Les Régimes Totalitaires PDF

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Summary

Ce document se penche sur l'analyse des régimes totalitaires, abordant successivement le cas de l'Allemagne nazie, de l'Italie fasciste et de l'URSS sous Staline. Il explore les contextes historiques, politiques et idéologiques qui ont conduit à l'émergence de ces régimes, ainsi que leurs caractéristiques communes.

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Les régimes Totalitaires I)Le modèle nazi : en Allemagne, Hitler et la montée du nazisme 1)L’accession au pouvoir des nazis a)Hitler au pouvoir b)La mise en place d’un régime dictatorial 2)Une société autoritaire a)L’antisémitisme d’État b)L’Allemagne embr...

Les régimes Totalitaires I)Le modèle nazi : en Allemagne, Hitler et la montée du nazisme 1)L’accession au pouvoir des nazis a)Hitler au pouvoir b)La mise en place d’un régime dictatorial 2)Une société autoritaire a)L’antisémitisme d’État b)L’Allemagne embrigadée 3)Une société tournée vers la guerre a)Le réarmement de l’Allemagne b)Une politique extérieure menaçante II)Le fascisme italien : un modèle spécifique 1)Une nation frustrée qui favorise l’avènement de Mussolini a)La nation prolétaire, frustrée par la Première Guerre mondiale b)Mussolini et la conquête du pouvoir c)L’abolition de la démocratie 2)Le fascisme italien, un modèle totalitaire a)Un discours de grandeur b)Les caractéristiques du fascisme c)La politique extérieure et coloniale de l’Italie fasciste III)La mise en place du système socialiste soviétique en URSS de Lénine à Staline 1)L’URSS : la naissance de la Russie soviétique a)Le gouvernement révolutionnaire des bolchéviques b)Lénine et la Nouvelle politique économique de l’URSS c)L’avènement de Staline au pouvoir 2)Les composantes du totalitarisme stalinien a)La modernisation forcée b)La terreur comme composante essentielle du stalinisme c)Le culte de la personnalité et l’exportation du modèle stalinien IV)Les caractéristiques des régimes totalitaires européens 1)Un projet modernisateur a)La violence fondatrice b)La modernité, au cœur du projet totalitaire c)La refonte de la société 2)Des méthodes autoritaires a)La soumission de la société b)La propagande et l’endoctrinement c)La société du silence : répression et élimination des ennemis publics d’État I)Le modèle nazi : en Allemagne, Hitler et la montée du nazisme Introduction : Suite à la Première Guerre mondiale et au traité de Versailles, l’Allemagne connait une crise morale, économique et politique. La jeune République de Weimar (1918-1933) a des difficultés à susciter l’adhésion de toute la société et est très fortement contestée par les partis extrémistes, communistes et nationalistes. Suite à la crise de 1929, la Grande Dépression s’installe en Allemagne. Le pays, pris dans un cercle vicieux de chômage et d’inflation, s’enfonce dans la crise. Adolf Hitler, un politicien d’extrême droite à la tête du parti nazi NSDAP, parvient à séduire les électeurs et à être désigné chancelier en janvier 1933. Dans les mois qui suivent, Hitler abolit la république et installe un régime dictatorial et totalitaire : le IIIe Reich (1933-1945). Nous verrons comment les nazis parviennent à se hisser à la tête de l’Allemagne et comment Hitler met en place un régime dictatorial. Nous nous intéresserons à l’Allemagne nazie en proie à l’embrigadement idéologique et au racisme systématique. Enfin, nous verrons comment Hitler façonne une société tournée vers la guerre et l’agressivité diplomatique. 1)L’accession au pouvoir des nazis Profitant de la crise économique et politique qui secoue l’Allemagne au début des années 1930, Adolf Hitler et son parti, le NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei), parti national-socialiste des travailleurs allemands), séduisent les électeurs allemands qui cherchent une solution pour sortir de la crise avec une rhétorique populiste et revancharde. Une fois au pouvoir, Hitler transforme le régime en une dictature en quelques mois. a)Hitler au pouvoir Après avoir été incarcéré à la suite d’un coup d’État raté en 1923, Adolf Hitler structure son mouvement politique autour d’un ouvrage qu’il rédige en prison : Mein Kampf. Ce livre décrit l’idéologie nationale-socialiste allemande, inspirée du fascisme italien et teinté d’une vision raciste de la société. Si le mouvement nazi reste marginal dans les années 1920, la crise économique des années 1930 augmente sa popularité. Le discours victimaire et populiste de Hitler flatte le peuple. Hitler lui propose des ennemis : les Juifs, les communistes et les vainqueurs de la Grande Guerre. Il propose aussi des solutions simples pour remédier à la crise, passant par une politique ultra-autoritaire. Hitler s’entoure de deux groupes paramilitaires liés au parti, les SA (Sturmabteilung, section d’assaut) et les SS (Schutzstaffel, escadron de protection), qui diffusent les idées nazies et qui utilisent la violence contre les adversaires politiques d’Hitler. Au printemps 1932, la SA et la SS sont temporairement interdis par le gouvernement Brüning. En juillet 1932, le parti nazi remporte les élections législatives avec 37 % des voix. Mais en novembre 1932, lors des élections législatives suivantes, le NSDAP descend à 33 %. Hitler s’associe alors à de grands noms de l’industrie, qui font pression sur le président Hindenburg. Ce dernier nomme alors Hitler chancelier, le 30 janvier 1933. Une fois au pouvoir, Hitler manœuvre habilement pour supprimer rapidement la démocratie, avec l’appui populaire. L’incendie du Reichstag, le parlement allemand, le 28 février 1933 donne l’occasion à Hitler de suspendre les libertés individuelles (en adoptant le décret « Pour la protection du peuple allemand ») et d’éliminer ses rivaux communistes : 4 000 militants d’extrême gauche sont arrêtés et le KPD (le parti communiste) est interdit. Aux élections de mars 1933, qui se déroulent dans un climat de terreur en raison de la violence exercée par la SS et la SA, le NSDAP obtient 44 % des voix et 288 députés. Le 23 mars 1933, estimant que le pays est en danger, Hitler se fait voter les pleins pouvoirs par les députés, ce qui lui donne la capacité de faire arrêter tous ses opposants et d’imposer sa politique sans contestation. b)La mise en place d’un régime dictatorial Après avoir proclamé la naissance du IIIe Reich le 23 mars 1933, Hitler ne trouve