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Droit administratif - Corrigé étudiant- Sujet n°4.pdf

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OBJECTIF BARREAU Préparation intensive au CRFPA 2023 Droit administratif – Corrigé du Sujet n° 4 1) Elle vous fait d’abord part de sa frustration concernant l’attribution d’un contrat à un de ses concurrents. En effet, la Ville de Paris, sur laquelle pèse une obligation de procéder à l’enlèvement de...

OBJECTIF BARREAU Préparation intensive au CRFPA 2023 Droit administratif – Corrigé du Sujet n° 4 1) Elle vous fait d’abord part de sa frustration concernant l’attribution d’un contrat à un de ses concurrents. En effet, la Ville de Paris, sur laquelle pèse une obligation de procéder à l’enlèvement des véhicules abandonnés au titre de l’article L. 352-5 du code de la route, a lancé un appel d’offre le 15 mars 2023 pour l’attribution d’un contrat relatif au retrait et à la destruction des véhicules abandonnés dans ses parcs de fourrière, et a sélectionné l’entreprise Autocasse avec laquelle elle a engagé un processus de conclusion du contrat. Afin de tenir compte des exigences du Code de la route en matière de fourrière, le cahier des charges précise des obligations chiffrées et contrôlées quant aux quantités et à la fréquence des enlèvements de véhicules par la société Autocasse. L’entreprise doit ainsi enlever les véhicules dans un délai de quinze jours suite à la demande, en contrepartie de quoi, cette mission lui est confiée à titre exclusif. L’entreprise contractante dispose également du droit de récupérer les accessoires et pièces détachées des véhicules abandonnés qu’elle enlève. Bien qu’il y ait eu un appel d’offre, la société AutoFourrière estime qu’il était irrégulier, faute pour la ville de Paris d’avoir communiqué à l’ensemble des candidats les critères de sélection. La société Auto-Fourrière n’est toutefois pas certaine qu’elle puisse saisir le juge par un référé contractuel. En effet, la ville de Paris estime que le contrat à conclure ne relève pas de la commande publique puisqu’aucune rémunération, ni aucun prix n’est versé à la société Autocasse, bien qu’aucune stipulation ne prévoie de compensation des éventuelles pertes financières liées à l’exploitation du contrat. Elle vous demande votre avis sur la nature exacte du contrat, la recevabilité d’un référé contractuel et l’invocabilité du moyen tiré du défaut de communication des critères de sélection (7 pts). I) Sur la qualification d’un contrat de commande publique (5 pts). Le code de la commande publique apporte désormais une définition claire au premier alinéa de son article L. 2 : « Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques.». En premier lieu, le contrat doit répondre à un besoin de la personne publique et notamment prendre la forme d’une prestation comportant un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur (CJUE 2010 Helmut Müller). Ce besoin s’apprécie in concreto : le juge vérifie que le contrat est conclu pour assurer les missions propres du pouvoir adjudicateur et non de faire bénéficier à un cocontractant, pour ses besoins propres, d’un bien (CE 2005 JC Decaux). Il en va ainsi dans le cadre de conventions domaniales : le fait que la personne publique impose des obligations à son cocontractant ne suffit pas à les requalifier en marché public dès lors que le celui-ci exerce principalement son activité à son profit, sans répondre aux besoins de l’autorité domaniale (CE, 3 décembre 2014, Tisséo). En second lieu, le contrat doit être onéreux, c’est-à-dire, que chaque partie s’engage à réaliser une prestation en contrepartie d’une autre (CJUE 2020, Tax-Fin-Lex). Ainsi, un contrat par lequel le titulaire se rémunère en exploitant les matériaux excavés dans le cadre de travaux de résection d’un méandre de rivière est onéreux (CE, 1980, Sté des sablières modernes d’Aressy). L’article L. 1111-1 du CCP définit le marché public comme le « contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent ». Il est donc caractérisé par son onérosité, qui découle généralement du versement d’un prix. Toutefois, l’onérosité peut découler d’une contrepartie en nature (CE, 28 février 1980, SA Sablières Modernes d’Aressy ; CE, 3 juin 2009, Cne St Germain en Laye), d’un prix négatif, c’est-à-dire d’une exonération de charges, qu’il s’agisse d’un impôt ou d’une taxe ou d’une redevance pour occupation du domaine qui serait normalement due par le titulaire du contrat (CE, 2005 JC Décaux). Toutefois, dans un arrêt Ville de Paris du 15 mai 2013, le Conseil d’Etat a jugé que seule la renonciation de la personne publique à percevoir des recettes certaines et indépendantes