Syllabus Droit Européen 2024-2025 version étudiants PDF
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2024
Aurélie Bruyère
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This syllabus covers European Union law for the 2024-2025 academic year. It introduces the workings of the European Union, describing key institutions and policies. The document also explores concepts of internal public law, including the role of the state and its constitution.
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Notions de droit européen Aurélie Bruyère 1 Droit européen 2024/2025 Introduction L’Union européenne est un processus en cours depuis plus de 70 ans. Il s’agit d’une entité complexe, dont la définition ne va pas de soi. Ni...
Notions de droit européen Aurélie Bruyère 1 Droit européen 2024/2025 Introduction L’Union européenne est un processus en cours depuis plus de 70 ans. Il s’agit d’une entité complexe, dont la définition ne va pas de soi. Ni vraiment une organisation internationale classique, ni vraiment un Etat fédéral, l’Union européenne répond à des règles de fonctionnement spécifiques et forme un modèle unique. Les pays qui la composent, appelés Etats membres, restent souverains ; mais ils exercent leur souveraineté en commun dans bon nombre de domaines, pour acquérir une influence plus importante sur la scène internationale. Le cours de droit européen a pour objectif de rendre plus transparent le fonctionnement de l’Union européenne, en décrivant les principales institutions qui la constituent et le type de politiques qu’elle met en œuvre. Au fil des années, l’Union européenne a beaucoup influencé les normes de droit belge, notamment en matière fiscale, sociale, commerciale, et comptable1. Objet du cours Le droit européen : Droit (objectif) = ensemble des règles de conduite qui visent à régir les relations entre les hommes vivant en société et qui sont sanctionnées par l’autorité publique. Il existe deux grandes branches dans le droit objectif : - Le droit privé : ensemble des dispositions qui régissent les rapports des particuliers entre eux (ex : le droit des obligations et des contrats ; le droit des assurances) - Le droit public : ensemble des règles qui d’une part ont trait à l’organisation de l’Etat et qui d’autre part régissent les rapports entre l’Etat et le citoyen (ex : le droit pénal ; le droit administratif ; le droit fiscal) Européen = relevant de l’Union européenne. Pour comprendre le droit européen, objet de ce cours, il est nécessaire de posséder certaines notions de droit public interne, de saisir comment fonctionne un État et comment il interagit avec les autres États (droit international public). Alors seulement, 1 Voir par exemple, la directive 2013/34/UE qui énonce, en ses articles 4 à 6, les principes généraux de la comptabilité. 2 Droit européen 2024/2025 nous pourrons nous pencher sur les relations entre États (membres) au sein de l’Union européenne. Telle est la raison d’être de la présente introduction. I. DROIT PUBLIC INTERNE L’État À la base de tout État, il y a un Souverain qui détient le pouvoir. La souveraineté signifie que « l’État jouit de l’indépendance par rapport aux autres États. Il ne peut être forcé à faire partie d’une organisation quelconque, ni à effectuer quelque chose contre son gré. Un État souverain exerce ses compétences sans devoir en référer à quiconque. Il jouit de l’exclusivité des compétences sur son territoire »2. On parle d’ailleurs du pouvoir souverain (ou pouvoir du souverain) pour désigner ce pouvoir « premier », « vierge », celui détenu en propre et qui n’est pas limité par des engagements antérieurs. Mais ce pouvoir devra être délégué selon des règles spécifiques définies par le Souverain et contrôlées (directement ou indirectement) par lui. Dans nos sociétés modernes, le souverain = le peuple (expression « souveraineté nationale ») > DÉMOCRATIE3 « le » délégué = l’État les règles de délégation et d’exercice du pouvoir = la Constitution. L’État est donc un instrument juridique au service du peuple souverain ; c’est la structure de l’appareil qui exerce le pouvoir. Remarque : si l’État et son pouvoir émanent d’un souverain (le peuple), il côtoie d’autres États qui répondent à la même définition. Dans les relations internationales, on parle souvent d’« États souverains » même si, à l’intérieur, on constate que l’État n’est qu’un délégué. La Constitution La Constitution est l’acte juridique majeur du Souverain par lequel il crée l’État et le façonne à sa guise. Des Institutions (ou organes) sont mises en place, chargées d’exercer des portions de pouvoirs, des compétences. 2 F. DEHOUSSE, Droit international public. 3 Voir notamment l’article 33 de la Constitution « Tous les pouvoirs émanent de la Nation ». 3 Droit européen 2024/2025 Remarque : le mot « souverain » est parfois associé au Roi > héritage historique (pré-révolution) qui a persisté dans les usages de la Cour. Pourtant le Roi n’est qu’un organe de l’État, un délégué qui n’exerce que les compétences que la Constitution lui attribue. Une Constitution a essentiellement 2 fonctions : 1. Organiser le pouvoir en déterminant la structure de l’État et en réglant son fonctionnement. Voy. : la Table des matières de la Constitution belge Ex. : « La Belgique est un État fédéral qui se compose des communautés et des régions » (art. 1er Const.) ; l’article 2 qui énumère les trois communautés ; l’article 3 qui consacre l’existence de trois régions. 2. Garantir aux citoyens des droits et des libertés qui valent dans leurs rapports avec l’État. Voy. : le Titre II de la Constitution belge Ex. : « Les Belges sont égaux devant la loi » (art. 10, al. 2 Const.) ; « L'égalité des femmes et des hommes est garantie » (art. 10, al. 3 Const.) ; « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination » (art. 11 Const.) ; « La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit. Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures » (art. 12 Const.) ; « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi » (art. 14 Const.) ; « La peine de mort est abolie » (art. 14bis Const.) ; « Le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit » (art. 15 Const.) ; « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi » (art. 22 Const.) ; « La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie » (art. 25 Const.) ; « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable » (art. 26 Const.) ; « Les Belges ont le droit de s'associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive » (art. 27 Const.) ; « Le secret des lettres est inviolable » (art. 29 Const.). Un texte juridique qui remplit ces deux fonctions, qui possède un tel contenu est considéré comme une Constitution au sens matériel. C’est donc le contenu de la norme qui lui donne cette qualité. Les règles de droit déposées dans un texte intitulé « Constitution » ou « Charte fondamentale » = Constitution au sens formel. C’est donc la forme de la norme qui lui donne cette qualité. Le plus souvent, Constitution au sens matériel et au sens formel coïncident (ex : article 10 et 11 de la Constitution), autrement dit une Constitution est à la fois matérielle (cfr. contenu) et formelle (cfr. appellation) mais pas toujours (infra) (ex : article 118bis de la Constitution qui est une norme constitutionnelle au sens formel mais non au sens matériel) (ex : avant 2014, aucune norme de la Constitution ne mentionnait les partis politiques, alors que ceux-ci exercent un rôle fondamental dans le fonctionnement d’un État démocratique). 4 Droit européen 2024/2025 La Constitution est LA norme supérieure : elle est au sommet de la hiérarchie des normes. Cela signifie que tous les actes juridiques d’exercice de la souveraineté par l’État doivent être conformes à la Constitution, la respecter. Cette conformité des règles de droit à la Constitution est contrôlée essentiellement par la Cour constitutionnelle qui peut sanctionner les règles « anticonstitutionnelles » (les écarter ou les annuler). La Constitution est dite « rigide », dans ce sens que sa modification est soumise à une procédure très lourde (Voy. Titre VIII Const. et l’article 195 Const.). Les compétences matérielles de l’État De quoi un État doit-il s’occuper ? Que prend-il en charge ? L’État a vocation à régir tous les aspects de la vie sociale. Certaines des compétences de l’État sont plus ou moins incontournables dans l’espace et le temps : perception de l’impôt (fiscalité – budget), levée des troupes (défense ou guerre), maintien de l’ordre à l’intérieur du Pays (affaires intérieures), acte de rendre la justice, conduite des relations extérieures avec d’autres États notamment par la diplomatie (affaires étrangères). D’autres compétences sont apparues rapidement pour compléter les premières, dites « d’autorité » : des compétences de type social (sécurité sociale, législation sur travail, protection des enfants, des handicapés) ; de type économique (protection de la concurrence, des consommateurs, contrôle des prix) ; de type culturel (enseignement, médias, sports) ; de protection du bien commun (patrimoine culturel, aménagement du territoire, environnement). Rapprochez : les attributions des différents ministres. Le Fédéralisme Un État peut être organisé de différentes manières. 1. État centralisé > la Constitution confie des compétences à des organes qui ne sont rattachés qu’à une seule et même entité : l’État, le pouvoir central. La totalité du pouvoir est exercée par l’autorité centrale. Il peut y avoir de nombreux organes mais ils sont tous rattachés à l’État au singulier (ex. : ministres, Parlement, Roi). 2. État décentralisé > l’État n’est plus seul : il y a d’autres entités « à côté » (ou plutôt « en dessous ») de lui qui sont organisées par la Constitution et qui exercent une part 5 Droit européen 2024/2025 du pouvoir souverain (ex. en Belgique : Communes et Provinces ; voy. la table des matières de la Constitution). L’Etat va donc confier l’exercice de certaines fonctions à une structure administrative spéciale, dotée à la fois d’une personnalité juridique propre et d’une autonomie de gestion. Ces autorités décentralisées jouissent d’une certaine autonomie mais celle-ci est limitée. L’État (autorité centrale) garde la « mainmise » : c’est lui qui décide de leurs compétences, de leurs structures et qui peut en changer par de simples lois. De plus, l’État exerce sur les entités décentralisées une tutelle, c’est-à-dire un contrôle > l’État même décentralisé reste unitaire. Donc, l’Etat délègue certaines compétences mais garde le contrôle via la tutelle. 