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CRFPA 2023 PROCÉDURE PÉNALE • Procédure pénale • Droit de l'exécution des peines NON, TOUT CE QUE VOUS DIREZ NE SERA PAS RETENU CONTRE VOUS ! La procédure pénale, c’est la vie, la vraie ! Et la vie ce n’est pas toujours comme dans les films. L’objectif de ce fascicule est de faire de vous de f...

CRFPA 2023 PROCÉDURE PÉNALE • Procédure pénale • Droit de l'exécution des peines NON, TOUT CE QUE VOUS DIREZ NE SERA PAS RETENU CONTRE VOUS ! La procédure pénale, c’est la vie, la vraie ! Et la vie ce n’est pas toujours comme dans les films. L’objectif de ce fascicule est de faire de vous de fins connaisseurs de la procédure pénale, de son jargon si particulier employé dans vos séries « Canal » préférées. Vous allez enfin arrêter de dire « Objection votre Honneur », ou demander s’il faut un « mandat » pour une perquisition ou encore si les policiers doivent dire « vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ». Vous allez enfin comprendre comment fonctionne la matière pénale (la meilleure de toutes les matières du CRFPA), quels sont vraiment vos droits et comment faire respecter ceux de vos futurs clients. Conseils pratiques Le programme se divise en deux blocs : Programme de révision o La procédure pénale stricto sensu ; o Le droit de l’exécution des peines. Il s’agit de vous mettre dans la peau d’un avocat pénaliste et de résoudre un cas pratique. Pour vous aider, vous trouverez au long du fascicule des tableaux de synthèse, des pictogrammes , ainsi que des « Objectif Cas pratiques » pour vous donner des exemples concrets de sujets. Il est impossible de tout connaître par cœur ! Même Yoda n’y arriverait pas ! Conseils de méthodologie et de révision #Jamaissansmoncode Il faut en revanche savoir chercher dans le Code de procédure pénale. Il faut, constamment, travailler avec le code qui deviendra à la fin de l’été votre meilleur ami, votre confident… Quand vous révisez, quand vous lisez le fascicule, quand vous faites vos cas pratiques… #Jamaissansmoncode o La grande réforme de procédure de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, entrée en vigueur pour l’essentiel le 1er janvier 2020 pour ce qui est de l’instruction et le 24 mars 2020 pour ce qui est de la peine ; o La réforme du droit pénal des mineurs est entrée en vigueur le 30 septembre 2021. Réformes récentes On peut se référer au site du CNB sur cette question : Ouvrages autorisés lors de l’examen ✔ Codes annotés, mais non commentés ; ✔ Recueils de textes réglementaires, législatifs, constitutionnels, et normes européennes et internationales (pour la procédure pénale, presque tout est dans le Code de procédure pénale). Tous les documents peuvent être surlignés ou soulignés. Les marque-pages et Post-its sont acceptés. Objectif Barreau - Procédure pénale 1 Soyez confiants, mais n’hésitez pas non plus à poser des questions : non, tout ce que vous direz ne sera pas retenu contre vous ! Et si vous ne comprenez rien au texte encadré ci-dessous, alors plongez-vous dès maintenant dans le fascicule. Nous en reparlerons de vive voix… Le 6 janvier 2021 à 20h30, Monsieur Barreau sort de son cabinet et se fait violemment agresser par un individu. Des passants qui ont vu la scène crient « au secours ». Une patrouille de la police nationale qui passait par là entend les cris et voit un homme courir. L’équipage de police décide de procéder à son interpellation. Il est 20h35. Agissant en flagrance, l’interpellation ne pose pas de difficulté. Le mise en cause est toutefois menotté et emmené au poste de police. On lui notifie alors son placement en garde à vue (GAV) et les droits afférents. Il ne souhaite pas voir de médecin pour l’heure, mais sollicite l’assistance d’un avocat commis d’office. Une audition de « grande identité » est réalisée par l’un des agents de police avant l’arrivée du conseil. Le mise en cause qui se prénomme Michel fait l’objet par le procureur de la République (Proc) d’un renouvellement de sa mesure de garde à vue pour 24 heures supplémentaires après présentation devant lui en visioconférence. À l’issue de 40 heures de garde à vue, Michel est présenté à un juge d’instruction en vue d’un interrogatoire de première comparution (IPC). Il est mis en examen pour des faits correctionnels et, sur réquisitions conformes du ministère public, le magistrat instructeur saisit par ordonnance le juge des libertés et de la détention (JLD) aux fins de placement en détention provisoire. Le même jour, ledit juge fait droit à l’ordonnance. Michel interjette appel de cette ordonnance dans le délai de 10 jours auprès du greffe pénitentiaire. La chambre de l’instruction (Chins) de la Cour d’appel statue dans le délai imparti et confirme l’ordonnance. Dans le cadre de l’information judiciaire, le juge d’instruction délivre une commission rogatoire (CR) aux fins de découvrir d’éventuels co-auteurs ou complices et autorise les officiers de police judiciaire (OPJ) à réaliser des interpellations et perquisitions en ce sens. Il délivre également un mandat d’amener à l’encontre d’un suspect. Michel est entendu deux fois par le magistrat instructeur en présence de son conseil. À la suite d’une énième demande de mise en liberté, le juge des libertés et de la détention ordonne la remise en liberté de Michel. Le parquet fait appel (sans référé-détention qui n’est pas applicable en l’espèce) et la chambre de l’instruction confirme l’ordonnance. Dans l’intervalle et respectant le délai de forclusion de 6 mois, le conseil de Michel dépose une requête en nullité de la mise en examen considérant qu’il n’existait pas d’indice grave ou concordant au moment de l’interrogatoire de première comparution. Quelques mois plus tard, le juge d’instruction délivre son avis de fin d’information (le fameux 175). Le conseil de Michel rédige des observations à l’issue de la transmission du réquisitoire définitif du parquet. Le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel avec maintien sous contrôle judiciaire. Le jugement se tiendra quelques mois plus tard devant la 10e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris. Après lui avoir rappelé qu’il peut se taire, répondre aux questions ou faire des déclarations, le Président instruit le dossier. À l’issue, Michel prononce ses derniers mots et le tribunal se retire pour délibérer. Verdict : 15 mois ferme sans mandat de dépôt. Après un rapide calcul (Michel déduit le temps déjà passé en détention provisoire – 4 mois, plus les crédits de réduction de peine), il lui reste un peu plus de 8 mois ferme à tirer. Heureusement, il pourra aménager sa peine par le biais par exemple d’une semi-liberté ou d’une détention à domicile. Objectif Barreau - Procédure pénale 2 SCHÉMA DE LA PROCÉDURE PÉNALE Objectif Barreau - Procédure pénale 3 LISTE DES ABRÉVIATIONS Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de cassation Bull. