Récapitulatif du cours sur la vérité terminales PDF

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This document is a philosophical text discussing the nature of truth, opinion, and falsehood. It examines different philosophical perspectives on truth, contrasting it with opinion and exploring the role of language and subjectivity in understanding these concepts.

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Récapitulatif du cours sur la Vérité Bocca della Verità Audrey Hepburn in Vacances Romaines (1953). Introduction : La vérité semble a priori un but à atteindre. Nous pré...

Récapitulatif du cours sur la Vérité Bocca della Verità Audrey Hepburn in Vacances Romaines (1953). Introduction : La vérité semble a priori un but à atteindre. Nous prétendons d’ailleurs rechercher la vérité lorsque nous pratiquons la philosophie. La vérité n’est donc pas innée mais quelque chose d’idéal, voire périlleux, et qui repose sur une démarche qui lui est intrinsèque ; un chemin vers le vrai. Emprunter une telle voie peut se présenter comme un défi afin de mettre en exergue nos valeurs morales et en rejetant le/les mensonge(s). En effet, la vérité s’oppose ontologiquement au mensonge. Lorsque nous mentons nous ne disons pas la vérité, mais celui-ci peut s’avérer volontaire ou involontaire. Nous pouvons mentir de manière délibérée ou seulement nous tromper. Effectivement, mentir, c’est aussi croire que ce nous disons est vrai alors qu’il s’agit d’une simple erreur de la part de celui qui prononce un mensonge. Le fait de mentir de manière délibérée peut d’ailleurs être la source de lourdes réprimandes. Nous pouvons à ce propos penser à la fameuse légende de la « Bouche de la Vérité » (la « Bocca della Verità ») en italien. Il s’agit d’une ancienne sculpture sur marbre ayant la forme d’un masque, muré dans l’église Santa Maria in Cosmedin de Rome, et datant de 1632. Plus précisément, la sculpture représente un visage d’homme (plutôt âgé) et porteur d’une barbe incrustée dans la pierre. Selon la légende, la Bouche de la Vérité trancherait la main de ceux qui ne disent pas la vérité et qui font objets de mensonges et trahisons. Dans l’image proposée ci-dessus, l’actrice Audrey Hepburn ose pénétrer sa main dans la Bouche de la Vérité. Cette dernière incarne dans le film vacances romaines le rôle de la princesse Ann qui ne possède pas une minute de liberté dû au protocole que lui inflige sa condition. Celle-ci fuit à Rome et rencontre un journaliste, Joe Bradley, auquel elle ment sur sa véritable identité. Sa condition finira par la rattraper. Néanmoins, nous pouvons considérer que le fait de mentir puisse être bénéfique dans certaines situations. Par exemple, il ne serait pas judicieux de dire toute la vérité à un enfant face à un deuil. Celui-ci ne comprendrait pas tout, ou bien cela pourrait être la source d’anxiété et de troubles bien plus tard. Aussi, tel que nous l’avons mentionné, nous pouvons mentir en croyant dire la vérité et affirmer des certitudes. En effet, nous affirmons très souvent des choses comme si elles étaient vraies, sans même en douter ou se questionner dessus. Par exemple, lorsque nous proclamons certains énoncés philosophiques, comment ne pas réaliser que ces derniers relèvent des opinions de chacun ou sont issus d’une opinion commune qui fait autorité ? L’opinion, ou « doxa » (en grec) semble être très ancrée dans notre imaginaire collectif et plus persuasive que la vérité. L’opinion peut se définir d’une part au regard de la croyance et d’autre part au regard de l’illusion. Dans les deux cas, nos opinions peuvent être influencées par notre milieu socio-culturel, par nos proches, par des arguments d’autorités (rappelez-vous de « l’allégorie de la caverne » de Platon), et ces dernières semblent aisément nourrir nos préjugés. Celles-ci sont donc séductrices et peuvent se faire passer pour des choses vraisemblables, voire potentiellement vraies. Par conséquent, sur quels critères nous appuyons-nous pour dire que « cela », c’est la vérité ? Si la vérité semble être contraire aux mensonges d’une part et aux opinions d’autre part, comment être certains de ne pas s’y confronter lorsque, justement, nous recherchons la vérité ? Sommes-nous donc seulement capables d’atteindre cette entreprise ? Nous allons toutefois tenter dans un premier temps de définir et comprendre la notion de vérité. Ainsi, nous tenterons de différencier la vérité avec l’opinion d’une part et le mensonge d’autre part. Puis, nous nous demanderons s’il est possible d’atteindre la vérité. Si tel est le cas, de quelle manière… Enfin, nous analyserons dans un troisième moment les raisons pour lesquelles nous recherchons la vérité, entreprise a priori difficile. Pourquoi voulons-nous ainsi l’atteindre ? I / La vérité en proie aux opinions et aux mensonges A / La « doxa » (l’opinion) face à la vérité L’opinion peut prendre l’apparence de la vérité, mais il s’agit d’une vérité valable seulement pour soi. En effet, l’opinion s’oppose essentiellement à la vérité car cette dernière se doit d’être totale, objective et immuable. L’opinion, par contre, peut s’avérer toujours relative, partielle et changeante. Donc la vérité s’inscrit dans la nécessité, par opposition à l’opinion qui s’inscrit dans la contingence. Tel que le souligne Protagoras (penseur présocratique et professeur du Vème siècle av. J-C, considéré comme étant un sophiste pour Platon) : « L’homme est mesure de toute chose ». Vous pouvez retrouver cette citation de Protagoras dans des dialogues de Platon, tels que le Théétète et le Cratyle (dialogues de la maturité de Platon). Celle-ci énonce le principe fondamental de la relativité des valeurs et du relativisme. Les opinions s’inscrivent dans le relativisme. Cela signifie que rien n’existe et ne peut être tenu pour vrai en dehors de celui qui perçoit. Aucune chose ne peut avoir de réalité objective indépendamment d’un sujet qui la perçoit. Ainsi, une majeure partie du courant antiréaliste considérant que le monde