Le Travail, Un Vecteur D'Émancipation ? PDF

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Summary

Ce document traite du travail comme vecteur d'émancipation. Il explore les liens entre travail et émancipation, en revisitant les concepts historiques et philosophiques du travail. L'étude se penche sur la critique du travail dans la société moderne et la nécessité d'une refondation des rapports économiques et sociaux.

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***Le travail est-il encore un vecteur d'émancipation ?*** C:\\Users\\PAPETFR\\Documents\\RECUP DSIC\\personnel\\perso\\prep ENA\\mes cours\\S8 le travail\\Lucas\_Cranach\_d.Ä.\_(Werkstatt)\_-\_Der\_Sündenfall\_(1520,\_KHM\_Vienna).jpg -----------------------------------------------------------...

***Le travail est-il encore un vecteur d'émancipation ?*** C:\\Users\\PAPETFR\\Documents\\RECUP DSIC\\personnel\\perso\\prep ENA\\mes cours\\S8 le travail\\Lucas\_Cranach\_d.Ä.\_(Werkstatt)\_-\_Der\_Sündenfall\_(1520,\_KHM\_Vienna).jpg ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ![C:\\Users\\PAPETFR\\Documents\\RECUP DSIC\\personnel\\perso\\prep ENA\\mes cours\\S8 le travail\\4984876197\_0131557043\_b.jpg](media/image2.jpeg) ***\ *** ***Introduction :*** ***[Accroche :]*** Alain Supiot, *Le travail n\'est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIe siècle,* leçon de clôture au collège de France, 2019 : ***[Définition des termes du sujet et problématisation:]*** ***Cette tension entre aliénation et émancipation se pose-t-elle en des termes nouveaux dans les sociétés contemporaines, remettant en cause le caractère émancipateur du travail issu notamment des Lumières ?*** ***[Plan : ]*** ***Les sociétés modernes se sont bâties sur le caractère émancipateur du travail, toutefois la critique du caractère aliénant du travail reprend une vigueur nouvelle en ce début de 21e siècle (I), c'est pourquoi le rapport au travail doit être repensé dans nos sociétés contemporaines par une refondation des rapports économiques et sociaux afin de redonner au travail sa place centrale dans la cohésion de la société (II).*** I. ***Les sociétés modernes se sont bâties sur le caractère émancipateur du travail, toutefois la critique du caractère aliénant du travail reprend une vigueur nouvelle en ce début de 21e siècle.*** ***I.A. Les sociétés modernes se sont bâties sur le caractère émancipateur du travail*** 1. ***Les sociétés anciennes considéraient le travail comme une malédiction*** Hésiode, *Les travaux et les jours* *Quand les hommes et les dieux furent nés ensemble, d'abord les célestes habitants de l\'Olympe créèrent l\'âge d\'or pour les mortels doués de la parole. Sous le règne de Saturne qui commandait dans le ciel, les mortels vivaient comme les dieux, ils étaient libres d\'inquiétudes, de travaux et de souffrances ; la cruelle vieillesse ne les affligeait point ; leurs pieds et leurs mains conservaient sans cesse la même vigueur, et loin de tous les maux, ils se réjouissaient au milieu des festins, riches en fruits délicieux et chers aux bienheureux Immortels. Ils mouraient comme enchaînés par un doux sommeil. Tous les biens naissaient autour d\'eux. La terre fertile produisait d\'elle-même d\'abondants trésors ; libres et paisibles, ils partageaient leurs richesses avec une foule de vertueux amis.* Hésiode, *Les travaux et les jours* : « *Travaille si tu veux que la Famine te prenne en horreur et que l\'auguste Cérès à la belle couronne, pleine d\'amour envers toi, remplisse tes granges de moissons, En effet, la Famine est toujours la compagne de l\'homme paresseux ; les dieux et les mortels haïssent également celui qui vit dans l\'oisiveté, semblable en ses désirs à ces frelons privés de dards qui, tranquilles, dévorent et consument le travail des abeilles. Livre-toi avec plaisir à d\'utiles ouvrages, afin que tes granges soient remplies des fruits amassés pendant la saison propice. C\'est le travail qui multiplie les troupeaux et accroît l\'opulence. En travaillant, tu seras bien plus cher aux dieux et aux mortels : car les oisifs leur sont odieux. Ce n\'est point le travail, c\'est l\'oisiveté qui est un déshonneur. Si tu travailles, les paresseux bientôt seront jaloux de toi en te voyant t\'enrichir ; la vertu et la gloire accompagnent la richesse : ainsi tu deviendras semblable à la divinité. II vaut donc mieux travailler, ne pas envier inconsidérément la fortune d\'autrui et diriger ton esprit vers des occupations qui te procureront la subsistance : voilà le conseil que je te donne. »* Genèse, chapitre 2 *15 Le Seigneur Dieu prit l'homme et le conduisit dans le jardin d'Éden pour qu'il le travaille et le garde.* *16 Le Seigneur Dieu donna à l'homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ;* *17 mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. »* Genèse Chapitre 3 *01 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : "Vous ne mangerez d'aucun arbre du jardin" ? »* *02 La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin.* *03 Mais, pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : "Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez." »* *04 Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !* *05 Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »* *06 La femme s'aperçut que le fruit de l'arbre devait être savoureux, qu'il était agréable à regarder et qu'il était désirable, cet arbre, puisqu'il donnait l'intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea.* \[...\] *13 Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu'as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. »* *\[...\]* *16 Le Seigneur Dieu dit ensuite à la femme : « Je multiplierai la peine de tes grossesses ; c'est dans la peine que tu enfanteras des fils. Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi. »* *17 Il dit enfin à l'homme : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé le fruit de l'arbre que je t'avais interdit de manger : maudit soit le sol à cause de toi ! C'est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie.* *18 De lui-même, il te donnera épines et chardons, mais tu auras ta nourriture en cultivant les champs.* *19 C'est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras. »* *\[...\]* *22 Puis le Seigneur Dieu déclara : « Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous par la connaissance du bien et du mal ! Maintenant, ne permettons pas qu'il avance la main, qu'il cueille aussi le fruit de l'arbre de vie, qu'il en mange et vive éternellement ! »* *23 Alors le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d'Éden, pour qu'il travaille la terre d'où il avait été tiré. »* *Règle de Saint-Benoît, chapitre 48 du travail des mains* : *« L'oisiveté est l'ennemie des âmes : c'est ce qui fait que les Frères doivent donner de certains temps au travail des mains, et d'autres à la lecture des choses saintes. »* 2. ***Les sociétés modernes ont fait du travail l'instrument de la liberté de l'homme et de la domination de la nature*** Descartes, *Discours de la Méthode*, 1637 : «* Sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique \[...\] j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer \[...\] le bien général de tous les hommes. \[...\] Au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'air, des astres et des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ».* ***Max Weber, l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1905.*** ***John Locke, Second traité du Gouvernement civil, 1689 : « C'est le travail qui donne à la terre la plus grande partie de sa valeur, sans laquelle elle ne vaudrait presque rien ; la plupart de ses produits utiles, nous les devons au travail ; car tout ce que la paille, le son, le pain, qui provienne de cette acre de blé valent de plus que le produit d'une terre aussi bonne, mais en friche, s'explique uniquement par le travail. »*** ***Charles Péguy, Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres, in La Tapisserie de Notre-Dame, 1913*** ***\[...\]*** ***Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre*** ***Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.*** ***Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux*** ***Un reposoir sans fin pour l'âme solitaire.*** ***\[...\]*** Mot d'ordre du compagnon maçon : *« Gloire au travail ».* Voltaire, *Candide ou l'optimisme*, 1759: *« Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? --- Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui, le vice, et le besoin. »* *Candide en retournant dans sa métairie fit de profondes réflexions sur le discours du Turc. Il dit à Pangloss et à Martin : « Ce bon vieillard me paraît s'être fait un sort bien préférable à celui des six rois avec qui nous avons eu l'honneur de souper. »*\[...\] *Je sais aussi, dit Candide, qu'il faut cultiver notre jardin. \[...\] Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. »* 3. **Le travail a effectivement participé à la progressive émancipation de l'humanité durant la modernité.** Simone de Beauvoir, *Le Deuxième Sexe*, 1949 : « *C\'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c\'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. Dès qu\'elle a cessé d\'être une parasite, le système fondé sur sa dépendance s\'écroule* ». Rapport d'information du Sénat, 2012 : « *Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l\'émancipation »* Margaret Maruani, Monique Meron, *Un siècle de travail des femmes en France 1901-2011*, Paris, La Découverte, 2012. 1907 - Les femmes mariées peuvent disposer librement de leur salaire. 1909 - Création d\'un congé maternité de 8 semaines sans rupture du contrat de travail mais non rémunéré. 