Partie 2 - Chapitre 3 - Étude de la Constitution PDF

Summary

Ce document examine la garantie de la Constitution en étudiant le contrôle politique et le contrôle juridictionnel. Il analyse les modèles de justice constitutionnelle américain et européen. Le document aborde les problèmes d'efficacité et de légitimité du contrôle politique, et explore les concepts clés liés à la suprématie de la Constitution.

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25/10 DEUXIÈME PARTIE LA Constitution Chapitre 3 : La garantie de la Constitution I. Contrôle politique et contrôle juridictionnel A. L'inefficacité du contrôle politique 1\. Quelques exemples du contrôle politique 2\. Les problèmes inhérents au contrôle politique B. Le problème de la légiti...

25/10 DEUXIÈME PARTIE LA Constitution Chapitre 3 : La garantie de la Constitution I. Contrôle politique et contrôle juridictionnel A. L'inefficacité du contrôle politique 1\. Quelques exemples du contrôle politique 2\. Les problèmes inhérents au contrôle politique B. Le problème de la légitimité du contrôle juridictionnel 1\. La remise en cause de la loi, expression de la volonté générale 2\. Le risque du gouvernement des juges II\. Les « modèles » de justice constitutionnelle A. Le modèle américain 1\. *Marbury v. Madison* 2\. Principaux traits du contentieux constitutionnel américain B. Le modèle européen 1\. L'existence d'une juridiction spécialisée 2\. La grande diversité des procédures La Constitution est la **norme suprême de l'ordre juridique** et elle **s'impose en principe à l'ensemble des pouvoirs publics**, y compris le pouvoir législatif. Pendant longtemps, notamment pendant l'État légal, il n'y avait **pas de garantie juridictionnelle au respect par les acteurs politiques de cette norme suprême**, on pouvait donc se demander si la Constitution ne constituait pas une barrière de papier. Un contrôle opéré, non plus par les autorités politiques elles-mêmes, mais par les juges, est alors né. C'est à ce moment que l'on distingue le **passage de l'État légal a l'État de droit constitutionnel**. I. CONTRÔLE POLITIQUE ET CONTRÔLE JURIDICTIONNEL La tradition constitutionnaliste s'est orientée quant à la garantie de la suprématie de la Constitution dans 2 directions : \- *le constitutionnalisme politique* : c'est aux **organes politiques eux-mêmes** qu'il revient de s'assurer que **les règles constitutionnelles sont respectées** par le biais d'un contrôle réciproque voire par la forme d'un auto-contrôle. \- *le constitutionnalisme juridique* : un tel contrôle politique est inefficace donc il convient de le remplacer par un contrôle juridictionnel. La première pose un **problème d'efficacité**, la deuxième un **problème de légitimité**. A. L'INEFFICACITÉ DU CONTRÔLE POLITIQUE 1\. Quelques exemples du contrôle politique Le constitutionnalisme politique est une tradition qui a longtemps été celle de la France en raison de l'orientation légicentriste de notre constitutionnalisme. C'est également cette doctrine qui est encore largement partagée aux États-Unis (pas de contrôle de constitutionnel des lois) même si elle est de plus en plus remise en cause par la doctrine. On a traditionnellement l'habitude de renvoyer l'idée d'un contrôle politique à Benjamin Constant dans *Principes de politique* (1815). Dans ses *Principes de politiques*, Constant avance une **théorie du pouvoir neutre**, idée selon laquelle **il revient au pouvoir royal le soin d'opérer une garantie de la Constitution**. En effet, « *le pouvoir royal est un pouvoir neutre, celui des ministres est un pouvoir actif* ». Un pouvoir neutre est donc un pouvoir non pas de prendre des décisions politiques mais de **faire en sorte que les différents pouvoirs politiques respectent chacun leur sphère de compétence**. « *Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir judiciaire sont trois ressors qui doivent coopérer. Mais quand ces ressors dérangés se croisent, s'entrechoquent et s'entravent, il faut une force qui les remette à leur place *». Autrement dit, **le pouvoir royal sert a régler le mécanisme constitutionnel lorsque celui ci se dérègle**. Cette théorie est naturellement dépassée mais un grand nombre d'États ont eu tendance à confier au **chef de l'État** le soin de veiller à ce que les organes politiques n'outrepassent pas les limites constitutionnelles. 🡺 *exemple* : Aux États-Unis, le président dispose d'un droit de veto sur les lois passées par le Congrès. Même si il est principalement utilisé pour des motifs d'utilité politique, il a été constitué au départ pour éviter que le Congrès excède ses compétences et empiète sur le pouvoir du président. La France continue aujourd'hui de **confier au chef de l'État le soin « de veiller au respect de la Constitution »** (article 5 de la Constitution de 1958). Il dispose pour cela d'un certain nombre d'**outils** tels que la possibilité par exemple de demander une nouvelle délibération au Parlement sur une loi adoptée. On a donc bien une forme de contrôle politique effectué par le chef de l'État. Cependant, **le Parlement effectue de son coté une sorte de contrôle politique du contrôle du respect de la Constitution effectuée par le chef de l'État** (il peut par exemple prononcer une irrecevabilité d'un texte si celui-ci est contraire a la Constitution). 