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Cours n°1 Semaine du 9 septembre 2024 Introduction à la Géographie de la santé Ce premier cours, intitulé « Introduc...

Cours n°1 Semaine du 9 septembre 2024 Introduction à la Géographie de la santé Ce premier cours, intitulé « Introduction à la Géographie de la santé » propose de revenir sur les principales définitions et les différents objets de la Géographie en général, de la Géographie de la santé en particulier. Parce que la géographie est une science vivante, il s’agira également de revenir sur les principales grandes évolutions qui ont marqué la discipline. Introduction Qu’est-ce que la Géographie ? La géographie est une science particulièrement utile pour penser et analyser le monde dans lequel nous vivons ainsi que ses évolutions. Pour cela, comme toute science, elle s’est construit un référentiel de concepts et méthodes propres. Au-delà d’établir des constats, de dresser des états des lieux, de plus en plus la « géographie […] se veut aussi être un instrument pour agir » (Charvet et Sivignon, 2020). De l’étymologie « écriture/description (graphie) de la Terre (Géo) », la Géographie est définie, selon Bailly, Ferras et Scariati (2018) comme « l’étude de l’organisation et de la production de l’espace par les sociétés humaines » ou, de manière simplifiée comme « l’étude des rapports entre une société et ses espaces ». Elle est une science extrêmement riche à l’image des interactions multiples entre espaces et sociétés ; une richesse qui peut s’apprécier au regard des nombreuses branches (géographie physique, géographie humaine) et sous-branches de la discipline, par exemple : géomorphologie, climatologie, océanographie pour la géographie physique ; géodémographie, géographie sociale, culturelle ou de la santé pour la géographie humaine) (Figure 1). Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 1 Figure 1 : Les différentes spécialités en géographie et les disciplines connexes. Source : Gumuchian H., Marois C., (2000) Initiation à la recherche en géographie : aménagement, développement territorial, environnement. Quelle que soit la composante (naturelle / humaine), la géographie et c’est là sa « marque de fabrique », se pose essentiellement une question majeure, celle des localisations (où ?), qu’elle décline ainsi : – Pourquoi ici et pas ailleurs ? (Ex. Pourquoi observe-t-on une incidence des cancers ICI et pas ailleurs ?) – Pourquoi ici différemment d’ailleurs ? (Ex. Pourquoi observe-t-on une incidence des cancers PLUS IMPORTANTE ICI par rapport à là ? ». La géographie va connaître d’importantes évolutions, tant concernant ses objets, ses approches que les méthodologies qu’elle met en œuvre. À titre d’exemple, le concept de « milieu » tel qu’entendu en géographie fait référence à « l’ensemble de ses composantes physiques, économiques et sociales » bien qu’il soit davantage utilisé pour faire référence au milieu physique et naturel. Petit à petit, le concept de « milieu » comme concept central de la géographie est remplacé par celui d’« espace », définit comme « l’étendue terrestre utilisée et aménagée par les sociétés en vue de leur reproduction » (Brunet, 1992). Comme l’expliquent Charvet et Sivignon (2020) « passer du milieu à l’espace, c’est passer d’une géographie où l’on privilégie les relations ‘verticales’, celles qui lient un lieu à son soubassement physique et à son héritage historique, à une géographie où on privilégie les relations ‘horizontales’, celles qui relient un lieu avec d’autres lieux semblables, particulièrement s’ils sont voisins ». Ils précisent : « se concentrer sur l’espace, c’est recourir à une vision géométrique. C’est mettre de côté les caractéristiques particulières des lieux « toutes choses égales par ailleurs » […], c’est Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 2 considérer l’espace comme un plan dont les points sont les lieux à étudier. En passant du milieu à l’espace, on introduit alors le concept de distance entre un lieu et un autre ». La géographie est ainsi une science vivante et c’est notamment pour cette raison qu’elle est difficile à définir. Sa constitution en tant que science ou discipline scientifique s’est faite progressivement. De l’origine grecque des savoirs géographiques datant d’il y a plus de deux millénaires, elle fût influencée par des points de vue différents, connût des périodes où elle fût particulièrement mise en avant et d’autres, au contraire, où elle fût davantage effacée en raison de crises, de mutations et de phases de restructuration. Ainsi, « l’évolution de la Géographie n’est pas marquée par des paradigmes qui se succèdent et