plus aucune résistance à son pouvoir. Il se débarrasse de tous les freins à son pouvoir et applique son programme antidémocratique : les syndicats et partis politiques sont dissous et les opposants arrêtés sont envoyés dans des camps de concentration (le camp de Dachau ouvre dès 1933 pour accueillir les opposants politiques). Définition IIIe Reich : Nom donné à l’Empire nazi constitué par Hitler. Il considère en effet son empire comme succédant au Saint Empire Romain germanique (premier Reich, 962-1806) et à l’Empire allemand (1871-1918). Le 14 juillet 1933, le parti nazi devient le parti unique, seul détenteur du pouvoir politique. Hitler exerce le pouvoir par la force par le biais des SA et des SS. Craignant que les SA n’affaiblissent son pouvoir, il décide de les éliminer malgré leur indéniable fidélité. Durant la nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934, les chefs de la SA et divers adversaires de Hitler sont éliminés. Cela permet à Hitler de régner par la terreur, même parmi ses plus proches fidèles. La mort du président Hindenburg permet à Hitler de fusionner les fonctions de chancelier et de président. Il devient ainsi le Führer de l’Allemagne. Pour légitimer sa politique autoritaire, il organise un plébiscite le 19 aout 1934 et y obtient 90 % de voix favorables, mettant ainsi fin à la république de Weimar. 2)Une société autoritaire Hitler établit un État totalitaire et raciste en Allemagne à partir de 1933. Ceci se traduit par des politiques de persécution des minorités raciales, et plus particulièrement des Juifs. Le parti nazi verrouille progressivement la société allemande à l’aide de l’idéologie nazie. a)L’antisémitisme d’État L’idéologie nazie est profondément antisémite et raciste. Hitler considère que les Allemands appartiennent à une race supérieure, la race aryenne, qui doit naturellement dominer le monde. Les Juifs sont particulièrement stigmatisés par les nazis, contre qui est élaborée la politique raciale de Hitler. L’antisémitisme n’est pas une spécificité allemande, il est répandu dans toute l’Europe de l’époque. Hitler le rend systématique et utilise ses pouvoirs pour mettre en place la persécution des Juifs. Par les lois de Nuremberg de 1935, ceux-ci sont déchus de leurs droits civiques, interdits d’exercer des fonctions publiques et sont progressivement exclus de tous les métiers. Les habitations et commerces juifs sont signalés par des indications, et les Juifs sont contraints de porter une étoile jaune en public. Hitler persécute systématiquement les communautés juives d’Allemagne, qui représentent alors plusieurs millions de citoyens. Les étudiants des universités allemandes mettent en place dès 1933 des autodafés, des rassemblements où ils brûlent des ouvrages écrits par les Juifs. Les politiques antisémites des nazis culminent avec la Nuit de cristal (du 9 au 10 novembre 1938) lorsque les SS mènent un pogrom organisé dans toute l’Allemagne à destination des communautés juives. Le bilan est lourd : 1 000 synagogues et 7 500 entreprises juives ont été pillées, 91 personnes assassinées, 30 000 Juifs arrêtés et déportés, notamment au camp de Dachau. b)L’Allemagne embrigadée Une fois au pouvoir, Hitler mène une politique d’industrialisation massive afin de relancer l’économie, en panne depuis la crise de 1929. Les secteurs privilégiés sont les industries lourdes et en particulier celles de l’armement. La relance de l’économie permet à Hitler de bénéficier d’un soutien populaire, qu’il prend soin de cultiver grâce à une propagande continue, qui vante ses bienfaits et ceux du régime nazi. Hitler est le Führer, le guide, et développe un culte de la personnalité particulièrement élaboré. La propagande est omniprésente dans l’Allemagne hitlérienne. Elle est l’œuvre de Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande, qui filtre systématiquement les informations par le biais d’une censure omniprésente. Le parti nazi structure la société allemande avec des organisations de jeunesse (Deutsches Jungvolk, la Jeunesse allemande, de 6 à 14 ans, puis Hitlerjugend, la Jeunesse hitlérienne, de 14 à 18 ans) qui permettent d’inculquer l’idéologie nazie aux petits Allemands. L’adhésion à ces organisations devient obligatoire à partir de 1936. À retenir L’embrigadement de la jeunesse et le contrôle permanent de la société, exercé à travers la police politique, la Gestapo, permet au parti nazi de maitriser chaque recoin de l’Allemagne. 3)Une société tournée vers la guerre Hitler reconstruit la société allemande en se basant sur une économie organisée par l’État et privilégiant l’industrie de guerre. Celle-ci lui sert à réaliser ses objectifs agressifs sur la scène politique internationale. a)Le réarmement de l’Allemagne La relance de l’économie allemande passe avant tout par la reconstitution d’une industrie de guerre, pourtant interdite depuis le traité de Versailles de 1919. Hitler désigne en effet ce dernier comme source de tous les malheurs des Allemands et pousse à une politique de réarmement systématique de l’Allemagne. Pour financer cette relance de l’économie, il vend de l’équipement militaire à l’étranger et pousse ses partenaires commerciaux à faire la guerre, comme lors de la guerre du Chaco, en 1935, où les Allemands fournissent les deux belligérants en armement (guerre qui opposa la Bolivie et le Paraguay, voir cours « Les politiques des États face à la crise mondiale »). En 1935, le pays est réarmé, et Hitler défie ouvertement les restrictions imposées par la Société des Nations. Il impose la conscription, ce qui a pour effet de multiplier par 5 les effectifs de l’armée, jusqu’alors limitée à 100 000 hommes. Hitler se lance également dans la production d’une marine de guerre et d’une aviation de guerre, pourtant interdites par le traité de Versailles. Devant la passivité de ses rivaux, Hitler est conforté dans la poursuite de sa politique de réarmement. En octobre 1933, Hitler décide de quitter la SDN et la conférence du Désarmement. En 1936, Hitler occupe à nouveau la Rhénanie, région qui était démilitarisée depuis 1919. Malgré les protestations de la France, le Royaume-Uni ne s’oppose pas à la politique de réarmement allemand. En 1936, Hitler soutient massivement le général Franco qui a déclenché une guerre civile en Espagne pour s’emparer du pouvoir. L’Espagne sert de terrain d’expérimentation du matériel militaire