Améliorer ses stratégies de coping pour affronter le stress au travail PDF
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CFAI Lyon
Lucie Côté
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Cet article présente un modèle de stratégies de coping pour améliorer la gestion du stress au travail. Il explore les mécanismes de coping et analyse leur efficacité concernant la situation de stress, selon qu'elle soit contrôlable ou non. Le modèle intégré des stratégies de coping aide à mieux comprendre les circonstances où les stratégies sont efficaces et comment elles peuvent être utilisées plus judicieusement.
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Dre Lucie Côté / Psychologue Lucie Côté est professeure au Département des relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais ([email protected]). _Améliorer ses stratégies de coping pour affronter le stress...
Dre Lucie Côté / Psychologue Lucie Côté est professeure au Département des relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais ([email protected]). _Améliorer ses stratégies de coping pour affronter le stress au travail Le stress constitue aujourd’hui un enjeu majeur dans le monde du travail, car ses répercussions sur la main-d’œuvre, sur les Hartmann (2008) affirme que l’approche classique du coping émotionnel devrait être fortement reconsidérée. Elle suggère organisations et sur la société en général prennent une de mieux prendre en compte les stratégies de régulation ampleur considérable (Côté, Tremblay et Styve Audrey, 2012). émotionnelle et de dissocier la rumination mentale d’un coping Il s’avère donc pertinent de traiter des façons d’y faire face, d’affrontement émotionnel adaptatif. Elle décrit de nouvelles plus précisément des mécanismes de coping. orientations dans le champ du coping, notamment le rôle de volume 30 / numéro 05 / septembre 2013 la recherche de sens et l’acceptation. Brandtstädter et Renner Cet article fait brièvement le point sur l’efficacité des stratégies (1990) relèvent une meilleure santé mentale chez les individus qui sont capables d’intégrer simultanément deux stratégies de de coping décrites dans les écrits scientifiques. Il présente Psychologie Québec / Dossier coping, soit d’agir pour transformer la réalité (assimilation) puis de ensuite un nouveau modèle de coping, développé en conti- réviser leurs aspirations, leurs priorités, leurs valeurs (accommoda- nuité avec nos résultats de recherche en santé mentale au tion). Plusieurs auteurs (McCraken, Vowles et Gauntlett-Gilbert, travail, qui permet aux personnes d’améliorer leurs stratégies 2007; Jaffe et Scott, 1988) soulignent le caractère actif et adapta- pour affronter le stress. Ce modèle constitue un outil que tif du lâcher-prise, qui implique une transformation intérieure. chacun peut mettre concrètement en pratique et que les Seligman (2011), fondateur de la psychologie positive, suggère psychologues peuvent utiliser avec leurs clients. que les stratégies associées aux composantes du bien-être s’avèrent favorables en tout temps, notamment les relations inter- _Les stratégies de coping personnelles positives, le sens et l’accomplissement. À l’inverse, et leur efficacité il appert que les stratégies d’évitement sont pratiquement toujours Lazarus et Folkman (1984) définissent le coping comme l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux déployés néfastes, surtout si les stresseurs se manifestent avec une certaine chronicité (Bruchon-Schweitzer, 2002). 41 pour gérer des exigences spécifiques internes et/ou externes qui sont évaluées par la personne comme consommant ou excédant En somme, nous retenons que les stratégies reliées au bien- ses ressources. Ils identifient trois types de stratégies : le coping être seraient efficaces en tout temps, que celles associées à centré sur le problème, qui vise à réduire les exigences de la l’évitement seraient dysfonctionnelles, que le coping centré sur situation ou à augmenter ses propres ressources pour mieux le problème serait adaptatif quand la situation est contrôlable y faire face; le coping centré sur l’émotion, qui comprend les et que le lâcher-prise le serait en situations non contrôlables. tentatives pour réguler les tensions émotionnelles induites par Toutefois, aucun modèle actuel n’intègre en un tout cohérent la situation; et le coping centré sur le soutien social, qui consiste tous ces éléments ni ne nous renseigne sur une façon de les à obtenir la sympathie et l’aide d’autrui. utiliser pour améliorer ses stratégies de coping. Une stratégie de coping est efficace si elle permet à l’individu _Un modèle intégré pour améliorer de maîtriser la situation stressante et/ou de diminuer son impact ses stratégies de coping sur son bien-être physique et psychique. Vis-à-vis d’une situation Subséquemment à l’analyse approfondie d’entrevues réalisées maîtrisable, les études indiquent que les stratégies centrées sur auprès de travailleurs peu stressés (Côté, Bertrand et Gosselin, le problème sont fonctionnelles et associées à des indicateurs de 2009) ainsi que de personnes ayant pu retourner avec succès au santé mentale positifs (Bruchon-Schweitzer, 