Les Français sont-ils vraiment romantiques? PDF
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Cet enregistrement audio traite d'un sujet qui traite de l'idée du romantisme. L'enregistrement évoque les pensées et opinions sur le romantisme tant au sein de la France qu'à l'étranger. Il analyse les raisons de cette conception. Différentes perspectives sont exposées dans l'enregistrement entre les différentes personnes présentes dans l'entretien.
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[00:00:04] – Hugo Épisode 138. Les Français sont-ils vraiment romantiques ? [00:00:13] – Hugo Salut à toutes et à tous. Salut Ingrid. [00:00:16] – Ingrid Salut Hugo. Comment ça va ? [00:00:18] – Hugo Ça va. Et toi ? [00:00:20] – Ingrid Ça va, tranquillement. [00:00:22] – Hugo Alors, je su...
[00:00:04] – Hugo Épisode 138. Les Français sont-ils vraiment romantiques ? [00:00:13] – Hugo Salut à toutes et à tous. Salut Ingrid. [00:00:16] – Ingrid Salut Hugo. Comment ça va ? [00:00:18] – Hugo Ça va. Et toi ? [00:00:20] – Ingrid Ça va, tranquillement. [00:00:22] – Hugo Alors, je suis très content de te retrouver en cette Saint-Valentin pour parler d’un sujet qu’on avait dans les cartons depuis un moment, depuis deux ans, il me semble. Ça fait longtemps qu’on voulait en parler, mais à chaque fois qu’on se penchait dessus, on se rendait compte que c’était un gros morceau, un sujet assez complexe. Et finalement, j’avais tendance à procrastiner. Je ne savais pas si je voulais en faire une vidéo YouTube ou un podcast. Mais là, cette année, c’est l’année, on va enfin parler du romantisme ensemble. [00:00:56] – Ingrid Et oui, c’est parti. C’est vrai que c’était un sujet à chaque février, avec la Saint-Valentin, qu’on se disait qu’il fallait faire, que c’est un sujet qui pouvait intéresser. Et en plus, c’est quand même un assez gros cliché sur les Français, le romantisme. Donc, voilà, on s’est dit qu’il fallait en parler, mais le problème, c’est qu’on ne savait pas vraiment comment aborder le sujet. Donc aujourd’hui, on va essayer de faire quelque chose. Mais c’est vrai que c’est assez important parce qu’entre la réputation des Français d’être romantiques et la réputation de Paris d’être la ville de l’amour ou encore de la langue française d’être la langue de l’amour, on ne peut pas passer à côté. [00:01:39] – Hugo Oui, c’est vrai. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une sorte de paradoxe parce que d’un côté, il y a cette réputation du français comme langue romantique, etc. Mais de l’autre, on a aussi tendance à l’étranger, à voir les Français comme des personnes avec des mœurs légères. Autrement dit, comment expliquer des mœurs légères ? [00:02:01] – Ingrid C’est des habitudes sur les relations et la vie intime qui peuvent être considérées comme peu sérieuses d’un point de vue de la morale classique, on va dire, de la morale religieuse. Voilà. Je pense que tout le monde comprend quand on dit morale, même si ce serait encore un sujet qui demanderait beaucoup de développement. Mais oui, c’est vrai que les Français ont cette double réputation. Après, est-ce que c’est vraiment une double réputation ou est-ce que ça va ensemble ? [00:02:34] – Hugo Oui, on pourrait aussi considérer que c’est peut-être ce qui arrive quand le romantisme va trop loin et quand il se transforme en une passion toxique peut-être, parce qu’on ne va pas vraiment en parler dans cet épisode, mais il y a aussi, depuis une dizaine, une vingtaine d’années, la réputation des Français comme prédateurs sexuels. On a encore eu un exemple dans l’actualité récente avec le cas de l’acteur Gérard Depardieu. Donc, voilà, tout ça, c’est ce qui rend ce sujet un peu complexe et ce qui explique pourquoi j’ai tellement procrastiné pour le traiter. Et à vrai dire, je me sentais pas du tout d’en parler tout seul. Donc là, je suis content de pouvoir en discuter avec toi. On va essayer de faire ça de manière assez légère, mais en même temps d’aborder tous ces points. Donc, voilà. T’es prête ? [00:03:27] – Ingrid Je suis prête. On y va. [00:03:36] – Ingrid Alors déjà, le romantisme, si on prend la définition la plus classique, la « vraie », entre guillemets, définition, à la base, c’est un courant artistique. On va voir après que ça a changé beaucoup de sens maintenant et