1920 - Les femmes mariées peuvent adhérer à un syndicat sans l\'autorisation de leur mari. 1946 - Le préambule de la Constitution stipule que la loi garantit aux femmes dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes. Un arrêté du 30 juillet 1946 porte abrogation des dispositions relatives aux abattements autorisés pour les salaires féminins (- 20 % à - 30 % inférieurs à ceux des hommes pour des postes identiques). 1965 - Les femmes sont considérées comme des travailleuses à part entière. 1971 - Le congé maternité est indemnisé à hauteur de 90 % du salaire. 1983 - La loi « Roudy » du 13 juillet 1983 Rapport du Sénat de 1880 préalable à la loi dite « Camille Sée » du 21 décembre 1880 relative à l'enseignement secondaire : « *Beaucoup de jeunes filles seraient capables, sans doute, de suivre jusqu\'au bout et avec succès tout le programme des lycées ; mais il ne s\'agit pas de leur donner toutes les connaissances qu\'elles sont aptes à acquérir ; il faut choisir ce qui peut leur être le plus utile, insister sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit et à leur future condition de mère de famille*». *Regards sur la parité,* INSEE, 2012 : *« en rapportant, pour chaque âge, le nombre de lauréats à la population totale de cet âge et en sommant ces taux, on estime que 46 % des jeunes d\'une génération sont titulaires d\'un diplôme de l\'enseignement supérieur en 2009. Cette proportion est de 54 % pour les femmes et 39 % pour les hommes ».* Rapport d'information du Sénat, 2012 : « *Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l\'émancipation » : « En ne considérant que les seuls emplois à temps plein**,** les différences de rémunérations entre les hommes et les femmes s\'élèvent encore à 15 % et à 19 % si l\'on ne considère que le secteur privé *». ***I.B. Toutefois la critique du caractère aliénant du travail reprend une vigueur nouvelle en ce début de 21^e^ siècle.*** 1. ***La critique marxiste de la déshumanisation du monde du travail est ancienne*** F. Engels, *La Situation de la classe laborieuse en Angleterre en 1844*, 1845 : « *Il me faut maintenant démontrer que la société en Angleterre commet chaque jour et à chaque heure ce meurtre social que les journaux ouvriers anglais ont raison d\'appeler meurtre; qu\'elle a placé les travailleurs dans une situation telle qu\'ils ne peuvent rester en bonne santé ni vivre longtemps; qu\'elle mine peu à peu l\'existence de ces ouvriers, et qu\'elle les conduit ainsi avant l\'heure au tombeau; il me faudra en outre démontrer que la société sait, combien une telle situation nuit à la santé et à l\'existence des travailleurs, et qu\'elle ne fait pourtant rien pour l\'améliorer.* » Baudelaire, *Le vin des chiffonniers* *Oui, ces gens harcelés de chagrins de ménage,* *Moulus par le travail et tourmentés par l\'âge,* *Éreintés et pliant sous un tas de débris,* *Vomissement confus de l\'énorme Paris,* *\[...\]* *Pour noyer la rancœur et bercer l\'indolence* *De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,* *Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil ;* *L\'Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil !* Karl Marx, *Manuscrits de 1844*, : « *Or, en quoi consiste l'aliénation du travail ? D'abord dans le fait que le travail est extérieur à l'ouvrier, c'est à dire qu'il n'appartient pas à son essence, que donc, dans son travail, celui-ci ne s'affirme pas mais se nie, ne se sent pas à l'aise, mais malheureux, ne déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l'ouvrier n'a le sentiment d'être auprès de lui-même qu'en dehors du travail, et, dans le travail, il se sent en dehors de soi. Il est comme chez lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sent pas chez lui. Son travail n'est donc pas volontaire mais contraint, c'est du travail forcé. Il n'est donc pas la satisfaction d'un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. Le travail extérieur, le travail dans lequel l'homme s'aliène, est un travail de sacrifice de soi, de mortification. Enfin, le caractère extérieur à l'ouvrier du travail apparaît dans le fait qu'il n'est pas son bien propre, mais celui d'un autre, qu'il ne lui appartient pas, que dans le travail l'ouvrier ne s'appartient pas lui-même, mais appartient à un autre ».* 2. ***Le droit à la paresse*** ***Paul Lafargue, Droit à la paresse, 1880 chapitre 1 :*** ***« Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie trame à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l\'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu\'à l\'épuisement des forces vitales de l\'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu ; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d\'être chrétien, économe et moral, j\'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre-penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste. Dans la société capitaliste, le travail est la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique. »*** 3. ***Avoir d'abord le souci de soi*** Olivier Babeau *Le Figaro*, 26 janvier 2023 : « *La réforme des retraites ne susciterait pas autant d\'émotion si elle n\'avait pas touché les Français au vif. En allongeant la durée du travail, elle attaque un trésor jalousement gardé : notre temps libre. Il importe de comprendre le statut nouveau dont nos loisirs sont désormais investis.