Le Prêt: Operations Bancaires et Financières PDF
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This document discusses loans, focusing on the legal aspects of loan agreements. It elaborates on the conditions for a valid loan, the various types of loans, and the roles of the parties involved.
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CHAPITRE II — LES OPÉRATIONS DE CRÉDIT Notion. L’article L. 313-1 du Code monétaire et financier définit l’opération de crédit comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-...
CHAPITRE II — LES OPÉRATIONS DE CRÉDIT Notion. L’article L. 313-1 du Code monétaire et financier définit l’opération de crédit comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». Le prêt constitue une opération de crédit de droit commun dans la mesure où les principes le concernant ont vocation à s’appliquer à toutes les opérations de crédit, même celles qui sont soumises à des dispositions spécifiques. Les premiers développements y seront consacrés (Section 1). Le prêt constitue une opération de crédit sans mobilisation de créance. Au contraire, d’autres opérations reposent sur une telle mobilisation (Section 2). SECTION 1 — LE PRÊT Définition. Le prêt d’argent est la convention par laquelle une personne met à disposition d’une autre une somme d’argent qu’elle s’engage à lui rembourser. Le prêt peut être gratuit ou être à intérêts. Lorsqu’il est consenti à titre habituel, il relève du monopole conféré aux établissements de crédit. Il convient de rappeler que le monopole bancaire connaît un nombre grandissant de dérogations. Il en va ainsi des mécanismes suivants : - Compte courant d’associés (v. polycopié droit des sociétés) ; Financement participatif (autorisé par Ord. no 2014-559 du 30 mai 2014) ou crowdfunding, qui est un échange de fonds entre individus en dehors des circuits financiers institutionnels, afin de financer un projet via une plateforme en ligne ; Prêt interentreprises (L. dite « Macron » no 2015-990 du 6 août 2015). Ce dispositif permet le prêt rémunéré entre entreprises, limité à une durée de 2 ans. - Règles applicables. Le prêt relève des dispositions du Code civil auxquelles s’ajoutent, dès lors qu’il est consenti par un établissement de crédit, les règles de droit bancaire qui imposent diverses obligations à la banque (notamment le devoir de mise en garde ou encore la fourniture d’informations précises, comme le taux effectif global — TEG). Ces dernières règles figurent dans le Code monétaire et financier. Annonce de plan. Le prêt sera présenté à travers les différents événements qui en ponctuent la vie : sa formation (I), la rémunération du banquier (II) et l’exécution du contrat de prêt (III). I. Formation du contrat de prêt Conditions de validité. Les conventions de crédit sont soumises aux conditions de validité des contrats en général (C. civ. art. 1128). Ainsi, un consentement éclairé doit être réellement et librement donné, par chacun des contractants, à peine de nullité du contrat (C. civ. art. 1129 et s.). Il n’existe aucun droit au crédit. Ainsi, comme tout contractant, le banquier est libre de contracter comme de ne pas contracter avec le client qui sollicite le prêt (Cass. ass. Plén. 9 oct. 2006, no 06-11.056). Toutefois, si le banquier s’est engagé à fournir un crédit, la force obligatoire des contrats lui interdit de se soustraire à son engagement. Dans le prolongement de ces éléments, le banquier peut être tenu civilement responsable, sur le fondement du droit commun, de la rupture abusive des pourparlers qui lui serait imputable (Com. 8 nov. 2005, no 04-12.322). L’emprunteur doit disposer de la capacité d’emprunter. Pour apprécier cette capacité, encore faut-il rappeler que l’emprunt de sommes d’argent et le prêt consenti par la personne protégée appartiennent à la catégorie des actes de disposition, sauf circonstances d’espèces. Il résulte de cette qualification que le représentant ne peut conclure de prêt pour le représenté, sans y être autorisé. Ainsi, par exemple, l’article 505 du Code civil énonce que le tuteur ne peut faire un acte de disposition sans autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles (C. civ., art. 505, al. 1). S’agissant spécifiquement du contenu de la convention, celui-ci doit être licite (C. civ. art. 1162), telle exigence faisant par exemple défaut à une convention de crédit destinée à financer une activité illicite. Pouvoirs des époux. En présence d’époux mariés, il convient de faire application de l’article 220 du Code civil, selon lequel la solidarité des époux n’a pas lieu pour les achats à tempérament ni pour les emprunts, s’ils n’ont pas été conclus du consentement des deux époux. Cette règle connaît toutefois une nuance : la solidarité joue Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 24 Tous droits réservés — Reproduction interdite lorsque la convention de crédit porte sur des sommes modestes et nécessaires aux besoins de la vie courante (C. civ. 220, al. 3). Si les époux ont opté pour le régime de communauté, il faut tenir compte de l’article 1415 du Code civil selon lequel « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ». Eu égard aux partenaires pacsés, la solution est donnée par l’article 515-4 du Code civil : les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un des conjoints pour les besoins de la vie courante. La solidarité, des époux et partenaires pacsés, n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives (par rapport aux facultés contributives). II. Rémunération du prêteur Stipulation d’intérêts. Si le prêt du Code civil est en principe un contrat à titre gratuit, le prêt de somme d’argent peut être conclu à titre onéreux (C. civ. 1905). Sans surprise, s’agissant des prêts bancaires, la stipulation d’intérêts constitue la règle (et non l’exception, en contradiction avec l’article 1905 précité). En application de l’article 1907 du Code civil, le taux d’intérêt doit être fixé par écrit. Si le taux doit être établi par écrit, le consentement donné sur ce taux ne doit pas, lui, être nécessairement délivré par écrit. → Illustration → La reconnaissance de l’obligation de payer des intérêts conventionnels (par exemple le solde débiteur d’un compte courant) peut résulter de la réception, sans protestation par l’emprunteur, des relevés de compte indiquant le taux de ces intérêts. Le consentement à la stipulation d’intérêt peut ainsi être seulement tacite (Com. 13 nov. 2012, no 11-25.596). Lorsque le prêt est consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, le taux d’intérêt conventionnel doit être calculé sur la base d’une année civile (Civ. 1re, 19 juin 2013, no 12-16.651). Les taux d’intérêts peuvent être fixes ou variables, ils peuvent être indexés. À NOTER — NE PAS CONFONDRE AVEC LES CLAUSES D’INDEXATION DES BAUX COMMERCIAUX On sait en effet que les loyers de baux commerciaux peuvent être affectés d’une clause d’échelle mobile (ou clause d’indexation), leur permettant de faire varier le loyer en fonction d’un indice choisi par les parties. Dans ce contexte, la variation doit être possible à la hausse, comme à la baisse, à peine de nullité de la clause (Civ. 3e, 15 févr. 2018, no 17-40.069 ; Com. 18 mars 2020, no 18-22.050 ; Cass. 3e civ., 12 janv. 2022, no 21-11.169) (voir poly droit commercial). Cette logique de réciprocité n’est pas transposée à l’égard des prêts d’argent à taux variables. En effet, aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe jurisprudentiel n’interdisent aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d’indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux ou encore de convenir que, quelle que soit l’évolution des paramètres de calcul de ce taux, le taux demeurera supérieur à un plancher. En ce sens, la Cour de cassation a récemment admis la validité d’une clause d’un prêt prévoyant la variation du taux uniquement à la hausse (Com., 4 nov. 2021, no 20-11.099). On s’est demandé si le taux variable, lorsqu’il joue à la baisse, peut aboutir à un taux négatif. La jurisprudence l’a admis, dans un premier temps (TGI Strasbourg, 5 janv. 2016, no 15/00764). Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que le taux d’intérêt devenu négatif était inapplicable. En effet, il résulte des articles 1902, 1905 et 1907 du Code civil que, dans un contrat de prêt, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité et les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds. Dès lors que les parties n’ont pas entendu déroger aux règles du Code civil, le prêteur ne peut pas être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur (Cass. 1re civ., 25 mars 2020, no 18-23.803, juris sous art. 1902 cc et L. 313-1 C. mon. fin.). Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 25 Tous droits réservés — Reproduction interdite Prêt à taux variable et clauses abusives. La CJUE a rendu plusieurs arrêts dans lesquels elle a eu à se prononcer sur la qualification de clauses abusives. On retiendra de ces décisions les enseignements suivants : - Dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat (CJUE, 10 juin 2021, no C-776/19) ; - Dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, l’allongement de la durée dudit contrat et l’augmentation du montant des mensualités, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat (CJUE, 10 juin 2021, no C-609/19). La Cour de cassation a tiré les conséquences de ces décisions en ce qui concerne l’obligation d’information mise à la charge de la banque et l’imprescriptibilité de l’action tendant à voir réputée non écrite une clause abusive (Cass. 1re civ., 30 mars 2022, no 19-17.996, juris sous art. L. 212-1 C. cons.). Dans cette affaire, la Cour de cassation met à la charge de la banque ayant octroyé un prêt libellé en monnaie étrangère et remboursable en euros une obligation d’information sur les risques concrets pris par l’emprunteur en cas de dépréciation de l’euro et d’une hausse du taux d’intérêt étranger. Deux arrêts du 20 avril 2022 prolongent cette évolution jurisprudentielle (Cass. 1re civ., 20 avr. 2022, no 1911.599 et no 19-11.600). La réglementation prévoit, on le rappelle, que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (C. consom. art. L 212-1). Auparavant, la Haute Juridiction adoptait généralement une conception souple de l’exigence de transparence, de sorte que, jugées claires et compréhensibles, les clauses de monnaie de compte échappaient souvent à tout contrôle de leur caractère abusif. En rompant avec cette conception, et en exigeant que l’emprunteur soit informé de manière concrète des conséquences économiques potentiellement significatives de la clause sur ses obligations financières, les décisions du 20 avril 2022 marquent donc un tournant favorable au consommateur. En définitive, dans le prolongement de la jurisprudence européenne, la Cour de cassation renforce à son tour l’exigence de transparence qui pèse sur la banque, le caractère abusif d’une clause pouvant être déduit de son manque de transparence. À NOTER — PARALLÈLE AVEC LE DROIT DES SOCIÉTÉS Dans l’hypothèse où deux époux empruntent pour financer l’acquisition de parts sociales de SARL, s’est posée la question de savoir s’ils devaient être perçus et traités comme des consommateurs ou des professionnels. Formulant un arrêt de principe, la Cour de cassation énonce que la « personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l’acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle », pour ensuite leur appliquer la qualification de consommateur (Cass. civ. 2e, 20 avr. 2022, no 20-19.043). Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 26 Tous droits réservés — Reproduction interdite Contentieux autour du TEG. Par ailleurs, l’article L. 313-4 du Code monétaire et financier, d’application générale, renvoie expressément aux articles L. 314-1 et suivants du Code de la consommation, lesquels définissent le taux effectif global (TEG). Il s’ensuit que l’exigence d’une mention écrite du TEG s’impose à tout écrit constatant un contrat de prêt (en ce sens Civ. 22 janv. 2002, no 99-13.456). Le TEG doit rendre compte des éléments suivants (C. consom. art. L. 314-1) : - Intérêts du prêt ; Les frais ; Les taxes ; Les commissions ou rémunérations de toute nature, directes ou indirectes, supportées par l’emprunteur et connues du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées. Ainsi, le TEG représente le véritable coût du crédit. Il est désigné sous l’acronyme