de l’exploitation des droits accordés pouvait représentant l’équivalent d’un prix, affirmant ainsi que « la seule circonstance que l’occupant exerce une activité économique sur le domaine ne peut caractériser l’existence d’un abandon de recettes ». En revanche, le fait que la redevance soit inférieure à celle habituellement consentie ou la renonciation à la perception de redevance peut Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 1 qualifier l’onérosité du contrat (CE 2013 Ville de Paris). Au total, l’attribution d’un droit d’exploitation de nature économique à un cocontractant ne suffit pas à caractériser l’onérosité du contrat. L’article L. 1121-1 du CPP définit la concession comme le « contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il a supportés ». Elle se distingue également de la convention domaniale par son objet : l’administration obtient d’un tiers un service, alors que dans la convention d’occupation domaniale, elle lui rend un service en lui accordant un droit d’exploitation économique, moyennant un prix. En confrontant les deux définitions données par le Code de la commande publique, il ressort que la distinction entre le marché public et la concession ne repose plus sur le simple versement d’un prix ou le paiement par redevance. Aujourd’hui, le risque transféré au concessionnaire, seul, permet de distinguer la concession du marché public, comme le prévoit l’article L. 1121-1 CCP. Cette appréciation se fait au cas par cas, en tenant compte de la part prise éventuellement par un prix versé, et la part des redevances, voire même d’autres formes de contreparties en nature, afin de déterminer si, concrètement, le cocontractant est assuré ou non d’amortir ses investissements. Le risque transféré n’a pas nécessairement à être substantiel (CE, 2019, Ville de Paris et sté de mobiliers urbains pour la publicité et l’information). Il reste que l’absence de tout prix versé par le pouvoir adjudicateur permet de présumer l’exclusion de la qualification de marché public (Exemple : CE, 9 juin 2021, Ville de Paris). De même, la jurisprudence semble ne plus admettre qu’un abandon de recettes de la part de la personne publique constitue un prix (CE 2013 Ville de Paris). En l’espèce, il est indéniable que le contrat répond à un besoin de la ville de Paris, puisqu’il lui revient d’assurer l’enlèvement des véhicules, d’autant plus que l’article L. 352-7 du code de la route prévoit ne obligation de mise en fourrière des véhicules abandonnés. De plus, les différentes clauses fixant les obligations de la société Autocasse révèlent qu’il s’agit d’un besoin de la personne publique (en ce sens, CE 2017, Sté de manutention portuaire d’Aquitaine). La jurisprudence a d’ailleurs, déjà tranché en ce sens pour un service d’enlèvement de véhicules abandonnés (CE 2013, Ville de Marseille). Le contrat est également conclu à titre onéreux, et comporte une contrepartie de nature économique. En effet, l’entreprise s’engage à enlever les véhicules dans un délai de quinze jours, en contrepartie d’un droit d’exercer cette activité à titre exclusif. Un tel droit est nécessairement d’une valeur économique importante car il permet à l’entreprise de totaliser l’ensemble des parts du marché de l’enlèvement des véhicules. Il semble, d’ailleurs, que le contrat constitue une concession plutôt qu’un marché public. C’est d’ailleurs la position du CE dans son arrêt du 9 juin 2021 (n° 448948 et 448949, Ville de Paris c/ Société Allo Casse Auto - Ville de Paris c/ Société Euro Casse), le risque d’exploitation pesant effectivement sur le titulaire. En effet, l’entreprise se rémunère directement en exploitation le service, c’est-à-dire, en recyclant et vendant les pièces des véhicules enlevés. Quand bien même il y aurait un abandon de recette de la part de la ville de Paris, celui-ci ne peut désormais plus caractériser un prix au sens de la définition du marché public (CE 2013 Ville de Paris). S’agissant du risque d’exploitation, il semble effectivement peser sur l’entreprise, puisqu’il nous est indiqué qu’aucune mesure n’a été prise afin de compenser les éventuelles pertes liées à l’activité. Tout indique donc que le contrat relève de la qualification de concession. En conclusion, le contrat est un contrat de commande publique répondant au besoin de la ville de Paris, dès lors que celle-ci a la charge d’assurer l’enlèvement des véhicules abandonnés. Il constitue plus exactement une concession, puisque l’entreprise Autocasse se rémunère par l’exploitation des véhicules enlevés et assume le risque d’exploitation de l’activité. Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 2 II) Sur la recevabilité et les chances de succès du référé-précontractuel (2 pts). Rappelons que les contrats de concession doivent faire l’objet d’une procédure de publicité préalable et une procédure de passation détaillées aux articles R. 3111-1 et s du CCP. L’article R. 3123-12 prévoit notamment que « L'autorité concédante procède à la sélection des candidats en appliquant des critères de sélection non discriminatoires et liés à l'objet du contrat de concession relatifs à leurs capacités et à leurs aptitudes. Ces critères sont mentionnés dans les documents de la consultation ». En application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge du référé précontractuel peut être saisi « en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. (…) ». Hormis le dernier cas visé, il est ainsi compétent si le contrat a pour objet une commande publique, donc en présence d’un marché public ou d’une concession. Après la signature du contrat, le président du TA ou un magistrat délégué peut également être saisi d’un référé contractuel, dont le champ d’application est le même que celui du référé précontractuel (L. 551-1 et L. 551-5 CJA). En principe, les opérateurs ayant vocation à conclure le contrat sont recevables à introduire ce référé (L. 551-10 CJA), de même que les concurrents évincés (CE, 1997, Sté Bull). Il faut, néanmoins, que le requérant n’ait pas exercé de référé précontractuel, si le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension et s’est conformé à la décision rendue (L. 551-4 CJA ; CE 2011 Grand Port Maritime du Havre). Seuls sont sanctionnés dans le cadre d'un référé précontractuel les manquements du pouvoir adjudicateur ou d'une entité adjudicatrice à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence. Une erreur dans la qualification du contrat entraîne, en effet, une erreur dans le choix de la procédure de passation et une méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la conclusion du contrat en cause (par ex., CE, ass., 10 juin 1994, Cne de Cabourg). De manière générale, l’ensemble des éléments nécessaires à l’élaboration d’une offre doit avoir été diffusé de manière non discriminatoire aux candidats (CE, 1999, SA Bouygues et autres). Enfin, l’invocabilité des moyens est appréciée de manière subjective. Il faut que ces manquements, « eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, aient été susceptibles d'avoir lésé ou risquent de léser l'entreprise, fûtce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente » (CE, sect., 3 oct. 2008, SMIRGEOMES) En l’espèce, le contrat à signer est une concession et rentre donc dans le champ du référé-précontractuel. L’entreprise Auto-fourrière semble être un concurrent évincé. En effet, il semble qu’elle a participé à la procédure puisqu’il nous est indiqué que sa candidature a été rejetée. Elle est dès lors recevable à exercer le référé. Les moyens étant appréciés subjectivement, il est difficile de se prononcer sur l’invocabilité du moyen puisque l’on ne sait pas sur quels critères l’entreprise Autocasse a été retenue, ni pour quelle raison l’entreprise Auto-fourrière a été exclue. En conclusion, si le référé semble recevable, il est difficile de se prononcer sur l’invocabilité du moyen tiré du défaut de communication des critères de sélection à l’ensemble des candidats. 2) La société Auto-Fourrière, dont l’un des principaux entrepôts est situé le long d’une route départementale, vous fait également part des différents désagréments qu’elle subit depuis que la société Engie a décidé d’implanter un poste de transformation d’électricité aux abords de cette route. Tout d’abord, elle vous indique que les travaux effectués par la société Engie, pour son compte, qui ont débuté il y a un an et demi, sont particulièrement bruyants. Or, en raison de cette pollution sonore, elle doit verser une prime d’inconfort à ses employés – comme le prévoit la convention collective. Cette situation la gêne d’autant plus que la société Auto-Fourrière est engagée dans un processus de vente de cet entrepôt à un concurrent, et la valeur vénale du bien a brusquement chuté en raison du projet d’installation du poste de transformation d’électricité. Ensuite, et alors même que le projet n’a pas encore abouti, la société AutoFourrière découvre que la mairie ne dispose pas des autorisations d’urbanisme nécessaires et que le poste est susceptible d’être installé sur des zones qui, selon le PLU, sont non constructibles en raison d’un risque Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 3 d’inondation. La société Auto-Fourrière vous demande ce qu’elle peut faire face à cette situation. (10 points). I) Sur le dommage lié à l’installation du poste de transformation