2\. Les contrôles inhérents au contrôle politique Le contrôle politique reste assez largement tributaire d'une conception mécaniste de la Constitution qui empêche de voir en elle une limite normative. **Lorsque les organes politiques se contrôlent les uns les autres, ce contrôle sera généralement guidé par une logique d'opportunité politique**. Ainsi **lorsque le président pose son veto, c'est plutôt pour des raisons politiques que pour véritablement protéger la Constitution**. **On fait en quelques sortes du loup le gardien de la bergerie**. Dès lors que la Constitution a pour objet de mettre des limites normatives au pouvoir politique, en confier la garantie au pouvoir politique abouti à attraire cette garantie sur le terrain de l'opportunité politique. **Ce contrôle peut avoir pour finalité que chaque organe cherche a accroître ses propres prérogatives politiques**. **Le chef de l'État ne sera donc jamais un véritable pouvoir neutre** puisqu'il posera son veto sur des lois avec lesquelles il est en désaccord politique. Ainsi, cette forme de constitutionnalisme est souvent critiquée par une forme de constitutionnalisme juridique, qui suppose le contrôle du respect par les organes juridiques, et notamment par le législateur, de la Constitution. B. LE PROBLÈME DE LA LÉGITIMITÉ DU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL 1\. La remise en cause de la loi, expression de la volonté générale Dans la tradition française, le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois est loin d'être une évidence. Les **révolutionnaires français** nourrissaient a l'égard des juges une véritable **méfiance qui provenait principalement de la pratique des anciens parlements de l'Ancien régime** (qui n'étaient pas des organes législatifs mais des juridictions souveraines, les ancêtres de nos cours d'appel), dont chacun était souverain dans son ressort. Il arrivait dans l'Ancien régime que les édits royaux fassent l'objet par les parlements de remontrance. **Pour être applicables, il fallait que ces édits soient enregistrés** (que chaque Parlement dise que « cet édit est applicable au sein du ressort »). Or, **lorsque le Parlement jugeait que l'édit royal en question était contraire aux lois fondamentales du royaume, celui-ci refusait d'enregistrer l'édit du roi**. Donc **les parlements de l'Ancien régime avaient le pouvoir d'écarter les lois du roi**. Lorsque cela arrivait, le roi devait se déplacer dans le Parlement en question pour tenir un **lit de justice,** procédure par laquelle **le roi ordonne aux parlementaires d'enregistrer ledit édit** et peut également prononcer l'exil des parlementaires (ce qu'il faisait souvent). Tant que le roi ne s'était pas déplacé, l'édit demeurait inappliqué. Les révolutionnaires voulaient donc de 1, une **Cour de cassation**, et de 2, **que les juges ne puissent plus mettre de frein à l'application de la loi** puisque celle-ci est « l'expression de la volonté générale » (article 6). Dès lors, il est impossible de permettre à des juges de choisir quelle loi est applicable ou non. **Article 10 du Titre II de la loi des 16 et 24 août 1790** : *Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture. »* 🡺 Cet article dispose que **le juge qui se mêlerait du pouvoir législatif se verrait exposé à des poursuites pénales**. L'instauration en **1958** d'un **contrôle de constitutionnalité des lois confié a un organe indépendant** marque donc la **fin d'un absolutisme de la loi**. Avec notamment la montée en puissance du contrôle de constitutionnalité, la tradition légicentriste prend un coup. La création d'un juge constitutionnel suppose que la loi ne soit plus à elle seule l'expression de la volonté générale. Le Conseil constitutionnel lui-même acte cette nouvelle Constitution de la loi dans sa **décision du 23 août 1985** : « La loi... n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » 🡺 **Une loi qui ne respecterait pas la Constitution n'exprime en réalité pas la volonté générale**. **28/10** On a la un **problème de légitimité** eu égard au principe directeur de notre tradition constitutionnaliste qui fait que la loi soit l'expression de la volonté générale. Cependant, plusieurs auteurs ont tenté de justifier cette remise en cause de la loi comme expression de la volonté générale. 2 théories convergent alors : - *théorie n°1* : **« la théorie de l'aiguilleur »** développée par Charles Eisenmann puis reprise par Favoreu Cette théorie indique que toute censure prononcée par le juge constitutionnel se fait pour des **questions de forme ou de compétence**. Lorsque le Conseil constitutionnel juge par exemple qu'une loi est contraire au principe de nécessité des délits et de peines ou a la liberté d'association, **il indique que le législateur n'était pas compétent à raison de la matière pour adopter cette loi**. C'est pourquoi la décision du juge constitutionnel a pour objet de **créer un choix ou un aiguillage entre deux voies possibles**. Soit la loi est laissée telle quelle, et elle ne peut donc pas entrer (pour le contrôle a priori) ou rester en vigueur (pour le contrôle a posteriori). Soit la loi est adoptée de nouveau en la forme constitutionnelle, c'est-à-dire en la forme de révision de la Constitution, autrement sa mise en vigueur est précédée d'une révision constitutionnelle. Ce que le législateur ne peut pas faire, le constituant le peut. Selon cette théorie, **le juge constitutionnel fait un choix entre condamner la loi