3. État fédéral > C’est la modalité qui offre le plus grand degré d’autonomie à une entité non souveraine. L’Etat fédéral reste un seul et même Etat, dans lequel les compétences sont réparties entre l’autorité fédérale (l’Etat), et les entités fédérées qui disposent d’une large autonomie et de compétences propres (ex : les Régions, les communautés, les Länders en Allemagne, etc). Ainsi, la Belgique est un Etat fédéral. Les compétences sont réparties entre l’autorité fédérale, et les entités fédérées. Par exemple, la justice est confiée à l’Etat fédéral. Les décisions relatives à l’organisation des cours et tribunaux sont prises par l’autorité fédérale et s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Par contre, d’autres matières sont confiées intégralement aux entités fédérées. Par exemple, la matière de l’enseignement est confiée aux communautés. La communauté française a donc pu décider de modifier les congés scolaires intégralement, sans que l’autorité fédérale n’interviennent dans le processus de décision et sans que ces règles aient un impact en Flandre. On parle de fédéralisme face à l’organisation d’un État composé : un État fédéral et des « États membres ». Un État fédéral est un État dans lequel les compétences sont partagées entre plusieurs niveaux de pouvoirs : une entité fédérale (l’État) et des entités fédérées relativement autonomes (ex : les Régions et Communautés belges, les Länder allemands, …) La définition n’est pas évidente car chaque système fédéral est singulier, original, différent. Ce qu’on peut affirmer c’est que le fédéralisme est tantôt centripète : plusieurs Etats indépendants s’associent et deviennent les entités fédérées d’un nouvel Etat souverain, créé en quelque sorte au dessus d’eux et perdent à cette occasion leur propre souveraineté (ex. : USA, qui sont nés de la fusion de 13 États indépendants et souverains qui ont décidé de mettre en commun l’exercice de certaines compétences confiées à une nouvelle structure : la Fédération. À côté des 6 Droit européen 2024/2025 Constitutions de chaque État membre des USA, naît une nouvelle Constitution fédérale) ; tantôt centrifuge qui est le fruit d’un mouvement inverse : un Etat jusqu’alors unitaire devient fédéral pour satisfaire aux revendications d’autonomie de certaines populations nationales, comme en Belgique (État unitaire à l’origine qui se dissocie, éclate au bénéfice de nouvelles entités fédérées avec qui il coexiste : in casu 3 Communautés et 3 Régions, avec lesquelles l’État fédéral partage « ses » compétences). Remarque sur la différence entre la décentralisation en Belgique et le fédéralisme belge : les entités fédérées belges ont beaucoup plus d’autonomie que les autorités décentralisées qui restent largement subordonnées au pouvoir central (tutelle notamment). Dans le fédéralisme, ce pouvoir central est partagé entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions qui sont avec lui sur un pied d’égalité (pas de tutelle) > l’État perd son caractère unitaire. La Séparation des pouvoirs L’idée de base est que quiconque possède du pouvoir est tenté d’en abuser > on fractionne, on limite ces portions de pouvoirs et chaque titulaire d’un pouvoir est contrôlé par les autres > organes indépendants les uns des autres, autonomes pour s’organiser, et titulaires de certaines compétences à eux (desquelles ils ne peuvent pas sortir). « Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir ». Nous avons vu les différentes compétences d’un État (fonctions ou compétences matérielles). Mais il faut définir comment ces compétences sont exercées et par qui. Pour répondre à ces questions, on peut s’en référer au principe de la séparation des pouvoirs. Autrement dit, différents organes créés par la Constitution vont se voir attribuer des prérogatives pour agir sur les plans législatifs, exécutifs et judiciaires. En synthèse, le pouvoir législatif consiste à faire les lois et à contrôler le pouvoir exécutif ; le pouvoir exécutif consiste à exécuter les lois et diriger le pays ; quant au pouvoir judiciaire, il implique de statuer sur les litiges et de rendre la justice. Le principe de séparation des pouvoirs est très ancien (Montesquieu) et vise à éviter la tyrannie > organes indépendants les uns des autres, autonomes pour s’organiser, et titulaires de certaines compétences (desquelles ils ne peuvent pas sortir). Certes, ce principe est relatif chez nous notamment parce que certains organes sont titulaires de plusieurs pouvoirs (ex : le Gouvernement qui exécute mais qui peut faire des projets de loi, soumis au parlement) ; certains organes participent à d’autres pouvoirs que celui qu’ils incarnent principalement (relations entre eux). Et puis ce principe ne rend pas 7 Droit européen 2024/2025 compte de toute la réalité des institutions belges : la Cour constitutionnelle, le Conseil d’État, le Conseil supérieur de la justice, les autorités décentralisées n’apparaissent pas dans notre tableau. Pourtant, outre qu’il présente des vertus didactiques, le principe de séparation des pouvoirs domine le droit constitutionnel belge : chaque pouvoir doit respecter ses propres compétences en n’empiétant pas sur celles d’un autre. Pouvoir législatif Pouvoir exécutif Pouvoir judiciaire Fédéral Législateur fédéral Roi Cours et Roi Gouvernement Tribunaux Chambre des fédéral représentants Sénat (parfois) lois fédérales arrêtés royaux Jugements et et règlements arrêts Communautés Législateur Gouvernements et Régions communautaire communautaires ou régional ou régionaux Parlements communautaires ou régionaux Gouvernements communautaires ou régionaux décrets ou arrêtés du ordonnances Gouvernement (Bruxelles) … et règlements 8 Droit européen 2024/2025 II. RELATIONS INTERNATIONALES Le Droit international public Avant d’entrer dans le vif du sujet des relations entre États au sein de l’Union européenne, il convient de replacer ces rapports dans leur contexte plus général : celui des relations d’État à État, autrement dit des relations internationales. Les relations internationales sont inévitables : les États se côtoient (ne fût-ce que géographiquement) et, qu’ils le veuillent ou non, ils doivent composer avec les autres, en tenir compte et souvent entrer en relation avec eux. Ces relations peuvent être pacifiques ou violentes mais elles sont souvent complexes car les intérêts des États ne vont pas tous dans le même sens : tous les États ne sont pas égaux, qu’on pense à des États grands ou petits, très peuplés ou non, prospères ou en voie de développement, au climat favorable ou aride, animé par telle ou telle valeur (la religion, la domination, le partage). Dans les relations internationales, les États agissent traditionnellement par la voie diplomatique (qui utilise la séduction et la négociation), par la guerre (qui utilise la force), et par le droit qui porte ici le nom de droit international public (ou droit des gens). Cette branche du droit régit en effet les relations entre les sujets de droit international, à savoir les « États souverains » et certaines organisations internationales. Les Traités Définition Pour nouer des rapports en droit international, les États concluent généralement des traités (internationaux ou conventions internationales), qui s’apparentent à une sorte de contrat entre États. Plus rigoureusement, le traité est « un accord international, imputable à deux ou plusieurs sujets de droit international, par lequel les parties sont liées et qui doit être exécuté de bonne foi »4. Les divers types de traités - bilatéraux (conclus par 2 sujets de droit international) ou multilatéraux (conclus par plusieurs sujets de droit international) ; - simples (règlement d’une question particulière une fois pour toutes ; ex. : rectification d’une frontière) ou plus complexes (destinés à durer en établissant des règles qui s’appliqueront à de très nombreuses reprises à l’avenir > ex. : 4 J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, 9ème éd., Paris, Montchrestien, 2010, p. 78 ; cité par C. BEHRENDT et F. BOUHON, Introduction à la Théorie générale de l'État – Manuel, 2ème éd., Bruxelles, Larcier, 2011, p. 411, note 1415. 9 Droit européen 2024/2025 Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950) - certains traités (institutionnels ou -cadres) ont la particularité de créer une ou des institution(s) au sein du cadre qu’ils mettent en place (souvent sous la forme d’une organisation internationale) ; ces traités habilitent souvent les institutions qu’ils créent à produire elle(s)-même(s) du droit international > droit dérivé (infra) Procédure d’adoption des traités Comment les traités sont-ils conclus ? En plusieurs étapes : - Signature par le représentant de chaque État (souvent le ministre des Affaires étrangères) qui ne marque que la fin des négociations > la forme définitive du texte du traité > pas encore d’intention de s’engager (différence avec le contrat de droit privé) - Ratification : acte d’engagement des États sur la scène internationale > vis-à-vis des autres États parties au traité, ils sont liés, obligés de respecter et mettre en œuvre ledit traité. C’est un engagement international « horizontal ». Rem. : il peut arriver qu’un traité signé ne soit finalement pas ratifié (infra). En Belgique, la compétence de ratifier appartient au pouvoir exécutif (Roi ou Gouvernement des Communautés ou des Régions ; art. 167 Const.). Au niveau fédéral, le Roi signe un arrêté royal contresigné par les ministres de la Justice et des Affaires étrangères (instrument de ratification), qui est envoyé au Gouvernement de son cocontractant (ou à l’organe dépositaire du traité s’il est multilatéral). - Assentiment : pour déployer ses effets dans l’ordre juridique interne, le traité doit encore recevoir l’assentiment d’une assemblée démocratiquement élue > acte du pouvoir législatif (fédéral ou éventuellement fédéré). En pratique, il s’agira d’une loi (d’un décret ou d’une ordonnance) dite « d’assentiment ». À partir de là, les États peuvent mettre en œuvre le traité, l’exécuter sur le territoire national et remplir ainsi leurs obligations découlant du