Cours de Droit Économique 2024-2025 (PDF)
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École supérieure de comptabilité
2024
Pauline BAUS, Pascaline GOFFIN, Astrid LECLÈRE, Laura NICOLINI, Charlotte SIKIVIE
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Summary
These are lecture notes from a Belgian business school's course on economic law, focusing on the different sources of economic law, differences between civil and business law, and the exercise of economic activity.
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Chambre belge des comptables et experts-comptables de la Province de Liège École supérieure de comptabilité DROIT ÉCONOMIQUE NOTES DE COURS 2024-2025 Pauline BAUS Pascaline GOFFIN Astrid LECLÈRE Laura NICOLINI Charlotte SIKIV...
Chambre belge des comptables et experts-comptables de la Province de Liège École supérieure de comptabilité DROIT ÉCONOMIQUE NOTES DE COURS 2024-2025 Pauline BAUS Pascaline GOFFIN Astrid LECLÈRE Laura NICOLINI Charlotte SIKIVIE C.B.C.E.C. – Droit économique PREMIÈRE PARTIE : NOTIONS GÉNÉRALES INTRODUCTION Section 1 - Sources de droit économique 1. Code de commerce de 1807 (abrogé) 2. Code de droit économique du 28 février 2013 (CDE) Le processus de codification a été conçu selon la technique de la « législation par modules ». Son adoption s’est faite progressivement, au fur et à mesure d’une succession de lois modificatives, ce qui n’a pas aidé à lui assurer une cohérence d’ensemble. Il ne s’agit pas là d’une « codification véritable », organisant les législations économiques de manière cohérente et réfléchie à partir d’une réflexion de fond sur les principes généraux débouchant sur une version consolidée et univoque, mais plutôt d’une simple organisation et coordination de la règlementation économique existante. Le législateur a souhaité circonscrire le CDE aux règles générales gouvernant l’économie, applicables a priori à l’ensemble des secteurs économiques. Il est axé sur « l’entreprise » et plus sur le seul « commerçant » qu’elle englobe. La structure du CDE se décompose en 19 livres (le Livre XIV ayant été abrogé) qui visent : Livre Ier : les définitions préliminaires et concepts juridiques généraux repris dans les autres livres (entreprise et consommateur, biens et services, jour ouvrable, etc.), mais également les définitions spécifiques à certains livres ; Livre II : les objectifs et principes généraux qui gouvernent le Code (liberté d’entreprendre, honnêteté dans les transactions économiques et recherche d’un niveau élevé de protection des consommateurs) ; Livre III : les principes d’accès au marché et de maintien sur celui-ci : liberté d’établissement, liberté de prestation de services, inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises, tenue d’une comptabilité, etc. Livre IV : le droit de la concurrence et en particulier la création d’une nouvelle mouture de l’autorité fédérale de concurrence ; Livre V : la réglementation relative aux prix qui vise à susciter davantage la transparence et la concurrence en matière de prix ; Livre VI : les dispositions relatives aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (visées anciennement par la loi du 14 juillet 1991 puis par la loi sur les pratiques du commerce et la protection du consommateur du 6 avril 2010) – cf. Ch. IV.8. infra ; il intègre de nouvelles dispositions, issues notamment de la directive européenne 2011/83/UE, qui renforcent la dispense d’informations en phase précontractuelle et modifient le sort des contrats à distance hors établissement (harmonisation des délais de rétractation par exemple) ; ce livre doit être lu en parallèle avec le Livre XIV, qui soumet les prestations titulaires de professions libérales à des règles particulières en matière de pratiques du marché et de protection du consommateur ; ne Droit économique 2023-2024 Page 2 C.B.C.E.C. – Droit économique sont par contre pas codifiés les article 1649 bis et sv du Code civil en matière de garantie de conformité des biens de consommation, la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, les dispositions protectrices des consommateurs de services financiers (législation transposant la directive MIFID, notamment l’arrêté royal du 25 avril 2014 imposant certaines obligations d’information lors de la commercialisation de produits financiers auprès de clients de détail), la loi du 27 mars 2014 en matière de commerce électronique,… ; Livre VII : les services de paiement et les mécanismes de crédit, intégrant la réglementation relative au crédit hypothécaire et à la consommation, aux services bancaires et aux services de base et à la centrale des crédits aux particuliers ; Livre VIII : les normalisations, les accréditations, les certifications et la métrologie ; Livre IX : la sécurité des produits et des services ; Livre X : les contrats spéciaux en matière économique (codification des dispositions des lois du 27 juillet 1961 en matière de concessions de vente, du 13 avril 1995 en matière de contrat d’agence et du 19 décembre 2005 en matière d’information précontractuelle dans les accords de partenariat commercial, qui vise dorénavant également les contrats d’agence) ; Livre XI : les dispositions en matière de droits intellectuels ; Livre XII : le droit en matière de commerce électronique ; Livre XIII : la concertation entre autorités publiques et économiques (actuellement régie par la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie) ; Livre XIV : Abrogé Livre XV : la réglementation relative à la détection et à la constatation des infractions ainsi qu’aux sanctions ; Livre XVI : le règlement extrajudiciaire des litiges ; Livre XVII : les procédures juridictionnelles particulières (notamment l’action en cessation et l’action de groupe ou class action) ; Livre XVIII : les mécanismes particuliers d’intervention de l’autorité publique en situation de crise. Livre XIX : les dettes du consommateur (en vigueur depuis le 1er septembre 2023) ; Livre XX : insolvabilité des entreprises (en vigueur pour la majorité de ses dispositions le 1er mai 2018) 3. Les lois particulières, non codifiées Certaines lois ont été écartées du processus de codification comme par exemple le droit des société (Code des sociétés et associations). La loi sur les faillites du 8 août 1997 et la loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009 ont finalement été intégrées dans le CDE le 1er mai 2018. Droit économique 2023-2024 Page 3 C.B.C.E.C. – Droit économique 4. Les réglementations sectorielles Par exemple, en matière de télécommunications, d’assurances, de services bancaires ou financiers, etc., jugées trop spécifiques pour s’incorporer dans le recueil de règles et principes généraux qu’est le CDE. 5. Droit civil Applicable chaque fois que les lois économiques ne contiennent pas de dispositions spécifiques (ex : les principes de droit des obligations et du droit des contrats restent souvent d’application en matière économique). 2. Sources internationales - les traités internationaux : accords de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), les conventions internationales de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international) ; - le droit européen : le droit économique est de plus en plus dicté par l’Union européenne ; il a pour objet d’établir un espace économique de liberté (libre échange, libre concurrence, libre circulation des personnes et des capitaux) et une union économique entre les États membres. 3. Coutumes et usages professionnels Il s’agit de pratiques courantes liées à la vie des entreprises qui ont paru à ce point nécessaires qu’elles ont progressivement pris, par la reconnaissance collective de leur force contraignante, obligatoire – parfois renforcée par leur reconnaissance jurisprudentielle (par les cours et tribunaux) – valeur de norme juridique ; elles n’ont donc a priori pas de force obligatoire mais leur pratique commerciale généralisée les rend contraignantes. De nombreux usages ont été formalisés, codifiés, par certaines organisations et associations professionnelles internationales dans le but d’uniformiser les pratiques et comportements et, dès lors, de favoriser la simplification et donc la rapidité des échanges économiques (ex : les INCOTERMS adoptés par la CCI en matière de vente et transports internationaux de marchandises ; les RÈGLES ET USANCES UNIFORMES adoptées par la CCI en matière de crédit documentaire). 4. Doctrine (littérature scientifique des spécialistes du droit – universitaires, magistrats, avocats) et jurisprudence (décisions des juridictions). Section 2 - Différences entre droit civil et droit économique 1. Nature Le droit civil est en principe applicable à tous. Le droit économique est une législation spéciale à caractère économique et professionnel avec un champ d’application limité. Le droit économique est un droit incomplet qui suppose l’existence d’un droit commun. 2. Capacité En droit civil, à partir de 18 ans, on est capable. En droit économique, il y aura des conditions d’accès, de connaissances en gestion de base et de compétences professionnelles. Droit économique 2023-2024 Page 4 C.B.C.E.C. – Droit économique 3. Preuve Toutes les preuves sont admissibles en droit économique. Une force probante particulière est également attribuée à la comptabilité d’une entreprise (Art. 8.11 du Nouveau Code civil – en vigueur le 1er novembre 2020). 4. État d’insolvabilité En droit civil, l’état d’insolvabilité se constate dans le cadre d’une procédure de règlement collectif de dettes (désignation d’un médiateur de dettes). En droit économique, l’état d’insolvabilité se constate dans la faillite, qui est la situation de droit résultant d’un jugement concernant uniquement les entreprises. 5. Tribunaux Les contestations entre entreprises se règlent devant le Tribunal de l’entreprise. Depuis la loi du 26 mars 2014 qui modifie l’article 573 du Code judiciaire, le Tribunal de l’entreprise ne connaît plus seulement des litiges entre commerçants, mais il connaît de tous les litiges entre entreprises. En outre, en vertu de l’article 573 alinéa 2 du Code judiciaire, « la demande dirigée contre une entreprise peut également être portée (…) devant le Tribunal de l’entreprise, même si le demandeur n’est pas une entreprise ». Une personne qui n’est pas une entreprise peut donc assigner une entreprise devant le Tribunal de l’entreprise. Elle dispose ainsi d’une option qui lui permet d’introduire sa demande contre une entreprise, soit devant le Tribunal de l’entreprise, soit devant le Tribunal de première instance (ou si le montant ne dépasse pas 5.000 €, le juge de paix). Droit économique 2023-2024 Page 5 C.B.C.E.C. – Droit économique CHAPITRE I : EXERCICE DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE 1/ L’entreprise est définie à l’article I.1, 1° CDE de la manière suivante : « Chacune des organisations suivantes : (a) toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant ; (b) toute personne morale ; (c) toute autre organisation sans personnalité juridique. Nonobstant ce qui précède, ne sont pas des entreprises, sauf s'il en est disposé autrement dans les livres ci-dessous ou d'autres dispositions légales prévoyant une telle application : (a) toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui ne procède effectivement pas à une distribution à ses membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique de l'organisation ; (b) toute personne morale de droit public qui ne propose pas de biens ou services sur un marché; (c) l'Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les prézones, l'Agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes territoriaux intracommunaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d'action sociale ». Cette notion permet d’englober sans difficultés les commerçants, les artisans, les ASBL exerçant une activité économique ou les personnes exerçant une profession libérale. Une personne physique n’est une entreprise au sens de l’article I.1,1° CDE que lorsqu’elle constitue une organisation consistant en un agencement de moyens matériels, financiers ou humains en vue de l’exercice d’une activité professionnelle à titre indépendant ; il s’ensuit que le gérant ou l’administrateur d’une société qui exerce son mandat en dehors de toute organisation propre n’est pas une entreprise. Il ne suffit pas d’avoir égard à l’exercice de l’activité de gérant à titre professionnel et lucratif sans examiner s’il l’exerce dans le cadre d’une organisation propre (Cass., 18/03/2022 et 09/02/2023). 