ou faire adopter une révision constitutionnelle**. Dans certaines parties du contentieux constitutionnel français, cette théorie de l'aiguilleur est assez visible. Le Conseil constitutionnel peut être saisi pour contrôler la constitutionnalité d'un traité que le président veut ratifier. En effet, la ratification du président ne peut intervenir sans révision préalable de la Constitution. **Le Conseil constitutionnel laisse au pouvoir politique un choix : ne pas adopter le traité ou faire adopter une révision constitutionnelle**. De ce point de vue, la souveraineté de la loi n'est pas remise en cause mais elle est portée à un niveau supérieur de la hiérarchie des normes : **elle peut rendre constitutionnel ce qui, au départ, ne l'était pas**. Mais **la théorie de l'aiguilleur ne s'applique que dans le cas de la ratification des traités**, car quand le Conseil constitutionnel contrôle une loi et qu'il la déclare contraire à la Constitution, elle est supprimée de l'ordre juridique. Si une révision de la Constitution intervient, cette révision n'aura pas pour effet de faire revivre la loi tuée par le Conseil constitutionnel, il faudra faire re adopter une nouvelle loi. La décision du Conseil constitutionnel va donc bien au-delà du simple aiguillage. - *théorie n°2* : **« la théorie du lit de justice »** mise en avant par Georges Vedel Lorsque le Conseil constitutionnel censure une loi, il le fait **au nom d'une interprétation donnée de la Constitution** parce qu'il juge que telle norme constitutionnelle fait obstacle à ce qu'une loi veut mettre en place. Le Conseil constitutionnel n'est légitime à remettre en cause la loi que pour autant que **le pouvoir constituant peut intervenir pour renverser l'interprétation** faite par celui-ci de la Constitution. Vedel parle ici de « lit de justice » à l'image de ce qu'il se passait sous l'Ancien régime (*voir I-B-1*) Dès lors que le pouvoir constituant est l'expression ultime de la souveraineté nationale, **le juge constitutionnel n'est légitime à renverser la loi que pour autant qu'il puisse être renversé par le pouvoir constituant lui-même**. C'est pour cela que Vedel était hostile a tout contrôle de constitutionnalité des révisions constitutionnelles. Le juge constitutionnel n'est donc légitime que pour autant qu'il n'a pas le dernier mot. Cette théorie permet de rendre légitime l'intervention du juge constitutionnel, même à l'encontre de la volonté du législateur, dès lors que **le juge constitutionnel demeure lui aussi soumis a la volonté du pouvoir constituant**. 2\. Le risque du gouvernement des juges La justice constitutionnelle, de manière générale, ne laisse pas de soulever des problèmes de légitimité. On parle alors de **risque du gouvernement des juges**. La notion de gouvernement des juges est souvent employée pour dénoncer telle ou telle décision de justice quand celle-ci déplaît au Président. Ici, nous verrons la notion de gouvernement des juges comme le **problème de légitimité qui affecte le contrôle de constitutionnalité des lois effectué par des juges qui entendent remettre en cause des choix démocratiquement légitimes**. Lorsque le législateur a été élu pour faire telle ou telle réforme, il semble problématique que des personnes non élues viennent remettre en cause des choix démocratiques exprimés par le législateur. 🡺 **Théorie développée par Édouard Lambert dans** ***Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis*** **(1921)** Cet ouvrage paraît en France alors qu'a lieu un **débat sur l'opportunité d'introduire un contrôle de constitutionnalité des lois** n'existant pas à l'époque. L'ouvrage de Lambert va peser en un sens contraire dans la balance puisqu'il va **faire obstacle à la création d'un contrôle de constitutionnalité des lois**. *Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis* constitue une sorte de **retour d'expérience d'un voyage d'étude aux États-Unis** durant lequel Lambert s'est plongé dans la jurisprudence américaine, qui lui paraît néfaste. A plusieurs reprises, **la Cour suprême est venue censurer un certain nombre de lois créant de nouveaux droits sociaux sur le fondement de l'interprétation de la Constitution,** dissimulant mal les préférences politiques des juges. 🡺 **Arrêt marquant : l'arrêt Lochner (1905)** : Le législateur de l'État de New York avait introduit une loi venant limiter le temps de travail dans les boulangeries. Les patrons boulangers étaient contres et avaient invoquées devant la Cour suprême le principe de **liberté contractuelle** (si un employé et un patron s'accordent pour contracter pour que l'employé travail 20/24h dans la boulangerie, le législateur ne doit pas remettre ça en cause puisque c'est consenti) Or, **dans la Constitution, on ne trouve nul part de référence à la liberté contractuelle**. **La Cour suprême a donc décide de déduire ce principe de la** ***Due process clause***, qui dispose qu'en cas de privation arbitraire de sa vie de ses biens de sa liberté, il faut une procédure juridique établie par la loi. **Le juge suprême américain décide d'interpréter cette clause comme couvrant toute une série de droits non énumérés dans la Constitution, dont la liberté contractuelle**. Comme Lambert le fait remarquer, le choix d'interpréter ainsi la *Due process clause* comme contenant des droits non énumérés dans la Constitution est un **choix politique de la part du