ne peut pas exister et présenter des vérités en dehors de la conscience d’un sujet qui le perçoit, s’est quelque peu appuyée sur cette fameuse citation du Protagoras. Nous pouvons également comprendre avec cette phrase que la vérité peut être l’œuvre de tout un chacun. Nous pouvons tous percevoir les choses qui nous entourent, plus généralement le réel, de manière différente. Par conséquent, nous pouvons dire qu’il peut y avoir plusieurs vérités possibles pour rendre compte d’une même chose. Par exemple, selon le point de vue de chacun, la terre peut s’avérer plate ou bien ronde, ou bien les deux [cela dépend] … Nous touchons alors à l’irrationnel… Pourtant, il y a des opinions qui semblent comporter plus de valeurs que d’autres et susciter une plus grande adhésion. En effet, même si les opinions sont propres à chacun, selon le/ les regard(s), certaines peuvent être aisément partagées par le plus grand nombre. Cependant, il ne suffit pas qu’une opinion soit partagée pour que celle-ci soit vraie. On a longtemps pensé que la terre était plate, et la thèse de l’héliocentrisme à l’origine d’une crise épistémologique et galiléenne était au départ reconnue comme étant un sacrilège. Pourquoi ? Parce que tout le monde le disait, le croyait, mais la vérité ne peut pas reposer sur des croyances. En effet, la croyance va de pair avec l’opinion. Dérivée du latin, « credo » (je crois), la croyance peut se définir comme le fait d’accorder, avec une plus ou moins grande conviction, une valeur de vérité à quelque chose : un fait objectif, un argument, une théorie, ou plus généralement tout type d’énoncé. Croire, ce serait donc donner son assentiment à quelque chose qui est tenu pour vrai (mais qui n’est pas nécessairement vrai) sans avoir la certitude (réelle et objective) de sa vérité. Alors que le fait de savoir comporte une autre valeur, car se serait au contraire donner son assentiment à quelque chose (exemple : une théorie scientifique) en ayant la certitude réelle et objective de sa vérité. Nous comprenons alors que le fait de distinguer l’opinion de la vérité nous amène nécessairement, et de la même manière, à distinguer le fait de croire et de savoir. Nous pouvons souvent confondre le fait de croire et de savoir car la croyance va de la simple opinion à la foi. Parfois, nous ne parvenons pas à nous détacher de nos croyances lorsque celles- ci nourrissent notre foi en telle ou telle chose (Nous reparlerons de ces distinctions dans le cours qui portera sur la science et la religion). Pourtant, dire qu’il fera beau demain relève de la croyance tandis que rappeler qu’il y a eu du vent hier relève au contraire d’un savoir, nécessairement acté. La différence entre croire et savoir relève donc du fait qu’il puisse y avoir une croyance fausse et une croyance vraie, alors qu’il ne peut y avoir qu’une science vraie. La vérité inscrite dans le savoir, nous le rappelons, se doit d’être objective et nécessaire. Cf : extrait du dialogue de Platon, le Gorgias : SOCRATE – Examinons encore ceci : existe-t-il quelque chose que tu appelles « savoir » ? GORGIAS. – Oui. SOCRATE. – Et quelque chose que tu appelles « croire » ? GORGIAS. – Oui, certes. SOCRATE. – Savoir et croire, est-ce la même chose à ton avis, ou la science et la croyance sont-elles distinctes ? GORGIAS. – Je me les représente, Socrate, comme distinctes. SOCRATE. – Tu as raison, et en voici la preuve. Si l'on te demandait : « Y a-t-il une croyance fausse et une vraie ? » tu répondrais, je pense affirmativement. GORGIAS. – Oui. SOCRATE. – Mais y a-t-il aussi une science fausse et une vraie ? GORGIAS. – En aucune façon. SOCRATE. – Science et croyance ne sont donc pas la même chose. GORGIAS. – C'est juste. SOCRATE. – Cependant la persuasion est égale chez ceux qui savent et chez ceux qui croient. GORGIAS. – Très vrai. SOCRATE. – Je te propose alors de distinguer deux sortes de persuasions l'une qui crée la croyance sans la science l'autre qui donne la science. GORGIAS. – Parfaitement." Platon, Gorgias, 454c-454e. Nous soulignons également que même si nous accordons une grande valeur de vérité à une croyance, reposant sur une cause plus ou moins fondée (et vraisemblable…), nous ne pouvons pas reconnaître sans aucun doute et avec affirmation que X ou Y fait objectif est nécessairement vrai. C’est notamment ce que souligne dans l’extrait suivant le mathématicien, logicien, philosophe et homme politique Bertrand Russell (reconnu comme un des plus importants philosophes britanniques du XXème siècle/ il est connu pour avoir écrit avec le philosophe Alfred North Whitehead : Principia Mathematica). L’extrait proposé est issu d’un autre ouvrage de B. Russel qui s’intitule Signification et vérité. Mais une croyance vraie, ce n'est pas la même chose qu'une connaissance. Si j'ai des espérances de devenir père, je puis croire, en me fondant sur l'astrologie, que l'enfant sera un garçon. Quand le temps est venu, il se peut que ce soit un garçon, mais je ne puis pas dire que je savais que ce serait un garçon. La question est la suivante : Est-ce que la croyance vraie, dans la chaîne causale précédente, vaut mieux que la croyance vraie basée sur l'astrologie ? Il y a une différence manifeste. Les prophéties basées sur la chaîne causale précédente, lorsqu'elles peuvent être mises à l'épreuve, finissent par être vraies ; au lieu que les prophéties des astrologues, relatives au sexe d'un enfant, seront, dans une série de cas, aussi souvent fausses que vraies. Russell, Signification et vérité, (1940) Nous avons souligné que les énoncés scientifiques, malgré le degré de vraisemblance, ne pouvaient être que des opinions. Il en va de même des proverbes. En effet, quand nous disons : « l’habit ne fait pas le moine » ou bien « l’amour rend aveugle », nous semblons affirmer ces expressions comme si elles étaient des vérités générales. Pourtant, ce ne sont encore que des opinions. Afin d’accéder au statut de vérité, il faudrait pouvoir vérifier empiriquement que l’amour, par exemple, a