2/ La liberté d’entreprise reste un principe fondamental de notre système économique (cf. art.II.3 du Code économique « Chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix »). 3/ Le Code économique a trois objectifs (art. II.2 CDE) : - garantir la liberté d’entreprendre - garantir la loyauté des transactions économiques - assurer un niveau élevé de protection du consommateur Droit économique 2023-2024 Page 6 C.B.C.E.C. – Droit économique L’exercice de cette liberté d’entreprendre se concrétise par la liberté des entreprises d’entrée sur le marché (livre III du CDE). Mais cette liberté est limitée par des incompatibilités, des conditions d’accès à la profession et des réglementations particulières (autorisations, agréations, licences). Section 1 – Incompatibilités – Interdictions - Incapacités 1. Incompatibilités – Incapacités – interdictions a) Incompatibilités Ne peuvent exercer une entreprise de nature commerciale, car il y a incompatibilité avec l’exercice de leur profession principale : les magistrats, les membres du parquet (membres de l’ordre judiciaire - art. 299 du Code judiciaire), les avocats (art. 437, 3 ° du Code judiciaire), les notaires (loi du 16 mars 1803), les huissiers de justice (art. 518 du Code judiciaire), les ministres du culte (imam, moine, prêtre, rabbin,…), les policiers (art. 216 Nouvelle loi communale, codifié par l’arrêté royal du 24 juin 1988, ratifié par la loi du 26 mai 1989) et plus généralement les fonctionnaires et agents de l’État ou assimilés et à certains agents communaux (secrétaires communaux art. 27 – receveur local art. 68 – certains employés et pompiers permanents art. 153) et provinciaux. b) Incapacités juridiques Les incapacités de faire commerce s’identifient aujourd’hui à celles qui frappent les incapables au sens du droit civil (incapacité d’exercice). La loi du 17 mars 2013 a réformé les régimes d’incapacité que nous connaissions jusque là et instauré un nouveau statut de protection qui est entré en vigueur le 1er septembre 2014. Il existe désormais un statut global et unique de protection, à savoir la possibilité de désigner un administrateur de biens mais aussi, si nécessaire, un administrateur de la personne. Cette loi abroge les anciens régimes de protection (interdiction, conseil judiciaire, minorité prolongée, administration provisoire des biens) et réforme fondamentalement la protection juridique due aux personnes les plus vulnérables de notre société. Les personnes que la loi considère donc comme incapables d’exercer une activité en qualité d’entreprise sont : 1/ Le mineur d’âge (art. 388 et 488 du Code civil) : celui qui n’a pas encore 18 ans. La seule exception à ce principe réside dans la possibilité pour le tuteur d’être autorisé par le juge de paix de poursuivre, au nom du mineur, le commerce des parents décédés de celui-ci (art. 407, §1, 7° Droit économique 2023-2024 Page 7 C.B.C.E.C. – Droit économique du Code civil) ou de continuer un commerce dans une succession légale ou testamentaire (art. 410 § 1, 12° du Code civil). 2/ Le majeur, qui en raison de son état de santé, est totalement ou partiellement hors d'état de gérer ses biens, fût-ce temporairement, et qui est placé sous administration de biens (488 bis et sv. du Code civil). c) Interdictions Certaines condamnations peuvent avoir pour effet de limiter le droit de certaines personnes en matière de commerce, ainsi : 1/ Interdiction judiciaire faite à certains condamnés d’exercer certaines fonctions professions ou activités (ex : si condamnation pénale pour faux en écriture, vol, extorsion, abus de confiance, escroquerie, juge peut l’assortir de l’interdiction d’exercer les fonctions d’administrateurs de sociétés), Le juge peut interdire d’exercer une activité commerciale ; tel est le cas lorsque le juge condamne une personne du chef d’une des infractions visées aux articles 489, 489 bis et ter (infractions liées à l’état de faillite) et 492 bis du Code pénal (abus de biens sociaux). 2/ le Tribunal de l’entreprise qui a déclaré la faillite peut, s’il est établi une faute grave et caractérisée dans le chef du failli, lui interdire d’exercer toute activité commerciale (concerne le failli non déclaré excusable – durée de l’interdiction entre 3 et 10 ans). 2. Compétences requises a) Conditions générales d’accès à la profession Exercer une activité économique, être majeur, capable, pas interdit. b) Conditions particulières d’accès à la profession Toute personne physique ou morale qui souhaite exercer une activité commerciale doit prouver qu’elle est dirigée par des personnes responsables possédant des capacités entrepreneuriales suffisantes, à savoir : connaissance en gestion de base, compétences techniques et professionnelles en la matière. La vérification des capacités de gestion et des compétences professionnelles est confiée aux guichets d’entreprise. L’administration du SPFE reste compétente en cas de doute sur un diplôme ou une expérience. Une entreprise commerciale ou artisanale qui veut s’inscrire dans la Banque-Carrefour des Entreprises doit prouver ses capacités entrepreneuriales. Les capacités entrepreneuriales consistent dans les connaissances de gestion de base, la compétence professionnelle Droit économique 2023-2024 Page 8 C.B.C.E.C. – Droit économique intersectorielle et la compétence professionnelle sectorielle. Toute personne ne pouvant pas prouver une des capacités entrepreneuriales peut présenter un examen devant le Jury Central. En cas de réussite, une attestation est délivrée en vue d’une inscription dans la Banque-Carrefour des Entreprises, via un guichet d’entreprises agréé. Actuellement, il y a 8 guichets d’entreprises agréés. Droit économique 2023-2024 Page 9 C.B.C.E.C. – Droit économique CHAPITRE II : OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES DES ENTREPRISES Section 1 - Immatriculation à la Banque-Carrefour des Entreprises La BCE s’inscrit dans un cadre légal clairement défini dans le CDE au Titre II du Livre III. 1/ Qu'est-ce que la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE) ? La BCE est un registre, une banque de données, reprenant toutes les données d’identification concernant les entreprises et leurs unités d’établissement. Elle reprend les données du registre national des personnes morales, du registre du Commerce, de la T.V.A., de l’ONSS et est tenue à jour par les organismes compétents qui y introduisent les données. 2/ Quelles entreprises ? les personnes physiques qui exercent une activité économique en Belgique les personnes morales qui exercent une activité économique en Belgique les associations qui exercent une activité économique en Belgique les services publics les unités d’établissement des entreprises visées ci-dessus Les indépendants qui exercent une profession libérale (avocats, médecins…), une profession intellectuelle (comptables…) ou une profession libre ou de prestataire de services (professions paramédicales, comme logopédiste...) sont également repris dans la BCE à partir du 30 juin 2009. La qualité « entreprise non-commerciale de droit privé » a été créée à cet effet. Étant donné que de nombreuses professions concernées par cette catégorie sont également soumises à une reconnaissance par une instance compétente (Chambre, Ordre, Institut ou Service public), un champ ‘Autorisation’ a été adapté où ces instances compétentes peuvent indiquer si l’entreprise est reconnue pour l’exercice de cette profession. 3/ Qu'est-ce qu'une unité d’établissement ? Une unité d’établissement est un lieu géographiquement identifiable par une adresse, où s’exerce au moins une activité de l'entreprise ou à partir duquel l’activité est exercée. Ceci signifie qu'une entreprise qui comporte plusieurs unités d'établissement peut figurer plusieurs fois dans la BCE si elle a plusieurs lieux d'activité. Exemples d’unités d’établissement : ateliers, magasins, points de vente, bureaux, directions, sièges, agences et succursales. Droit économique 2023-2024 Page 10 C.B.C.E.C. – Droit économique Section 2 – Tenue d'une comptabilité et établissement de comptes annuels La règlementation se trouve notamment dans le Livre III, Titre III, ch. 2 du CDE consacré aux obligations générales des entreprises, et plus particulièrement à la comptabilité des entreprises (articles III. 82 et s.). 1. Champ d’application : L’étendue des obligations comptables varie en fonction de la taille des entreprises. Il est à noter que nous négligeons ici les particularités propres à certains secteurs : institutions financières et de crédit, sociétés à portefeuille, assureurs, sociétés de bourse,... 2. Obligations selon la classification Le CDE fait la distinction entre les entreprises qui sont tenues à une comptabilité simplifiée et celles qui sont tenues à une comptabilité complète. 1/ Celles qui sont tenues à une comptabilité simplifiée sont généralement qualifiées de « petites entreprises ». Elles sont exercées soit en personne physique, en société en nom collectif (SNC) ou en société en commandite simple (SCS) et ont un chiffre d’affaires annuel qui n’excède pas 500.000 € ou 620.000 € HTVA (montants adaptés périodiquement par arrêté royal) si ces entreprises pratiquent la vente d’hydrocarbures (Art.III.85 CDE & A.R. 12 septembre 1983, art. 1). Certaines activités sont de toute façon exclues du régime des petites entreprises : les institutions de crédit, les agents de change, les sociétés d’assurances, de prêts hypothécaires et de capitalisation et les institutions financières. Ces entreprises peuvent se contenter d'une comptabilité simplifiée, comprenant : Un journal financier, reprenant les mouvements des disponibilités en espèces ou en compte, avec description de l'objet des opérations et mention spéciale des prélèvements privés, ainsi que les soldes journaliers en espèces / en caisse, Un journal des achats, reprenant les achats, les importations effectuées et les prestations reçues, avec mention du montant, du mode et de la date des paiements qui s'y rapportent, (factures entrées - enregistrée par date de réception), Un journal des ventes, reprenant les ventes, les exportations, les prestations fournies et les prélèvements en nature privés, avec mention du montant, du mode et de la date des encaissements qui s'y rapportent (factures sorties – enregistrées suivant date d’émission), Un livre d’inventaire. Les trois journaux imposés (trésorerie, achats et ventes) doivent être tenus par ordre chronologique, sans retard, de manière fidèle et complète. Les livres doivent être nommés et devront comprendre les mentions adéquates et notamment en matière de TVA. Ils devront Droit économique 2023-2024 Page 11 C.B.C.E.C. – Droit économique comprendre au minimum d’un numéro de l’opération avec correspondance des documents justificatifs, date et montants. 