juge**. Cette notion de *Due process clause* sera par la suite utilisée par la Cour suprême dans les années 1950-60 pour orienter la jurisprudence en un sens beaucoup plus progressiste (c'est grâce à elle qu'auront lieu les jurisprudences en matière de droits à la contraception par exemple). Lambert ne critique pas tant ici l'interprétation conservatrice de cette clause mais plutôt **le caractère politique de la jurisprudence**. *On peut relever 2 problèmes principaux* : \- **Absence de légitimité démocratique du juge constitutionnel** : Le Parlement est élu démocratiquement, le juge constitutionnel ne l'est pas 🡺 difficulté contre majoritaire \- **Politisation de l'office du juge **: Lorsqu'il statue sur la conformité à la Constitution d'une loi, le juge rend une décision politisée - **L'absence de légitimité démocratique du juge constitutionnel** *Première contre-objection* : Les juges qui censurent une loi vont à l'encontre la volonté des représentants élus de la nation. Ce problème ne se pose vraiment que si on retient une double conception de la démocratie**.** D'abord, une conception de la démocratie qui fait de **l'élection le seul critère de légitimité démocratique** et deuxièmement, une notion de démocratie qui réduit cette dernière à la **démocratie majoritaire,** avec l'idée que celle ci se résume à la décision de la majorité. Il est néanmoins permis de nuancer ces conceptions et donc de nuancer le problème que cela implique par rapport le juge constitutionnel. D'abord, **c'est la Constitution qui a confié cette compétence au juge constitutionnel**. Cependant, on se heurte ici au problème de la *dead hand of the past*. En revanche, **la justice constitutionnelle**, en raison de l'indépendance de ceux qui l'exercent, **permet d'apporter un tempérament aux tendances potentiellement antidémocratiques des processus démocratiques eux-mêmes**. Lorsqu'on a une majorité au pouvoir, elle est démocratiquement élue, mais la tentation sera forte pour elle de modifier les règles démocratiques pour que la minorité n'accède pas au pouvoir. **La justice constitutionnelle est donc un moyen de faire obstacle à la tyrannie de la majorité**. La démocratie suppose l'égalité des citoyens devant la loi et leur égalité dans l'accès au pouvoir politique, il est donc essentiel que le juge constitutionnel soit **contre-majoritaire**. Cependant pour les opposés à cette théorie, la justice constitutionnelle fait bien plus que cela. En effet, quand la justice constitutionnelle découvre des **droits sociétaux**, des droits économiques et sociaux, **n'y a-t-il pas ici quelque chose qui va au-delà de la garantie du bon fonctionnement des processus démocratiques ?** Finalement pour chaque argument on peut trouver une objection. *Deuxième contre objection* : Les juges ne sont pas élus et sont donc illégitimes. **Est ce que leur élection les rendraient plus légitimes ?** Dans de nombreux pays, les juges sont élus directement (dans certains états fédérés américains) ou non (élus par le Parlement en Allemagne, nommés par le chef de l'État après contrôle du Parlement en France). Dans de nombreux cas, les juges sont élus directement, ou bien nommés ou élus par des autorités elles-mêmes nommées ou élues. Cependant, il faut bien voir que **l'élection directe ou indirecte des juges ne contribue pas nécessairement a leur légitimité**. 🡺 *exemple* : Au Mexique, le Président Obrador (2018 - 2024) et la Présidente Sheinbaum, qui lui a succédé, ont entamé une vaste réforme de l'appareil judiciaire visant a faire élire la totalité des juges. Mais celle-ci pose problème car elle a pour effet de renforcer la politisation des juges. Si il veut être élu, le juge doit faire campagne et donc être politisé mais cela pose problème au regard de l'exigence de l'État de droit puisque c'est reconnaître que l'application de la règle de droit dépend du juge qui l'applique. Il sera aussi influencé par la pression populaire puisque il prendra des décisions en fonction de celle-ci pour être réélu. - La politisation de l'office du juge A. De Tocqueville, *De la démocratie en Amérique*, I, I, VI Le juge américain ressemble donc parfaitement aux magistrats des autres nations. Cependant il est revêtu d\'un immense pouvoir politique. D\'où vient cela? Il se meut dans le même cercle et se sert des mêmes moyens que les autres juges; pourquoi possède-t-il une puissance que ces derniers n\'ont pas? La cause en est dans ce seul fait: les Américains ont reconnu aux juges le droit de fonder leurs arrêts sur la Constitution plutôt que sur les lois. En d\'autres termes, ils leur ont permis de ne point appliquer les lois qui leur paraîtraient inconstitutionnelles. (\...) Le juge américain est amené malgré lui sur le terrain de la politique. Il ne juge la loi que parce qu\'il a à juger un procès, et il ne peut s\'empêcher de juger le procès. La question politique qu\'il doit résoudre se rattache à l\'intérêt des plaideurs, et il ne saurait refuser de la trancher sans faire un déni de justice. 🡺 De Tocqueville remarque que **le juge américain « *****est revêtu d'un immense pouvoir politique***** **». La cause en est dans ce seul fait : « *les Américains ont reconnu aux juges le droit de fonder leurs arrêts sur la Constitution plutôt que sur les lois. En d\'autres termes, ils leur ont permis de **ne point appliquer les lois qui leur paraîtraient inconstitutionnelles*** »*.