qu’on ne va pas parler que de ça, mais on est obligé de commencer par un petit point sur le romantisme en tant courant littéraire et artistique. En fait, c’est un courant qui vient d’Allemagne à la base. Au XVIIIe siècle, ça a été inventé, ça a commencé. Et c’est un courant qui met en avant la passion par-dessus la raison. C’est un courant qui invite à parler avec lyrisme de ses sentiments, à décrire la nature avec beaucoup de poésie ou encore qui invite à parler de politique avec beaucoup de passion. Ça a commencé en Allemagne, puis après, ça s’est développé un peu partout en Europe et la France, notamment, a été un des centres du romantisme. En France, c’est arrivé plutôt au XIXᵉ siècle et on a beaucoup d’artistes qui sont des exemples de romantisme. Par exemple, on peut citer Chateaubriand, Madame de Staël ou même Victor Hugo. [00:05:01] – Ingrid Et je trouve que l’exemple de Victor Hugo est assez intéressant parce qu’il va parler plutôt de politique. Les histoires d’amour ne sont pas non plus chez Victor Hugo, le plus important. Donc à la base, le romantisme, ça ne parle pas que d’amour, c’est quelque chose de beaucoup plus global et qui existe dans la littérature, mais aussi dans l’art plastique avec Eugène Delacroix ou ensuite avec les artistes de Montmartre. Et là, petit clin d’œil parce que Hugo, tu parles de ces artistes dans le cours Raconte ton histoire, dont les inscriptions sont ouvertes en ce moment. [00:05:40] – Hugo Ah ! Très bien, très bon placement de produit. Effectivement, c’est vrai qu’au début du XXᵉ siècle, Paris, ça devient la capitale mondiale de l’art. Elle attire des artistes du monde entier qui se réunissent en grande partie dans deux quartiers, Montmartre, sur la rive droite, et Montparnasse, sur la rive gauche. Et ces artistes, bon sans trop entrer dans les clichés, mais disons qu’ils ont une vision du couple un peu moins étriquée que la vision traditionnelle, une vision du couple et de l’amour plus libre. Et donc, à travers ces artistes, on commence à associer à Paris cette réputation de ville romantique. [00:06:25] – Ingrid Et donc, c’est comme ça que petit à petit, le romantisme, ça a été plutôt associé à l’amour et au couple, que ce soit des couples officiels ou des couples un peu non officiels, on va dire. Mais en tout cas, voilà, maintenant, quand on pense au romantisme, on ne pense plus à la politique ou la description de la nature. Maintenant, c’est plutôt l’amour. Et d’ailleurs, la France utilise bien cette image-là du romantisme, puisque quand même l’amour, ça reste un thème central de ce qu’on appelle le soft le soft power français. Est-ce que tu peux expliquer ce que c’est que le soft power ? [00:07:04] – Hugo Oui, en fait, le soft power, c’est l’influence d’un pays, mais qui s’exprime plutôt à travers la culture. Ce n’est pas aussi direct, par exemple, que l’influence liée à la puissance militaire ou aux relations diplomatiques. Par exemple, pour les États-Unis, une grande partie de leur soft power, c’est à travers Hollywood, le cinéma, et plus récemment aussi à travers les entreprises des nouvelles technologies, de la tech. Donc, c’est vrai que nous, on s’est attribué le romantisme pour en faire une partie de notre soft power, de notre influence. Par exemple, comme on l’a dit en introduction, la langue française est souvent considérée comme la langue de l’amour. Alors, il y a plein de sondages qui le montrent, notamment des sondages de célèbres applications de langues. Et c’est aussi quelque chose qu’on retrouve très souvent dans les les chansons, les livres et les films qui sont exportés à l’étranger. Alors, on a eu Édith Piaf, qui a été une des pionnières, et puis, un peu plus tard, Serge Gainsbourg, l’actrice Brigitte Bardot, qui a été une icône aussi dans les années 60-70. Et puis, plus récemment, le film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Alors, ça, moi, je m’en suis rendu compte quand j’ai commencé à donner des cours de français, mais je n’étais pas du tout au courant que c’était aussi populaire à l’étranger. D’ailleurs, à l’étranger, je crois que le titre, c’est seulement Amélie. Toi, tu savais que c’était un film qui avait si bien marché à l’étranger ? [00:08:37] – Ingrid Ouais, il me semble que oui, ça a été quelque chose que… Je ne sais pas comment je