique très rapide - Résulte de la diminution de l’immunité : taux de CD4 diminué inférieur à 200/mm3 - Infections opportunistes (car plus de globules blancs) : pulmonaires, neurologiques, oculaires, digestives…. - Septicémie, cachexie - Néoplasies, proliférations tumorales : LMNH, Kaposi IV. Traitements A. Traitement en lui-même Il n’existe pas de traitement CURATIF du VIH - Les traitements permettent d’inhiber la réplication virale et de maintenir une charge virale indétectable pour éviter de transmettre le virus → taux de virus bas qui empêche de contaminer quelqu’un d’autre. - Les traitements permettent de retarder l’apparition du stade SIDA - Amélioration des thérapeutiques +++ ces dernières années et trois patients considérés comme guéris (patient Paris et patient Berlin après greffe de CSH), récemment espoir avec un vaccin à ARNm - Permettent à une majorité de patients d’avoir une espérance de vie quasiment identique à la population générale (pays développés…) B. Principe de la thérapeutique - Supprimer la réplication virale - Diminuer la charge virale (nombre de copies du virus par mL) = reflet de l’efficacité du traitement et du contrôle de l’infection - Plus la charge virale est élevée, plus la destruction lymphocytaire est importante, plus vite l’évolution vers le stade SIDA sera rapide - Une charge virale élevée est souvent le corollaire de l’immunodépression (et de la contagiosité) C. Molécules (noms des molécules pas à savoir) Antirétroviraux : o Nombreux o Emtricitabine + Tenofovir = TRUVADA® bcp donnés o En traitement post contamination ou en PrEP (prophylaxie préexposition pour les travailleurs du sexe et certains cas de HSH) Antiprotéases, inhibiteurs de la reverse transcriptase…. Inhibiteurs de fusion Interleukines 3 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 V. Manifestations orales de l’infection par le VIH (importantes à reconnaître) LMNH = Lymphome Malin Non Hodgkinien GUN = Gingivite Ulcéro Nécrotique PUN = Parodontite Ulcéro Nécrotique A. Adénopathies cervicales - Primo-infection +++ (deuxième semaine d’évolution ++), importance de l’examen extra oral : penser à palper le patient pour détecter une adénopathie - Adénopathies (= taille supérieure à 1 cm) multiples, cervicales, axillaires et inguinales - Présentes chez environ 40% des patients - Persistent plusieurs semaines voire plusieurs mois - Plus tard : En réaction au VIH lui- même ou traduction d’une infection bactérienne ou virale - Penser à palper nos patients ! 4 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 B. Lésions fortement associées au VIH 1. Candidoses - Candidose (pseudomembraneuse ++) : une des manifestations les plus fréquentes, fréquence de survenue jusqu’à 70% des patients VIH+ - Peut-être révélatrice de la maladie, se méfier si : § Candidose isolée sans autre cause évidente § Candidose résistante au traitement local § Candidose récidivante § Patient jeune, sexuellement actif, pratiques à risque § Attention, le reste de la population peut être concernée également ! → Proposer une Sérologie VIH - Incidence augmente parallèlement à l'évolution de l'immunodéficience - Association d’une candidose œsophagienne + orale (douleur rétro sternale à la déglutition) = critère de passage en stade SIDA - Mycoses profondes à Histoplasma ou Cryptococcus (Stade SIDA) = candidose invasive (forme aigue pseudomembranaire) 2. Leucoplasie orale chevelue « Oral hairy leukoplakia ». Lié au virus Epstein-Barr (EBV) - Survenue chez 50% des VIH+ non traités, taux de CD4 < 300/mm3 - Marqueur de l’évolution de l’infection/ immunodépression - Lésions kératosique verticales des bords de langue de couleurs blanches - Hyperkératose + hyperacanthose - Disparition sous traitement antiviral - Abstention thérapeutique - Peut se trouver chez les insuffisants rénaux 3. Gingivite érythémateuse linéaire - Gingivite érythémateuse linéaire ne régressant pas au contrôle