toujours su aveugler tout le monde. Or, nous ne pouvons pas avoir une expérience suffisamment complète pour l’affirmer et accorder à ce proverbe une réelle valeur de vérité. Ce n’est qu’une vérité possible, donc ce n’est pas vrai mais seulement vraisemblable et, par conséquent, toujours hypothétique. Quant aux énoncés et thèses philosophiques, ces derniers relèvent souvent de l’opinion également. Effectivement, les énoncés philosophiques s’avèrent difficiles à prouver ainsi qu’à vérifier, et les thèses philosophiques sont par essence orientées car celles-ci reposent sur l’interprétation d’un sujet. Par conséquent, ces dernières ne peuvent pas être objectivement/ universellement vraies, et cela par nécessité, à l’instar des énoncés philosophiques qui ne peuvent pas être tout à fait immuables. Néanmoins, la méthode socratique appelée la « maïeutique » cherche à déceler la vérité qui se cache derrière les choses sensibles en passant par des questions- réponses, et afin de permettre aux âmes de se ressouvenir de vérités [déjà] contemplées. Le but de Platon est de faire « accoucher les âmes » en les poussant vers la vérité, car selon lui la vérité doit provenir de l’individu lui-même et non pas de l’extérieur. C’est que nous appelons, à partir de la méthode platonicienne, la réminiscence des Idées. Toutefois, nous devons reconnaître qu’il s’agit d’une entreprise périlleuse et surtout difficile à justifier par le biais de l’expérience. B / Le/ les mensonge(s) face à la vérité Dire la vérité s’oppose ontologiquement aux mensonges. Notre société condamne le mensonge car le fait de dire la vérité permet de répondre à une finalité morale et à un intérêt social. Imaginons qu’un mensonge soit instauré comme valeur morale. Dans ce cas, chacun pourrait mentir à tout moment quand il le souhaite. Ainsi, tous les échanges avec nos semblables seraient faussés. Aussi, plus personne ne pourrait se faire confiance et l’humanité serait alors menacée car les relations humaines reposeraient sur des faux-semblants. La vérité relève donc, face aux mensonges, d’un impératif moral. Les individus sont donc considérés comme des êtres moraux dès lors qu’ils s’attachent à dire la vérité. Nous remarquons que le fait de dire la vérité représente une valeur morale et surtout une obligation juridique lors d’un procès par exemple. Lorsqu’un témoin est appelé à la barre, celui-ci est tenu de « dire la vérité, toute la vérité ». Mentir serait alors le signe d’une violation de serment. La personne en question serait immorale en commettant un parjure. En droit, on dit que cette dernière a commis l’infraction de parjure. Pourtant, force est d’admettre que dans certains cas, comme le signale l’expression: « toute vérité n’est pas bonne à dire ». En effet, il est parfois délicat de dire la vérité lorsque nous savons que celle-ci est douloureuse et se dévoile comme étant la source de blessures profondes. Prenons le cas d’un enfant de six ans venant de perdre sa sœur qui était porteuse d’une maladie incurable. Ce ne serait peut-être pas bienvenu d’expliquer, de la part du médecin ou de la famille, toutes les étapes de la maladie de sa sœur à l’enfant et dans quel état celle-ci se trouvait lors de son dernier souffle. Ce ne serait pas réellement mentir, mais omettre certains détails dans le but de le protéger. En outre, celui-ci ne serait certainement pas en mesure de tout comprendre à son âge. Nous remarquons alors que dire toute la vérité, selon la situation, n’est peut-être pas toujours la meilleure solution ; et surtout nous ne sommes pas toujours en mesure de la comprendre (selon l’âge, notre connaissance en la matière, et plus généralement selon le moment). La vérité doit alors se dévoiler au bon moment, au moment opportun. En grec, il s’agit du « kairos ». Réaliser le bon acte au bon moment, comme le fait de dire la vérité, participe ainsi à ce « kairos ». A savoir : ce concept philosophique se schématise chez les grecs sous les traits d’un dieu ailé, signe d’opportunité, qu’il convient d’attraper quand il passe. Le « Kairos » Le philosophe Vladimir Jankélévitch pense justement que « toute vérité n’est pas bonne à dire » (philosophe français du XXème siècle et musicologue, né de parents russes. Il a été naturalisé français à l’âge d’un an. Ce dernier est salué pour avoir fait de la résistante durant la guerre. En philosphie, il est connu pour sa définition de la mort et il a écrit sur la musique. Exemple d’ouvrage : La musique et l’ineffable). Plus précisément, et en vertu de ce que nous avons mentionné précedemment, ce dernier estime (je cite Jankélévitch) : « il y a un temps pour chaque vérité, une loi d’opportunité qui est au principe même de l’initiation, avant il est trop tôt, après il est trop tard. » (cf : dans l’ouvage intitulé l’Ironie). Voici le passage dans lequel cela est question : Toute vérité n’est pas bonne à dire ; on ne répond pas à toutes les questions, du moins on ne dit pas n’importe quoi à n’importe qui ; il y a des vérités qu’il faut manier avec des précautions infinies, à travers toutes sortes d’euphémismes, et d’astucieuses périphrases ; l’esprit ne se pose sur elles qu’en décrivant de grands cercles, comme un oiseau. Mais cela est encore peu dire : il y a un temps pour chaque vérité, une loi d’opportunité qui est au principe même de l’initiation ; avant il est trop tôt, après il est trop tard […] Ce n’est pas tout de dire la vérité, “toute la vérité”, n’importe quand, comme une brute : l’articulation de la vérité veut être graduée ; on l’administre comme un élixir puissant et qui peut être mortel, en augmentant la dose chaque jour, pour laisser à l’esprit le temps de s’habituer. La première fois, par exemple, on racontera une histoire ; plus tard on dévoilera le sens ésotérique (1) de l’allégorie. C’est ainsi qu’il y a une histoire de saint Louis pour les enfants, une autre pour les adolescents et une troisième pour les chartistes (2), à chaque âge sa version ; car la pensée, en mûrissant, va de la lettre à l’esprit et traverse successivement des plans de vérité de plus en plus ésotériques. Aux enfants le lait des enfants, aux adultes le pain substantiel des forts.” Vladimir Jankélévitch, L’Ironie, (1964). (1) Le sens ésotérique de l’allégorie : la signification profonde de l’histoire (2) Les chartistes : les élèves de l’école des Chartes, ceux qui sont susceptibles de s’intéresser aux aspects juridiques et institutionnels de l’histoire de Saint Louis. Questions sur le texte : Eléments de synthèse : 1/ De quoi parle ce texte et à quel problème tente-t-il de répondre ? 