* Le juge est souvent amené à trancher un **différent politique** (*exemples* : mariage pour tous, droit à la contraception...) déjà amené par le Parlement pour des raisons politiques. Lorsque le juge a à trancher la question de la constitutionnalité de la loi, il doit répondre à cette question : **la loi litigieuse viole-t-elle une règle de droit, ou bien relève-t-elle de la libre appréciation du pouvoir politique du législateur ?** Il doit donc tracer une ligne entre ce qui relève de la **régulation constitutionnelle du pouvoir constituant**, et ce qui relève de la **libre interprétation politique du législateur**. La Constitution fonctionne par **grands principes généraux et indéterminés** bien plus que par des règles précises, cela pose donc problème. Lorsqu'elle invoque par exemple le principe de nécessité des délits et des peines, la question de savoir si tel ou tel dispositif porte atteinte à ce principe n'est pas de prime abord évidente. **Il ne résulte souvent pas de la seule lecture de la Constitution que telle ou telle loi entre ou non dans le champ de la régulation constitutionnelle**. Il n'est pas toujours évident de savoir ou mettre le curseur entre le terrain de ce qui est politique, sur lequel le juge n'a pas a entrer, et de l'autre sur le terrain du droit constitutionnel, que le juge doit appliquer et faire appliquer. C'est pourquoi **c'est au juge de déterminer ce qui relève de l'appréciation du pouvoir politique et ce qui relève du droit**. 🡺 *exemple* : On peut comparer la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême américaine sur la question du **mariage pour tous**. Sur cette question, le juge constitutionnel français et le juge suprême américain ont adopté des positions diamétralement opposées. Le juge constitutionnel français adopte depuis toujours une posture relativement prudente sur les questions de société. Dans sa **décision n°74-54 du 15 janvier 1975**, le Conseil constitutionnel déclare que «* L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen* ». C'est pourquoi sur cette question, il a eu une réponse très simple : **cela relève de l'appréciation générale du Parlement**. Il a donc jugé que cette question se situait du côté politique. Ainsi, dans sa décision du 28 janvier 2011 92 QPC, le Conseil constitutionnel a décidé que l'interdiction du mariage aux couples du même sexe ne violait pas la Constitution. De la même manière, en 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi qui ouvrait ce droit n'était pas contraire à la Constitution. Il est loisible au législateur d'ouvrir ou non le droit de se marier aux couples du même sexe. La question se trouve donc du côté politique. Au contraire, pour la jurisprudence du la Cour suprême américaine, on a pas de disposition relative a cette question-là. Les dispositions mobilisées par le juge français et le juge américain sont les mêmes. Or, dans sa **décision du 26 juin 2015**, la Cour suprême des États-Unis a jugé que l'interdiction faite par un certain nombre d'États américains aux couples du même sexe de se marier violait autant la *Due process clause* que le principe d'*equal protection clause*. **A partir de constitutions globalement équivalentes, les deux juridictions tirent des conclusions radicalement opposées **: dans un cas, le juge considère que cela relève de l'appréciation politique, dans l'autre, il considère qu'une limite constitutionnelle est franchie et que la question relève donc du droit. Mais **cette décision est elle-même une décision politique** : quand le juge décide d'attraire ou non une question au sein de la matière constitutionnelle, c'est une décision politique. **II. LES « MODÈLES » DE JUSTICE CONSTITUTIONNELLE** On a coutume de distinguer 2 modèles de justice constitutionnelle : le **modèle américain**, qui confie aux **juridictions ordinaires** le soin de contrôler le respect de la Constitution, et le **modèle européen**, qui confie ce contrôle a un **juge spécialisé**. A. LE MODÈLE AMÉRICAIN 1\. *Marbury v. Madison* = acte inaugurale du contrôle de constitutionnalité des lois aux États-Unis - Les faits On distinguait aux États-Unis d'un côté, le **parti fédéraliste, partisan d'un pouvoir fort de l'État fédéral** et comprenant des personnalités politiques marquantes des États du nord, et de l'autre, le **parti républicain démocrate, attaché a l'indépendance des États fédérés** et tenus principalement par des personnalités politiques marquantes du sud (comme Thomas Jefferson). On assistait donc à une opposition entre les deux partis pour des **raisons fiscales et financières** : les États du sud, agricoles, étaient très riches (car possédaient des esclaves), alors que les États du nord, industrialisés, étaient plus pauvre (car main d'œuvre coûteuse vu que pas d'esclave). Lors des élections présidentielles de 1800, John Adams (fédéraliste) se fait battre par **Thomas Jefferson (républicain démocrate)**. Or, Adams demeure un canard boiteux entre novembre et mars. Il fait donc passer un certain nombre de lois, notamment le ***Judiciary** **Act*** **de 1801** qui va **multiplier les nouveaux postes de juge** pour que le pouvoir sortant puisse nommer un grand nombres de ses connaissances à des fonctions juridictionnelles. Adams fait donc confirmer par le Sénat des personnes de confiance, même le jour juste avant les élections (qu'on appelle « juges de la dernière