s’éliminent mais par une série de thèmes dont les combinaisons se multiplient au fur et à mesure que cette liste s’allonge » (Claval, Histoire de la Géographie, p. 8). D’une science naturelle, elle devient progressivement une science sociale. Différentes écoles vont alors être fondées. En France, c’est Paul Vidal de la Blache (1845-1918) qui est considéré comme le père fondateur de l’École française de géographie. Comme l’explique Claval (2022), une de ses principales idées consiste à penser « que c’est par les contraintes que [les] milieux imposent à l’agriculture et à l’élevage que le climat, le relief et les sols pèsent sur la répartition des hommes. Les groupes réagissent à ces contraintes par les genres de vie qu’ils développent. Il s’agit alors de mesurer la pesée de l’environnement, mais aussi de montrer qu’elle n’est pas immuable ». Au fur et à mesure des mutations que vont connaître nos sociétés, la Géographie fait évoluer ses objets, ses questionnements, ses méthodes. Les questionnements de la Géographie peuvent être appliqués au champ de la santé : il est alors question de caractériser une société par l’étude géographique de ses faits de santé. Toutefois, la géographie de la santé a, pendant longtemps, eu des difficultés à trouver sa place. Salem (1995) écrivait à ce sujet que « la géographie de la santé était une mal aimée de la géographie française [ainsi que] des spécialistes français de l’épidémiologie et de la santé publique ». Les apports des sciences géographiques dans la compréhension des phénomènes de santé ont ainsi été, pendant longtemps, minorés. Géographie de la santé, géographie des maladies, géographie des soins, géographie médicale (à partir de : H. Picheral, Dictionnaire raisonné de Géographie de la Santé, 2001). Géographie des maladies Elle consiste en l’étude de la distribution sociale et spatiale des maladies, via la mise en place de deux démarches principales. La première est une démarche générale ou « monographie » dans le cadre de laquelle on s’intéresse à la répartition de n’importe quelle maladie, et ce, à différentes échelles. Par exemple, l’analyse spatiale des épidémies et de leur diffusion en fait Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 3 partie. La seconde est une démarche régionale ou locale, qui s’intéresse aux états de santé d’une population dans un espace ou un lieu donné (via l’analyse de son profil pathologique). Géographie des soins Elle consiste en l’analyse sociale et spatiale des ressources sanitaires (offre de soins), du recours aux soins et du niveau de médicalisation de la population. Elle entretient des rapports étroits avec l’économie de la santé, la sociologie et l’anthropologie médicale. Elle se donne pour objet l’étude, à différentes échelles, des inégalités de santé en matière de localisation des professionnels de santé et des établissements de soins ou encore, par exemple, de la répartition dans l’espace et le temps du système de soins. Géographie médicale En France, cette dénomination est peu à peu abandonnée au profit de la Géographie de la santé, située à l’articulation de la Géographie des maladies et de la Géographie des soins. Géographie de la santé D’une préoccupation initialement orientée vers le monde médical, elle s’intéresse davantage au bien-être de façon plus globale. Son objet d’étude principal est l’analyse sociale et spatiale de l’offre de soins et du recours aux soins, des inégalités de santé des populations, des déterminants de santé susceptibles d’influer (positivement ou négativement) sur l’état de santé des populations. La géographie de la santé considère que la répartition spatiale des faits et phénomènes de santé n’est pas le fruit du hasard et est ainsi porteuse de sens. En effet, la santé n’étant pas uniquement le « résultat de prédispositions naturelles, biologiques ou génétiques, individuelles et familiales, […] elle enregistre et reflète les grandes mutations de l’organisation du monde et des sociétés » (Fleuret et Thouez, 2007). Autrement dit, « les disparités spatiales de santé, à l’échelle du monde, du canton ou encore du quartier, reflètent crûment les disparités de niveau de développement, les grandes structures sociales et territoriales des sociétés qui la composent » (Idem). La géographie de la santé consacre ainsi une importance particulière aux lieux et aux territoires1 dans la production de santé. La santé est une notion complexe, encore difficile à appréhender aujourd’hui, qui fait référence à la fois à des réalités biologiques mais aussi culturelles, individuelles et collectives. La définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) proposée en 1946 fait aujourd’hui consensus. La santé est ainsi définie comme « un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas uniquement en une absence de maladie ou d’infirmité ». L’intérêt de cette définition réside dans le fait qu’elle permet de dépasser le seul aspect biomédical. Ainsi, on distingue la santé réelle (dimension objective, mesurable grâce à la production d’indicateurs tels que les taux de mortalité, taux d’incidence, etc.) de la santé perçue (dimension subjective, qui prend en compte aussi le ressenti des individus, en fonction de leur histoire, de leur environnement, de leurs ressources). 