2/ les sociétés : Si l’entreprise ne rentre pas dans les critères imposés aux petites entreprises, elle est tenue à une comptabilité complète, mais une nouvelle distinction est établie entre les entreprises sujettes au dépôt de comptes annuels sous la forme abrégée et aux entreprises qui doivent les déposer sous la forme complète. Le Code des sociétés et associations permet de distinguer trois types de sociétés (Art 1 :24 et 1 :25 CSA) selon des critères liés au CA, au total du bilan et au nombre de travailleurs occupés : - les micro-sociétés ; - les petites sociétés ; - les grandes sociétés. 2.1. les micro-sociétés : Sont celles qui, n'étant pas de petites entreprises, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes: 10 travailleurs occupés, 700.000 € de chiffre d'affaires annuel HTVA, 350.000 € de total de bilan (étant entendu que dans le cas d'une entreprise liée à une autre, ces chiffres sont à apprécier sur une base consolidée). Si une entreprise dépasse deux de ces trois critères durant deux années consécutives, elle changera de catégorie. Pourquoi avoir créé une nouvelle catégorie de société ? Leur principal avantage consistera dans le fait qu'elles auront la faculté d'établir leurs comptes annuels selon un micro schéma fixé dans un arrêté royal du 18 décembre 2015 (ce schéma simplifié contient une annexe simplifiée), outre quelques avantages fiscaux (tax shelter, taux plus élevé de déduction pour investissement,…). Le but de la disposition est donc clairement de réduire les obligations administratives contraignantes et leur coût pesant sur les toutes petites entreprises (micro-sociétés). Néanmoins, tous les autres critères et obligations spécifiquement applicables aux petites sociétés s’appliquent aussi aux micro-sociétés puisqu’elles remplissent également les conditions pour être considérées comme de petites sociétés. 2.1. les petites sociétés : Sont celles qui, n'étant pas de petites entreprises, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes: 50 travailleurs occupés, 9.000.000 € de chiffre d'affaires annuel HTVA, 4.500.000 € de total de bilan (étant entendu que dans le cas d'une entreprise liée à une autre, ces chiffres sont à apprécier sur une base consolidée) Cette modification va permettre à un certain nombre de sociétés de bénéficier à nouveau de la déduction majorée pour capital à risque (notionnels), de la possibilité d'amortissement des frais accessoires la première année, d'un coût de publication moindre pour le bilan BNB, et d'une cotisation de sécurité sociale « société » largement allégée... Droit économique 2023-2024 Page 12 C.B.C.E.C. – Droit économique Ces entreprises doivent tenir une comptabilité complète, c'est-à-dire couvrant l'ensemble de leurs activités professionnelles et conforme aux règles usuelles de la comptabilité en partie double. 1/ Les opérations sont inscrites soit dans un livre journal unique, soit dans un journal auxiliaire, unique ou subdivisé en journaux spécialisés, dont les mouvements totaux font, mensuellement au moins, l'objet d'une écriture récapitulative dans un livre central. 2/ Obligation d’établir les comptes selon un plan comptable minimum normalisé 3/ tenir un inventaire complet établi selon les règles d’évaluation imposées par l’AR du 8 octobre 1976 4/ établir des comptes annuels internes (bilan, compte de résultats, annexe). Ceux-ci peuvent être établis selon un schéma abrégé. Plan comptable, règles d'évaluation et comptes annuels doivent être conformes aux critères et modèles arrêtés par le Roi (A.R. des 12 septembre 1983 et 30 janvier 2001). 5/ Les comptes annuels doivent être publiés et déposés à la Banque Nationale de Belgique. 2.3. les grandes sociétés : à savoir toutes les autres c’est-à-dire concrètement celles qui dépassent plus d'une des limites susvisées. Le dépassement par une société des critères de taille de la grande entreprise entraîne les conséquences suivantes (en plus des obligations susvisées pour les petites sociétés) : Obligation d'établir et de publier les comptes annuels selon le schéma complet; Obligation d'établir et de publier un rapport de gestion (articles 3 :4 et s. CSA), Obligation, sauf exception, de nommer un commissaire (réviseur) chargé du contrôle des comptes annuels (articles 3 :87 et s. CSA). Section 3 – Être immatriculé à l’administration de la T.V.A. Toute entreprise doit déposer une déclaration de commencement d’activité au bureau de contrôle de la TVA dont dépend son domicile / son siège social (qui doit être le siège administratif réel) pour obtenir son immatriculation. Elle doit se munir d’un extrait fourni par la BCE et d’un numéro de compte bancaire. Section 4 – Être titulaire d'un compte Le numéro de compte doit être inscrit sur tous les documents commerciaux provenant de l’entreprise par lesquels elle réclame le paiement, de même que le nom de l’établissement financier où le compte est établi. La sanction de ces obligations est simple : aussi longtemps que ces indications n’ont pas été communiquées au débiteur, les intérêts moratoires ne sont pas dus, Droit économique 2023-2024 Page 13 C.B.C.E.C. – Droit économique nonobstant toute mise en demeure, sommation ou clause contractuelle. (AR n°56 du 10 novembre 1967) Il ne peut y avoir paiement en espèces d’une somme supérieure à 3.000 €. Section 5 – S’affilier à une caisse d’assurance sociale personnes physiques / dirigeant : - avant le démarrage de l'activité d'indépendant - cotisations proportionnelles aux revenus sociétés : - dans les 90 jours qui suivent sa constitution - cotisation annuelle forfaitaire Section 6 – Faillite et Procédure de Réorganisation judiciaire (PRJ) La présente section vise à appréhender les différentes procédures qui peuvent exister lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés financières. Le siège de la matière se situe dans le livre XX du Code de droit économique, réformé par une loi du 7 juin 2023. Les différentes possibilités qui s’offrent à une société peuvent être schématiquement présentées comme suit : 1. Prévention a) Chambre des entreprises en difficulté Droit économique 2023-2024 Page 14 C.B.C.E.C. – Droit économique Présentation La chambre des entreprises en difficultés (C.E.D.) est une chambre du tribunal de l’entreprise, composée d’un juge de carrière et de deux juges consulaires. Elle exerce une triple mission : - De prévention en matière d’insolvabilité ; - De médiation ; - La protection des créanciers - De contrôle des conditions de dissolution judiciaire. Dans toutes ses missions, les données traitées par la chambre des entreprises en difficultés sont strictement confidentielles. Examen d’office (art. XX. 25 et s. du Code de droit économique) La chambre des entreprises en difficulté a pour mission de suivre la situation des entreprises en difficulté en vue de préserver la continuité de leurs activités et d’assurer la protection des droits des créanciers. La CED recueille toute une série d’informations au sujet des difficultés rencontrées par les entreprises de son ressort territorial, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales. Ces informations sont notamment récoltées sur base de la consultation du fichier des saisies, des jugements de condamnation par défaut, des jugements de résiliation de bail commercial, ainsi que sur la base des données trimestrielles TVA et ONSS, des créances impayées auprès du SPF FINANCES, des secrétariats sociaux ou d’autres créanciers, lorsque les tentatives de récupération ont échoué. En outre, conformément à l’article XX/1, §2, le président de la CED a la possibilité de consulter l’état des comptes bancaires d’une entreprise auprès du Point de contact central de la BNB. Cette demande est motivée et les informations recueillies sont, bien évidemment, strictement confidentielles. Elle suit la situation de ces entreprises en difficulté en vue de préserver la continuité de leurs activités et d’assurer la protection des droits des créanciers. La chambre des entreprises en difficulté envoie un questionnaire à l’entreprise. Elle peut procéder elle-même à l’examen ou confier l’examen à un juge rapporteur. Elle agit dans l’optique du redressement de l’entreprise, lorsque celui-ci est possible. Lorsque la chambre ou le juge rapporteur estime qu’une probabilité d’insolvabilité du débiteur existe, ils peuvent appeler et entendre le débiteur afin d’obtenir toute information relative à l’état de ses affaires et au sujet des mesures de réorganisation éventuelles. Dans ce cas, une convocation est envoyée à l'adresse de son siège social par le greffe du tribunal afin d'entendre le débiteur. Droit économique 2023-2024 Page 15 C.B.C.E.C. – Droit économique L’enquête a lieu à huis clos. Le débiteur comparaît en personne, éventuellement assisté des personnes de son choix. Le juge rapporteur ou la chambre doit ensuite réaliser un rapport. Si les difficultés rencontrées sont telles qu’un redressement ne parait pas envisageable, la chambre des entreprises en difficulté peut alors communiquer le dossier de l’entreprise en difficulté au parquet du Procureur du Roi qui envisagera, le cas échéant, de solliciter sa mise en faillite. Examen à la requête du débiteur L’entreprise en difficulté peut d’elle-même saisir la chambre des entreprises en difficulté afin notamment de : - convoquer vos créanciers afin de tenter de conclure un accord amiable (XX.29/1 du Code de droit économique) ; - désigner un praticien de la réorganisation en vue de faciliter le redressement de votre entreprise (XX.29/2 du Code de droit économique). La chambre va alors déterminer l’étendue et la durée de sa mission. b) Praticien de la réorganisation L’entreprise en difficulté peut également demander au président du tribunal de désigner un praticien de la réorganisation, notamment lorsque des évènements rendent l’entreprise ingérable par ses dirigeants (XX. 30 du Code de droit économique). Le praticien de la réorganisation a pour mission de faciliter la réorganisation de tout ou partie des actifs ou des activités de l’entreprise. c) Accord amiable (hors PRJ) L’entreprise en difficulté peut enfin négocier un accord amiable avec un ou plusieurs de ses créanciers et demander au président du tribunal d’homologuer cet accord amiable. Cette requête doit être déposée dans le registre central de la solvabilité (https://www.regsol.be/) 2. Réorganisation judiciaire Une entreprise en difficulté peut également envisager d’introduire devant le tribunal de l’entreprise une demande de réorganisation judiciaire. La procédure en réorganisation judiciaire (PRJ) a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie des activités