* *Un grand basculement s\'est opéré à partir de la fin du XXe siècle, renversant peu à peu l\'arbitrage entre travail et loisir. C\'est la fin d\'une préférence pour le travail qui était née lors de la Révolution industrielle. \[... \] La Révolution industrielle est une révolution de la consommation autant, sinon plus, que de la production. Alors que, jusqu\'au milieu du XVIIIe siècle, les travailleurs préféraient du loisir à des revenus supérieurs, cet arbitrage se modifie à partir de cette date car l\'utilité procurée par les nouveaux biens est supérieure à la satisfaction de l\'heure de loisir. Les travailleurs troquent donc massivement leur loisir contre du temps de travail supplémentaire.* *Les Trente Glorieuses ont prolongé cette tendance. Puis émergea peu à peu une sorte de lassitude vis-à-vis des fruits du travail. Plus exactement, on a tellement goûté au confort moderne et aux innovations dernier cri, qu\'on supporte de moins en moins les servitudes que leur acquisition imposent. \[...\] Nous avons ainsi entièrement renversé la perspective habituelle : autrefois, la vie était essentiellement du travail entrecoupé de moments de loisirs. Désormais, la vie est conçue comme un immense moment de temps libre où l\'on glissera quelques moments (le moins possible) de labeur. *» \[...\] *« Nos dirigeants doivent comprendre que les discours sur la « valeur travail » rencontrent désormais aussi peu d\'écho dans l\'esprit de nos contemporains que celui sur la « patrie ». \[...\] L\'individu isolé du XXIe siècle fait du temps arbitrable la ressource essentielle. Dans un monde largement sécularisé ayant pris ses distances avec les grands récits religieux, la nouvelle téléologie consacre la place essentielle du loisir. »* Olivier Babeau, *la Tyrannie du divertissement*, 2023 4. **Le travail, vecteur d'une société déraisonnable et non durable** [Transition : ] Pascal, *Les Pensées*, 1670 : « *le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie* ». *« La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable ; un arbre ne se connaît pas misérable. C'est donc être misérable que de se connaître misérable, mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable.* *L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser ; une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.* *Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale. »* ***II. Le rapport au travail doit être repensé profondément dans nos sociétés contemporaines*** ***II.A. Une nécessaire refondation des rapports économiques et sociaux*** 1. **La diminution du temps de travail ne signifie pas la fin du travail** Jeremy Rifkin, *La fin du travail*, 1995 Dominique Schnapper *Contre la fin du travail,* 1997* :* « A*ujourd'hui on travaille au cours de sa vie moins d'heures que ne le faisaient nos parents et grands-parents, c'est un fait. Mais on ne peut pas en déduire que le travail a cessé d'être une norme, d'avoir de la valeur, d'organiser la vie collective. \[...\] On travaille moins, mais le travail reste central pour ceux qui travaillent comme pour ceux qui n'ont plus d'emploi. *» 2. **Redonner du sens à l'échelle des rémunérations.** *Ségur de la santé* Jean Pisani-Ferry, *Plein Emploi*, CAE, 2000 Philippe Van Parijs*, Liberté réelle pour tous*, 1995 3. ***Poursuivre les actions en faveur de l'égalité réelle dans le monde du travail*** ***Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel*** ***Loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique*** ***Loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, dite « loi Rixain »*** ***La loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique*** 4. **Rompre avec une forme de survalorisation de l'héritage et de moindre *rémunération du travail*** Conseil d'analyse économique, *Repenser l'héritage*, 2021 : « *Après un reflux des inégalités de patrimoine et une forte mobilité économique et sociale durant la seconde moitié du XXe siècle, l'héritage redevient un facteur déterminant dans la constitution du patrimoine dans les pays industrialisés. En France, la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 % contre 35 % au début des années 1970. Ce retour de l'héritage, extrêmement concentré, nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l'ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail.* » 5. ***Améliorer les conditions de travail pour renouer avec l'émancipation par le travail*** ***Dominique Méda, Qu'est-ce que la richesse ?, Aubier, 1999 : « À l\'objectif vain et sans contenu de la mondialisation, il nous faut substituer celui de la civilisation (\...). Penser la richesse en termes de civilisation, et notre tâche commune en termes de bonne société, ou plus encore de société civilisée, nous permettra peut-être de sortir des apories dans lesquelles le capitalisme nous a enfermés depuis deux siècles ».