1 Le territoire, concept central en géographie, est ici défini comme un espace délimité, approprié par un individu, une communauté, sur lequel peut s’exercer l’autorité d’un État, d’une collectivité. Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 4 Nous revenons, dans le cadre de ce cours, sur la structuration progressive de la Géographie de la santé. 1. Les prémices : la pensée hippocratique Les réflexions menées à l’articulation de la géographie et de la santé sont à attribuer, en premier lieu, à des médecins et non à des géographes. Les médecins de l’École Ayurvédique en Inde d’abord, Hippocrate (médecin et philosophe grec du siècle de Périclès) ensuite, figurent parmi ceux qui proposent les premières descriptions des relations entre maladies et milieux. Le Traité (ou la Pensée) hippocratique est aujourd’hui considéré comme une référence en la matière. Ce dernier est composé en réalité de 67 traités différents, dont certains ont également été rédigés et/ou enrichis par d’autres médecins au fil du temps. Un de ces traités constitue une référence en Géographie de la santé : il s’agit du Traité « Airs, Eaux, Lieux ». Ainsi dès la lecture du titre, il est possible de constater, l’intérêt spécifique apporté à l’influence des lieux (et leurs caractéristiques) sur la santé. Ce traité s’organise en deux parties : une première partie présentant une théorie générale concernant l’influence du milieu sur l’homme. Il intègre des éléments en lien avec le climat, les comportements des individus ainsi que leurs caractéristiques propres. La deuxième partie regroupe des études de cas singuliers (on parle alors d’empirisme concret) qui font l’objet de compte-rendu de réflexions portant notamment sur les lieux et les milieux. L’enjeu principal de la démarche est ici étiologique : il s’agit de comprendre les causes des maladies. En voici un extrait (Figure 2) : Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 5 Figure 2 : extrait du Traité « Airs, Eaux, Lieux », Hippocrate. Source: Meade M-S., Earickson R-J. Medical Geography (2nd Ed. 2005), p. x. Il propose ainsi d’explorer des combinaisons locales de facteurs et leurs interactions, et pour cela, tient compte de la répartition spatiale de ces facteurs. Son raisonnement est basé sur une analogie entre microcosme et macrocosme : « les désordres pathologiques sont au corps humain ce que les différences saisonnières sont au corps cosmique ». L’hypothèse formulée est alors que l’apparition de maladies ne s’explique pas uniquement par les déséquilibres internes du corps (humeurs2) mais aussi par la qualité des milieux dans lesquels les individus évoluent (types et qualité de l’eau, de l’air notamment) ainsi que leurs modes de vie, genres de vie (aussi appelés Nomos). Investiguer le rôle de ces facteurs dans l’apparition de maladies suppose donc des connaissances solides dans des domaines tels que la météorologie ou encore l’hydrologie. L’hypothèse consistait alors à penser que les effets produits à l’extérieur seraient les mêmes que ceux se produisant à l’intérieur. Ainsi, aux quatre éléments du cosmos (eau, air, feu et terre), caractérisés par une double nature (chaud/froid ; sec/humide) correspondent quatre humeurs du corps (phlegme, sang, bile jaune, bile noire) (Tableau 1). Tableau 1 : Nature des éléments et des humeurs dans la théorie hippocratique Nature Éléments Humeurs Chaud Froid Humide Sec Eau X X Phlegme Air X X Sang Feu X X Bile jaune Terre X X Bile noire Pour Hippocrate, c’est la prédominance d’une de ces humeurs, et donc l’existence d’un déséquilibre, qui détermine à la fois le type de maladie, la façon de la soigner ainsi que le tempérament. Ainsi, quand le froid connu pour son effet de gélifraction contracte, le chaud est connu pour faire évaporer (dessécher). Mais le corps est déjà constitué et cette constitution modifie les effets qui vont alors se produire à l’intérieur : Hippocrate parle de tempérament. Ce tempérament peut à son tour être déterminé par le milieu. Une bonne santé est le résultat d’un équilibre entre ces quatre humeurs. La pensée hippocratique va structurer la pratique médicale jusqu’à la Renaissance. Les enseignements d’Hippocrate sont enseignés à l’Université à partir du XIème siècle et ce, jusqu’au XVIIIème. 