allemand et aussi de client pour l’industrie de l’armement. b)Une politique extérieure menaçante Adolf Hitler est obsédé depuis la fin de la Première Guerre mondiale par deux objectifs de politique internationale : étendre l’Allemagne sur une large partie de l’Europe et se venger du traité de Versailles. Le premier objectif se traduit par l’idée de l’Espace vital (Lebensraum) : Hitler estime que l’Allemagne doit englober toutes les populations allemandes d’Europe et que celles-ci ont un droit privilégié d’occuper des terres à l’est de l’Europe. Ses désirs d’expansion de l’Allemagne se réalisent avec l’Anschluss le 12 mars 1938, lorsque l’Allemagne nazie envahit l’Autriche pour l’annexer. Cette politique d’annexion des territoires germanophones se poursuit avec sa volonté d’annexer les Sudètes, une région de Tchécoslovaquie peuplée d’Allemands. Après un ultimatum des démocraties et des tractations diplomatiques, les accords de Munich, au cours desquels les ministres français et britanniques Daladier et Chamberlain obtiennent de Hitler une promesse de cesser sa politique d’expansion après les Sudètes, Hitler est autorisé à envahir cette région germanophone de Tchécoslovaquie en octobre 1938. Toutefois, quelques mois plus tard, l’armée allemande envahit le reste de la Tchécoslovaquie et entre dans Prague, violant la promesse faite à Munich. La politique d’expansion de Hitler se tourne alors vers la Pologne, État recréé en 1919 sur les ruines de l’Empire allemand (la Pologne existait au XVIIIe siècle mais a été démembrée suite à trois partages successifs entre l’Autriche, la Prusse et la Russie), et dont certains territoires sont occupés d’Allemands, notamment le couloir de Dantzig. Ce territoire, sur le bord de la mer Baltique, a été cédé à la Pologne en 1919 pour lui donner un accès à la mer, mais il coupe de facto le territoire allemand en deux, mécontentant les nationalistes allemands qui y voient une mutilation de leur territoire. Conclusion : Profitant de la crise économique de 1929, Adolf Hitler se hisse à la tête de l’Allemagne, imposant une dictature totale sur la société. Sa politique, basée sur l’antisémitisme et le militarisme, domine tous les aspects de la société allemande. La persécution des minorités politiques et ethniques se généralise suivant une logique d’épuration. Adolf Hitler parvient à reconstruire l’armée allemande et mène à la fin des années 1930 une politique agressive et belliciste. II)Le fascisme italien : un modèle spécifique Introduction : Bien que faisant partie des vainqueurs de la Première Guerre mondiale, le Royaume d’Italie sort de la Grande Guerre avec un sentiment amer : le pays échoue depuis son unification en 1860 à devenir une vraie puissance et les gains tirés de la guerre semblent bien trop maigres pour compenser les efforts engagés. Le pays est alors tiraillé par des tendances politiques opposées : les socialistes révolutionnaires souhaitent profiter du malaise de la classe ouvrière pour pousser à une révolution de type bolchévique, tandis que la droite nationaliste blâme les Alliés pour leur manque de considération vis-à-vis de l’Italie. Un ancien révolutionnaire socialiste passé à l’extrême droite pendant la guerre, Benito Mussolini, va alors profiter de la situation pour prendre le pouvoir et instaurer une dictature moderne : le fascisme. Nous verrons dans ce cours comment les frustrations de l’Italie, considérée comme une nation prolétaire, favorisent la conquête du pouvoir par le mouvement fasciste de Mussolini. Nous verrons aussi comment celui-ci va transformer l’Italie en une dictature d’un nouvel âge, évoquant la modernité et la splendeur pour asseoir son régime totalitaire. 1)Une nation frustrée qui favorise l’avènement de Mussolini Depuis son unification en 1860, l’Italie peine à se construire en tant que puissance européenne, à l’image de ses voisins. Au sortir de la Première Guerre mondiale, le pays est le terrain d’affrontement d’idéologies contraires, ce qui va favoriser l’avènement de Mussolini au pouvoir. a)La nation prolétaire, frustrée par la Première Guerre mondiale L’Italie est au début du XXe siècle une nation inaccomplie : depuis l’unification en 1860, l’État a exclu tout une partie des citoyens, confiant la politique aux mains de la bourgeoisie industrielle. Cette dernière favorise le développement du nord au détriment du Sud. Le manque d’opportunités pousse des millions d’Italiens à migrer vers l’étranger et favorise le développement d’une économie parallèle dans le sud par le biais de mafias. Les ambitions de grandeur coloniale de l’Italie se confrontent aussi à ses faiblesses : contrairement aux autres nations européennes qui ont pu faire la conquête de larges colonies, la politique coloniale italienne est faible : seule l’Érythrée et la Libye, des territoires pauvres, ont été conquis tandis que l’armée italienne a été humiliée par deux fois en échouant à conquérir l’Éthiopie. C’est dans ce contexte que l’Italie est entrée en guerre (tardivement) en 1915, dans le but de s’attribuer des colonies allemandes et ottomanes et surtout de conquérir les terres irrédentes en Autriche-Hongrie. Définition Terres irrédentes : Territoires étrangers peuplés par des Italiens réclamés par l’Italie pour constituer son État-nation. Comme les autres belligérants, l’Italie s’embourbe dans la guerre des tranchées et subit une humiliante défaite à Caporetto (novembre 1917). Si l’Italie résiste jusqu’à la fin de la guerre, c’est notamment grâce à ses Alliés, qui lui en ont tenu rigueur lors de la répartition des territoires. À la conférence de la paix à Paris, l’Italie n’obtient pas l’ensemble des territoires réclamés, qui sont pour la plupart attribués à la Yougoslavie. Un territoire en particulier est désiré par les Italiens : celui de la ville de Fiume, à majorité italienne. Lorsque cette dernière est attribuée aux Yougoslaves, le poète nationaliste Gabriele D’Annunzio décide de conquérir la ville avec des volontaires le 12 septembre 1919. Embarrassée, l’Italie se voit obligée de les déloger et de laisser la ville de Fiume sous un statut neutre suite à un nouvel accord avec les alliés. Devant une telle capitulation et constatant l’exclusion de l’Italie de la répartition des colonies allemandes et ottomanes, D’Annunzio qualifie l’Italie de « nation mutilée ». Définition Nation mutilée : Terme utilisé par le poète