TAEG (taux annuel effectif global) lorsqu’il s’agit d’un crédit à la consommation (C. consom., art. L. 341-3). Pour savoir si des frais ou commissions entrent ou non dans le TEG, le juge doit rechercher s’ils constituent le prix d’un service lié à la tenue d’un compte ou un service de caisse distinct d’un crédit (Cass. com., 8 janv. 2013, no 11-15.476). → Illustration La Cour de cassation en retient une conception large du TEG puisqu’elle y fait entrer : - Les coûts de l’assurance de l’immeuble acquis lorsque la souscription de cette assurance est imposée à l’emprunteur comme une condition de l’octroi du prêt (Civ. 1re, 6 févr. 2013, no 12-15.722) ; Les frais prélevés sur le compte d’un emprunteur à l’occasion de chaque opération excédant le montant de son découvert autorisé (Cass. com., 8 janv. 2013, no 11-15.476) ; Les frais liés à la souscription des parts sociales exigée pour l’obtention d’un crédit (Civ. 1re, 9 déc. 2010, no 09-14.977) ; Les frais liés à la période de préfinancement, dont la durée est prévue par le contrat (Cass. 1 re civ., 20 oct. 2021, no 20-13.742). À noter : seuls sont pris en compte les frais supportés par l’emprunteur, lui-même. Ainsi, il faut distinguer les situations suivantes : • • Lorsque l’octroi du prêt a été subordonné à la souscription de l’assurance concernée par l’emprunteur ou lorsque l’obligation de souscrire l’assurance est sanctionnée par la déchéance du terme : le TEG doit inclure les primes d’assurance ; Au contraire, lorsque l’assurance érigée en condition du prêt a été souscrite et les primes payées personnellement par le dirigeant de la société emprunteuse, elles ne sont pas incluses dans le TEG (voir en ce sens (Cass. 1re civ. 2 févr. 2022, no 20-18.729). Sanction. La sanction tient à la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur (C. consom., art. L. 341-34, Ord. no 2019-740 du 17 juillet 2019, modifiant le régime des sanctions civiles encourues par le prêteur en cas d’absence ou de mention erronée du TEG). Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 27 Tous droits réservés — Reproduction interdite À NOTER : L’emprunteur doit vérifier l’apparence de régularité du TEG. S’il est erroné, l’action de l’emprunteur (tenant à la déchéance du droit aux intérêts, à proportion du préjudice) court à compter de la conclusion du contrat de prêt (Com. 9 sept. 2020, no 19-10.651), peu important la découverte ultérieure d’autres irrégularités (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, no 20-16.350, juris sous C. conso., art. R. 314-2). En l’espèce (arrêt du 9 sept. 2020), une banque consent à un couple deux prêts, destinés à restructurer un crédit immobilier et des crédits à la consommation. Les emprunteurs étant défaillants, la banque saisit un tribunal d’une requête en saisie des rémunérations de l’époux. Celui-ci invoque alors l’irrégularité des contrats de prêt en raison d’un TEG calculé sur une année de 360 jours (méthode lombarde) et non de 365 jours. La Cour de cassation prononce la contestation de l’emprunteur prescrite pour avoir été formée plus de cinq ans après la date de la conclusion du contrat de prêt. Pour rappel, la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel d’un crédit engagé par l’emprunteur, en raison d’une erreur affectant le TEG, court à compter du jour où l’emprunteur a connaît cette erreur ; ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur et, lorsque tel n’est pas le cas, le point de départ est reporté à la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur (Civ. 1re, 11 juin 2009, no 08-11.755). L’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 fixe désormais comme unique sanction la déchéance du droit du prêteur (C. consom. art. L. 341-34), dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur. Le texte s’applique à l’ensemble des crédits à la consommation et des crédits aux entreprises. La sanction de la perte du droit aux intérêts vise : - Les cas de défaut de mention ou d’inexactitude du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt ; Les cas d’irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier. Cette sanction et sa portée, telles