de l’entreprise. Il existe depuis la réforme du 7 juin 2023, une procédure publique et une procédure privée. a) Procédure de réorganisation judiciaire publique La PRJ publique permet d'accorder un sursis au débiteur en vue : - soit de permettre la conclusion d'un accord amiable avec un ou plusieurs créanciers : il s’agit de la PRJ par accord amiable ; Droit économique 2023-2024 Page 16 C.B.C.E.C. – Droit économique - soit d'obtenir l'accord des créanciers sur un plan de réorganisation : il s’agit de la PRJ par accord collectif, elle-même scindée en une procédure pour les PME et une procédure pour les Grandes Entreprises. La requête est signée par le débiteur ou par son avocat. Elle est déposée avec les pièces nécessaires dans le Registre central de la solvabilité. Plusieurs documents doivent être joints à la requête : le détail de ces documents est exposé dans l’article XX.41. §2 du Livre XX du Code de droit économique. Il s’agit des documents suivants : 1° un exposé des événements sur lesquels est fondée sa demande et dont il ressort qu'à son estime, la continuité de son entreprise est menacée à court ou moyen terme ; 2° l'indication de l'objectif pour lequel il sollicite l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ; 3° l'indication d'une adresse électronique à laquelle il peut être joint ; 4° les deux derniers comptes annuels qui auraient dû être déposés conformément aux statuts, ainsi que les comptes annuels du dernier exercice, qui n'auraient éventuellement pas encore été déposés ou, si le débiteur est une personne physique, les deux dernières déclarations à l'impôt des personnes physiques ; 5° une situation comptable qui reflète l'actif et le passif et le compte de résultats ne datant pas de plus de trois mois, établis avec l'assistance d'un réviseur d'entreprises, d'un expert-comptable ; 6° un budget contenant une estimation des recettes et dépenses pour la durée minimale du sursis demandé, préparé avec l'assistance d'un des professionnels visés au 5° de cet article; sur avis de la Commission des normes comptables, le Roi peut établir un modèle de prévisions budgétaires; 7° lorsque la chose est possible, une liste complète des créanciers sursitaires reconnus ou se prétendant tels, avec mention de leur nom et du montant de leur créance et avec mention spécifique de la qualité de créancier sursitaire extraordinaire et du bien grevé d'une sûreté réelle ; 8° un exposé des mesures et propositions qu'il envisage pour rétablir la rentabilité et la solvabilité de son entreprise, pour mettre en œuvre un éventuel plan social et pour satisfaire les créanciers; 8°/1 la mention du nombre de travailleurs occupés au moment du dépôt de la requête; 8°/2 les données d'identification des entreprises liées; 9° un exposé de la manière dont le débiteur a satisfait aux obligations légales et conventionnelles d'information et de consultation des travailleurs ou de leurs représentants; 10° la liste des associés si le débiteur est une entreprise visée à [l'article I.1, alinéa 1er, 1°, c)] ou d'une personne morale dont les associés ont une responsabilité illimitée, et la preuve que les associés ont été informés; 11° éventuellement une copie des commandements et exploits de saisie-exécution mobilières et immobilières, tels qu'ils apparaissent au fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes. L’entreprise en difficulté est suivie pendant sa PRJ par un juge délégué, qui est un magistrat (juge consulaire) du tribunal et qui est désigné dès le dépôt de votre demande. Le juge-délégué fait régulièrement rapport au tribunal. Notamment, le juge-délégué rencontrera l’entreprise, au tribunal ou au siège des activités de l’entreprise, pour évaluer la situation de l’entreprise et ce, avant l’audience d’examen de la requête par le tribunal. Droit économique 2023-2024 Page 17 C.B.C.E.C. – Droit économique L’examen de la requête par le tribunal doit intervenir dans les 15 jours du dépôt de la demande dans le registre. L’entreprise sera alors convoquée et l’audience se tiendra à huit clos. La présence de l’entreprise, et le cas échéant, celle de son conseil et de son comptable, est souhaitable. Si la demande est acceptée par le tribunal, un sursis, défini à l’article I.22, 20° CDE, sera accordé à l’entreprise pour un durée maximale de 4 mois, qui peut, sous certaines conditions, être prolongée jusqu’à un maximum de 12 mois. Le jugement qui déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire est publié par extrait au Moniteur belge. Cette période de sursis doit être mise à profit pour envisager concrètement toutes les mesures utiles au redressement. La restructuration est en principe menée par le dirigeant. L’entreprise a des obligations durant le sursis : notamment, le juge-délégué désigné doit être tenu informé de l’évolution de la situation de l’entreprise tout au long du sursis. Le jugement d’ouverture de la procédure énumère généralement un ensemble de documents qui doivent parvenir spontanément au juge-délégué durant le sursis. L’assistance du comptable est indispensable. Durant le sursis, plusieurs évènements peuvent se produire : prorogation de sursis, changement d’objectif éventuel, demande de mainlevée de saisie, demande de suspension des opérations de vente, contestation de créance, homologation d’un accord amiable, dépôt du plan de redressement et vote de ce dernier...). b) Procédure de réorganisation judiciaire privée L’objectif de la PRJ privée est de permettre au débiteur en difficulté d’obtenir rapidement un accord entre ses créanciers, que ce soit un accord pour toutes ses dettes ou une partie d’entre elles, sous forme d’un accord amiable en réorganisation judiciaire ou d’un accord collectif. Cette procédure vise à résoudre une difficulté majeure des procédures ordinaires de réorganisation judiciaire qu’est la publicité. Par son caractère privé, la procédure permet d’éviter l’atteinte à la réputation de l’entreprise et d’inciter les entreprises en difficulté, à solliciter le plus rapidement possible l’ouverture d’une procédure en réorganisation judiciaire. La requête est signée par le débiteur ou par son avocat. Elle est déposée avec les pièces nécessaires dans le Registre central de la solvabilité. Plusieurs documents doivent être joints à la requête : le détail de ces documents est exposé dans l’article XX.83/22 du Livre XX du Code de droit économique. Ils sont moins nombreux que dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire publique. Seuls les documents 1°, 3° et 4° (cf. supra) sont obligatoires. L’examen de la requête par le président du tribunal doit intervenir dans les 8 jours du dépôt de la demande de l’entreprise dans le registre. L’entreprise est alors convoquée à cette audience qui se tient à huit clos. La présence de l’entreprise, et le cas échéant, celle de son conseil et de son comptable, est souhaitable. Si la demande est acceptée par le président du tribunal, ce dernier va désigner un praticien de la réorganisation dont la mission sera de faciliter la conclusion d’un accord amiable ou pour établir un plan de réorganisation. L’ordonnance qui désigne ce praticien de la réorganisation n’est pas Droit économique 2023-2024 Page 18 C.B.C.E.C. – Droit économique publié au Moniteur belge. Dans l’hypothèse où un accord amiable se dégage ou dans l’hypothèse où l’approbation d’un plan de réorganisation apparait comme suffisamment plausible, le tribunal désignera un juge délégué qui lui fera rapport à une date qui sera fixée par le tribunal pour examiner l’accord amiable ou faire procéder au vote du plan de réorganisation. Cette procédure est confidentielle depuis le dépôt de la requête jusqu’au jugement d’homologation. 3. Faillite La faillite est une procédure qui reste plus que jamais d’actualité et à laquelle tout acteur économique est susceptible d’être confronté. Face à ce constat, surgissent de nombreuses questions pratiques, qu’on soit débiteur en difficultés ou créancier d’un failli ; nous en aborderons dix. 1/ Qu'entend-on par faillite ? Art. XX.99 CDE Trois conditions doivent être remplies pour être déclaré en faillite : primo, le débiteur doit être commerçant/entreprise et avoir cessé ses activités depuis moins de six mois ; Les ASBL et fondations sont des entreprises mais se voient appliquer un régime particulier : elles ont la faculté (mais non l’obligation) de faire aveu de faillite et le curateur est assisté d’un co- curateur spécialiste du non-marchand. Pour les titulaires de professions libérales, le curateur est assisté d’un co-curateur membre de l’ordre ou de l’institut dont relève le failli. L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’une entreprise, dont les associés ont une responsabilité illimitée (SNC, SCS), n’entraine pas nécessairement, par ce fait même, l’ouverture d'une procédure d’insolvabilité à l’encontre de ces mêmes associés. Mais possibilité de faire aveu de faillite en nom personnel. secundo, le débiteur doit avoir cessé ses paiements de manière persistante : il ne sait plus payer ses créanciers (ni respecter les plans d’apurement éventuellement négociés) ; Le débiteur n’honore plus ses dettes liquides et exigibles. 1 seule dette peut suffire, eu égard au patrimoine du failli et à sa situation financière globale. tertio, le crédit du débiteur doit être ébranlé : il a perdu la confiance de ses créanciers. 2/ Qui en a l’initiative ? Le débiteur, ses créanciers ou le Ministère public peuvent prendre l’initiative de solliciter la faillite. Droit économique 2023-2024 Page 19 C.B.C.E.C. – Droit économique Le débiteur lui-même est légalement obligé de demander la faillite (« faire aveu de faillite ») auprès du greffe du Tribunal de l’entreprise dans le mois suivant la cessation de paiement, sous peine d’engager sa responsabilité (Art. XX.102 al.1er CDE). 3/ Comment faire aveu de faillite concrètement ? L’aveu se fait par voie électronique dans le registre (REGSOL, plateforme électronique d’application depuis le 1er avril 2017)) ou exceptionnellement, par dépôt d’un acte au greffe lorsque le débiteur se trouve dans l'impossibilité de faire l’aveu par voie électronique (Dans ce dernier cas, le greffier convertit l'acte en un document électronique). Le Tribunal de l’entreprise compétent est celui du centre des intérêts principaux de l’entreprise, c’est le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers. L’établissement principal de la personne physique ou le siège social de la personne morale est réputé être le centre des intérêts principaux de l’entreprise. L’entreprise doit déposer une série de documents (Art. XX.103 CDE), à savoir essentiellement : la dernière situation comptable, les deux derniers comptes annuels (souhaitable), le registre du personnel, les données sociales (secrétariat social, identité des membres de la délégation syndicale…), une balance clients et fournisseurs reprenant le nom et l'adresse de ceux-ci, la liste des personnes qui se sont constituées cautions des engagements l'entreprise, … Par ailleurs, la personne spécialement mandatée pour procéder à l'aveu de faillite, devra établir qu'elle peut valablement représenter l'entreprise (carte d’identité, statuts). 