traité. C’est un engagement interne « vertical ». - Dénonciation : opération inverse de la ratification qui consiste pour un État à se retirer, à mettre fin à ses obligations internationales découlant du traité. Le plus souvent, le traité lui-même prévoit selon quelles modalités, à quelles conditions la dénonciation peut avoir lieu ; mais l’État qui y recourt doit être attentif car il va continuer à coexister avec ses « ex-partenaires » qui risquent de ne plus lui faire confiance > délicat. Effet direct des traités Les États qui ont ratifié un traité sont liés par lui vis-à-vis des autres États parties au traité > c’est la logique même du droit international. Mais sont-ils aussi liés vis-à-vis de leurs 10 Droit européen 2024/2025 citoyens ? Autrement dit, des individus ou des entreprises (personnes morales) particulières pourraient-ils (elles) directement se prévaloir de ce que dit le traité ? Cette question revient à se demander si les traités de droit international ont un effet direct (ou sont directement applicables). Exemple : art. 6 CEDH « Droit à un procès équitable » dispose « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». Obligation faite aux Etats qui doivent organiser leur droit procédural interne, de manière à respecter cet article 6. Si ce n’est pas le cas, si un citoyen se sent lésé parce qu’il n’a pas été entendu ou qu’il a été jugé par une instance officieuse et arbitraire, peut-il se prévaloir directement de l’article 6 devant son juge et exiger qu’on l’applique ? Peut-il tirer des droits, des avantages, des arguments à partir de textes internationaux qui concernent au premier chef les Etats ? Voir D'ARGENT, P., Jurisprudence belge relative au droit international public (2008-2011), Rev. b. dr. intern. 2012, liv. 1, 285-325, point G (casier 346) La réponse à cette question n’est pas uniforme. Elle dépend : - de la volonté des parties contractantes : les États ont-ils voulu (ont-ils eu l’intention) en ratifiant leur traité sur la scène internationale, conférer des droits à leurs ressortissants dans l’ordre juridique interne ? - de la portée du texte, de la façon dont il est rédigé, sa formulation : les citoyens ne peuvent tirer des droits subjectifs d’une disposition de droit international que si celle-ci est rédigée en termes clairs, précis, et inconditionnels, qui s’auto-suffisent et n’appellent pas de mesures d’exécution (ex. : par une loi, un règlement). certains articles des traités, certaines normes de droit international ont un effet direct > elles octroient directement des droits et/ou des obligations aux particuliers ; mais la plupart non > la majorité des règles du droit international public n’ont vocation à s’appliquer qu’entre États et pas à être invoquées par des particuliers devant les juridictions internes. Remarque : Si des normes issues d’un traité sont précisées, complétées, exécutées dans l’ordre juridique interne par une norme de droit interne, alors les citoyens peuvent évidemment s’en prévaloir (du droit interne). L’Objet du droit international public De quoi se préoccupe le droit international public ? Que règlent ces traités ? Beaucoup de choses : - règles de droit relatives à la guerre - relations diplomatiques et consulaires 11 Droit européen 2024/2025 - création d’une organisation internationale (ex. : ONU, OTAN, Conseil de l’Europe, UE) - règles de droit des traités - espaces maritimes et aériens - droits fondamentaux (de l’homme ex. : CEDH, CIDE) - économie (ex. : OMC, FMI) - environnement (ex. : Convention de l’ONU sur les changements climatiques, Protocole de Kyoto) - matières sociales (ex. : OIT) > Grande diversité du droit international public de nos jours. Les Caractéristiques du droit international public (comparaison à venir avec le système mis en place par l’UE) Droit international classique Droit de l’Union européenne de type intergouvernemental > de type supranational > Coopération Intégration Institutions éventuellement créées sont Institutions européennes sont tantôt composées de personnes représentant composées de personnes représentant les États les États (Conseil et Conseil européen) mais aussi de personnes représentant les peuples ou l’Union dans son ensemble (Parlement, Commission, CJUE) Mode de prise de décision au sein des Mode de prise de décision au sein des institutions (pour adopter le droit institutions européenne (pour adopter dérivé) = unanimité et chaque État a une le droit dérivé) = tantôt unanimité, voix (poids égal et droit de veto pour tantôt la majorité qualifiée (55% des tous). À défaut d’unanimité, les EM représentant au moins 65% de la Institutions ne peuvent exprimer que des population infra), parfois la majorité avis ou des recommandations. simple un État membre peut se trouver contraint par un acte de droit dérivé de l’UE contre lequel il a voté Application du droit international : si Application du droit européen : la non-application ou violation par un État, Commission y veille et si un État les autres États parties doivent réagir, ce manque de se conformer au droit qu’ils font rarement > le plus souvent pas européen, elle peut saisir la CJUE qui de sanction. pourra condamner l’État en Possible de porter le litige de droit manquement (sans que l’État doive international devant la CIJ (créée par la consentir à quoi que ce soit et sans qu’il 12 Droit européen 2024/2025 Charte de l’ONU de 1945) mais celle-ci ne puisse se soustraire à sa compétence) peut être saisie que du consentement des parfois avec sanction financière à la clé 2 parties au litige ! Effets du droit international : Effets du droit européen : les statistiquement les dispositions du droit règlements européens ont effet direct international ont rarement un effet direct (art. 288 TFUE) et les autres (plutôt exceptionnel) dispositions du droit européen (primaire et dérivé) sont présumées avoir effet direct (Van Gend en Loos 1963) sous certaines conditions. Le pouvoir souverain n’est plus exercé exclusivement par l’État (délégué du peuple) mais aussi par les institutions européennes > perte, abandon d’une part de souveraineté mais fondé sur la volonté des États membres (pas de contrainte) > finalement la souveraineté n’est pas mise à mal. On entend par « intégration » le fait que les États membres acceptent de concéder certaines compétences et d’abandonner une partie de leur souveraineté aux institutions de l’Union européenne qui, sur certaines questions, jouissent d’une grande autonomie et d’un réel pouvoir de décision, même contre le gré des Etats membres. Une organisation internationale est une association d’États, constituée par Traité (traité cadre ou institutionnel), dotée de la personnalité juridique, d’un objet déterminé et d’organes propres. Ex : l’ONU, l’OTAN, le FMI. Classiquement, une organisation internationale forme un cadre dans lequel les États collaborent selon leurs intérêts, mais en restant souverains. Les organes des organisations internationales n’ont généralement pas ou peu de pouvoir de contrainte sur les États membres (coopération intergouvernementale) Partie 1. Évolution de la construction européenne : de la CECA à nos jours À présent, riches de notre introduction sur le droit interne et international public, nous pouvons entrer dans l’étude du droit européen, qui à l’origine est une branche du droit international public, mais qui a pris tant d’ampleur, qu’il est véritablement devenu une branche du droit en soi. En quelques décennies, le droit européen a en effet connu des développements considérables : aujourd’hui, il est partout et imprègne tous les domaines du droit (ex. : droit du travail, droit fiscal, droit comptable, droit des contrats). Nous dressons ici un bref « historique » des principales étapes de l’extraordinaire construction européenne. 13 Droit européen 2024/2025 1. LE TRAITÉ DE PARIS DE 1951 CRÉANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DU CHARBON ET DE L’ACIER (CECA) Dans sa déclaration du 9 mai 1950 (5 ans après la fin de la guerre), Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, présenta un plan européen en matière économique. Ce plan visait à placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune, autrement dit une organisation internationale dotée d’institutions propres. Les autres États européens qui le souhaitaient furent également appelés à se joindre au projet et à mettre en commun ces industries lourdes, secteurs énergétiques de première importance à l’époque. Ce projet répondait notamment à la nécessité de soutenir la sidérurgie, au souhait de réconcilier la France et l’Allemagne – au sortir de la deuxième guerre mondiale – et de garantir la paix en Europe. Le Traité CECA fut signé à Paris, par la France, la République Fédérale d’Allemagne (R.F.A.), l’Italie, ainsi que par la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg (Benelux) le 18 avril 1951, pour une durée de 50 ans (entrée en vigueur le 25 juillet 1952). La CECA a été dissoute en 2002 et ses compétences ont été reprises par la Communauté européenne (CE), aujourd’hui fondue dans l’Union européenne (UE ; infra). Cette signature du Traité CECA marque le véritable début de la construction européenne. 2. LES TRAITÉS DE ROME DE 1957 CRÉANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE (CEE) ET LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE (EURATOM) Depuis juillet 1952 déjà, les pays de la CECA voulaient poursuivre la construction européenne pour répondre à des besoins économiques (créer un vaste marché intérieur5), dans un climat qui appelait à la réconciliation et à la paix durable en Europe. Les six États ont donc décidé de s’engager dans la construction d’un marché commun généralisé (et non plus cantonné au charbon et à l’acier). Ainsi, les principes de libre circulation des marchandises, des personnes, des services, et des capitaux sont énoncés dans le Traité créant la Communauté économique6 européenne (CEE) du 25 mars 1957. Ces principes sont toujours fondamentaux dans l’Union européenne d’aujourd’hui. 5 Un marché intérieur (ou « marché commun » ou « marché unique ») peut être défini comme un espace sans frontières intérieures, dans lequel la libre circulation des personnes, des marchandises, des services, et des capitaux est garantie. 6 L’adjectif « économique » a été supprimé par le Traité de Maastricht en 1992 (entré en vigueur en 1993 ; infra). 