2/ Dégagez la structure argumentative de ce passage. Eléments d’analyse : 1/ Que signifie « on ne dit pas n’importe quoi à n’importe qui » dans le texte ? 2/ « […] il y a des vérités qu’il faut mener avec précautions infinies, à travers toutes sortes d’euphémismes et d’astucieuses périphrases » écrit Jankélévitch. Donnez deux exemples de vérités que l’on doit formuler avec des euphémismes et des périphrases. 3/ Pourquoi, selon vous, faut-il « laisser le temps à l’esprit de s’habituer » à certaines vérités ? 4/ Expliquez l’histoire de Saint Louis : quelle idée illustre-t-elle ? Eléments de commentaire : 1/ Selon Jankélévitch, faut-il toujours dire la vérité ? (A développer) 2/ Qu’est-ce que ce texte nous apprend sur notre relation à la vérité, et l’importance que nous sommes en mesure de lui accorder ? C / Définitions de la vérité au regard de différents courants philosophiques Il n’existe pas de réels critères précis pour définir la notion de vérité. Nous pouvons cependant rendre compte de définitions propres à des courants et écoles philosophiques à ce sujet. -Selon le courant de pensée appelé le réalisme : la vérité a pour définition : la conformité de la pensée à la réalité objective/ Autrement dit : l’adéquation ou correspondance entre un énoncé et le réel. Cette position « correspondantiste » est souvent complétée ou associée (notamment en épistémologie) d’une relation de cohérence (cohérentiste) entre les choses et les croyances. Exemple : si nous disons : « il pleut aujourd’hui » et qu’il se trouve qu’en regardant par la fenêtre nous constatons qu’il y a bien de la pluie dehors, alors l’énoncé est conforme au réel. Celui-ci s’avère donc vrai. Le cas contraire, nous pouvons dire que l’énoncé est faux. Exemple de figure philosophique qui attribue cette définition au concept de vérité : Thomas d’Aquin (philosophe et religieux italien né en 1225 et mort en 1274, à l’origine de l’école thomiste en philosophie). -Selon le courant de pensée appelé l’idéalisme : la vérité a pour définition : la conformité d’une chose à son idée/ Autrement dit : la vérité est la conformité à l’idée de la chose. Exemple : je renvoie à nouveau à la thèse platonicienne mettant en évidence que pour considérer qu’une chose soit vraie, il convient de faire référence à l’Idée de la chose et non pas à sa représentation ou sa copie dans le monde sensible. -Selon le courant de pensée appelé l’empirisme : toute vérité ne peut venir que de l’expérience. Ainsi, même les mathématiques qui appartiennent aux sciences formelles auraient pour point de départ et présupposé le donné de l’expérience. Exemple : le philosophe John Locke est une figure de l’empirisme anglais (philosophe du XVIIème siècle, un des fondateurs du libéralisme, il est célèbre pour avoir écrit le Traité du gouvernement civil. En philosophie de l’esprit il a écrit son Essai sur l’entendement humain/ il est considéré comme étant un associationniste [associationnisme des idées] pour des philosophes et psychologues pragmatiques tels que William James). Locke a développé le concept de « tabula rasa » (table rase) qui signifie que tous les êtres humains n’auraient aucune connaissance préétablie et que tout ce que nous connaissons, tout ce que notre esprit appréhende, viendrait de l’expérience. Ceci s’oppose à l’idéalisme mais aussi au courant rationaliste. -Selon le courant de pensée appelé le rationalisme : toute vérité serait au contraire le fruit de notre raison. Ainsi, il pourrait exister des vérités objectives et universelles indépendamment de toute expérience. Ce qui peut d’ailleurs en expliquer le caractère immuable. Pour les rationalistes, les vérités mathématiques ne reposeraient pas sur l’expérience. Exemple : Le philosophe E. Kant (on l’avait déjà mentionné), représentant du rationalisme, dirait que les mathématiques sont des sciences a priori= antérieures et surtout indépendantes de l’expérience. Dans la Critique de la raison pure, Kant différencie entre les connaissances dites a priori et les connaissances dites a posteriori = qui, elles, s’appuient sur l’expérience. Kant rebondit sur ces distinctions en différenciant entre les vérités analytiques : vraies par définition et par elles-mêmes, sans étendre notre savoir, et les vérités synthétiques : vraies car elles nous apprennent quelque chose de plus sur la réalité. ---Par exemple, si vous dites « tous les corps ont une étendue », vous prononcez un énoncé analytique car dans la définition de corps (= lorsque vous pensez à un corps) vous faites référence à l’étendue. Un énoncé analytique est donc vrai en vertu de sa définition ou de sa signification. Le problème relève du fait que ces types de propositions sont qualifiées de tautologiques (problème de la « tautologie » : ces propositions ne véhiculent pas de connaissances supplémentaires). ---- Autre exemple : si vous dites par contre que « tous les corps ont un poids relatif entre 10 et 120 kg », vous prononcez un énoncé synthétique car la quantité et la masse relative d’un corps (humain par ex) ne figurent pas dans la définition du corps. Nous apprenons quelque chose de nouveau. De même, l’énoncé « 2+4=6 » est dit synthétique, car le résultat de l’addition n’est pas inclus dans le concept de « 2 » ni dans le concept de « 4 ». Autre exemple en science : la chute des corps (Galilée) venant infirmer la théorie aristotélicienne. Néanmoins (exception) Kant pose un regard particulier en