*** ***Dominique Méda, Le Monde, 28 janvier 2023 :*** ***« La puissance des réactions suscitées par la réforme des retraites ne s'explique pas seulement par la brutalité des mesures annoncées. Cette séquence jette soudainement une lumière crue sur une situation restée jusqu'alors relativement taboue : l'ampleur de la crise du travail en France. En effet, alors que de nombreux responsables politiques appellent à vénérer la « valeur travail », les Français sont à la peine. Le travail est devenu pour un grand nombre d'entre eux insupportable et même, au sens propre du terme, insoutenable. »*** ***Document d'études -- Dares -- 2018 -- Travail et bien-être psychologique :*** ***« Pour un peu plus du tiers des actifs en emploi, le travail favorise le développement des capacités et du bien-être. La contribution du travail au bien-être psychologique respecte le gradient social habituel : les plus diplômés et qualifiés ont un travail plus épanouissant. Toutefois, des professions relativement peu qualifiées et à grande majorité féminine, telles les assistantes maternelles, les coiffeurs ou les employés de maison, figurent également parmi les métiers pour lesquels le travail contribue le plus au bien-être.*** ***A l'autre extrême, un actif sur dix environ se trouve dans une situation de travail très délétère pour son bien-être psychologique, avec un cumul d'expositions de tous ordres, physiques, organisationnelles et psychosociales. Des professions comme celles de caissières, de cuisiniers, d'infirmières, d'aides- soignantes, d'ouvriers des industries graphiques ou de la métallurgie, d'employés de banques, sont surreprésentées dans ces situations préoccupantes qui appellent sans doute un effort particulier pour les politiques de prévention. Les conflits éthiques (« travail empêché » notamment pour les professions de santé) et l'insécurité socio -économique (pour les ouvriers) structurent des situations intermédiaires qui concernent environ un tiers des actifs ».*** ***Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT).*** ***II. B. Le travail est une valeur morale qui élève l'homme et qui ne le réduit pas à une logique marchande*** 1. **Le travail est une valeur morale** Jean-Jacques Rousseau, *L'Emile,* 1762, Livre troisième : « *Celui qui mange dans l'oisiveté ce qu'il n'a pas gagné lui-même le vole ; et un rentier que l'Etat paye pour ne rien faire ne diffère guère, à mes yeux, d'un brigand qui vit aux dépens des passants. Hors de la société, l'homme isolé, ne devant rien à personne, a droit de vivre comme il lui plait ; mais dans la société, où il vit nécessairement aux dépens des autres, il leur doit en travail le prix de son entretien ; cela est sans exception. Travailler est donc un devoir indispensable à l'homme social. Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon. »* Préambule de la Constitution du 27 octobre1946 : *Chacun a le devoir de travailler et le droit d\'obtenir un emploi.* Hannah Arendt, *La condition de l'homme moderne*, prologue, 1958: « *C'est une société de travailleurs que l'on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c'est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d'aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l'homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu'ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.* Alain, *Libres Propos* 1921 : *« Dès que l'homme ne se dirige plus, les forces extérieures le reprennent* ». 2. **Le travail n'est pas uniquement une activité marchande** Alain Supiot, *Le travail n\'est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIe siècle,* leçon de clôture au collège de France, 2019* :* *« Ce n'est ni en défaisant l'État social ni en s'efforçant de le restaurer comme un monument historique que l'on trouvera une issue à la crise sociale et écologique. C'est en repensant son architecture à la lumière du monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. Et, aujourd'hui comme hier, la clé de voûte sera le statut accordé au travail.* *Face à la faillite morale, sociale, écologique et financière du néolibéralisme, l'horizon du travail au XXI e siècle est celui de son émancipation du règne exclusif de la marchandise. Comme le montre le cas du travail de recherche, les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'un monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un régime de travail réellement humain, qui fasse place au sens et au contenu du travail -- c'est-à-dire à l'accomplissement d'une œuvre. »* « *Un* *morne désespoir menace tous ceux dont le travail n'a d'autre raison que financière* ». 3. **Faire société par l'engagement**

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