14 Droit européen 2024/2025 Comme le Traité CECA, le Traité CEE est un traité cadre ou institutionnel (supra). Cela signifie qu’il crée des structures, met en place des institutions (ex. : Commission, Conseil, Parlement, Cour de justice), destinées elles-mêmes à produire des normes de droit dérivé européen. Le Traité Euratom, signé à Rome le même jour que le Traité CEE, crée, quant à lui, une organisation commune dans le domaine nucléaire : la Communauté européenne de l’Énergie atomique. Ce traité discret mais important vise à répondre au déficit des énergies traditionnelles. Développer l’énergie nucléaire nécessite des investissements énormes qui ne peuvent être rentables qu’à grande échelle. Il est toujours en vigueur aujourd’hui. Au plan politique, on note une certaine volonté de coopération dans les domaines de la politique étrangère commune, de la défense, de la science, de la culture. Cette volonté se manifeste régulièrement pendant les années 60-70, mais elle progresse lentement et s’est concrétisée récemment à l’occasion de la guerre en Ukraine : ainsi le programme « Horizon Europe » finance des programmes de recherche à hauteur de 95,5 milliards d’euros entre 2021 et 2027. 15 Droit européen 2024/2025 3. LES TROIS PREMIERES VAGUES D’ÉLARGISSEMENT La Grande-Bretagne, le Danemark et l’Irlande rejoignent les six États fondateurs dans la CEE en 1973, après de pénibles négociations. En 1981, la Grèce devient membre de l’« Europe des neuf ». L’Espagne et le Portugal rejoignent les dix États membres de la CEE en 1986. 4. L’ACTE UNIQUE EUROPÉEN DE 1986 L’Acte unique européen, adopté le 17 février 1986, contient la première véritable révision des traités fondateurs des Communautés européennes. Il engage la Communauté économique européenne (CEE) vers l’achèvement du marché intérieur, tout en facilitant les conditions de sa réalisation. Ce traité marque aussi le début d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Son nom (Acte « unique ») provient du fait que ce traité unique répond à un double objectif et aurait dès lors pu figurer dans deux textes différents : l’un (de nature économique) modifiant le Traité CEE, et l’autre (politique) en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Ce traité modificatif élargit aussi les compétences de la CEE à la recherche et au développement, et à l’environnement. Ainsi, les compétences de la CEE se diversifient, la rendant déjà un peu moins économique. 5. LE TRAITÉ DE MAASTRICHT DE 1992 : TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE (TUE) Le Traité de Maastricht du 7 février 1992 a créé l’Union européenne. Il est venu s’ajouter aux traités fondateurs existants (Traité CECA, Traité CEE, Traité Euratom). L’Union européenne se présentait alors comme un temple grec, avec un fronton commun (des principes et des institutions), et trois piliers différents dans leur importance et leur fonctionnement. 16 Droit européen 2024/2025 Le premier pilier était le plus important et le plus supranational : le « pilier communautaire », reprenant les trois Communautés existante (CECA, CEE et Communauté Euratom). Soulignons qu’à ce moment, la Communauté économique européenne (CEE) est rebaptisée « Communauté européenne » (CE), parce que ses compétences dépassent le seul domaine économique (ex. : culture, santé publique, éducation). Par ailleurs, le Traité de Maastricht consacre la coopération politique des États dans des domaines plus sensibles : en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC : deuxième pilier) et dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI : troisième pilier). Pour ces compétences qui touchent de près à la souveraineté des États, la méthode communautaire (supranationale, d’intégration) n’est pas retenue : on lui préfère une logique plus classique de coopération intergouvernementale (supra), d’où leur appartenance à des piliers distincts du pilier communautaire. A partir de 1992, le Traité sur l’Union européenne (TUE) et le Traité instituant la Communauté européenne (TCE) forment les textes fondamentaux pour la définition de l’Union européenne. Le Traité de Maastricht marque aussi le début de l’union économique et monétaire qui préfigure l’introduction de l’euro. 17 Droit européen 2024/2025 6. NOUVELLE VAGUE D’ÉLARGISSEMENT Ce sont des pays plus riches qui adhèrent à l’Union européenne : l’Autriche, la Finlande et la Suède. L’Union compte alors quinze membres. Cette adhésion est entrée en vigueur le 1er janvier 1995. 7. LE TRAITÉ D’AMSTERDAM DE 1997 Le Traité d’Amsterdam du 9 octobre 1997 est un traité modificatif et de transition. Il est entré en vigueur le 1er mai 1999. On retient de ce traité qu’il a tenté notamment de rapprocher l’Union européenne de ses citoyens : il contenait dès lors des dispositions dans le domaine social (emploi, santé publique) et des droits fondamentaux (principes de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme). 18 Droit européen 2024/2025 8. LE TRAITÉ DE NICE DE 2001 Préalable indispensable de l’élargissement à dix nouveaux États (infra), le Traité de Nice du 26 février 2001 devait permettre d’assurer un bon fonctionnement des institutions lorsque l’Union européenne comprendrait près de 30 membres. Ce traité est entré en vigueur le 1er février 2003. 9. L’ADHÉSION DE DIX NOUVEAUX PAYS En décembre 2002, l’Union européenne se tourne vers l’Est du continent et accueille – lors du plus grand élargissement de son histoire – dix pays d’Europe centrale et orientale : Chypre, Malte, la Slovénie, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne, la Hongrie, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Le traité est entré en vigueur le 1er mai 2004. L’Union compte alors 25 membres. La Bulgarie et la Roumanie devront encore attendre jusqu’en 2007 pour intégrer l’Union européenne. 10. LE TRAITÉ DE 2004 ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L’EUROPE Ce traité, signé à Rome le 29 octobre 2004 n’est jamais entré en vigueur car les 25 États membres de l’époque ne l’ont pas ratifié avant le 25 octobre 2006. En effet, la ratification (supra) obéit à des règles différentes selon les États ; dans certains, la ratification appelle parfois un referendum. En l’occurrence, on se souvient des « non » français et néerlandais donnés par referendum à cette Constitution pour l’Europe. > Absence de Constitution formelle en Europe mais Constitution matérielle (supra). 11. LE TRAITÉ DE LISBONNE DE 2007 Signé le 13 décembre 2007, le Traité de Lisbonne a tenté de récupérer le travail avorté du Traité constitutionnel. Il se présente comme un traité modificatif, qui maintient le TUE et le TCE. 19 Droit européen 2024/2025 Alors que le Traité établissant une Constitution pour l’Europe abrogeait les différents traités existants au profit d’un seul texte appelé « Constitution ». Cette démarche avait l’avantage de simplifier la structure du droit primaire de l’Union européenne, mais elle a vraisemblablement effrayé les États membres par l’impression de « table rase », qu’elle faisait du passé. Toutefois, la structure en piliers de l’Union européenne disparaît (supra)7, et avec elle, le concept de « Communautés » et l’emploi de l’adjectif « communautaire ». D’ailleurs, le Traité instituant la Communauté européenne (TCE) est rebaptisé « Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE). Le Traité de Lisbonne a connu une phase de ratification laborieuse, mais est finalement entré en vigueur le 1er décembre 2009. 12. L’ADHÉSION DE LA CROATIE Le 1er juillet 2013, la Croatie est devenue le 28ème État membre de l’Union européenne, après une décennie au cours de laquelle des réformes ont été mises en place, nécessaires à l’alignement du pays aux normes et aux lois de l’Union. 13. LE BREXIT (BRITAIN EXIT) Le 24 juin 2016, les britanniques ont voté par referendum leur sortie de l’UE. Pour qu’un État Membre quitte l’UE, il doit le notifier sa décision auprès de l’UE, laquelle notification ouvre une période de 2 ans max de négociation à l’issue de laquelle la sortie deviendra effective. (Cfr Article 50 TUE) Theresa May, Premier Ministre Britannique, avait annoncé une sortie effective le 29 mars 2019. Theresa May a négocié pendant 2 ans un accord sur les modalités de sortie du Royaume- Uni de l’UE. Mais les députés britanniques ont chaque fois rejeté cet accord. Theresa May a donc démissionné et c’est Boris Johnson, l’ancien maire de Londres qui l’a remplacée en juillet 2019. Le Brexit a eu lieu officiellement le 31 janvier 2020 mais n’a produit ses effets qu’à partir du 1er janvier 2021, le temps pour le RU et l’UE de négocier un accord sur les modalités de sortie. 7 Des dispositions très spécifiques pour la PESC sont toutefois maintenues, de sorte que cette compétence continue de relever de la coopération intergouvernementale. 20 Droit européen 2024/2025 En effet, le 30 décembre 2020, un accord de commerce et de coopération a été signé entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Dans l'attente de sa ratification par la Parlement européen, il a été mis en application provisoire au 1er janvier 2021 et est entré en vigueur le 1er mai 2021 Ainsi, depuis 1er janvier 2021, cet accord détermine les règles applicables aux relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne dans un certain nombre de domaines. Le droit de l'Union européenne a cessé de s'appliquer au Royaume-Uni le 31 décembre 2020 à minuit. Bien qu'un accord ait été conclu entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, les formalités douanières ainsi que les contrôles sanitaires et phytosanitaires ont été rétablis pour le transport de marchandises. La libre circulation des personnes n'est plus applicable. L'intégralité des contrôles migratoires ont été rétablis à destination et en provenance du Royaume-Uni. Dorénavant, les ressortissants de l'Union européenne souhaitant s'installer au Royaume-Uni doivent, dans la plupart des cas, solliciter un visa, et réciproquement. Les courts séjours (moins de 3 mois) sont exemptés de visa. En vertu de l'accord de commerce et de coopération, aucun droit de douane n'est applicable aux échanges entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Cet accord définit en outre une relation privilégiée entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, en matière commerciale, mais également pour la coopération dans certains domaines (coopération policière et judiciaire, coordination de sécurité sociale, transports, etc.). 