ce qui concerne les énoncés algébriques et géométriques. Ces derniers représentent une exception pour Kant qui les définit comme étant de l’ordre de vérités synthétiques et a priori. En effet, lorsque nous affirmons un énoncé mathématique, nous rendons compte de savoirs (supplémentaires). Toutefois, cet énoncé n’est pas vrai par expérience mais par le biais de la raison. Par conséquent, un énoncé algébrique pour Kant relève d’un jugement intellectuel qui serait de l’ordre d’un jugement synthétique a priori. --- Exemple d’un texte soulignant que la vérité relève de la correspondance ou adéquation entre la pensée et le réel. Cf : Sur la vérité (1257) de Saint Thomas d’Aquin (traduit du latin) (Le texte sera distribué en classe). II / Au vu des différents critères, est-ce possible d’atteindre la vérité ? A / Il convient de prendre en compte l’insuffisance du langage naturel Il semble nécessaire de souligner les limites du langage naturel qui ne cesse d’entretenir une confusion entre la vérité et les opinions. En effet, il convient de reconnaître qu’une majeure partie de nos propos sont possiblement vrais, mais ne sont peut-être que des opinions ; surtout s’il s’agit d’hypothèses fortement probables ou de positions particulières et orientées. Cependant, faut-il alors rejeter nos opinions ? Faut-il en réalité rejeter toutes les opinions ? Est- ce possible de considérer que toutes les opinions n’ont pas la même valeur, et doit-on les hiérarchiser ? Tel que l’affirme Platon, « l’opinion est un intermédiaire entre la connaissance et l’ignorance ». (cf : in la République). Nous comprenons ainsi que si certaines opinions nous laissent dans l’illusion et dans l’erreur (exemple : comme les ombres que contemplent les prisonniers dans la caverne/ cf : allégorie de la caverne), d’autres peuvent nous conduire vers une connaissance vraie. Toutes les opinions ne sont donc pas à rejeter car certaines opinions sont des intermédiaires entre le vrai et le faux. C’est pourquoi, il faut veiller, lorsque nous énonçons des faits, etc. à ne pas tout assimiler et distinguer ce qui n’est pas de même valeur. Platon propose une hiérarchisation dans la République au livre VI lorsqu’il rend compte de son « allégorie de la ligne », elle-même faisant directement écho à « l’allégorie de la caverne ». Le passage est le suivant : Socrate : Alors, mets-toi donc dans l'esprit qu'il existe deux maîtres, à ce que nous disons ; que l'un d'eux règne sur le genre intelligible, sur le lieu intelligible, l'autre, de son côté, sur l'horaton1, disons le visible, pour éviter qu'en disant sur l'ouranos, sur le ciel, je ne te semble jouer subtilement sur le mot ! Quoi qu'il en soit de cela, tu as là deux espèces, n'est-ce pas ? L'espèce visible, l'espèce intelligible. Glaucon : Je les ai. Socrate : Sur ce, prends, par exemple, une ligne2 sectionnée en deux parties, qui sont deux segments inégaux ; sectionne à nouveau, selon le même rapport, chacun des deux segments, celui du genre visible comme celui du genre intelligible. Ainsi, eu égard à une relation réciproque de clarté et d'obscurité, tu obtiendras, dans le visible, ton deuxième segment. Par copies, j'entends premièrement les ombres portées, en second lieu les images réfléchies sur la surface de l'eau ou sur celle de tous les corps qui sont à la fois compacts, lisses et lumineux, avec tout ce qui est constitué de même sorte. Je suppose que tu me comprends. 1 Le « monde sensible » face au « monde intelligible » 2 « L’allégorie de la caverne » au livre VII renvoie directement à la modélisation mathématique de « la ligne » au livre VI. Glaucon : Mais oui, je te comprends ! Socrate : Pose alors l'autre segment auquel ressemble celui-ci, les animaux de notre expérience et, dans son ensemble, tout le genre de ce qui se procrée et de ce qui se fabrique. Glaucon : Je le pose. Socrate : Accepterais-tu en outre de parler d'une division du visible sous le rapport de la vérité et de l'absence de vérité ? […] Glaucon : Je l'accepte, et de tout cœur ! Socrate : Examine maintenant de quelle façon aussi la section de l'intelligible devra, à son tour, être sectionnée. Glaucon : De quelle façon ? Socrate : De cette façon: dans une des sections de l'intelligible, l'âme, traitant comme des copies les choses qui précédemment étaient celles que l'on imitait, est obligée dans sa recherche de partir d'hypothèses, en route non vers un principe, mais vers une terminaison; mais, en revanche, dans l'autre section, avançant de son hypothèse à un principe anhypothétique3, l'âme, sans même recourir à ces choses que justement dans la première section on traitait comme des copies, poursuit sa recherche à l'aide des natures essentielles, prises en elles-mêmes, et en se mouvant parmi elles. Platon, « allégorie de la ligne », République, LVI. QUESTIONS : 1 : Comment Platon met-il en évidence qu’il existe une différence essentielle entre monde sensible et monde intelligible ? 2 : Tentez de tracer la ligne (partant du sensible vers l’intelligible, de l’ignorance jusqu’à la connaissance vraie). 3 : Selon vous, est-ce possible d’atteindre « l’anhypothétique » ? Dans « « l’allégorie de la caverne », tout comme dans « l’allégorie de la ligne », nous mettons en évidence que les êtres humains croient parfois détenir et prononcer des vérités qui ne sont pourtant pas valables pour tous et intemporellement. Il convient alors de s’interroger sur des critères formels nous permettant de pallier les faiblesses du langage naturel. 