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation C. cass. : Cour de cassation C. civ. : Code civil C. com. : Code de commerce C. déf. : Code de la défense C. route : Code de la route CC : Conseil constitutionnel CE : Conseil d’État CESEDA : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile Ch. réunies : Chambres réunies de la Cour de cassation Civ. 1ère : Première Chambre civile de la Cour de cassation Civ. 2e : Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation CJM : Code de justice militaire CJPM : Code de la justice pénale des mineurs COJ : Code de l’organisation judiciaire Com. Eur. : : Commission européenne ConvEDH : Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales CourEDH : Cour européenne des droits de l’Homme CP : Code pénal CPP : Code de procédure pénale CRFPA : Centre régional de formation professionnelle des avocats Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation C. trav. : Code du travail DDHC : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen DP : Dalloz périodique Dr. fam. : Revue Droit de la famille Dr. pén. : Revue Droit pénal DUDH : Déclaration universelle des droits de l’homme OPJ : Officier de police judiciaire Ord. 2 février 1945 : Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante PIDCP : Pacte international sur les droits civils et politiques QPC : Question prioritaire de constitutionnalité Soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation Objectif Barreau - Procédure pénale 4 SOMMAIRE Non, tout ce que vous direz ne sera pas retenu contre vous ! ........................................................... 1 Sommaire .............................................................................................................................................. 5 Partie I – Procédure pénale ................................................................................................................. 6 Thème I – Les principes directeurs de la procédure pénale ......................................................... 6 Thème II – Les enquêtes ................................................................................................................. 25 Thème III – Les actions .................................................................................................................. 80 Thème IV – L’instruction préparatoire ...................................................................................... 113 Thème V – Le jugement ............................................................................................................... 168 Thème VI – Les voies de recours ................................................................................................. 195 Partie II – Le droit de l’exécution des peines ................................................................................. 218 Thème introductif — Pourquoi étudier l’exécution des peines ................................................ 218 Thème I – L’organisation du système de l’exécution des peines .............................................. 221 Thème II – Les modalités d’exécution des sanctions pénales.................................................... 234 Table des matières ............................................................................................................................ 257 Objectif Barreau - Procédure pénale 5 PARTIE I – PROCÉDURE PÉNALE THÈME I – LES P RINCIP ES DI RECTEURS DE LA P ROCÉDURE P ÉNALE Dans ce thème… Nous allons étudier les grands principes qui guident la procédure pénale. Ils sont fondamentaux et irrigueront beaucoup de développements tout au long du fascicule. Il faudra bien les garder à l’esprit notamment lorsque seront étudiés les nullités de procédure et les griefs à l’encontre d’une partie à la procédure. ✔ ✔ ✔ ✔ ✔ Qu’est-ce que le droit à un procès équitable ? Quelles en sont les différentes composantes ? Qu’est-ce qu’un tribunal indépendant ? Quelles sont les différentes formes d’impartialité ? Comment apporte-t-on la preuve d’une infraction pénale ? L’autorité publique est-elle soumise aux mêmes règles que les parties privées ? Est-ce que la provocation à la preuve par l’autorité publique est autorisée ? Quid de la provocation à l’infraction ? Des procès déloyaux ? Les textes essentiels : Article 3 de la ConvEDH : droit au respect de la dignité humaine. Article 6 de la ConvEDH : droit à un procès équitable. Article 8 de la ConvEDH : droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. Article 9 de la DDHC : présomption d’innocence. Article 2 du Protocole additionnel n° 7 à la ConvEDH : droit à un double degré de juridiction. Article préliminaire du CPP : droit à un procès équitable. Article 9-1 du Code civil : Présomption d’innocence. Article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 : répression de l’atteinte à la présomption d’innocence par voie de presse. Les décisions essentielles : CourEDH, Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975 (n° 4451/70) : sur le droit d’accès à un premier juge. CourEDH, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984 (n° 7819/77 ; 7878/77) : sur le droit à un tribunal indépendant. CC., 9 avril 1996, n° 96-373 : consacre le droit au recours effectif. CourEDH, 10 février 1995, Allenet de Ribemont c. France (n° 15175/89) : sur la présomption d’innocence. CourEDH, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998 (n° 25829/94) : sur la provocation à la preuve et à l’infraction. CourEDH, Khoudobine c. Russie, 26 octobre 2006 (n° 59696/00) : sur la provocation à la preuve et à l’infraction. Objectif Barreau - Procédure pénale 6 CHAPITRE I – LE DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE L’article préliminaire, I, du Code de procédure pénale pose les jalons du principe du droit à un procès équitable : « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ». Ce principe est évoqué par le Conseil constitutionnel dans une décision n°95-360 du 2 février 1995 au travers des droits de la défense dont le respect « implique, notamment en matière pénale, l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ». Ce principe est surtout ancré et décliné au sein de l’article 6 « droit à un procès équitable » de la Convention