14. L’INVASION RUSSE EN UKRAINE La décision russe de lancer une offensive militaire le 24 février 2022 en Ukraine a bouleversé les relations internationales. La guerre qui sévit désormais sur le continent européen est au centre des préoccupations de l’Union. Entre sanctions contre la Russie, aide à l’Ukraine, répercussions économiques et sursaut européen, des grandes questions sont soulevées par le conflit. Le 28 février 2022, quatre jours après l’invasion russe, le Président ukrainien signe une lettre de candidature formelle à l’adhésion, appelant à une intégration “sans délai” de son pays via une “procédure spéciale”. Le 3 mars, la Géorgie et la Moldavie, se sentant elles aussi davantage menacées par la Russie, déposent à leur tour leur candidature. Celles-ci sont acceptées formellement le 23 juin. Mais si ces candidatures ont été officiellement acceptées, une étape qui prend habituellement plusieurs années, Kiev devrait mettre en œuvre d’importantes réformes pour se conformer aux critères d’adhésion. Parmi eux, un 21 Droit européen 2024/2025 Etat de droit stable et une économie de marché viable, des conditions difficiles à respecter pour un pays en guerre. Partie 2. Les institutions européennes L’Union européenne fonctionne grâce à des institutions, chargées d’adopter le droit (européen) dérivé et de le faire appliquer. Ces institutions sont créées, organisées, mises en place par les traités fondateurs (aujourd’hui : TUE, TFUE) qui sont donc des traités institutionnels (ou traités-cadres). A l’heure actuelle, l’Union européenne compte 7 institutions : le Conseil européen (1), le Conseil (2), la Commission européenne (3), le Parlement européen (4), la Cour de justice de l’Union européenne (5), la Cour des comptes (6), et la Banque centrale européenne (7). 1. LE CONSEIL EUROPÉEN – ARTICLE 15 TUE En pratique, le « Conseil européen » existe et se réunit depuis longtemps (1974), mais il est devenu une institution à part entière de l’Union européenne, avec le Traité de Lisbonne. Il s’agit d’une institution qu’on peut qualifier d’« intergouvernementale » (supra) parce qu’elle représente les États membres de l’Union européenne. Composition Selon l’article 15, § 2 du TUE, « Le Conseil européen est composé des chefs d’État Chypre, la France et la Lituanie et la Roumanie sont ainsi représentés par leur Président ou de gouvernement des États membres, c’est-à-dire les premiers ministres. Aujourd’hui, c’est , notre premier Ministre, qui siège au Conseil européen pour la Belgique. ainsi que de son président de 2019 à 2024, Charles Michel, un ancien premier ministre belge. En novembre 2024, c’est le socialiste portugais Antonio COSTA qui lui succédera. et du président de la Commission Actuellement, Ursula Von der Leyen, suite à l’approbation par le Parlement de la composition globale de la Commission ; infra. Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité participe à ses travaux ». La fonction de « Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité » a été créée par le Traité de Lisbonne. En novembre 2024, c’est 22 Droit européen 2024/2025 Madame Kaja KALLAS, l’ancienne première ministre libérale estonienne, qui occupera ce poste. Cette sorte de « ministre des Affaires étrangères européen »8 est à la tête de la diplomatie européenne (direction de la PESC). Nous verrons qu’outre participer aux travaux du Conseil européen, cette personnalité importante préside le Conseil dans sa formation « Relations extérieures » (infra) et est membre de la Commission (vice- président ; infra). Présidence Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le Conseil européen connaît une présidence stable9 puisque selon l’article 15, § 5 du TUE, « Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée (infra) pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois ». Herman Van Rompuy, un ancien premier ministre belge, fut le tout premier président du Conseil européen de novembre 2009 au 1er décembre 2014 ; puis, c’est Monsieur Donald Tusk, un premier ministre polonais, qui a pris la présidence du Conseil européen jusqu’en décembre 2019 et jusqu’en novembre 2024, c’est Charles Michel, à nouveau un ancien premier ministre belge qui est président du Conseil européen. En novembre 2024, c’est Monsieur Antonio COSTA, ancien premier ministre socialiste portugais. Le président a pour tâche principale d’assurer la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen ; lors des séances, il préside et œuvre à la recherche de consensus (art. 15, § 6 TUE). !!! ATTENTION !!! On ne confond pas le Conseil européen et le Conseil10 (infra). Ces deux institutions de l’Union européenne doivent aussi être différenciées d’une organisation internationale distincte, nommée « Conseil de l’Europe ». Le Conseil de l’Europe fonctionne parallèlement à l’Union européenne et n’est pas lié à elle. Il a été mis sur pied en 1949 pour sauvegarder et développer les droits de l’homme et les libertés fondamentales. C’est lui qui a adopté la CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) et qui a mis en place une Cour européenne des droits de l’homme (à Strasbourg) pour veiller à son respect par les États membres (du Conseil de l’Europe). Il compte 47 États membres. 8 Dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, l’appellation de cette personnalité était « ministre des Affaires étrangères de l’Union ». 9 La présidence du Conseil européen est donc différente de la présidence tournante du Conseil (infra). 10 Appelé aussi « Conseil de l’Union européenne » ou « Conseil des ministres » parce qu’il se compose des ministres des Etats membres. 23 Droit européen 2024/2025 Fonctions Le Conseil européen est et a toujours été un organe moteur dans la construction européenne. L’article 15, § 1er du TUE stipule en effet que « Le Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales ». Ex. : stimuler la croissance et l’emploi, assurer la stabilité de la zone euro, lutter contre le changement climatique. Le Conseil européen n’exerce toutefois aucune fonction législative. Décisions Le Conseil européen se réunit deux fois par semestre (quatre fois par an) à Bruxelles. Son président peut toutefois décider de convoquer une réunion spéciale si nécessaire. Les décisions du Conseil européen sont prises par consensus entre ses membres. Toutefois dans certains cas, prévus par les TUE et TFUE, les décisions doivent être votées à l’unanimité, à la majorité qualifiée, ou à la majorité simple. 2. LE CONSEIL (DE L’UNION EUROPÉENNE) – ARTICLE 16 TUE Le Conseil des Ministres (ou « Conseil de l’Union européenne ») est une institution de l’Union européenne qu’on peut aussi qualifier d’« intergouvernementale » parce qu’elle représente les États membres de l’Union européenne. Composition Il n’existe pas de membres du Conseil en tant que tels. Lors de chaque réunion, les États membres de l’Union européenne délèguent un ministre chargé de la politique faisant l’objet des discussions (d’où parfois aussi son appellation « Conseil des ministres »). Ex. : Lors d’un Conseil siégeant en formation « environnement », les États membres de l’Union désignent chacun leur ministre de l’Environnement. Les ministres des États membres se réunissent à Bruxelles ou à Luxembourg. 24 Droit européen 2024/2025 Formations Il existe au total dix formations du Conseil : – Affaires générales – Relations extérieures (ou Affaires étrangères) – Affaires économiques et financières (Ecofin) – Justice et affaires intérieures (JAI) – Emploi, politique sociale, santé et consommateurs – Compétitivité – Transports, télécommunications et énergie – Agriculture et pêche – Environnement – Education, jeunesse et culture La formation « Affaires générales » est la principale (ministres des affaires étrangères). Les autres formations donnent lieu à des conseils spécialisés ou sectoriels, plus techniques, même si ce n’est pas au niveau du Conseil qu’on aborde les aspects techniques. Présidence Le Conseil, dans sa formation « Relations extérieures », est présidé par le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Josep Borrell ; supra). Toutes les autres formations du Conseil sont présidées par le ministre issu du pays détenant la présidence tournante de l’Union européenne. En effet, contrairement au Conseil européen qui connaît désormais une présidence stable (supra), le Conseil fonctionne selon un système de présidence tournante. Il est donc présidé à tour de rôle par chaque État membre pour une durée de six mois (de janvier à juin, puis de juillet à décembre). Ex. : Toute réunion du Conseil siégeant en formation « environnement » et ayant lieu durant la période au cours de laquelle l’Italie assure la présidence du Conseil des ministres de l’Union européenne sera présidée par le ministre italien de l’Environnement. Actuellement, la Présidence tournante appartient à la Hongrie. Du 1er janvier 2024 et jusqu’au 30 juin 2024, c’était à la Belgique que revenait cette présidence tournante. En janvier 2025, ce sera au tour de la Pologne. 25 Droit européen 2024/2025 Fonctions Le Conseil dispose d’un important pouvoir de décision : il exerce le pouvoir législatif, au départ seul et aujourd’hui en codécision avec le Parlement (infra). Il définit aussi, avec le Parlement, le budget de l’Union européenne. Il exerce quelques compétences d’exécution dans certaines matières sensibles comme la PESC, où le Conseil met en œuvre le droit européen. Enfin, sur le plan international, le Conseil ouvre les négociations et conclut des accords internationaux avec d’autres États ou des organisations internationales, au nom de l’Union européenne. Décisions Le mode décisionnel du Conseil dépend du domaine dans lequel il est amené à décider : vote à l’unanimité, à la majorité simple, ou à la majorité qualifiée. L’unanimité n’est requise que pour un nombre restreint de domaines, mais qui concernent des secteurs importants tels que la fiscalité, la politique sociale ou la défense commune. « La politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l'unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. L'adoption d'actes législatifs est exclue » (art. 24, § 1er, al. 2 TUE). « Sans préjudice des autres dispositions des traités et dans les limites des compétences que ceux- ci confèrent à l'Union, le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après approbation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle » (art. 19, § 1er TFUE). Pour le reste, la majorité qualifiée est la règle11. En effet, selon l’article 16, § 3 du TUE, « Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement ». Depuis le 1er novembre 2014, le calcul de la majorité qualifiée est différent. En effet, le Traité de Lisbonne prévoit un nouveau système de double majorité : vote favorable d’au moins 55% d’États membres réunissant au moins 65% de la population. On abandonne 11 Les cas requérant la majorité qualifiée ont encore été augmentés dans le traité de Lisbonne. 