2 Les quatre humeurs sont le sang, la bile noire, la bile jaune, le phlegme. Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 6 2. Des enrichissements de la pensée hippocratique… Les épidémies et pandémies des XIVème, XVème et XVIème siècles (peste, choléra, etc.), parce qu’elles constituent des évènements inhabituels, vont ensuite particulièrement attirer l’attention sur les maladies infectieuses en particulier. La peste (infection hautement transmissible, faisant intervenir différents facteurs – une bactérie, des rongeurs et leurs puces, et des hommes), qui toucha l’Asie d’abord et l’Europe ensuite à partir du XIVème siècle en est un bon exemple. La Peste Noire (qui fait référence à la deuxième pandémie de peste et nommée ainsi en raison de son ampleur géographique et de sa longue durée) fût particulièrement mortelle. D’après les estimations – bien que les chiffres fassent encore l’objet de contestations – le nombre de morts au cours de cette pandémie s’élèverait à 25 millions en Europe et 35 millions en Chine. En Europe plus spécifiquement, la maladie toucha certains lieux de manière plus fréquente et/ou plus intense. C’est notamment le cas des espaces urbains. Florence en Italie fût touchée 17 fois entre 1315 et 1495 ; Nîmes en France : 31 fois entre 1348 et 1648. Autre constat : on s’aperçoit que les villes les plus touchées sont celles qui font commerce régulier avec l’Orient. C’est alors qu’un lien est établi entre les routes commerciales et la diffusion des épidémies (Figure 3). Figure 3 : Carte de la diffusion de la Peste en Europe au XIVème siècle. Podcast : Mécanique des épidémies, Radio France (2022). Lien URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/mecaniques-des-epidemies Comme le souligne Dab (2012) : « Historiquement, c’est la lutte contre les épidémies qui apporte l’idée que, pour faire face aux maladies contagieuses, chacun ne peut être laissé à lui- même. Il faut une autorité, une organisation, des mesures de police sanitaire pour tenir à l’écart les sources de contagion […] pour isoler les malades contagieux, pour contrôler les produits, pour imposer des traitements et des vaccinations ». Ce sont ainsi les prémices de l’Hygiène Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 7 publique, marquant le passage de la santé comme relevant du domaine privé à celle relevant du domaine public. Dans le cas particulier de la Peste par exemple, bien que les mécanismes de contagion ne soient encore pas complètement compris au moment où la Peste se diffuse, on sait que les contacts entre humains jouent un rôle important. Certaines mesures prophylactiques sont alors adoptées (isolement et quarantaine). Il s’agissait alors de limiter au maximum l’arrivée de la Peste dans de nouveaux lieux, mais aussi, une fois détectée, de contenir sa diffusion spatiale. En France, la rédaction d’une ordonnance relative aux règles sanitaires à suivre en cas de détection de la maladie, en Italie, l’instauration d’une quarantaine à Venise ou encore la désinfection des marchandises arrivées à Milan constituent des exemples de mesures d’hygiène publique mises en place pour tenter de lutter contre la maladie. Par ailleurs, le principe de description tel que mis en place dans le cadre de la pensée hippocratique sera repris par la suite. Au XVIIIème siècle, en France, les connaissances sur l’état de santé de la population du Royaume sont partielles. La Société royale de médecine, créée le 29 avril 1774 a notamment en charge la publication « […] de l’histoire des épidémies et des épizooties […] » (Borel, 2005). Dans cette perspective, une enquête sanitaire de grande ampleur est mise en place. Il s’agit notamment, grâce à la participation de nombreux médecins du royaume (environ 150), d’ « […] inciter tous les mois à rendre un compte exact des maladies qui frappent notre territoire » (Idem). Ce projet « extrêmement rigoureux prévoit le catalogage des conditions atmosphériques et médicales - localisées, sur un double tableau. Au recto, le médecin devra consigner plusieurs fois par jours les précipitations mais aussi les températures, les pressions, l’hydrométrie et différentes observations pouvant faire l’objet d’un commentaire succinct. Au verso, il notera de façon aléatoire ses observations sur les différentes constitutions médicales du mois et sur les maladies régnantes » (Idem). Cette seconde partie est dite « nosologique ». Dans cet esprit et à partir de la