que présentées, ont été confirmées dans deux avis du 10 juin 2020 (Civ. 1re, avis, 10 juin 2020, no 20-70.001 et no 15004). La Cour de cassation se montre rigoureuse dans l’application de ces principes. Ainsi, par exemple, pour les découverts et ouvertures de crédits, une double mention est exigée : - - Une mention préalable précise, au moins à titre indicatif, par un ou plusieurs exemples chiffrés, le taux applicable soit dans la convention de crédit, soit dans un relevé d’opérations ou d’agios. Ces calculs peuvent valoir d’exemples indicatifs pour l’avenir ; A posteriori, une mention doit figurer sur un relevé d’agios indiquant le taux effectivement pratiqué. À défaut de la mention du taux effectivement appliqué sur le relevé périodique, la seule mention indicative de ce taux ne vaut pas reconnaissance d’une stipulation d’agios conventionnels. À NOTER – Cas particulier du taux de période — sanctions à distinguer Pour certaines opérations (crédits destinés à financer une activité professionnelle), le « taux de période » doit être communiqué à l’emprunteur. Ce taux doit être exprimé de manière annuelle, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires (C. consom., art. R. 314-2). La Cour de cassation précise que l’inexactitude du taux de période dans une offre de crédit, contrairement à celle affectant le taux effectif global, n’est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts (Civ. 1re, 6 janv. 2021, no 18-25.865). En l’espèce, l’emprunteur reprochait à la banque d’avoir « arrondi » le taux de période. La Cour de cassation ne s’exprime pas sur la sanction alors applicable (il faut supposer qu’il s’agirait de dommages et intérêts, subordonnés à la démonstration de la preuve d’un préjudice). Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 28 Tous droits réservés — Reproduction interdite En revanche, le défaut de communication du taux ou de la durée de la période dans un contrat de prêt doit être sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, et non plus par la nullité de la clause d’intérêts (Cass. 1re civ., 22 sept. 2021, no 19-25.316). Ainsi, pour résumer, il convient de distinguer les sanctions suivantes : • • • • Défaut de mention ou inexactitude du TEG, concernant un contrat de crédit conclu à partir du 19 juillet 2019 : déchéance des intérêts, dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur (fondement : C. consom., art. L. 341-34, Ord. no 2019-740 du 17 juillet 2019) ; Défaut de mention ou inexactitude du TEG, concernant un contrat de crédit conclu avant le 19 juill. 2019 : même sanction, à savoir la déchéance des intérêts, dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur [mais le fondement est différent : Cass. 1re civ., 10 juin 2020, no 18-24.287, juris. Sous art. L. 341-48-1 C. consom. ; extrait de l’arrêt « il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge » ; Défaut de communication du taux de période : même sanction, à savoir déchéance des intérêts, dans la proportion fixée par le juge (exit donc l’ancienne sanction qui tenait à la nullité de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal ; source de cette unification des sanctions : Cass. 1re civ., 22 sept. 2021, no 19-25.316, juris. Sous art. L. 34148-1 C. consom) ; Inexactitude du taux de période : attention, la sanction est ici différente. En effet, la jurisprudence écarte la déchéance du droit aux intérêts (Cass. 1re civ., 6 janv. 2021, no 18-25.865, juris. Sous art. R. 314-2, C. consom. : on suppose que la sanction tient à des dommages et intérêts, subordonnés à la démonstration de la preuve d’un préjudice). Sur le plan pénal, la violation de l’obligation de mentionner le TEG est sanctionnée par une amende de 150 000 euros (C. consom. art. L. 341-49). Toutefois, ce délit est rarement caractérisé en pratique. Usure-Limitation du TAEG. Est usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus d’un tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent, pour des opérations de même nature comportant des risques analogues tels que définis par l’autorité administrative après avis du Conseil national du crédit. Au-delà de ces seuils, le