européenne des droits de l’Homme : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e. se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. Du principe du droit à un procès équitable découlent plusieurs garanties scindées en deux catégories : les garanties relatives au tribunal (Section 1) et celles relatives au déroulement de la procédure (Section 2). Objectif Barreau - Procédure pénale 7 Procès équitable Garanties relatives au tribunal (Section 1) Accès à un tribunal Tribunal indépendant Tribunal impartial Garanties relatives à la procédure (Section 2) Publicité Délai raisonnable Droits de la défense Egalité des armes Respect vie privée SECTION 1 – LES GARANTIES RELATIVES AU TRIBUNAL Les garanties relatives au tribunal comprennent le droit d’accès à un tribunal (I), indépendant (II) et impartial (III). I. Le droit d’accès au tribunal Le droit d’accès au tribunal comprend le droit d’accès à un premier juge (1) et celui d’exercer une voie de recours (2). Il faut dès à présent préciser que le terme « tribunal » doit être entendu au sens large comme toute juridiction appelée à statuer, que la formation soit collégiale ou unique (ex : juge d’instruction, juge des libertés et de la détention, chambre de l’instruction ou tribunal correctionnel...). 1. Droit d’accès à un premier juge. Si l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (« ConvEDH ») n’évoque pas explicitement le droit d’accès au juge, la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH ») a estimé que ce droit s’induit nécessairement du droit à un procès équitable, car « on ne comprendrait pas que l’article 6. § 1 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier en réalité : l’accès au juge » (CourEDH, Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975, n° 4451/70). Limite. Le droit d’accès à un tribunal n’impose pas aux États d’octroyer le droit à l’assistance judiciaire. Illustrations. Le droit d’accès au tribunal doit être concret et effectif. Sont contraires au droit d’accès à un tribunal : o La mise en place d’un coût de procédure trop élevé (CourEDH, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, n° 6289/73) ; o La demande d’une somme de consignation excessive (CourEDH, Aït-Mouhoub c. France, 28 octobre 1998, n° 22924/93) ; o La prise en compte des chances de succès des prétentions d’un individu dans le cadre de l’octroi ou du refus du bénéfice de l’aide juridictionnelle (CourEDH, Aerts c. Belgique, 30 juillet 1998, n° 25357/94). Objectif Barreau - Procédure pénale 8 Application en matière pénale. Le droit d’accès au juge est particulièrement important lorsqu’un individu est sous le coup d’une mesure de contrainte : Article 5 de la ConvEDH Article 66 de la Constitution Article préliminaire, III, du CPP Le droit d’une personne arrêtée ou détenue : §3. « d’ être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». §4. « d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ». « Nul ne peut être arbitrairement détenu ». « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». « Les mesures de contrainte dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire ». 2. Droit au recours effectif. Le « droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction » a été consacré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 9 avril 1996, n° 96-373). Limite. Le droit d’accès à un tribunal ne crée pas d’obligations à l’égard des États de créer des cours d’appel ou de cassation (CourEDH, Brualla Gomez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, n° 26737/95). Toutefois, quand une voie de recours existe et que les conditions juridiques d’exercice sont remplies, les États ne peuvent pas entraver l’exercice de ce recours. Par exemple, le droit à un recours effectif est méconnu lorsque le greffe d’un centre de détention ne transmet pas la demande d’exercice d’une voie de recours d’un détenu à la juridiction compétente en temps utile (CourEDH, Barbier c. France, 17 janvier 2006, n° 76093/01). 3. Droit à un double degré de juridiction. Le droit à un double degré de juridiction découle du droit au recours effectif et est protégé par les normes suivantes : Article 2 du Protocole additionnel n°7 à la ConvEDH Article préliminaire, III, du CPP Consacre et limite le droit à un double degré de juridiction : 2.1 « Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. » « Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ». 2.2 « Ce droit peut faire l'objet d'exceptions », il peut notamment être exclu pour les infractions mineures. Le Conseil constitutionnel a déclaré que les restrictions à la possibilité pour la partie civile de se pourvoir en cassation contre les arrêts de non-lieu ne sont pas conformes à la Constitution (Cons. const., 23 juillet 2010, n° 2010- 15/23 QPC). Limite. Le droit à un double degré de juridiction n’est pas absolu et connaît des exceptions. La loi prévoit notamment des cas dans lesquels il n'est pas possible de faire appel. Par exemple, depuis le 1 er janvier 2020, lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5.000 euros, ses décisions sont rendues en premier et « dernier ressort » (art. R211-3-24 COJ). Objectif Barreau - Procédure pénale 9 II. Le droit à un tribunal indépendant L’indépendance du tribunal est garantie sur le plan international et interne par les articles suivants : Article 6 de la ConvEDH Consacre le droit à ce que sa cause soit entendue par « un tribunal indépendant établi par la loi ». Article 64 de la Constitution « Le président l’indépendance judiciaire ». est garant de de l’autorité Article 16 de la DDHC « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Le tribunal doit notamment être indépendant à l’égard du pouvoir exécutif (1), du pouvoir législatif (2), des parties (3). Cette indépendance est organique, fonctionnelle et/ou psychologique. 1. Indépendance par rapport au pouvoir exécutif. La CourEDH a dégagé des critères d’appréciation de l’indépendance d’une juridiction (CourEDH, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984, n° 7819/77; 7878/77) : o Le mode de désignation : le pouvoir exécutif ne doit pas nommer discrétionnairement les juges d’une juridiction ; o La durée du mandat : la brièveté du mandat doit s’accompagner de garanties telles que l’inamovibilité ; o L’existence de garanties contre des pressions extérieures : le pouvoir exécutif ne doit pas donner des instructions dans l’exercice de l’activité juridictionnelle. 