Gabriele D’Annunzio pour évoquer le sort de l’Italie à la fin de la Première Guerre mondiale. Selon lui, l’Italie a perdu de nombreux soldats pour des gains territoriaux incomplets. b)Mussolini et la conquête du pouvoir En parallèle de la question de Fiume, les ouvriers occupent des usines, pensant que le climat est favorable à une révolution similaire à celle des bolchéviques en 1917. Cette période de tension ouvrière, entre 1919 et 1920 a été appelée Biennio Rosso (« les deux années rouges »). Paniqués, les patrons d’industries et la bourgeoisie vont se tourner vers Benito Mussolini qui est à la tête d’un mouvement d’extrême droite, les Faisceaux italien de combat (Fasci di combattimento en italien), à qui ils vont confier le rôle de réprimer les manifestants par la force. Tout comme les grands patrons d’industrie, Mussolini déteste les socialistes qui l’ont exclu du Parti socialiste italien en 1914 pour ses positions favorables à la guerre et souhaite désormais prendre sa revanche. Il organise à l’intérieur de son mouvement des escadrons de combats, les chemises noires, qui répriment les grévistes par la violence. En 1921, Mussolini parvient à faire élire des députés dans la majorité de droite et transforme son mouvement, Les Faisceaux de combat, en parti politique, créant ainsi le Parti national fasciste (PNF, Partito Nazionale Fascista). Profitant de la division de la gauche, dont les partisans de la politique de Lénine font scission pour former le Parti Communiste Italien (Partito comunista italiano), et du soutien qu’il obtient de la bourgeoisie qui le considère comme force antirévolutionnaire, Mussolini se sent prêt à faire un coup d’État. Le 30 octobre 1922, Mussolini organise la Marche sur Rome : les fascistes partent de toutes les villes pour contrôler les préfectures et pour marcher en direction de Rome. Le roi d’Italie, Victor-Emmanuel III (1900-1946) laisse faire, laissant l’armée contempler la prise de pouvoir par Mussolini sans réagir. c)L’abolition de la démocratie Mussolini est nommé par le roi Président du conseil, c’est-à-dire chef du gouvernement, et prend le titre de Duce (« conducteur » ou « guide »). Il prend soin de ne pas abolir la monarchie, qui lui confère une légitimité. Il considère sa prise de pouvoir comme l’avènement d’une nouvelle ère, ce qu’il va d’ailleurs faire inscrire sur tous les monuments. Mussolini va abolir progressivement toute opposition et tout fonctionnement de la démocratie par la mise en place des lois fascistissimes (1925 et 1926) : les partis d’opposition sont interdits, hormis le Parti national fasciste qui devient partie intégrante du pouvoir. Cette abolition de la démocratie est symbolisée par l’assassinat du principal opposant de Mussolini, le député Giacomo Matteotti (1924). Le Duce annonce prendre la responsabilité de ce qui s’est passé et en profite pour renforcer son projet fasciste. La liberté de la presse est abolie, la censure devient la règle en Italie. Celle-ci est scrupuleusement appliquée par la police politique secrète, l’OVRA, (Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell’Antifascismo) qui fait régner la terreur dans la société italienne. Lui-même ancien journaliste et éditorialiste, Mussolini connait bien le rôle de la presse et du contrôle de l’information. Il crée un service de la propagande chargé de donner une image positive du régime, qui devient toujours plus dictatorial. 2)Le fascisme italien, un modèle totalitaire Au pouvoir, Mussolini crée un nouveau type de régime innovant, en s’inspirant de nombreux éléments qui constituent la modernité de l’époque. Le fascisme inspire à l’époque d’autres groupes qui aspirent à mettre en place des régimes totalitaires dans leurs pays. a)Un discours de grandeur Mussolini aspire à donner à l’Italie le statut qu’elle n’a jamais pu avoir, celui de puissance européenne. Après la conquête de l’Éthiopie (1935), il veut créer un Empire, à l’instar de l’Empire romain. Cette volonté se retranscrit dans le style des monuments qu’il fait ériger et qui s’inspirent de l’héritage de l’Antiquité. De même, il reprend le salut romain et le transforme en salut fasciste, salut que les Italiens doivent lui adresser en toute circonstance. Tel un empereur romain, Mussolini fonde des villes en Italie et revendique une image de bâtisseur, s’appropriant l’héritage antique. En plus de se revendiquer comme successeur des Romains, Mussolini s’inspire du modernisme. Proche du mouvement artistique futuriste, il en exploite l’esthétique. Tout comme lui, les futuristes se passionnent pour la vitesse des machines modernes (avions, moto, voitures), la monumentalité et l’agressivité des villes modernes. Mussolini leur confie la charge de moderniser l’image de l’Italie et de faire du fascisme un représentant de la modernité politique du début du XXe siècle. b)Les caractéristiques du fascisme Le modernisme du fascisme se retrouve aussi dans sa vision de la société. Réutilisant les concepts de taylorisme et de fordisme, il va appliquer l’idée de la standardisation et de la rationalisation à la société italienne : cela passe par la suppression des libertés individuelles. Mussolini pense en effet le peuple comme une masse d’individus interchangeables, et non comme une série de personnes. Les citoyens sont strictement surveillés par l’OVRA, et toutes leurs activités sont liées au parti fasciste : les loisirs et le travail sont organisés scrupuleusement autour d’une idée de contrôle des masses par le parti fasciste. Même la jeunesse est systématiquement endoctrinée par l’organisation Balilla (Opera Nazionale Balilla, Œuvre Nationale Balilla), qui forme les petits italiens à être de bons fascistes. Dans l’Italie fasciste, le Duce est vénéré. Il instaure le culte de la personnalité. Des icônes de Mussolini sont installées partout et le critiquer est interdit. Mussolini entreprend une modernisation forcée de l’Italie, la « révolution fasciste ». C’est une modernisation dans tous les domaines : industrie, agriculture, extraction, télécommunications… Ses bons rapports avec la bourgeoisie industrielle et son contrôle strict des travailleurs lui permettent de réaliser des progrès importants, bien que l’économie s’endette sans cesse. Pour résister à la crise de 1929, Mussolini adopte une économie autarcique, c’est-à-dire que son pays va se développer avec ses ressources internes, en évitant