26 Droit européen 2024/2025 donc le système d’attribution d’un nombre de voix à chaque État. Il faut désormais qu’au moins 15 États sur 27 (55%) soient favorables et que ces États représentent au moins 65% de la population de l’Union européenne. 3. LA COMMISSION EUROPÉENNE – ARTICLE 17 TUE À la différence du Conseil européen et du Conseil qui représentent les États membres (les gouvernements nationaux), la Commission européenne est une institution supranationale : elle est indépendante des États membres et du Conseil, elle recherche et défend les intérêts de l’Union européenne dans son ensemble, sans a priori étatique. Composition Selon l’article 17, § 3, alinéa 2 du TUE, « Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance ». Une nouvelle Commission (un président et des membres appelés « commissaires ») est désignée tous les cinq ans, dans les six mois qui suivent les élections du Parlement européen12. On a fixé le nombre de commissaires à un par État membre, ce qui donne actuellement une Commission de 27 personnes (en ce compris le président et les vice-présidents). Désignation La procédure d’investiture de la Commission est fixée à l’article 17, § 7 du TUE. D’abord, le Conseil européen propose – à la majorité qualifiée – une personnalité pour occuper la fonction de président de la Commission. Le Parlement européen élit ce président à la majorité de ses membres. Si le candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen propose, dans un délai d’un mois, un nouveau candidat au Parlement européen. Depuis novembre 2024, la Présidente de la Commission, est toujours l’Allemande Ursula Von der Leyen qui a entamé un second mandat après avoir succédé en 2019 à Monsieur Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre luxembourgeois. 12 Un commissaire peut être redésigné au terme de son mandat. Ex. : José Manuel Barroso a été Président de la Commission à partir de 2004 (premier mandat : 2004-2009, deuxième mandat : 2009-2014). 27 Droit européen 2024/2025 Ensuite, le Conseil et le président élu établissent ensemble une liste des personnalités qu’ils souhaitent voir nommer membres de la Commission, en tenant compte des suggestions reçues des différents États membres. Le collège des commissaires dans son ensemble est alors soumis à un vote d’approbation du Parlement européen. La Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement Kaja Kallas est l’une des 28 commissaires européens ; elle est par ailleurs la vice-présidente de la CommissionMais ATTENTION : le HR n’est pas nommé suivant la même procédure que les autres commissaires : article 18(1) TUE : « Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du président de la Commission, nomme le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Le Parlement donne son approbation sur la nomination du RH lorsqu’il approuve le collège Président-HR-Commissaires (Article 17(7)(3) TUE). La Commissaire belge est Madame Hadja Lahbib qui a en charge …………………………………………………..au sein de l’UE. Enfin, la Commission est formellement nommée par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée. Fonctions La Commission protège les intérêts de l’Union européenne et remplit quatre fonctions essentielles, énumérées par l’article 17, § 1er du TUE. 1. Une fonction exécutive : La Commission exerce par principe le pouvoir exécutif : elle met en œuvre et applique les normes européennes et le budget de l’Union européenne. 2. Une fonction législative : La Commission joue un rôle d’initiative essentiel et quasi monopolistique. En effet, elle est en principe la seule institution de l’Union à pouvoir proposer de nouveaux actes législatifs européens qu’elle soumet au Parlement et au Conseil13. Ce rôle confère à la Commission un pouvoir considérable. 3. Une fonction de surveillance/contrôle : La Commission (avec la Cour de justice ; infra) veille au respect du droit européen (primaire et dérivé), par les États membres, les autres institutions et les particuliers (citoyens et entreprises) ; d’où son surnom de « gardienne du droit européen ». 13 Dans le cadre de la PESC, la Commission partage son droit d’initiative avec le Haut Représentant et les États membres (Article 42 TUE). De même, en matière de coopération policière et judiciaire dans les affaires pénales (article 76 TFUE), la Commission partage son droit d’initiative avec un quart des États membres. 28 Droit européen 2024/2025 Pour accomplir cette mission de surveillance, la Commission jouit d’un large droit d’être informée et de pouvoirs d’investigation (enquête) importants pour mettre en œuvre ce droit. Ainsi, elle peut s’informer auprès des États membres, qui doivent collaborer de manière loyale (ex. : les États membres doivent informer la Commission des mesures nationales qu’ils prennent en vue de transposer les directives européennes ; infra). La Commission peut aussi s’informer auprès des entreprises actives au sein de l’Union européenne, surtout en matière de concurrence (interdiction des ententes et des abus de position dominante). À cet égard, elle peut notamment accéder aux locaux d’une entreprise, contrôler ses comptes voire même accéder au domicile privé de ses dirigeants en cas de soupçons. Lorsqu’elle constate une violation du droit européen, la Commission européenne peut saisir la Cour de justice contre des actes des autres institutions européennes (recours en annulation ou recours en carence ; infra) et contre des actes des États membres (recours en manquement ; infra). Elle peut aussi infliger des sanctions directes aux opérateurs économiques (personnes physiques ou morales) qui ont méconnu le droit européen. 4. Une fonction de négociation des accords internationaux La Commission représente l’Union européenne sur la scène internationale (sauf dans le domaine de la PESC). Sur mandat du Conseil (qui ouvre les négociations ; supra), elle conduit souvent elle-même ces négociations. 29 Droit européen 2024/2025 4. LE PARLEMENT EUROPÉEN – ARTICLE 14 TUE Depuis 1979, les citoyens européens élisent, au suffrage universel et tous les cinq ans, leurs représentants au Parlement européen, appelés « députés européens ». Ces députés européens ne représentent pas leur État (ni leur Parlement, ni leur parti) mais la population des États de l’Union européenne. Au fil des réformes, le rôle et les pouvoirs du Parlement n’ont cessé de croître. Composition Dès l’origine, le Traité CECA prévoyait la possibilité d’élire au suffrage universel le Parlement européen, appelé alors Assemblée parlementaire. Cette possibilité fut mise en œuvre en 1979. La procédure électorale reste toutefois soumise à la législation nationale de chaque État membre. Ainsi par exemple, dans les nombreux pays européens où le vote n’est pas obligatoire, l’élection au Parlement européen n’est pas non plus obligatoire. Le nombre de parlementaires a augmenté au fil des élargissements de l'Union pour atteindre un nombre de 766 représentants. Ce nombre a toutefois été réduit à 705 après le Brexit de janvier 2020. Le nombre de sièges attribué à chaque État est fonction de l’importance de sa population. Ex. : L’Allemagne compte 96 sièges et la Belgique 21. Malte en compte 6 et la Croatie 12 ; les petits États sont ainsi un peu surreprésentés et les grands un peu sous-représentés. La grande particularité du Parlement européen est qu’il s’agit d’une assemblée supranationale qui va très loin dans le processus d’intégration. En effet, au Parlement européen, les députés ne sont pas regroupés par nationalité, mais par groupes politiques, qui sont au nombre de sept. Ces groupes rassemblent donc des députés de nationalités différentes. Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) > le plus grand groupe du Parlement européen Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates au Parlement européen Renew-Europe group Groupe des Verts/Alliance libre européenne Conservateurs et Réformistes européens Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique Groupe Europe Identité et démocratie 30 Droit européen 2024/2025 En outre, tant pour être éligible (candidat député) que pour être électeur, la nationalité n’a aucune incidence : seule compte la citoyenneté européenne (et la résidence). Cette grande originalité qui consiste à dépasser les nationalités n’existe nulle part ailleurs en droit international public. Fonctions 1. Le Parlement européen partage le pouvoir législatif avec le Conseil de l’Union européenne > co-législateur. Pour l’adoption des textes législatifs, il existe deux types de procédures. La procédure législative ordinaire s’appelle « procédure de codécision ». Cette procédure s’est développée depuis le Traité de Maastricht et est devenue la procédure de droit commun à Lisbonne : elle place le Parlement sur un pied d’égalité avec le Conseil. La procédure législative spéciale s’applique uniquement à des matières spécifiques et sensibles (ex. : fiscalité, politique agricole et industrielle). Dans ce type de procédure, le Parlement n’a qu’un rôle consultatif. Il émet des avis non contraignants. 2. Le Parlement approuve annuellement le budget de l’Union européenne (et de l’EURATOM) 3. De manière générale, le Parlement exerce un contrôle démocratique et politique sur une grande partie des activités de l’Union. Cela garantit une certaine influence des représentants des citoyens européens sur les institutions de l’Union. En particulier, le Parlement occupe une position centrale dans la désignation de la Commission et de son Président ; et il peut provoquer sa démission collective si la confiance dans la Commission est rompue. 