4/ Que se passe-t-il après l'aveu de faillite ? Suite à l'aveu de faillite, le Tribunal de l’entreprise tiendra une audience en présence du Procureur du Roi. Le plus souvent, il déclare l’entreprise en faillite (s’il estime que les conditions de la faillite sont réunies) et désigne un juge commissaire et un ou plusieurs curateurs, voire un co-curateur (si l’entreprise est titulaire d’une profession libérale). 5/ Quels sont les principaux acteurs de la faillite et quel est leur rôle ? La faillite est gérée par le curateur sous la surveillance du juge-commissaire et sous le contrôle du tribunal de l’entreprise. Le curateur est un avocat désigné par le tribunal. Il agit en tant que représentant des créanciers et du failli. Il administre les biens de la faillite, réalise les actifs et est chargé d’en répartir le prix entre les créanciers. Le curateur fait annuellement rapport au tribunal quant à la situation de la faillite. Le juge-commissaire est un magistrat choisi parmi les juges consulaires, membre du tribunal de l’entreprise. Il supervise l'administration de la faillite par le curateur. Le Tribunal de l’entreprise contrôle les opérations de la faillite. Il rend notamment les jugements d'autorisation de poursuite des activités, d'autorisation de vente de certains actifs, il fixe les créances contestées, il taxe les honoraires du curateur, il approuve les comptes, il prononce la clôture la faillite et statue sur l'excusabilité du failli. Droit économique 2023-2024 Page 20 C.B.C.E.C. – Droit économique Le co-curateur est désigné en cas de faillite d’une entreprise titulaire profession libérale. Il exerce la même profession que le failli, c’est un membre de l’ordre ou de l’institut dont dépend le failli. Il veille au respect du secret professionnel du failli. 6/ Quelles sont les principales étapes du déroulement de la faillite ? Dès le prononcé du jugement, le curateur, et si possible le juge-commissaire, rencontrent le failli (« descente de faillite »). Le curateur fait procéder à l'inventaire des biens ; il examine les livres comptables ; il prend les mesures conservatoires nécessaires, comme par exemple mettre les biens en lieu sûr et les assurer ou en laisser la garde au failli ; il examine les contrats en cours et résilie ceux qui n'ont plus d'intérêt (contrats de travail, baux, abonnement au téléphone, à l'électricité) ; il reprend les actions en justice qu’il estime opportunes, … Il examine également avec le failli l'intérêt de poursuivre provisoirement les activités, par exemple quand certaines commandes pourraient être achevées utilement ou lorsque le maintien des activités permettrait de conserver la clientèle et de mieux réaliser les actifs, notamment via une cession du fonds de commerce. Par ailleurs, le curateur vérifie, avec le failli si nécessaire, les créances qui auront été déposées. Le curateur est chargé de réaliser les éléments (meubles / stocks et immeubles) qui composent l’actif de la faillite. Néanmoins, le failli devra bien entendu collaborer avec le curateur afin de réaliser au mieux les actifs : pour la réalisation de stocks, le failli est souvent le mieux placé pour indiquer au curateur les amateurs susceptibles d'être intéressés ; son aide est également précieuse en ce qui concerne les récupérations des créances sur clients. 7/ Quels sont les principaux effets de la faillite ? Le dessaisissement : à partir du jour du prononcé du jugement déclaratif, le failli ne peut plus gérer ses biens, il ne peut donc plus ni payer ses créanciers, ni recevoir de paiement de ses débiteurs. La procédure de faillite a pour but de mettre le patrimoine du débiteur sous la gestion d'un curateur, chargé d'administrer le patrimoine du failli, de le liquider et de répartir le produit de la liquidation entre les créanciers. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur du Livre XX CDE (1er mai 2018), les montants, sommes et paiements provenant d’une cause postérieure à la faillite ne font plus partie de la masse de la faillite et sont perçus par le failli lui-même. C’est ce qu’on appelle la cristallisation de l’actif au jour de la faillite. La situation de concours : elle permet de cristalliser le passif pour préserver l’égalité des créanciers, sous réserve des causes de préférence (privilèges, gages et hypothèques). La suspension des mesures individuelles d’exécution dans le chef des créanciers. L’exigibilité des créances : les créances non échues deviennent immédiatement exigibles. Droit économique 2023-2024 Page 21 C.B.C.E.C. – Droit économique Les contrats en cours : Il appartient au curateur de décider s’il en continue l’exécution. S’il tarde à prendre position, le créancier peut mettre le curateur en demeure de prendre sa décision dans les 15 jours ; s’il n’obtient pas de décision de la part du curateur dans ce délai, le contrat sera présumé résilié et l’éventuelle créance de dommages et intérêts consécutive à cette rupture entrera dans la masse. 8/ Comment introduire une déclaration de créance ? Les créanciers sont avertis d’une faillite en consultant le moniteur belge ou en recevant un courrier de la part du curateur. En pratique, les créanciers ont un an pour faire parvenir leur déclaration de créance via la plateforme REGSOL. Toutefois, une exception est prévue pour les personnes physiques et pour les personnes morales établies à l’étranger. Dans ces cas, il appartiendra au curateur de convertir les documents sous forme électronique pour les insérer dans le registre. Il incombe au créancier d’adjoindre à sa déclaration de créance les pièces justificatives qui la sous- tendent et de préciser les sûretés dont elle serait assortie (privilège, gage ou hypothèque). De plus, le créancier qui est susceptible de bénéficier d’une clause de réserve de propriété doit revendiquer auprès du curateur, sans désemparer, les biens concernés, et ce avant le dépôt du premier procès- verbal de vérification des créances, soit dans le mois du jugement déclaratif de faillite. Le curateur procède à la vérification des créances en interrogeant le failli si nécessaire. Le curateur peut accepter, réserver afin de les vérifier ou de les chiffrer définitivement, ou encore contester les créances. Les créanciers sont informés en cas de contestation. En pratique, si la créance contestée est susceptible d’être en ordre utile dans le cadre de la répartition des actifs, le créancier sera convoqué devant le tribunal de l’entreprise afin de traiter de la contestation. 9/ Comment et quand la faillite se clôture-t-elle ? Le curateur procède à la réalisation des actifs. Il va ainsi essayer de valoriser au mieux l’actif en vendant les biens du failli, en recouvrant les créances, comptes courants et parts de capital non libérées,… Après la réalisation de l’actif, le curateur en distribuera le produit entre les créanciers du failli. La répartition se fera entre les différentes catégories de créanciers (privilégiés et chirographaires) au regard de leurs déclarations (dettes dans la masse), et après déduction des coûts et dépenses nécessaires à la gestion de la masse de la faillite (dette de la masse), en ce compris les honoraires du curateur, et ce suivant les dispositions de la loi hypothécaire. Certains créanciers auront en effet la priorité, car ils disposent d’une hypothèque ou d’un privilège (les privilégiés spéciaux : bailleur, créancier gagiste, créancier qui a exposé des frais pour conserver un bien, le vendeur d’effets mobiliers impayés, le sous-traitant de travaux immobiliers,… ; les privilégiés généraux : les travailleurs, l’ONSS, les caisses d’assurances sociales et le fisc). Dans la plupart des cas, les créanciers chirographaires n’auront aucune chance de toucher un dividende et se verront remettre une attestation fiscale d’irrécouvrabilité par le curateur. Après la clôture de la faillite, le curateur sera déchargé de sa mission et le failli personne physique retrouvera la gestion de son patrimoine. Rappelons que si le failli est une société, la décision de clôture entraîne sa dissolution et la clôture immédiate de sa liquidation. En ce qui concerne la durée de la procédure, celle-ci n'a pas de limite dans le temps. La poursuite de litiges ou la récupération de créances peuvent laisser la faillite ouverte durant de nombreuses années… Droit économique 2023-2024 Page 22 C.B.C.E.C. – Droit économique 10/ Qu’est-ce que l’excusabilité/ l’effacement ? L’excusabilité et l’effacement permettent au failli personne physique de redémarrer une nouvelle activité commerciale (« fresh start ») sans craindre de poursuites des créanciers pour des dettes qui n'ont pas pu être apurées dans le cadre de la faillite, sauf pour les dettes alimentaires et les dettes liées à l’obligation de réparer un dommage corporel (qui restent donc dues par le failli, même après la clôture de la faillite). Pour les faillites prononcées avant le 1er mai 2018, on parle d’excusabilité (Art. 80 à 82 LF). La demande peut émanée du failli à partir de 6 mois après le jugement déclaratif de faillite ou est examinée d’office lors de la clôture de la faillite. Le juge a néanmoins le dernier mot en ce qui concerne l’excusabilité. Pour ce faire, il doit vérifier que le failli est "malheureux" et qu’il a agi de "bonne foi". Ce critère est souvent rempli si le failli n’a pas commis de fautes graves manifestes. Afin de vérifier que ces conditions sont remplies, le failli est convoqué afin d’être entendu en chambre du conseil (à huis clos), en même temps que le juge-commissaire et le curateur, quant à l’excusabilité et la clôture de la faillite. La collaboration du failli lors de la procédure est également déterminante. L'excusabilité du failli vaut automatiquement pour le (ex-)conjoint ou (ex-) cohabitant légal du failli. En ce qui concerne les tiers qui, à titre gratuit, se sont constitués sûreté personnelle (caution) du failli, ils peuvent également demander leur décharge au tribunal en établissant que leur engagement est disproportionné à leurs revenus et à leur patrimoine. Pour les faillites prononcées à partir du 1er mai 2018, on parle de l’effacement automatique des dettes (Art. XX.173 CDE). Le principe est le même que l’excusabilité : le failli peut redémarrer une nouvelle activité commerciale (« fresh start »). Mais contrairement à l’excusabilité qui était examinée d’office par le tribunal lors de la clôture de la faillite, l’effacement doit être demandé par le failli soit lors de l’aveu, et au plus tard au moment de la clôture de la faillite (suite aux arrêts C.C., 22 avril 2021, n° 62/2021 et 21 octobre 2021, n° 151/2021, le délai de 3 mois a été supprimé). Comme la procédure le dit, à partir du moment où il est demandé par le failli, l’effacement est automatique, le Tribunal n’a aucun pouvoir d’appréciation, sauf en cas d’opposition d’un ou plusieurs créanciers, du Ministère Public et/ou du curateur qui doivent démontrer que le failli a commis une faute grave et caractérisée ayant contribuée à la faillite. Le refus d’effacement peut être total ou partiel. Un effacement anticipé peut être sollicité par le failli à partir de 6 mois après le jugement déclaratif de faillite. Si l’effacement est accordé, ce n’est pas publié ; seul le refus (total ou partiel) d’effacement est publié. L’effacement, de même que l’excusabilité, bénéficie par répercussion au (ex-)conjoint ou (ex-)cohabitant légal du failli. En ce qui concerne les tiers qui, à titre gratuit, se sont constitués sûreté personnelle (caution) du failli, ils peuvent toujours demander leur décharge au tribunal en établissant que leur engagement est disproportionné à leurs revenus et à leur patrimoine. Pour les faillites prononcées à partir du 1er septembre 2023, on parle toujours d’effacement mais la procédure a été modifiée. Le principe est le même : le failli peut redémarrer une nouvelle activité commerciale (« fresh start »). Mais aucune demande ne doit être introduite par le failli ; l’effacement est prononcé lors de la clôture de la faillite. La clôture libère le failli du solde de ses dettes. L’effacement est toujours automatique : le Tribunal n’a aucun pouvoir d’appréciation, sauf en cas d’opposition d’un ou plusieurs créanciers, du Ministère Public et/ou du curateur qui doivent démontrer que le failli a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite, ou a sciemment fourni des renseignements inexacts à l'occasion de l'aveu de la faillite ou ultérieurement aux demandes adressées par le juge-commissaire ou par le curateur. Cette requête en refus d’effacement doit être introduite dans un délai de 3 ans à partir du moment où il n’est plus possible de déposer de déclaration de créance, soit 4 ans à partir du prononcé de la faillite, ou par le biais d'une tierce opposition au plus tard 3 mois à compter de la publication du Droit économique 2023-2024 Page 23 C.B.C.E.C. – Droit économique jugement de clôture de la faillite mais pour autant que le délai de 4 ans à partir du prononcé de la faillite n’a pas expiré. Il n’y a en revanche plus de possibilité de solliciter un effacement anticipé (puisqu’une faute peut toujours être relevée dans le cadre de la liquidation). L'effacement refusé partiellement par le tribunal est réparti proportionnellement entre tous les créanciers, sans tenir compte de la cause légitime de préférence. Si l’effacement est accordé, ce n’est pas publié ; seul le refus (total ou partiel) d’effacement est publié. L’effacement bénéficie encore par répercussion au (ex-)conjoint ou (ex-)cohabitant légal du failli. En ce qui concerne les tiers qui, à titre gratuit, se sont constitués sûreté personnelle (caution) du failli, ils peuvent encore demander leur décharge au tribunal en établissant que leur engagement est disproportionné à leurs revenus et à leur patrimoine. CHAPITRE III : LA PREUVE DES ENGAGEMENTS COMMERCIAUX Section 1 – Principe : Article 8 :11 du Nouveau Code civil En matière économique, tous les modes de preuves sont admis. En droit civil, il y a le principe de légalité de la preuve (art. 8:9 du NCC), suivant lequel seuls certains modes de preuve dont la force probante est légalement définie sont admissibles. Deux règles se complètent : - Tout engagement supérieur à 3.500 € ne peut être prouvé que par un écrit. - Il ne peut être prouvé contre et outre un écrit que par un autre écrit. En droit économique, le principe de liberté de la preuve est inscrit à l'article 8 :11 du Nouveau Code civil. Donc, la preuve d'une obligation économique (de son existence ou exécution) peut Droit économique 2023-2024 Page 24 C.B.C.E.C. – Droit économique être rapportée par tous les modes de preuve du droit civil mais aussi, quel que soit le montant en cause, par témoins ou présomptions. Ce principe de liberté de la preuve s’explique par les besoins de rapidité propres à la vie des affaires. S’agissant de professionnels, ils sont normalement en mesure d’apprécier les risques au moment de décider si l’acte doit être constaté par écrit. La comptabilité régulièrement tenue et les factures acceptées constituent en outre deux procédés de preuve propres au droit économique. - Selon l’art. 8 :11, §2, du Nouveau Code civil, la comptabilité régulièrement (selon les règles légales prévues au livre III du CDE) tenue peut être admise par le juge (il dispose d’un pouvoir discrétionnaire) pour faire preuve entre entreprises (seules les entreprises sont tenus de tenir une comptabilité) pour les actes en lien avec leurs activités économiques. - Une facture acceptée par une entreprise ou non contestée dans un délai raisonnable a force probante à l'égard de cette entreprise (art. 8 :11, §4 C. civ.). Le fait d'accepter une facture entraîne qu'on soit d'accord avec les marchandises, le délai d'acceptation varie en fonction de chaque cas (il est préférable de réagir à bref délai, le plus rapidement possible, si l’on conteste une facture). Cette facture doit être acceptée ou non contestée dans un délai raisonnable. C’est logique dans la mesure où le législateur donne force probante à un document dont la rédaction est unilatérale. Or, nul ne peut se forger une preuve à lui-même et c’est l’auteur de la facture qui entend s’en prévaloir contre son destinataire. Il faut donc bien que ce dernier l’ait acceptée ou ne l’ait pas contestée dans un délai raisonnable et que son destinataire soit une entreprise. Ce qui est un régime d’une très grande souplesse. Ce libéralisme se justifie par la qualité de professionnel des entreprises et par le besoin de rapidité. Section 2 - Remarques Suivant l’article 8 :11, §1, in fine (à la fin) du Code civil, le régime spécifique en matière de preuve ne s'applique pas à l'égard des personnes physiques exerçant une entreprise, à la preuve des actes manifestement étrangers à l'entreprise. Un acte peut présenter une nature mixte (civile et « professionnelle ») : la vente d'un bien par un professionnel à un particulier (par exemple, le concessionnaire qui vend une voiture à un consommateur). Les deux régimes de preuves vont s'appliquer cumulativement. Chaque partie devra combattre avec les armes de l'autre. Les règles de droit civil devront être respectées par l’entreprise (l’entreprise devra prouver une obligation civile). Le consommateur pourra utiliser toutes les voies de droit pour prouver l'obligation de l’entreprise. Droit économique 2023-2024 Page 25 C.B.C.E.C. – Droit économique Exception au principe de la preuve libre, parfois il faut un écrit. Exemple : pour la constitution d'une société, il est obligatoire de rédiger un acte authentique. Droit économique 2023-2024 Page 26 C.B.C.E.C. – Droit économique CHAPITRE IV : JURIDICTIONS ÉCONOMIQUES ET RECOURS EN JUSTICE Section 1 – Introduction Le droit est divisé en différentes branches : droit pénal, droit civil, droit social, droit économique…. À ces différentes branches correspondent des juridictions (pénales, civiles, sociales, économiques, …). Nous nous intéressons ici aux juridictions économiques. Section 2 – Tribunal de l’entreprise Il y a un Tribunal de l’entreprise par arrondissement avec un président, des vice-présidents et des juges. Le Tribunal de l’entreprise est compétent pour toutes les affaires économiques. Le Tribunal de l’entreprise est, depuis le 1er juillet 2014, compétent pour connaître des "contestations entre entreprises", définies comme suit : "les contestations entre toutes personnes qui poursuivent de manière durable un but économique, concernant un acte accompli dans la poursuite de ce but et qui ne relèvent pas de la compétence spéciale d'autres juridictions". En outre, un particulier qui entame un procès contre une entreprise a la faculté, s'il le préfère, de porter l'affaire devant un Tribunal de l’entreprise. Par contre, une entreprise ne peut entamer aucune procédure devant le Tribunal de l’entreprise contre un particulier. Les jugements du Tribunal de l’entreprise portant sur un litige dont la valeur est inférieure à 2.500 € ne sont pas susceptibles d'appel devant la Cour d'appel (article 617 du Code judiciaire). En cas d'urgence, le président du tribunal peut prendre une décision provisoire dans les affaires traitées par son tribunal, dans le cadre d’une procédure en référé. Les tribunaux de l’entreprise relèvent chacun d'un arrondissement judiciaire. Le Tribunal de l’entreprise de Liège - division Liège est composé : - d'une présidente, - de 7 juges professionnels, - de 48 juges consulaires, - de 8 juges suppléants. Le tribunal se compose de six chambres, chacune étant présidée par un magistrat de carrière assisté de deux juges consulaires. Droit économique 2023-2024 Page 27 C.B.C.E.C. – Droit économique La Présidente du tribunal et les Présidents de chacune des six chambres sont des magistrats de carrière, nommés par le Roi. Les juges consulaires sont nommés par le Roi pour une durée de cinq ans, sur proposition conjointe des ministres de la Justice, des Affaires économiques et des Classes moyennes. Leur mandat est renouvelable jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de la retraite. Ils apportent à la juridiction leur connaissance de l’entreprise, de sa création, de sa vie, de sa disparition mais aussi les exigences du temps marchand face au temps administratif (pour les conditions de nomination, cfr art. 203 C. Jud.). Les juges suppléants sont également nommés par le Roi et sont des avocats amenés à pouvoir remplacer momentanément les juges professionnels lorsque ceux-ci sont empêchés. Le ministère public, représenté par le Procureur du Roi, est appelé à donner un avis, notamment lorsque des demandes de faillite et de réorganisation judiciaire sont soumises au Tribunal de l’entreprise. Le Procureur peut exiger qu'un dossier lui soit transmis. Il peut également introduire lui-même les procédures de faillite et demander la fin anticipée d'un sursis octroyé dans le cadre d'une procédure de réorganisation judiciaire. Section 4 – Procédure Si une personne physique ou morale veut introduire une procédure devant le Tribunal de l’entreprise, elle doit rédiger (le plus souvent en étant assistée d’un avocat) un acte introductif d’instance. Devant le Tribunal de l’entreprise, il s’agira principalement d’une citation signifiée par un huissier de justice. Celui-ci se rend chez le défendeur et lui signifie au nom du demandeur de se présenter à un jour et une heure déterminés à une audience du Tribunal de l’entreprise. La citation à comparaître doit comporter les motifs de la convocation. Le recours à un huissier est payant (frais d’huissier = +/- 300 €) à charge du demandeur (ces frais seront mis à charge de la personne qui perd le procès in fine). Une alternative à la citation est le dépôt d’une requête conjointe : les parties acceptent de se rendre ensemble devant le tribunal pour éviter les frais d’huissier. Le jour de l'audience, si le défendeur ne se présente pas, le juge peut prononcer un jugement par défaut (la décision ne sera pas forcément en défaveur du défendeur). Si le défendeur vient et reconnaît le bien-fondé de la demande, le juge rendra le jugement sur les "bancs" c'est-à-dire un jugement « en direct », immédiatement. Si le litige porte sur le paiement de sommes d’argent, le juge peut accepter des facilités de paiement. Si le débiteur ne respecte pas les échéances, sa dette deviendra immédiatement exigible dans sa totalité. Si le défendeur vient mais conteste la demande, le dossier ne sera pas jugé directement. Il y aura un report à une date ultérieure et, le plus souvent, la fixation d’un calendrier de procédure Droit économique 2023-2024 Page 28 C.B.C.E.C. – Droit économique (amiable ou judiciaire). Entre la première et la seconde audience, les parties doivent se communiquer leur dossier de pièces. Chaque partie doit rédiger des conclusions (son argumentation par écrit) et les communiquer à l'autre partie ainsi qu’au tribunal (en respectant les dates fixées dans le calendrier de procédure). Le jour des plaidoiries (deuxième audience), le juge va rédiger un jugement en le motivant. Le jugement est généralement rendu un mois après l'audience et est transmis aux parties par la poste (de plus en plus par e-mail). Une fois le jugement rendu, la partie qui n’a pas obtenu gain de cause peut, si le montant du litige le permet, interjeter appel. Dans ce cas, l’affaire sera traitée par la Cour d’appel (une seconde procédure similaire à la précédente sera alors suivie). La Cour rendra « un arrêt » (le seul recours possible sera un éventuel pourvoi en cassation). Lorsqu’une décision définitive est rendue, plusieurs cas de figure sont possibles : - le débiteur exécute volontairement la décision ; - le débiteur n’exécute pas volontairement la décision : il faut alors recourir à un huissier de justice afin qu’il signifie la décision et procède à son exécution forcée (en effectuant le cas échéant des saisies mobilières, immobilières ou arrêt). Celui qui fait appel à l’huissier doit avancer les frais qui seront in fine à charge du débiteur. Droit économique 2023-2024 Page 29 C.B.C.E.C. – Droit économique DEUXIÈME PARTIE : LES CONTRATS COMMERCIAUX CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉS, DÉFINITION ET CONDITIONS DE VALIDITÉ DES CONTRATS EN GÉNÉRAL Section 1 - Définition du contrat en général (Art. 5 :4 C. civ.) Le contrat, ou convention, est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes avec l'intention de faire naître des effets de droit. Remarques : 1) Un débiteur est titulaire d’une obligation juridique et un créancier est titulaire d’un droit. 