3 Principe qui se suffit à lui-même, qui est absolument premier qui ne dépend d’aucun autre principe antérieur (exemple : le Bien ou le Vrai). Est-ce donc possible de parvenir à distinguer entre ce qui relève de la vérité et ce qui n’est que potentiellement vrai par le biais d’un langage plus formel, beaucoup moins sujet à l’erreur, à l’absence de compréhension et beaucoup moins interprétatif ? En effet, le langage formel (par exemple mathématique et logique) semble beaucoup moins sujet à l’interprétation, à l’erreur et au mensonge (volontaire ou involontaire) que le langage naturel. B / L’usage de critères formels permettant ainsi de souligner de nouvelles distinctions : entre « « vérité » et « validité » En effet, il existe en logique formelle une différence entre la vérité et la validité. Si la vérité porte sur les énoncés ou prémisses ; on dit qu’ils sont vrais ou faux (exemple : dans un raisonnement logique tel qu’un syllogisme), la validité porte sur les arguments ; on dit qu’ils sont valides ou non valides. Il existe des raisonnements logiques mettant en correspondance vérité et validité, mais il se peut aussi que la vérité ne soit pas toujours compatible avec le critère de validité. Prenons par exemple des conclusions de syllogismes : certaines peuvent être à la fois vraies et valides, mais d’autres peuvent s’avérer fausses et valides, ou bien certaines conclusions peuvent être vraies mais non valides. Voici le syllogisme le plus connu : Prémisse 1 : tous les hommes sont mortels Prémisse 2 : Socrate est un homme Conclusion : Socrate est mortel. ---L’argument est valide car la conclusion découle directement de prémisses. En outre, il y a ici deux prémisses qui sont vraies. La conclusion de ce syllogisme est à la fois vraie et valide. Autres cas : P1 : Toutes les abeilles sont petites P2 : Je suis petite Conclusion : Je suis une abeille. --- Ici, la conclusion semble aussi directement découler des prémisses précédentes. Toutefois, il s’avère qu’un des énoncés soit faux : à savoir la conclusion. Donc, la conclusion est fausse mais valide. P1 : Tous les oiseaux sont blancs P2 : les colombes sont des oiseaux Conclusion : toutes les colombes sont blanches. P1 : Les animaux ont quatre pattes P2 : les hommes descendent des animaux Conclusion : les hommes ont quatre pattes Que pouvez-vous dire de ces deux syllogismes ? ……………………………………………… ………………………………………………………………………………………………….. …………………………………………………………………………………………………. A vous de jouer ! Proposez un syllogisme avec une conclusion fausse mais valide et un syllogisme avec une conclusion vraie mais invalide. C/ Lutter contre les dangers du dogmatisme pour espérer accéder au vrai Un dogme : Il s’agit d’un énoncé ou d’une proposition présentée comme étant vraie, sans aucune preuve rendant compte de sa véracité. Par exemple, certaines mœurs en société peuvent prendre l’allure de dogmes dès lors que nous les appliquons sans même se questionner sur leur valeur. Ces dernières sont souvent admises de générations en générations. En outre, les principes religieux admis par les croyants sont également des dogmes. Nous pouvons aussi donner comme exemple toute cause innée, par exemple les axiomes mathématiques. En effet, selon Gödel (logicien et mathématicien autrichien du XXème siècle, naturalisé français), il existe et existera toujours en mathématique des propositions considérées comme étant vraies, et qui s’avèrent pourtant indémontrables. Ce sont des « assertions », notamment en géométrie. Ainsi, nous pouvons constater que la publicité et les médias s’appuient de plus en plus sur des dogmes pour manipuler les foules. Le plus souvent, le but des médias est, justement, de s’appuyer sur l’opinion commune pour faire valoir son pouvoir d’attraction. Par conséquent, les dogmes peuvent se montrer dangereux lorsque certains groupes (ex : des lobbies) ou certains individus (les politiciens, tel que dirait Platon…) les utilisent à mauvais escient, dans le but d’exercer un contrôle sur les citoyens par exemple. Ces derniers s’appuient sur l’ignorance du vrai et sur la crédulité des citoyens pour accentuer la confusion entre vérité et opinion(s). Le fait d’être sans cesse plongés dans les croyances, les faux-semblants et les illusions ne peuvent que nous détourner de la vérité et nous empêcher de l’atteindre. Chercher la vérité, c’est donc lutter contre les dangers du dogmatisme et contre le pouvoir de ceux qui manipulent les opinions. Pour ce faire, il convient d’adopter un regard critique sur toutes les informations que nous sommes en mesure de recevoir et douter en s’interrogeant sur la valeur de ce qui est dit, présenté comme étant vrai, sans aucune preuve réelle et objective. Vous pouvez prendre comme exemple de figures philosophiques les philosophes sceptiques, tels que Descartes (doute méthodique/ hyperbolique), David Hume (exemple du soleil), ou encore Montaigne. Le scepticisme (du grec « skeptikos » qui signifie « qui examine) est à l’origine une méthode en Grèce antique qui consiste à comparer et distinguer plusieurs choses afin d’atteindre la tranquillité de l’âme (en grec, il s’agit de « l’ataraxie » / on reverra ce terme dans le cours qui portera sur le bonheur). La figure originaire du scepticisme est Pyrrhon d’Elis (retenez seulement Pyrrhon [365-275 av. J.C] / philosophe grec et poète ; fondateur du pyrrhonisme, courant philosophique à l’origine du scepticisme). Selon le pyrrhonisme, il faut être indifférent envers toutes les opinions et rester imperturbable face à toutes les circonstances de la vie. En somme, en adoptant cette attitude, rien ne peut nous manipuler et nous faire dévier de notre trajectoire. Il serait peut-être donc possible d’atteindre la vérité si celle-ci s’inscrit dans l’absence de troubles de l’âme (ou « ataraxie »). Pourtant, il faut admettre que pour les sceptiques modernes, la quête de la vérité se présente comme une entreprise très difficile à atteindre, voire même impossible. Toutefois, cela ne nous empêche pas de tendre vers cette dernière en adoptant une attitude critique à l’égard de toutes les opinions dogmatiques. Rappelez-vous : certaines opinions nous tiennent dans l’ignorance, d’autres peuvent nous conduire vers le savoir. Il convient de les mettre en doute et les examiner. Buste de Pyrrhon d’Elis. Illustration de la thèse de Pyrrhon soulignant le fait de conserver une attitude imperturbable malgré les circonstances. III/ Pourquoi voulons-nous accéder à la vérité ? A/ La vérité peut nous conduire au bonheur et nous garantit un