coût de l’emprunt est jugé prohibitif. → Exemples En matière de crédits immobiliers, le taux effectif moyen pratiqué au 4e trimestre 2020 est égal à 2 % pour les prêts à taux fixe d’une durée de 20 ans et plus (données Banques de France). Partant, le taux d’usure applicable au 1er janvier 2021 est égal à 2,67 % (soit 2 % x 1,33) En matière de crédits de trésorerie aux ménages et prêts pour travaux d’un montant inférieur ou égal à 3 000 euros, le taux effectif moyen pratiqué au 4e trimestre 2020 est égal à 15,87 %. En conséquence, le taux d’usure applicable au 1er janvier 2021 est égal à 21,16 % (soit 15,87 % x 1,33) Champ de l’interdiction des taux usuraires. Les dispositions relatives à l’usure ne sont pas applicables aux prêts accordés à une personne physique agissant pour ses besoins professionnels ou à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale (C. consom., art. L. 314-9). Toutefois, nonobstant cette restriction, sont soumis à la prohibition les découverts en compte (C. mon. fin., art. L. 313-5-1). Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 29 Tous droits réservés — Reproduction interdite Sanctions. L’usure est sanctionnée sur le plan civil et pénal : - Sur le plan civil, application de l’article L. 313-5-2 du Code monétaire et financier, lorsqu’un prêt conventionnel est usuraire, les perceptions excessives sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux et, subsidiairement, sur le capital de la créance. Si la créance est éteinte en capital et intérêts, les sommes indûment perçues doivent être restituées avec intérêts légaux, au jour où elles auront été payées ; Sur le plan pénal, les sanctions encourues tiennent en un emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros (C. consom. art. L. 341-50). - III. Exécution du contrat de prêt Obligation de remboursement. Le prêt est en principe remboursé par l’emprunteur, bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation (le prêt peut être remboursé par un tiers, en particulier une banque en cas de « rachat » ou de « reprise » du prêt). L’obligation de paiement, à laquelle s’oblige l’emprunteur, porte sur le remboursement du capital et des intérêts tels qu’ils ont été fixés. Les précédents développements ont intéressé les intérêts. Les prochains développements seront consacrés au capital. La défaillance du débiteur à l’expiration du délai accordé emporte déchéance du terme du prêt (la créance de paiement est alors exigible, de manière anticipée, c’est-à-dire avant le terme du prêt). La déchéance du terme est acquise au créancier sous une double condition : la délivrance d’une mise en demeure, d’une part, restée sans effet (1°) et, d’autre part, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (2°) (Cass. 1 re civ., 3 juin 2015, no 14-15.655). Ainsi, lorsque l’emprunteur a été mis en demeure de payer les échéances dans un certain délai et qu’il a été informé qu’à défaut d’exécution la déchéance du terme interviendrait, celle-ci est acquise à l’expiration du délai sans que le prêteur n’ait à en notifier le prononcé (Cass. 1 re civ., 10 nov. 2021, no 19-24.386, juris sous art. 1225 cc). Remboursement anticipé. L’emprunteur pourra procéder, si une clause en ce sens est prévue, au remboursement anticipé du prêt. Un tel remboursement anticipé peut entraîner le versement d’une indemnité, sous réserve qu’elle ait été prévue. Cette clause présente un caractère indemnitaire (elle répare la perte des intérêts prévus au contrat, s’il avait atteint son terme). S’agissant des prêts immobiliers, cette indemnité est doublement plafonnée. En cas de remboursement par anticipation d’un prêt immobilier (C. consom. art. R. 313-25) : - Elle ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt ; Elle ne peut pas, non plus, dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement. Résiliation. Le prêt peut être résilié s’il est à durée indéterminée. Le prêteur doit cependant respecter un préavis et procéder à une mise en demeure (Civ. 1re, 3 juin 2015, no 14-15.655). Au contraire, le prêt à durée déterminée ne peut être résilié. Exigibilité anticipée. Le prêteur ne peut en principe solliciter le remboursement anticipé du prêt. Il existe cependant différents cas d’exigibilité anticipée. La principale clause d’exigibilité anticipée concerne le nonremboursement d’une échéance. Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 30 Tous droits réservés — Reproduction interdite SECTION 2 — OPÉRATIONS DE MOBILISATION DES CRÉANCES COMMERCIALES Notion. La mobilisation de créances est un procédé de financement par lequel une entreprise remet à son banquier des créances à terme qu’elle détient sur des tiers, en échange de quoi ce dernier lui en avance le montant (sous réserve de la rémunération du banquier). Les différents instruments de mobilisation répondent à une logique juridique commune, bien qu’une présentation tour à tour s’impose, à travers la classification suivante : les principales techniques de mobilisation de créances (I) et les effets de commerce (II). I. Les principales techniques de mobilisation de créances Annonce de plan. Seront présentés, tour à tour, l’escompte (A) puis la cession de créances professionnelles (B). A. L’escompte Définition. L’escompte est l’opération par laquelle une banque accepte de verser à un client qui lui transmet un titre, en pratique une lettre de change ou un billet à ordre, dans lequel le ou les signataires sont engagés à payer au bénéficiaire du titre, à l’échéance, le montant de ce titre, sous déduction d’une somme représentant la rémunération du service rendu et le montant des intérêts à courir jusqu’à l’échéance. L’escompte est alors un contrat-cadre qui définit les modalités selon lesquelles l’entreprise et son banquier escompteur mèneront des opérations d’escompte. Créances mobilisables. Les lettres de change et les billets à ordre sont susceptibles d’escompte. Toutefois, selon la doctrine majoritaire, dès lors qu’aucune disposition ne prescrit les conditions de l’escompte, une banque peut escompter tout titre de créance dès lors qu’il lui paraît offrir des chances suffisantes de remboursement des sommes avancées (en ce sens, Cabrillac et Rives-Lange RTD com. 1977). Un arrêt de 1970 consacre cette position, à l’égard des chèques, lesquels peuvent être escomptés (Com. 11 mars 1970). Preuve de l’escompte. L’escompte est réputé accepté et accompli par le banquier, lorsque la lettre de change a fait l’objet d’un bordereau d’escompte le jour même où elle a été remise, que son montant a été porté au crédit du compte du remettant et que cette opération figure sur le relevé du compte bancaire de l’intéressé avec la mention « escompte ». Juridiquement, l’escompte se décompose essentiellement en deux phases : - L’entreprise cédante transfère la propriété de tout ou partie de ses propres créances au banquier escompteur (le cessionnaire) ; En échange de ce transfert, le banquier escompteur consent à l’entreprise une avance de fonds (matérialisée par une inscription portée au crédit de son compte courant). Rémunération du banquier. L’escompte donne lieu au paiement de différentes commissions et d’un intérêt. Le total de toutes ces sommes, qui sont déduites du montant nominal de l’effet au moment où le banquier remet les fonds, ne doit pas atteindre le taux usuraire (sur l’usure, voir infra). Dénouement de l’escompte. L’escompte fait naître un double rapport juridique : un rapport contractuel et un rapport cambiaire. Deux hypothèses doivent être envisagées : - 1er cas (le dénouement normal de l’opération.) Dans ce cas, l’escompte se dénoue par l’encaissement auprès du tiré ; 2e cas (en cas de non-paiement), le banquier dispose d’un recours cambiaire contre tous les signataires du titre. Il peut aussi procéder à la contre-passation des effets dans le cadre du compte courant (voir ciaprès). Si elle intervient alors que le remettant est in bonis, le banquier doit restituer l’effet. Pour éviter une telle conséquence, les banquiers ne contre-passent pas, mais isolent la créance dans un compte interne. Il n’y a alors pas paiement. Le banquier dispose également d’un recours contre le client fondé sur la convention même d’escompte. Objectif Barreau — Opérations bancaires et financières 31 Tous droits réservés — Reproduction interdite