2. Indépendance par rapport au pouvoir législatif. Le Parlement ne doit pas pouvoir modifier les données d’un procès ou influer sur sa solution. Cette protection est assurée par le Conseil constitutionnel selon lequel « il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence. » (Cons. const., 22 juillet 1980, n° 80-119). 3. Indépendance par rapport aux parties. Les magistrats du siège et les magistrats du parquet doivent être indépendants des parties au procès. C’est la raison pour laquelle un principe d’irresponsabilité civile des magistrats existe. Il s'agit d'éviter que les justiciables mécontents d'une décision de justice rendue à leur égard ne multiplient les actions contre les juges qui l'ont rendue. Toutefois, la responsabilité pénale des magistrats pourra être engagée pour certaines infractions spécifiques du Code pénal, telles que l'abus d'autorité (art. 432-4 CP), la corruption active (art. 4331 CP) ou passive (art 432-11 CP), ou le déni de justice (art. 434-7-1 CP). III. Le droit à un tribunal impartial A. Les types d’impartialité Dans l’arrêt Piersack contre Belgique du 1er octobre 1982 n°8692/79, la Cour européenne des droits de l’homme expose que « si l’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris, elle peut, notamment sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que le juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective, amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime ». Ainsi la CourEDH adopte une conception mixte de la notion d’impartialité, laquelle doit être à la foi subjective (1) et objective (2). Objectif Barreau - Procédure pénale 10 1. Impartialité subjective. Le tribunal doit être subjectivement impartial : aucun de ses membres ne doit avoir de parti pris ou de préjugé personnel (CourEDH, Piersack c. Belgique, 1er octobre 1982, n° 8692/79). C’est par exemple le cas lorsque l’un des jurés devant juger un accusé français d’origine algérienne a tenu des propos racistes, le tribunal n’est pas impartial (CourEDH, Remli c. France, 23 avril 1996, n° 16839/90). 2. Impartialité objective. Le tribunal doit être objectivement impartial : il doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (CourEDH, 26 février 1993, Padovani c. Italie, n° 13396/87 et CourEDH, 28 octobre 1998, Castillo Algar c. Espagne, n° 28194/95). Illustration – Cumul de fonctions dans une même affaire. En principe, le cumul, dans une même affaire, des fonctions de poursuite et de jugement est de nature à induire un doute légitime sur l’impartialité du tribunal. Le Code de procédure pénale prohibe donc, à peine de nullité, la succession de certaines fonctions dans une même affaire : o Le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ne peuvent pas participer au jugement de l’affaire qu’ils ont connue (art. 49 CPP et art. 137-1 CPP) ; o Le magistrat d’une cour d’assises ne peut pas participer au jugement de l’affaire dès lors qu’il a préalablement fait un acte de poursuite ou d'instruction, participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé (art. 253 CPP). À titre exceptionnel, un juge peut intervenir successivement dans une même affaire lorsque les circonstances le justifient (ConvEDH, Hauschildt c. Danemark, 24 mai 1989, n° 10486/83). Dans le cas particulier de la justice des mineurs, le juge d’instruction peut aussi être juge de jugement (ConvEDH, Nortier c. Pays-Bas, 24 août 1993, n° 13924/88). Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé que sont contraires au principe d’impartialité, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire en ce qu’elles ne font pas interdiction au juge des enfants qui a instruit une affaire de présider le tribunal pour enfants devant lequel elle est renvoyée (Cons. const., n° 2021-893 QPC, 26 mars 2021). B. Les moyens de contrôle de l’impartialité Au-delà de l’interdiction des cumuls de fonctions susmentionnés, le respect du principe d’impartialité peut être assuré par la récusation (1), la suspicion légitime (2) et le dépaysement (3). 1. Récusation. Elle vise un seul membre de la juridiction (art. 668 CPP). C’est l'incident de procédure soulevé par une partie qui suspecte un juge de partialité envers l'un des plaideurs sans contester la compétence d'une juridiction. Les magistrats et tout juré peuvent être récusés. L'article 668 du Code de procédure pénale vise neuf cas de causes de récusation du juge. Toutefois, le ministère public ne peut jamais être récusé (art. 669 CPP). Procédure. La demande de récusation peut être introduite par le ministère public et par les parties au procès. Elle est déposée au greffe de la juridiction à laquelle appartient le magistrat mis en cause. Ce dépôt doit être fait avant le début des plaidoiries, à moins que la cause de la récusation ne soit apparue après cette phase. La requête en récusation ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée. Elle ne produit pas d’effet automatique sur l’instance pénale. Le procès ou l’instruction se poursuit normalement, sans tenir compte de la procédure en récusation. La juridiction saisie peut, toutefois, procéder au renvoi de l’affaire afin d’attendre l’issue de la procédure de récusation. Le premier président de la cour d’appel (ou de la Cour de cassation si la demande de récusation vise le premier président de la cour d’appel) statue par ordonnance qui produit effet de plein droit (art. 671 CPP). Cette ordonnance n’est susceptible d’aucun recours. 2. Suspicion légitime. Elle concerne l’ensemble de la juridiction (art. 662 CPP) : c’est une demande de renvoi soulevée par une partie qui fait valoir que les magistrats qui composent la juridiction (qu’elle soit collégiale ou unique) font collectivement preuve, ou risquent de faire preuve d'inimitié, ou d'animosité à son égard. Si le Objectif Barreau - Procédure pénale 11 renvoi est ordonné, la juridiction est immédiatement et définitivement dessaisie. Les actes effectués avant l’arrêt de renvoi demeurent valables. Par exemple, en cas d’hostilité manifestée publiquement par un juge d’instruction à un inculpé (Crim., 21 août 1990, n° 90-84.352). Procédure. La demande de récusation peut être introduite par le ministère public, les parties au procès et le procureur général près la Cour de cassation. La requête doit être présentée au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation. La présentation de la requête n’a pas d’effet suspensif, à moins que la Cour de cassation n’en décide autrement (art. 662 al. 4, du CPP). La voie de l’opposition contre un arrêt de la Cour de cassation rejetant une demande de suspicion légitime n’est pas ouverte à la partie qui a formé cette demande (Crim., 26 juin 1963, n° 63-90.998). Un rejet de la demande de renvoi n’interdit pas la présentation d’une nouvelle demande fondée sur des faits postérieurs (art. 667 CPP). 