contrôle sur le monde extérieur … La vérité garantie un certain contrôle sur soi. En effet, le fait de parvenir à se détacher des paroles séductrices et mensongères, ou alors être capable de remettre en question le réel représente pour les individus un véritable travail introspectif. Nous sommes en mesure d’adopter la même attitude pour nous-même, et ainsi pouvoir nous remettre potentiellement en cause. D’une certaine manière, le fait de rechercher le vrai dans le but de mieux se connaître nous permettrait de toucher à autre chose qui semble encore plus difficile à atteindre que la vérité elle-même ; à savoir l’aspiration au bonheur. Par conséquent, la quête du vrai ne serait pas un véritable aboutissement, mais ce serait la cause ultime qui nous permettrait d’accéder au bonheur. Rappelez-vous : nous avons souligné que tel était l’objectif final pour le pyrrhonisme. Tel que le met en exergue André Comte-Sponville (philosophe contemporain que nous avions mentionné en début d’année), la vérité ne représente pas le but final de la philosophie. Sponville, au même titre que les philosophes grecs de la tradition, s’attache à mettre en évidence que le bonheur demeure l’objectif final du travail philosophique. Toutefois, le bonheur n’est pas la « norme » de la philosophie. Ceux que les philosophes se doivent de rechercher, c’est « le bonheur dans la vérité ». Ce qui définit un véritable philosophe ; autrement dit celui qui est « ami/ amoureux de la sagesse » (un sage) serait une personne capable faire coïncider la norme et le but de la philosophie. Ce dernier aurait donc pour mission de permettre la rencontre entre la vérité et le bonheur, fruits de la sagesse. Voici l’extrait dans lequel Sponville souligne que la vérité est la norme de la philosophie. En outre, ce dernier précise la nécessité de la rencontre entre la vérité et le bonheur : Dès lors qu’on essaie de penser sa vie et de vivre sa pensée, on philosophe, peu ou prou, et plus ou moins bien. Les grands auteurs nous aident seulement à philosopher un peu mieux. Il reste encore à préciser que si le bonheur est le but de la philosophie, il n’est pas sa norme. Ce n’est pas parce qu’une idée me rend heureux que je dois la penser ; c’est uniquement parce qu’elle me paraît vraie. Il ne s’agit donc pas de penser ce qui me rend heureux […] il s’agit de penser ce qui me paraît vrai. Or s’il y a contradiction entre ces deux exigences, la normativité du vrai et la finalité du bonheur, la dignité du philosophe se joue tout entière dans le fait qu’il choisit la vérité. Si quelqu’un a le choix entre un bonheur et une vérité, il n’est philosophe qu’en tant qu’il choisit la vérité. Cet amour du vrai me semble commun à tous les philosophes. A tel point que ceux qui ne se soumettraient pas à cette norme de la vérité, de mon point de vue, ne seraient plus des philosophes, mais bien ce que la tradition appelle des sophistes. Car si la philosophie sert à quelque chose, c’est en fin de compte à chercher le bonheur dans la vérité. Le but et la norme de la philosophie se rencontrent ici, et cette rencontre, quand elle est effective, définit la sagesse. Ce bonheur ne serait pas fait, comme la plupart des plaisirs contingents […] Ce bonheur serait fait de vérité, et c’est ce que l’on appelle la béatitude : le bonheur dans la vérité, ou l’amour vrai du vrai. André Comte-Sponville, Une éducation philosophique (1989). En outre, si nous recherchons la vérité, c’est parce que celle-ci est garante d’un certain contrôle sur ce qui nous entoure. Ainsi, en recherchant la vérité, nous nous armons de connaissances qui nous permettent de nous rendre comme « maître et possesseur de la nature » (citation de R. Descartes). Ce dernier a très souvent affirmé que la science devait être utile à la vie. Effectivement, l’utilité principale des connaissances scientifiques est alors le progrès technique. La recherche de la vérité représente pour nous une utilité évidente, et cette entreprise ne s’avère donc pas désintéressée. Par exemple, établir une vérité scientifique analysant un virus (tel que le coronavirus par ex.) permet de donner lieu à des vaccins et lutter contre les contaminations. [Bien sûr, il s’agit d’un exemple discutable, voire tendancieux, mais c’est aussi pour cela que je l’ai choisi, pour vous faire réfléchir. Vous pouvez très bien trouver d’autres exemples]. Toutefois, nous remarquons alors que la vérité n’est pas recherchée pour elle-même, mais celle- ci est un moyen en vue d’une autre fin, plus ou moins utile et intéressante pour les individus. Par conséquent, a-t-elle encore une valeur en elle-même ? Recherchons-nous véritablement le vrai pour le vrai, ou cette quête n’est-elle au final qu’un simple prétexte ? B/ … Mais celle-ci est d’une valeur illusoire et sert de prétexte à l’individu pour s’armer contre l’instabilité Nous devons déjà admettre qu’il y a une différence entre la vérité objective et une vérité relative (tel que cela était déjà mis en évidence avec Protagoras). D’autres philosophes affirment qu’il n’existe pas une seule vérité, mais plusieurs vérités dans une même réalité donnée ; tel que Friedrich Nietzsche par exemple (philosophe, poète et philologue allemand du XIXème siècle/ il a écrit le Gai Savoir, La naissance de la tragédie, son œuvre assez connue de nom et pourtant difficile se nomme Ainsi parlait Zarathoustra dans laquelle il souligne la fameuse maxime que « dieu est mort… ». Il est très sévère envers la tradition, c’est pourquoi on dit que son œuvre représente une philosophie à « coup de marteau ! »). Selon Nietzsche, il semble périlleux de rechercher une seule vérité sans être confrontés à plusieurs vérités. De plus, ce dernier affirme que la quête du vrai ne représente finalement qu’un prétexte pour les individus. En effet, nous recherchons dans la vérité une forme de stabilité. Le présupposé nietzschéen repose sur le fait que l’homme a une peur bleue de l’instabilité et du changement. Le changement et l’instabilité provoquent dans notre