2) Il existe des accords entre au moins deux personnes qui ne sont pas conclus en vue de faire naître des effets juridiques. Par exemple, si j’accepte une invitation à un anniversaire, il y a un accord de volonté sans intention juridique. Si je ne viens pas, mon voisin ne peut pas, en principe, introduire une action en justice contre moi. Par contre, si j’achète une voiture, personne ne va contester qu’en cas de conflit entre moi et mon vendeur, nous ayons le droit de porter le litige devant le juge. 3) Dans les relations commerciales internationales, notamment dans le domaine bancaire, il arrive que des sociétés prennent des engagements moraux (gentlemen’s agreement), c’est-à-dire des accords de volontés prévoyant des obligations purement morales, démunies de force juridique. Section 2 - Différentes sortes de contrat 1. Selon la nature (Art. 5 :6 et 5 :7 C. civ.) : Le contrat est synallagmatique lorsque les parties sont obligées réciproquement les unes envers les autres. Chaque partie a des droits et des obligations (ex. : contrat de vente, de bail, …). Le contrat est unilatéral lorsqu'une partie est obligée envers une autre, sans que de la part de cette dernière il y ait d'obligation (ex. : caution). Le contrat est à titre onéreux lorsqu'il procure un avantage à chaque partie (ex. : vente, bail). Le contrat est à titre gratuit lorsqu'une partie qui procure un avantage à l'autre ne reçoit en échange aucun avantage (ex. : donation). Droit économique 2023-2024 Page 30 C.B.C.E.C. – Droit économique 2. Selon le mode de formation (Art. 5 :5 C. civ.) : Le contrat est consensuel lorsqu'il est formé par le seul accord de volontés des parties sans que sa validité soit soumise à une exigence de forme. Il naît du seul échange des consentements (il ne nécessite pas de forme particulière, d’écrit, pour être valable) (vente, …). Le contrat est formel (solennel) lorsque sa validité est soumise à une exigence de forme. Outre le consentement, il faut qu’une forme particulière soit respectée, comme par exemple un acte authentique (notarié) sous peine de nullité (mariage, hypothèque, constitution de société…). Le contrat est réel lorsque sa formation est soumise à la remise d'une chose par une partie à l'autre. La livraison d'une chose est exigée (ex : hypothèque, prêt…) Section 3 - Conditions de validité du contrat en général Pour la validité d'un contrat, les conditions suivantes doivent être remplies (Art. 5 :27 C. civ.): 1° le consentement libre et éclairé de chaque partie; 2° la capacité de chaque partie de contracter; 3° un objet déterminable et licite; 4° une cause licite. Les conditions de validité sont appréciées au moment de la conclusion du contrat. 1. Consentement (Art. 5 :28 et s. C. civ.) Il n’y a contrat que s’il y a un échange des consentements : le contrat est formé par l'acceptation d'une offre (Art. 5 :18 C. civ.). - L’offre (Art. 5 :19 C. civ.) L'offre est une proposition de conclure un contrat qui contient tous les éléments essentiels et substantiels du contrat visé et qui implique la volonté de l'offrant d'être lié par le contrat en cas d'acceptation. C’est donc la manifestation unilatérale de volonté de conclure un contrat. Elle doit être sérieuse (avec intention juridique), ferme (sans réserve), et précise (portant sur tous les éléments essentiels du contrat). Elle ne demande plus que l’acceptation pour que le contrat soit formé. L'offre peut être écrite, verbale ou bien tacite. L'offre reste valable aussi longtemps qu'elle n'a pas été retirée. D'où l'importance d'une limitation dans le temps ou dans le stock (offre valable jusqu'à épuisement du stock par exemple). - L'acceptation (Art. 5 :20 C. civ.) Droit économique 2023-2024 Page 31 C.B.C.E.C. – Droit économique L'acceptation est toute déclaration ou autre comportement du destinataire de l'offre qui exprime l'accord sur celle-ci, sans ajouts, limitations ou autres modifications concernant des éléments essentiels ou substantiels. De tels ajouts, limitations ou autres modifications entraînent le rejet de l'offre initiale et constituent, le cas échéant, une nouvelle offre. Une acceptation ne peut être déduite d'un silence, sauf s'il en résulte autrement de la loi, des usages ou des circonstances concrètes. Le retrait de l'acceptation est possible aussi longtemps qu'elle n'est pas parvenue à l'offrant. 2. Vices de consentement (art. 5 :33 et s. C. civ.) Le consentement doit être valable, non vicié. Art. 5 :31 C. civ. - Absence de consentement et erreur-obstacle Le contrat qui est formé alors que le consentement d'une des parties fait défaut est frappé de nullité relative. Le contrat entaché d'une erreur faisant obstacle à la rencontre des consentements n'est frappé de nullité que si l'erreur est déterminante et excusable. Art. 5 :32 C. civ. - Erreur matérielle L'erreur matérielle qui procède d'une discordance involontaire entre la volonté réelle commune des parties et leur volonté déclarée ne rend pas le contrat nul mais peut toujours être rectifiée. Art. 5 :33 C. civ. - Vices de consentement Il n'y a pas de consentement valable lorsqu'il est la conséquence d'une erreur, d'un dol, d'une violence ou d'un abus de circonstances, pour autant que le vice de consentement soit déterminant. A moins que la loi n'en dispose autrement, un contrat entaché par un vice de consentement est frappé de nullité relative, sans préjudice de la responsabilité précontractuelle telle que visée à l'article 5.17. Le dol, la violence et l'abus de circonstances émanant du complice du cocontractant ou d'une personne dont ce dernier doit répondre sont assimilés à ceux du cocontractant. Art. 5 :34 C. civ. - Erreur L'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'une partie a, de manière excusable, une représentation erronée d'un élément qui l'a déterminée à conclure le contrat, alors que l'autre partie connaissait ou devait connaître ce caractère déterminant. L'erreur peut porter sur des faits ou sur le droit. Droit économique 2023-2024 Page 32 C.B.C.E.C. – Droit économique L'erreur n'est pas une cause de nullité lorsqu'elle ne concerne que la personne avec laquelle on voulait contracter, à moins que le contrat n'ait été conclu principalement en considération de cette personne. N'est pas davantage une cause de nullité l'erreur qui concerne exclusivement la valeur d'une chose ou d'une prestation ou le prix, à moins qu'elle résulte d'une erreur concernant une caractéristique déterminante de l'objet du contrat. Art. 5 :35 C. civ. – Dol Le dol n'est une cause de nullité que lorsqu'une partie a été trompée par les manœuvres que son cocontractant a pratiquées intentionnellement. Une manœuvre peut consister en une rétention intentionnelle d'informations dont on dispose et que l'on devait communiquer en vertu de l'article 5.16. Le dol est une cause de nullité indépendamment du caractère excusable de l'erreur qui en résulte. Le dol ne se présume pas mais doit être prouvé. Art. 5 :36 C. civ. - Violence La violence n'est une cause de nullité que lorsqu'une partie conclut un contrat sous une contrainte illégitime de son cocontractant qui lui fait craindre une atteinte considérable à l'intégrité physique ou morale ou aux biens de cette partie ou de ses proches. Art. 5 :37 C. civ. - Abus de circonstances Il y a abus de circonstances lorsque, lors de la conclusion du contrat, il existe un déséquilibre manifeste entre les prestations par suite de l'abus par l'une des parties de circonstances liées à la position de faiblesse de l'autre partie. En ce cas, la partie faible peut prétendre à l'adaptation de ses obligations par le juge et, si l'abus est déterminant, à la nullité relative. Art. 5 :38 C. civ. - Lésion Le déséquilibre entre les prestations des parties n'est une cause de nullité que dans les cas prévus par la loi. Art. 5 :39 C. civ. - Simulation Il y a simulation lorsque les parties concluent un contrat apparent tandis que, par un contrat caché, la contre-lettre, elles modifient ou anéantissent le contrat apparent. La contre-lettre prévaut entre les parties. Les tiers de bonne foi peuvent choisir de se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre. Droit économique 2023-2024 Page 33 C.B.C.E.C. – Droit économique 3. Capacité (Art. 5 :40 et s. C. civ.) Sont incapables : les mineurs, les interdits légaux (condamnés à de lourdes peines), les personnes placées sous le régime des incapacités prévu par le Code civil. 4. Cause licite (Art. 5 :53 et s. C. civ.) Est nul un contrat dans lequel une somme d'argent est promise en échange d'un meurtre, de la vente d'un esclave, d'un organe… 5. Objet (Art. 5 :46 et s. C. civ.) L'objet du contrat doit être possible et déterminable au moment de l’accord des volontés. L'objet doit être possible (ex : a un objet impossible un contrat par lequel un joueur de tennis s'engage à gagner tous les tournois). L'objet doit être déterminable. L’objet est déterminable si sa détermination ne doit plus dépendre d’un nouvel accord des parties ni de la volonté arbitraire d’une partie. L’objet doit être licite. Section 4 – Effets du contrat en général 1. Convention-loi (art. 5 :69 C. civ.) Le contrat fait la loi des parties qui l'ont régulièrement formé (le contrat a force de loi). Les parties ne peuvent y déroger sauf d'un commun accord. Le contrat va aussi s'imposer au juge comme une loi (même s’il est désavantageux pour une partie). Le contrat fait naître des obligations qui obligent les parties comme s’il s’agissait d’obligations légales. Une partie peut demander en justice l’exécution forcée des obligations nées du contrat. Remarque : le principe de la convention-loi ne permet pas aux parties de déroger aux lois impératives (protègent la partie faible au contrat) et aux lois d’ordre public (protègent l’intérêt général). 