heure »). Dans la hâte, **le secrétaire d'État, Marshall, oublie de délivrer la commission à toute une flopée de juges de la dernière heure**. Les juges ne peuvent donc pas entrer en fonction. L'un d'entre eux est le sir Marbury. Mais Marshall a entre temps été nommé en janvier **président de la Cour suprême**. Le 4 mars, Jefferson entre en fonction en même temps que son **nouveau secrétaire d'État, Madison**, tous deux démocrates. **Madison refuse de délivrer à ces** ***midnight judges*** **leur acte d'installation**. Les postes demeurent donc vacants et sont ensuite occupés par des démocrates. - La procédure **Marbury va alors contester le refus de Madison de lui délivrer sa commission devant la Cour suprême directement** (normalement, il devait passer par d'autres cours avant, mais il invoque les dispositions d'une précédente loi, la *Judiciary Act* de 1789, qui permet à la Cour suprême d'être saisie directement à fin d'injonction sur les autorités fédérales). Marbury arrive donc devant une **cour présidée par Marshall**, or c'est lui même qui avait oublié d'envoyer l'acte d'installation à l'intéressé. **Il est donc à la fois le secrétaire d'État et se trouve amené à statuer sur la légitimité du refus par Madison de donner sa commission à Marbury**. 04/11 Marshall est confronté a un dilemme : il a oublié d'envoyer à Marbury son acte donc s'il lui donne raison, sa décision sera interprétée comme du **copinage politique** mais s'il lui donne tord, il donne gain de cause à Madison avec qui il entretient des relations exécrables. Il va donc essayer de trouver une **tierce voie pour donner raison et tord à Marbury**. - Les thèses en présence Il va donc à la fois reconnaître que Madison a agit fautivement vis a vis de Marbury en refusant de lui envoyer son acte de confirmation mais d'un autre côté, il va débouter Marbury de ses demandes. Il procède de la façon suivante : \- Il dit que Marbury, qui a été confirmé par le Sénat dans les règles, a bien été lésé, que **Madison a bien commis une faute en l'empêchant d'accéder à son poste** \- Puis, il affirme que **le recours de Marbury est mal formé**. Celui-ci a en effet porté le recours directement devant la Cour suprême, alors qu'il aurait d'abord du passer devant une juridiction de première instance, puis une juridiction d'appel, puis enfin la Cour suprême. Pour effectuer son recours, Marbury s'est fondé sur le ***Judiciary Act*** **de 1789**, qui permet à la Cour suprême d'être saisie directement à fin d'injonction sur les autorités fédérales. **Marshall affirme que cette loi est contraire a la Constitution**, en l'espèce à l'article 3 de la Constitution, qui réserve à de très rares hypothèses la compétence de premier ressort de la Cour suprême. Par conséquent, **le recours de Marbury est irrecevable** et alors même que celui-ci est victime d'un préjudice, il doit être débouté de ses prétentions. Marshall déboute donc Marbury pour donner formellement raison a Madison en affirmant néanmoins que celui ci a commis une faute et par le même moyen, **il créé la possibilité d'un contrôle de constitutionnalité des lois**. Le contrôle de constitutionnalité des lois **renforce le pouvoir des juges** et donc des États fédérés potentiellement **au détriment de l'État fédéral**. Néanmoins, il serait exagéré de croire que la naissance d'un contrôle de constitutionnalité des lois aux États-Unis est le fruit de ces circonstances uniquement. Cette idée est en réalité plus ancienne, on en trouve des formulations dès **1788** sous la plume d'Hamilton (futur leader du parti fédéraliste) : les ***federalist papers*** (ensemble d'articles publiés à New York entre 1787 et 1788 par 3 auteurs dont Hamilton) ont pour but de faire connaître au grand public la **Constitution de Philadelphie**. 🡺 article n°78 des *federalist papers* : Cet article s'intéresse au pouvoir judiciaire. Hamilton **compare le pouvoir judiciaire et les deux autres branches du gouvernement** : la branche exécutive (Président et gouvernement) et la branche législative (Congrès) Pour lui, **l'exécutif dispose de la force, le législateur dispose de la volonté, le juge ne dispose ni de l'une ni de l'autre, il ne dispose que du jugement** (déduire une conclusion à partir de prémices certaines). En effet, le juge ne pose pas de nouvelle loi, il n'a pas de volonté et pas de force vu qu'il doit compter sur le bon cours de l'exécutif pour faire exécuter ses jugements. Hamilton en conclue que le pouvoir judiciaire est la **branche la moins dangereuse** du système politique. C'est sur ces fondements qu'Hamilton **justifie le contrôle de constitutionnalité des lois.