Physiologie PASS-LAS : Adaptation de l'Apport d'Oxygène au Métabolisme Tissulaire - PDF
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Sorbonne Université
Pr Christian Strauss
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Ce document est un texte sur la physiologie de l'adaptation de l'apport d'oxygène au métabolisme tissulaire, couvrant les mécanismes de transport de l'oxygène, la diffusion et la convection. Il décrit les processus impliqués dans la régulation de l'apport d'oxygène aux tissus.
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PHYSIOLOGIE PASS-LAS EXEMPLE DE REGULATION : ADAPTATION DE L'APPORT D'OXYGENE AU METABOLISME TISSULAIRE Pr Christian STRAUS Les cellules tirent leur énergie de l'hydrolyse de l'ATP en ADP, Phosphate inorganique et ions H+. L'ATP est ensuite régénéré dans les mitochondries à partir de ces métabolites...
PHYSIOLOGIE PASS-LAS EXEMPLE DE REGULATION : ADAPTATION DE L'APPORT D'OXYGENE AU METABOLISME TISSULAIRE Pr Christian STRAUS Les cellules tirent leur énergie de l'hydrolyse de l'ATP en ADP, Phosphate inorganique et ions H+. L'ATP est ensuite régénéré dans les mitochondries à partir de ces métabolites, en présence d'oxygène moléculaire (O2). Le moyen le plus efficace de produire de l'ATP est par phosphorylation oxydative, en prenant le glucose comme substrat. Au total, entre 36 et 38 molécules d'ATP sont générées à partir de chaque molécule de glucose dans des conditions aérobies1, alors que seulement 2 molécules d'ATP sont générées dans des conditions anaérobies. 1 Concernant la production aérobie d'ATP, la dégradation du glycogène permet de produire 39 molécules d’ATP à partir d’une molécule de glucose libérée alors qu’une molécule de glucose libre produit lors de son hydrolyse 36, 37 ou 38 molécules d'ATP 1 La fonction des poumons, du cœur et des vaisseaux est d'assurer un apport continu et adapté d' O2 et de substrats aux tissus pour maintenir l'intégrité et la fonction des cellules qui les composent. Dans des conditions physiologiques, la quantité d' O2 qui est délivrée aux tissus (approximativement 1000 ml/min) est en large excès par rapport aux besoins de l'organisme (approximativement 250 ml/min). Cet excès fait que l'organisme peut faire face à une chute dans l'apport d' O2 sans altérer initialement le métabolisme aérobie et la consommation d'O2. Dans ces conditions, la consommation d'O2 est dite indépendante de l'apport d'O2: elle est constante si l'activité des tissus ne se modifie pas. Si la chute dans l'apport d'O2 dépasse un certain point, elle entraîne alors une baisse proportionnelle de la consommation d'O2. Dans ces conditions, la consommation d'O2 est dite dépendante de l'apport d'O2. Le transport de l'oxygène L' O2 est transporté de l'air ambiant jusqu'aux mitochondries par une succession de processus convectifs et diffusifs: 2 1. Diffusion à travers les tissus. Elle est décrite par la loi de Fick. Cette loi établit que la vitesse de transfert d'un gaz à travers une couche de tissu est proportionnelle à la surface du tissu (S) et à la différence de concentration gazeuse de part et d'autre du tissu (la concentration des gaz peut être remplacée par la pression partielle2 des gaz puisque ces 2 éléments sont en relation linéaire) (P1-P2), alors qu'elle est inversement proportionnelle à l'épaisseur (E) du tissu. Elle dépend aussi d'une constante de diffusion (D), qui est proportionnelle à la solubilité du gaz (Sol) et inversement proportionnelle à la racine carrée de son poids moléculaire (PM). V gaz = a S/E x D x (P1-P2) où D = a Sol / √PM 2 Qu’est-ce que la pression partielle d’oxygène ? On calcule sa valeur en multipliant sa concentration par la pression totale. Ainsi, l’air ambiant (sec) qui contient 21% d’oxygène (quelle que soit l’altitude) est soumis à une pression de 760 mm Hg environ au niveau de la mer (elle diminue en altitude). La pression partielle d’oxygène dans l’air ambiant sec est donc de (21/100) x 760 = 159 mm Hg. Lorsque cet air est inspiré, il est humidifié dans les voies aériennes et se sature en vapeur d’eau dont la pression partielle est estimée à 47 mm Hg. La pression partielle d’oxygène dans l’air inspiré est donc de (21/100) x (760 – 47) = 149 mm Hg. 3 L' O2 diffuse ainsi de l'air alvéolaire dans les capillaires pulmonaires puis à nouveau des capillaires tissulaires à travers l'interstitium, la membrane des cellules jusque dans les mitochondries. 2. Convection ou transport de substances dissoutes par un courant liquide ou gazeux. La quantité de substance transportée par unité de temps (Jconv) est proportionnelle au débit de fluide liquide ou gazeux (Jv) et à la concentration de substance (C): Jconv = Jv x C L' O2 est transporté par ce mécanisme convectif, dans l'air le long des voies aériennes jusqu'aux alvéoles puis dans le sang le long des vaisseaux jusqu'aux capillaires tissulaires. Dans le sang, l' O2 est transporté sous 2 formes: dissous et combiné avec l'hémoglobine. La quantité dissoute, proportionnelle à la pression partielle d'O2 (environ 100 mm Hg dans le sang artériel), est très faible, environ 0,3 ml d'O2 par 100 ml de sang. La quantité liée à l'hémoglobine, qui dépend de la pression partielle d'O2 , est très importante, environ 20,8 ml d'O2 par 100 ml de sang3. 3 En effet, 1 mole d'hémoglobine lie à saturation 4 moles d'O2, et les 15 g d'hémoglobine contenus dans 100 ml de sang lient 15 x (1 / 64 500) x (22 400 x 4) ml d'O2. [64 500 est le poids moléculaire en g de l'hémoglobine et 22 400 est le volume en ml occupé par une mole de gaz dans des conditions standard]. 4 Les flèches indiquent la quantité d’oxygène apporté à 100 ml de sang lorsqu’il a été oxygéné dans les capillaires pulmonaires (1) et la quantité d’oxygène qui quitte le sang artériel lorsqu’il traverse les tissus (2)4 Les facteurs qui affectent l'apport d'oxygène dans les tissus 1. Facteurs pulmonaires. Le transfert de O2 de l'air ambiant jusque dans le sang peut être limité à 3 niveaux: Alvéolaire, en rapport avec une hypoventilation alvéolaire Membranaire, en rapport avec un trouble de la diffusion alvéolo-capillaire Capillaire, en rapport le plus souvent avec une inhomogénéité des rapports entre la ventilation et la perfusion. 4 On voit que dans les tissus (2) l'affinité de l'hémoglobine pour l'O2 diminue (déplacement à droite de la courbe de dissociation de l'oxyhémoglobine), particulièrement si la température augmente, le pH diminue et/ou la pCO2 augmente (effet Bohr). Ces conditions, observées par exemple dans le muscle au cours de l'exercice, permettent donc de délivrer d'avantage d'O2 aux tissus (prolongement de la flèche). 5 2. Facteurs circulatoires. Le transport d'O2 de la circulation pulmonaire à la circulation tissulaire dépend du débit cardiaque et du débit sanguin régional: DO 2 = Q x CO 2 où DO2 est le débit d' O2 délivré aux tissus, Q le débit cardiaque et CO2 le contenu sanguin en O2. Il dépend aussi de la concentration d'hémoglobine dans le sang, puisque l'essentiel de l'O2 est transporté sous forme liée à l'hémoglobine. 3. Facteurs tissulaires. La diffusion d'O2 du sang jusque dans les mitochondries dépend du gradient de pression partielle de O2 (PO2) entre ces 2 compartiments. Du fait que la pression partielle de O2 diminue avec la distance, aussi bien le long des capillaires que dans le sens perpendiculaire, les cellules situées à l'extrémité veineuse des capillaires et les plus éloignées de ce capillaire sont les plus mal approvisionnées en O2 et donc potentiellement les plus menacées par le manque d' O2. 