4. Enfin, le Parlement a acquis un rôle croissant dans les relations extérieures de l’Union européenne : de nombreux accords internationaux doivent aujourd’hui être approuvés par lui. 5. LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE – ARTICLE 19 TUE La Cour de justice de l’Union européenne est une des institutions fondamentales de l’Union européenne, qui veille à une interprétation et à une application uniformes du droit européen dans tous les États membres. 31 Droit européen 2024/2025 Elle a son siège à Luxembourg et « s’impose » à tous les États membres14 ; autrement dit, les États ne peuvent pas se soustraire à sa compétence et à sa jurisprudence comme c’est le cas pour la Cour Internationale de justice (supra). Dès lors, la Cour de justice de l’Union européenne possède un caractère fortement supranational. La Cour de justice de l’Union européenne est le système juridictionnel de l’Union européenne. Ce système englobe trois juridictions : la Cour de justice, le Tribunal15 et les tribunaux spécialisés. Actuellement le seul tribunal spécialisé qui a existé est le Tribunal de la fonction publique mis en place par le Traité de Lisbonne mais il a été supprimé en 2016. Ces juridictions sont chargées d’assurer le respect du droit dans l’application et l’interprétation des traités (art. 19, § 1er, al. 1er TUE). Les litiges portés devant la Cour de justice de l’Union européenne peuvent concerner les États membres, les institutions européennes, mais aussi les entreprises et les particuliers. La Cour de justice La Cour de justice existe depuis le Traité de Paris qui institua la CECA. Elle compte un juge par État membre (27 actuellement) et 11 avocats généraux. Ces personnes sont nommées par les Gouvernements des États membres pour un mandat de six ans, renouvelable. Le rôle du juge est de trancher le différend qui lui est soumis ; dans les différentes procédures existantes (examinées ci-après). En fonction du litige, la Cour peut siéger en assemblée plénière (lorsqu'elle estime qu'une affaire revêt une importance exceptionnelle), en grande chambre (quinze juges ; lorsqu'un État membre ou une institution qui est partie à l'instance le demande, ainsi que pour les affaires particulièrement complexes ou importantes) ou en chambre à cinq ou à trois juges. Les avocats généraux assistent la Cour : ils rendent des avis impartiaux et motivés (appelées « conclusions ») sur les affaires qui leur sont soumises. Il existe plusieurs manières de saisir la Cour : la très importante procédure de renvoi préjudiciel (1) et différents recours : le recours en annulation (2), le recours en manquement (3), le recours en carence (4), et le recours en responsabilité extracontractuelle (5). 14 Elle n’est toutefois pas compétente pour les affaires relevant de la PESC. 15 À l’origine (Acte unique européen ; supra), il portait le nom de « Tribunal de première instance ». 32 Droit européen 2024/2025 1. Le renvoi préjudiciel (art. 267 TFUE) Les traités et les normes de droit dérivé (infra) édictent des règles juridiques, mais c’est au sein de chaque État membre que ces règles vont s’appliquer concrètement à des cas individuels (en raison du caractère directement applicable du droit européen ET de sa primauté sur le droit national ; infra). Dès lors, en cas de litige entre particuliers, c’est en premier lieu un juge national qui sera saisi : si le litige concerne une ou plusieurs règles de droit européen, ce juge national devra la(les) appliquer, la(les) faire respecter et trancher le litige conformément au droit européen. Mais quid si le juge national a un doute sur la portée d’une règle européenne, s’il hésite quant à savoir si telle hypothèse entre dans son champ d’application, s’il ne sait pas comment interpréter tel concept ou telle obligation, telle interdiction ? Pour éviter que chaque juge national interprète différemment le droit européen selon ses traditions juridiques propres, et pour garantir une uniformité du droit de l’Union européenne dans tous les États membres, le mécanisme du renvoi préjudiciel a été mis en place. Il s’agit d’une procédure de juge à juge : un juge national devant lequel est soulevé une problématique de droit européen sursoit à statuer (l’affaire est suspendue devant le juge national) et saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Après examen, la Cour répondra, éclairera le juge national sur la portée/signification de la règle européenne concernée. Le juge (auteur de la question) devra alors se conformer à cette réponse dans l’issue qu’il donnera au litige qui lui était soumis ; mais tous les autres juges d’autres États membres saisis d’un litige similaire ou confrontés à la même question devront aussi respecter l’enseignement de la Cour. On tente ainsi d’atteindre l’objectif d’uniformité du droit européen. Ex : L’affaire Kreil. Madame Kreil est une résidente allemande qui est électronicienne de formation. Elle souhaite soumettre sa candidature pour être employée dans le service de maintenance électro-mécanique de l’armée allemande. Sa demande d’engagement volontaire est rejetée par le centre de recrutement au motif que la loi allemande exclut les femmes des emplois militaires qui comprennent l’utilisation des armes. Madame Kreil introduit donc une demande au tribunal administratif allemand. Elle estime en effet que le motif de refus d’embauche, fondé uniquement sur son genre, est contraire au droit européen. Il existait en effet à cette époque, une directive qui prévoyait l’égalité de traitement entre homme et femme. Le tribunal allemand décide donc de donc une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Il demanda à la Cour si cette loi est contraire à la directive sur l’égalité de traitement. Le gouvernement allemand évoque le fait que l’organisation des forces armées est une compétence exclusivement nationale. La Cour répond cependant au tribunal allemand que l’exclusivité de 33 Droit européen 2024/2025 compétence ne permet pas aux États membres de se soustraire à l’obligation d’égalité de traitement entre homme et femme. 2. Le recours en annulation (art. 263 TFUE) Le recours en annulation permet à la Cour de justice de contrôler la légalité des actes émanant des institutions européennes. En effet, tout acte d’une institution de l’Union qui produit des effets juridiques (c’est-à- dire qui est obligatoire) peut être « attaqué » en annulation par une institution, un État membre, ou même une personne physique ou morale. Cette dernière catégorie de requérants (personnes physiques et morales) ne peuvent toutefois agir en annulation que dans des conditions strictes : « Toute personne physique ou morale peut former (…) un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement (…) » (art. 263, § 4 TFUE ; nous soulignons). Les « raisons » pour lesquelles la Cour peut considérer un acte européen comme illégal et l’annuler (on appelle ces « raisons » des moyens) sont : – l’incompétence (de l’Union en général ou de l’institution auteur de l’acte) ; – la violation de formes substantielles (procédures et formes d’adoption des actes européens) ; – la violation du traité ou de toute règle relative à son application ; – le détournement de pouvoir. Lorsque la Cour annule un acte de l’Union, celui-ci disparaît pour tout le monde (effet erga omnes) et avec effet rétroactif c’est-à-dire pour le futur mais aussi pour le passé, comme si l’acte n’avait jamais existé. Ce sera à l’institution auteur de l’acte annulé, à prendre des dispositions pour « effacer » les effets de l’acte annulé. Ex : affaire Yassin Abdullah Kadi : dans cette affaire, le conseil de sécurité avait adopté diverses mesures pour réprimer le terrorisme et avait notamment adopté une résolution selon laquelle les Etats membres devaient geler les fonds de toute personne liée à Oussama Ben Laden. Dans ce cadre, un comité de sanction était mis sur place et devait mettre à jour une liste de personnes liées à Oussama Ben Laden. Yassin Adbullah Kadi a donc été ajouté à la liste du comité de sanction. Celui-ci décide alors d’introduire un recours en annulation pour violation des droits de la défense. C’est qu’en effet, ni le règlement, ni la position du Conseil ne prévoyait une procédure de communication des éléments qui justifient l’inclusion de personnes dans la liste. Le droit d’être entendu et le droit à un contrôle juridictionnel effectif sont violés. La Cour de justice a dès lors prononcé l’annulation du règlement. 34 Droit européen 2024/2025 3. Le recours en manquement (art. 258-259 TFUE) Le recours en manquement permet à la Cour de justice de contrôler le respect par les États membres des obligations qui leur incombent en vertu du droit de l'Union. La saisine de la Cour de justice est précédée d'une procédure préalable engagée par la Commission qui consiste à donner, à l'État membre concerné, l'occasion de répondre aux griefs qui lui sont adressés. Si cette procédure n'amène pas l'État membre à mettre fin au manquement, un recours pour violation du droit de l'Union peut être introduit auprès de la Cour de justice. Ce recours peut être engagé soit par la Commission - c'est, en pratique, le cas le plus fréquent - soit par un État membre. Si la Cour de justice constate le manquement, l'État est tenu d'y mettre fin sans délai. Si, après une nouvelle saisine par la Commission, la Cour de justice constate que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire et/ou d'une astreinte. Toutefois, en cas de non communication des mesures de transposition d'une directive à la Commission (infra), sur proposition de cette dernière, une sanction pécuniaire peut être infligée par la Cour à l'État membre concerné, dès le stade du premier arrêt en manquement. 4. Le recours en carence (art. 265 TFUE) Les traités imposent aux institutions de prendre certain(e)s actes/décisions, dans certaines circonstances. Si ces institutions ne se conforment pas à leurs obligations (inaction), les États membres, les autres institutions et, dans certaines conditions16, des personnes physiques ou morales, peuvent saisir la Cour (ou le Tribunal ; infra). Après une première phase (administrative) où l’institution défaillante aura été invitée à agir, la phase contentieuse (saisine du juge) pourra commencer si l’institution n’a toujours pas pris position à l’expiration d’un délai de deux mois. Si l'illégalité de l'omission est constatée, il appartient à l'institution visée de mettre fin à la carence par des mesures appropriées. Il s’agit donc, à la différence du recours en manquement, de sanctionner une abstention illégale des institutions. 