de plaque - Fine bande rouge le long de la gencive marginale, au collet des dents, souvent asymptomatique, parfois associée à un inconfort - Plus fréquemment retrouvée en secteur incisivo-canin - Survient chez le patient VIH+ immunodéprimé (CD4 < 200/mm3) - Serait imputable à une colonisation par des espèces de la famille des Candida (candida dubliniensis) 5 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 4. Atteinte parodontale, GUN/PUN : symptomatique ++ - Gingivite ulcéro-nécrotique : ne touche que la gencive, très douloureux Conduite à tenir (CAT) : métronidazole (car germes anaérobies) puis détartrage (pas jours J). Aspect de papille « décapitée » avec zones nécrotiques. Généralement douleurs, halitose, mobilités (idem PUN). - Parodontite ulcéro-nécrotique : extension de la GUN à l’ensemble des tissus parodontaux. CAT : idem GUN - Stomatite nécrotique aigue : extension au-delà des tissus parodontaux. CAT : Débridement large chirurgical, Pénicilline G + Métranidazole IV 5. Sarcome de Kaposi - Infection des cellules endothéliales - Hyperplasie endothéliale polyclonale, multifocale, non métastasante et potentiellement régressive (= tumeur vasculaire) - Infection par le HHV8 oncogène entraîne la prolifération des cellules endothéliales - Macules (= taches plates) érythémateuses puis violacée, infiltrée - Puis formes papuleuses, nodulaires puis tumorales avec ulcération de surface - Atteinte orale dans 50 % des cas (palais +++), en plus des atteintes cutanées - Corrélée avec un taux bas de CD4 - Complications : hémorragies (car vasculaire), infection secondaire, destruction parodontale, gène fonctionnelle et esthétique CAT : biopsie, TDM, bilan extension, HAART voire chir electrocoag/RT= radiothérapie /doxorubicine formes viscérales → décision collégiale 6. Lymphome malin non hodgkinien LMNH - LMNH ; lymphome B ++ EBV induits (L. de Burkitt) ou LBDGC (lymphomes plasmoblastiques : tubérosité maxillaire ++), lymphomes cérébraux - 40 fois plus fréquents chez le patient VIH+, environ 10% des patients - Atteinte ganglionnaire mais aussi extra-ganglionnaire, 25% des localisations extra-G sont localisées dans la cavité orale - Aspect de tumeur, d’ulcération ou d’abcès résistant au Ttt, persistante - Mime souvent une atteinte parodontale - Pronostic sévère D. Lésions communément retrouvées lors de l’infection par le VIH 1. Herpès cutanéo-muqueux 6 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 Herpès cutanéo muqueux (HSV 1) : § Récurrences herpétiques o Chronique : durée > 1 mois : critère de SIDA o Extensif (nez...) résistant au ttt classique § Primo infection HHV = Gingivostomatite herpétique o Douleurs, fièvre, malaise, adénopathie o Érosions diffuses et confluentes dans toute la cavité orale Traitement : Ganciclovir, Aciclovir ou Valaciclovir 1g (ttt préventif) 2. Zona Varicelle Zona Virus (VZV) : HHV3 - Varicelle : rare (immunisation dans l’enfance) - Survenue et complications (névralgies post-zostériennes) plus fréquente et plus sévère chez VIH+ - Zona : douleur + éruption vésiculeuse neurotropes dépassant volontiers 1 dermatome - Diagnostic différentiel herpes = unilatéralité des lésions - Ttt : Valaciclovir 3. Lésions liées aux HPV Human Papilloma Virus - Hyperplasie focale épithélio-conjonctive - Type 2, 6, 7, 11,13, 16, 32 chez le patient VIH+ - Verrues vulgaires (Type 2 et 4++), condylome acuminés (type 2,6, 7, 11++) hyperplasie épithéliale focale (type 13 et 32++), CP, PBowenoide - Palais, commissure labiale, langue ++ - Infection par le HPV, persistance de l’infection et cancers HPV - associés plus fréquents chez les patients VIH+ - Prévalence de la présence de HPV à haut risque oncogène dans la cavité orale plus élevée chez le patient VIH+ - Progression plus rapide de la pathologie - Peut donner des lésions malignes ou bénignes - Pas de réduction de la prévalence de l’infection au HPV sous antiviraux 7 