3. Dépaysement. Il consiste à transférer l'instruction d'une juridiction territorialement compétente à une autre juridiction qui serait, en temps normal, considérée comme incompétente en application des principes du Code de procédure civile ou pénale (art. 665, al. 2 CPP). Procédure. Le dépaysement peut être demandé « pour cause de suspicion légitime » à l'égard du tribunal, « pour sûreté publique » ou « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». La demande de dépaysement peut être introduite par le ministère public, par une partie au procès et par le procureur général près la Cour de cassation. La requête doit être présentée au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation. La Cour a 8 jours à compter de la requête pour se prononcer, car il s’agit très fréquemment de cas urgents (art. 665, al. 5 CPP). Objectif Barreau - Procédure pénale 12 Objectif Cas Pratique Si l’énoncé d’un cas pratique évoque une audience devant une juridiction, il est important de s’assurer des garanties du procès équitable relatives au tribunal : l’accès au tribunal est-il entravé ? Le tribunal est-il indépendant des pouvoirs exécutif, législatif et des parties privées ? L’un des membres du tribunal (jurés compris) a-t-il fait état de préjugés à l’égard du mis en cause ? L’un des magistrats siégeant à la juridiction de jugement a-t-il eu à connaître de l’affaire par le passé ? Le principe ne bis in idem a-t-il été respecté ? Si tel est le cas, il conviendra selon les cas de : solliciter le moyen de remédier à la violation de l’article 6 de la ConvEDH (e.g. récusation du magistrat, suspicion légitime, dépaysement) ou de soulever la nullité du jugement au visa de l’article 6 de la ConvEDH. Exemple type : Une jeune femme a été victime de violences volontaires et se trouve depuis dans un état végétatif. Monsieur X, son concubin est mis en examen. Bien qu’il clame son innocence, le magistrat en charge du dossier, Monsieur Y, semble convaincu de sa culpabilité et le qualifie de « menteur » au sein d’un interview télévisé. Le lendemain de sa dernière audition, Monsieur X découvre que Monsieur Y est en couple avec la mère de la victime, partie civile dans ce dossier. Qu’en pensez-vous ? De manière générale les mots « commission rogatoire », « mis en examen » et « juge d’instruction » révèlent que vous êtes dans la phase d’instruction de la procédure pénale. Majeure : Qualifiez Monsieur Y de juge d’instruction. Rappelez que le rôle du juge d'instruction est de procéder à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité et d’instruire à charge et à décharge (art. 81 CPP). Définir le principe d’impartialité, l’impartialité subjective (la juridiction ne doit avoir de parti pris ou de préjugé personnel, viser CourEDH, Piersack, 1er octobre 1982 n° 8692/79), l’impartialité objective (la juridiction doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime, viser CourEDH, 26 février 1993, Padovani c. Italie, n° 13396/87 et CourEDH, 28 octobre 1998, Castillo Algar c. Espagne, n° 28194/95). Présenter les moyens de contrôle de l’impartialité (récusation, suspicion légitime, dépaysement). Le juge d’instruction peut faire l’objet d’une récusation (art. 669 CPP). En outre, le juge d’instruction constitue à lui seul une juridiction, il peut faire l’objet d’une requête en suspicion légitime (Cass. crim., 20 juill. 1972, n° 72-92.135) et d’une requête en dépaysement (662 CPP). Mineure : En l’espèce, le juge entretient une relation intime avec l’une des parties et paraît se dispenser d’instruire l’affaire à décharge. Donc on peut légitimement douter de son impartialité. La juridiction d’instruction n’est pas objectivement impartiale. De plus, en qualifiant le mis en examen de « menteur », le magistrat manifeste expressément et publiquement son hostilité à l’égard de ce dernier. Le juge d’instruction n’est pas subjectivement impartial. Conclusion : Il est possible de formuler des requêtes en récusation, en suspicion légitime et dépaysement (présenter la procédure de chaque requête telles que détaillées ci-dessus : juridiction compétente, délais pour se prononcer, conséquences de la demande sur l’instance en cours, etc.). Toujours envisager les conséquences des procédures que vous proposez d’introduire : si ces demandes prospéraient, Monsieur Y serait immédiatement et définitivement dessaisi de l’affaire. N’oubliez jamais de tirer les conséquences de votre moyen de droit. Si dans le cas pratique, la règle est bien énoncée, mais que vous n’en tirez pas de conséquence au cas d’espèce, seulement la moitié du travail est faite. N’oubliez pas que vous défendez un client, pas juste des principes. Objectif Barreau - Procédure pénale 13 SECTION 2 – LES GARANTIES RELATIVES À LA PROCÉDURE Publicité (I) Respect de la vie privée (V) Egalité des armes (IV) I. Délai raisonnable (II) Droits de la défense (III) La publicité Le principe de publicité des débats ainsi que ses exceptions (notamment s’agissant des mineurs) sont examinés plus largement dans la partie du fascicule relative au jugement (Cf. Thème V du fascicule). L’idée générale est que la justice est rendue au nom du peuple français et que celui-ci doit être mis en capacité d’assister à l’œuvre de justice. La publicité est conçue comme un moyen de contrôle de l’activité juridictionnelle. Selon le Conseil constitutionnel, « il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 que le jugement d’une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l’objet d’une audience publique » (Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004492). II. Le délai raisonnable 1. Droit protégé. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est notamment consacré à : o L’article 6 §1, de la Convention européenne des droits de l’Homme ; et o L’article préliminaire du Code de procédure pénale. 2. Critères d’appréciation du caractère « raisonnable » du délai. De nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (notamment CourEDH, Kemmache c. France, 27 novembre 1991, n° 12325/86 et n°14992/89) rappellent que le caractère raisonnable ou non du délai de la procédure s’apprécie en fonction des trois critères suivants : o La complexité de l’affaire ; o Le comportement du requérant ; o Celui des autorités compétentes. 