l’ai su. Mais je pense que j’avais entendu parler du « syndrome japonais ». Autre placement de produit parce que tu en parles dans le nouveau cours. [00:08:53] – Hugo Ce n’est pas moi qui te le demande. [00:08:55] – Ingrid Non, je ne le fais pas exprès. [00:08:56] – Hugo C’est vrai, j’en parle dans “Les visages de Paris”. Ce qu’on appelle « le syndrome de Paris ». C’est un phénomène qui touche principalement les touristes japonaises. Quand elles arrivent à Paris, elles s’attendent à retrouver le Paris qu’elles ont vu dans le film Amélie Poulain, où en général, l’image qu’elles se sont construites de Paris comme la capitale de l’amour, avec les jolis immeubles haussmanniens, les rues propres, etc. Et quand elles arrivent et qu’elles se rendent compte que la réalité ne correspond pas vraiment à l’image qu’elles en avaient, elles ressentent un choc émotionnel. Et c’est ce qu’on appelle maintenant le syndrome de Paris. [00:09:37] – Ingrid Voilà, donc j’avais entendu parler de ce syndrome et donc je savais que le film Amélie est en partie la cause de ça, parce que c’est une image de Paris ultra romantique, avec une histoire d’amour qu’on peut considérer comme romantique. Et voilà. Donc c’est ça, le soft power français. C’est cette influence qui fait qu’on s’est autoproclamé comme le pays de l’amour et du romantisme. Et ça fonctionne même en économie, puisqu’un des secteurs économiques les plus importants en France, c’est le luxe et que vous avez probablement remarqué que dans le luxe, la publicité, le marketing utilisent beaucoup ce cliché de Paris, ville de l’amour. Quand on regarde les publicités pour les parfums, pour les sacs à main, etc, c’est vraiment toujours ce côté un peu sensuel de Paris, de couple, d’hommes et femmes qui se cherchent, etc. Donc voilà. Je pense que là, on a fait un petit peu le tour de pourquoi la France est considérée comme un pays romantique et de ce que ça veut dire dans la culture populaire aujourd’hui, le romantisme. Mais après, on va essayer de répondre à la question : est-ce que vraiment les Français sont romantiques ? Et là, c’est un peu compliqué, mais on va essayer. [00:11:05] – Hugo Aujourd’hui, quand on pense au romantisme, une des premières choses qui vient à l’esprit, c’est l’expression des sentiments amoureux. Comment on peut montrer à quelqu’un qu’on l’apprécie ou qu’on est amoureux de cette personne. Alors, la Saint-Valentin, justement, c’est l’occasion de montrer à notre partenaire l’importance qu’il ou elle a pour nous. Et ça, on le fait en général à travers des petites attentions. Par exemple, on peut offrir un cadeau, on peut inviter la personne au restaurant, etc. Et d’après un sondage qu’on a trouvé, en France, 60% des personnes en couple s’offrent des cadeaux pour la Saint-Valentin. Alors toi, Ingrid, est-ce que tu fais partie de ces 60% ? [00:11:53] – Ingrid Ah non, pas du tout. Je n’ai jamais fait ça et je ne ferai jamais ça de ma vie. Mais parce que je trouve que la Saint-Valentin, bon c’est peut-être très, comment dire, bougon de dire ça. Voilà, mais je fais partie de ces personnes qui trouvent que c’est une fête commerciale et aussi que c’est horrible de sortir le soir de la Saint-Valentin parce que les restaurants sont blindés de monde et que les prix sont gonflés. Et finalement, pour moi, c’est tout sauf romantique. C’est la… Quand on commercialise quelque chose et qu’on met dessus une obligation, tout de suite, pour moi, c’est le contraire du romantisme. Donc voilà. Et toi ? [00:12:40] – Hugo Je suis complètement d’accord avec toi. C’est un peu comme sortir pour faire la fête le 31 décembre. C’est en général la pire soirée pour sortir et faire la fête. Mais de la même manière, quand on décide de rester chez soi un 31 décembre, bah c’est assez triste. Et j’ai l’impression que, même si ma copine, je pense, partage aussi ton point de vue, ne pas recevoir de petits cadeaux à la Saint-Valentin, elle peut trouver ça assez triste. Donc, c’est pas vraiment attendu, mais quand même, surtout quand on voit maintenant avec les réseaux sociaux, je sais pas, tous les gens qui partagent ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils ont reçu pour la Saint-Valentin et que nous, on n’a rien fait de particulier, on peut se demander : voilà, est-ce que l’autre personne vraiment