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 4. Pathologies des glandes salivaires - Peut toucher toutes les glandes salivaires : parotide ++ (85%) - Hyperplasie lymphoïde kystique : infiltration lymphoïde du parenchyme glandulaire - Hypertrophie glandulaire, tuméfaction - Infiltration lymphoïde du parenchyme glandulaire - Xérostomie associée aggravée par traitements antirétroviraux - Infections des glandes salivaires (germes pyogène banaux ascendants de la cavité orale) 5. Ulcérations orales Touchent 3 -13 % des patients VIH+. Ulcérations irrégulières. Reflète souvent l’immunodépression du patient. 6. Susceptibilité aux infections bactériennes - Chez le patient VIH+, des infections bactériennes banales prennent des proportions importantes du fait de l’immunodépression - Des foyers infectieux chroniques deviennent actifs : surinfections (abcès, cellulites cervico-faciales, …) - Nécessité d’éradication des foyers infectieux endodontiques, péri-apicaux et parodontaux - Cellulites : prise en charge hospitalière si CD4 < 500mm3 VI. Prise en charge odontologique A. Circonstances de constitution en odontologie pour les patients VIH+ - Bilan oral et dentaire dans le cadre du bilan général suite au diagnostic - Soins dentaires de routine chez un patient asymptomatique 8 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 - Diagnostic et traitement d’une affection liée à la maladie (80 à 90 % des patients HIV+ présentent à un moment ou un autre des lésions orales) - Recherche et éradication de foyers infectieux chez le patient immunodéprimé → prise en charge différente en fonction du type de patient Concertation impérative avec l’infectiologue qui suit le patient : très important 3 questions à lui poser : - Stade clinique de l’infection par le VIH ? Charge virale ? - Stade biologique (taux de CD4) ? - Thérapeutiques en cours ? si pas détectable -> non transmissible Taux de CD4 : protection du patient Charge virale : patient contaminant/non contaminant = notre protection B. Prise en charge des patients VIH+ : déterminer le risque infectieux et le risque hémorragique 1. Risque infectieux On doit demander un bilan de NFS et numération de CD4 (tous les 3 à 6 mois) 1) Taux de CD4 > 500/mm3, sans neutropénie (PNN>1500/mm3), charge virale indétectable : (vert) >> Tous les soins sont possibles >> Considéré comme patient faisant partie de la population générale >> Pas d’antibioprophylaxie nécessaire 2) Taux 500 > CD4 > 200/mm3, avec ou sans neutropénie (mais PNN > 500) : (orange) >> Patient considéré comme immunodéprimé >> Actes non invasifs : tous les soins sont possibles >> Actes invasifs (tout acte impliquant une manipulation de la gencive, de la pulpe ou de la région périapicale de la dent) Antibioprophylaxie dose unique (amoxicilline 2g ou clindamycine 600mg une heure avant le geste) 3) Stade SIDA, taux de CD4 < 200/mm3, PNN < 500, charge virale ++ : (rouge) >> Patients très exposés aux infections opportunistes, très immunodéprimés : sous traitement antibiotique prophylactique pour éviter leur survenue (Bactrim®). >> Prise en charge hospitalière >> Collaboration avec infectiologues 9 Dr. Kichenbrand VIH et odontologie UE8, EC1 18/01/2024 >> Contagiosité (attention aux AES) >> Antibiothérapie de couverture pour geste de chirurgie orale (seul cas), (si endo détartrage = prise unique suffit) >> Antibioprophylaxie pour les autres actes invasifs (endodontie, détartrage) >> Infections déclarées : geste local impératif et antibiothérapie adaptée 2. Risque hémorragique Les patients peuvent avoir une atteinte des plaquettes. Pour finir : législation : Article R. 4127-211 du Code de Déontologie « Le chirurgien-dentiste doit soigner avec la même conscience tous ses patients, quels que soit leur origine, leurs mœurs, et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. » ⇨ Traduction : il est illégal de refuser de soigner un patient VIH au motif qu’il a le VIH. 10