d’importer des produits de l’étranger et de dépendre des exportations. c)La politique extérieure et coloniale de l’Italie fasciste Dans les années 1930, Mussolini rêve d’étendre son territoire afin d’écouler la surproduction industrielle et d’alléger les pressions démographiques de l’Italie. C’est ce qui va le pousser à conquérir l’Éthiopie en 1935-1936, qu’il va faire rentrer dans la liste des colonies italiennes. Cette attaque contrevient cependant à l’ordre établi par la Société des Nations, qui impose alors des sanctions à l’Italie. L’Italie quitte l’organisation en 1937. Au même moment, la guerre d’Espagne éclate, offrant l’opportunité à Mussolini d’aider les nationalistes espagnols de Franco, qui se revendiquent du fascisme. L’Italie fasciste écoule ainsi ses surproductions militaires en Espagne et participe aussi aux bombardements des villes tenues par les Républicains. À retenir Ce conflit rapproche Mussolini d’un autre de ses admirateurs : Adolf Hitler. Ils signent ensemble une alliance, le Pacte d’Acier (1938), liant leurs destins contre les démocraties. Au contact d’Hitler, Mussolini commence à adopter une vision raciale de la société et des lois antisémites. Conclusion : Mussolini parvient à la fin de la Première Guerre mondiale à se hisser à la tête de l’Italie grâce à la constitution d’un mouvement d’extrême droite, le fascisme, qui offre à la bourgeoisie la violence nécessaire pour éviter une révolution communiste. Après la marche sur Rome, Mussolini est le maître absolu de l’Italie, abolissant tout contre-pouvoir et établissant une dictature totalitaire d’un genre nouveau. Perçu à l’époque comme un mouvement moderne et comme une alternative crédible au communisme, le fascisme va inspirer de nouveaux mouvements qui vont s’en réclamer dans les années 1920 et 1930, comme le nazisme en Allemagne. III)La mise en place du système socialiste soviétique en URSS de Lénine à Staline Introduction : En 1917, en plein milieu de la Première Guerre mondiale, deux révolutions ont lieu en Russie. Elles permettent la montée au pouvoir des bolchéviques. Ces derniers sont des communistes révolutionnaires, guidés par Vladimir Ilitch Lénine. À partir de novembre 1917, Lénine impose une dictature communiste en Russie, provoquant une guerre civile contre ses opposants, les Russes blancs. La Russie communiste est rebaptisée URSS en 1922 et Staline succède à Lénine à la direction de l’État communiste. Staline met alors en place une dictature totalitaire, en régnant par la terreur sur le peuple de l’URSS. Nous verrons dans ce cours comment Lénine parvient à imposer la création d’un État communiste, l’URSS, à la place de l’Empire russe, puis les composantes de sa politique. Nous nous attarderons ensuite sur la prise de pouvoir de Staline et l’installation de son régime totalitaire, entre modernisation et terreur. 1)L’URSS : la naissance de la Russie soviétique La Révolution d’Octobre, en 1917, amène les bolchéviques de Lénine au pouvoir en Russie. Ceux-ci appliquent une politique radicale pour transformer la Russie en un État communiste : l’URSS (Union Soviétique). a)Le gouvernement révolutionnaire des bolchéviques Dès novembre 1917, lors de la prise de pouvoir par Lénine, ce dernier donne le ton de la politique communiste qu’il souhaite imposer : paix avec l’Allemagne, suppression de la propriété individuelle et mise en place de la dictature du prolétariat. Cette politique radicale mécontente les bourgeois et propriétaires agricoles qui se voient dépourvus de tout bien. Appelés les Russes blancs, ils vont s’organiser pour lutter contre le gouvernement bolchévique de Lénine, appelé la Russie rouge. La guerre civile s’installe en Russie dès 1917 et se poursuit entre blancs et rouges jusqu’en 1920. À la tête de l’armée rouge, Léon Trotski repousse les Russes blancs qui trouvent refuge dans les pays occidentaux. Définition Bolchéviques : Communistes russes fidèles à Lénine. Débarrassé de toute opposition politique, Lénine décide alors de réformer la Russie en profondeur. Le pays est en retard sur les autres puissances et son économie est au bord de l’effondrement, avec le développement du marché noir dans tous les secteurs de l’économie et sur l’ensemble du territoire. L’une des premières mesures de Lénine est la nationalisation des terres, jusqu’alors gérées de manière féodale par des petits seigneurs locaux ou des petits propriétaires. La réquisition forcée des terres permet à Lénine de contenter les paysans qui réclamaient une réforme agraire en profondeur. b)Lénine et la Nouvelle politique économique de l’URSS En mars 1921, Lénine met fin à la politique dite du communisme de guerre, qui était en vigueur depuis la Révolution d’Octobre pour combattre les Russes blancs, et lance la NEP : La nouvelle politique économique. Celle-ci consiste à assouplir les mesures restrictives en ce qui concerne la liberté d’entreprise (pour faciliter la création de petites entreprises), et d’encourager l’essor des petits propriétaires agricoles, appelés koulaks. La NEP entraîne le développement du secteur agricole et la relance de l’économie russe. En interne, ces mesures sont critiquées. Elles sont considérées comme un retour au socialisme d’État et comme une trahison de l’idée communiste. Trotski regrette que la priorité ne soit pas de développer l’industrialisation de la Russie. Définition Communisme de guerre : Ensemble de politiques radicales qui prévoyaient une économie tournée vers la guerre contre les forces capitalistes. Le 30 décembre 1922, Lénine décide de changer le nom de la Russie bolchévique en Union des Républiques Socialistes Soviétiques : URSS. Cet acte symbolique a pour objectif de revendiquer haut et fort l’aspect communiste du gouvernement russe aux yeux du monde. Le pays, dont la capitale a été déplacée de Saint-Pétersbourg à Moscou, est gouverné par le Politburo, le Bureau politique du Parti Communiste. À retenir En 1919, Lénine a décidé d’internationaliser la révolution en cours en Russie en créant la Troisième Internationale ouvrière, et en favorisant la création de Partis Communistes dans le monde, pour être des relais de sa politique à l’étranger. c)L’avènement de Staline au pouvoir Au cours des années 1920, les mesures radicales des bolchéviques permettent de moderniser la société soviétique : des millions d’hôpitaux et d’écoles sont ouverts pour favoriser les