2002). Cependant, travail à la suite d’un problème de santé mentale relié au travail lorsque la situation affrontée échappe au contrôle de la personne, (Côté, Edwards et Benoit, 2005), nous avons développé un des efforts répétés sont inutiles, épuisants et éventuellement modèle intégré des stratégies de coping. Ce modèle correspond nocifs pour la santé (Lazarus et Folkman, 1984). Dans ces cas, aux connaissances scientifiques sur le coping énoncées ci-haut. les stratégies centrées sur les émotions s’avèrent relativement Il permet de comprendre dans quelles circonstances les stratégies efficaces à court terme, mais induisent à long terme des états sont efficaces ou inefficaces et d’apprendre comment on peut dépressifs (Bruchon-Schweitzer, 2002). dossier les utiliser plus judicieusement. Applicable à toutes les situations Si une situation est maîtrisable et que la personne agit, son et à toutes les sphères de la vie, ce modèle est une opération- coping se situe dans la modification de la situation. La personne nalisation de la prière de la sérénité : « Mon Dieu, donnez-moi la développe et utilise ses compétences et ses ressources pour sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage transformer la situation ou pour y faire face avec une efficacité de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaître accrue. La résultante est positive, la personne éprouve un la différence. » sentiment de compétence et de satisfaction. Le modèle repose sur le principe selon lequel l’efficacité du En revanche, si une personne abdique son pouvoir, c’est la coping dépend de la contrôlabilité de la situation qu’une personne résignation ou la déresponsabilisation, et évidemment l’issue doit affronter. Selon que la situation soit contrôlable ou non, est inefficace et négative. Malgré qu’il soit possible de faire nous avons identifié quatre stratégies spécifiques, dont deux quelque chose, la personne demeure passive et apathique efficaces, la modification de la situation et le lâcher-prise, devant la situation qui, inévitablement, ne changera pas. et deux autres non adaptées et inefficaces, la résignation- Les sentiments découlant de cette stratégie sont principalement déresponsabilisation et l’acharnement. Elles sont illustrées du type de la dépression. et décrites dans le tableau 1. À l’inverse, une personne qui refuse d’accepter une situation sur laquelle elle ne peut exercer aucun contrôle et qui s’obstine à volume 30 / numéro 05 / septembre 2013 vouloir la changer se retrouve en position d’échec; elle pratique alors l’acharnement. Elle agit, mais son action est sans effet. Elle TABLEAU 1 éprouve beaucoup de frustration et d’anxiété. Souvent perfection- Psychologie Québec / Dossier niste ou idéaliste, elle a l’impression de ne pas en faire assez. Les stratégies spécifiques de coping Si elle se bat pendant une longue période de temps, elle peut finir par s’épuiser. Contrôlabilité de la situation Oui Non Enfin, la stratégie du lâcher-prise consiste à accepter de composer avec une réalité impossible à changer. Cela ne signifie absolument Modification de la situation Lâcher-prise pas qu’il faille être d’accord; il s’agit plutôt de faire son deuil d’un Augmenter ses ressources et Accepter sereinement de composer idéal inatteignable. Il se produit une transformation intérieure et capacités : rechercher l’information avec la réalité : soi, les autres, un arrêt des actions visant à changer ce qui ne peut plus l’être, pertinente et développer la situation. ses compétences. ayant antérieurement tout fait ce qui était possible et réaliste. La personne se sent sereine, libérée et en paix. 42 Nourrir des exigences et des Agir concrètement : communiquer, attentes réalistes, accepter les analyser, planifier et organiser limites de son pouvoir et de son temps, ses tâches et son ses capacités ainsi que celles Ces quatre stratégies spécifiques forment le cœur du modèle, + environnement, fournir les efforts des autres. mais il faut y ajouter des stratégies générales, de bien-être ou Efficacité nécessaires pour accomplir ses tâches et persévérer. Se concentrer sur le positif, relati d’évitement, qui influencent, positivement ou négativement, la viser l’importance d’un problème capacité à affronter des situations spécifiques. Le tableau 2 décrit Obtenir le soutien instrumental du et dédramatiser ses conséquences. réseau social : recevoir de l’aide ces stratégies générales. Les stratégies de bien-être sont adaptées directe, des ressources ou des Choisir ses batailles et cesser de et positives. Elles touchent plusieurs aspects de la personne : l’âme, conseils pour identifier et appliquer vouloir modifier une situation sur le cœur, la tête et le corps. Les sentiments qui y sont associés des solutions concrètes. laquelle on n’a pas de pouvoir. comprennent le bien-être et la paix intérieure. Les stratégies d’évitement nuisent à la santé mentale et physique, quelles que soient les circonstances, surtout lorsqu’elles comportent des Résignation- Acharnement difficultés récurrentes. Elles apparaissent clairement inefficaces déresponsabilisation et inadaptées. Ici, il n’y a aucune transformation, ni intérieure ni S’obstiner