à moi ? Et du coup, il y a cette espèce de pression sociale. Donc moi, je suis d’accord. Je ne trouve pas que ce soit particulièrement romantique quand c’est quelque chose qui est imposé, mais en même temps, parfois, on a besoin d’avoir ces rappels parce que sinon, on est enfermé dans notre vie quotidienne et on ne pense pas toujours à célébrer ces moments-là. [00:13:54] – Ingrid Alors, c’est vrai. Et donc là, ça va dépendre de s’il y a des attentions en dehors de cette date ou pas. Et c’est vrai qu’il y a plusieurs sondages. On vous mettra dans les sources les sondages. Alors, il y en a plein. En général, c’est les applications de rencontres qui commandent un sondage sur : est-ce que vous êtes romantique ? Est-ce que vous faites des cadeaux ? Etc. Et j’avais vu que la majorité des Français pensent qu’ils sont romantiques et la majorité pensent que les Français, en général, sont romantiques, même si ce n’est pas une écrasante majorité, c’est quand même, voilà, une majorité. Et donc, je pense qu’ils ne font pas forcément référence qu’à la Saint-Valentin. Alors, en général, on a remarqué en faisant nos recherches que pour toutes les petites attentions du genre se tenir la main en public ou du genre dire « je t’aime », ces choses-là, et bah ça dépend avec qui on compare. Et puis, ça dépend de chaque expérience. Par exemple, quand on lit des blogs de personnes asiatiques, apparemment, les Français sont vus comme très romantique parce qu’ils font des démonstrations d’affection en public, alors que dans certains pays d’Asie, c’est plutôt mal vu ou en tout cas, ce n’est pas très courant de se faire des bisous dans la rue, de se tenir la main, de se faire des câlins, etc. Donc forcément, à côté, les Français qui sont un peu plus “détente” là-dessus, ils sont vus comme romantiques. [00:15:29] – Hugo C’est vrai. D’ailleurs, en faisant les recherches, on a trouvé un journaliste allemand qui disait que les Français disent « je t’aime » très facilement, alors qu’une autre journaliste, cette fois britannique de la BBC, disait qu’au contraire, les Français disent rarement Je t’aime. Donc, ça dépend vraiment du point de vue de la personne. Et aussi, même nous, en discutant ensemble avant l’épisode, on s’est rendu compte que ça dépend beaucoup de la famille, de l’éducation qu’on a reçue. Et là aussi, c’est assez risqué de faire des généralités au niveau de l’ensemble de la société. Chaque famille, chaque personne exprime ses sentiments de différentes manières. [00:16:15] – Ingrid Oui, voilà. Donc, vous êtes peut-être déçus par notre réponse qui n’est pas très claire, mais c’est la preuve qu’avec les clichés, il faut faire attention. Ça dépend vraiment de ce qu’on considère comme comparaison et de qui on est, de nos expériences, etc. [00:16:33] – Ingrid Mais en tout cas, il faut faire attention quand même, on voulait préciser, parce que les petites attentions, voilà faire des cadeaux, dire je t’aime facilement, etc., parfois, c’est utilisé par des personnes de manière très, très légère, sans le penser. Et donc peut-être aussi que les Français ont cette réputation parce qu’ils sont dragueurs et que parfois, certains étrangers ou étrangères ont pu croiser des Français et Françaises qui ont eu l’air très passionnés et très amoureux après seulement un rendez-vous. Alors ça, c’est en tout cas une réputation qui est plutôt, qui colle à la peau des français. On peut citer, par exemple, Pépé le putois, qui est un personnage très, très connu de représentation du Français. Et là, en fait, parfois, ça frôle même le harcèlement. Donc, est-ce que les Français sont romantiques ou est-ce que les Français sont des harceleurs sexuels ? Là, la ligne est assez fine et malheureusement, je pense que personnellement, en tant que femme française féministes, que oui, parfois, la culture française, en tout cas, excuse un peu trop facilement la drague qui n’est pas de la drague, mais qui est en fait du harcèlement. [00:18:04] – Hugo Et ça, ça reprend la vision littéraire du romantisme au début, où le romantisme, c’était l’homme qui devait conquérir son âme sœur et l’âme sœur qui attendait d’être conquise, qui était assez passive et qui, ensuite, une fois conquise, devait sacrifier sa vie pour nourrir, pour s’occuper du conquérant qui avait « réussi à la séduire », entre guillemets. Donc souvent, il y a cette image de séduction qui est associée à une forme de conquête, à un combat. Et évidemment, c’est quelque chose qui a tendance tendance à aller trop loin et qu’on a tendance en France à excuser. Alors, on ne va pas repartir dans les débats à propos de “Me too”, mais là, encore une fois, avec le cas récent de l’affaire Depardieu, on voit qu’il y a une une forme de complaisance, de tolérance vis-à-vis de ce qui est considéré par certains comme de la séduction et par les victimes comme du harcèlement. [00:19:15] – Ingrid Voilà. Donc, si on considère le romantisme comme la démonstration sans honte des sentiments, peut- être que certains Français le sont plus que dans certaines autres cultures, mais malheureusement, ça peut aussi se traduire par une certaine forme de harcèlement où les démonstrations d’affection, en fait sont plutôt de l’agression qu’autre chose. Donc, voilà. [00:19:49] – Hugo Maintenant, si on prend un peu de recul, le romantisme, ce n’est pas seulement les petites attentions, la séduction, etc, mais plus généralement, l’importance que l’on donne à l’amour et à la vie amoureuse, quelle place ça occupe dans notre vie. Et d’après les sondages qu’on a trouvés, c’est vrai que pour les Français, l’amour occupe une place assez centrale, non ? [00:20:14] – Ingrid Ouais, c’est vrai. On ne va pas vous citer tous les chiffres, mais moi, j’ai été assez étonnée même, de voir à quel point les statistiques sont fortes. La grande, grande, grande majorité des Français, apparemment, croient au coup de foudre. Il y en a pas mal qui disent qu’ils ont déjà eu le coup de foudre. Alors, « coup de foudre », c’est l’amour au premier regard, c’est quand on tombe amoureux très, très vite. Je ne sais pas si à la première fois qu’on voit la personne, mais en tout cas, rapidement. [00:20:46] – Hugo Oui, c’est vraiment cette expression très imagée, comme si la foudre s’abattait sur nous, qu’on se retrouvait foudroyé, électrocuté par un éclair qui vient du ciel. Je suis en train de reformuler de plein de manières différentes pour ceux qui ne connaissent pas le mot foudre. Mais voilà, imaginez que vous vous promenez tranquillement et le ciel commence à se couvrir de nuages et d’un coup, il y a un éclair qui vous tombe dessus, vous êtes foudroyé. Hé bien c’est comme ça qu’on considère en France l’amour au premier regard, le coup de foudre. [00:21:20] – Ingrid Et oui, et donc apparemment, les Français y croient et ils croient aussi au grand amour. Apparemment, 88% des Français pensent qu’il faut, attention, c’est une obligation pour être heureux, avoir vécu au moins une belle histoire d’amour dans sa vie. La majorité ont le sentiment d’avoir déjà connu le grand amour. Il y en a même qui ont déjà connu le grand amour plusieurs fois. Ça, ce n’est pas une majorité, mais apparemment, il y en a quand même 22% qui disent ça. Ce n’est pas mal. Toi, qu’est-ce que ça te fait d’entendre ça ? Est-ce que ça te rend sceptique ou est-ce que toi aussi, tu penses que le coup de foudre et le grand amour sont des choses qui existent ? [00:22:06] – Hugo Moi aussi, ça me surprend parce que je n’ai pas le souvenir d’avoir beaucoup parlé de ça avec mes amis, même quand j’étais plus jeune. Et je n’avais pas l’impression que c’était quelque chose qu’on attendait particulièrement. Mais je me dis que c’était peut-être parce que chez les garçons, c’est un sujet dont on parle moins ouvertement. Mais là, quand on voit 88% des Français qui pensent qu’il faut au moins avoir vécu une belle histoire d’amour dans sa vie, ça veut dire que les hommes le pensent aussi. C’est vraiment quelque chose qui fait l’unanimité. [00:22:44] – Ingrid Ouais, apparemment. Moi, ça me surprend, mais en fait, quand j’y pense concrètement par rapport aux dernières personnes que j’ai rencontrées, aujourd’hui, à mon âge, finalement, je me dis : bah ouais, c’est logique, mais c’est vrai qu’on n’en parle pas. Donc, peut-être que dans un sondage, les personnes ont cette occasion de se poser la question qu’ils ne se posent pas normalement et donc de dire : ah bah oui, maintenant que j’y pense, c’est vrai que c’est important. Et d’ailleurs, c’est important pas que l’amour, le grand amour, mais si on est plus pragmatique, apparemment, le couple, donc le fait