16 La personne physique ou morale qui agit en carence doit prouver un intérêt à agir (défaut d’adoption d’un acte qui aurait à son égard des effets juridiques et qui le concernerait directement ou individuellement). 35 Droit européen 2024/2025 5. Le recours en responsabilité extracontracuelle (art. 268 et 340 TFUE) Lorsqu’une institution ou un membre du personnel de l’Union a adopté un comportement illégal et de ce fait a causé un dommage dans l’exercice de ses fonctions, les personnes physiques ou morales lésées peuvent introduire un recours en responsabilité auprès de la Cour de justice17. Il est très important que le dommage subi résulte du comportement illégal (action ou inaction) de l’institution ; on appelle cela l’exigence d’un lien causal : il faut que le préjudice invoqué par le requérant ait été causé par l’action ou l’inaction répréhensible de l’institution concernée. Si les conditions du recours sont rencontrées (comportement illégal, lien causal, préjudice), la Cour condamnera l’institution fautive à réparer le dommage qu’elle a fait naître dans le chef de particuliers. Le Tribunal Depuis 1989, la Cour de justice est assistée par le Tribunal (initialement « de première instance »)18. Le Tribunal n’est pas une institution, mais une juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne. Il est actuellement composé de 5 juges (deux par État membre), dont le mandat de six ans est renouvelable ; et il ne dispose pas d’avocats généraux (cette fonction peut toutefois être exceptionnellement confiée à un juge). Le Tribunal est compétent pour les recours en annulation, en carence et en responsabilité, introduits par des personnes physiques ou morales. Généralement, le Tribunal possède la compétence de principe : Art. 256, al. 1er TFUE « Le Tribunal est compétent pour connaître (…) des recours visés aux articles 263, 265, 268, 270 et 272, à l'exception de ceux qui sont attribués à un tribunal spécialisé (…) et de ceux que le statut réserve à la Cour de justice. Le statut peut prévoir que le Tribunal est compétent pour d'autres catégories de recours ». Les décisions rendues par le Tribunal peuvent faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant la Cour de justice. 17 Un État membre pourrait également agir en théorie, mais cela n’est jamais arrivé. 18 Créé par l’Acte unique européen (supra). 36 Droit européen 2024/2025 6. LA COUR DES COMPTES La Cour des comptes fut instaurée en 1977. Elle se compose d’un membre par État, désigné par le Conseil pour six ans. Elle siège à Luxembourg. La tâche principale de la Cour des comptes consiste à vérifier le budget de l’Union. En d’autres termes, la Cour veille à ce que la totalité des recettes de l’Union ait été perçue, que l’ensemble de ses dépenses ait été exécuté de manière légale et correcte, et que le budget de l’Union soit bien géré. La Cour tente ainsi d’assurer que le système européen fonctionne efficacement et de manière transparente. 7. LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE) Prévue par le Traité de Maastricht en 1992, et effectivement instaurée en 1998, la Banque centrale européenne est l’institution en charge de la monnaie unique européenne (l’euro). Elle a son siège à Francfort-sur-le-Main. Sa mission principale consiste, avec les différentes banques nationales de la zone euro (17 à ce jour19) à maintenir la stabilité des prix au sein de la zone euro et par conséquent, à préserver le pouvoir d’achat de l’euro. C’est ainsi que seule la BCE peut autoriser l’émission de billets de banque en euro dans l’Union. La BCE est – tout comme les Banques centrales des différents pays membres 20 – totalement indépendante des gouvernements nationaux et des autres institutions européennes. 8. SYNTHÈSE Le Conseil européen définit les orientations et les priorités politiques générales de l’Union. La Commission incarne le pouvoir exécutif de l’Union. Elle participe également au processus législatif, dans lequel le pouvoir décisionnel revient au Conseil et au Parlement. 19 Allemagne Autriche Belgique Chypre Espagne Estonie Finlande France Grèce Irlande Italie Luxembourg Malte Pays-Bas Portugal Slovaquie Slovénie Par ailleurs, Andorre, le Kosovo, Monaco, le Monténégro, Saint-Marin et le Vatican utilisent l’euro sans être membres de l’Union européenne et donc de la zone euro. 20 La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales forment le Système Européen des Banques Centrales (S.E.B.C., encore appelé « Eurosystème »). 37 Droit européen 2024/2025 La Cour de justice de l’Union européenne veille au respect et à l’application uniforme du droit européen. La Cour des comptes contrôle le financement des activités de l’Union. Quant à la Banque centrale européenne, elle est responsable de la monnaie unique européenne : l’euro. 38 Droit européen 2024/2025 Partie 3. Les normes européennes Les normes européennes se répartissent en deux grandes catégories : les normes de droit primaire (1) et les normes de droit dérivé (2). Après les avoir étudiées, il conviendra de s’interroger sur leur effet (3) et sur la primauté du droit européen par rapport aux droits nationaux (4). 1. LE DROIT PRIMAIRE Le droit primaire est constitué de l’ensemble des Traités fondateurs tels qu’ils ont été successivement modifiés. A l’origine, il s’agissait du Traité CECA et des deux Traités de Rome (CEE et Euratom), auxquels s’est ajouté en 1992 le Traité de Maastricht sur l’Union européenne (TUE ; supra). Aujourd’hui, le droit primaire de l’Union européenne comprend essentiellement, outre l’EURATOM, le Traité sur l’Union européenne (TUE) et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ainsi que la Charte des droits fondamentaux. La Charte des droits fondamentaux est un texte reprenant l’ensemble des droits civiques, politiques, économiques et sociaux des citoyens européens ainsi que de toutes les personnes vivant sur le territoire de l’Union. Ces droits sont définis en tant que valeurs communes de l’Union européenne. L’objectif est de rendre ces valeurs plus visibles, de façon à renforcer la protection des droits fondamentaux face aux changements de la société, au progrès social et aux développements scientifiques. La Charte est divisée en six chapitres : Dignité – Liberté – Egalité – Solidarité – Citoyenneté – Justice. Dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, la Charte était intégrée dans le corps du texte : elle formait le titre II de la Constitution en projet. A la suite du « non », donné à ce traité, la Charte a été signée à Lisbonne comme un texte autonome, le 12 décembre 2007 (la veille de la signature du Traité de Lisbonne proprement dit). Quant au Traité de Lisbonne, il reconnaît à la Charte des droits fondamentaux la même valeur juridique que les traités (art. 6 TUE). En effet, la Cour de justice de l’Union européenne est chargée de veiller au respect de la Charte dans toutes les actions de l’Union européenne. Ces différentes normes de droit primaire définissent le cadre institutionnel de l’Union européenne. Leur révision est soumise à une procédure spécifique et contraignante. 39 Droit européen 2024/2025 2. LE DROIT DÉRIVÉ Le droit dérivé regroupe les différentes normes adoptées par les institutions de l’Union européenne, en application des traités fondateurs21. Certaines de ces normes remplacent certaines règles du droit national des États membres et visent à harmoniser celles-ci sur l’ensemble du territoire européen. Les principaux actes de droit dérivé sont le règlement et la directive. Le règlement « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre » (art. 288, al. 2 TFUE). Le règlement est l’instrument normatif le plus complet et le plus efficace que les institutions européennes peuvent prendre. En effet, il vaut intégralement et uniformément dans tous les États membres et il est directement applicable (supra) : il génère donc des conséquences juridiques, sans besoin d’accomplir des actes d’exécution internes dans les différents États membres. Comme tel, il est apte à conférer des droits aux particuliers que les juges nationaux doivent protéger. Voir Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales https://eur-lex.europa.eu/legal- content/AUTO/?uri=CELEX:32002R1606&qid=1629984637279&rid=1 La directive « La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens » (art. 288, al. 3 TFUE). En d’autres termes, les directives sont des instruments de législation indirecte : elles fixent un objectif tout en laissant aux États la liberté de choisir comment atteindre cet objectif. Ce sont les États qui sont les uniques destinataires de la directive. Ils sont invités à modifier leur législation nationale pour y introduire la substance, le contenu, l’objectif de la directive européenne ; c’est ce qu’on appelle la transposition. Les directives doivent en effet être transposées dans un certain délai. Le dépassement de ce délai de 21 Ces normes sont énumérées dans l’article 288 du TFUE. 40 Droit européen 2024/2025 transposition engage la responsabilité de l’État, qui pourra se voir condamner en manquement (supra). Voir directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil https://eur-lex.europa.eu/legal- content/AUTO/?uri=CELEX:32013L0034&qid=1629985275232&rid=1 41 Droit européen 2024/2025 3. EFFET DIRECT Contrairement au droit international classique (supra), le droit européen tant primaire que dérivé, bénéficie d’une présomption d’effet direct. CJCE 1963, Arrêt Van Gend en Loos Comparé à d’autres Traités internationaux, les traités européens ont une nature particulière et la Communauté – aujourd’hui l’Union européenne – constitue « un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres mais également leurs ressortissants ». La Cour affirme ainsi que les règles européennes peuvent être valablement invoquées par un particulier devant un juge national et que celui-ci devra, si nécessaire, écarter les normes de son ordre juridique interne qui seraient contraires au droit européen. Les règlements sont toujours directement applicables ; La plupart des articles des Traités de droit primaire sont directement applicables ; La Cour de justice a développé une jurisprudence originale, propre à l’Union européenne :