esprit de la confusion, et par conséquent, de la nervosité, voire de profondes angoisses. A travers la vérité, les hommes croient qu’ils ont trouvé quelque chose de permanent et de stable ; ce qui permet donc d’apaiser leurs esprits. Toutefois, nous remarquons alors que la vérité n’a pas de valeur en elle-même, et il s’agirait même pour Nietzsche d’une contre-valeur. Pour ce dernier, les hommes n’ont pas assez de courage et de recul intellectuel qui leur permettrait de dépasser l’exigence de vérité, (par son caractère immuable et rassurant). Il faudrait au contraire abandonner la recherche de la vérité pour Nietzche. Une personne totalement libre à ses yeux et tournée vers la volonté de puissance4 devrait être capable de considérer que la vérité est illusoire. La vérité ne peut que nous détourner de la réalité, telle qu’elle est vraiment ; à savoir contingente et toujours complexe. C / l’homme doit être conscient que son esprit fini fait obstacle à la vérité et au savoir illimité En effet, l’homme doit prendre en compte qu’il ne peut pas aisément parvenir à une forme de vérité absolue et à un savoir absolument vrai sur tout ce qui l’entoure. Son esprit fini lui fait obstacle. Rappelez-vous, nous avions mentionné que pour Kant, tout ce qui relève de la « raison pure » (dans la Critique de la raison pure) fait référence aux choses qui échappent à l’esprit humain et aux catégories (exemples : Dieu et le monde). Ainsi, lorsque nous cherchons à nous confronter et porter un regard sur de telles choses qui semblent trop grandes et incommensurables, nous pouvons facilement nous confronter à des erreurs. L’erreur nous maintient alors dans l’illusion de connaître, dans le mensonge (involontaire) et dans les opinions. Le philosophe Nicolas Malebranche (philosophe français du XVIIème-XVIIIème siècle, théologien et prêtre oratorien) considère que l’esprit humain limité est sans cesse reconduit à l’erreur. En effet, plutôt que d’examiner et s’assurer de la connaissance de faits qui sont à leur portée, les hommes préfèrent spéculer sur des choses qui sont pour eux inaccessibles (qui ne peuvent être appréhendées que par un « esprit infini »). Par conséquent, ils ne peuvent se contenter que de suppositions et de préjugés qui les détournent à nouveau de la connaissance du vrai. Ainsi, les hommes dressent eux-mêmes leurs propres obstacles dès lors qu’ils recherchent la vérité. 4 La volonté de puissance nietzschéenne est au départ proche de ce que le philosophe Spinoza appelait le « conatus ». Cela signifie « persévérer dans son être », c’est-à-dire ce qui permettrait à la substance de s’étendre et de dépasser son essence. La volonté de puissance se comprend aussi comme une forme de dépassement de soi, de sa condition et de son être. Cela est une volonté positive pour Nietzsche car l’homme cherche à devenir plus puissant et s’avère capable de se « tirer lui-même vers le haut ». Néanmoins, le philosophe considère que l’homme est tiraillé entre de telles pulsions positives et des pulsions négatives qui nous « tirent vers le bas ». Ces dernières s’opposent à la volonté de puissance et relèvent de la peur, du ressentiment, ou encore de la faiblesse (« morale des faibles ») propres à la volonté de néant. ---- cf : texte de N. Malebranche. Extrait mettant en évidence cette thèse dans l’ouvrage : Recherche de la vérité (1675) : […] l’esprit humain est limité, et tout ce qui est limité est par sa nature sujet à l’erreur. La raison en est que les moindres choses ont entre elles une infinité de rapports, et qu’il faut un esprit infini pour les comprendre. […] Ainsi, la limitation de l’esprit toute seule emporte avec soi la capacité de tomber dans l’erreur. Toutefois, si les hommes, dans l’état même où ils sont de faiblesse et de corruption, faisaient toujours bon usage de leur liberté, ils ne se tromperaient jamais. Et c’est pour cela que tout homme qui tombe dans l’erreur est blâmé avec justice et mérite même d’être puni : car il suffit, pour ne point se tromper, de ne juger que de ce qu’on voit, et de ne faire jamais des jugements entiers que des choses que l’on est assuré d’avoir examinées dans toutes leurs parties : ce que les hommes peuvent faire. Mais ils aiment mieux s’assujettir à l’erreur que de s’assujettir à la règle de la vérité : ils veulent décider sans peine et sans examen. Ainsi, il ne faut pas s’étonner s’ils tombent dans un nombre infini d’erreurs et s’ils font souvent des jugements assez incertains. N. Malebranche, Recherche de la vérité, (1675). Conclusion : Nous avons mis en évidence que la vérité est difficile d’accès, bien que nous sommes en mesure de prendre en compte différents critères qui permettent de la définir. Pourtant, le fait d’adopter un regard critique et hiérarchiser entre les différentes opinions se présente comme étant une bonne voie d’accès vers la connaissance vraie, immuable et absolue. Nous avons vu que la vérité se présente comme étant une valeur essentielle en société, face au mensonge, même si dans certains cas nous admettons que la vérité n’est pas réellement une fin en soi, mais un moyen en vue d’une autre fin. Ainsi, même si la vérité se présente comme étant la norme de la philosophie, est-ce une norme en général ? Sommes-nous « assoiffés » de vérité et poussés par une volonté de s’élever, de tout connaître, ou sommes-nous seulement rassurés par la stabilité et la permanence que celle-ci se montre capable de nous offrir ? Sujets de dissertation proposés sur ce thème : -Toute vérité doit- elle être dite ? - Pourquoi rejetons-nous les mensonges ? -Un énoncé vrai repose-t-il sur une relation adéquate avec le réel ? -Toute vérité nous apprend-elle quelque chose ? -Suis-je esclave de mes croyances ? -Le dogmatisme, est-ce un obstacle à la recherche de vérités ? Pour l’explication de texte, je vous propose de lire avec attention les extraits proposés dans le cours. Vous pouvez répondre aux questions posées à l’issue des passages.

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