fin du XVIIIème siècle commencent à être produites des topographies médicales, qui consistent en la description (chiffrée, illustrée) d’un lieu, sous l’angle médical. L’une des plus connues est celle de Claude Lachaise (1822) intitulée « Topographie médicale de Paris ou examen général des causes qui peuvent avoir une influence marquée sur la santé des habitants de cette ville, le caractère de leurs maladies, et le choix des précautions hygiéniques qui leur sont applicables ». Il fait notamment référence à une multiplicité de causes, parmi lesquelles le climat, les vents, la fréquence des brouillards, l’existence de forêts ou de marais, la salubrité des logements, l’obscurité, l’humidité, la gestion des déchets ou encore les types d’activités économiques présents dans la ville. Ses travaux vont notamment influencer les manières de concevoir la ville et de l’aménager : l’impact sur les théories urbanistiques est réel. Il consiste notamment en des demandes de mesures d’assainissement des villes : problématique de l’insalubrité des logements, mais aussi par exemple, concernant la pollution générée par les usines implantées au cœur des villes. Cela donne lieu, par exemple, à la publication du décret réglementant l’implantation des Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 8 « manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode » le 15 octobre 18103. Il distingue les établissements en trois classes : 1. Les établissements qui doivent être éloignés des habitations. 2. Les établissements pour lesquels « l’éloignement des habitations n’est pas rigoureusement nécessaire mais dont il importe néanmoins de ne permettre la formation qu’après avoir acquis la certitude que les opérations qu’on y pratique sont exécutées de manière à ne pas incommoder les propriétaires du voisinage, ni à leur causer des dommages ». 3. Les établissements qui peuvent rester, sans inconvénient, auprès des habitations, mais qui doivent rester soumis à la surveillance de la police. D’autres topographies médicales peuvent également être mentionnées, comme celle de L. Finke « Essai d’une géographie générale médico-pratique » (1792). Celle-ci est réalisée à partir de différentes sources de données : récits de voyages, mémoires de médecine ou encore témoignages divers. Un des éléments à retenir concernant ces topographies est qu’elles sont plus descriptives qu’explicatives. Dès la fin du XIXème et au cours du XXème siècle, on met en évidence des disparités de santé à des échelles locales, au niveau intra-urbain notamment, qui interrogent de fait, la qualité des territoires. Le recours à la carte est alors mis en œuvre pour tenter d’expliquer certains phénomènes de santé, touchant certains quartiers plus que d’autres par exemple. Une des démarches parmi les plus souvent citées est celle explorant la répartition spatiale des cas de Choléra à Londres, réalisée par John Snow (1854) (Figure 4) : 3 Décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode. [En ligne] Disponible sur : https://aida.ineris.fr/consultation_document/3377 Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 9 Figure 4 : Localisation simultanée des décès par choléra et des pompes d’eau potable, quartier de Soho, Londres (1854), J. Snow – Source : On the mode of communication of cholera, Londres. John Churchill. 2ème Éd. Disponible sur : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31379677w (Consulté en 2020) En 1854, le quartier de Soho à Londres enregistre, en 10 jours, plus de 600 décès dus au choléra. La démarche du docteur Snow est particulièrement intéressante, en ce sens qu’il s’intéresse à la répartition dans l’espace des décès liés à cette pathologie. Il constate que la majorité des cas vivaient à proximité de la pompe de Broad Street. Il démontre aussi que cette pompe était utilisée pour l’eau potable. Il demanda ainsi aux autorités de restreindre son accès, ce qui fît chuter radicalement les contaminations. La démarche du docteur Snow est intéressante à mobiliser en particulier ici concernant deux aspects. Le premier concerne le contexte dans lequel le docteur Snow mène ses investigations. En effet, Tulchinsky précise qu’à cette période, c’est la Théorie des Miasmes4 qui était privilégiée pour expliquer le développement du choléra. Snow est alors un des premiers à la réfuter, se heurtant ainsi à certaines réticences de la part des autorités. Le deuxième aspect concerne le fait qu’il va mobiliser les concepts d’espace et de distance et va, par la localisation des décès liés au choléra, identifier l’élément à l’origine de l’épidémie, à savoir la contamination de la pompe de Broad Street par la bactérie Vibrio cholerae. La localisation des décès liés à la maladie dans l’espace et l’identification de ce que l’on pourrait aujourd’hui appeler « cluster » ou « agrégat spatio-temporel de cas de pathologie 4 Berche (2018) rappelle que « dans son Traité Des Airs, des eaux et des lieux, [Hippocrate] attribue la contagion à l’air vicié et nauséabond, aux miasmes qui émanent des marais, au climat malsain » (p. 48). Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 10 / de décès », sont apparues particulièrement décisives pour identifier la cause de l’épidémie d’une part et mettre en place des mesures de santé publique adaptées localement, consistant, dans le cas présent, en la suppression de l’accès à cette pompe, d’autre part. Ces travaux de description des états de santé des populations prennent par la suite une dimension supplémentaire : une dimension sociale. Villermé se positionne ainsi comme un des pionniers de cette approche, avec son étude sur la mortalité selon les différents quartiers de Paris. Il observe notamment une corrélation entre population pauvre et mortalité élevée. Il conclut ses travaux ainsi : « C’est ainsi que toujours une amélioration sociale est pour les hommes la source d’une santé plus vigoureuse et d’une vie communément plus longue ». Ses travaux doivent être replacés dans le contexte de l’époque : la Révolution Industrielle et ses effets sur les conditions de vie des populations. Deux de ses principaux travaux peuvent être cités : (1824) « La mortalité en France dans la classe aisée comparée à celle qui a lieu parmi les indigents » ; (1840) « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Tome 1 ». En Angleterre, un mouvement similaire se met en place. Porté par E. Chadwick (hygiéniste), c’est dans le cadre d’une commande de la Royal Commission of Enquiry on the Poor Laws que sont décrites les conditions de vie des habitants les plus pauvres de Londres d’abord, puis de l’ensemble du pays ensuite. Il conclut que pour réduire la mortalité, il faut améliorer les conditions de vie de manière générale (à la différence de Villermé, qui mettait l’accent sur les conditions de vie uniquement, en excluant les conditions de travail). Chadwick s’intéresse ainsi au caractère cumulatif des mauvaises conditions de vie et de travail et montre que chaque évènement négatif joue un rôle dans la détérioration des états de santé. Il insiste aussi sur le caractère pollué des lieux d’habitation des plus pauvres (car souvent situés à proximité de leur lieu de travail). Par la suite, la Révolution pasteurienne marque un changement de paradigme important. Avec les nouvelles conceptions microbiennes des maladies, l’idée selon laquelle ces dernières seraient causées par un agent bien identifiable devient prégnante. On se situe ici dans un modèle monoétiologique (une seule cause). La mise au point de techniques de stérilisation et de vaccins (notamment contre la rage) joue un rôle considérable dans l’amélioration des états de santé de la population. En parallèle, on continue à agir sur l’aménagement des villes. L’élargissement des rues parisiennes par le baron Hausmann sous le Second Empire s’inscrit notamment dans ce courant. L’objectif est alors de favoriser la circulation et le recyclage de l’air – jusqu’ici accusé de transporter les miasmes – et la luminosité des habitations. Durant toute cette période, une question demeure : si les bactéries sont partout présentes pourquoi les épidémies frappent en même temps en certains lieux et pas dans d’autres ? Jusqu’ici on entend peu parler des géographes, plutôt des médecins, des juristes, des urbanistes. L’intérêt des géographes pour ces questions se manifeste essentiellement à partir du XXème siècle. En France, nous pouvons notamment faire référence à Maximilien Sorre qui propose une théorie pour expliquer la géographie des maladies, à partir de la notion de « complexe pathogène » (1933). Le « complexe pathogène » est défini comme « l’association Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 11 parasitaire d’êtres vivants dont l’homme est la victime dans des conditions spécifiques de transmission liées au milieu naturel et aux modifications anthropiques des conditions naturelles ». Il s’intéresse particulièrement aux relations entre l’homme et le milieu vivant. Des réticences sont formulées à l’égard de cette approche, à laquelle on reproche notamment le déterminisme excessif associé à cette conception. De plus, l’accent est mis sur les facteurs naturels ; les aspects sociaux ne sont que peu ou pas pris en compte. 