politiques de santé au niveau national et combattre l’analphabétisme. Les femmes connaissent également une véritable émancipation. La culture communiste souhaite en effet rompre avec les valeurs traditionnelles et favoriser l’essor du prolétariat à travers les figures de l’ouvrière et de la paysanne, qui sont glorifiées. La religion est abolie par les bolchéviques, qui la considèrent comme l’opium du peuple. Pour s’opposer aux valeurs traditionnelles, les soviétiques favorisent l’expérimentation artistique et l’émergence de nouveaux courants artistiques comme le constructivisme. Définition Constructivisme : Courant artistique russe d’avant-garde en 1917. Ce courant refuse l’idéal de « l’art pour l’art » et le culte de l’esthétique mais pense que l’art doit servir pour le bien commun de la société. Après une longue maladie, Lénine meurt en 1924, sans avoir pris soin d’assurer sa succession. À retenir À l’intérieur du Politburo, plusieurs clans s’affrontent pour prendre la direction de l’Union Soviétique, et notamment ceux dirigés par Trotski et Staline. Si Trotski souhaite internationaliser la lutte, Staline souhaite au contraire créer un État communiste modèle en Russie pour que celui-ci serve de référence pour les révolutionnaires communistes de l’étranger. Staline parvient à éliminer ses rivaux les uns après les autres. Il se débarrasse ainsi de Trotski, qu'il fait exiler, avant de commanditer son assassinat quelques années plus tard. Alors qu’il conquiert progressivement le pouvoir en interne, Staline poursuit la politique proposée par Lénine qui permet à la Russie de se moderniser. 2)Les composantes du totalitarisme stalinien À la tête de l’URSS, Staline va façonner le pays selon ses propres volontés. Il va imposer une modernisation forcée du pays et imposer un régime de terreur pour soumettre son peuple à ses volontés. a)La modernisation forcée Afin de moderniser l’URSS le plus rapidement possible, Staline impose une politique de planification de l’économie. Celle-ci se concrétise par la mise en place de plans quinquennaux, qui fixent pour cinq ans des objectifs économiques à atteindre. Cette modernisation forcée passe par la suppression de la NEP et par une brutale campagne de collectivisation des terres agricoles, passage obligé pour la mise en place d’une économie communiste. Cette collectivisation passe par la dékoulakisation : les koulaks, les petits propriétaires terriens qui avaient été favorisés sous Lénine, perdent leurs terres au profit des kolkhozes, les coopératives agricoles qui sont formées à leur place. La collectivisation forcée entraine de piètres résultats agricoles et une famine considérable en Ukraine : cet épisode de famine qui a lieu entre 1932 et 1933 et tue entre 2,5 et 6 millions de paysans a été par la suite appelé Holodomor. Outre le secteur agricole, Staline s’efforce de doter l’immense URSS d’infrastructures modernes comme des barrages et des canaux, essentiels pour développer l’intérieur de l’URSS. Staline prévoit une modernisation rapide du secteur industriel, misant en particulier sur l’industrie lourde, notamment d’armement. Cette politique impulse des progrès spectaculaires et un second plan quinquennal est reconduit pour 1933-1938, permettant à l’URSS une autosuffisance économique totale. Cependant, la politique économique des plans quinquennaux est mise en place sous la forme de résultats à atteindre, parfois irréalistes. Lorsque les résultats escomptés ne sont pas atteints, on cherche des coupables et des traitres, accusés de saboter la production. b)La terreur comme composante essentielle du stalinisme Staline gouverne l’URSS en exerçant la terreur. Pour motiver les travailleurs soviétiques, il les fait travailler dans la peur constante : les supposés traitres sont jugés de manière expéditive, condamnés à mort ou à la déportation dans des camps de travail, les goulags. Il s’agit de camps de prisonniers chargés de construire des aménagements stratégiques dans les régions les plus reculées et extrêmes de l’URSS. Les goulags accueillent des opposants politiques, des koulaks récalcitrants aux collectivisations, ou des citoyens qui ont été dénoncés sur des motifs politiques. En effet, à partir de l’été 1936, Staline gouverne d’une main de fer. Décidé à se débarrasser de tous les rivaux potentiels et souhaitant façonner une société de citoyens obéissants à la peur, Staline organise les procès de Moscou, une série de procès contre des rivaux politiques. Ce sont en réalité des simulacres de procès, les accusés sont arrêtés par le NKVD (Narodnii Komissariat Vnoutrennikh Diel, Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), la police politique, sans même connaitre le chef de leur inculpation. Très vite, ces purges staliniennes deviennent systématiques et répondent à des quotas : on arrête et condamne des personnes sans suspicion de trahison, simplement pour répondre aux quotas fixés. Sur un million et demi de personnes arrêtées, la moitié a été exécutée et l’autre moitié a été déportée au goulag. Cette politique permet à Staline de régner par la terreur et sans partage dans un pays où la peur et les comportements paranoïaques sont omniprésents. c)Le culte de la personnalité et l’exportation du modèle stalinien La politique de terreur de Staline lui permet d’imposer un culte de la personnalité. Surnommé le Petit Père des peuples, Staline est l’objet d’éloges publiques en URSS et son entourage n’ose pas le critiquer, de peur d’être condamné à mort. Staline se sert de cette image de modernisateur incontesté pour rayonner à l’international. L’URSS est devenue sous son gouvernement un pays industriel et moderne, ce qu’il compte faire reconnaître dans le monde. Il se sert de la Troisième Internationale ouvrière, appelée Komintern, comme d’un relai pour glorifier les progrès de l’URSS à l’étranger, à travers les partis communistes. Ceux-ci prennent leurs ordres de Moscou et appliquent les directives de Staline pour tenter d’influencer les politiques nationales et les rapprocher de l’URSS. Lorsqu’éclate la guerre d’Espagne en 1936, Staline se sert du Parti communiste espagnol comme d’un relai extérieur de sa politique. Contrairement aux démocraties qui restent passives dans le conflit espagnol, Staline s’engage et alimente le camp des Républicains en armes soviétiques. Souhaitant faire de ce conflit une guerre de procuration entre