électrique (2,5 pts). Afin de déterminer le régime de responsabilité, il faut identifier la nature de l’activité ayant causé le dommage, et notamment déterminer si l’implantation des éoliennes est constitutive d’un travail public. Le travail public désigne l’opération de construction ou d’aménagement actif d’un bien. Il s’agit d’un travail exécuté sur un immeuble, dans l’intérêt général, pour le compte et sous le contrôle d’une personne publique, ou par une personne publique dans le cadre d’une mission de service public. Le travail doit consister en une opération matérielle, peu importe son importance (CE 1959 Dauphin) et doit porter sur un bien immobilier, à moins qu’il s’agisse d’un immeuble par destination ou incorporation. Le bien doit être fixé au sol (CE 2001 Département du Bas Rhin pour un banc non incorporé dans l’ouvrage public scolaire). Le travail portant sur un immeuble sera donc considéré comme un travail public s’il est accompli pour le compte d’une personne publique, dans un but d’intérêt général (CE 1921 Commune de Monségur). La notion d’intérêt général exclut que les travaux servent exclusivement les intérêts des particuliers, ou que l’activité ne soit pas reconnue d’intérêt général (CE, 7 avril 1916, Astruc : refuse de qualifier de travaux publics la construction d’un palais philharmonique sur les Champs-Élysées). De même, il est qualifié de travail public s’il est accompli par une personne publique, pour la réalisation d’une mission de service public (TC 1955 Effimieff). Ainsi, la construction d’un bâtiment pour le compte d’une charcuterie industrielle a été qualifiée de travail public, car il s’agit d’une « mission de service public tendant à promouvoir le développement économique et l’emploi » (TC, 17 novembre 2003, Préfet du Nord). En l’espèce, l’implantation du poste de transformation concerne bien un bien immobilier. En revanche, elle a été décidée par la société Engie, personne morale de droit privé. Dès lors, sa réalisation dans le cadre d’une mission de service public est indifférente. De même, l’installation du poste a vocation à enrichir le patrimoine de la société Engie, et ne peut dès lors être appréhendé comme réalisée « pour le compte » d’une personne publique. Aucune autre indication n’étant fournie quant à la mission exercée par la société Engie, il n’est pas nécessaire d’envisager d’autres régimes de responsabilité administrative. (Méthode : si des indices d’un SPIC étaient présents dans le cas, il serait possible de développer la question de la responsabilité du fait des dommages causés par des SPIC aux tiers). En conclusion, l’implantation du poste de transformation étant réalisée par et pour le compte d’Engie, elle ne saurait constituer un travail public. Les nuisances sonores qu’elle cause ne peuvent dès lors être soumises au régime de responsabilité spécifique aux travaux publics. Certainement, un éventuel litige devra être porté devant le juge judiciaire. II) Sur le dommage lié à l’existence du poste de transformation (4 pts). Que l’ouvrage public appartienne à une personne publique ou à une personne privée il est toujours un bien immobilier artificiel. Il doit ainsi avoir été modifié par la main de l’humain (contra : CE 1974 Allieu pour une plage), et être immobilier par destination ou incorporation (CE, 2001, Département du Bas Rhin). Cet aménagement doit permettre à l’ouvrage de répondre à son affectation et le démarquer de biens naturels. Depuis l’avis Béligaud, il est admis que l’ouvrage public doit être affecté à l’intérêt général s’il est détenu par une personne publique, ou affecté directement au service public s’il appartient à une personne privée (CE, 2010, Béligaud). Si la propriété du bien est publique, il suffit qu’il soit affecté à l’intérêt général pour correspondre à un ouvrage public. En dernier lieu, on notera la compétence du juge administratif en matière de dommages de travaux publics, à l’exception de la situation où la victime est usagère d’un service public industriel et commercial (TC 1954 Dame Galland). Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 4 Pour les dommages liés aux ouvrages publics, il est possible de distinguer les règles selon la nature accidentelle ou permanente du dommage. Le dommage permanent correspondra à celui qui est inhérent à l’ouvrage public, à son existence et à son fonctionnement. Le dommage est accidentel lorsqu’il n'est pas censé se produire ; il est en effet imprévisible et en toute logique ne constitue pas la conséquence nécessaire et inévitable de l'exécution du travail public ou de l'existence ou du fonctionnement de l'ouvrage public. La victime bénéficie toujours d’un régime de responsabilité sans faute, lorsque son préjudice est grave, anormal et spécial (Ex CE 8 fév 2022 M. C). Il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute pour préjudice anormal (donc les critères cités plus haut s’appliquent). Ici, la distinction tiers/usager/participant n’a pas lieu d’être. Le dommage permanent dû à l’ouvrage public est la conséquence nécessaire de la présence de l’ouvrage et de son fonctionnement (ex : pour les bruits causés par l’exploitation d’un aéroport : CE, 1992 Cne de Saint Victoret). Il peut être temporaire (ne se révéler qu’avec le temps, par exemple après quelques années d’utilisation) ce qui conduit certains auteurs à le qualifier de dommage inhérent à l’ouvrage public. Par sa présence ou son fonctionnement, l’ouvrage public génère des nuisances pour l’entourage. Ces dommages sont réparés sur le fondement d’une responsabilité sans faute de l’administration, pour préjudice grave anormal et spécial. Tel est le cas lorsque le fonctionnement ou l’existence de l’ouvrage ne préjudicie que quelques administrés (CE, 1921, Cne de Rosporden). Le trouve doit excéder les sujétions que l’intérêt général autorise d’imposer aux tiers à l’ouvrage (CE 1965 Bauer). En l’espèce, il convient d’abord de déterminer si le poste de transformation constitue un ouvrage public, puisque ce qui semble causer le dommage subi par la société Auto-fourrière est son existence-même. À ce titre, le poste constitue un bien immobilier nécessairement artificiel. Il appartient toutefois à une personne privée, la société Engie. Pour autant, les postes de transformation d’électricité sont directement affectés au service public de la distribution de l’électricité, puisqu’ils ont pour objet de répartir l’électricité en fonction des besoins des usagers. Cette qualité, au demeurant, ne fait plus débat, depuis que l’avis Béligaud a qualifié ces biens d’ouvrages publics. À ce titre, il convient de s’interroger sur la nature du dommage. Celui-ci semble découler du fonctionnement, de l’existence-même du poste de transformation. En effet, si la valeur vénale de l’entrepôt de la société Auto-Fourrière a chuté, cela tient certainement au fait que le poste de transformation, une fois qu’il sera en service, génèrera d’importantes nuisances sonores. Le dommage est donc inhérent à l’ouvrage public et il devra être réparé sur le fondement de la responsabilité sans faute. Il s’agit alors de déterminer si le préjudice subi est grave anormal et spécial. Tout d’abord, le préjudice lié à la perte de valeur vénale est certainement spécial, puisqu’il ne concerne que les parcelles à proximité du poste de transformation et ne concerne donc qu’une fraction d’administrés. En revanche, il est difficile de savoir s’il est grave et anormal, puisque l’on ne sait pas exactement de combien la valeur vénale a chuté. On peut cependant douter que le juge admette la gravité du préjudice, puisqu’il est réticent à admettre que la dépréciation d’un bien ouvre droit à indemnisation. Il ne le fait que lorsque, du fait de l’installation de l’ouvrage, le bien devient impropre à sa destination ou perd certains de ses attributs (ex CE 1990 Roux : bâtiment d’habitation ne pouvant être habité à cause du bruit). En l’espèce, cela ne semble pas être le cas pour l’entrepôt, qui devrait continuer à pouvoir fonctionner normalement, sous réserve éventuellement des indemnités à verser aux salariés du fait des nuisances sonores. Il est donc douteux que ce préjudice soit indemnisable sur le fondement de la responsabilité sans faute. Néanmoins, et a contrario, on peut noter que ce préjudice est parfois admis : TA, Marseille, 2 décembre 2022 : « Ce mur occasionne de ce fait diverses nuisances en toutes saisons, à la fois thermiques, d'ensoleillement et visuelles et crée une sensation d'enfermement. L'ensemble de ces nuisances, par leur caractère permanent et spécial, conduit globalement à une dépréciation de la valeur vénale du bien des requérants. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la gêne dont se plaignent les requérants du fait de la présence de l'ouvrage public excède les inconvénients que doivent normalement supporter les résidents d'une habitation située dans une zone urbanisée. Par suite, la responsabilité sans faute de la commune de Carry-le-Rouet et de la société SMACL assurances est engagée du fait de l'existence de l'ouvrage public litigieux ». Dès lors, alors même qu’il est plus probable que le juge écarte ce chef de préjudice, il n’est pas impossible qu’il indemnise la dépréciation de valeur du bien. On peut toutefois relever que l’entreprise n’est pas située dans une zone urbanisée, vraisemblablement, ce qui constitue une importante différence avec la situation évoquée plus haut. Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 5 En conclusion, la chute de la valeur vénale de l’entrepôt de l’entreprise Auto-Fourrière ne pourra probablement pas être indemnisée sur le fondement d’une responsabilité sans faute, le préjudice ne semblant ni grave ni anormal. III) Sur la destruction du poste de transformation (3,5 pts). Le principe d’intangibilité de l’ouvrage public a pour objet de protéger l’intégrité des ouvrages publics. Il a été consacré par le Conseil d’État dans l’arrêt Robin de la Grimaudière en 1853. Le juge avait une formule limpide pour exprimer la portée de ce principe : « ouvrage public mal planté ne se détruit pas ». En conséquence, l’ouvrage public implanté sur la propriété d’une personne privée, ou construit en violation des règles d’urbanisme, d’environnement ou autre, ne pouvait pas faire l’objet d’une démolition ordonnée par le juge. La jurisprudence a fortement évolué, notamment depuis que le juge administratif s’est vu octroyer des pouvoirs d’injonction. Désormais, le juge administratif est compétent pour ordonner la démolition de l’ouvrage public, mais il faut respecter des conditions strictes (CE 2003 Commune de Clan ; CE, 29 novembre 2019, M. A). D’abord, il faut que la régularisation de l’illégalité de l’implantation ne soit pas possible. En l’absence de régularisation, la destruction ne sera possible que si le bilan entre les avantages et les inconvénients de la destruction est positif. Dans tous les cas, cette destruction ne doit pas porter une atteinte excessive à l’intérêt général. Dans la logique de la domanialité par anticipation, le juge a admis d’appliquer le principe d’intangibilité à un ouvrage inachevé. Dans l’arrêt Commune de Valmeiner de 2011, il a ainsi qualifié d’ouvrage public et soumis à l’intangibilité un parc de stationnement en cours de construction. Dans ce cas, le juge adapte quelque peu son contrôle de l’intérêt de la destruction. Il recherche d’abord la régularisation, classiquement. Et en cas d’échec, il fait un bilan cout/avantage, mais l’assiette du bilan change. Il doit donc « prendre en considération, d'une part, les inconvénients que le maintien, fût-ce à titre temporaire, de l'ouvrage qui a commencé d'être illégalement construit entraînerait pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les conséquences de sa démolition pour l'intérêt général, compte tenu notamment du coût des investissements déjà réalisés et, si elle est invoquée par les parties au litige, de la possibilité de réutiliser, dans un délai raisonnable, les constructions déjà édifiées dans le cadre d'un projet modifié ou d'un nouveau projet, et de déterminer enfin, en rapprochant ces éléments, si la démolition totale ou partielle de l'ouvrage en cause n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ». En l’espèce, l’installation du poste de transformation d’électricité n’est pas encore achevée, vraisemblablement. Mais, cet ouvrage public est tout de même protégé par la jurisprudence Commune de Valmeiner. Il s’agit alors de déterminer si la démolition de l’ouvrage est envisageable. À ce titre, il faut relever qu’aucune régularisation ne semble possible en l’espèce. En effet, ce qui est reproché à l’ouvrage est d’être implanté sur une zone non-constructible et d’être implanté sans titre. Or, précisément, comme la zone n’est pas constructible au regard du PLU, la société ENGIE ne pourra pas obtenir d’autorisation d’urbanisme pour le projet. Il est difficile de se projeter davantage dans l’étape suivante du contrôle du juge, puisque nous avons peu d’informations sur l’état du projet, sur les matériaux utilisés et sur les projets de l’entreprise. On sait toutefois que les travaux sont entrepris depuis un an et demi, ce qui implique qu’ils doivent être sur le point d’être achevés. Il y aurait donc davantage d’inconvénients à le détruire, et l’on avoisine alors le bilan propre à l’arrêt Commune de Clans. On peut aussi noter que ces postes sont des ouvrages essentiels en matière de distribution d’électricité. Néanmoins, l’installation de ce poste sur une zone inconstructible est particulièrement grave et dangereuse. En effet, la zone est classée comme non constructible en raison d’un risque d’inondation. Il y aurait donc de graves risques en termes de sécurité des installations, à ne pas détruire les postes de transformation. À notre sens, alors même que le projet de construction de l’ouvrage est assez avancé, et que les postes sont essentiels à la distribution de l’électricité, sa démolition s’impose en raison des risques d’inondation de la zone. En conclusion, bien qu’inachevé, le poste de transformation en cours d’installation devrait pouvoir être démoli sur injonction du juge, dès lors qu’il est construit sur une zone présentant un risque d’inondation. 