à poursuivre des extérieure. Les personnes craignent de faire face à la situation, Se plaindre, s’apitoyer, blâmer les stratégies d’action inefficaces autres sans reconnaître ses propres puisqu’il n’y a pas de contrôle elles tentent de ne pas penser à ce qui va mal dans leur vie, mais fautes ou manquements. possible sur la situation. l’allègement de la souffrance est éphémère. Elles compensent Subir la situation, se sentir impuis- S’entêter à vouloir atteindre un leur douleur par des plaisirs excessifs et empreints de culpabilité. – sant à la changer même si, en résultat irréaliste, voire impossible. L’évitement peut se manifester dans des activités qui, en soi, sont réalité, elle pourrait l’être. Se responsabiliser pour des positives, mais qui deviennent néfastes lorsqu’elles servent à fuir Se déresponsabiliser vis-à-vis problèmes qui appartiennent des situations difficiles, à ne pas les affronter. de ce que l’on pourrait faire, aux autres. laisser les autres trouver des solutions ou s’occuper des problèmes, procrastiner. dossier reconnaissance et le manque de sens. Ces cas montrent TABLEAU 2 comment une personne peut analyser ses situations de stress, prendre conscience de ses stratégies mal adaptées et choisir Les stratégies générales de coping un coping plus efficace. Bien-être Développer sa spiritualité : sens de la vie, engagement envers la société _Pour aller plus loin… ou plus grand que soi. Dans le monde occidental, l’approche centrée sur le problème Nourrir des relations interpersonnelles positives : soutien émotionnel, prédomine largement (Wong et Wong, 2008) et s’appuie sur la + affection, amour, acceptation. croyance qu’il est possible de tout contrôler. Toutefois, nos études S’accomplir et se développer : utilisation et expression de ses talents et suggèrent qu’en milieu professionnel il est tout aussi important capacités, apprentissage de nouvelles compétences. pour les travailleurs d’utiliser des stratégies visant à modifier la situation que des stratégies de lâcher-prise. De quelle façon ce Efficacité Maintenir de bonnes habitudes de vie : activités physiques, saine alimenta- tion, techniques de relaxation, plein air, sommeil. lâcher-prise s’opère-t-il et comment le mettre en œuvre? Kübler- Ross (1977) et Portelance (2009) proposent des processus qui s’étalent sur plusieurs étapes. Toutefois, ces processus ont été Évitement élaborés pour l’acceptation de la maladie et de la mort, et la volume 30 / numéro 05 / septembre 2013 Engourdir ses émotions et ses sensations : dépendance ou abus de transposition directe de leurs modèles dans le contexte du travail drogue, alcool ou médicament, hypersomnie. nécessite une adaptation. – Bloquer les pensées déplaisantes et pratiquer, avec excès, des activités Psychologie Québec / Dossier compensatoires : magasinage, alimentation, jeux électroniques ou de Notre modèle des stratégies de coping a émergé de nos hasard compulsifs. recherches effectuées dans différents milieux de travail en S’éloigner des sources de stress : certains lieux, personnes ou activités utilisant une méthodologie qualitative, mais son application aversives. a été développée en milieu clinique. Les propositions concep tuelles du modèle présenté ici se doivent d’être étayées davantage. Nous validons présentement un instrument de _L’apprentissage et l’amélioration mesure des stratégies de coping qui accompagnera le modèle des stratégies de coping proposé. Cet instrument nous permettra de mieux comprendre Les personnes peuvent améliorer leurs stratégies de coping comment les travailleurs peuvent améliorer leurs stratégies en apprenant, par elles-mêmes ou avec un accompagnement de coping et protéger leur santé mentale. professionnel, à mieux affronter les difficultés de la vie. Notre modèle propose quatre processus d’apprentissage de stratégies FIGURE 1 43 de coping efficaces (voir la figure 1). Afin de faciliter la mise en application du modèle, nous suggérons de suivre la Modèle intégré des 4 processus d’apprentissage démarche suivante : des stratégies de coping efficaces évaluer les stratégies générales de bien-être; évaluer les stratégies générales d’évitement; identifier les situations spécifiques de stress, puis décortiquer 1 chacune des situations afin de distinguer les dimensions Stratégies générales contrôlables et non contrôlables; de bien-être établir un plan d’action qui permettra tel que démontré dans la figure 1 ci-contre de : 1) améliorer les stratégies de bien- être; 2) diminuer les stratégies d’évitement; 3) passer de la Modification Lâcher-prise Modification Lâcher-prise résignation-déresponsabilisation à la modification de la situation; de la situation de la situation 3 4 et 4) passer de l’acharnement au lâcher-prise; Résignation Acharnement Résignation Acharnement mettre en œuvre le plan d’action et faire un suivi pour constater les progrès. Stresseur A Stresseur B 2 Les processus d’apprentissage pour améliorer le coping sont illustrés dans le tableau 3 par des cas types touchant des Stratégies générales stresseurs psychosociaux fréquemment rencontrés au travail : d’évitement la surcharge de travail, les évaluations du rendement, la faible