de vivre en couple, d’avoir quelqu’un qui partage sa vie, c’est aussi quelque chose de très important, non ? [00:23:30] – Hugo Oui, là aussi, on a trouvé pas mal de statistiques, notamment parmi les jeunes qui sont une majorité à vivre en couple et à trouver que c’est quelque chose de primordial. Donc, je ne sais pas ce que tu en penses, mais à mon avis, ça a quand même changé ces dernières années. Mais pendant longtemps, c’était assez mal vu d’être célibataire, en particulier pour les femmes. Et la norme, c’est plutôt d’être en couple. Mais ça, j’ai l’impression que c’est quelque chose d’assez universel. Je pense que c’est le cas plus ou moins dans tous les pays. [00:24:03] – Ingrid Ouais, je pense. Et la France, peut-être, n’est pas forcément connue pour ça. On va peut-être en parler après, mais en fait, c’est bien d’avoir des chiffres qui montrent que finalement, les Français sont un peu classiques là-dessus et ont tendance à avoir une norme qui est le couple, qui est la vie à deux. J’ai même vu que la France est le cinquième pays d’Europe où on vit le plus en couple. Donc vraiment, la vie à deux, c’est le plus classique et c’est apparemment ce que les gens recherchent. Alors oui, peut-être que ça baisse un petit peu avec les nouvelles générations. Mais par exemple, j’ai vu que les personnes les plus diplômées étaient les plus en couple aussi. Donc, contrairement à ce qu’on pourrait penser que quand on s’émancipe, qu’on fait des études, etc, on s’indépendantise. Mais en fait, ce n’est pas forcément le cas. Donc, on reste un peu dans cette norme où le couple a une très grande importance. Alors, est-ce que c’est une forme de romantisme ? On pourrait se dire que oui. [00:25:12] – Hugo Oui, mais on pourrait aussi se dire que finalement, c’est une décision rationnelle. Et ça, c’est quelque chose qui permet de nuancer un peu le romantisme français, parce que nous, les Français, on est fiers de dire, et je l’ai déjà répété pas mal de fois dans le podcast, qu’on est cartésien. Donc « cartésien », ça vient du philosophe René Descartes, qui a inventé une méthode, qu’il a décrite notamment dans son livre Le Discours de la Méthode, le premier livre qu’il a écrit en français. Avant ça, Il écrivait en latin comme la plupart des auteurs à cette époque. Donc, être cartésien, ça veut dire être analytique et toujours faire confiance à la raison plutôt qu’à la passion. Ne pas laisser les sentiments influencer notre jugement. Et donc ça, par définition, c’est l’opposition parfaite au romantisme. Parce que c’est vrai que le romantisme a tendance à privilégier ce qu’on appelle « le lâcher-prise ». Quand on dit « lâcher prise », ça veut dire qu’on essaye de… Comment on peut expliquer ça ? De plonger totalement dans quelque chose, de se libérer de toutes les… du carcan, des limites qu’on a. Et donc d’un côté, il y a ce cartésianisme français et de l’autre, ce romantisme. Donc c’est vrai que ces deux choses ont tendance à s’opposer. [00:26:46] – Hugo Et donc aujourd’hui, cette opposition, on la retrouve dans certains sondages qui montrent que d’un côté, les Français ont envie d’être romantiques, mais de l’autre, ils pensent que la société ne l’autorise pas, la société ne leur laisse plus la place d’être romantiques. Être romantique pour une partie des Français, j’ai l’impression que c’est un peu considéré comme démodé le romantisme de nos parents et de nos grands- parents. Aujourd’hui, ce n’est pas quelque chose qui nous semble naturel. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais… [00:27:15] – Ingrid Moi, je pense qu’il y a cette tension entre l’envie de grand amour, de sentiments forts, etc, et la vision qu’on a du romantisme comme quelque chose d’un peu ennuyeux, de très codifié. Et finalement, il y a probablement une envie de réinventer le romantisme et c’est probablement pourquoi on a du mal aujourd’hui à en donner une définition claire, parce que ça dépend. Si on prend le romantisme comme acheter des fleurs et des chocolats et se dire « je t’aime » à la Saint-Valentin, là, peut-être que les Français soient un peu moins portés sur la chose. Mais si c’est ressentir des choses fortes et oser vivre le grand amour, là, ils sont plus contents. Mais d’ailleurs, on peut se demander, et ce sera peut-être notre dernière partie, est-ce