3. Conséquences de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable. La violation de ce droit peut ouvrir droit à réparation, par l’engagement de la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice. Néanmoins, la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable ne peut pas entraîner la nullité de la procédure (Crim., 24 avril 2013, n° 12-82.863). Objectif Barreau - Procédure pénale 14 L’atteinte excessive au droit à être jugé dans un délai raisonnable peut conduire à la nullité des poursuites lorsque cette atteinte a causé une violation irrémédiable des principes de fonctionnement de la justice pénale, notamment des droits de la défense et des règles d’administration de la preuve (CA Versailles, 15 sept. 2021, n° 21/3005). III. Les droits de la défense 1. Droits protégés par la Constitution. Le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (Cons. const., 2 décembre 1976, n° 76-70). La Cour de cassation estime que « la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel » (Ass. plén., 30 juin 1995, n° 94-20.302). Elle affirme également que le principe de libre défense « domine la procédure pénale » (Crim., 9 février 1988, n° 87-82.709). 2. Énumération des droits de la défense. L’article 6, § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article préliminaire, III, alinéa 2, du Code de procédure pénale démontrent la diversité des droits de la défense : o Le droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation ; o Le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense ; o Le droit de se défendre soi-même ; o Le droit d’être assisté d’un défenseur ; o Le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge ; o Le droit d’obtenir l’interrogatoire des témoins à décharge ; et o Le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète. La Cour européenne a également déduit du droit à un procès équitable « le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination » (CourEDH, Funke c. France, 25 février 1993, n° 10828/84). IV. L’égalité des armes 1. Notion. L’égalité des armes implique, pour toute partie, d’avoir « une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantage pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse » (Com. Eur., Szwabowicz c. Suède, 30 juin 1959, n° 434/58). Ce principe constitue une composante du droit à un procès équitable (CourEDH, Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, n° 1936/63). 2. Conséquences pratiques. L’égalité des armes implique que les parties disposent des mêmes droits concernant : o Les délais d’exercice des voies de recours (venant condamner le droit d'appel étendu des procureurs généraux : Crim., 17 septembre 2008, n° 08-80.598 ; Crim., 10 février 2009, n° 08-83.837) ; o Le droit de l’avocat d’une partie d’assister à l’audition d’un expert effectuée par le juge d'instruction sur réquisitions du procureur de la République en présence de celui-ci (Crim., 11 mai 2010, n° 10-80.953) ; et o L’accès à une procédure contradictoire : c’est-à-dire la possibilité « pour une partie, de prendre connaissance des observations ou pièces produites par l’autre, ainsi que d’en discuter » (CourEDH, Lobo et Machado c. Portugal, 20 février 1996, n° 15764/89). Le principe du contradictoire a été introduit en matière d’enquête préliminaire en ce que l’article 77-2 du Code de procédure pénale permet, à l’issue d’un délai d’un an, tant à la personne qui a fait l’objet d’une garde à vue ou d’une audition libre qu’à la victime de consulter le dossier de la procédure afin de formuler des observations au ministère public. Objectif Barreau - Procédure pénale 15 V. Le respect de la vie privée 1. Droit au respect de la vie privée. L’article 8 de la ConvEDH proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » tout en organisant un régime de restrictions si celles-ci sont « prévues par la loi » et « nécessaires, dans une société démocratique ». 2. Admission d’une atteinte nécessaire et proportionnée. Certaines mesures pénales sont, par principe, attentatoires au respect de la vie privée (ex : géolocalisation, interception téléphonique, sonorisation et fixation d’image, infiltration...). L’article préliminaire du Code de procédure pénale précise qu’« au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l’espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l’infraction ». L’absence de législation spécifique en matière d’écoutes téléphoniques a été considérée comme une violation du droit à la vie privée et familiale par la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH, Kruslin c. France et Huvig c. France, 24 avril 1990, n° 11105/84). Plus récemment, la Cour de cassation a estimé, au visa de l’article 8 de la ConvEDH, que la géolocalisation constitue « une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge » (Crim., 22 octobre 2013, n° 13-81.949). Une loi du 28 mars 2014 est venue par la suite encadrer ce type d’investigation. Le Conseil constitutionnel a jugé satisfaisant l’équilibre ainsi défini entre les nécessités de la manifestation de la vérité et le droit au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile (Cons. const., 25 mars 2014, n° 2014-693). Objectif Cas Pratique Ces différents principes doivent toujours guider vos réflexions dans le cadre de la résolution de cas pratique. Comme nous le verrons plus tard dans le fascicule, ils sont d’ailleurs souvent ceux qui pourront être invoqués dans le cadre d’une action en nullité pour déterminer le grief porté aux intérêts de votre client. À cet égard, les droits de la défense sont déterminants et il est souvent possible de s’y rattacher. Exemple type : Dans le cadre d’une instruction, une interception téléphonique est réalisée par les enquêteurs sans commission rogatoire du juge d’instruction. Majeure : Rappeler l’article 8 de la ConvEDH et l’article préliminaire du Code de procédure pénale, outre les articles particuliers relatifs aux interceptions téléphoniques et aux commissions rogatoires que nous verrons plus tard dans le fascicule (Cf. Thème II). Rappeler également, en fonction du stade de la procédure, les règles relatives aux nullités. Mineure : Invoquer l’absence de respect de la procédure de mise en œuvre d’une interception téléphonique et le grief de l’atteinte à la vie privée qui en résulte. Conclusion : L’ensemble des procès-verbaux relatifs à l’interception téléphonique seront annulés. Objectif Barreau - Procédure pénale 16 CHAPITRE II – LA PREUVE PÉNALE Le terme de « preuve » utilisé dans ce chapitre est générique. En effet, avant qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’une preuve au sens strict, la procédure pénale connaît différentes déclinaisons de la valeur probante des éléments en fonction du stade de la procédure. Plus la procédure avance, plus