** Il adopte une **conception normative de la Constitution**, qui est un ensemble de règles de droit nécessairement supérieures à la loi car le législateur n'est que le délégataire du peuple américain. **Le peuple délègue (par la Constitution) au Congrès le soin de légiférer** (théorie du pouvoir constituant et constitué). Le Congrès est donc lié par les termes de la délégation. Dès que le Congrès pose des règles de droit, elles doivent être **conformes à celles posées par la Constitution**. Lorsque le juge est confronté à des lois inconstitutionnelles, il est en réalité confronté à un **conflit de normes**. D'un côté, une norme constitutionnelle, de l'autre, une norme législative. Or, les conflits de normes sont **routiniers pour le juge**. Il dispose pour y faire face d'un ensemble d'adages juridiques : la loi postérieure déroge à la loi antérieure, la loi spéciale déroge a la loi générale... Or, lorsqu'il est confronté à une loi inconstitutionnelle, il est confronté à un **conflit de loi entre une norme supérieure et une norme inférieure** : il emploiera donc le principe selon lequel la loi supérieure déroge à la loi inférieure. Pour Hamilton il est **logique, naturel**, que le contrôle de constitutionnalité se rattache à l'office du juge. Marshall reprendra ce principe dans l'affaire *Marbury v Madison*. Celui-ci insiste sur le caractère écrit de la Constitution : si un peuple prend la peine d'en écrire une, c'est pour qu'elle ne puisse être violée par les différents organes. De fait, l'**écriture de la Constitution suppose une supériorité de celle-ci.** « *C'est par excellence le devoir du juge de dire le droit et lorsque le juge est confronté à deux lois contraires ou contradictoires, dire le droit c'est dire quelle est la norme applicable* » (Marshall)  **Le contrôle de constitutionnalité des lois se rattache de manière inhérente à l'office du juge.** 2\. Principaux traits du contentieux constitutionnel américain Aux États-Unis, **le contrôle est exercé par le juge ordinaire** (en Europe, il est exercé par un juge spécialisé). C'est le même juge que celui qui tranche les litiges particuliers. Ce contrôle est **effectué de manière diffuse** : on ne confie pas à la seule Cour suprême le soin d'effectuer ce contrôle, **tout juge est capable de l'effectuer**. Ce contrôle diffus est néanmoins effectué **sous le contrôle de la Cour suprême.** Celle-ci tranche les question constitutionnelles les plus épineuses et ses arrêts s'imposent par la règle du précédent aux juridictions inférieures. **Le contrôle de constitutionnalité est toujours lié a un litige concret** puisque l'article 3 de la Constitution conditionne l'intervention d'un juge à l'existence d'un litige. Autrement dit, **il n'est pas possible d'agir directement par voie d'action devant le juge aux fins de faire déclarer une loi comme contraire à la Constitution**. Il faut que cette loi soit appliquée et que à l'occasion de son application, on invoque l'inconstitutionnalité de celle-ci. Par conséquent, **le contrôle est incident**, il vient se greffer au litige principal. Le contrôle est exercé par la voie d'un argument souvent soulevé en défense qui a pour objet de bloquer les prétentions adverses. 🡺 *exemple* : On est accusé d'avoir euthanasié notre grand-mère. option 1 : dire ne pas l'avoir fait option 2 : \- **exception de procédure** : dire que tel acte a été pris sans que telle ou telle procédure ait été accomplie \- **exceptions de fonds** : exception d'inconstitutionnalité « oui je l'ai euthanasiée mais la loi qui interdit l'euthanasie est inconstitutionnelle » Si le juge accueille l'exception, on a gagné même si on a bel et bien commis les faits qui nous sont reprochés. Donc en principe, **le juge de l'action est aussi le juge de l'exception**. Le juge statue à la fois sur le fond du litige et sur l'ensemble des arguments qui viennent détruire ou bloquer les prétentions adverses. Cependant, l'effet du contrôle est limité. En effet, le juge tranche un litige qui est toujours entre deux ou plusieurs parties déterminées. Par conséquent, l'effet de la décision est en principe *inter partes*, c'est-à-dire que **la décision qui décide qu'une loi est inconstitutionnelle ne s'applique qu'aux parties au litige.** Le juge ne supprime pas la loi, il se contente d'en écarter l'application au litige, donc elle continue d'exister. Mais les faits sont en réalité plus complexes. La **règle du précédent** correspond à la règle selon laquelle, **lorsqu'un juge a décidé de quelque chose dans une affaire x, il doit décider de la même chose dans toutes les affaires similaires ou analogues a celle-ci.** De la même façon, **le juge inférieur est lié par les précédents de la cour supérieure**. Donc quand la Cour suprême se prononce sur la constitutionnalité d'une loi, elle ne se contente pas de trancher le cas qu'elle a à connaître ; sa décision s'imposera à toutes les affaires semblables. B. LES MODÈLES EUROPÉENS En Europe, le contrôle de constitutionnalité est confié à un **organe spécialisé**. Néanmoins, le modèle européen connaît une **grande diversité de procédures**. 1\. L'existence d'une juridiction spécialisée La majeure partie des pays d'Europe, ainsi qu'un grand nombre de pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine ont choisi de mettre en œuvre un système de justice constitutionnelle reposant sur l'existence d'un organe spécialisé ; une **Cour/Tribunal/Conseil constitutionnel**. Cet organe est composé de **juges** ***ad hoc*** chargés de traiter de manière spécifique du contentieux constitutionnel. En général, cet organe exerce un **monopole** (les juridictions ordinaires ne peuvent déclarer une loi contraire à la Constitution). On parle donc de **contrôle concentré** dans la mesure où le juge constitutionnel est le seul à pouvoir contrôler la constitutionnalité des lois. Pour Kelsen (rédacteur de la Constitution autrichienne et créateur de la Haute cour constitutionnelle d'Autriche, la première juridiction constitutionnelle moderne), il est faux de prétendre que la justice constitutionnelle se rattache naturellement à l'office du juge, **il pense que l'office du