que le fait de vivre un amour paisible pour la vie en étant marié, etc, c’est associé au romantisme ? Pas forcément en France, en tout cas. [00:28:30] – Hugo Alors, est-ce que romantisme est synonyme de fidélité, de passer sa vie entière avec le même ou la même partenaire ? J’ai l’impression qu’en France, ce n’est pas vraiment la définition qu’on en a. Et d’ailleurs, on est connu pour ça à l’étranger. Vous savez sûrement qu’en anglais, on utilise, par exemple, l’expression « ménage à trois ». On a repris l’expression française. Et ça, c’est une expression qui est apparue au XIXᵉ siècle dans un roman d’Émile Zola, le célèbre roman Germinal, pour décrire un trouple, donc trois personnes qui vivent ensemble, un mari, sa femme et l’amant de sa femme qui vivent ensemble dans une même maison et qui ont des relations sexuelles tous les trois. Aujourd’hui, on parle plutôt de polyamour, mais c’est vrai que cette expression de « ménage à trois » est entrée dans la culture populaire internationale. [00:29:32] – Ingrid Oui, alors qu’en français, on ne l’utilise plus trop. Enfin, moi, je ne l’ai jamais entendu ailleurs qu’en anglais, dans les séries américaines ou des choses comme ça. Donc, c’est assez drôle de retrouver des mots français dans la culture internationale que les Français n’utilisent ne réalisent plus, mais qui font partie de leur réputation. [00:29:54] – Hugo C’est vrai. Aujourd’hui, on dit plutôt trouple ou polyamour. Donc, couple, deux personnes et trouple, trois personnes. Et l’exemple peut-être le plus connu de l’infidélité notoire des Français, ce sont les présidents de la Vᵉ République. Quasiment tous les présidents de la Vᵉ République ont eu une aventure. Alors oui, en en français, on ne dit pas « avoir une affaire », mais « avoir une aventure ». Donc là, c’est peut-être, encore une fois, une vision plus romantique de la chose. Mais, voilà, ils ont tous eu des maîtresses. Une maîtresse, c’est une amante, une personne qui n’est pas notre partenaire officiel et avec laquelle on a une relation extraconjugale. On peut citer, par exemple, le président socialiste François Mitterrand, qui avait carrément une double vie. Il a eu une fille, Mazarine, qui a grandi dans le secret d’État. Elle a publié un livre il y a quelques années pour parler de son enfance. C’était assez triste parce qu’elle devait vraiment vivre de manière cachée. Ensuite, on a eu le président Jacques Chirac, qui avait la réputation d’être un coureur de jupon. Tu peux expliquer cette expression peut-être, Ingrid ? « Un coureur de jupon » ? [00:31:10] – Ingrid On peut aussi dire un Don Juan, par exemple. C’est un homme qui a tendance à courir après les femmes, donc à chercher à avoir beaucoup d’aventures et à essayer de séduire toutes les femmes qui croisent son chemin. Et c’est vrai que Jacques Chirac, on a quelques vidéos assez rigolotes, on peut dire, de lui en train de draguer des femmes, même quand il était plutôt très vieux et que sa femme Bernadette était à côté. [00:31:43] – Hugo Après lui, ses successeurs ont continué sur la même lancée. Donc Sarkozy, qui qui a quitté sa femme pour être en couple ensuite avec le mannequin Carla Bruni, et même plus récemment, François Hollande, qui a eu une maîtresse, l’actrice Julie Gayet. Donc voilà, c’était pour « les potins » de la cinquième République. [00:32:04] – Ingrid Deux maîtresses en plus, parce qu’Hollande, il avait déjà quitté sa première femme ou sa première compagne, Ségolène Royale, pour la suivante, et ensuite, il a trompé la suivante avec celle d’encore après. Donc, grosse illustration. [00:32:20] – Hugo C’est vrai. C’est ça qui nous amène à dire qu’avoir une maîtresse, ça fait quasiment partie du job quand on est président en France. Mais il y a quand même deux exceptions notoires. Le premier président de la Vème République, Charles de Gaulle, qui, officiellement, en tout cas, n’a jamais eu de maîtresse, et le président actuel, Emmanuel Macron, qui, en tout cas, d’après ce qu’on en sait, n’a jamais trompé. [00:32:46] – Ingrid Pour l’instant, on ne le sait pas. [00:32:48] – Hugo Apparemment, il n’a Il n’a jamais trompé sa femme, Brigitte. [00:32:51] – Ingrid Ou il est discret. “][00:32:52] – Hugo Ou il cache très bien son jeu, effectivement. [00:32:56] – Ingrid Et en tout cas, ça, c’est une