Psychologie du travail - CNAM - PDF
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Ce document explore les fondements de la psychologie du travail, en particulier tels qu'enseignés au CNAM. Il aborde différentes approches, notamment la clinique du travail et la psychodynamique, en mettant l'accent sur la santé mentale et l'organisation du travail en France. Les concepts clés incluent l'adaptation, l'expérience de l'individu et les dynamiques collectives.
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1. La psychologie du travail enseignée au CNAM s\'inscrit dans une perspective de clinique du travail, qui diffère d\'une approche plus classique de psychologie des ressources humaines axée sur la mesure et les statistiques. 2. Les idées ne sont jamais hors-sol, elles s\'ancrent dans...
1. La psychologie du travail enseignée au CNAM s\'inscrit dans une perspective de clinique du travail, qui diffère d\'une approche plus classique de psychologie des ressources humaines axée sur la mesure et les statistiques. 2. Les idées ne sont jamais hors-sol, elles s\'ancrent dans des institutions. Le CNAM est un lieu historique des sciences du travail où s\'est notamment développée l\'ergonomie de l\'activité dans les années 1960-70. 3. L\'arrivée de Christophe Dejours, médecin psychiatre et psychanalyste, a permis d\'installer une perspective singulière sur le travail, différente de la psychologie des ressources humaines classique. 4. La clinique du travail est centrale dans la formation en psychologie du travail proposée au CNAM, qui se distingue par l\'absence de mesures et de chiffres. 5. Il existe deux grandes manières d\'envisager l\'action du psychologue du travail : adapter l\'homme au travail ou tenter d\'adapter le travail à l\'homme. Cette seconde perspective se rapproche du projet de l\'ergonomie de l\'activité. 6. L\'ambition de la clinique du travail est d\'agir dans les relations avec une visée de transformation, et non simplement de mesurer des phénomènes et faire des recommandations. 7. Il s\'agit de se demander si le travail prescrit peut être changé, ce qui place le psychologue dans une position différente de celle d\'une psychologie adaptative. 8. La clinique du travail cherche à renouveler le dialogue entre ceux qui organisent et managent le travail d\'un côté, et ceux qui le réalisent de l\'autre. 9. Elle ne vise pas à mesurer des risques psychosociaux mais à transformer concrètement les situations de travail délétères. 10. La santé mentale est souvent définie comme la capacité à s\'adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer. La clinique du travail questionne cette définition. 11. Le psychologue du travail n\'est pas là pour aider les gens à s\'adapter coûte que coûte à des situations de travail insupportables, mais pour agir sur l\'organisation du travail. 12. Cela implique de considérer que le travail prescrit n\'est pas intouchable mais est le résultat d\'activités de conception, d\'arbitrages et de décisions qui peuvent être discutés. 13. Il s\'agit de tenir davantage compte de l\'expérience de ceux qui sont sur le terrain et font le travail au quotidien, pour organiser un travail plus \"réel\" et supportable. 14. La clinique du travail ne relève pas d\'une psychologie clinique appliquée au travail qui s\'intéresserait aux travailleurs sans prendre en compte l\'activité concrète. 15. Elle cherche plutôt à élucider le sens de conduites qui peuvent paraître irrationnelles (comme ne pas respecter les consignes de sécurité) en les regardant avec une autre rationalité. 16. La psychodynamique du travail et la clinique de l\'activité constituent deux courants majeurs de la clinique du travail, avec des racines théoriques différentes. 17. La psychodynamique du travail s\'inscrit dans une perspective psychanalytique et considère le travail, au même titre que la sexualité, comme central dans la vie psychique et la construction de l\'identité. 18. Son fondateur Christophe Dejours fait un geste théorique fort en postulant que l\'énigme au travail n\'est pas la pathologie mais la normalité, qui se conquiert grâce à des défenses individuelles et collectives. 19. La clinique de l\'activité développée par Yves Clot se réfère quant à elle à une psychologie historico-culturelle (Vygotski) et considère la conscience et l\'expérience individuelle comme intimement liées au collectif. 20. Un troisième courant de psychosociologie du travail, représenté par Dominique Lhuilier, s\'intéresse davantage aux rapports entre psychisme et société dans une perspective d\'intervention. 21. Malgré leurs différences, ces trois courants de clinique du travail partagent un intérêt commun pour la santé mentale au travail, envisagée comme étroitement dépendante des dynamiques collectives et organisationnelles. 22. La psychodynamique du travail travaille avec une perspective de l\'inconscient issue de la psychanalyse, tandis que la clinique de l\'activité mobilise une psychologie de la conscience et de l\'expérience subjective. 