6 C'est pourquoi un défaut de l'apport d'O2 en regard des besoins métaboliques (hypoxie tissulaire) peut être attribué à l'une des causes (étiologies) suivantes: 1. Hypoxie hypoxémique. Elle apparaît lorsque le sang est insuffisamment oxygéné au niveau pulmonaire (CO2 diminue parce que PO2 diminue). 2. Hypoxie anémique. Elle apparaît lorsque la concentration d'hémoglobine dans le sang diminue (CO2 diminue parce que [Hb] diminue). 3. Hypoxie ischémique. Elle apparaît lorsque le débit sanguin régional est diminué, soit par diminution du débit cardiaque, soit par défaut de la circulation locale (DO2 diminue parce que Q diminue). 4. Hypoxie géographique. Elle apparaît lors d'une expansion tissulaire sans augmentation correspondante du nombre de capillaires sanguins. 5. Hypoxie cytotoxique. Elle apparaît lorsque l'utilisation de l' O2 dans les mitochondries est bloquée (par exemple par inhibition de la cytochrome oxydase avec l'acide cyanhydrique). 7 Pour éviter ou limiter ces situations de déséquilibre entre apport et consommation d' O2 , il existe des systèmes complexes de contrôle et de régulation, régionaux ou systémiques, très rapides ou nécessitant un délai pour être efficaces. Adaptation locale de l'apport d' O2 aux besoins Lorsque l'apport d' O2 devient insuffisant en regard des besoins métaboliques locaux, une vasodilatation réactionnelle permet de le corriger. Cette vasodilatation ou relaxation des cellules musculaires lisses vasculaires est expliquée par les mécanismes suivants: ouverture de canaux potassiques K+ inactivés par l'ATP et activés par des métabolites tels que H+, K+, adénosine et lactate qui sont libérés à partir des tissus hypoxiques. Il est possible de mettre en évidence expérimentalement cette régulation, par exemple en clampant pendant quelques secondes l'artère fémorale: lorsque l'occlusion est levée, il apparaît une hyperhémie réactive, immédiate, transitoire, d'autant plus longue que l'occlusion a été prolongée. 8 Adaptation systémique de l'apport d' O2 aux besoins: le rôle du glomus carotidien Des structures spécifiques (chémorécepteurs périphériques) détectent une diminution de la pression partielle d'O2 dans le sang et stimulent les centres respiratoires pour augmenter la ventilation. Ces structures en contact avec le sang sont situées au niveau de la division des artères carotides communes (glomus carotidien) et de la crosse aortique (glomus aortique). Ces structures sont composées de cellules de type I (elles possèdent des granules cytosoliques contenant de nombreux neuromédiateurs comme la dopamine, la noradrénaline et l'acétylcholine) enveloppées par les extensions des cellules de type II (cellules de soutien de type glial); ells sont en contact synaptique avec l'extrémité de fibres afférentes du nerf glossopharyngien, qui véhiculent les informations vers les centres bulbaires de contrôle de la ventilation. 9 Le mécanisme exact de la sensibilité de ces structures à une diminution de la pression partielle d'O2 dans le sang artériel est en partie identifié. Directement et/ou indirectement, la diminution de la pression partielle de O2 inhibe une conductance K+ membranaire dans les cellules de type I, provoquant leur dépolarisation. A son tour celle-ci favorise l'ouverture de canaux Ca2+, l'entrée de Ca2+ et ainsi la libération des neurotransmetteurs, la dopamine jouant vraisemblablement le rôle le plus important. La stimulation des centres bulbaires de contrôle de la ventilation entraîne à son tour l'activation de fibres efférentes qui stimulent la contraction des muscles inspiratoires, le diaphragme et les muscles intercostaux externes principalement. Cette réponse ventilatoire peut être mise en évidence