grosse image qu’on a, mais après, les statistiques montrent pas forcément que les Français soient pire que d’autres. On a vu un sondage d’une application pour les relations extraconjugales qui montrait qu’apparemment, les Français sont dans la moyenne européenne. Moyenne assez élevée, je dois dire. 42% des Français avouent avoir déjà trompé leur partenaire. Mais c’est la même chose pour les Allemands et les Italiens, c’est carrément 45%. Donc pourquoi les Français ont plus cette réputation ? Peut-être simplement parce que la culture laisse parler de ça librement et que ce n’est pas quelque chose qui est vu comme le pire qui puisse arriver. Ce n’est pas tabou. Donc finalement, peut-être que c’est juste une question d’honnêteté, on va dire, face à cette réalité. Que les Américains, je ne suis pas sûr qu’ils soient beaucoup mieux, mais peut-être qu’ils le cachent, ils en ont plus honte. [00:33:58] – Hugo C’est vrai. Par exemple, en France, on ne s’attend pas à ce qu’un président démissionne simplement parce qu’il a une maîtresse et que cette affaire a été révélée dans la presse. C’est plus quelque chose… Voilà, on est habitué, donc on hausse les épaules et ce n’est pas grave, la vie continue. [00:34:15] – Ingrid Donc, voilà, finalement, les Français ne trompe pas plus que les autres, apparemment, mais l’acceptent un peu plus. Et c’est peut-être ça qui explique aussi que les Français s’autorisent à rêver à avoir plusieurs grands amours dans leur vie. J’ai dit tout à l’heure que 22% des Français avaient déjà connu plusieurs grands amours, mais il y en a 60% qui estiment que c’est possible d’avoir plusieurs grands amours. Alors, est-ce que ça veut dire forcément infidélité ? Non, parce que le mariage et les relations amoureuses stables en France, ce n’est pas forcément vu comme quelque chose qui doit durer toute la vie. Déjà, à l’époque des artistes romantiques, on n’associait pas l’amour pour la vie au grand amour. Parfois, c’est même au contraire les amours contrariés, les amours qui ne peuvent pas durer, qui sont les plus beaux et les plus passionnels. Et donc, en France, beaucoup de personnes sont amoureux, vivent en couple et n’ont pas du tout l’intention de se marier. Et pour seulement 2% de la population, le mariage est l’enjeu le plus important pour un jeune adulte. Voilà, donc ce n’est pas comme dans d’autres pays où on pense au mariage depuis très jeune. Non, en France, c’est juste une institution qui ne rime pas forcément avec toujours et qui n’est pas forcément l’objectif de l’amour. [00:35:51] – Hugo Oui, d’ailleurs, en France, on a une alternative au mariage, ça s’appelle le PACS. D’ailleurs, je ne sais pas ce que ça signifie… [00:35:58] – Ingrid Le pacte civil de solidarité, je crois. Solidarité parce que ça permet de dire devant l’État qu’on est solidaire et qu’on se supporte, on se soutient l’un l’autre financièrement, etc. [00:35:17] – Hugo D’accord. Donc, c’est le le PACS, P-A-C-S. Et sa particularité, c’est que, contrairement au mariage, c’est beaucoup plus facile d’y mettre fin et on peut l’arrêter, le rompre à tout moment. Mais tant qu’on est pacsé, on peut payer ces impôts ensemble. Et aussi, je pense que pour les questions d’héritage, etc, ça donne droit à certains avantages. [00:36:45] – Ingrid Et c’est vrai que le PACS est plus facile à rompre, mais de toute façon, en France, la moitié des mariages se termine en divorce. Donc, comme quoi, la preuve est qu’on peut croire au grand amour, on peut avoir beaucoup envie de se montrer ses sentiments, etc. Ce n’est pas pour autant que les Français associent le romantisme à l’amour pour la vie. Et finalement ? [00:37:11] – Hugo Est-ce que c’est grave ? Non. Tant mieux, tant pis, je ne sais pas. C’est à vous de nous dire dans les commentaires ce que que vous en pensez. Est-ce que vous avez l’impression que les Français sont romantiques, après avoir écouté cet épisode ? Quelles sont les différences avec les relations dans votre pays ? C’est un sujet qui nous passionne, comme vous avez pu l’entendre. Donc, on est très curieux d’avoir votre perspective là-dessus. Et on va peut-être s’arrêter là ? [00:37:40] – Ingrid Ouais, on s’arrête là et on vous dit bah du coup, à dans deux semaines. [00:37:45] – Hugo À dans deux semaines, à bientôt. [00:37:47] – Ingrid À bientôt.