2. Exécution de bonne foi (art. 5 :73 C. civ.) Le contrat doit être exécuté de bonne foi. Les parties doivent exécuter, outre ce qui est écrit, tout ce qui découle de l'usage et de l'équité. - Fonction interprétative : au départ, ce principe était une norme d’interprétation du contrat. Ex. : location d’une villa avec piscine, la piscine doit être remplie. Droit économique 2023-2024 Page 34 C.B.C.E.C. – Droit économique - Fonction complétive : cela permet au juge d’ajouter des obligations dans le contrat, obligations que les parties n’avaient pas expressément prévues. - Fonction modératrice : interdiction des abus de droit. Section 5 – Exécution du contrat 1. Principe : exécution du contrat en nature (Art. 5 :84 et 5 :234 et s. C. civ.) Les parties doivent s'exécuter conformément aux termes qui ont été stipulés. Les parties doivent respecter les accords conclus. 2. Exécution forcée (Art. 5 :234 et s. C. civ.) Quand une des deux parties est victime de la mauvaise volonté de l'autre, elle peut recourir à l'exécution forcée. Elle envoie une mise en demeure à la partie récalcitrante, puis, si nécessaire, elle peut introduire une procédure devant le tribunal. Le juge condamnera la partie récalcitrante à s’exécuter en nature. Exemples : - Obligation de payer une somme d’argent (saisie des biens du débiteur en cas d’absence de paiement volontaire pour les faire vendre et payer le créancier avec le prix obtenu) - Obligation de restituer un objet (saisie de l’objet, si nécessaire) Mais parfois, l’exécution en nature est impossible car l’objet a définitivement disparu ou bien l’exécution en nature est devenue sans intérêt pour le créancier parce que le terme prévu pour l’exécution était essentiel (livraison de lunettes de protection, le lendemain de l’éclipse ; livraison d’une robe de mariée après la date du mariage). Dans ce cas, on peut procéder à une « exécution par équivalent » c’est-à-dire la réparation du préjudice subi (réparation en nature ou pécuniaire par le versement de dommages et intérêts). L’exécution par équivalent n’est pas toujours satisfaisante pour le créancier. Le législateur, lui, offre un remède permettant au créancier d’avoir une chance supplémentaire d’obtenir l’exécution en nature : le remplacement judiciaire (art. 5 : 85 et 5 :235 C. civ). Il s’agit de faire exécuter par un tiers, mais aux frais du débiteur le travail promis (et non accompli) par le débiteur. Mais le créancier doit demander préalablement au juge l’autorisation de recourir à un tiers (sauf situation d’urgence). Le juge a un pouvoir d’appréciation et peut considérer cette solution inopportune. Droit économique 2023-2024 Page 35 C.B.C.E.C. – Droit économique 3.1.1. Responsabilité contractuelle (Art. 5 :82 et s. C. civ.) Si le débiteur est en état d’inexécution fautive, il engage sa responsabilité contractuelle. Le créancier a le droit de réclamer des dommages et intérêts, donc une somme d’argent, en réparation du dommage qu’il subit à la suite de l’inexécution (même si l’exécution en nature est encore possible mais qu’un préjudice subsiste pour le créancer, par exemple en raison du retard dans l’exécution du contrat). Conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle (art. 225 C. civ.) : - Une inexécution fautive (c’est-à-dire imputable au débiteur qui ne peut pas invoquer une cause étrangère libératoire (cas fortuit, fait de l’autorité, force majeure) qui a rendu impossible l’exécution) ; - Un dommage subi par le créancier dont l’étendue et le montant doivent être prouvés ; - Un lien causal entre la faute et le dommage. Il est possible de prévoir des aménagements dans le contrat à la responsabilité contractuelle des parties : Exemple d’aménagement qui « augmente » la responsabilité contractuelle : la clause pénale (Art. 5 :88 C. civ.) : il s’agit d’une clause qui fixe à l'avance les dommages et intérêts dus en cas d'inexécution. Elle dispense le créancier de la preuve de son dommage et du montant de celui-ci. Entre entreprises, cette clause n’est valable que si le montant dû en cas d’inexécution ne dépasse manifestement pas l’étendue du préjudice susceptible d’être effectivement subi. Elle doit en effet être indemnitaire et pas coercitive. Si tel n’est pas le cas, le juge peut réduire le montant prévu par cette clause. Dans le cadre d’un contrat entre une entreprise et un consommateur, la validité de la clause pénale est conditionnée au fait qu’elle ne soit pas considérée comme abusive au sens du livre VI du CDE (voir ci-dessous). Exemple d’aménagement qui réduit la responsabilité contractuelle : la clause de limitation de responsabilité (Art. 5 :89 C. civ.) : il s’agit d’une clause qui prévoit que le débiteur ne devra pas indemniser le créancier en cas d’inexécution même fautive (ou qui prévoit un montant maximum aux dommages et intérêts éventuellement dus). Cette clause est nulle si elle prévoit la limitation ou l’exonération de responsabilité même en cas de dol du débiteur (nul ne peut s’exonérer de sa faute intentionnelle) ou si cette exonération retire toute utilité à l’objet du contrat. Droit économique 2023-2024 Page 36 C.B.C.E.C. – Droit économique 3.1.2. Règles spécifiques aux contrats synallagmatiques Dans un contrat synallagmatique, la partie victime d’une inexécution fautive du contrat a le choix : Solliciter l’exécution forcée en nature ou par équivalent du contrat ; Introduire une action en résolution. L'action en résolution conduit à l'annulation du contrat avec, le cas échéant, des dommages et intérêts (art. 5 :90 et s. C. civ.). Le juge a un pouvoir d’appréciation. Les parties peuvent aussi prévoir une clause résolutoire expresse qui permet au créancier de déclarer lui-même la résolution du contrat sans passer par le juge. Mais celui- ci garde un contrôle a posteriori, si le débiteur conteste l’état d’inexécution fautive. La partie victime de l’inexécution du contrat peut également invoquer une exception d'inexécution (Art. 5 :98 et s. C. civ.). Cela signifie que cette partie va suspendre l’exécution de ses propres obligations en cas d’inexécution fautive des obligations réciproques de l’autre partie. Droit économique 2023-2024 Page 37 C.B.C.E.C. – Droit économique CHAPITRE II : LA VENTE Introduction Qu’il relève de la vie courante ou de la vie des affaires, le contrat de vente est omniprésent. Historiquement, il est l’un des plus anciens contrats. Son régime juridique s’est considérablement développé et complexifié au fil des ans. Les règles du Code civil s’appliquent indistinctement à la vente entre particuliers ou entre entreprises ou entre une entreprise et un particulier (toutefois, dans ce dernier cas, il existe des règles impératives complémentaires dans le CDE). Par contre, dans le cadre des ventes entre entreprises, certaines règles de droit civil vont s’appliquer plus fréquemment (notamment celles concernant les choses de genre et les choses futures) ainsi que des règles spécifiques en matière de preuve (art.8:11 NCC) ou certains usages de commerce ou encore la Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. Section 1 - Définitions et éléments constitutifs 1. Définition Définition : Le contrat de vente se définit généralement comme un contrat par lequel une personne (le vendeur) s’oblige à transférer à une autre (l’acheteur) la propriété d’une chose (ou plus généralement d’un droit quelconque) contre une somme d’argent que celle-ci s’oblige à lui payer. Base légale : Art 1582 anc. C. Civ. : la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique, ou sous seing privé. Art. 1583 anc. C. Civ. : elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. Caractères du contrat de vente : - La vente est un contrat synallagmatique : il fait naître des obligations réciproques dans le chef de chacune des parties, par opposition à un contrat unilatéral où seule une partie s’engage. - La vente est un contrat à titre onéreux. - Elle est un contrat consensuel, c’est à dire qui existe par le seul fait de la rencontre des consentements. Malgré les termes de l’article 1582, al. 2 anc. C. civ. qui dispose que « (la vente) peut être faite par acte authentique, ou sous seing privé », aucun formalisme n’est requis, en principe, pour que le contrat soit valablement formé. La vente se forme et produit tous ses effets dès l’accord des volontés, peu importe le mode par lequel celles-ci se sont exprimées (oralement, par écrit, …). Droit économique 2023-2024 Page 38 C.B.C.E.C. – Droit économique Néanmoins, certaines lois particulières imposent un formalisme de validité ou de publicité (ex : vente immobilière : obligation de procéder par acte authentique = acte notarié + transcription de l’acte authentique au bureau de la conservation des hypothèques). De plus, la rédaction d’un écrit est éventuellement nécessaire soit pour servir de preuve, soit à des fins d’opposabilité aux tiers. Comme déjà exposé ci-dessus, en matière de preuve, la rédaction d’un écrit est en principe nécessaire lorsque l’objet de la vente a une valeur de plus de 3.500 € (art. 8:9 NCC – à partir du 1er novembre 2020). Cette règle ne vaut cependant que pour les parties. Les tiers pourront prouver le contrat par toutes voies de droit (art.8:14 NCC). En outre, cette règle ne s’applique qu’en matière civile, car en droit économique, la preuve est libre (art. 8 :11 NCC). Même si la vente est en principe ferme et définitive dès l’échange des consentements, un délai de rétractation très court est offert à l’acheteur consommateur dans différentes hypothèses prévues par des lois particulières (ex : art VI.46 et sv CDE). Clauses particulières dans un contrat de vente : Les parties peuvent insérer dans le contrat : - une condition suspensive ; - une condition résolutoire ; - une clause de résiliation unilatérale. 2. Éléments constitutifs a) La chose vendue Le bien vendu peut être une chose corporelle (« que l’on peut toucher ») ou incorporelle, un droit réel ou un droit personnel (droit de créance). La chose doit être « dans le commerce » (les choses hors commerce ne peuvent faire l’objet d’un contrat de vente, par exemple : esclaves, organes humains, drogue,…). Elle doit exister dans le présent ou de nature à exister dans le futur (moisson, vin). b) Prix Le prix est la somme d’argent que l’acheteur s’oblige à payer en échange de la chose. Il s’agit d’une somme d’argent (≠ échange). Le prix doit être certain, c’est-à-dire déterminé (art. 1591 anc. C. civ.) ou à tout le moins déterminable lorsqu’il peut être fixé en fonction d’éléments objectifs mentionnés dans le contrat (ex : vente au cours moyen du jour ou vente par référence au prix catalogue). Le prix est fixé par les parties ou soumis à l’arbitrage d’un tiers (expert) désigné dans le contrat. Le prix doit être réel en ce sens qu’il doit être stipulé par le vendeur avec l’intention sérieuse de l’exiger. Le prix ne doit pas être dérisoire, il doit être sérieux : il n’est pas nécessaire que le prix corresponde rigoureusement à la valeur du bien vendu et les hypothèses où la vente peut être annulée lorsque le prix est largement supérieur ou inférieur à la valeur de la chose sont très Droit économique 2023-2024 Page 39 C.B.C.E.C. – Droit économique restrictives