fascistes et communistes, Staline envoie même des combattants aux côtés des communistes espagnols. Ceux-ci essayent dès lors de marginaliser les autres groupes de combattants républicains au profit exclusif des communistes, contribuant à la défaite du camp républicain. En 1939, constatant les dangers croissants de la politique belliqueuse de Hitler et ne se sentant pas prêt à l’affronter, Staline signe contre toute attente avec l’Allemagne nazie un pacte de non-agression et de division de la Pologne : le pacte Molotov-Ribbentrop. Conclusion : À la tête de la Russie à partir de novembre 1917, Lénine impose une politique communiste permettant de transformer le pays en profondeur. À sa mort, le pays, rebaptisé Union Soviétique, est dirigé par l’ambitieux Staline qui mène une politique de modernisation forcée. Celle-ci obtient certes des résultats spectaculaires, mais qui sont le résultat de méthodes violentes et arbitraires. Staline règne par la terreur, ce qui lui permet d’imposer une dictature totalitaire en URSS et de se confronter aux autres totalitarismes fascistes pendant la guerre civile espagnole. IV)Les caractéristiques des régimes totalitaires européens Introduction : Le début du XXe siècle en Europe voit le développement de plusieurs régimes autoritaires qui se revendiquent d’idéologies modernisatrices et révolutionnaires. Bien que des courants idéologiques différents, ces régimes politiques présentent des similarités évidentes déjà mises en évidence par leurs contemporains. Dans son ouvrage sur le sujet, la philosophe Hanna Arendt a développé le concept de « totalitarisme » pour définir ces types de régimes (Les origines du totalitarismes, 1951). Elle fait ainsi référence tout à la fois à l’Italie fasciste, à l’Allemagne nazie et au stalinisme soviétique ; chacune de ces politiques ayant notamment pour point commun l’établissement d’un régime ne tolérant aucune opposition. Nous verrons dans ce cours les caractéristiques communes aux totalitarismes. Pour commencer nous verrons comment, en instrumentalisant la modernité dont ils se revendiquent, les régimes totalitaires souhaitent détruire l’individu pour privilégier la construction d’une société de masse, où le collectif l’emporterait. Pour contrôler cette nouvelle société, ils développent des approches autoritaires et novatrices afin de faire adhérer le plus grand nombre à leurs idéologies. Enfin, étant d’idéologies différentes voire radicalement opposées, ces régimes peuvent parfois être en opposition frontale entre eux. 1)Un projet modernisateur a)La violence fondatrice Les régimes totalitaires sont fondés sur les frustrations héritées de la Première Guerre mondiale. Ils invoquent les humiliations subies ou ressenties comme la justification de leur prise de pouvoir par la violence. Celle-ci, consécutive de la brutalisation subie par les combattants au cours de la guerre des tranchées, est omniprésente et commune aux différents régimes totalitaires. Ils l’utilisent sciemment pour régler leurs différends avec leurs rivaux politiques. Mussolini, par exemple, se sert massivement des anciens combattants des tranchées pour former les chemises noires. Il en fait le bras armé de son mouvement. L’organisation de groupes paramilitaires comme les chemises noires, les brigades rouges ou les SA permettent aux mouvements totalitaires d’éliminer leurs rivaux de la scène politique. Ils les font taire, les intimident ou même les tuent. Mussolini fait assassiner son rival, le député Giacomo Matteotti et le revendique fièrement. En URSS, Staline parvient au pouvoir après avoir éliminé un à un ses rivaux à l’intérieur du Parti communiste, dont les principaux, Trotski et Kamenev. En 1936, obsédé par sa volonté d’avoir un pouvoir sans rival potentiel, Staline élimine même certains partisans tombés en disgrâce lors des procès de Moscou. b)La modernité, au cœur du projet totalitaire Les mouvements totalitaires revendiquent la légitimité de leur prise de pouvoir au nom de la nouveauté. Ils rejettent les politiques traditionnelles et revendiquent les évolutions de la société industrielle qu’ils entendent incarner. Mussolini par exemple s’appuie sur un mouvement artistique italien : le futurisme. Ce mouvement, porteur d’une fascination pour le monde moderne, cherche à figurer le bruit, la vitesse de la société dans laquelle évoluent ses artistes, et véhicule une certaine violence visuelle. En parallèle, Staline s’appuie sur le réalisme soviétique : un mouvement qui exalte le quotidien des travailleurs, prenant ainsi le contre-pied d’une tradition artistique ne valorisant que les élites sociales. En appui sur ces mouvements, les deux dictateurs cherchent à impulser une politique de modernisation à marche forcée. Pour ce faire, Staline adopte un plan quinquennal en 1928, tandis qu’Hitler applique un plan quadriennal en 1934. Ces plans de modernisation fixent des objectifs économiques très ambitieux à atteindre en quelques années. Ils se basent sur l’industrialisation massive et nécessitent des rythmes de travail intenables. En outre, en URSS, les plans quinquennaux comprennent une profonde réforme agraire, en appui sur la collectivisation des terres. Enfin, les États totalitaires se dotent d’infrastructures ultra-modernes et d’industries lourdes de qualité. Ils peuvent ainsi moderniser leurs armées et les équiper en nouveau matériel de guerre. Hitler reconstitue l’armée allemande, pourtant limitée depuis 1919 par le Traité de Versailles. c)La refonte de la société La militarisation de la société fait partie du projet totalitaire qui a pour objectif de changer en profondeur les sociétés héritées du XIXe siècle. En reprenant les concepts de standardisation fordistes appliqués aux industries, les États totalitaires souhaitent faire disparaître l’individu au profit des masses. Les citoyens doivent être des pions interchangeables dont la vie et l’individualité n’ont pas d’importance. L’idée de créer l’Homme nouveau est commune aux trois totalitarismes qui en font un des piliers de leur idéologie. Cet Homme nouveau ne doit pas craindre la violence et doit l’appliquer sans s’embarrasser de questionnements moraux. Il doit être fidèle au groupe et être capable de se sacrifier si nécessaire. On relèvera toutefois quelques subtilités puisque, selon les régimes totalitaires, les caractéristiques de cet Homme nouveau diffèrent : pour les Soviétiques, l’homme socialiste est un être enrichi des principes marxistes-léninistes, motivé par la lutte des classes et opposé au capitalisme ; chez les fascistes italiens, on cultive davantage la nostalgie de l’époque romaine : il ne s’agit pas tant de façonner un nouvel individu, que de ressusciter l’espritimpérialiste. Attention C’est seulement au contact de l’Allemagne nazie, à la fin des années 1930, que le fascisme italien se convertit lui aussi à la vision raciste. Il faut noter par ailleurs que les régimes fascistes et nazis s’opposent violemment au communisme soviétique qu’ils considèrent comme une idéologie nuisible. Staline souhaite faire de l’URSS, en tant que nation communiste, un exemple mondial. 