la valeur probante de ces éléments doit être grande. Phase policière : "RAISON PLAUSIBLE DE SOUPCONNER" Mise en examen : "INDICE GRAVE OU CONCORDANT" Renvoi : "CHARGE SUFFISANTE" Phase de jugement : "PREUVE" SECTION 1 – LA CHARGE DE LA PREUVE La charge de la preuve repose sur le demandeur en matière pénale, c’est-à-dire qu’elle incombe en général au ministère public qui déclenche et exerce l’action publique. La preuve doit donc être rapportée par l’accusation de manière à renverser la présomption d’innocence dont bénéficie l’accusé. Tel est le sens de l’adage « actori incumbit probatio ». I. La présomption d’innocence comme règle de preuve A. Le principe de la présomption d’innocence Article 9 de la DDHC Tout homme est « présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Article 6 de la ConvEDH « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». Article préliminaire du CPP Article 304 du CPP « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ». « Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : « Vous jurez et promettez [...] de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ». L‘accusé peut donc en principe se contenter d’une attitude « défensive », car il revient au ministère public de prouver les éléments constitutifs de l’infraction. La démonstration de l’accusation ne doit laisser aucun doute sur la culpabilité, auquel cas le prévenu sera relaxé ou l’accusé acquitté. En revanche, la défense doit démontrer les éléments lorsqu’elle invoque un moyen de défense (reus in excipiendo fit actor), par exemple lorsqu’elle entend se prévaloir d’un fait justificatif ou d’une cause de non-imputabilité. B. Les exceptions à la présomption d’innocence 1. Présomptions de culpabilité instituées par le législateur. La Cour européenne des droits de l’Homme l’a admis dès lors que ces présomptions sont réfragables, c’est-à-dire susceptibles de preuve contraire (CourEDH, Salabiaku c. France, 7 octobre 1988, n° 10519/83 ; CourEDH, Pham Hoang c. France, 25 septembre 1992, n° 13191/87). Objectif Barreau - Procédure pénale 17 Pour le Conseil constitutionnel, « en principe, le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ». Toutefois, les Sages l’ont admis à plusieurs conditions (Cons. const., 16 juin 1999, n° 99- 411) : Les conditions cumulatives d'exception à la présomption d'innocence Respect des droits de la défense Peines encourues assez faibles Vraisemblable imputabilité de l'infraction Présomption réfragable 2. Illustration – Élément matériel. o En matière d’infraction aux règles de stationnement ou de limitation de vitesse, il est admis que pèse sur le titulaire du certificat d’immatriculation une responsabilité pécuniaire (art. L.121-2 et L.121-3 du Code de la route). Attention, il ne s’agit toutefois pas d’une condamnation pénale ; o En matière de proxénétisme, est assimilé à cette infraction le fait de « ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution » (art. 225-6, 3° CP) ; o En matière de droit douanier, il existe une présomption de participation directe à l’infraction visant le détenteur de marchandises entrées en fraude ou le transporteur (art. 392 à 394 du Code des douanes). 3. Illustration – Élément moral. En matière de droit de la presse, l’article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « toute reproduction d’une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire par son auteur ». II. La présomption d’innocence comme règle de fond Un droit fondamental. La présomption d’innocence est une règle de preuve, mais également une règle de fond. En effet, la présomption d’innocence est un droit subjectif fondamental (CourEDH, Allenet de Ribemont c. France, 10 février 1995, n° 15175/89) consacré à l’article 9-1 du Code civil : « chacun a droit au respect de la présomption d’innocence ». L’existence de cette prérogative attachée au suspect a notamment conduit à remplacer l’expression « détention préventive » par celle de « détention provisoire », ou encore le mot « inculpation » par l’expression « mise en examen ». A. La prévention des atteintes à la présomption d’innocence 1. Prévention des atteintes à la présomption d’innocence prévues par le Code civil. L’article 9-1, alinéa 2 du Code civil, dispose qu’en cas de violation de la présomption d’innocence, « le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais » du responsable. Les journalistes sont libres de rendre compte des affaires judiciaires, et même de divulguer le nom des personnes mises en cause, mais ne peuvent assortir la relation des faits d’un commentaire révélant un préjugé sur la culpabilité de la personne (Civ. 2e, 20 juin 2002, n° 00-11.916). Objectif Barreau - Procédure pénale 18 2. Prévention des atteintes à la présomption d’innocence prévue par le Code de procédure pénale. L’article 803, alinéa 2, du Code de procédure pénale impose de prendre toutes les mesures pour éviter qu’une personne menottée ou entravée fasse l’objet d’une photographie ou d’un enregistrement audiovisuel. La « fenêtre de publicité » offerte au procureur de la République à l’article 11, alinéa 3, du Code de procédure pénale, qui permet de rendre publics des éléments couverts par le secret peut éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes de nature à nuire à la présomption d’innocence du mis en cause. B. La sanction des atteintes à la présomption d’innocence 1. Sanction des atteintes à la présomption d’innocence prévues par le Code civil. L’article 9-1, alinéa 2 du Code civil, prévoit l’existence d’une réparation du dommage subi en cas d’atteinte à la présomption d’innocence. 2. Sanction des atteintes à la présomption d’innocence prévue par le droit de la presse. L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 réprime notamment le fait de : o Diffuser sans l’accord de l’intéressé l’image d’une personne mise en cause dans une procédure pénale qui n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive et faisant apparaître soit qu’elle porte des menottes ou des entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire ; o De réaliser, publier ou commenter un sondage portant sur la culpabilité d’une personne ou la peine susceptible d’être prononcée à son encontre. En outre, en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenu définitif, l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 permet à une personne désignée dans un journal, à l’occasion de l’exercice des poursuites, d’exiger une insertion dans ce journal. 