3. … À la prise en compte la dimension sociale et territoriale de la santé Quelques évolutions depuis les années 1960 C’est à partir des années 1960 que la mise en relation des états de santé avec des variables économiques et sociales devient beaucoup plus systématique. L’accent est désormais mis sur la nécessité de développer les approches dites multicritères et l’évolution des objets de recherche en géographie amène alors à parler de Nouvelle géographie. Celle-ci se base davantage sur les méthodes quantitatives, sur la cartographie, les modèles de diffusion, les statistiques. La santé devient alors essentiellement, dans ces approches, un objet quantifiable. Se développent donc essentiellement des travaux dans le champ de la géographie des soins, qui s’intéressent davantage à l’analyse spatiale de la distribution de l’offre de soins (accessibilité, inégalités, adéquation offre/demande). L’hypothèse est que la prévalence de certaines maladies peut aussi résulter d’un déficit de l’offre de soins ou du moins, d’une inadaptation de cette offre aux besoins des populations. Henri Picheral est un des premiers à mettre en relation état de santé / organisation de l’offre de soins. Dans ses travaux de thèse5, il avance notamment que les inégalités en termes d’équipements sanitaires et médicaux expliquent en grande partie les inégalités devant la maladie et devant la mort, et ce, avec les conditions de vie et de travail. Il est le premier à parler de « désert médical » et va, en ce sens, permettre la prise en compte de la santé dans les projets d’aménagement. On parle ainsi de « territoires de santé », d’« organisation territoriale de la santé ». Cette prise en compte de la dimension territoriale de la santé se matérialise avec importance, notamment dès le début des années 1970, avec l’élaboration d’une carte sanitaire (instaurée par la Loi hospitalière du 31 décembre 1970). L’espace géographique français est alors découpé en 256 secteurs sanitaires (répartis en 21 régions). Cette carte a pour objectif la répartition des plateaux techniques (un minimum dans chaque secteur) et le rééquilibrage des équipements hospitaliers selon ces mêmes secteurs. Cette carte visait à permettre l’adéquation offre de soins / besoins des populations mais ne concerne en réalité que la planification hospitalière. Cette carte sanitaire est renforcée par la mise en place, en 1991, des Schémas Régionaux de l’Organisation des Soins (SROS), qui permettent de guider la planification sanitaire, et ce, à une échelle régionale. À partir des années 1990, et en réaction aux critiques énoncées relatives à la vision homogène 5 Picheral H. Géographie médicale du Midi méditerranéen. Thèse de doctorat en Géographie. Université Paul Valéry. Soutenue en 1975. Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 12 des individus et des territoires (tous les territoires ont les mêmes besoins – ce n’est pas le cas) et face à l’absence de prise en compte des particularismes locaux, une approche dite post- moderne se développe : on parle ainsi de « nouvelle géographie de la santé ». La maladie est alors envisagée dans toutes ses dimensions : sociales, politiques, symboliques, etc. Concernant la planification sanitaire, la Loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) de 2009, s’inscrit alors dans ce courant en définissant 4 axes principaux : 1. La modernisation des établissements de santé, 2. L’accès à tous à des soins de qualité, 3. La prévention et la santé publique ; 4. L’organisation territoriale du système de soins avec la création des Agences Régionales de Santé (ARS)). La dimension pluridisciplinaire de cet objet d’étude est alors affirmée : il s’agit d’un objet complexe. On s’intéresse aux inégalités de santé selon l’appartenance culturelle, les rapports de domination, le niveau économique : en bref, tout ce qui caractérise l’individu. S’opère alors une réappropriation de la dimension spatiale, notamment dans sa dimension symbolique plutôt que conventionnelle. Sarah Curtis explique à ce sujet que la dimension symbolique des lieux a du sens du point de vue de la santé, tout comme la dimension sociale car les lieux sont porteurs de relations sociales, de représentations, de processus sociaux, etc. et que tout cela peut impacter la santé. On s’intéresse également à d’autres dimensions en lien avec la qualité des territoires, jusqu’alors peu considérées : qualités esthétiques, environnementales, capacitantes. L’espace n’est plus seulement appréhendé dans sa dimension fonctionnelle ou organisationnelle, mais aussi dans sa dimension plus subjective. Pour une approche holistique de la santé La santé « résulte de combinaisons locales, variées et originales en chaque lieu, des multiples déterminants de la santé ». Ces déterminants sont définis comme l’« ensemble des conditions socialement produites qui influencent la santé des populations » (Potvin et al., 2010). On peut citer parmi eux : - les comportements et normes sociales de santé, - les pratiques de soins, - les politiques de santé publique, - l’organisation du système de soins, - l’accès aux soins, - la gestion du territoire et des populations (politiques d’éducation, de logement, de gestion du cadre de vie, d’emploi, culturelle, etc.). Le modèle de Dahlgren et Whitehead (1991) est un des modèles les plus souvent cités pour rendre compte de l’articulation entre les différents déterminants de la santé, organisés en 5 niveaux distincts (Figure 5). Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 13 Figure 5 : Modèle des déterminants de la santé Niveau 1 : caractéristiques inchangeables : âge, genre, patrimoine génétique, etc. Niveau 2 : comportements individuels et facteurs de risque liés aux modes de vie (consommation de tabac, d’alcool, autres). Niveau 3 : influence de la société, des communautés et réseaux dans lesquels sont intégrés les individus. Niveau 4 : facteurs liés aux conditions de vie et de travail, l’accès aux ressources, aux infrastructures et services essentiels (conditions de logement, conditions de travail, etc.). Niveau 5 : conditions socio-économiques, culturelles et environnementales. La situation économique d’un pays ou encore les caractéristiques du marché du travail qui vont impacter l’ensemble des autres niveaux. Pour résumer, à l’heure actuelle, trois principales approches structurent le champ de la Géographie de la santé : - Approche médicale et environnementale : géographie tropicale, maladies émergentes et ré- émergentes, risques sanitaires liés aux évolutions climatiques, impacts des activités anthropiques sur la qualité territoriale et la santé. Exemples de travaux : Gérard Salem (Géographie du paludisme au Sénégal), Jeanne-Marie Amat-Rose (Géographie du SIDA en Afrique), Clélia Gasquet-Blanchard (fièvre hémorragique à virus Ébola au Gabon et en République du Congo), Christelle Meha (borréliose de Lyme, forêt de Sénart, Ile-de-France), Christina Aschan-Leygonie (santé respiratoire dans les villes françaises), Virginie Chasles (cancers des testicules en zone rurale). - Approche sociale et culturelle : travaux sur la justice sociale, les minorités, le vieillissement, la dimension thérapeutique des espaces non médicaux (paysages thérapeutiques), le bien-être Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 14 en ville, les liens entre mondialisation et santé (mondialisation des savoirs, des pratiques sanitaires, des maladies, tourisme médical). Exemples de travaux : Christian Pihet (vieillissement aux États-Unis), Brigitte Nader (territoires de vie des 75 ans et plus à Paris), Anne-Cécile Hoyez (paysages thérapeutiques). - Enjeux d’aménagement liés à l’organisation des soins : recours aux soins, déserts médicaux, inégalités sociales et territoriales de santé. Exemples de travaux : Hélène Charreire (santé périnatale, inégalités sociales de santé en Seine-Saint-Denis), Sébastien Fleuret (impacts des hôpitaux sur les territoires), Audrey Bochaton (recours aux soins, espaces transfrontaliers Laos/Thaïlande). Pour aller plus loin [Cours 1 - Complément 1] : Picheral H. (1982) « Géographie médicale, géographie des maladies, géographie de la santé », L’espace géographique, Vol. 11, n°3, pp. 161-175. [en ligne]. Disponible sur : https://www.persee.fr/docAsPDF/spgeo_0046- 2497_1982_num_11_3_3751.pdf Cours 1 – Environnement urbain et santé (L. Prost-Lançon) 15 Éléments de bibliographie Bailly A., Ferras R. avec la collaboration de R. Scariati (2018) Éléments d’épistémologie de la géographie. Paris : Armand Colin, 3ème Ed. 221 p. Borel P. (2005) « Comprendre l’enquête de la Société royale de médecine (1774-1793). Source, problèmes et méthodologie » Histoire des sciences médicales. [En ligne] Disponible sur : https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2005x039x001/HSMx2005x039x001x00 35.pdf Brunet R., Ferras R., Théry H. (1992) Les mots de la géographie, dictionnaire critique. Montpellier / Paris : Reclus / La Documentation française. 470 p. Charvet J-P., Sivignon M. (Dir.) (2020) Géographie humaine. Mondialisation, inégalités sociales et enjeux. Paris : Armand Colin, 4ème Ed. 400 p. Claval P. (2022) Histoire de la géographie, Paris : Presses Universitaires de France, 5ème Ed., 128 p. Dab W. (2012) Santé et environnement, Paris : Presses Universitaires de France, 4ème Ed., 128 p. Décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode. 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