juge est d'appliquer la loi**. Pour lui, contrôler la constitutionnalité d'une loi, et le cas échéant l'abroger, est quelque chose qui se rattache pleinement à la **fonction législative**. Donc le juge constitutionnel lorsqu'il déclare une loi inconstitutionnelle fait la même chose que ce que ferait le législateur lui même s'il voulait abroger une loi. Certes, le juge constitutionnel prend part à la fonction législative mais c'est un juge un peu particulier. En effet, il supprime une lois existante mais il ne peut pas créer de nouvelles lois c'est donc un **législateur négatif**. Le juge constitutionnel **ne peut pas abroger ou écarter une loi pour n'importe quel motif**, il ne peut le faire que si celle ci est contraire a la Constitution (alors que le législateur ordinaire adopte ou abroge une loi pour des motifs politiques). Le juge constitutionnel est un organe juridictionnel doté de l'**indépendance** et de l'**impartialité** reconnue à tout juge, il n'est **pas un organe politiquement responsable** vu que sa fonction est de faire appliquer le droit de la Constitution et la seule manière d'éviter que cette application soit politisée est de lui garantir son indépendance et son impartialité. D'un point de vue organique, la juridiction constitutionnelle est bien une vraie juridiction mais d'un point de vue juridictionnel, elle prend part à la fonction législative. Ce modèle kelsenien s'est répandu en Europe puis dans d'autres continents notamment après la 2GM, en Allemagne, en Espagne après la libération et dans les pays de l'Est après la chute du bloc soviétique. Ces démocraties nouvelles **se méfiaient de la démocratie moderne**, il fallait donc un organe nouveau afin que les erreurs passées ne soient pas reproduites. Les modèles européens donc reposent sur l'existence d'une **juridiction spécialisée qui n'est pas une Cour suprême, située en dehors de l'organisation juridictionnelle** alors que les Cours suprêmes doivent traiter d'affaires concrètes (litiges civils...). Les cours constitutionnelles elles, ne se concentrent que sur les problèmes liés a la Constitution. On a donc deux conceptions très différentes du type d'organe auquel on a affaire. \- États-Unis = **contrôle confié à l'ensemble des juges**, fonction routinière ; \- Europe = **juridiction spécialisée** placée **en dehors de la hiérarchie juridictionnelle** à laquelle on confie le **monopole** du contrôle de constitutionnalité des lois. 2\. La grande diversité des procédures Contrairement au modèle américain, **le** **modèle européen est éclaté** car les procédures sont diverses : il y a **3 grands modèles de procédures** suivies dans les cours constitutionnelles, qui se rattachent en réalité à 2 types de contrôle : 2 se rattachent au **contrôle par voir d'action** et 1 à la **question préjudicielle** (contrôle exercé par voir préjudicielle). ⚠ **contrôle par** **voie d'action** = l'objet principal du litige est l'inconstitutionnalité de la loi. - **Saisine politique** : saisine par voie d'action du juge constitutionnel par certaines autorités politiques. La saisine politique consiste à confier au chef de l'État, au gouvernement, aux sénateurs ou aux présidents des assemblées, la possibilité de **porter une loi à l'appréciation de la Cour constitutionnelle** aux fins d'en faire déclarer l'inconstitutionnalité. L'objet principal du litige sera donc l'inconstitutionnalité de la loi. Cette saisine revêt souvent une **coloration politique.** En effet, on veut trancher un débat auparavant formulé en termes politiques au moment des travaux parlementaires. La saisine va donc être un outil pour les membres de l'opposition de **faire potentiellement obstacle a l'entrée en vigueur d'une loi avec laquelle ils sont en désaccord pour des raisons politiques.** C'est donc une manière de rejouer le match politique. Souvent, ce contrôle intervient de manière *a priori* (avant même que la loi soit promulguée) mais dans certains cas, il peut intervenir *a posteriori* (au Portugal par exemple). En réalité, très peu d'États européens mettent en œuvre cette saisine politique. C'était néanmoins la **seule procédure existante avant 2010**. - **Recours direct par les justiciables **: saisine par voie d'action, à l'initiative des citoyens (administrés, justiciables) : *amparo* **Les citoyens se rendent directement devant le juge constitutionnel**. L'action *popularis* permet à chaque citoyen de porter un recours devant la Cour constitutionnelle pour contester la conformité d'une loi à la Constitution. La finalité du contrôle est d'**assurer la garantie des droits et libertés fondamentaux des citoyens qui portent le recours**. Cette forme de contrôle est finalement **assez rare**, dans la plupart des cas, c'est davantage les mesures administratives et judiciaires d'application de la loi qui peuvent faire l'objet d'un tel recours. - **Question préjudicielle **: saisine du juge constitutionnel par le juge ordinaire La question préjudicielle est à mi-chemin entre le recours par voir d'action et le recours par voie d'exception. C'est une **question posée par un juge ordinaire en charge du litige principal au juge constitutionnel** relativement à la constitutionnalité de la loi applicable au litige en question. C'est donc un outil de collaboration entre le juge ordinaire et le juge constitutionnel.

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