3. Sanction des atteintes à la présomption d’innocence prévue par le Code de procédure pénale. Une décision de non-lieu peut faire l’objet d’une publication intégrale ou partielle ou d’un communiqué publié dans la presse. Cette mesure peut être ordonnée par le juge d’instruction (art. 177-1 CPP) ou la chambre de l’instruction (art. 212-1 CPP) à la demande de la personne concernée ou avec son accord, d’office ou à la demande du ministère public. SECTION 2 – L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE I. Le principe de la liberté de la preuve Aux termes de l’article 427 du Code de procédure pénale, « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». Il s’agit en effet en droit pénal de prouver un « fait matériel » et non un « acte juridique ». Conformément aux dispositions de procédure civile, la preuve d’un fait matériel est donc libre et ne doit pas être limitée à certains modes de preuve particuliers. L’examen dans le fascicule des actes d’enquêtes et d’instruction fournira une liste des éléments de preuve susceptibles d’être retenus par le juge pour caractériser une infraction. II. Les limites au principe de liberté de la preuve A. Les modes de preuve imposés Modes de preuves imposés – Illustrations. Il arrive qu’il soit interdit au juge d’utiliser d’autres éléments pour forger son intime conviction que certaines preuves : o En matière contraventionnelle, la preuve contraire ne peut être rapportée que « par écrit ou par témoins » (art. 537, al.3 CPP). À ce titre, si le juge doit entendre le témoin proposé par la défense, il est libre d’estimer qu’il ne suffit pas d’apporter la preuve contraire à un procès-verbal (Crim., 4 mars 2014, n° 13-81.135) ; Objectif Barreau - Procédure pénale 19 o En matière d’infraction à législation sur les stupéfiants, l’article L.235-1, du Code de la route, indique que « toute personne qui conduit un véhicule alors qu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende ». Il en résulte qu’en cas d’annulation de l’analyse sanguine ou salivaire, le juge ne peut condamner en se basant par exemple sur les aveux du prévenu (Crim., 15 février 2012, n° 11-84.607). B. Les modes de preuve prohibés Code de procédure pénale. Outre les règles de fond et de forme qu’impose le Code de procédure pénale et qui limitent la liberté dans l’administration de la preuve, celle-ci est également circonscrite par une exigence de respect des droits fondamentaux et du principe de loyauté de la preuve. C. Respect des droits fondamentaux Le respect de la dignité humaine Article 3 de la ConvEDH Le respect des droits de la défense Article 432 du CPP Interdiction du recours à certains modes de preuves, tel que l’audition sous hypnose (Crim., 12 décembre 2000, n° 00-83.852) ou le recours à la torture. « La preuve par écrit ne peut résulter de la correspondance échangée entre le prévenu et son avocat » Le respect de la liberté d’expression Article 109 al 2 du CPP « Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine » Le législateur doit s’assurer de l’équilibre entre les nécessités inhérentes à la procédure pénale et le respect des droits et libertés fondamentaux. Cela signifie notamment qu’il se doit d’encadrer les techniques d’investigation. D. Principe de loyauté 1. Distorsion d’application. Le principe de loyauté s’applique différemment en fonction de la nature de la partie. Si les parties privées ne sont pas soumises au principe de loyauté, les autorités publiques le sont. En effet, ces dernières bénéficiant du monopole de la violence légitime et des mesures de contrainte. Elles ont à leur disposition un panel de mesures exorbitantes pour rechercher les auteurs d’infractions. En somme, la fin ne justifie pas tous les moyens. Comme le disait le doyen Bouzat, « il en va de la dignité de la justice ». 2. Principe de loyauté & autorités publiques. Elles ont l’obligation de respecter, dans la recherche de la preuve, un principe de loyauté. Cela revient à interdire les ruses et artifices, tel que l’imitation par un juge de la voix d’un mis en cause (Conseil supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888 / Cass.ch. réun., 31 janvier 1888, S. 1989. 1. 241). À ce sujet, la jurisprudence distingue la provocation à la preuve, qui est autorisée, de la provocation à l’infraction (CourEDH, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, n° 25829/94 ; CourEDH, Khoudobine c. Russie, 26 octobre 2006, n° 59696/00 ; Crim., 30 avril 2014, n° 13-88162). Il est certain que dans beaucoup de cas, la frontière est ténue. Provocation à la preuve par l’autorité publique : Autorisation. Ainsi, ne constitue pas un procédé prohibé le fait pour des policiers de se cacher dans un placard pour constater des faits de corruption (Crim., 22 avril 1992, n° 9085.125). Tel n’est pas non plus le cas lorsque des policiers se présentent comme des consommateurs de stupéfiants auprès de trafiquants de produits stupéfiants (Crim., 24 février 1999, n° 98-83.574). Par ailleurs, le fait pour des policiers de répondre à une annonce de vente en se présentant comme acquéreurs et de fixer un rendez-vous avec l’auteur du vol dans le but de l’appréhender n’a en rien déterminé les agissements de ce dernier et ne porte pas atteinte à l’équité du procès (Crim., 15 décembre 2015, n° 15-84.373). Objectif Barreau - Procédure pénale 20 Cette technique du « coup d’achat » est désormais prévue à l’article 706-32 du Code de procédure pénale, de même que la livraison contrôlée. Cette disposition précise que « les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction » (art. 706-32, dern.al. CPP). Provocation à l’infraction par l’autorité publique : Interdiction. En revanche, méconnaît le principe de loyauté de la preuve l’officier de police judiciaire qui pour interpeller des individus qu’il soupçonne de voler dans des voitures, place dans une voiture des objets de valeurs et demande à un ami des suspects de les inviter à manger dans un restaurant en face de la voiture en question (Crim., 9 août 2006, n° 06-83.219). La jurisprudence de la Cour de cassation prohibe toute manœuvre de nature à inciter la personne visée à commettre une infraction qu'elle n'aurait pas commise en l’absence de ce stratagème. Interdiction des stratagèmes déloyaux. Bien que la sonorisation d’un parloir de maison d’arrêt (Crim., 1er mars 2006, n° 05-87.251) ou même d’une cellule d’un tel lieu (Crim., 17 mars 2015, n° 1488.351) soit permise, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que la combinaison de deux procédés légaux, une garde à vue d’une part et une sonorisation d’autre part, constitue un stratagème déloya

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