3) Enfin, la société Auto-Fourrière vous explique qu’elle est également mécontente depuis l’installation d’une boite de nuit au sein d’une aire de repos située le long de cette route départementale. En effet, cet Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 6 établissement, comme tout le monde le sait, ne respecte jamais les règles plafonnant le niveau sonore des discothèques, ce qui cause d’importantes nuisances sonores. La société Auto-Fourrière craint que cela n’accélère la dépréciation de la valeur de son entrepôt. Décidant de prendre la situation en main, la société a contacté le préfet pour lui demander de fermer l’établissement comme l’autorise l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique. Cet article prévoit « La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements (...) / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation ». Mais le préfet a refusé d’y procéder, arguant du principe d’opportunité dans le prononcé des sanctions. La société veut engager la responsabilité du préfet pour carence. Que peut-elle faire ? (3 points). I) Sur la qualification de la mesure à prendre (1,5 points) La distinction entre les mesures de police administrative et les sanctions administratives dépend d’un critère finaliste. C’est l’intention de réprimer un manquement aux lois et règlements, qui distingue la sanction administrative des mesures de police. La sanction administrative se distingue de la mesure de police administrative en ce qu’elle vise à punir une personne qui a enfreint une réglementation et non à prévenir les troubles à l’ordre public. Parfois, la sanction remplit aussi une fonction préventive. Dans ce cas, le juge recherche la finalité essentielle de la mesure litigieuse. Ainsi, une finalité essentiellement répressive caractérise une sanction (CE, 20 décembre 2000, Société A Conseils Finance), tandis qu’une finalité essentiellement préventive caractérise une mesure de police (CE, 22 juin 2001, Société Athis). Dans l’avis Presteil de 2013, le Conseil d’État a qualifié l’ensemble des mesures de fermeture de débits de boissons de mesures de police administrative. En l’espèce, la société souhaite que le préfet procède à la fermeture administrative de la discothèque sur le fondement de l’article L. 3332-15 du CSP. Cette mesure a été qualifiée de mesure de police administrative par la jurisprudence, indépendamment des motifs la justifiant (CE 2013 Presteil). Quoi qu’il en soit, cette mesure serait, en l’espèce, fondée sur un trouble à l’ordre public, notamment des nuisances sonores, et serait essentiellement préventive puisqu’elle aurait pour objet de garantir la tranquillité publique. En conclusion, le manquement reproché est une carence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative. Le principe d’opportunité des poursuites ne saurait être invoqué. II) Sur la responsabilité pour carence (1,5 points) Depuis l’arrêt Tomaso Grecco de 1905, le principe d’irresponsabilité du fait des actes de police a été abandonné. L’administration engage donc sa responsabilité pour des actes juridiques ou matériels de police (CE 2011 Cne de Massels). La carence dans l’édiction d’une mesure de police peut dès lors être reprochée à l’administration (CE, 1972, Marabout), d’autant plus qu’il existe une obligation de prendre les mesures de nature à garantir l’ordre public (CE 1962 Doublet). La carence dans l’édiction de mesures relève alors d’un régime de responsabilité pour faute simple (CE, 1995, Delavallade ; CE avis 2008). En l’espèce, il s’agit donc de savoir si le préfet était tenu de fermer la boîte de nuit et s’il pouvait engager la responsabilité de l’État en s’abstenant de le faire. Sur ce point, les excès de la boîte de nuit étaient connus de tous et la situation a été portée à l’attention du préfet par la demande de la société Auto-Fourrière. Il était donc averti de la situation et du trouble à l’ordre public qu’elle causait. Son inaction et son refus Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 7 d’adopter la mesure sont donc constitutifs d’une carence. Celle-ci était nécessairement fautive, étant donné qu’il lui revient de prendre les mesures propres à garantir l’ordre public. En conclusion, la société Auto-Fourrière pourra engager la responsabilité de la puissance publique pour faute simple en raison de la carence dans l’adoption de la mesure de fermeture de la discothèque. Objectif Barreau – Droit administratif – Sujet n°4 8

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