23. Cette dernière aborde les capacités d\'un sujet non comme des propriétés individuelles et fixes, mais comme le produit d\'une appropriation de l\'expérience d\'autrui, dans une dynamique de développement. 24. Lev Vygotski, psychologue russe du début du 20e siècle, a ainsi proposé d\'évaluer les capacités d\'un enfant non seulement à travers ce qu\'il sait faire seul, mais aussi ce qu\'il parvient à réaliser avec le soutien d\'un autre. 25. De même, en clinique de l\'activité, on considère que les habiletés et le pouvoir d\'agir d\'un professionnel se construisent pour une grande part dans le rapport aux collègues et la transmission de l\'expérience. 26. Un milieu de travail qui fonctionne est un milieu où peut circuler l\'expérience entre ceux qui font le même métier, où l\'on peut demander aux autres comment ils s\'y prennent face à telle ou telle difficulté. 27. Le rôle du psychologue du travail en clinique de l\'activité est donc d\'instaurer des cadres et des méthodologies permettant ce travail collectif d\'analyse et d\'élaboration de l\'expérience. 28. Il s\'agit de créer les conditions pour que les professionnels concernés puissent eux-mêmes mettre en discussion leur activité, dans une perspective de développement du pouvoir d\'agir individuel et collectif. 29. Le psychologue n\'est pas là pour prescrire des solutions mais pour accompagner un processus de co-analyse, en partant de ce que les professionnels font réellement et non de ce qu\'il faudrait faire idéalement. 30. L\'enjeu est de permettre aux professionnels de s\'approprier une démarche réflexive sur leur propre activité, le psychologue jouant un rôle d\'instrument provisoire au service de cette dynamique. 31. Il ne s\'agit pas simplement de permettre une libération de la parole mais de soutenir un travail d\'élaboration tourné vers la transformation des situations de travail problématiques. 32. Un écueil fréquent est de considérer que le seul fait de \"donner la parole\" aux salariés est suffisant, sans se préoccuper de ce qui est fait ensuite de cette parole et de son influence réelle sur l\'organisation du travail. 33. L\'expertise du psychologue en clinique de l\'activité ne réside donc pas dans sa capacité à analyser le travail d\'autrui de l\'extérieur, mais dans celle à concevoir et animer des dispositifs de co-analyse impliquant directement les professionnels. 34. Cette posture implique de se départir d\'une position surplombante d\'expert pour construire une relation de collaboration avec les professionnels autour d\'un objet commun : le développement de leur activité. 35. Elle suppose également de prêter attention aux dimensions collectives et organisationnelles qui structurent l\'activité individuelle, dans ses possibilités comme dans ses empêchements. 36. L\'isolement d\'un professionnel face à des tâches trop complexes est ainsi analysé comme le symptôme d\'une organisation du travail défaillante, ne permettant pas la coopération et la circulation de l\'expérience. 37. À l\'inverse, un collectif de travail vivant se caractérise par la possibilité d\'échanger sur les façons de faire, de confronter les pratiques, de se transmettre des gestes et des savoirs. 38. L\'action en clinique de l\'activité cherche à restaurer ou étayer ces dynamiques collectives, en les considérant comme une ressource essentielle pour le développement de l\'activité et la santé au travail. 39. Elle vise également à questionner l\'organisation pour la rendre plus perméable à ce qui se joue dans l\'activité réelle, telle qu\'elle est vécue et discutée par ceux qui la réalisent. 40. Il s\'agit en somme d\'œuvrer à une meilleure reconnaissance des enjeux du travail réel dans les processus de conception et de décision qui configurent le travail prescrit. 41. Cette perspective implique de ne pas limiter l\'intervention à un registre compassionnel ou psychologisant, mais de l\'inscrire dans une visée de transformation organisationnelle et sociale. 42. Elle suppose de tisser des liens avec d\'autres acteurs (direction, encadrement, représentants du personnel, préventeurs...) pour créer les conditions d\'un dialogue rénové sur le travail et ses enjeux. 43. L\'horizon est celui d\'une organisation du travail plus démocratique, sachant faire place à la controverse sur les critères et les finalités de l\'activité, et s\'enrichir de l\'expérience de ceux qui la font vivre au quotidien. 44. En ce sens, la clinique de l\'activité se définit comme une pratique engagée, refusant la position d\'extériorité ou de neutralité parfois revendiquée en psychologie. 45. Elle assume une responsabilité dans la mise en débat du travail comme enjeu à la fois subjectif, organisationnel et politique, en s\'efforçant d\'outiller ce débat par des méthodes cliniques rigoureuses. 46. Son pari est celui d\'une psychologie qui ne se contente pas d\'observer le monde du travail de loin, mais contribue à le transformer en renouvelant les manières de dire et de penser l\'activité.