2)Des méthodes autoritaires Les régimes totalitaires s’imposent par des méthodes autoritaires, contraignant ainsi leurs citoyens à l’obéissance. Pour ce faire, ils recourent à différentes méthodes dont la censure et la propagande par exemple, mais aussi l’endoctrinement ou encore la désignation d’ennemis publics d’État. a)La soumission de la société Pour soumettre la société à leurs idéologies, les totalitarismes cherchent à abolir la démocratie, qui selon eux est l’expression d’un dangereux individualisme qui pourrait nuire au sens de la collectivité. L’Union Soviétique, qui base son idéologie sur le marxisme-léninisme, souhaite une société révolutionnaire fondée sur la dictature du prolétariat : les autres classes sociales, notamment les bourgeois et aristocrates, sont persécutés par le régime de Lénine puis par celui de Staline. En Italie, Mussolini persécute les communistes et les démocrates qui sont un obstacle à son pouvoir. Afin d’abolir la démocratie dans son pays, il publie les lois fascistissimes qui soumettent la société à la dictature du parti fasciste. En Allemagne, Hitler utilise le danger que représenterait une hypothétique révolution communiste pour suspendre puis abolir les libertés individuelles et se proclamer dictateur à vie. La soumission de la société s’opère toujours à l’aide d’un parti unique, qui dirige la société et n’accepte aucune contradiction. Ceux-ci intègrent les structures de l’État et deviennent des institutions incontournables de la gestion des pays. Les partis uniques instaurent systématiquement la censure pour éviter les voix dissidentes et les critiques. Ils puisent aussi dans le nationalisme pour vanter la supériorité de leur modèle et qualifier les opposants de traitres. b)La propagande et l’endoctrinement Pour convaincre la population et la contrôler, les régimes totalitaires mettent en place des services de propagande très actifs. Permanente et omniprésente dans la vie des citoyens, la propagande vante le développement du parti, ses résultats et déifie véritablement le dirigeant. Le culte de la personnalité du chef est un des éléments les plus importants : le dirigeant est dépeint comme la meilleure personne sur Terre, à laquelle on n’attribue que des qualités valorisant son action. Exemple En Italie, on invoque l’imaginaire antique à travers l’architecture pour vanter un retour aux sources de la civilisation, un idéal de pureté. On instrumentalise aussi l’art, en témoigne le Palais de la civilisation italienne, initialement édifié pour accueillir en 1942 l’Exposition universelle de Rome. Ce martellement idéologique massif s’accompagne d’un endoctrinement massif de la société. Les travailleurs notamment sont strictement encadrés : le parti unique exerce ainsi un contrôle sur les différentes activités de production économique. Mais cet encadrement ne se limite pas à la sphère du travail et s’étend à toute la société : les loisirs et sports sont encadrés avec le même soin que le lieu de travail. La jeunesse est également encadrée par la mise en place de camps de jeunesse destinés à l’endoctrinement idéologique des jeunes générations : Les Ballila dans l’Italie fasciste, les Jeunesses hitlériennes en Allemagne et les Komsomol dans l’URSS. c)La société du silence : répression et élimination des ennemis publics d’État Les régimes totalitaires s’imposent à leurs sociétés en exigeant le silence : les opposants disparaissent, arrêtés, déportés ou même exécutés. Au service des partis, des milices paramilitaires sont chargées de contrôler la population et d’intimider les voix dissidentes : les chemises noires en Italie, les SA et les SS en Allemagne et les brigades rouges en URSS. Ils vont aussi créer des polices politiques (OVRA en Italie, Gestapo en Allemagne et NKVD en URSS), qui font régner la terreur à l’intérieur du parti unique, pour éviter toute contestation du dirigeant. Les dictateurs totalitaires n’hésitent pas en effet à régner par la terreur au sein de leur propre formation politique et à éliminer ceux qui seraient trop critiques. À retenir Ainsi, lors de la nuit des Longs Couteaux (30 juin 1934), Hitler élimine les SA, un groupe paramilitaire qui l’accompagnait depuis dix ans, afin d’avoir le contrôle absolu sur son parti. De même, Staline commande des purges massives contre ses opposants : les procès de Moscou. Régnant par la terreur, Staline impose même des quotas de personnes à éliminer, sans aucune preuve de dissidence. En déterminant arbitrairement des ennemis publics, les dirigeants totalitaires orientent les priorités nationales. Les boucs émissaires sont désignés comme responsables des échecs politiques et des situations de crise, justifiant ainsi l’usage de la violence. Les régimes totalitaires mettent en place des camps d’internement pour confiner tous les soi-disant « nuisibles » de la société. C’est ainsi que des camps de concentration ou des camps de travaux forcés, comme les goulags en URSS, voient le jour. Conclusion : Les régimes totalitaires fasciste, nazi et soviétique, bien qu’ayant des idéologies différentes, ont des points communs évidents. Ils se sont formés plus ou moins à la même période et répondent à des frustrations héritées de la première Guerre mondiale. Se revendiquant modernisateurs, ils établissent des dictatures qui ont pour but de détruire l’individualisme et de privilégier la vision d’une société de masse. Par le biais d’une intense propagande et d’un déchaînement systématique contre les réfractaires, et souvent arbitraire, ils façonnent des sociétés violentes tournées vers la guerre et l’accomplissement de leurs idéologies

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