chez l'animal anesthésié inhalant 2 volumes courants de O2 au cours de la respiration d'un mélange hypoxique. Adaptation systémique de l'apport d' O2 aux besoins: le rôle des gènes exprimés sous le contrôle de HIF-1 L'hypoxie induit l'expression d'une grande diversité de gènes dont les produits vont permettre au tissu de résister à ces conditions. Ces gènes ont la particularité de comporter une séquence enhancer spécifique, qui est sensible à l'hypoxie et qui a été nommée HRE (hypoxia response element). La séquence fixe en condition d'hypoxie un complexe protéique nommé HIF-1 (hypoxia inducible transcription factor 1). Il est composé de 2 unités, a et b, dont les gènes qui les codent sont exprimés de façon constitutive et stable dans la plupart des cellules. La protéine HIF-1b est aussi stable, alors que la protéine HIF-1a est dégradée extrêmement rapidement en conditions de normoxie (demi-vie de l'ordre de 5 minutes). Dans ces conditions, HIF-1a subit en effet une hydroxylation sur la proline 564, et cette modification 10 permet la fixation de la protéine von Hippel-Lindau (pVHL), qui à son tour dirige l'ubiquitinylation et la dégradation de HIF-1a par le protéasome. Dans des conditions d'hypoxie, l'hydroxylation de HIF-1a est prévenue, et sa stabilisation est assurée. Une fois stabilisé, HIF-1a est transporté dans le noyau par un mécanisme qui implique la séquence de localisation nucléaire (NLS) sensible à l'hypoxie. Dans le noyau, HIF-1a se lie à HIF-1b, qui est pour sa part exclusivement nucléaire. L'hétérodimère HIF-1 se fixe alors sur les éléments HRE des gènes sensibles à l'hypoxie et induit la transactivation de ces derniers. Cette activité est aussi favorisée par l'hypoxie, qui intervient donc à 3 étapes différentes (stabilisation de HIF-1a, translocation nucléaire de HIF1a, et transactivation des gènes cibles). L'expression des gènes cibles permet au tissu de résister à l'hypoxie de multiples façons: 1. Enzymes de la glycolyse. L'hypoxie favorise l'expression d' enzymes de la glycolyse et de transporteurs du glucose, assurant une augmentation du métabolisme anaérobie. 11 2. Vasodilatation. L'hypoxie favorise l'expression de 2 enzymes, la nitric oxide synthase (iNOS) et l'hème oxygénase 1 (HO-1), qui produisent 2 substances vasodilatatrices, respectivement le NO et le CO. 12 3. Erythropoïèse. L'hypoxie favorise l'expression de l'érythropoïétine, un facteur de croissance qui est produit principalement dans le rein et à un moindre niveau dans le foie. Cette spécificité d'organe est expliquée par le fait que la transcription du gène codant pour l'érythropoïétine requiert la liaison en position 3' non codante de HIF-1 mais aussi de HNF-4 (hepatic nuclear factor 4), une protéine présente exclusivement dans le cortex rénal et le foie. Libérée dans la circulation, l'érythropoïétine se lie dans la moelle osseuse à des cellules cibles, les précurseurs érythrocytaires, et stimule ainsi la production de globules rouges. Son efficacité dépend de la liaison à un récepteur de la famille des récepteurs de facteurs de croissance hématopoïétique et de l'activation d'une voie de signalisation illustrée ci-dessous: 13 Les protéines cibles mobilisées par cette voie de signalisation incluent la PI3 kinase et STAT 5, qui respectivement inhibent l'apoptose et stimulent la prolifération cellulaire. 4. Angiogénèse. L'hypoxie favorise l'expression d'un facteur angiogénique, le vascular endothelial growth factor (VEGF). Celui-ci entraîne la formation d'un bourgeon endothélial, puis la formation et la survie de vaisseaux immatures. C'est seulement lorsque ces vaisseaux sont entourés de péricytes, de cellules musculaires lisses et d'une membrane basale qu'ils deviennent indépendants du VEGF. 14